(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)
(page 781) (page 781) M. Van Humbeeck, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de là dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Van Humbeeck, secrétaireµ, présente l’analyse des pièces adressées à la Chambre.
« L'administration communale et des habitants de Westerloo demandent que le projet de loi de travaux publics comprenne l'achèvement des travaux concernant la vallée de la Grande Nèthe. »
« Même demande de l'administration communale et d'habitants de Zoerleparwys et de Hersselt. »
M. Coomans. - Je demande le renvoi de ces pétitions à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi. »
- Cette proposition est adoptée.
« Le sieur Kronenberger, ancien professeur à l'athénée royal de Bruges, prie la Chambre d'étendre aux professeurs nommés par la loi du 1er juin 1850 et mis à la retraite depuis cette époque, les avantages accordés par le projet de loi modifiant la législation sur les pensions civiles. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« L'administration communale de Tongerloo demande qu'une partie de l'emprunt à contracter pour travaux publics soit destinée à l'amélioration de la Grande Nèthe et à la construction de routes pavées dans plusieurs communes de l'arrondissement de Turnhout. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi de travaux publics.
« Des habitants de Pâturages prient la Chambre d'accorder aux sieurs Hoyois et Coudroy la concession d'un chemin de fer de Frameries à Condé. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants de Fosses prient la Chambre de statuer sur leur demande tendante à faire annuler le tirage au sort pour la milice qui a eu lieu dans cette commune en février dernier. »
- Même renvoi.
« M. Willems fait hommage à la Chambre d'une centaine d'exemplaires d'une brochure intitulée « Des moyens d'étendre l'enseignement primaire. »
- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.
« M. Crombez, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »
- Ce congê est accordé.
M. Rodenbach. - Messieurs, à l'occasion de la fête de Pâques, la Chambre a l'habitude de se donner un congé, soit de quinze jours, soit de trois semaines.
Nos travaux sont considérables. Nous avons à voter l'emprunt et une foule d'autres projets importants. Je crois donc que, si nous ne voulons pas siéger l'été, nous devons, cette année, nous borner à prendre quinze jours de congé. Nous devons suivre l'exemple de la chambre anglaise qui, ainsi que je viens de le voir, ne prend un congé que jusqu'au 25 du courant.
Des membres m'ont exprimé le désir que la Chambre prit un congé jusqu'au 2 mai. Mais en présence de nos nombreux travaux, je me borne à proposer à la Chambre de s'ajourner demain jusqu'au mardi 25 du courant.
M. Jamar. - Ce n'est pas sur la motion d'ordre de l'honorable M. Rodenbach que je demande la parole. Je veux appeler l'attention de la Chambre sur la nécessité de voter l’emprunt avant de se séparer. Si la Chambre ne compte plus avoir que deux séances, il serait sage de s'occuper demain du projet de loi relatif à l'emprunt.
- Plusieurs membres. - Aujourd'hui !
- La Chambre, adoptant la proposition de M. Rodenbach, décide qu'elle se séparera demain jusqu'au mardi 25 du courant.
MpVµ. - La discussion générale continue.
M. T'Serstevensµ. - Je demanderai au gouvernement s'il consentirait à appliquer les dispositions de la loi que nous discutons en ce moment aux professeurs déjà mis à la retraite.
Par notre vote, nous allons reconnaître deux choses : d'abord l'insuffisance du taux actuel des pensions accordées aux professeurs. Ensuite nous allons reconnaître qu'en les obligeant à conserver leurs fonctions jusqu'à l'âge de 65 ans, nous leur imposons des fatigues au-delà de leurs forces. Nous en faisons, d'après l'exposé des motifs même, de véritables martyrs.
Il me semble que des fonctionnaires que jusqu'ici nous n'avons pas récompensés suffisamment, que nous avons fait souffrir, méritent de jouir des avantages que nous allons accorder à leurs successeurs. Les conséquences de ma proposition seront fort peu onéreuses pour le trésor. Il s'agit de 40 à 45 professeurs, qui tous ayant été mis à la pension à l'âge de 65 ans, n'ont plus, d'après les calculs de M. Quetelet, que neuf ans à vivre en moyenne. Le taux de leur pension sera majoré de de 10 à 11 p. c. calculés sur un traitement inférieur à celui que nous accordons actuellement à leurs successeurs.
Il me semble donc que ni le gouvernement ni les Chambres ne peuvent hésiter à faire droit à ma demande et qu'ils doivent l'admettre avec d'autant plus d'empressement qu'il s'agit de fonctionnaires qui ont embrassé leur carrière à une époque où l'enseignement moyen de l’Etat n’était pas encore organisé, où le gouvernement ne pouvait ni les aider ni les encourager aussi efficacement qu'aujourd'hui. Ils ont, par conséquent, posé un acte de dévouement. A nous à reconnaître ce dévouement en agissant à leur égard avec justice et équité.
M. Bouvierµ. - Le projet de loi soumis à vos délibérations a reçu, comme vous l'a dit hier un honorable membre, un accueil sympathique dans toutes les sections. Le même accueil lui semble réservé dans cette assemblée. Tout le monde reconnaît la nécessité de placer le professeur dans une position exceptionnelle en ce qui concerne la pension. Cette nécessité est fondée sur les grands et indiscutables services que ces vaillants et modestes soldats du progrès pacifique rendent à la société. Nous sommes tous d'accord pour proclamer cette vérité que l'instruction à tous les degrés est la dette la plus sacrée du gouvernement envers le pays. C'est le plus grand bienfait que les pouvoirs publics puissent répandre dans les masses au point de vue moral et intellectuel. Plus l'instruction se répand, se généralise, plus le niveau moral s'élève au sein de la nation. L'expression de la civilisation d'un peuple se mesure à la grandeur des moyens qu'il emploie, des sacrifices qu'il s'impose pour étendre le cercle de l'instruction.
Il faut donc encourager par tous les moyens ce grand instrument de civilisation et de progrès et pousser les intelligences d'élite à se consacrer à l’enseignement. Pour y arriver, ennoblissez la carrière du professeur, rétribue-le convenablement, entourez-le de respect et de considération et qu'il trouve, à la fin de sa laborieuse carrière, l’otium cum dignitate.
Je ne puis que rendre un sincère hommage à la sollicitude éclairée de l'intérêt que l'honorable ministre de l'intérieur voue à tout ce qui se rattache à l'instruction publique.
J'aurais voulu voir cependant dans le projet de loi un article qui enveloppât dans la même faveur les anciens professeurs admis à la pension, depuis l'organisation de l'enseignement en vertu de la loi de 1850, c'est-à-dire que Je projet de loi leur rendît ce que la loi de 1850 leur a ôté, savoir : la basé de 1/60 de leur traitement pour la liquidation de leur pension, et qu'une disposition accordât le bénéfice de la loi en discussion à tous les professeurs mis à la retraite depuis le fonctionnement de la loi de 1850, dont le chiffre ne s'élève qu'à 45, d'après ce que vient d'établie l'honorable M. T'Serstevens.
Ces professeurs méritent cette faveur par cette circonstance que la plupart ont été admis à la retraite à un âge plus avancé que celui indiqué dans le projet de loi. Les mêmes motifs d'humanité et de convenance rencontrent autant en faveur de ceux-ci qu'en faveur de ceux que la loi (page 782) en discussion protège. Leur position a droit aux mêmes égards de la part du gouvernement. Ce que nous demandons pour ces vieux athlètes de l’enseignement n'est qu'une mesure de justice et de tardive réparation.
Mais, dira-t-on, cette mesure que vous indiquez renferme le principe de la rétroactivité. Soyez-vous moins justes envers eux qu'envers les officiers de volontaires de 1830 auxquels la loi du 27 mai 1856 accorde le bénéfice de dix années de service s'ils ont pris part aux combats de la révolution, bénéfice qu'elle étend, par une disposition rétroactive, aux fonctionnaires militaires et civils qui, depuis le 11 février 1831, ont été admis à la pension.
Si les volontaires de 1830 sont les fondateurs de notre indépendance nationale, les professeurs sont les combattants de tous les jours pour apprendre à la jeunesse de nos écoles que la liberté et l'indépendance ne se conservent qu'à la faveur de la diffusion des lumières répandues à pleines mains par les bienfaits de l'instruction.
Je livre ces quelques observations à la bienveillante attention de M. le ministre de l'intérieur, espérant qu'il leur donnera son sympathique appui.
M. Hymans. - La Chambre a vu hier avec plaisir deux professeurs de l'enseignement libre venir prendre dans cette enceinte la défense des professeurs de l'Etat. Cela prouve que nous sommes unanimes, à quelque opinion que nous appartenions, pour donner aux membres du corps professionnel une position qui soit en harmonie avec leur mission s ciale.
Messieurs, la loi qui nous est soumise en ce moment accorde aux membres de l'enseignement moyen trois avantages assurément très importants ; d'abord elle leur permet la retraite dix ans plus tôt ; en second lieu, elle augmente d'un cinquième les bases de la liquidation de leur pension ; enfin elle fait entrer en compte le diplôme de capacité.
Je crois, messieurs, que le corps professoral, en général, d'après les renseignements que j'ai pu recueillir, se montre satisfait des dispositions que le gouvernement propose en sa faveur et qui ont été, du reste, indiquées par les professeurs eux-mêmes et par le conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen, que l'on peut considérer comme leur organe.
L'honorable M. Thonissen a trouvé que le projet du gouvernement n’allait pas assez loin et il a voulu faire aux membres de renseignement moyen une position à peu près analogue à celle des professeurs des universités.
Je crois, messieurs, que nous ne devons pas aller si loin. Je crois que, sans contester en rien le mérite des professeurs de l'enseignement moyen, nous devons maintenir une certaine distance entre l’enseignement moyen et l'enseignement supérieur, dont les professeurs doivent nécessairement posséder plus de titres et de science pour occuper une chaire.
Il y a une différence à faire, une hiérarchie à maintenir et l'honorable M. Thonissen lui-même l'a reconnu hier.
L'honorable membre semble, du reste, s'être trompé dans ses calculs, il a cité l'exemple d'un professeur qui obtiendrait avec la loi nouvelle une pension moindre que celle qu'il aurait en vertu de la loi actuelle.
- Un membre. - Suivant l'une des bases.
M. Hymans. - Précisément. L'honorable membre a oublié une base très essentielle. Ainsi il citait hier l'exemple suivant :
« Un professeur jouissant finalement d'un traitement de 3,000 fr., est entré en fonctions à vingt-cinq ans ; il est pensionné à soixante. Il obtiendra d'après la loi actuelle 35/60 de 5,000 francs, c'est-à-dire 1,750 francs. Eh bien, sous le régime qu'on prétend améliorer, le même professeur aurait obtenu 40/65 de 5,000 fr., c'est-à-dire 1,846 fr. »
La première partie de l'exemple est parfaitement exacte ; sous le régime de la loi actuelle, le professeur aurait obtenu 1,846 fr., mais il obtiendra, d'après le projet du gouvernement, beaucoup plus que 1,750 fr., car l’honorable membre n'a compté que 35/60, tandis qu'il faut ajouter à ces 35/60 les 4/65 auxquels lui donne droit son diplôme.
M. Thonissenµ. - Et s'il n'a pas de diplôme !
M. Hymans. - Aux termes de la loi de 1850, tous les professeurs doivent être munis d'un diplôme d'agrégé de l'enseignement moyen, ou d'un diplôme de docteur.
M. Thonissenµ. - Je ne parle pas de ceux-là.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Ceux-là pourront entrer 4 ans plus tôt dans l'enseignement.
M. Hymans. - L'honorable M. Thonissen, mu par un sentiment que je partage, trouve qu'il y a quelque chose à faire pour les professeurs entrés dans l'enseignement avant 1850, et qui n'étaient pas munis de diplôme de docteur. On a nommé à cette époque de simples candidats.
Je connais, dans certains athénées, des professeurs qui sont candidats en philosophie, candidats en sciences ou docteurs en sciences politiques et administratives,
Je croîs que pour ceux-là il faut faire entrer en ligne de compte les 4 années, et je suis convaincu que M. le ministre se rallier à cette proportion. Je n'ai pas même rédigé d'amendement dans la persuasion qu'il en présenterait un lui-même.
Je crois en outre, messieurs, qu'il serait utile de provoquer des modifications à la loi de 1850 afin d'admettre, dans la liquidation de la pension, le diplôme de candidat des écoles spéciales.
Ainsi le diplôme des professeurs de mathématiques, par exemple, qui sont ingénieurs honoraires, qui ont fait leurs éludes à l'école du génie civil, à l'école des sciences, à l'école spéciale des arts et manufactures, à l'école des mines, devrait entrer en ligne de compte aussi bien que le diplôme de candidat en philosophie et de candidat en sciences.
Je crois, messieurs, que la Chambre tout entière se ralliera aux observations si justes qui ont été présentées tout à l'heure par l'honorable M. T'Serstevens et appuyées par l'honorable M. Bouvier.
Les professeurs pensionnés avant 1850 n'ont pas un droit strict à ce que leur pension soit révisée, mais il me semblerait équitable qu'on leur rendit ce que la loi de 1850 leur a enlevé.
Enfin, messieurs, j'appuie de tous mes efforts les observations que l'honorable M. Delcour a présentées hier au sujet de la convenance qu'il y aurait à compter aux professeurs de l'enseignement moyen leurs services dans l'enseignement primaire officiel.
Je n'en dirai pas davantage. Je crois m'être fait comprendre, et cela suffit.
(page 787) M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, les honorables orateurs qui ont pris la parole dans la séance, hier et aujourd'hui, ont constaté tous que le projet de loi présenté par le gouvernement n'avait rencontré aucune opposition ni dans les sections, ni dans la section centrale, et les discours prononcés dans cette enceinte permettent de croire que ce projet ne rencontrera, quant à son principe du moins, aucune opposition dans cette Chambre.
Je constate, messieurs, ce fait avec une véritable satisfaction, parce qu'il indique une situation toute nouvelle.
Jusqu'ici, chaque fois qu'il s'est agi dans cette Chambre de questions touchant à l'enseignement moyen et au personnel de cet enseignement, une vive opposition s'est manifestée d'un côté de l'assemblée.
Chacun de vous se rappellera aussi combien fut laborieuse la discussion de la loi du 1er juin 1850 et avec quelle parcimonie la Chambre mettait alors à la disposition du gouvernement les sommes indispensables pour rétribuer, je ne dirai pas convenablement, mais pour rétribuer maigrement les professeurs de nos athénées et de nos écoles moyennes. Que les temps sont changés !
Aujourd'hui, et je le proclame avec bonheur, il y a unanimité pour reconnaître que les professeurs de l'enseignement moyen sont des fonctionnaires utiles et qu'ils ont même droit à toute la sollicitude de la législature !
Ce revirement, du reste, messieurs, ne m'étonne pas ; c'est le propre de toutes les bonnes lois d'être un jour justement appréciées ; la confection de ces lois est souvent laborieuse ; mais lorsqu’elles sont sagement mises à exécution pendant quelque temps, on en reconnaît les bons effets et alors il se produit un revirement complet dans l'opinion publique, et les législateurs mêmes, d'abord hostiles, viennent à d'autres sentiments.
Je ne crois pas être mauvais prophète en disant que ce qui se produit aujourd'hui pour la loi de 1850 sur l'enseignement moyen, se produira, j'espère, dans quelques anuées pour la loi des bourses, et j'aime à croire que, lorsque la loi sur le temporel des cultes, qui paraît devoir être vivement combattue, sera mise en vigueur et loyalement exécutée, on lui rendra également l'hommage qui lui revient.
- Une voix à droite. - C'est ce que nous verrons.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - C'est mon appréciation : il y a déjà un revirement dans cette Chambre en ce qui concerne la loi de 1850, cette loi est aujourd'hui appréciée comme elle mérite de l'être et les autres lois dont je viens de parler le seront plus tard, je pense. (Interruption.)
Quoi qu'il en soit, je dis que l'attitude de la Chambre est encourageante pour le gouvernement et que j'espère qu'il trouvera désormais, dans la législation entière, l'appui indispensable pour apporter à la loi sur l'enseignement moyen et à la position des professeurs chargés de cet enseignement, toutes les améliorations qui seraient jugées nécessaires ou utiles.
Mais ce qui encouragera moins le gouvernement à marcher dans cette voie progressive, c'est l'attitude que viennent de prendre un certain nombre de professeurs ; je dis « un certain nombre », parce que, M. Hymans vient de le constater, la plupart des membres du corps enseignant rendent complètement hommage à la sollicitude du gouvernement et reconnaissent que la loi nouvelle aura pour eux les meilleurs résultats. Un certain nombre donc de professeurs ont cru pouvoir prendre une attitude bien difficile et injustifiable.
A entendre leurs interprètes dans cette Chambre, ou dirait en vérité que la loi présentée par le gouvernement sera de nature à nuire au corps professoral, tandis que cette loi a pour objet d'assurer, dans une certaine mesure, aux anciens professeurs et aux autres membres du corps enseignant, cet otium cum dignitate qui est le dernier rêve des vieillards !
Je regrette et je blâme, messieurs, cette conduite ; elle prouve que quelques membres du corps enseignant doutent de la sollicitude du gouvernement, elle est de nature à entraver même à l'avenir le bon vouloir du gouvernement qui hésitera désormais de toucher à ce qui est, même dans un but d’amélioration, dans la seule crainte de provoquer une agitation au sein du corps professoral et dans les établissements d'enseignement, où le calme est si nécessaire pour assurer le développement et le succès des études. Permettez-moi, messieurs, d’ajouter que cette attitude prise par certains professeurs est pénible pour le ministre lui-même.
Depuis que j’ai eu l’honneur de prendre la direction du département de l'intérieur, j’ai consacré mes meilleures heures à l'étude de toutes les questions relatives à l'enseignement publie officiel. Ma sympathie pour le corps enseignant ne peut être douteuse. Depuis trois ans on a beaucoup fait pour les instituteurs et pour les professeurs. Et quand on voit qu'après avoir ainsi cherché à améliorer la position des membres du corps enseignant, ces efforts soit accueillis par des récriminations, je déclare qu'il y a là quelque chose de froissant et de décourageant pour le ministre.
Je ferai remarquer aussi à la Chambre que toutes les démarches faites par les professeurs en dehors de la voie hiérarchique nuisant à la discipline et à l'ordre, qui seuls peuvent assurer la marche régulière des établissements d'instruction.
Si, en effet, le corps professoral sait, par expérience, qu'il peut, dans certains cas, avec votre concours, messieurs, forcer la main du gouvernement, il sera extrêmement difficile à l'Etat de maintenir dans cette vaste administration cet ordre et cette hiérarchie qui sont les bases d'une bonne organisation de l'enseignement public.
Quoi qu'il en soit, ces récriminations injustes et que j'avais prévues n'ont pas arrêté le gouvernement, et mu par un sentiment de bienveillance que h Chambre et la généralité du corps professoral apprécient, il a présenté le projet de loi qui est soumis en ce moment à vos délibérations.
Ce projet, messieurs, comme on l'a dit, a un double but : il sera utile à l'enseignement moyen, il sera avantageux à ceux qui le donnent. L'amélioration de la position des professeurs est faite dans une mesure juste, équitable, mais dans certaines limites et en rapport avec les règles de la justice distributive.
La Chambre ne doit pas perdre de vue que le gouvernement doit sa protection et sa sollicitude à tous les fonctionnaires, et qu'il ne peut pas, sans faillir aux règles de la justice distributive, accorder des faveurs exagérées aux uns et refuser ensuite aux autres de modestes avantages.
Si, messieurs, on fait par la loi une position privilégiée aux professeurs de l'enseignement moyen, c'est qu'ils se trouvent duis une position particulière, ainsi que le prouve l'exposé des motifs du projet de loi.
En disant que les mesures prises par le gouvernement doivent être circonscrites dans de justes limites, j'ai fait suffisamment comprendre, je pense, qu’il me sera impossible de me rallier aux amendements présentés par MM. Thonissen et Lelièvre.
Ces propositions, d'après nous, et l'honorable M. Hymans vient de le constater aussi, vont trop loin. Voici les motifs qui ne me permettent pas de me rallier à ces propositions.
Je ferai remarquer d'abord que le premier amendement des honorables MM. Thonissen et Lelièvre est rédigé en termes fort peu clairs. Avant d'avoir entendu les explications qui ont été données par l'honorable M. Thonissen, j'avais cru qu'il s'agissait uniquement des professeurs reconnus hors d'état de continuer leurs fonctions avant d'avoir atteint l’âge requis pour être admis à la pension.
En lisant le texte de l'amendement, on peut se convaincre qu'il doit être compris dans ce sens. Entendu ainsi, l'amendement aurait produit dans la pratique de choquantes anomalies ; il me serait facile de prouver qu'un professeur atteint d'infirmités à l'âge de 25 ans, par exemple, aurait, d'après l'amendement, droit à une pension plus élevée que celle qui est attribuée par la loi aux professeurs, en général, après 30 années de service, au moins.
Mais je n'insiste pas sur ce point, les explications de l'honorable M. Thonissen m'ayant fait comprendre qu'il s'agissait de principes généraux applicables à tous les professeurs. Je me borne à faire remarquer que si cet amendement était adopté, ce que je ne pense pas, il faudrait nécessairement en changer la rédaction.
Messieurs, la disposition proposée par les honorables représentants est puisée dans le chapitre 2 de la loi sur les pensions civiles relatif à l’éméritat accordé aix professeurs des universités, c'est-à-dire à des professeurs qui sont placés dans une disposition toute spéciale.
Messieurs, l'honorable M. Thonissen propose d'accorder, « à peu près », dit il, les mêmes avantages aux professeurs de l’enseignement moyen. Je crois remarquer que ces avantages ne seraient pas « à peu près » mais relativement les mêmes dans les deux lois ; il y a plus : ils pourraient même être plus considérables pour les professeurs de l'enseignement moyen que pour les professeurs d'université.
Ainsi, le professeur de l’enseignement supérieur qui obtient l’éméritat après 25 années de service, et à l’âge de 70 ans, conserve son traitement fixe tout entier ; mais il ne lui est tenu aucun compte du minerval, qui est assez considérable dans les universités de l’Etat.
(page 788) Au contraire, pour la liquidation des pensions des professeurs de l’enseignement moyen on prend pour base non seulement le traitement fixe, non seulement le minerval dont jouissent les professeurs en général, mais encore, et ceci est très important, divers autres émoluments dont jouissent certains fonctionnaires de cette catégorie..
Ainsi par exemple, les préfets des études des athénées et les directeurs des écoles moyennes, outre le traitement fixe et le minerval, ont le logement, le feu et la lumière.
Eh bien, ces avantages divers sont ajoutés au traitement et au minerval, lors de la liquidation de la pension, et c'est sur la moyenne du total général pendant les cinq dernières années qu'on calcule la pension.
Appliquons les bases de l'amendement à un chiffre qui a été produit hier par l'honorable M. Thonissen. Tandis que le professeur émérite d'une université de l’Etat, dont j'ai parlé tout à l'heure, ne conservera, à titre de pension, que son traitement fixe seul, un professeur de l'enseignement moyen, qui aurait un traitement fixe de 3,000 fr. avec 1,500 fr. de minerval, c'est-à-dire qui aurait 4,500 francs en tout, jouirait, dans le système que je combats, d'une pension de 3,250 fr., après 30 ans de service ; il aurait donc une pension supérieure au traitement fixe dont il aurait joui.
Voulez-vous, pouvez-vous accorder même exceptionnellement à des professeurs de l’enseignement moyen ce que la loi n'accorde pas aux professeurs de l'enseignement supérieur ? Je ne le pense pas. Ce serait une injustifiable anomalie. Ne faut-il pas maintenir une certaine distinction entre les professeurs de l'enseignement moyen et ceux de l'enseignement supérieur ? Remarquez d'ailleurs que le personnel de l'enseignement moyen se compose, non pas seulement des professeurs d'athénée, mais encore des régents d'école moyenne, même d’instituteurs nommés dans les sections préparatoires annexées aux écoles moyennes. Vous avez encore les secrétaires-trésoriers, les maîtres et les surveillants.
Peut-on songer à accorder à tout ce personnel, l'éméritat, comme on l'accorde à un professeur d'une université de l'Etat, à un savant qui doit se livrer à de larges et sérieuses études avant de pouvoir obtenir, à la fin de sa carrière, une chaire d'université ?
D'ailleurs, messieurs, je l'ai dit, il y a un instant, le gouvernement doit agir d'après certaines règles de justice distributive, on ne doit pas se le dissimuler : Si l'on accorde l'éméritat aux régents des écoles moyennes, et même aux instituteurs des sections préparatoires, on devra, en toute équité et en toute justice, accorder les mêmes avantages à beaucoup d'autres fonctionnaires de l'Etat.
Je dois aussi déclarer à la Chambre, que j'ignore complétement quelles seraient les conséquences financières du nouveau système, mais, bien que je n'aie pu l'étudier suffisamment à ce point de vue, je crois cependant que le gouvernement serait entraîné dans des dépenses assez considérables : mais là n'est pas l'objection principale ; pour moi, l'objection principale est qu'il faut maintenir une certaine hiérarchie entre les divers degrés de l'enseignement, et ne pas confondre des choses qui ne pourraient, sans danger, cesser d'être distinctes.
Le second amendement consiste à accorder aux professeurs, et je suppose aux régents, à tous les membres du corps enseignant, admis dans l'enseignement avant l'exécution de la loi de 1850, les avantages que l'on accorde par la loi aux professeurs diplômés, c'est-à-dire qu'on compterait à tous les professeurs admis avant cette époque, quatre soixantièmes de plus que le nombre de leurs années de service.
Je ne comprends pas comment on justifierait cette proposition. Je ne comprends pas pourquoi, ainsi qu'en l'a déjà dit tantôt, on accorderait cet avantage de 4/60 aux professeurs entrés dans l’enseignement avant 1850, plutôt qu'à ceux qui y sont entrés après. Le nombre de ceux-ci est restreint sans doute, puisqu'il faut un diplôme.
Il y a cependant des exceptions.et sur l'avis du conseil de perfectionnement, on peut admettre encore et par exception des professeurs non diplômés dans l'enseignement moyen.
Mais qu'a voulu le gouvernement ? Il a voulu donner un avantage à ceux qui, se destinant à la carrière de l'enseignement, ont fait des études préparatoires spéciales, sérieuses ; à ceux qui, pendant deux ou quatre ans, ont fréquenté les établissements de l’Etat en vue de la carrière qu'ils se proposaient de parcourir. Il a voulu leur tenir compte des dépenses qu'ils ont dû faire pour acquérir leur instruction, et enfin il a voulu leur tenir compte du temps qu'ils ont dû nécessairement y consacrer.
Ainsi, si un jeune homme, ayant terminé sa rhétorique, parvient, avec une dispense, à se faire nommer professeur dans un athénée ou dans un collège communal, régent dans une école moyenne, il pourra très bien entrer dans l'enseignement, à l'âge de 21 ans, tandis que le professeur diplômé, qui doit rester pendant quatre ou cinq ans à l'université ou à une école spéciale, ne pourra être nommé professeur qu'à l'âge de 25 ans en moyenne.
Et vous mettrez sur la même ligne celui qui a eu occasion de gagner une pension plus forte, puisqu'il est entré plus tôt dans l'enseignement, et celui qui n'y est entré que plus tard à cause des longues et sérieuses études auxquelles il a dû se livrer.
Je pense donc que cette assimilation n'est pas rationnelle ; elle n'a aucun motif d'être.
Les honoraires membres proposent encore de remplacer l'article 5 de la loi par la disposition suivante :
« Les années de service antérieures à 1851 seront comptées pour 1/50, s'il s'agit d'enseignement public communal ou provincial, et pour 1/60, s'il s'agit de services publics étrangers à l'enseignement. »
Je demanderai d'abord pourquoi, lorsque la loi ne compte que pour 1/65 les services rendus en général à l'Etat, il faudrait compter pour 1/60 les services antérieurs rendus à l'Etat en toute autre qualité que celle de professeur.
Je suppose qu'un militaire entre, à l'âge de 25 ans, dans une école moyenne, avec une dispense, comme instituteur ou surveillant ou en toute autre qualité. Eh bien, les années qu'il aurait passées dans l'armée lui seraient comptées pour 1/60 parce qu'il appartient ultérieurement au corps enseignant, tandis que s'il suivait une autre carrière civile, chaque année de service ne lui compterait que pour 1/65.
Je ne comprends pas comment on peut motiver cette exception.
Quant à la première proposition qui consiste à compter pour 1/50 les services rendus antérieurement à 1851, je crois qu'elle n'est faite que parce qu'on perd de vue le système suivi, lorsqu'il s'agit de liquider les pensions des membres du corps enseignant de l'Etat qui ont été attachés à des établissement civils.
Si la Chambre me le permet, je vais lui expliquer en quelques mots comment on procède à la liquidation des pensions en pareil cas.
Lorsqu'un professeur est admis à la pension, on calcule le traitement moyen dont il a joui pendant les cinq dernières années et le nombre de ses années de service. Si ce professeur a appartenu à un établissement communal antérieurement à la mise à exécution de la loi de 1850, il a eu la faculté, en règle générale, de participer à des caisses qui ont été créées en faveur du personnel enseignant.
On fait donc le compte du professeur et l'on évalue la pension qui lui revient sur le taux moyen de ses derniers traitements et le nombre de ses années de service.
De cette somme on déduit la part de pension qui doit être payée d'après les règlements des caisses de prévoyance, et l'excédant est fourni par l'Etat.
Il importe donc peu qu'on tienne compte au professeur, à raison d'un 50e de son traitement, des services rendus à une certaine époque, dans l'établissement communal, puisque la pension globale, générale est calculée sur la moyenne du traitement des cinq dernières années ; je ne vois donc pas en quoi la proposition faite pourrait être utile au professeur. Elle ne changerait en rien sa position et aurait cet inconvénient de modifier le règlement des caisses de pension qui sont des sociétés particulières, des espèces da tontines.
Cet amendement ne me paraît donc pas non plus susceptible d'être adopté.
Enfin le quatrième paragraphe des amendements a pour objet de fixer le maximum de la pension aux trois quarts du traitement, tandis que la loi générale n'admet que les deux tiers. Pour la compléter, il faudrait y ajouter une prescription de la loi générale, c'est-à-dire fixer un maximum. Le maximum pour toutes les pensions civiles, même pour les plus hauts dignitaires de l'Etat, est de 5,000 fr.
M. Thonissenµ. - Cela est sous-entendu.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Il me semble qu'on ne doit rien sous-entendre lorsqu'on fait une loi.
Mais encore une fois, je ne conçois pas pourquoi l'on devrait faire une position tout à fait exceptionnelle, sous ce rapport, à des professeurs. Cela me paraît d'autant moins rationnel que pour eux la pension n'est pas calculée exactement sur le traitement fixe, mais aussi sur les émoluments que les professeurs reçoivent, de sorte que les deux tiers du traitement fixe et des émoluments réunis peuvent s'élever à une somme plus forte que le traitement fixe lui-même.
Je ne puis donc pas plus me rallier à cet amendement qu'aux trois autres.
(page 789) Du reste, messieurs, l'ensemble des dispositions proposées par les honorables MM. Thonissen et Lelièvre est un projet tout nouveau, on veut l'intercaler dans la loi générale des pensions, sans tenir compte de toutes les autres prescriptions de cette loi qui cependant sont et restent encore applicables aux professeurs comme à tous les autres fonctionnaires du gouvernement.
L'honorable M. Thonissen a exprimé hier une pensée ; il a dit que probablement si, en 1850, on y avait songé, on aurait donné une position spéciale, quant à la pension, aux professeurs de l'enseignement moyen.
Eh bien messieurs, il n'en est rien. D'abord, je pense que, si on en avait fait la proposition, la Chambre n'eût pas consenti, à cette époque, à faire aux professeurs une position spéciale. D'ailleurs, l'article 9 de la loi de 1850 dit en termes exprès que les pensions des professeurs seront réglées conformément aux dispositions de la loi du 21 juillet 1844, modifiées par celles du 17 février 1849.
L'honorable membre a cité des faits qui semblent avoir produit une certaine impression sur la Chambre. Dans certains cas, a-t-il dit, le professeur mis à la retraite pourra toucher sous le régime nouveau une pension inférieure à celle qu'il aurait touchée sous le régime ancien. Messieurs, en tenant compte du diplôme obtenu, il y aura pour les professeurs, sous la loi nouvelle, des faveurs qui ne sont pas à dédaigner. Quant aux chiffres qui ont été cités, ce sont des cas isolés et produits par des circonstances particulières.
Il y a des professeurs qui ont négligé de faire valoir leurs anciens services et de payer les rétributions dues pour ces anciens services aux caisses de prévoyance ; d'autres ont passé peu de temps soit dans l'enseignement moyen de l'Etat, soit dans l'enseignement communal.
Je dois supposer que si les pensions dont on parle sont si minimes, c'est parce que les professeurs qui en jouissent sont dans des circonstances particulières.
Du reste, le projet de loi a pour but d'améliorer ces positions en tenant compte des bases nouvelles admises par le projet de loi en discussion.
C'est ainsi que la loi l'entend.
On a parlé aussi des professeurs des collèges communaux et des collèges patronnés. On s'est beaucoup apitoyé sur le sort de ces professeurs qui ont une mission fort laborieuse.
Il ne peut s'agir ici, messieurs, des professeurs des collèges patronnés puisqu'ils ne sont pas fonctionnaires de l'Etat, ni des provinces, ni des communes. Ces professeurs participent à la caisse de prévoyance, mais ils n'ont droit à aucune pension de l'Etat ; ils sont complètement hors de cause ici.
Quant aux professeurs des collèges communaux, le gouvernement reconnaît leur position et il est tout disposé à faire beaucoup pour eux ; la présente loi leur est applicable dans une certaine mesure.
Mon intention est d'inviter le conseil d'administration de la caisse centrale de prévoyance à examiner s'il ne serait pas possible d'améliorer la position des professeurs attachés aux collèges communaux. La même observation s’applique aux professeurs de l'enseignement primaire. On pourra revoir les règlements des caisses provinciales et examiner s'il ne serait pas possible de donner aux instituteurs, à la fin de leur carrière, une pension plus élevée. Le gouvernement, ainsi que je viens de le dire, n'a pas perdu de vue les intérêts des professeurs des collèges communaux.
D'après le projet de loi, il leur sera tenu compte par le trésor des services qu'ils ont rendus antérieurement à la mise à exécution de la loi de 1850 ou plutôt antérieurement à l'époque à laquelle ils ont eu la faculté de participer à la caisse de prévoyance.
En effet, messieurs, ce ne sera que justice, car, ainsi que l'a dit M. Thonissen, les professeurs de l'enseignement moyen ont passé par des époques pénibles avant 1850. Personne n'ignore qu'on leur a fait à cette époque une guerre bien rude ; ceux qui voulaient tuer les institutions laïques d'enseignement moyen ont cru ne pouvoir y mieux réussir qu'en affamant, si je puis parler ainsi, les professeurs de ces établissements. La plupart de ces institutions ont été forcément supprimées.
Plusieurs de ces professeurs ont cependant consenti à de grands sacrifices, ont largement contribué à sauver les collèges qui existent aujourd'hui. Veuillez remarquer aussi qu'avant 1850, l'enseignement moyen communal était réellement le seul enseignement public officiel. Je pourrais citer des exemples des vives souffrances éprouvées par ces professeurs, mais il est inutile de revenir sur un passé que le présent fait oublier.
La section centrale a signalé à la bienveillance du gouvernement, les professeurs des écoles normales primaires. Il ne peut en être question ici puisque le projet ne concerne que l'enseignement moyen, mais c'est une question qui sera examinée avec tout le soin qu'elle mérite.
L'honorable M. Delcour, tout en rendant hommage aux intentions du gouvernement qui a présenté la loi, et je l'en remercie, a posé au gouvernement deux questions, la première est celle de savoir si, dans la fixation dos pensions des professeurs de l'enseignement moyen, il sera tenu compte des services rendus par eux comme instituteurs primaires, soit qu'ils appartiennent aujourd’hui aux établissements communaux, soit qu'ils appartiennent aux établissements de l'Etat.
Il serait difficile de donner des explications à cet égard, parce que je ne connais pas la position des personnes auxquelles l'honorable membre fait allusion. Ainsi il peut arriver qu'un instituteur primaire ait refusé de participer à la caisse de prévoyance ; il peut se faire encore que l'établissement communal était dans une position spéciale, par exemple, que l'instituteur était nommé par le gouvernement ; dans ce cas, il sera tenu compte au titulaire des services rendus dans l'enseignement primaire.
En règle générale, messieurs, les institutions primaires participent à des caisses de prévoyance et les services rendus par eux dans l'enseignement primaire se règlent conformément aux règlements de ces caisses.
Tout ce que je puis dire, c'est que le gouvernement est disposé à appliquer la loi avec la plus grande bienveillance et sur les bases les plus larges possibles. Tous ceux qui ont plus ou moins tenu à l'enseignement de l'Etat en éprouveront les bienfaits.
L'honorable M. Delcour a posé une autre question qui, il l'a reconnu, n'était pas tout à fait à sa place ici.
Si j'ai bien compris l'honorable membre, il s'est plaint que le professeur touchant le maximum du traitement et passant dans une autre classe supérieure ne pouvait pas faire compter le temps qu'il avait passé dans la classe inférieure pour la fixation de son nouveau traitement.
Je crois, messieurs, que l'honorable membre ne se rend pas bien compte des faits : quand un professeur de 6ème, ayant le maximum de son traitement, passe à une classe supérieure, je suppose en 5ème, si le traitement de 5e est intérieur à celui de 6ème, il conserve ce maximum.
M. Delcourtµ. - S'il n'a pas le maximum.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Il jouit du traitement attaché à sa position nouvelle. Jamais, en passant d'une classe inférieure à une classe supérieure, le traitement ne diminue. Il en résulte donc que le professeur qui a de l'avancement conserve sa position antérieure sous le rapport pécuniaire, si le traitement de sa nouvelle position est inférieur à celui de la position qu'il a quittée et qu'il jouit du traitement supérieur dès que le temps est venu.
Je crois, messieurs, qu'il est impossible d'agir autrement sans jeter la perturbation dans la hiérarchie.
Il en est de même dans l'armée.
Un capitaine qui reste trop longtemps dans son grade ne jouit que de son traitement de capitaine. Quand il passe major, il a le traitement de major.
Il faut, messieurs, donner aux différents fonctionnaires le montant des traitements affectés aux grades qu'ils occupent dans la hiérarchie administrative.
Cette question est, je le répète, hors de cause. S'il y avait, du reste, quelque chose à faire, on pourrait encore examiner, mais je ne le crois pas.
Messieurs, l'honorable M. Hymans a bien préjugé les dispositions du gouvernement, en disant que je déposerais un amendement en faveur de certains professeurs dont il a parlé.
En 1830, en vertu des arrêtés pris par le roi Guillaume, il suffisait, pour occuper certaines chaires, d'être porteur d'un diplôme de candidat en philosophie ou en sciences.
Eh bien, il a semblé au gouvernement qu'il était juste de tenir compte de ce diplôme aux professeurs qui en sont porteurs, pour 2/60 dans la fixation de la pension.
Je crois que cette disposition ne sera combattue par personne. Elle est fondée en équité et, comme l'a présumé l'honorable M. Hymans, j'aurai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un amendement dans ce sens.
Deux honorables membres, MM. Bouvier et T'Serstevens ont appelé l'attention du gouvernement sur un autre point. Ils ont demandé si l'on ferait quelque chose pour les professeurs actuellement admis à la pension.
J'ai dit, messieurs, que la loi serait appliquée avec la plus grande bienveillance, sur les bases les plus larges. Dans l'opinion du gouvernement, la loi ne peut avoir d'effet rétroactif, mais je pense qu'on pourrait (page 790) appliquer aux professeurs dont on parle, les bases nouvelles admises par la loi.
Ainsi, les pensions liquidées sous l'empire de la loi de 1849, conformément aux stipulations de cette loi, restent fixées comme suit, c'est-à-dire que le professeur dont la pension a été liquidée à raison d'un 65ème par année de services, aux termes de cette loi, conservera cette pension qui, ne sera pas révisée de ce chef.
Lorsque, en 1849, on a modifié la loi de 1844 et qu'on a fixé le 65ème au lieu du 60ème comme base des pensions, on n'a pas révisé celles de ces pensions antérieurement fixées.
Mais il semble possible et juste de faire jouir les anciens professeurs des avantages résultant de l'adoption de bases nouvelles. Ainsi, lorsqu'un professeur aura eu un diplôme, on lui en tiendra compte et la pension sera augmentée de 4/60 ou de 2/60, suivant le rang.
En outre, aux professeurs dont on a parlé, qui ont rendu des services dans l'enseignement avant 1850 et qui n'ont pas pu contribuer, avant 1838, aux caisses de prévoyance, on tiendra compte de ces services, de sorte que certains professeurs qui sont entrés dans l'enseignement même en 1824 ou 1825 et qui ont été pensionnés de ce chef, pourront recevoir des suppléments de pension.
La loi accorde donc des avantages considérables, mais je pense que la Chambre ne doit pas aller au-delà.
A l'appui de ce que je dis, je puis invoquer un précédent.
Lorsque la Chambre a décidé que l'on compterait 10 années aux fonctionnaires militaires et civils pour les services qu'ils ont rendus à la révolution, on a augmenté toutes les pensions de ces fonctionnaires, car c'était là une base nouvelle. Les vétérans du corps professoral ont donc l'espoir légitime d'obtenir, après 40 ou 45 années de service, le maximum de la pension que la loi permet de leur accorder.
Si l'on admettait le système que préconisa l'honorable M. T'Serstevens, on pourrait soutenir qu'il y a rétroactivité, attendu qu'il s'agirait de réviser des pensions légalement fixées d'après les lois en vigueur à l'époque de la liquidation ; mais il n'en est pas ainsi si l'on ne tient compte que des bases nouvelles que l'on a introduites dans la loi.
Je crois, messieurs, avoir répondu aux principales objections qui ont été faites. La loi sera utile à l'enseignement et aux professeurs. Elle est faite dans des limites justes et équitables, et justifiée par les circonstances toutes spéciales dans lesquelles se trouvent les membres du corps enseignant.
Elle accordera des pensions rémunératrices. Ainsi à 55 ans le professeur pourra jouir de toute sa liberté et il aura cependant en moyenne une pension de 60 p. c. à peu près de la moyenne de son traitement fixe des cinq dernières années. A 60 ans, il aura en général à peu près le maximum de la pension que la loi permet de lui accorder, c'est-à-dire les 2/3 de son traitement.
Je crois que le projet de loi est satisfaisant sous tous les rapports et je prie la chambre de le voter tel qu'il est présenté par le gouvernement.
(page 782) M. Thonissenµ. - Messieurs, je vous demande la permission de présenter encore quelques courtes observations à l'appui des amendements que j'ai présentés, d'accord avec l'honorable M. Lelièvre.
Par rapport au premier, M. le ministre de l'intérieur me fait une double objection : l'une porte sur le fond, l'autre porte sur la forme.
Quant au fond, M. le ministre me reproche de prendre, pour la liquidation des pensions des professeurs de l'enseignement moyen, des bases plus favorables, à certains égards, que celles admises pour la liquidation des pensions des professeurs de l'enseignement supérieur.
Il y a là, messieurs, une erreur complète.
Comment procède-t-on pour la liquidation des pensions des professeurs de l'enseignement supérieur ?
On leur accorde d'abord un sixième du traitement moyen des cinq dernières années. On fait ensuite le compte des années de professorat au-delà de cinq, et on leur alloue pour chaque année 1/35 du traitement en sus.
Que fais-je de mon côté ?
Je prends la première base ; j'accorde également, pour les cinq dernières années, un sixième du traitement moyen ; mais, pour le surplus au lieu de 1/35, je n'alloue que 1/45. Par conséquent, il n'est pas juste de dire que je prends, pour les professeurs de l'enseignement moyen, une base plus favorable que celle admise pour les professeurs de l'enseignement supérieur.
Mais, ajoute l'honorable ministre de l'intérieur, vous oubliez le minerval, les rétributions qui ne sont pas comptées pour la pension des professeurs de l’enseignement supérieur.
Messieurs, dans les universités, les rétributions perçues par les professeurs s'élèvent parfois à des sommes considérables, et je conçois, fort bien qu'on n'en tienne pas compte pour la liquidation de la pension. Mais en est-il de même dans les établissements d'enseignement moyen ? En aucune manière, et voici la preuve manifeste que me fournit à cet égard le gouvernement lui-même.
Un arrêté royal du 10 février 1864 constate le taux moyen du minerval dans tous les établissements d'enseignement moyen dirigés par l'Etat.
M. Mullerµ. - C'est un minimum.
M. Thonissenµ. - Oui, mais ce minimum sera pour la liquidation de la pension.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Cela et autre chose encore.
M. Thonissenµ. - Voici donc le minimum indiqué ;
Pour l'athénée d'Anvers, 877 francs.
Pour l'athénée de Mons, 700 fr.
Pour l'athénée de Namur, 700 fr.
Pour l'athénée de Tournai, 741 fr.
Pour l'athénée de Hasselt, 750 fr.
Evidemment, messieurs, ces sommes n'ont rien de comparable avec la rétribution perçue par les professeurs des universités, et l'on peut dès lors (page 783) sans aucun inconvénient, en tenir compte dans la liquidation des pensions.
Mais il y a une autre raison qui découle du texte de la législation existante.
La loi du 21 juillet 1844 dispose que dans la liquidation des pensions des professeurs des universités, on prendra pour base le traitement fixe, tandis que, dans la liquidation de la pension des professeurs de l'enseignement moyen, elle veut qu'on prenne pour base le traitement fixe et le minerval. Je reste fidèle à ce système, et si je compte le minerval parmi les bases que je propose pour la liquidation des pensions des professeurs de l'enseignement moyen, c'est là évidemment une considération fort accessoire qui ne peut pas modifier sensiblement le taux de la pension.
L'honorable ministre m'a également demandé quelles seraient les conséquences financières de mon projet. J'ai le droit de m'étonner de cette demande, car M. le ministre a eu tout le temps de se renseigner complètement à cet égard.
Mon amendement a été déposé le 29 mars et distribué le soir même aux membres de la Chambre. Huit jours se sont donc passés depuis lors, et cependant le gouvernement ne sait pas encore quelles seraient les conséquences financières de la mesure que je propose ! Elle ne s'applique cependant qu'à un petit nombre d'individus.
Le chiffre total des pensions payées par le département de l'intérieur s'élève à 240,000 fr. par an. On n'avait qu'à prendre la proportion pour laquelle les pensions payées aux professeurs de l’enseignement moyen entrent dans cette somme et à décomposer ensuite les chiffres pour les mettre en regard de ceux qu'on obtient en procédant suivant les bases nouvelles résultant de l'amendement. Un homme très expert a fait ce calcul pour moi, en prenant pour guides les chiffres qui figurent à la page 5 de l'exposé des motifs.
A la fin de cette page on lit :
« Appliquée au montant des pensions à servir au 1er janvier 1864, cette augmentation de fr. 5,81 et de 0,95 p. c. accroîtra la dépense de fr. 682,68. »
D'après le projet du gouvernement, l'augmentation serait donc de 682 fr. 63 c. Eh bien, d'après les bases indiquées dans l'amendement, l'augmentation serait de 1,000 fr. mon système n'amènerait donc qu'une dépense nouvelle de 318 fr., et il me semble que nos finances sont assez prospères pour nous laisser cette faculté.
Deux mots maintenant, quant à la question de forme. L'honorable ministre avait d'«bord cru que mon amendement ne prévoyait que le cas de mise à la pension pour cause d'infirmités. Mais, je l'ai déjà dit hier, le deuxième paragraphe est cependant suffisamment clair.
S'il commençait par les mots : « leur pension, etc. », je comprendrais qu'il y eût quelque doute, mais il porte : « La pension sera liquidée, etc.». D’ailleurs, il y a un moyen très simple de couper court à toutes les difficultés, c'est de dire : « La pension sera liquidée dans tous les cas, à raison de... etc. » J'en fais la proposition formelle.
Quant à l'observation de M. le ministre relative au chiffre élevé que, dans mon système, certaines pensions pourraient atteindre, je n'ai qu'une réponse à lui faire : c'est que, par l'amendement que j'ai présenté a l'article 7, je propose de décider que la pension ne pourra, en aucun cas, dépasser les trois quarts du traitement moyen de cinq dernières années.
J'arrive au deuxième amendement. Je savais parfaitement que le gouvernement, guidé par des intentions auxquelles je rends hommage, a voulu accorder une récompense à ceux qui ont passé trois ou quatre années de leur jeunesse à acquérir une instruction solide dans les écoles normales annexées aux universités. J'applaudis à cette mesure ; mais pourquoi ne pas l'étendre aux professeurs nommés avant 1851, et qui n'ont pas de diplôme ? Ne vous trompez pas sur mes intentions.
Je ne veux pas du tout qu'on accorde les 4/60 à tous ceux qui n'ont pas de diplôme. Je demande simplement qu'on accorde cet avantage à ceux qui faisaient partie du corps enseignant des athénées et des collèges communaux à l'époque de la promulgation de la loi du 1er juin 1850, ou qui, du moins, ont été nommés dans le délai indiqué à l’article 10 de cette loi.
Ceux-là n'ont pas de diplôme. Mais pourquoi n'en ont-ils pas ? parce qu'alors il n'en fallait pas. Si, avant 1850, les communes avaient exigé le diplôme, tout le monde l'aurait eu ; depuis 1850, ou le réclame et tout le monde le produit. Encore une fois, pourquoi ne pas tenir compte de ce fait ?
D'ailleurs, il ne faut pas qu'on s'attache à des subtilités, qu'est-ce qu'un diplôme ? Une constatation de capacité, ou mieux encore, une simple présomption. Un homme enseigne avec succès. Le gouvernement reconnaît sa capacité et lui dit : « Enseignez pour moi ! » Cela ne vaut-il pas un diplôme ? Et ne viole-t-on pas les lois de la logique, en venant, quinze ans plus tard, dire à cet homme : « vous êtes moins capable que les autres, puisque vous n'avez pas de diplôme ! » L'honorable ministre de l'intérieur, aux intentions duquel, je le répète, je me plais à rendre hommage, se montre ici évidemment trop sévère.
Quelques mots encore au sujet du troisième amendement.
Je dois déclarer qu'ici je n'ai pas bien compris l'argumentation de l'honorable ministre. Ilme fait remarquer que j'arrive, en définitive, au même résultat que lui, de telle sorte qu'avec mon amendement il n'y aurait pas d'amélioration dans le sort des professeurs pensionnés. Je ne comprends vraiment pas comment la base de 1/50 ne serait pas plus favorable que celle de 1/60. Le cinquantième vaut plus, me semble-t-il, que le soixantième !
Je terminerai en revenant brièvement sur les termes du quatrième amendement.
Celui-ci est ainsi conçu :
« La pension ne pourra, en aucun cas, dépasser les trois quarts du traitement moyen des cinq dernières années. »
M. le ministre objecte que mon amendement ne dit pas que la pension ne pourra jamais excéder 5,000 fr. A mon avis, cette mention était parfaitement inutile en présence des dispositions de la loi générale des pensions.
La loi que nous faisons est une loi d'exception ; tous les cas qui ne sont pas prévus continuent donc à tomber sous les règles du droit commun.
L’honorable ministre s'est livré, à propos du projet en discussion, à quelques considérations générales et même à quelques considérations politiques.
Je ne le suivrai pas sur ce terrain ; je ne veux ni faire de la politique, ni contrarier le gouvernement, ni suspecter ses intentions envers les professeurs.
Cependant je puis dire, dès à présent, que, pour ce qui me concerne, la prophétie que l'honorable ministre de l'intérieur a faite au début de son discours, sera formellement et irrévocablement démentie. Quel que soit le temps qui s'écoule, quelle que soit la loyauté qu'on apporte dans l'exécution de certaines lois, notamment de celle relative aux fondations de bourses, jamais, je le déclare, je n'en serai le partisan. Mais ce n'est pas là ce qui doit ici nous préoccuper. Si j'ai pris la parole pour demander une amélioration du sort des professeurs de l'enseignement moyen, j'ai été uniquement guidé par un sentiment d'humanité, par un sentiment de justice rigoureuse.
M. T'Serstevensµ. - J'avais demandé au gouvernement s'il aurait consenti à appliquer la loi actuelle aux professeurs mis à la pension depuis 1850 jusqu'aujourd'hui. Il vient de déclarer qu'il ne peut pas interpréter la loi dans ce sens, parce qu'il trouvait dans cette interprétation l'application du principe de la rétroactivité.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - En ce qui concerne le tantième.
M. T'Serstevensµ. - Oui, en ce qui concerne le tantième. Eh bien, messieurs, jusqu'en 1849 le taux de la pension a été calculé à raison de 1/60 du traitement.
La caisse centrale calculait de la même manière. Par conséquent, tous les professeurs qui auront été mis à la pension de 1850 à 1865 ne pourront pas jouir des avantages qui ont été accordés à leurs prédécesseurs, qui vont être accordés à leurs collègues et à leurs successeurs. Il me semble donc qu'il ne s'agit nullement là de rétroactivité, qu'il ne s'agit que d'une simple question de justice.
M. Mullerµ. - Je désire, messieurs, attirer l'attention de la Chambre sur la gravité des conséquences d'un système tendant à faire rétroagir la loi, soit directement, soit indirectement. S'il s'agit aujourd'hui de réviser, conformément au projet actuel, toutes les pensions accordées antérieurement, il ne me semble pas qu'il puisse y avoir des motifs plausibles pour ne pas réviser également les pensions de tous les fonctionnaires de l'Etat qui se trouvent dans des conditions analogues.
Vous avez été saisis de réclamations de la part d'anciens militaires, d'anciens officiers et gendarmes en retraite, demandant des augmentations de pensions ; vous pouvez être saisis également de réclamations de la part d’anciens membres de la magistrature et de fonctionnaires civils, en vue d'obtenir la révision de leurs pensions.
Je n'ai pas bien compris quelle était la portée précise des explications données par M. le ministre de l'intérieur en réponse à l'interpellation de l’honorable M. T'Serstevens ; mais je ne crois pas qu'elles puissent avoir une portée décidément rétroactive : car s'il en était ainsi et si la Chambre acceptait une semblable interprétation, elle s'engagerait dans une voie (page 784) dont il serait prudent qu'elle envisageât bien toutes les conséquences.
Je n'ai que cette observation principale à présenter. Je ferai remarquer cependant, que ni dans les sections, ni dans la section centrale, il n'a été question de rétroactivité, ni quant au tantième, ni quant à l'admissibilité d'années de service non comptées dans la fixation du taux de la pension accordée.
Si vous votiez ce principe absolu dans le cas actuel, il serait de toute équité, de toute justice, je le répète, de l'appliquer aux autres pensionnaires de l'Etat.
Je suis très sympathique, messieurs, aux professeurs de l'enseignement à tous les degrés ; j'ai l'honneur d'appartenir à un bureau administratif d'athénée ; mais j'ai cru de mon devoir d'attirer l'attention de la Chambre sur les conséquences d'une interprétation qui consacrerait une mesure de faveur tout à fait exceptionnelle, telle qu'elle résulterait d'une adhésion donnée aux observations de l'honorable M. T'Serstevens.
(page 790) M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je crois avoir été mal compris tantôt, si j'en juge pa les observations que vient de me faire à mon banc l'honorable M. Thonissen. Quand j'ai parlé de collèges patronnés, on a cru pouvoir conclure de mes paroles que les professeurs des collèges patronnés cesseraient d'avoir le droit de participer aux caisses de prévoyance.
Il n'en est rien ; ces professeurs continueront à participer aux caisses de prévoyance. Seulement j'ai constaté que la loi actuelle ne leur était pas applicables parce qu’ils ne sont ni des fonctionnaires de l’Etat, ni des fonctionnaires communaux ; ce sont des professeurs purement privés.
Quant à l'observation de l'honorable M. Muller, j’ai toujours compris, en présentant la loi, qu'elle n'aurait pas d'effet rétroactif, en ce sens qu'on ne réviserait pas les pensions, comme le demande l'honorable M. T'Serstevens, à raison du tantième à accorder par année. Mais il m'a paru que lorsqu'on admet de nouvelles bases de liquidation, bases que possèdent des anciens professeurs et dont il ne leur a pas été tenu compte, il était juste d'augmenter ces. pensions à raison de ces bases comme on l'a fait dans d'autres circonstances.
M. Bara. - Les pensions n'étaient pas liquidées.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Pardon, elles étaient liquidées et on les a augmentées. C'est ce qu'on a fait notamment après l'adoption de la loi qui a permis de compter dix années de service aux anciens fonctionnaires décorés de la croix de Fer, ou qui ont rendu des services à la révolution.
C'est ainsi que j'ai toujours compris le projet de loi et je crois que ce principe, appliqué dans d'autres circonstances, est parfaitement juste.
(page 784) M. Mullerµ. - Je ne suis pas d'accord avec M. le ministre de l’intérieur quant à l'interprétation qu'il donne à la loi actuelle : Elle ne doit pas avoir pour but d'amener la révision des pensions qui sont liquidées, et je crains, s'il en est autrement, de voir poser un précédent qu'on pourrait invoquer un jour contre la Chambre en faveur d'autres catégories de pensionnaires.
Selon moi, les pensions liquidées doivent rester ce qu'elles sont et nous ne devons statuer que pour l'avenir. Voilà du moins comment j'ai compris le projet de loi.
(page 790) M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je suis fâché de revenir encore sur cette question ; mais il faut cependant que ma pensée soit bien comprime. Je crois que par la loi actuelle nous ne statuons que pour l'avenir, puisque ce n'est qu'à partir de la mise en vigueur de la loi que d'anciens professeurs pourront toucher une légère augmentation en raison de la possession du diplôme. Il en sera de même des services antérieurs à 1838. Il n'y a donc pas ici de rétroactivité.
- Plusieurs membres. - C'est entendu.
(page 784) M. Mullerµ. - Permettez-moi d'insister encore ; il ne faut pas d'équivoque. L'honorable M. T'Serstevens avait parlé dans le sens que le taux de 1/65 aurait été réduit à 1/60.
« M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Mais cela ne sera pas admis.
- La discussion générale est close.
« Art. 1er. Par modification à la loi du 21 juillet 1864 et à celle du 17 février 1849 sur les pensions civiles et ecclésiastiques, les membres du corps administratif et enseignant des établissements d'instruction moyenne dirigés par le gouvernement, peuvent être mis à la pension, sur leur demande, à l'âge de 55 ans révolus, et, par mesure d'office, à l'âge de 60 ans accomplis. »
- Adopté.
« Art. 2. La pension sera liquidée à raison, pour chaque année de service, de 1/60 de la moyenne du traitement dont l'intéressé aura joui pendant les cinq dernières années. »
MpVµ. - A cet article se rattache un amendement de MM. Thonissen et Lelièvre, ainsi conçu :
« Les professeurs reconnus hors d'état de continuer leurs fonctions, par suite d'infirmités, pourront être admis à la pension, quel que soit leur âge, après cinq ans au moins de service dans l'enseignement.
« La pension sera liquidée, dans tous les cas, à raison de 1/6 du taux moyen de leur traitement fixe pendant les cinq dernières années. Chaque année au-delà de cinq leur sera comptée pour 1/45 de ce traitement en sus. »
- Cet amendement est mis aux voix et n'est pas adopté.
L'article 2, tel qu'il est proposé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.
« Art. 3. Les diplômes ci-après désignés sont comptés dans la liquidation de la pension, savoir :
« Pour 4/60 : le diplôme de professeur agrégé de l'enseignement moyen du degré supérieur ; le diplôme de docteur en philosophie et lettres ; le diplôme de docteur en sciences physiques et mathématiques et le diplôme de docteur en sciences naturelles ;
« Pour 2/60 : le diplôme de capacité pour l'enseignement des langues vivantes ; le diplôme de professeur agrégé de l'enseignement moyen du degré inférieur et le diplôme d'instituteur primaire ;
« Chaque titulaire ne pourra se prévaloir que du diplôme relatif aux fonctions qu'il remplissait au moment de sa mise à la retraite. »
MpVµ. - A cet article se rattache un amendement présenté par MM. Thonissen et Lelièvre. Cet amendement est ainsi conçu :
« Intercaler entre l'avant-dernier et le dernier paragraphe de l'article 3, la disposition suivante :
« 4/60 seront également accordés aux professeurs qui ne sont pas munis des diplômes ci-dessus désignés, mais qui faisaient partie du corp enseignant des athénées ou des collèges communaux à l'époque de la promulgation de la loi du 1er juin 1850, et qui ont été maintenus dans les établissements de l'Etat. Le même avantage sera accordé à tous les titulaires qui ont été nommés dans le délai indiqué à l'article 10 de la loi du 1er juin 1850. »
A l'article 3 se rattache aussi le paragraphe final proposé par M. le ministre de l'intérieur et qui est ainsi conçu :
« Par mesure transitoire, les diplômes de candidat en philosophie et lettres et de candidat en sciences préparatoires au doctorat dans les mêmes facultés seront également comptés pour 2/60 aux professeurs des athénées et des collèges qui ne possèdent pas les diplômes de docteur ou celui de professeur agrégé et dont l'entrée en fonctions a précédé la mise en vigueur de la loi du 1er juin 1850. »
- L'amendement de MM. Thonissen et Lelièvre est mis aux voix et n'est pas adopté.
MpVµ. - Je mets maintenant aux voix le paragraphe additionnel proposé par M. le ministre de l'intérieur.
M. Carlier. - Messieurs, il me semble que l'amendement présenté par M. le ministre de l'intérieur ne rend pas tout à fait la pensée qu'il a développée dans la discussion. L'honorable ministre propose d'adjoindre aux personnes énumérées dans le paragraphe 3 de l'article 3, les candidats en philosophie et lettres et les candidats en sciences qui ont obtenu leur diplôme avant la mise en vigueur de la loi du 1er juin 1850. Or, je me demande quels peuvent être les motifs de cette restriction. Pour ma part, je n'en vois aucun. Je prie M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien me donner quelques explications sur la restriction qu'il met dans son amendement. Il me semble que les professeurs qui ont acquis le diplôme de candidat en philosophie et lettres, ou celui de candidat en sciences avant comme après 1850, doivent tous être mis sur la même ligne.
(page 790) M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, la simple explication que je vais donner suffira, j'en suis convaincu, pour faire comprendre à l'honorable M. Carlier la restriction que contient mon amendement.
Avant 1850, d'après les règlements organiques sur l'enseignement, on pouvait occuper certaines chaires dans l'enseignement moyen, en ne possédant que le diplôme de candidat en philosophie et lettres ou celui de candidat en sciences.
Depuis la loi du 1er juin 1850, nul ne peut être professeur dans un établissement d'instruction moyenne du premier degré, s'il n'est porteur du diplôme de professer agrégé ; sont exceptés seulement de cette disposition les docteurs en philosophie et lettres et les docteurs en sciences. II résulte de là que depuis la mise en vigueur de la loi du 1er juin 1850, le diplôme da candidat en philosophie et lettres et de candidat en sciences n'est plus suffisant pour qu'on puisse occuper une chaire dans un athénée on dans un collège. Il ne peut donc en être tenu compte.
M. Carlier. - Je me déclare satisfait de cette explication.
(page 784) - Personne ne demandant plus la parole, le paragraphe final proposé par M. le ministre de l'intérieur est mis aux voix et adopté.
L'ensemble de l’article 3, ainsi modifié, est ensuite mis aux voix et adopté.
« Art. 4. Lorsque des membres du corps administratif et enseignant des établissements d'instruction moyenne, dirigés par le gouvernement, passent dans des établissements dirigés par la province ou par la commune, et sont admis à la pension comme membres du même corps, chaque année de services rendus par eux à l'Etat leur sera comptée, dans la liquidation de leur pension, d'après les bases déterminées par la présente loi, sauf à régler avec le trésor la quote-part de la pension afférente à la durée des services rendus soit à l'Etat, soit à un établissement communal ou provincial.
« Le même principe sera appliqué à la pension de leurs veuves et orphelins.
« Il sera également tenu compte par le trésor, aux intéressés admis à la pension, des services rendus par eux dans l'enseignement moyen communal ou provincial, et pour lesquels ils n'ont pu participer, soit à une caisse locale, soit à la caisse centrale de prévoyance des instituteurs et professeurs urbains. »
M. J. Jouret. - Je prie l'honorable ministre de l'intérieur d'avoir l'obligeance de me donner un simple renseignement.
Le troisième paragraphe de l'article 4 est ainsi conçu :
« Il sera également tenu compte par le trésor, aux intéressés admis à la pension, des services rendus par eux dans l'enseignement moyen communal ou provincial, et pour lesquels ils n'ont pu participer, soit à une caisse locale, soit à la caisse centrale de prévoyance des instituteurs et professeurs urbains. »
Je tiens en mains le programme d'une école primaire et secondaire, érigée en 1839 et 1840, dans une localité à laquelle y, porte intérêt. Ce programme indique pour la seconde année des études secondaires, des études moyennes : l'enseignement du latin, la grammaire latine de Lhomond, les éléments de la langue grecque, la grammaire de Burnouf, l'explication du de viris illustribus, les fables de Phèdre et des extraits de Cornélius Nepos.
Pour une autre partie : la grammaire française, les leçons de littérature et de morale, l'histoire ancienne, l'histoire sainte, l'histoire nationale, des notions générales de géographie, la géographie particulière de la Belgique, la mythologie.
Pour les mathématiques : l'arithmétique, les éléments d'algèbre et de géométrie.
De plus, des études commerciales et de physique élémentaire. Vous voyez que c'est tout un programme d'enseignement secondaire.
Je désirerais que M. le ministre de l'intérieur voulût bien nous dire si dans son appréciation l'instituteur primaire qui, pendant un certain (page 785) nombre d'années, s'est trouvé à la tête d'un pareil établissement pourra, aux termes du paragraphe 3 de l'article 4, faire valoir dans la liquidation de sa pension les titres que lui a donnés sa qualité de professeur d'un tel enseignement pendant quatre ou cinq ans, et peut-être davantage.
Dans l'intérêt que je porte au fonctionnaire dont je m'occupe, et peut-être il en est d'autres de cette catégorie, j'ai déjà pris quelques renseignements dans les bureaux. On m'y a dit qu'il paraissait évident que le fonctionnaire, auquel j'ai fait allusion pourrait, lorsqu'il sera question de la liquidation, faire valoir les droits résultant de l'état de choses que je viens de signaler.
Je serais heureux que M. le ministre de l'intérieur pût confirmer les renseignements qui m'ont été donnés.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Comme je l'ai dit tantôt en répondant à d'autres honorables membres, il m'est très difficile de résoudre immédiatement toutes les questions que l'on pose, mais je déclare de nouveau qu'on appliquera la loi avec la plus grande bienveillance, et il me semble que si le programme suivi dans un établissement appartient à l'enseignement moyen, cet établissement est un établissement d'enseignement moyen.
- L'article 4 est nais aux voix et adopté.
« Art. 5. La base d'un soixantième par année de service est substituée à celle d'un soixante-cinquième, dans les tas prévus par l'article 9, paragraphe 2 de la loi du 1er juin 1850. »
MpVµ. - MM. Thonissen et Lelièvre ont proposé de remplacer cet article par la disposition suivante :
« Les années de services antérieures à 1851 seront comptées pour 1/50, s'il s'agit d'enseignement public communal ou provincial, et pour 1/60, s'il s'agit de services publics étrangers à l'enseignement. »
- Cet amendement est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
« Art. 6. Les articles qui précèdent sont applicables à l'inspecteur général et aux inspecteurs de l'enseignement moyen. »
- Adopté.
MpVµ. - Vient la proposition de MM. Thonissen et Lelièvre.
« Ajouter au projet de loi un septième article, portant : « La pension ne pourra, en aucun cas, dépasser les 3/4 du traitement moyen des cinq dernières années. »
M. Thonissenµ. - Cet amendement disparaît. Je le retire.
La Chambre décide qu'elle passera immédiatement au vote définitif du projet de loi.
Le paragraphe final de l'article 3 est définitivement adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
66 membres répondent à l'appel nominal.
63 votent le projet.
3 s'abstiennent.
En conséquence le projet de loi est adopté. Il sera transmis au Sénat.
Ont voté l'adoption :
MM. d'Ursel, Elias, Frère-Orban, Funck, Grosfils, Hayez, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moncheur, Moreau, Muller, Nélis, Notelteirs, Orban, Rogier, Tack, Thonissen, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, Vleminckx, Warocqué, Allard, Bara, Beeckman, Bouvier-Evenepoel, Bricoult, Carlier, Coomans, David, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Fré, de Kerchove, Delaet, Delcourt, de Macar, de Moor, de Ruddere de te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Devroede, Dewandre, de Woelmont, d'Hane-Steenhuyse et Ernest Vandenpeereboom.
Se sont abstenus :
MM. Janssens, Schollaert et de Naeyer.
MpVµ. - Les membres qui se sont abstenus sont invités a faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Janssens. - J'avais l'intention de donner mon approbation au projet de loi, parce que, dans ma pensée, quelle que soit l'opinion que l'on professe à l'égard de l'enseignement officiel, ce n'est pas en laissant les professeurs dans une position trop peu rémunérée qu'il faut le combattre.
L'interprétation donnée par M. le ministre de l’intérieur aux votes approbatifs, interprétation contre laquelle je proteste, m'a empêché d'émettre un pareil vote et j'ai dû m'abstenir.
M. Schollaert. - Je me suis abstenu par lei mêmes motifs que mon honorable ami, M. Janssens.
M. de Naeyer. - J'étais aussi tout à fait disposé à donner mon approbation au projet de loi. Mais d'après les appréciations assez inopportunes, présentées par l'honorable ministre de l'intérieur, j'ai dû craindre que ce vote approbatif ne fût considéré comme une espèce de glorification de la loi d'enseignement moyen. C'est pour empêcher cette conclusion fausse et illogique que je me suis abstenu.
MpVµ. - L'ordre du jour appelle maintenant les modifications à la loi communale.
- Plusieurs membres. - La loi d'emprunt.
M. Jamar. - La Chambre me semble unanime à vouloir voter aujourd'hui la loi d'emprunt.
Il serait possible que demain nous ne fussions plus en nombre, ce qui serait regrettable.
Il me paraîtrait donc sage de nous occuper maintenant de la loi d'emprunt et de nous ajourner dès aujourd'hui si la discussion de cette loi est terminée.
MfFOµ. - Messieurs, je pense que la demande de mise en discussion immédiate du projet de loi d'emprunt ne peut soulever aucune objection. Cette célérité dans la solution d'une question de cette nature n'a rien d'insolite ; dans tous les parlements, en effet, on vote promptement, et beaucoup plus promptement que l'on n'a l'habitude de le faire ici, sur les propositions d'emprunt. On peut s'en référer, à cet égard à ce qui s'est passé souvent en France, où diverses lois d'emprunt ont été, le même jour, présentées, votées et quelquefois sanctionnées et mises à exécution. Il en est de même en Angleterre. C'est une pratique constante, qui ne peut guère offrir d'inconvénients et dont on ne saurait méconnaître les avantages.
M. Beeckman. - Je demanderai une simple explication à l'honorable ministre des finances, et je me conforme en cela à un vœu émis par ma section. Je demanderai à M. le ministre s'il ne jugerait pas convenable d'avoir recours à l'émission publique.
MfFOµ. - Messieurs, divers modes peuvent être adoptés pour la réalisation d'un emprunt ; on peut d'abord traiter à main ferme, et c'est là un mode qui est nécessaire dans certaines circonstances, qui n'existent pas actuellement. Il ne saurait donc en être question quant à présent. On peut aussi traiter par voie de souscription publique, comme l'indique l'honorable préopinant. Ce mode a été pratiqué déjà en Belgique.
La souscription est un moyen qui est ordinairement bien accueilli par le public, qui plaît beaucoup à certaines personnes, mais dont on exalte peut-être un peu trop les avantages, et dont on ne se rend généralement pas bien compte. C'est en effet un mode qui est presque toujours onéreux ; lorsqu'il s'agit d'émettre un emprunt par souscription publique, c'est le ministre des finances qui doit déterminer le taux auquel l'emprunt sera émis ; il est ainsi placé entre deux alternatives : fixer des conditions très favorables au trésor, ou bien des conditions très avantageuses aux particuliers. Dans le premier cas, il risque d'échouer ; dans le second cas, il obtient un succès immense ; on se glorifie alors de la masse de souscriptions obtenues : mais l'emprunt est conclu à des conditions onéreuses pour le trésor.
Il y a un autre mode, que nous avons pratiqué pour les deux derniers emprunts ; c'est un mode mixte ; nous avons traité avec un certain nombre d'établissements publics : la Banque Nationale, la Société Générale, la Banque de Belgique, la maison Rothschild ; nous avons débattu les conditions de l'emprunt avec ces établissements, et, une fois les conditions établies, une partie de l'emprunt a été prise par eux, et le reste a été donné au public, exactement aux mêmes conditions. Nous avons obtenu ainsi les avantages de la souscription publique, sans devoir en subir les inconvénients.
Il est enfin un autre mode encore, qui est suivi aujourd'hui assez généralement en Angleterre : c'est l'adjudication par voie de soumissions publiques. Le gouvernement fait connaître la somme d'emprunt qu'il veut livrer au public, ainsi que les conditions générales de l'opération, et il invite tous les particuliers à lui adresser des soumissions au taux le plus élevé possible ; il s'engage par avance à adjuger, quelle que soit la quantité demandée, à ceux qui offriraient les meilleures conditions, en allant successivement jusqu'au minimum, consignés sous un pli cacheté, qui n'est ouvert qu'au moment où l'on examine les soumissions.
Je ne puis pas prendre l'engagement de suivre l'un ou l'autre de ces derniers systèmes ; cela dépendra des circonstances. La section centrale et, en général, toutes les sections, ont été d'avis de laisser sous ce rapport une grande latitude au gouvernement, J'espère que la Chambre nous (page 786) donnera la même marque de confiance. Il doit être bien évident pour tout le monde que nous ferons en sorte d'obtenir pour le trésor les meilleures conditions possibles.
M. de Theuxµ. - Je ferai remarquer que la province du Limbourg n'a pas l'honneur d'une mention spéciale dans le projet de travaux publics ; nous faisons à cet égard toutes réserves pour l'époque où ce projet sera discuté.
M. Coomans. - Je suis grand partisan, messieurs, de la souscription publique, mais je reconnais qu'il faut laisser au gouvernement une très grande latitude pour régler les conditions de l'emprunt parce qu'il étend ainsi le cercle de la concurrence. Il faut donc, je crois, dans cette circonstance-ci, se rendre à l'avis du gouvernement. Je m'y rends mais tout en exprimant le désir que l'on émettra l'emprunt autant que possible par souscription publique. Il est clair que si les conditions ne sont pas favorables, on pourra avoir recours aux autres modes indiqués par l'honorable ministre. Mais il est bon que les banquiers sachent que nous avons cette dernière ressource qui ne manquera certainement pas dans notre pays,
- La discussion générale est close.
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à contracter, aux conditions qu'il déterminera, un emprunt d'un capital effectif de soixante millions de francs (tr. 60,000,000).
« Un crédit de cent vingt mille francs (fr. 120,000) est ouvert au ministère des finances, pour couvrir les frais de confection et d'émission des titres de cet emprunt ; il fera l'objet de l'article 14bis du budget de la dette publique pour l'exercice 1865.
« Il est ouvert au même département un crédit de quatre cent mille francs (fr. 400,000), qui formera l'article 14ter dudit budget, pour le service des intérêts de la dette flottante. »
- Adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 63 membres présents.
Ce sont :
MM. d'Ursel, Elias, Frère-Orban, Funck, Grosfils, Hayez, Hymans, Janssens, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Lebeau, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moncheur, Moreau, Muller, Nélis, Notelteirs, Orban, Rogier, Schollaert, Tack, Thonissen, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Vermeire, Vleminckx, Allard, Bara, Beeckman, Bouvier-Evenepoel, Carlier, Coomans, David, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Fré, de Kerchove, Delaet, Delcour, de Moor, de Naeyer, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Devroede, Dewandre, de Woelmont, d'Hane-Steenhuyse, et Ern. Vandenpeereboom.
MpVµ. - Messieurs, il y a des pétitions se rattachant au projet de loi portant des modifications aux lois sur les pensions civiles.
La commission conclut au renvoi à M. le ministre des finances.
- Ces conclusions sont adoptées.
La séance est levée à 4 1/2 heures.