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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 28 avril 1865

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 823) M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Thienpont, secrétaire., donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone présenta l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« La veuve Counase demande un congé pour son fils, François, soldat en garnison à Gand. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Schuelen déclare adhérer à la pétition de l'association de Diest tendante à obtenir un canal. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi de travaux publics.


« Des habitants de Bastogne réclament l'intervention de la Chambre pour que la convention relative à l'embranchement du chemin de fer de Longlier à Bastogne, intervenue en 1862, entre le gouvernement belge et la compagnie du Grand-Luxembourg soit rigoureusement exécutée. »

M. Van Hoordeµ. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« M. Em. Flatau fait hommage à la Chambre de 116 exemplaires d'un ouvrage ayant pour titre : L'Angleterre et l'Allemagne, à propos du Schleswig-Holstein, par M. Pirazzi. »

- Distribution aux membres de la Chambre.


« M. Beeckman, obligé de s'absenter pour des affaires urgentes, demande un congé de deux jours. »

- Accordé.


« M. de Rongé, retenu par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Motion d’ordre

M. Vleminckxµ. - Messieurs, le budget des recettes et dépenses pour l'exercice 1866 vient de nous être distribué.

Quand sera-t-il envoyé en sections, je n'en sais rien. Ce peut être tard, ce peut aussi être tôt.

Dans cette situation je crois devoir présenter quelques observations à a Chambre à l'occasion de la motion d'ordre que j'aurai l'honneur de lui faire tout à l'heure.

Dans le budget des recettes et dépenses le budget de la guerre reste fixé à 35 millions. Cela veut dire en d'autres termes que l'honorable ministre de la guerre n'entend rien changer à l'organisation actuelle de l'armée.

Je dois vous dire que pour mon compte je m'y attendais. La déclaration faite par le ministre dans la dernière discussion du budget de la guerre me l'avait suffisamment prouvé et c'est le principal motif pour lequel je n'ai pas cru pouvoir approuver ce budget.

Vous n'avez pas oublié que vous vous êtes en quelque sorte associés à la déclaration que voici de la section centrale qui a examiné le budget de la guerre de 1865.

« La section centrale prend acte de l'offre faite par M. le ministre de la guerre de soumettre à la Chambre un rapport spécial accompagné de tous les documents nécessaires qui permettront de se former une opinion raisonnée sur l'organisation de l'armée.

« Elle demande que ce rapport soit déposé avant la discussion du budget de la guerre pour 1866 afin que la Chambre soit mise à même de discuter s'il y a lieu d'apporter des modifications à l'organisation de l'armée dans le sens d'une réduction des dépenses. »

Dans le courant de la discussion, il a été dit qu'on avait l'espoir que le rapport serait déposé à temps pour qui tous les membres de la Chambre pussent l'étudier à loisir.

J'avais espéré que ce document aurait été annexé au budget des recettes et dépenses pour l'exercice 1866.

Vous avez pu voir qu'il n'en est rien.

Pourtant ce rapport était, suivant moi, la prémisse obligée des 35 millions qu'on vous demande pour 1866 et qui semblent désormais devoir être pétitionnés pour tous les exercices futurs.

Dans cet état de choses, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre de décider que M. le ministre de la guerre soit invité à déposer, avant l'envoi en sections du budget de la guerre pour l'exercice 1866,1e rapport sur l'organisation de l'année dont il est question dans celui de la section centrale qui a examiné le budget de ce département pour 1865.

Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de développer plus longuement cette proposition. Elle ressort de la nature même des choses.

Il est évident qu'un grand nombre de membres de la Chambre font opposition au budget de la guerre précisément à cause de l'organisation de l'armée, que les uns trouvent trop dispendieuse, que les autres ne croient pas tout à fait appropriée au système stratégique qui a été adopté en 1859.

J'espère, messieurs, que la Chambre accueillera avec empressement cette proposition. Lorsqu'elle aura le rapport qui nous est promis, elle pourra étudier une bonne fois cette organisation qui nous divise depuis tant d'années.

MjTµ. - Il est regrettable que jamais le cabinet ne soit prévenu des motions d'ordre qui sont faites dans cette enceinte. Si M. Vleminckx avait, à l'avance, voulu faire connaître son interpellation, il est probable que M. le ministre de la guerre serait à son banc pour y répondre.

Je ne sais, messieurs, quelle est l'importance du travail qui est demandé et à quel degré d'avancement il est arrivé. Je ne puis donc dire quand il sera déposé sur le bureau.

M. le ministre de la guerre fera tout ce qui dépendra de lui, je n'en doute pas, pour fournir le plus tôt possible à la Chambre le rapport qu'il lui a promis. Il ne peut y avoir aucun doute à cet égard.

Je ferai remarquer cependant qu'il n'y a absolument rien d'insolite dans la marche qui a été suivie. L'honorable M. Vleminckx doit savoir que les budgets doivent, d'après la loi de comptabilité, être présentés avant le 1er mars. Or, c'était à peu près à cette époque que l'on discutait à la Chambre le budget de la guerre et que M. le ministre de la guerre prenait l'engagement de déposer un rapport sur l'organisation de l'armée avant la discussion du budget de 1866. (Interruption.) En attendant il fallait bien que les budgets fussent présentés.

M. Vleminckxµ. - Sans contredit.

MjTµ. - Vous avez exprimé votre étonnement de ce que le budget de la guerre ait été représenté avec les chiffres des budgets antérieurs.

Je réponds à cela que le budget de la guerre, qui devait être présenté avant le 1er mars, devait nécessairement reproduire les chiffres des années antérieures et qu'il était impossible de le présenter dans d'autres conditions. Le rapport, d'après ce qui était convenu, ne devait pas précéder la présentation du budget, mais son examen par la Chambre.

M. Van Overloopµ. - Je ne partage pas l'opinion de M. le ministre de la justice et je ne puis m'étonner avec lui de la motion présentée par M. Vleminckx.

Que demande en réalité M. Vleminckx ? il demande que le gouvernement exécute la promesse qu'il a faite et qu'il soit entendu que la Chambre ne s'occupera pas de l'examen du budget de la guerre en sections avant d'avoir reçu communication du rapport sur l'organisation de l'armée,

MfFOµ. - C'est entendu.

M. Van Overloopµ. - M. Vleminckx ne demande que cela ; la motion pouvait donc être faite en l'absence de M. le ministre de la guerre. (Interruption.)

C'est évident ! Il suffit que l'honorable ministre soit averti. Au fond, la motion de l'honorable M. Vleminckx est parfaitement justifiée.

Pour apprécier s'il y a lieu de maintenir ou de ne pas maintenir le chiffre actuel du budget de la guerre, nous devons nécessairement être nantis du rapport qui nous a été promis, et ce travail doit évidemment nous être remis avant l’examen du budget en sections.

La motion de M. Vleminckx est donc selon moi parfaitement opportune.

(page 824) MjTµ. - Je n’ai pas combattu la motion de M. Vleminckx, mais en présence de l’étonnement qu’il a manifesté de ce que le budget de la guerre pour 1866 portait le même chiffre que celui de 1865, j’ai cru devoir déclarer qu’il ne pouvait en être autrement puisque d’après la loi de comptabilité, le budget devait être présenté le 1er mars, c’est-à-dire à l’époque où l’on discutait le budget de 1865.

Il a été convenu que le rapport réclamé par M. Vleminckx serait remis à la Chambre ; est-il besoin d’une nouvelle décision à cet égard ? Je ne le crois pas. L'engagement pris par M. le ministre de la guerre sera exécuté. Du reste, la Chambre est libre de ne se livrer à l’examen du budget que quand ce rapport lui sera fourni.

M. Rodenbach. - Lorsqu'on a discuté la loi fixant le contingent de l'armée à 80,000 hommes et la levée annuelle à 10,000, j'ai présenté à peu près les mêmes observations que celles qui viennent de vous être soumises par l'honorable M. Vleminckx.

J'ai même dit qu'il me semblait qu'il était rationnel et convenable qu'avant de discuter ce projet de loi, nous fussions en possession du rapport qui nous a été promis par M. le ministre de la guerre. La demande de ce rapport a été faite dans l'espoir qu'il en résulterait la preuve de la possibilité d'économies notables sur les dépenses de la guerre qui montent à la somme énorme de 35 millions.

Ces économies, messieurs, restent dans les vœux d'un très grand nombre de membres de la législature. Nous voulons tous une armée forte et bien organisée, mais nous ne sommes pas disposés à continuer de voter millions sur millions comme nous le faisons depuis un grand nombre d'années.

Je suis donc de l'avis de l’honorable M. Vleminckx, qu'avant même de voter le contingent de l'armée, il faut que nous soyons en possession du rapport qui nous a été promis.

M. Vleminckxµ. - L'honorable ministre de la justice trouve étrange que je me sois basé sur le chiffre du budget de la guerre pour 1866 pour faire une motion d'ordre. Je fais remarquer à l'honorable ministre que je ne me suis pas seulement basé sur ce chiffre, mais encore sur la déclaration formelle faite à la Chambre par M. le ministre de la guerre lui-même lors de la discussion du budget de 1865, déclaration d'où il résulte de la manière la plus formelle qu'il n'entend modifier en rien l'organisation actuelle de l'année.

Autre point : La motion que la Chambre s'est en quelque sorte appropriée n'était pas très explicite ; voici en quels termes elle était conçue : « Elle (la section centrale) demande que ce rapport soit déposé avant la discussion du budget de la guerre pour 1866. » Or, cela ne paraissait pas suffisamment clair, j'ai demandé et je demande encore qu'aux mots « discussion du budget de la guerre » on substitue ceux-ci : « avant l'envoi du budget de la guerre en sections. »

Ceci est bien précis et me semble répondre suffisamment aux observations de M. le ministre de la justice.

M. de Brouckere. - Lorsque j'ai demandé la parole, c'était précisément pour faire remarquer la différence qui existe entre la proposition faite par M. Vleminckx et la conclusion que nous présentait la section centrale du budget de la guerre pour 1865. Cette section centrale nous proposait d’inviter M. le ministre de la guerre à déposer son rapport avant la discussion du budget de 1866. M. le ministre de la guerre, si j'ai bonne mémoire, a pris l'engagement de se conformer à cette proposition de la section centrale. Mais aujourd'hui l'honorable M. Vleminckx demande autre chose.

Remarquez bien que je ne viens pas combattre sa demande ; je constate seulement qu'il propose autre chose : il propose que le rapport promis par M. le ministre de la guerre soit présenté avant l'examen du budget en sections. En d’autres termes, il demande que le budget de la guerre ne soit pas examiné par les sections avant que le ministre de la guerre ait présenté son rapport.

M. Vleminckxµ. - C'est cela même.

M. de Brouckere. - L'honorable M. Vleminckx demande que, lorsqu'on renverra les budgets en sections, il soit bien entendu que le budget de la guerre ne sera pas examiné par elles avant que M. le ministre de la guerre ait présenté son rapport. Est-ce comme cela ?

M. Vleminckxµ. - C'est ainsi.

M. de Brouckere. - Eh bien, je le répète, je ne viens pas du tout combattre la proposition de l'honorable M. Vleminckx, mais je pense que la Chambre ne peut pas prendre une résolution sur cette demande, qui est nouvelle, avant d'avoir entendu M. le ministre de la guerre.

Je propose donc que la décision sur cette motion soit remise à demain.

M. Coomans. - Messieurs, il me semble que l'honorable M. Vleminckx précise une décision de la Chambre sans la modifier. A cet égard, je ne suis pas de l'avis de l'honorable M. de Brouckere. Dire que le dépôt d'un document doit précéder la discussion d'un projet de loi, c'est, en bonne foi, dire qu'il doit précéder l'examen en sections.

La discussion du projet de loi a lieu en sections tout aussi bien que dans la grande enceinte parlementaire. Mais, d'après la théorie de l'honorable M. de Brouckere, déjà indiquée, me paraît-il, par M. le ministre de la justice, les discussions en sections n'offriraient rien de sérieux.

Puisque nous sommes généralement d'accord pour reconnaître que le document demandé au département de la guerre est d'une haute importance, comment pouvons-nous même douter que nous ayons besoin d'être en possession de ce document avant de discuter en sections le budget de la guerre ? Nous modifierions, nous, la décision de la Chambre si nous nous rendions aux observations de l'honorable M. de Brouckere. Moi, je veux confirmer cette décision, en la précisant, et je demande formellement que la Chambre décide qu'elle n'abordera pas la discussion du budget de la guerre dans les sections aussi longtemps qu'elle ne sera pas munie du document demandé au département de la guerre et que celui-ci a promis à la Chambre.

MfFOµ. - Messieurs, je ne comprends pas trop le but de cette discussion.

Le gouvernement a pris l'engagement de déposer, avant la discussion du budget de la guerre, un rapport sur toutes les questions relatives à notre état militaire. A quelle époque a-t-il pris cet engagement ? C'était à une époque très rapprochée du moment où, d'après la loi, devait être déposé le nouveau budget pour 1866 ; il ne pouvait donc pas être question de déposer alors le rapport qu'on avait promis, et dont la rédaction exigeait naturellement un certain délai.

Evidemment, dans la pensée du gouvernement, comme dans celle des honorables membres qui viennent de parler, l'examen du budget doit être ajourné jusqu'au moment où ce rapport aura été déposé. Il n'y a pas de doute à cet égard. Nous n'avons pas la prétention de demander à la Chambre d'examiner le budget de la guerre avant d'être saisie du document dont il s'agit.

Je sais que le département de la guerre s'occupe de ce rapport ; mais je ne puis indiquer l'époque pour laquelle il sera en mesure de le communiquer à la Chambre. Averti d'ailleurs par la présente discussion, il hâtera, autant que possible la confection de ce travail. Les document seront déposés dès qu'ils seront prêts ; et c'est seulement alors que la Chambre examinera dans les sections le budget de la guerre.

M. Allard. - Messieurs, il doit être entendu que l'examen du projet de loi sur le contingent de l'armée sera ajourné dans les sections, en même temps que celui du budget de la guerre ; car naturellement le contingent de l'armée doit être basé sur le budget lui-même.

- Des membres. - Appuyé !

MpVµ. - Je dois dire que tous les budgets ont été renvoyés aux sections de mars qui pourront se réunir dans quelques jours pour les examiner...

MfFOµ. - Suivant un ordre déterminé.

MpVµ. - C'est aux présidents des sections à déterminer l'ordre de leurs travaux. Ils peuvent se concerter et s'entendre à cet égard.

MfFOµ. - Je fais mon observation afin que l'on examine simultanément dans les sections les mêmes budgets et que l'on puisse arriver ainsi aussitôt que possible à un résultat. Sinon, les sections pourraient examiner des budgets différents et les rapports pourraient se faire attendre très longtemps.

C'est pour cela que je demande que l'ordre dans lequel les budgets seront examinés soit déterminé à l'avance. Les présidents des sections pourront s'entendre à cet égard.

MpVµ. - Ou le fait ordinairement ainsi.

M. Vleminckxµ. - Du moment qu'il est entendu que la Chambre ne s'occupera de l'examen en sections du budget de la guerre qu'après le dépôt du rapport promis par M. le ministre de la guerre, je retire ma proposition.

Projet de loi relatif au paiement effectif du cens électoral

Rapport de la section centrale

M. Vander Donckt. - J'ai l'honneur de déposer le rapport da la section centrale qui a examiné la proposition de loi transmise par le Sénat et relative au payement effectif du cens électoral.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi modifiant la loi du 30 mars 1836 sur l’organisation communale

Discussion des articles

Article 7

MpVµ. - La discussion continue sur l’article 2.

M. Julliot. - Messieurs, je ne comptais pas prendre part à la discussion de ce projet, je suis donc pris à l'improviste. Mais le remarquable discours d’hier prononcé par M. le ministre de l'intérieur, dont les tendances utiles au point de vue social se transforment en actes à chaque occasion, me détermine à présenter quelques observations que vous voudrez bien écouter, je ne suis pas long.

Ce discours a fait ressortir toute l’importance du projet en discussion.

On nous donne tour à tour pour points de comparaison la Hollande, la France et l'Angleterre, quelle que soit la diversité de leur caractère constitutif.

Je dis moi, la Hollande soit, mais la France non, pas le moins du monde.

Néanmoins il est un système vrai et utile à toutes les nattons civilisées, c'est l'adoption du principe de la centralisation politique et de la décentralisation administrative. Et ce ne sont pas des mots vides de sens, vous allez le voir. C'est-à-dire qu'il faut gouverner de loin et administrer de près, afin d'éviter les intrigues, les paperasses et la perte de temps et d'argent en rapprochant les administrateurs des administrés. Car décentraliser c'est simplifier.

Ensuite il faut que les institutions de chaque peuple répondent à ses aspirations et à ses mœurs, c'est-à-dire que le degré de liberté doit répondre à la capacité qu'a chaque peuple d'en user sans verser dans la licence, et je me demande : Quand la France étonne-t-elle le monde par son ascendant moral et son élévation matérielle ? Et je réponds : Quand elle a à sa tête un homme de génie qui la comprend et sait la gouverner et l'administrer suffisamment pour la tenir unie et puissante.

Aussi comparer les institutions de la France à celles de la Belgique constitue une erreur de principes incroyable.

Les premières de ces institutions viennent d'en haut pour descendre.

Les secondes viennent d'en bas et remontent.

Le point de départ de la France actuelle, c'est le plébiscite et le pouvoir absolu qui a octroyé la constitution et a tout organisé.

Donc en France le pouvoir étant antérieur et supérieur à la constitution, tout pouvoir émane de l'empereur, qui reste seul responsable.

En Belgique, au contraire, le point de départ de notre existence politique c'est le peuple représenté par le Congrès national qui a octroyé par la Constitution et la monarchie et la dynastie, parce qu'ici tout pouvoir émane de la nation qui se gouverne par ses délégués, le Roi aidé de ses ministres responsables, les Chambres et l'ordre judiciaire, en se réservant expressément les libertés provinciales, communales et individuelles inscrites dans cette même Constitution qui ne peut être modifiée que sur la proposition des trois branches du pouvoir législatif.

La France et la Belgique sont donc politiquement assises sur des bases entièrement dissemblables et leur développement respectif laisse croire que l'une comme l'autre ont les institutions les mieux appropriées à leur tempérament.

Messieurs, quand le chef de l'Etat en France décentralise l'administration, qu'il cède de sa prérogative au ministre, que celui-ci en cède d'autres au préfet qui à son tour se décharge sur le sous-préfet, lequel alors augmente les attributions du maire, il fait une œuvre fort utile en rapprochant l'administrateur de l'administré, mais il n'y a rien de changé dans le caractère des institutions, et les conseils communaux n'ont pas plus d'initiative qu'auparavant ; seulement ils sont libres de rejeter les propositions que le maire leur fera, voilà tout.

Or, malgré ces modifications des institutions communales en France, le maire seul conserve l'initiative dans les conseils et si je puis m'exprimer ainsi pour me faire comprendre, chaque maire représente l'empereur qui par fiction est censé présider à tout ce qui se fait, et les maires n'agiront pas sans consulter le préfet, qui possède la pensée gouvernementale ; d'où il suit que, dans les pays où tout pouvoir émane du chef de l'Etat, les moyens préventifs sont préférables aux moyens répressifs et le régime de la presse en France le prouve. Tandis que dans les pays de liberté tous les moyens préventifs doivent être remplacés par des moyens répressifs, car la liberté implique le droit d'agir sauf répression s'il y a lieu ; ce raisonnement, que je voudrais voir contester par de bonnes raisons s'il en existe, m'amène logiquement à adhérer à la proposition de MM. de Naeyer et Jacobs, car, l'approbation indispensable à ces actes communaux, c'est l'action préventive, tandis que l'annulation est l'action répressive.

Je comprends que M. le ministre de l'intérieur hésite à accepter ces innovations, parce qu'il est responsable de la bonne marche de l'administration, tandis que moi je puis m'en laver les mains en jetant mon discours au vent. Je connais, du reste, assez l'honorable ministre pour savoir qu'il repousse ces amendements non parce qu'ils émanent de l'opposition, mais parce qu'ils lui inspirent des craintes qui, selon moi, ne sont pas fondées. Et puis, n'oublions pas que pour modifier des lois il faut le concours des trois branches du pouvoir législatif...

Je suis encore persuadé que dans un an M. le ministre de l'intérieur sera étonné de sa timidité d'aujourd'hui, car il sera plus convaincu de ce que la Belgique veut être administrée si peu que possible.

L'inaction gouvernementale des six mois de l'année dernière a été une épreuve décisive de notre système. On craint de réduire l'administration à sa plus simple expression. Mais il y a vingt ans les protectionnistes tremblaient à l'idée de réduire la protection commerciale, et où en sommes-nous aujourd'hui, au grand avantage de tous ?

En ce moment, nous combattons les protectionnistes politiques et administratifs défendant la protection que donnent les nombreux bureaux, les employés et les paperasses, comme si cette protection n'était pas aussi fâcheuse que celle que nous avons démolie.

L'honorable ministre se plaint des exigences des communes qui lui demandent plus de fonds qu'il n'a à donner, mais M. le ministre de l'intérieur est trop intelligent pour ne pas rire in petto d'une foule de nos opérations administratives, qui sont ridicules.

Les communes, les provinces et les députes en tête, je ne suis pas le dernier, courtisent le gouvernement pour obtenir de gros subsides pour l'école les routes, les églises ; on va même jusqu'à mendier des tableaux et des statuettes.

M. Hymans. - Et même des statues, car vous aurez votre Ambiorix.

M. Julliot. - Vous êtes trop pressé, donnez-moi le temps, et vous serez satisfait.

Liège va avoir son Charlemagne, Tongres son Ambiorix ; Malines, n'ayant jamais eu de grand homme, on y a fait la statue d'une femme de passage en cette ville ; et tout cela est dû à la générosité du gouvernement. Voilà comme on amuse tous les enfants et les niais, pour qu'ils ne s'ennuient pas.

Mais d'où viennent ces subsides, ce sont les habitants de ces communes qui les fournissent ; or, de deux choses l'une, ou on restitue sous forme de subside à chaque commune ce qu'elle a versé au trésor, et, dans ce cas, c'est absurde de faire promener cet impôt par les bureaux de deux ou trois ministères, où il perd 15 p. c. de sa valeur, pour le faire rentrer à sa source.

Ou bien vous donnez à une commune ce que vous avez pris à d'autres et alors vous portez atteinte au principe de la propriété que vous ne pouvez imposer qu'en raison des besoins du maintien de l'ordre social ; on ne sort pas de là. Que reste-t-il donc à faire ? C'est d'abandonner aux communes les centimes additionnels que vous leur prenez pour les leur rendre après une retenue de 15 p. c.

Un orateur de chaque côté de la Chambre nous a dit que la prospérité fabuleuse de nos communes d'autrefois provenait en grande partie des privilèges de la protection, ce qui constitue indirectement l'éloge des droits différentiels, des octrois, des maîtrises et des jurandes, j'espère que cet éloge ne figure pas aux Annales parlementaires, car on laisserait croire que nous regrettons ce bon temps où il fallait un examen et un diplôme pour faire quoi que ce fût.

Ce sont des regrets que nous ne partageons pas, car nos aspirations à nous sont à la liberté de toutes les professions, et on y viendra. Je conseille à l'honorable ministre de marcher résolument dans le chemin qu'il s'est ouvert, car fortifier la confiance de l'individu, lui apprendre à se passer autant que possible de tutelle, c'est le plus grand service qu'un homme d'Etat puisse rendre au pays.

Je voterai donc l'amendement de MM. de Naeyer et Jacobs, car l'annulation d'office donne tout le pouvoir nécessaire au gouvernement.

Messieurs, le point le plus difficile à traiter dans ces questions, c'est celui de savoir où commence et où finit l'intérêt général ; c'est le pendant de la question de ce qui est matière première ou ne l'est pas, ce que j'ai traité un jour dans un long discours.

Messieurs, j'en viens au dernier amendement de M. Kervyn de Lettenhove et j'en félicite l'auteur, je ne sais en vérité qui oserait combattre le principe de cet amendement ; seulement je désire qu'avant d'agir on attende la statistique de la mainmorte qui est en confection, si je ne me trompe.

En effet, il est même de l'intérêt des partisans de la mainmorte que les privilèges dont jouissent ces biens disparaissent, il est de leur intérêt (page 826) de reconnaître ces biens comme existant en vertu de la loi commune sur la propriété, car du moment qu'ils invoquent des privilèges en leur faveur on peut en établir d'autres contre eux.

L'impôt est prélevé pour garantir à son propriétaire l'objet imposé, et de la manière dont cela se passe, les biens individuels subissant souvent des mutations payent non seulement leur sécurité, mais aussi celle des biens de mainmorte ; ces biens sont soustraits au commerce, rapportent moins que des biens particuliers et tout cela au grand dam de la richesse nationale. Il est temps de s'occuper de cette question, car il faut que tout privilège disparaisse. En attendant je voterai le projet.

M. Van Overloopµ. - Comme l'honorable M. Julliot, je ne me proposais pas de prendre part à cette discussion. Mais l'intéressant discours prononcé hier par l’honorable ministre de l'intérieur me détermine à rompre le silence.

La commune belge actuelle, messieurs, il faut bien le reconnaître avec l'honorable ministre de l'intérieur, n'est pas la commune ancienne, mais elle n'est pas non plus la municipalité de 1789.

Nos communes anciennes, du moins les localités peu nombreuses qui jouissaient de la qualité de commune, constituaient de véritables souverainetés dans l'Etat.

Les municipalités de 1789, au contraire, ne constituaient que des subdivisions administratives de l'Etat.

Pour les affaires les plus personnelles de même que pour l'exécution des lois générales de l'Etat, les municipalités de 1789 étaient soumises aux districts ; les districts étaient soumis aux départements et les départements, à leur tour, étaient soumis, au pouvoir central.

Les principes de 1789, dont on a beaucoup parlé depuis quelques années dans cette enceinte, se résument en réalité, au point de vue administratif, en un seul : l'Etat d'une part, les individus de l'autre. (erratum, page 878) Entre l'Etat et les individus, ni corporation, ni département, ni commune ; c'est-à-dire entre l'Etat et les individus aucun corps constitué qui puisse tenir en échec le pouvoir central dans l'intérêt de la liberté.

Voilà la vérité en ce qui concerne les principes de 1789 au point de vue administratif.

Eh bien, ces principes devaient donner lieu, comme ils ont donné lieu et comme ils donnent encore lieu aujourd'hui en France à l'omnipotence de l'Etat : mot non défini, dont on abuse bien souvent. Cela était inévitable.

L'Etat, qu'est-ce donc ? C'est nous tous !

Est-ce là la signification de ce mot, qui sonne si bien aux oreilles, lorsqu'on parle de l'Etat et des droits de l'Etat ? Quand on invoque les droits de 1 Etat, de quoi s'agit-il au fond ? De nous tous ? Aucunement.

On n'invoque en réalité que les droits du gouvernement. Et quand on invoque les droits du gouvernement, de quoi s'agit-il fréquemment ?

Il s'agit des droits des ministres qui tiennent en mains les rênes du gouvernement, et souvent même il ne s'agit que d'un seul ministre qui conduit les autres ministres, ses collègues.

Voilà en quoi consistant, en règle générale, les droits qu'on appelle les droits de l'Etat.

Eh bien, messieurs, le Congrès national n'a voulu ni de la commune ancienne, constituant une véritable souveraineté dans l'Etat, ni de la municipalité de 1789, constituant une véritable esclave, une simple subdivision administrative de l’Etat. Les principes du Congrès, quels sont-ils ?

Pour les individus isolés comme pour les individus associés, c'est la liberté complète, l'action sans entraves de la part de l'autorité, sauf la répression des délits ; pour les communes et les provinces, le Congrès a voulu la liberté de régler tout ce qui est d'intérêt communal ou d'intérêt provincial, mais « sans préjudice de l'approbation de leurs actes dans les cas et suivant le mode que la loi détermine, » ce sont les termes même de la Constitution, article 108.

En conséquence de cette disposition constitutionnelle, la loi communale de 1836 a déterminé les actes qui devaient être approuvés. Elle a aussi réglé le mode d'approuver ces actes.

Les uns, si je puis m'exprimer ainsi, sont soumis à une approbation expresse, préalable à leur mise à exécution ; les autres, à une approbation tacite, résultant de leur non annulation dans un délai déterminé.

La loi communale a chargé soit de l'approbation expresse, soit de l'approbation tacite, tantôt le pouvoir central, tantôt le pouvoir provincial.

Cela dit, messieurs, qu'est-ce qui divise les auteurs des amendements et le gouvernement ?

Les uns proposent de convertir l'approbation expresse en une approbation tacite, résultant de la non-annulation dans un délai déterminé ; les autres proposent d'attribuer au pouvoir provincial l'approbation de certains actes qui doivent être approuvés aujourd'hui par le pouvoir central. »

Le gouvernement combat ces amendements, qui, quoi qu'on en dise, ont évidemment pour but de décentraliser.

Si centraliser signifie : augmenter les attributions du pouvoir central, décentraliser signifie évidemment : diminuer les attributions du pouvoir central.

Or, messieurs, il me semble qu'il ne peut y avoir de doute à cet égard ; décentraliser, c'est évidemment marcher dans la voie de la liberté, car plus vous augmentez les attributions du pouvoir central, plus vous lui donnez de moyens d'attenter à la liberté des individus, de la commune et de la province.

Les auteurs des amendements veulent donc décentraliser et, par conséquent, ils veulent une liberté plus étendue pour la commune.

Il n'est pas étonnant, messieurs, que ces projets de décentralisation soient combattus par le gouvernement ; on voit rarement les personnes qui tiennent en mains les rênes du pouvoir consentir à ce qu'on affaiblisse ces rênes ; ces personnes aiment mieux avoir des rênes fortes, afin de conduire plus facilement les populations à leur gré, que d'avoir des rênes faibles, qui permettent aux populations de regimber contre la tutelle qu'on veut leur imposer.

Voyons maintenant quels sont les motifs que le gouvernement a mis en avant pour combattre les amendements proposés ?

Le gouvernement vous dit, je crois que j'ai bien compris : Tout ce qui est d'intérêt général est essentiellement dans les attributions du pouvoir central. Ce n'est que par exception que des choses d'intérêt général ont été attribuées au pouvoir provincial. Il serait dangereux d'augmenter ces exceptions.

Voilà, je crois, en quelques mots toute la doctrine que le gouvernement a développée hier par l'organe des honorables ministres de l'intérieur et de la justice.

Mais, messieurs, je n'admets pas du tout qu'au point de vue de notre Constitution tout ce qui est d'intérêt général appartienne exclusivement au pouvoir central. S'il en était ainsi, je défie que l'on trouve quelque chose qui soit d'intérêt local. Tout est d'intérêt général, ce qui concerne une commune isolée comme ce qui concerne une province isolée touche à l'intérêt général.

Qu'est-ce que l'intérêt général, si ce n'est la collection des intérêts particuliers ?

Cette expression : « tout ce qui touche à l'intérêt général » ne saurait donc être définie et par cela même, on pourrait en faire tel usage que l'on voudrait. On pourrait l'employer tantôt dans un sens tantôt dans un autre.

L'intérêt général pourra toujours être mis en avant, et quand il s'agira de définir ce qui est d'intérêt général on se trouvera arrêté.

C'est au nom de l'intérêt général que le despotisme s'est toujours justifié.

Il est si vrai que tout ce qui est d'intérêt général n'appartient pas au gouvernement, que la législation de notre pays a parfaitement consacré le contraire.

Rien certes n'est plus d'intérêt général que les mœurs. Quid leges sine moribus, disait Tacite. Or, ce qui forme ou est appelé surtout à former les mœurs, c'est incontestablement l'instruction primaire. Eh bien, dans la loi qui règle cette matière, vous dites que l'instruction primaire est d'intérêt exclusivement communal.

Vous voyez donc que quand vous parlez d'intérêt général, vous ne définissez pas et que vous attribuez aux communes des choses qui, si vous aviez raison, appartiendraient essentiellement à l'intérêt général,

Ce n'est pas tout : Les règlements en matière de mœurs n'appartiennent pas au pouvoir central ; ils sont dans les attributions du pouvoir communal.

Je me rappelle parfaitement qu'autrefois un arrêté royal avait réglé en partie ce qui concerne les mœurs dans la ville de Bruxelles.

Un individu fut cité devant le tribunal correctionnel pour avoir contrevenu à ce règlement, il soutint que le pouvoir royal avait excédé ses attributions ; le tribunal admit son système, et cette doctrine fut consacrée par la cour d'appel et par la cour de cassation.

Vous voyez donc qu'il est inexact de dire que d'après l'esprit de notre Constitution tout ce qui est d'intérêt général appartient au pouvoir central,

La preuve du contraire résulte des lois que vous ne cessez de faire vous-mêmes.

(page 827) On nous dit aussi que c'est par exception qu'on a concédé aux provinces et aux communes des attributions du pouvoir central. Mais, messieurs, c'est encore la une erreur. Si la décentralisation a été consacrée par notre Constitution et par la législation faîte en conséquence de notre Constitution, c'est qu'on a trouvé que l'approbation du pouvoir provincial était dans certains cas beaucoup plus simple, beaucoup moins coûteuse et par conséquent beaucoup meilleure que celle du pouvoir central.

Voilà, si je ne me trompe, la cause de cet état de notre législation.

La question que soulèvent les amendements proposés consiste simplement à savoir s'il serait ou s'il ne serait pas avantageux pour le pays d'adopter ces amendements. C'est selon moi une question de fait et d'appréciation. L'expérience peut seule déterminer les avantages ou les inconvénients de ces amendements.

Quant à moi, je n'hésiterais pas à faire cette expérience. Je crois qu'elle serait utile et cela pour deux motifs : d'abord parce que ce sont des amendements de décentralisation et qui par conséquent nous feront marcher plus franchement dans la voie de la liberté ; ensuite parce que selon moi, nous avons fait d'énormes progrès depuis 1836 et que nous sommes assez éclairés pour pouvoir secouer un peu plus la tutelle gouvernementale et avoir plus de confiance dans les autorités provinciales.

Je crois enfin que l'administration étant, comme le disait tout à l'heure l'honorable M. Julliot, plus près des administrés, se rendant mieux compte de leurs besoins, sera beaucoup meilleure, beaucoup plus prompte, beaucoup plus expéditive et partant moins coûteuse.

Je pense, messieurs, pouvoir me borner à ces observations, je ferai cependant une remarque générale.

On parle toujours des droits de l'Etat, de la liberté de l'Etat. Je vous avoue naïvement que je me soucie fort peu des droits et de la liberté de l'Etat, et que je donne la préférence aux droits et à la liberté des individus. Comme je sais que chaque droit que je reconnais à l'Etat sans nécessité est une arme que je mets dans les mains du gouvernement ou des ministres, arme qui peut porter atteinte à la liberté des individus isolés, associes, réunis en communes ou en province, je n'hésite pas à déclarer que je voterai pour tous les amendements qui tendront à enlever des attributions ou des droits à l'Etat en tant qu’il ne sera pas justifié qu'il est nécessaire de maintenir ces attributions au gouvernement dans l'intérêt de l'ordre public, que le gouvernement a essentiellement pour mission de faire respecter.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, je ne répondrai pas au discours de l'honorable M. Julliot. L'honorable membre a proclamé plusieurs principes qui sont aussi les miens, mais il en a tiré des conclusions que je n'admets point pour des motifs que j'ai déjà indiqués hier.

Il est cependant une assertion de l'honorable M. Julliot que je dois contredire. L'honorable membre nous dit : Je comprends que le gouvernement soit hostile aux amendements présentés, parce qu'il craint qu'un germe de désordre ne s’introduise dans l'administration du pays, et que le ministre est responsable de la bonne administration du pays.

Quant à moi, dit l'honorable M. Julliot, autant en emporte le veut.

Je ne suis responsable de rien.

Je fais un discours et ce discours fait, je lance mes feuilles au vent.

Messieurs, je ne comprends pas cette doctrine.

L'honorable membre qui m'interrompait hier en disant : « Tous les pouvoirs émanent de la nation, » doit-il être dépourvu de toute responsabilité ? Ne siège-t-il pas ici pour aider le gouvernement à maintenir l'ordre dans l'administration et dans le pays ?

Mais si chacun de vous raisonnait comme l'honorable M. Julliot, il n'y aurait plus de gouvernement possible, puisque le gouvernement doit s'appuyer sur la majorité pour gérer les affaires.

Si chacun ici se croyait affranchi de toute responsabilité, je ne sais en vérité où nous irions. Je me borne à indiquer où nous conduiraient de pareils principes et je crois que la Chambre tout entière partagera ma manière de voir sur ce point.

M. Van Overloop se fait aussi, me semble-t-il, une idée assez singulière de ce qu'il appelle les droits de l'Etat. Les droits de l’Etat, dit l'honorable membre, ce sont les droits de six personnes qui siègent sur ces bancs et lorsqu'une de ces personnes a quelque prépondérance sur ses collègues, les droits de l'Etat, sont simplement les droits d'un seul ministre.

Mais, messieurs, si nous étendions ce principe, ne pourrais-je pas dire que le droit communal, que la liberté communale se résumerait dans le bourgmestre, et que lorsque le bourgmestre est un savant, un homme d'Etat, il n'y a plus d'autre liberté communale que celle qui lui est laissée.

M. Van Overloop, qui est bourgmestre, résumerait donc en lui la liberté et les droits de la commune qu'il administre du reste fort bien. Messieurs, tout cela n'est pas sérieux, et je suis étonné d'entendre M. Van Overloop proclamer de pareils principes, lui qui n'admet pas sans doute avec M. Julliot que ce qu'il dit dans cette Chambre, il le dit sans responsabilité, et pour que le vent emporte ses paroles.

Qu'est-ce que le gouvernement ?

C'est votre représentant ; c'est parce qu'il s'appuie sur l'opinion de la majorité qu'il subsiste, et quand on parle des drois de l'Etat, c'est des droits de la généralité qu'il s'agit, c'est-à-dire de l'intérêt public, de l'intérêt général.

Quant au reproche qu'on adresse au gouvernement de ne vouloir abandonner aucune de ses attributions, il est au moins fort injuste.

Mais le projet que nous discutons en ce moment et qui donne lieu aux amendements qu'on propose, de qui émane-t-il ? Du gouvernement. N'est-ce pas le gouvernement qui a pris l'initiative de ce projet, n'est-ce pas l'Etat, ce monopole, qui vient vous demander de lui enlever une partie de ses attributions ? Le gouvernement, il est vrai, est resté dans le cercle des principes de la loi communale de 1836, mais il propose d'en étendre certaines dispositions.

Le reproche qu'on nous fait est donc au moins singulier et, en tout cas injuste.

L'honorable représentant de Saint-Nicolas dit encore que, dans l'esprit de la Constitution, les communes doivent faire des choses qui sont d'intérêt général et d'intérêt public, ou tout ou moins peuvent les faire. Mais, messieurs, les principes en cette matière sont tracés par la Constitution elle-même ; l'article 108 de la Constitution que j'ai eu l'honneur de citer hier dit formellement ce que doit faire l'autorité provinciale et ce que doit faire l'autorité communale. Tout ce que la province et la commune ne font pas et qui touche à l’intérêt public entre dans les attributions de l'administration centrale. (Interruption.) Que porte l'article 108 ?

« L'attribution aux conseils provinciaux et communaux de tout ce qui est d'intérêt provincial et communal sans préjudice de l'approbation de leurs actes, dans les cas et suivant le mode que la loi détermine. »

Voilà le principe. Il est là. La véritable décentralisation consiste à laisser au conseil provincial le droit de régler ce qui est d'intérêt provincial, au conseil communal ce qui est d'intérêt communal. Aller plus loin ce serait jeter la perturbation dans les pouvoirs publics et le désordre dans l'administration.

Mais, ajoute l'honorable membre en terminant son dise airs, il est possible que les amendements proposés soient bons ; il est possible que ce soit mauvais ; faisons une expérience : si les résultats ne répondent pas à notre attente, nous reviendrons à ce qui existe. Mais en pareille matière, messieurs, il ne faut pas courir les aventures ; il faut au contraire agir avec la plus grande circonspection lorsqu'il s'agit de toucher à nos lois organiques.

Maintenant je demanderai la permission à la Chambre de dire quelques mots des amendements présentés en dernier lieu.

Hier, à la fin de la séance, au moment où l'on semblait être sur le point de passer au vote, deux nouveaux amendements ont été déposés, l'un par M. Kervyn, l'autre par M. Jacobs.

M. Kervyn vous a proposé, messieurs, un amendement qui consacre un principe entièrement nouveau, un principe qui a été discuté, il est vrai, dans des chambres législatives et qui jusqu'ici n'a pas encore, que je sache, reçu une solution. L'honorable membre veut qu'à l'avenir les établissements de mainmorte ne puissent plus posséder d'immeubles autres que ceux qui sont indispensables pour leur service communal.

C'est là une grave question, qu'il est impossible de résoudre incidemment, par un sous-amendement proposé à un sous-amendement d'un amendement, car enfin c'est un deuxième sous-amendement à son amendement que l'honorable membre propose.

Si nous admettions ce principe pour l'avenir, je ne sais pas, messieurs, si on ne pourrait conclure de ce précédent qu'il faut appliquer le même principe au passé et faire vendre par les établissements de bienfaisance et les communes tous les biens fonciers qu'ils possèdent. Est-ce bon, est-ce mauvais ? C'est une question qui ne peut être tranchée par un amendement à une disposition générale de la loi communale.

D'ailleurs l'amendement a une portée fort grande et pourrait avoir dans la pratique de très sérieux inconvénients. Ainsi une administration charitable ne pourrait, dans aucune condition, acquérir un (page 828) immeuble quelconque ; je suppose que. pour améliorer une propriété appartenant aux pauvres, pour l'arrondir, pour donner plus de valeur à l'ensemble, il soit utile d’acheter un lopin de terre, il sera interdit de le faire si l'amendement est adopté.

Veuillez remarquer aussi que les acquisitions de propriétés peuvent se faire à la suite de transactions, d’échanges surtout. C'est ainsi, fort souvent, que les administrations charitables augmentent leurs propriétés ; elles font des échanges, et le particulier qui cède une partie de sa propriété cède toujours un bien ayant plus de valeur que celle qu'il reçoit, cela est de règle, sans cela l'autorité supérieure n'approuve pas. Il faudrait donc ou renoncer à ces échanges ou les particuliers devront faire toujours une vente en numéraire.

Vous le voyez, messieurs, tout cela donnerait lieu, dans la pratique, à de très grandes difficultés.

D'autres inconvénients pourraient surgir encore, auxquels je dois croire que les honorables membres n'ont pas songé. Exemple : Un particulier donne à une administration charitable un château devant servir à l'établissement d'un hospice et les terres avoisinant, ces terres devant servir de dotation à l'hospice. Eh bien, vous autoriserez ce donateur à donner la maison pour y établir l'hospice et vous forcerez le donataire à convertir en rentes le produit des terres qui l'entourent.

Mais, messieurs, avec un pareil système vous n'auriez plus personne qui voulût faire une donation à l'avenir et, par conséquent, vous enlèveriez aux pauvres une partie du patrimoine qui leur revient.

Je pourrais, messieurs, faire de longues observations sur cet amendement ; mais je crois que la Chambre ne consentira pas à introduire incidemment, dans notre législation, une disposition aussi importante, à l'occasion d'une de nos lois organiques.

L'amendement de l'honorable M. Jacobs n'a pas une portée aussi étendue ; cet amendement présente cependant encore de graves inconvénients ; une grande partie des objections j'ai développées hier pour le combattre subsistent encore aujourd'hui.

Je ne m'étendrai pas sur ce point, car je suppose que mon honorable collègue de la justice, que la question concerne plus particulièrement prendra, s'il y a lieu, la parole sur ce point.

Je me borne,, en terminant, à faire une observatîon générale à laquelle je prie la Chambre d'être bien attentive.

Que s'est-il passé ? On a demandé qu'on étendît le plus possible les attributions des députations permanentes. Le gouvernement s'est rendu à ce désir ; il vous a présenté un projet de loi ; le section centrale, composée d'hommes qui ont fait une étude sérieuse et profonde de nos lois communales, a étendu quelque peu les propositions du gouvernement, mais sans s'écarter des principes mêmes qui ont été tracés par le législateur de 1836.

Or, après cet examen sérieux, approfondi et consciencieux, on vient nous présenter, non pas des amendements à la loi communale, mais des propositions basées sur des principes entièrement nouveaux ; c'est-à-dire qu'on vient intercaler dans cette grande loi organique des dispositions qui, si elles étaient adoptées, auraient, selon moi, pour conséquence d'en rompre l'harmonie. J'espère que la Chambre n'adoptera pas ces propositions.

Avant de me rasseoir, messieurs, j'ai une explication à demander à l'honorable M. Jacobs. Je dois croire que, dans la précipitation avec laquelle les amendements ont été formulés, une erreur se sera glissée dans celui de l'honorable M. Jacobs. Cet amendemeut porte :

« Le Roi pourra annuler d'office les délibérations portant sur les objets qui précèdent, à l'exception de...

« 53 Les acquisitions d'immeubles et de droits immobiliers lorsque la valeur excède 5,000 francs. »

Je crois que l'honorable membre veut dire « n'excède pas » sans cela il n'y aurait pas de recours au Roi possible dans les cas les plus importants ; c'est-à-dire, quand les legs excéderaient 5,000 francs.

M. Jaconsµ. - Il n'y a pas erreur. Le Roi pourra annuler d'office dans les cas où les legs excèdent 5,000 francs ; et lorsqu'ils n'excèdent pas cette somme le Roi ne pourra annuler d'office. La rédaction s'explique par la phrase précédente.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - D'après votre rédaction, le Roi peut annuler d'office les délibérations portant sur divers objets, à l'exception de celles qui ont trait aux acquisidtins d'immeubles et de droits immobiliers lorsque la valeur « excède » 5,000 francs.

Il me semble que c'est précisément le contraire que l'honorable membre veut prescrire par sa proposition.

Je relève cette erreur que personne peut-être n'avait remarquée et qui aurait pu se glisser dans la loi, pour vous montrer, messieurs, combien il est dangereux d'introduire incidemment des principes nouveaux des modifications radicales dans des lois organiques comme celle qui nous occupe.

M. Dumortier, rapporteur. - La loi dont nous nous occupons, messieurs, est bien digne de la sollicitude de l'assemblée, car la loi communale est la seconde constitution de la Belgique, elle se rapporte aux plus grands intérêts de notre histoire, à toutes nos mœurs, à toutes nos traditions, à notre existence en quelque sorte.

Mais s'il est vrai que, dans le cours de notre histoire, les communes aient joué un rôle immense, que c'est sur elles qu'ont reposé toutes les libertés à une époque antérieure, il importe, quand nous nous occupons de toucher à cette loi, de ne point perdre de vue qu'aujourd'hui nous vivons sous un régime dans lequel la loi communale se trouve complétée par l'adjonction d'assemblées parlementaires permanentes, c'est-à-dire se réunissant chaque année, ce qui n'existait pas aux siècles antérieurs.

Il importe de ne point perdre de vue ce principe parce qu'il va de soi que la commune n'est plus appelée par la loi à jouer dans votre histoire le rôle qu'elle a joué autrefois.

Son rôle aujourd'hui est purement administratif et le rôle politique est rempli par les deux Chambres législatives.

Cependant, nous ne devons pas moins porter un intérêt immense à tout ce qui se rapporte à la commune, parce que c'est chez elle que le citoyen est le plus en rapport avec l'administration. D'un autre côté, il ne faut pas perdre de vue que, si, d'une part, la commune peut rendre d'immenses services aux citoyens, d'autre part aussi la commune peut, dans certaines circonstances, devenir réellement despotique et même tyrannique.

Or, il est incontestable que le meilleur système est celui qui rapproche le plus le citoyen de l'administration qui régit ses intérêts.

Dans un tel état des choses, nous avons à équilibrer, à pondérer les deux idées : d'une part la liberté communale aussi grande qu'il est possible de l'établir ; d'autre part les droits des citoyens, le mieux-être de la chose publique. Tel a été, messieurs le point de départ du Congrès quand il a posé les principes de la Constitution et ce sont ces principes que nous avons cherché, il y a 30 ans, à introduire dans la loi communale.

Vous comprenez dès lors, messieurs, qu'il me sera très difficile de suivre mes honorables amis dans les propositions qu'ils ont présentées à la Chambre.

Je suis, messieurs, très grand partisan de la décentralisation communale ; mais veuillez-le remarquer, la décentralisation communale peut s'offrir sous un double point de vue ; il y a la décentralisation communale quant aux personnes, et la décentralisation communale quant aux choses.

La première aura toujours mon plein et entier assentiment ; quant à la seconde il est, je crois, des garanties que le bien-être exige et que nous ne pouvons pas supprimer sans faire un acte de très mauvaise administration, sans vicier les principes de la loi de 1836.

El ici je dois le dire, je ne reconnais pas de droits de l'Etat ; je reconnais seulement le mieux-être possible des administrés et c'est là le point de vue auquel j'envisage spécialement la question.

Je me demande dès lors, si pour le bien-être des administrés, il faut tout laisser à la commune, si pour le bien-être des administrés, il faut se contenter de l'approbation de la députation permanente, ou si, pour une foule de choses, ce bien-être n'exige pas l'intervention du gouvernement. Or, ma conviction profonde est que, dans une multitude de circonstances, le bien-être des administrés exige l'intervention du gouvernement, pour empêcher que des actes mauvais, vicieux, passionnés, ne soient posés par des administrations communales.

Je prendrai pour exemple les dispositions principales de l'article actuellement en discussion, et il me suffira de peu de mots pour vous démontrer quelle grosse faute nous commettrions, si nous admettions les amendements qui ont été déposés sur le bureau.

Deux systèmes sont en présence.

Le système de l'honorable M. Kervyn consiste à ne laisser à l'approbation royale que tout ce qui est directement d'intérêt général et à renvoyer toutes les résolutions, quant aux autres points, à l'approbation de la députation permanente.

Le système de mes honorables amis, M. Jacobs et de Naeyer va plus loin : il n'exige pas l'approbation royale, mais il réserve au Roi le droit d'annulation.

Je parlerai tout à l'heure de la différence que j'aperçois entre le droit d'appel et le droit d'annulation ; je me demanderai lequel des deux (page 829) systèmes est le plus avantageux ; car, comme l'a très bien dit mon honorable ami, M. Jacobs, il ne s'agitici que d'une nuance.

Mais, messieurs, rendons-nous d’abord bien compte des points qui sont réellement en discussion.

Le premier, c'est celui qui concerne les aliénations et les emprunts.

Or, en cette matière, je ne saurais admettre qu'on autorise les communes à faire des emprunts, à grever l’avenir, sans l'intervention d'un pouvoir modérateur.

Je vous prie, messieurs, de vouloir bien remarquer qu'il y a une très grande différence entre notre organisation communale actuelle et l'organisation qui existait anciennement en Belgique.

Dans l'ancienne commune belge, le magistrat était renouvelé chaque année ; aujourd'hui le magistrat est élu pour six ans. Dans l’ancienne commune belge, le magistrat après avoir fait son année, ou tout au plus deux années. ne pouvait être réélu qu'après un intervalle de deux ans ; aujourd'hui, le magistrat, après ses six années, peut être réélu immédiatement, et il peut l'être indéfiniment.

Ce qui donc n'offrait autrefois aucun danger, en présence de l'impossibilité où était le magistrat de voir se perpétuer le renouvellement de. son mandat, peut devenir aujourd'hui un grand danger.

Trop souvent on voit des administrations communales, animées d'un désir trop vif de laisser un souvenir de leur présence aux affaires, compromettre dans ce but, d'une manière grave, l'avenir financier de la commune. Ici, dans mon opinion, il faut une excessive prudence, à chaque jour son labeur à chaque jour sa peine.

Quand vous aurez grevé l'avenir financier de la commune, de manière à rendre l'administration communale impossible plus tard, vous aurez posé un très mauvais acte pour l'avenir de la commune.

J'avoue franchement qu'il serait impossible d'admettre qu'on laisse les administrations communales faire des emprunts sans l'autorisation du gouvernement.

Là, bien plus qu'ailleurs, il faut un pouvoir modérateur qui ait la force et la volonté de dire à la commune : « Vous allez trop loin ; ici, je vous arrête ; vous n'irez pas plus loin. »

Je sais qu'il se présente des circonstances dans lesquelles des dépenses considérables doivent être faites ; mais, je le répète, combien de fois ne voit-on pas des administrations communales, pour laisser un souvenir de leur passage aux affaires, compromettre l'avenir financier de la commune ! Dans mon opinion, il est indispensable que les emprunts contractés par les administrations communales demeurent soumis à l’approbation royale.

J'en viens maintenant aux péages et aux droits de passage à établir dans la commune. Ici, mes honorables amis, auteurs des deux amendements, suppriment l'autorisation royale. Comment, une commune pourra établir des péages ou un droit de passage dans son intérieur sans l'autorisation du Roi ? les communes pourraient donc ce que le gouvernement ne pourrait faire sans une loi ?

Quoi ! l'on voudrait que la commune pût, de sa seule autorité, établir un droit de passage dans sa commune ! Mais où iriez-vous avec un pareil système ? Vous rétabliriez les droits différentiels, les octrois pour les villes ; sous la forme d'un droit de péage, on reviendrait à une foule de choses.

Voilà, messieurs, à quoi vous vous exposeriez avec les amendements que mes honorables amis ont présentés, dans d'excellentes intentions, j'en suis convaincu, mais qui en définitive, doivent entraîner des conséquences fatales pour l'avenir de nos communes.

Ainsi, la ville de Bruxelles pourrait, par exemple établir un droit de passage dans telles on telles rues...

M. Kervyn de Lettenhove. - Le gouvernement annulerait un pareil acte daus l'intérêt général.

M. Dumortier, rapporteur. - Je trouve beaucoup plus de garanties dans le droit d'approbation que dans celui d'annulation. En effet, l'annulation d'une résolution prise a toujours un cachet violent, un cachet d'hostilité, tandis que le refus qui dérive du droit d'approbation, n'a nullement ce caractère pour l'administration dont on n'approuve pas l'acte.

Maintenant vient une autre question ; c'est la question de l'ouverture des voies nouvelles. Ici encore, où allons-nous dans le système des amendements ? On veut autoriser les communes à ouvrir des voies nouvelles ; si la commune acquérait d'elle-même tous les terrains nécessaires, de commun accord avec les propriétaires, je concevrais votre système ; mais vous ne faites aucune réserve.

Ainsi, les communes auront le droit d'exproprier. Cela est-il possible ?

Je regrette de devoir combattre mes honorables amis, qui me sont bien chers, mais ce qui m'est plus cher encore, ce sont mes principes. (Interruption)

Pardon ; cela se trouve dans l’amendement ; dès l'instant que l'on soustrait à l'approbation du Roi les délibérations concernant l'ouverture des voies nouvelles, et qu'on laisse cette approbation à la commune, il va de soi que la commune aura le droit d'exproprier pour ouvrir des voies nouvelles.

Messieurs, vous vous rappellerez que, dans une occasion récente, je me suis élevé ici contre l'ouverture d'une nouvelle rue à Bruxelles. Ne m'a-t on pas objecté alors qu'ils ne s'agissait pas d'un bâtiment de l'Etat ? N’est-on pas venu dire dans cette enceinte que lorsque le gouvernement aurait approuvé le plan, la ville ferait le reste ?

Or, je ne puis admettre qu'on accorde aux communes le droit d'expropriation pour ouvrir des voies nouvelles. Du moment que vous ne faites pas de réserve, nous donnons aux communes, ipso facto, le droit d'expropriation.

C'est un droit qui ne peut appartenir qu'au gouvernement, qu'au pouvoir central. Et cela pourquoi ? Parce que, chez nous, la propriété est sacrée, est inviolable, que nul ne peut être dépossédé de sa propriété, si ce n'est moyennant une juste et préalable indemnité et conformément aux lois.

Viennent encore d'autres dispositions : les impositions communales. En cette matière, l'honorable M. Kervyn maintient la loi actuelle ; mai mes honorables amis, MM. Jacobs et de Naeyer, soustraient à l'autorisation royale l'établissement des impositions communales.

Eh bien ! je vous le demande, ici encore vous donneriez à la commune le droit de faire ce que vous, Chambre des représentants, vous ne pouvez pas faire sans le concours de l'autorité royale. Ainsi vous donneriez à la commune une extension de droit que vous n'auriez pas vous-mêmes.

Tout grand partisan que je suis des libertés communales, il m'est impossible d'aller jusque-là ; il m'est impossible de constituer les communes en petits parlements avec des attributions beaucoup plus grandes que le parlement lui-même.

Messieurs, vous voyez par ce peu de mots qu'il ne m'est pas possible d'admettre ces amendements. Il faut maintenir l'autorisation royale pour toutes les matières qui tiennent au bien-être général, à l'intérêt général. Or, il est du bien-être général que les emprunts, que les acquisitions, que les aliénations, que l'ouverture des voies nouvelles, que la conservation des monuments de l'antiquité, que je ne dois pas oublier, ressortissent au pouvoir exécutif.

Nous ne pouvons pas admettre qu'il dépende du caprice d'une commune de supprimer ces monuments qui font l'honneur de notre pays, qui font l'honneur de la Belgique, et en pareil cas l'intervention du gouvernement est une très bonne chose, lorsqu'on vient dire à une commune : Ce monument vous appartient, mais vous ne le démolirez pas, parce que c'est une gloire nationale.

Nous ne pouvons admettre que la décentralisation aille jusque-là. Proposez la décentralisation sur les personnes, je vous suivrai. Mais quand vous voulez la décentralisation sur les actes de manière à rendre la commune plus indépendante du pouvoir exécutif que nous ne le sommes nous-mêmes, lorsque vous voulez lui donner des attributions que nous n'avons pas nous-mêmes, quand vous voulez la mettre en position de pouvoir nuire aux particuliers, en obéissant quelquefois à l'impulsion de passions politiques, je ne puis vous suivre...

M. Bouvierµ. - Vous avez raison.

M. Dumortier. - Parce que, autant je suis ami des libertés communales, autant je suis convaincu de ce principe qu'il n'y a pas de pire tyran, de pire despote, que le tyran, que le despote que l'on a le plus près de soi.

Messieurs, il faut que nos institutions communales soient des institutions de liberté, mais il ne faut pas qu'elles puissent devenir des institutions de parti.

Voilà comment j'entends la liberté communale. C'est ainsi que la Chambre l'a entendu et je ne doute pas qu'elle l'entende encore ainsi.

M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, je n'ai pas l'intention de réclamer longtemps l'attention de la Chambre.

La Chambre connaît les bases de mon amendement. Je crois qu'après trente années de pratique des institutions communales, l'approbation par la députation permanente des actes de l'autorité communale, lorsqu'il n'y a pas de réclamation de la part des familles, présente une garantie que nous pouvons accepter comme sincère et complète.

A un autre point de vue, mon amendement présente un système facile à justifier. J'ai pensé que toutes les fois qu'il s'agissait d'intérêts généraux, d'engagements à titre onéreux à contracter par les communes, que (page 830) toutes les fois qu'il s'agissait ou d'aliénation, ou d’emprunt ou de la grande voirie ou des monuments de l'antiquité, l'intervention de l'autorité centrale était inidispensable, et j'en ai fait une condition rigoureuse.

Mais, dans les autres cas, j'ai cru, je le répète, que dans l'état actuel des choses, après une longue pratique des institutions communales, alors qu'en fait le recours à l'autorité centrale est très rare, comme M. le ministre de l'intérieur le reconnaît lui-même, et le plus souvent inutile, on pouvait en droit accepter l'approbation de la députation permanente comme suffisante.

Il y a, messieurs, dans cet amendement une disposition qui présente un caractère important ; c'est celle qui permet aux députations permanentes, sans l'intervention de l'autorité centrale, d'approuver les donations et legs et les acquisitions.

Evidemment, le résultat de cet amendement ne doit pas être, comme semblait me le reprocher tout à l'heure M. le ministre de l'intérieur, de m'opposer aux libéralités qui auraient les communes pour objet. Je veux au contraire les rendre plus aisées à accomplir, plus nombreuses, plus fécondes ; et l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer à la fin de la séance d'hier n'avait d'autre but que de répondre aux objections qui ont été faites successivement par M. le ministre de la justice et par M. le ministre de l’intérieur. Voici les paroles de M. le ministre de la justice : « L’Etat doit veiller à ce qu'il n'y ait pas une trop grande immobilisation de biens, une trop grande quantité de biens en mainmorte. »

C'est précisément ce danger que j'ai voulu éviter, danger qui était également signalé par M. le ministre de l'intérieur, lorsque, dans son discours, il émettait également les mêmes idées. « Je me demande, disait M. le ministre de l'intérieur, si l'intérêt général n'exige pas qu'on mette quelque entrave à l'immobilisation de la propriété foncière, même au profit des communes. »

Eh bien, messieurs, j'ai cru que l'entrave ne devait pas venir de l'action du pouvoir central, des sentiments variables du gouvernement, du caprice de tel ou tel ministre, de telle ou telle administration, mais qu'il fallait des règles formelles, précises et définitives. Tel est le but de l'amendement que j'ai présenté. Quant à la forme, quant à la date même de cet amendement, M. le ministre de l'intérieur m'a reproché de l'avoir introduit tardivement dans la discussion ; mais à ce point de vue encore, il me sera bien facile de me justifier, car la Chambre se souviendra que dès le commencement de cette discussion, lorsque la première fois j'ai pris la parole, j'ai énoncé ces mêmes principes en exprimant l'intention d'en faire l'objet d'un amendement.

M. Mullerµ. - Lorsque l'honorable M. Kervyn de Lettenhove a présenté hier son dernier amendement, consistant à rendre obligatoire, dans les six mois d'une donation ou d'un legs accepté, la vente des immeubles qui ne seraient pas affectés à un service d'utilité publique, je lui ai demandé si cet amendement était applicable aux établissements religieux ou charitables reconnus par la loi, comme aux communes. L’honorable M. Kervyn a répondu oui.

Cependant, il résulte du texte, tel que l'auteur l'a rédigé, qu'il y est exclusivement question des communes.

En second lieu, lorsque M. le ministre de la justice a dit à M. Kervyn : Vous allez forcer les communes qui recevront des donations, les fabriques d’égluse, les établissements de charité à vendre, dans les six mois, toutes les propriétés qui leur auront été léguées, on lui a répondu en premier lieu que c'était pour l'avenir, et à la suite d'une autre explication provoquée par M. le ministre de la justice, on a dit que la disposition ne serait pas applicable aux legs et donations subordonnées à une charge quelconque ; de manière que réellement l'amendement de l'honorable M. Kervyn de Lettenhove, que je ne juge pas au fond, ne serait applicable qu'aux libéralités faites sans aucune condition, à titre purement gratuit.

Il ne serait pas applicable, par exemple, aux établissements publics, en les supposant compris dans l'amendement, si l'on donnait ou léguait un immeuble d'une valeur de 6,000 fr., à la condition de fonder une messe. Cela semble résulter des explications échangées entre M. le ministre de la justice, M. Kervyn et M. de Mérode. (Interruption.)

C'est bien ainsi d'après le compte rendu des Annales parlementaires, de mène qu'il est incontestable que le texte de votre amendement n'impose qu'aux communes l'obigation de vendre l'immeuble légué ou donné. J'ajouterai, du reste, pour me résumer sur ce point, qu'il est impossible, à propos d'une loi proposant quelques modifications en matière communale, de traiter à fond la question de savoir ce qu'il convient peut-être de décréter, en ce qui concerne les immeubles légués ou donnés à des personnes civiles.

Evidemment, nous ne pourrions prendre actuellement une décision portant un caractère de maturité, ni nous prononcer en parfaite connaissance de cause.

J'arrive maintenant, toujours en ce qui regarde les donations et legs, à l'amendement des honorables MM. Jacobs et de Naeyer. Dans la séance d'hier, les auteurs y ont proposé une modification, en ce sens qu'ils suppriment la restriction qu'ils avaient apportée au droit d'annulation royale des décisions des députations relatives aux donations et legs, lorsque ces décisions concernaient des actes de libéralité ne dépassant pas la somme de 5,000 fr.

Je me permets de demander à ces honorables membres s'ils ont bien pesé la portée d'un acte d'annulation en matière de donations et de legs ?

Je suppose qu'une donation ou un legs soit fait à un établissement public, et que la députation refuse l'autorisation ; que fera le gouvernement, s'il la considère comme ayant été mal rendue ? Il annulera, dit-on ; mais quand il aura annulé que deviendra le legs ou la donation ? Pourra-t il l'autoriser ? Non, les auteurs de l'amendement ne le veulent pas, et cependant il faut évidemment que le gouvernement ait, non pas un droit stérile d'annulation, mais un moyen pratique et utile de réformation.

Ce que je viens de faire remarquer, je pourrais l'appliquer pareillement au cas où un legs serait reconnu par le gouvernement avoir été accepté par la députation soit dans une limite trop restreinte, soit dans une mesure excessive. Encore une fois, que fera le gouvernement en pareil cas, et à quoi servira le droit d'annulation pure et simple ? Vous ne vous êtes pas, à coup sûr, préoccupé de ces conséquences. J'ai cité cet exemple puisé dans l'ordre des legs et donations, parce qu'il est frappant, parce qu'il est impossible que la Chambre tout entière ne reconnaisse pas que l'amendement des honorables MM. de Naeyer et Jacobs n'est, à aucun point de vue, admissible.

Je pourrais entrer dans des détails sur une foule d'autres objets qui, d'après l'amendement de MM. de Naeyer et Jacobs, ne seraient susceptibles que d'une annulation pure et simple, qui ne conduirait à aucun résultat utile et pratique, qui entraînerait des lenteurs, des complications, et aussi des résultats préjudiciables. Avec ce système, nous aboutirions souvent à une impasse ; au lieu d'avoir simplifié l'administration, nous l'aurions compliquée et rendue dans plus d'un cas impossible. Je ne puis voir là une décentralisation utile, c'est plutôt une regrettable confusion.

Il faut s'entendre, messieurs, sur ce qu'on est convenu d'appeler l'indépendance, les prérogatives, l'affranchissement des communes.

L'un des orateurs précédents, citant la phrase d'un de nos publicistes distingués, s'écriait avec lui que la commune est antérieure à l'Etat. Cela mérite une explication, pour éviter de tomber en erreur ; lorsque l'on parle de communes antérieurs à l’Etat, on oublie, je pense, que forcément elles formaient elles-mêmes de petits Etats. Or, en revenir là, ce ne serait pas, à coup sûr, un progrès. Sans doute vous ne voulez pas une fédération de communes qui n'aient aucun lieu de subordination et de dépendance envers le pouvoir central ; vous voulez que l'unité nationale qu'il a mission de maintenir intacte ne puisse être affaiblie.

Eh bien, messieurs, je crains, en me plaçant à ce point de vue, que les amendements proposés à la Chambre n'aillent beaucoup au-delà de la pensée et des intentions de leurs auteurs.

Ils ont été présentés dans des vues de simplification, mais ils auront des résultats tout autres : ils désorganiseront.

Comme j'ai fait partie de la majorité de la section centrale qui a combattu et repoussé les amendements, il me reste à dire un mot à propos d'un point de détail sur lequel je ne partage pas l'avis que vient d'émettre l’honorable M. Dumortier ; je ne pense pas que dans le système des honorables auteurs des amendements, une commune ouvrant une nouvelle rue pourrait se passer d'autorisation royale quant à l'expropriation ponr cause d'utilité publijue. Evidemment, les lois qui existent à cet égard continueraient à régir la matière. Avant de terminer, qu'il me soit permis, à mon tour, d'exprimer quelques considérations générales.

L'honorable M. Van Overloop s'est écrié qu'il se préoccupait fort peu des droits de l'Etat. J'admets parfaitement qu'on puisse discuter longtemps et à perte de vue sur les droits de l'Etat, mais quant à moi, j'invoquerai un grand et impérieux devoir qui incombe à ceux qui ont, comme le gouvernement et nous, charge de les représenter ; ce devoir consiste à maintenir l'unité nationale, à ne pas relâcher d'une manière dangereuse pour nos institutions et pour la Belgique indépendante le lien qui existe entre les diverses communes et l'Etat dont elles font partie. Je dis que le pouvoir central remplît son devoir quand il repousse des mesures qui pourraient avoir un caractère aventureux, des innovations dont l'expérience n'a pas constaté l'efficacité.

(page 831) L'honorable M. Julliot, qui a été longtemps membre d'une députation permanente, a fait une distinction entre l'action préventive et l'action répressive du pouvoir central. L'action préventive, c'est l'approbation du gouvernement ; l'action répressive, c'est l'annulation ; et il n'admet que cette dernière. Mais, je demanderai à l'honorable M. Julliot, après les développements dans lesquels je suis entré, si l'annulation, dans plusieurs cas, n'aboutira pas à une déplorable désorganisation ; si elle servira les intérêts des communes ; si elle fortifiera nos institutions en augmentant la confiance qu'elles ont inspirée jusqu'aujourd'hui !

Messieurs, en vous présentant ses conclusions, favorables au projet du gouvernement, la section centrale a tenu, comme lui, à ne pas s'écarter sensiblement des principes qui ont présidé à la loi de 1836 . Ifs viennent d'être rappelés et parfaitement défendus par notre honorable rapporteur, auquel cette tâche était facile et devait être agréable, car le rapport de la loi d'organisation communale lui fut aussi confié, il y a près de trente ans.

- La discussion est close.


MpVµ. - Nous passons à l'examen des amendements en commençant par ceux qui s'écartent le plus du projet de loi.

Il y a d'abord le nouvel amendement à l'article 2 de MM. Jacobs et de Naeyer. Il est ainsi conçu :

« L'article 76 de la loi précitée est remplacé par les dispositions suivantes :

« Néanmoins, sont soumises à l'approbation de la députation permanente, sauf appel au Roi par les communes :

« 1° Les aliénations, transactions, échanges de biens ou droits immobiliers de la commune ; les baux emphytéotiques, les emprunts et les constitutions d'hypothèques, les partages des biens immobiliers, à moins que le partage ne soit ordonné par l'autorité judiciaire.

« 2° Les péages et droits de passage à établir dans la commune.

« 3° Les actes de donation et les legs faits à la commune.

« 4° Les acquisitions d'immeubles ou de droits immobiliers.

« 6° La fixation de la grande voirie et les plans généraux d'alignement des villes et des parties agglomérées des communes rurales ; l'ouverture des rues nouvelles et l'élargissement des anciennes, ainsi que leur suppression.

« 7° La démolition des monuments de l'antiquité existant dans la commune, et les réparations à y faire, lorsque ces réparations sont de nature à changer le style ou le caractère des monuments.

« L'approbation donnée par la députation permanente, en tout ou en partie, sera notifiée dans les huit jours de sa date, par la voie administra tive, à la partie réclamante, s'il y a opposition.

« Le refus d'approbation, en tout ou en partie, sera notifié dans le même délai et par la même voie à l'administration communale.

« Les dispositions qui précèdent, en ce qui concerne les actes compris sous les n°3 et 4, sont applicables aux établissements publics existant dans la commune et qui ont une administration spéciale ; les actes délibérés par ces administrations sont, en outre, soumis à l'avis du conseil communal.

« Le roi pourra annuler d'office les délibérations portant sur les objets qui précèdent à l'exception de :

« 1° Les actes compris sous le n°1, lorsque la valeur n'excède pas 5,000 francs ou le dixième du budget des voies et moyens ordinaires, à moins que ce dixième ne dépasse 50,000 francs.

« 2° Les acquisitions d'immeubles ou de droits immobiliers, lorsque la valeur n'excède pas la somme de 5,000 francs ou le dixième du budget des voies et moyens ordinaires, à moins que ce dixième ne dépasse 50,000 francs.

« 3° Les centimes additionnels au principal des contributions foncière et personnelle et du droit de patente, lorsque le total des centimes imposés ne dépasse pas 20.

« L'arrêté royal portant annulation d'office ou sur appel sera signé dans le délai de 40 jours à partir de la décision de la députation permanente ; pendant ce délai et jusqu'à décision royale le gouverneur pourra suspendre l'exécution de la délibération. »

- L'amendement est mis aux voix ; il n'est pas adopté.


MpVµ. - Vient maintenant l'amendement de MM. Kervyn et Thonissen.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je demande la division par paragraphe.

« Art. 76. Sont soumises à l'avis de la députation permanente du conseil provincial et à l'approbation du Roi, les délibérations du conseil communal qui ont pour objet :

« 1° Les aliénations de biens ou droits immobiliers, les emprunts et constitutions d'hypothèques, lorsque la valeur représentée par l'aliénation, l'emprunt ou la constitution d'hypothèque excède 5,000 fr. ou le dixième du budget des voies et moyens, sans que ce dixième puisse atteindre 50,000 francs. »

- Rejeté.

« 2° L'établissement d'impositions communales qui dépasseraient 20 centimes additionnels au principal des contributions foncière et personnelle et du droit de patente, y compris les centimes mentionnés dans la loi du 12 juillet 1821, ou qui atteindraient, quelle que fût la base de la perception, une somme équivalente. »

- Rejeté.

« 3° La fixation de la grande voirie. »

- Rejeté.

« 4* La démolition des monuments et les réparations à y faire, lorsque ces réparations sont de nature à changer le style ou le caractère de ces monuments. »

- Rejeté.

« Les dispositions des n°1 et 4 s'appliqueront aux établissements publics, existant dans la commune, qui ont une administration spéciale. Les actes délibérés par ces administrations seront, en outre, soumis à l'avis du conseil communal. »

« Art. 77. Seront soumises à l'approbation de la députation permanente du conseil provincial, les délibérations des conseils communaux sur les objets suivants :

- Rejeté.

« 1° Les aliénations, emprunts et constitutions d'hypothèques d'une valeur inférieure à celle qui est indiquée au n°1 de l'article 76. »

- Rejeté.

« 2° Les transactions et échanges comprenant des biens ou droits immobiliers ; le partage des biens immobiliers indivis, à moins que ce partage ne soit ordonné par l'autorité judiciaire. »

- Rejeté.

« 3° Les péages et droits de passage à établir dans la commune. »

- Rejeté.

« 4° Les actes de donation et les legs faits à la commune ou aux établissements communaux. »

« L'approbation de la députation permanente du conseil provincial sera notifiée, dans les huit jours de sa date, par la voie administrative, à la partie réclamante, s'il y a eu opposition. Toute réclamation contre l'approbation devra être faite, au plus tard, dans les trente jours qui suivront cette notification.

« En cas de refus d'approbation, en tout ou en partie, la réclamation devra être faite dans les trente jours à partir de celui où le refus aura été communiqué à l'administration communale. En cas de réclamation, il est toujours statué, par le Roi, sur l'acceptation, la répudiation ou la réduction de la donation ou du legs. »

- Rejeté.

« 5° Les acquisitions d'immeubles ou de droits immobiliers. »

- Rejeté.


M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Retirez donc l'amendement.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Il tombe dans tous les cas.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je retire l'amendement.

MpVµ. - Le reste de l'amendement est retiré.


MpVµ. - Nous avons maintenant l'article du gouvernement avec les modifications proposées par la section centrale auxquelles il se rallie ; est-on d'avis de voter par paragraphes !

- Des voix. - Non !,non !

MfFOµ. - Il n'y en pas contestation.

MpVµ. - Viendra ensuite l'amendement de M. Lelièvre.

MjTµ. - Pardon, M. le président, il est compris ; il se rattache au 3° de l'article ; il faut mettre l'amendement de M. Lelièvre aux voix avant le projet de la section centrale.

MpVµ. Je vais d'abord mettre aux voix l'amendement de M. Lelièvre. il est ainsi conçu et formerait le paragraphe final de l'article 2.

« L'acceptation des libéralités faites aux communes et aux établissements publics peut avoir lieu provisoirement à titre conservatoire. L'arrêté royal ou l'ordonnance de la députation qui intervient ensuite a effet du jour de cette acceptation. »

- Cet amendement est mis aux voix ; il n'est pas adopté.


(page 832) MpVµ. - Je mets aux voix l'article 2, il est ainsi conçu :

« L'article 76 de la loi précitée est remplacé par la disposition savante :

« Néanmoins, sont soumises à l'avis de la députation permanente du conseil provincial et à l'approbation du Roi les délibérations du conseil sur les objets suivants :

« 1° Les aliénations, transactions, échanges de biens ou droits immobiliers de la commune ; les baux emphytéotiques, les emprunts et les constitutions d'hypothèques ; le partage des biens immobiliers indivis, à moins que ce partage ne soit ordonné par l'autorité judiciaire.

« Toutefois l'approbation de la députation permanente du conseil provincial est suffisante lorsque la valeur n'excède pas 5,000 francs ou le dixième du budget des voies et moyens ordinaire, à moins que ce dixième ne dépasse pas 50,000 francs.

« 2° Les péages et droits de passage à établir dans la commune.

« 3° Les actes de donation et les legs faits à la commune ou aux établissements communaux lorsque la valeur excède 5,000 francs.,

« L'approbation de la députation permanente du conseil provincial est suffisante lorsque la valeur des donations ou legs n'excède pas cette somme. Dans ce cas, elle sera notifiée dans les huit jours de sa date, par la voie administrative, à la partie réclamante, s'il y a eu opposition.

« Toute réclamation contre l'approbation devra être faite au plus tard dans les trente jours qui suivront cette notification.

« En cas de refus d'approbation, en tout ou en partie, la réclamation devra être faite dans les trente jours à partir de celui où le refus aura été communiqué à l'administration communale.

« En cas de réclamation, il est toujours statué par le Roi sur l'acceptation, la répudiation ou la réduction de la donation ou du legs.

« Les libéralités faites par actes entre-vifs seront toujours acceptées sous la réserve de l'approbation de l'autorité compétente ; cette acceptation, liera, sous la même réserve, le donateur, dès qu'elle lui aura été notifiée.

« Cette notification et celle de l'approbation éventuelle pourront être constatées par une simple déclaration du donateur authentiquement certifiée au bas de l'acte portant acceptation.

« Lorsqu'il y aura donation de biens susceptibles d'hypothèque, la transcription des actes contenant la donation et l'acceptation provisoire ainsi que la notification de l'acceptation provisoire, qui aurait eu lieu par acte, séparé, devra être faite au bureau des hypothèques dans l'arrondissement duquel les biens sont situés.

« Il en sera de même de la notification de l'acceptation définitive : la transcription des actes qui précéderont l'acceptation définitive se fera en débet.

« 4° Les demandes en autorisation d'acquérir des immeubles ou droits immobiliers.

« Néanmoins l'approbation de la députation permanente du conseil provincial suffira lorsque la valeur n'excédera pas la somme de 5,000 francs, ou le dixième du budget des voies et moyens ordinaire, à moins que ce dixième ne dépasse 50,000 francs.

« 5° L'établissement, le changement ou la suppression des impositions communales et des règlements y relatifs.

« Néanmoins l'approbation de la députation permanente du conseil provincial suffi', lorsqu'il s'agit de centimes additionnels au principal des contributions foncière et personnelle et du droit de patente, à moins que le nombre total des centimes imposés ne dépasse vingt.

« 6° La fixation de la grande voirie et les plans généraux d'alignement des villes et des parties agglomérées des communes rurales ; l'ouverture des rues nouvelles et l'élargissement des anciennes ainsi que leur suppression.

« 7° La démolition des monuments de l'antiquité existants et les réparations à y faire, lorsque ces réparations sont de nature à changer le style ou le caractère des monuments.

« Les dispositions du n°1, en ce qui concerne les aliénations de gré à gré, les transactions et les partages sont, ainsi que celles des n°3 et 4, applicables aux établissements publics existants dans la commune, qui ont une administration spéciale.

« Les actes délibérés par ces administrations sont, en outre, soumis à l'avis du conseil communal.

« Les communes et les établissements publics peuvent se pourvoir auprès du Roi contre les décisions rendues par la députation permanente du conseil provincial dans les cas des n°1, 4 et 5 du présent article. »

- Adopté.

Article 3

« Art. 3. Le n°1 de l'article 77 de la loi précitée est remplacé par la disposition suivante :

« Le changement du mode de jouissance de tout ou partie des biens communaux à l'exception des bois soumis au régime forestier. Cette dernière disposition s'applique aux biens des établissements publics existants dans les communes et qui ont une administration spéciale. »

MpVµ. - M. le ministre se rallie-t-il à la rédaction de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je me rallie à la rédaction de la section centrale, sauf un changement que je vais avoir l'honneur d'indiquer.

L'article 3 du projet se rapporte au n°1° de l'article 77 de la loi communale.

Cette disposition est relative au changement du mode de jouissance de tout ou partie des biens communaux, ce changement de destination restera désormais dans les attributions des députations permanentes. Il existe cependant une exception ; elle concerne le régime des bois soumis aux lois forestières.

Il est encore, messieurs, deux autres genres de propriétés communales dont le mode de jouissance ne devrait pouvoir être modifié qu'avec l'autorisation du Roi, parce qu'il s'agit de faits qui dans certaines circonstances peuvent avoir une importance réelle.

Ainsi, indépendamment des bois, qui sont soumis au régime forestier, nous avons encore des terrains incultes et des bruyères qui sont régis par une loi spéciale de 1847.

Cette loi a produit d'excellents résultats, mais elle ne s'applique qu'aux terrains incultes qui sont vendus par adjudication publique, à condition d'être mis en culture ou d'être boisés.

Il en résulte donc que lorsque des communes demandent à aliéner des bruyères de la main à la main, ou à en changer la destination, la loi n'est pas applicable de plein droit et les terrains incultes ne doivent pas nécessairement de par la loi être mis en culture. Le gouvernement depuis 1847 a pu parer à cette lacune et autoriser l'aliénation de bruyères ou le changement de mode de jouissance à la condition expresse qu'elles soient mises en culture.

Vous comprenez, messieurs, que cette obligation n'est pas toujours imposée sans opposition de la part des communes et parfois même des députations permanentes.

Si donc la Chambre n'y voyait pas d'inconvénient, il serait bon de prescrire que le mode de concession des bruyères continuera d'être soumis à l'approbation du Roi, parce qu'alors on pourra y attacher la condition indiquée.

Il est encore une autre espèce de propriétés communales dont le mode de jouissance ne devrait pas pouvoir être changé sans l'autorisation royale ; ce sont les immeubles affectés à un service public.

Tous les jours, le gouvernement accorde des subsides considérables, par exemple, pour l'établissement d'écoles.

Dans de petites communes, il arrive fréquemment, quand on n'y prend pas garde, que les bâtiments d'école sont consacrés à un autre usage. Je crois que le gouvernement ayant participé pour une large part dans l'établissement de ces édifices communaux affectés à un service public, le changement de destination ne devrait pouvoir en avoir lieu qu'avec l'autorisation du gouvernement.

Si la Chambre partageait cette manière de voir, il y aurait lieu d'ajouter, après les mots : « à l'exception », ceux-ci : « des terrains incultes ainsi que des immeubles affectés à un service public et dont la destination ne peut être changée sans approbation du Roi. » Puis vient la suite de l'article... « et des lois soumis au régime forestier, etc. »*

M. Mullerµ. - C'est alors une modification au projet du gouvernement ; car nous n'y avons fait en section centrale qu'une simple rectification de style consistant dans l'addition de la conjonction « et ».

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - C'est en même temps un amendement au projet de la section centrale, auquel je me rallie.

M. Dumortier. - Je crains que cet amendement n'aille plus loin que l'intention de M. le ministre de l'intérieur. Je suis bien certain qu'il n'entre nullement dans sa pensée d'établir indirectement une nouvelle centralisation, tandis qu'il en supprime une autre. Or, je crains qu'il n'en soit réellement ainsi, Je suppose, par exemple, un bâtiment (page 833) appartenant à une ville et servant à une académie de dessin ; la ville juge à propos d'établir cette académie dans m autre endroit et de donner une autre destination à son bâtiment ; faudra-t-il pour cela me autorisation royale ? Je ne pense pas que telle soit l'intention de M. le ministre, et cependant tel pourrait être le résultat de la rédaction qu'il a proposée.

Je crois, messieurs, qu'il conviendrait de renvoyer cet amendement à la section centrale ; j'en fais la proposition.

M. Mullerµ. - Je demande la parole.

- Des membres. - A demain ! (Interruption.)

M. Dumortier. - J'ai demandé que l'amendement de M. le ministre de l'intérieur fût imprimé et renvoyé à la section centrale.

- Cette proposition est adoptée.

La Chambre le met la suite de la discussion à demain à 1 heure.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.