(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)
(page 407) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
M. Van Humbeeck, secrétaireµ, fait lecture du procès-verbal delà dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont, secrétaire., présente l’analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Des négociants et industriels à Lierre demandent que le gouvernement adopte pour la fixation du prix de transport des petites marchandises à effectuer par le chemin de fer de l'Etat, le tarif préconisé dans une brochure intitulé : « Nouveau système de tarification des marchandises transportées par chemins de fer. »
« Même demande de négociants et industriels à Iseghem, Lodelinsart, Jumet, Anvers, Fontaine-l'Evêque, Eecloo. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur une pétition concernant la révision du tarif des petites marchandises.
« Le sieur Vandenkerkhove demande qu'il soit pris des mesures pour empêcher, en Belgique, des enrôlements sans l'autorisation du pouvoir légitime, de troupes ou de soldats pour le service militaire étranger. »
- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
« Le sieur Joostens demande une loi qui interdise de prononcer une peine en matière de presse, de saisir des imprimés et d'accorder des dommages-intérêts si le prévenu n'est préalablement déclaré coupable par le jury. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Bourgeois se plaint de la distribution tardive des Annales parlementaires. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Joostens demande des modifications à la loi sur la contrainte par corps. »
M. Lelièvre. - J'appuie la pétition et j'en demande le renvoi à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Le sieur Lefèbvre, ancien chef de station, demande la révision de sa pension. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Renquin et Brouwet, membres de l'Association libérale d'Ath, proposent des mesures pour étendre l'exercice des droits électoraux et pour garantir la sincérité du vote. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif aux fraudes électorales.
« M. Allard, obligé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé d'un jour. »
- Accordé.
« M. Van Renynghe, obligé de s'absenter pour affaires administratives' urgentes, demande un congé. »
- Accordé.
« M. le ministre de la justice fait hommage à la Chambre d'un exemplaire du cahier contenant les circulaires de son département pendant l'année 1863, avec la table alphabétique et le titre du 9ème volume du recueil.
- Dépôt à la bibliothèque.
M. Jacquemyns. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau : 1° le rapport de la commission permanente de l'industrie sur la pétition relative à la législation sur les bières : 2° le rapport de la même commission sur la pétition relative au blanchiment des toiles pour l'armée.
- Ces rapports seront imprimés et distribués, et les objets qu'ils concernent mis à la suite de l'ordre du jour.
M de Theuxµ. - La commission chargée d'examiner le projet de loi ayant pour objet l'érection de la commune de Vliermael-Rooth (province de Limbourg), vous en propose l'adoption sans aucun amendement.
M. Kervyn de Lettenhove. - Je viens exprimer le voeu que le projet de loi dont le vote est le plus impatiemment attendu par le pays, soit soumis à l'examen des sections. II y a près de deux mois et demi que la loi sur la milice a été déposée sur le bureau, et c'est avec un vif regret que j'ai vu des projets portés à la Chambre à une date plus récente et offrant un caractère d'intérêt bien moins général, devenir l'objet des travaux des sections, tandis que le projet de loi sur la milice se trouve condamné d'année en année et de mois en mois à une suite de retards également regrettables.
Je crois devoir, pour plusieurs motifs, insister sur ce point.
J'ai d'abord sous les yeux une déclaration de M. le ministre de la guerre sur laquelle j'appellerai l'attention de la Chambre. Voici en quels termes s'exprimait au Sénat l'honorable général Chazal dans le séance du 29 décembre dernier :
« Le projet de loi sur la milice a été présenté à la Chambre des représentants, et je suppose qu'il sera discuté, si pas dans cette session, au moins dans la session prochaine. S'il ne l'est pas, la faute n'en sera pas au gouvernement. »
J'espère que la Chambre n'acceptera pas une responsabilité que le gouvernement croit devoir décliner.
D'autre part, il est important, au point de vue même du budget de la guerre qui nous occupe en ce moment, que la question de la milice, qui embrasse les bases de la formation de l'armée, soit approfondie et résolue.
En effet, messieurs, parmi les membres qui s'abstiennent sur le budget de la guerre et auxquels l'honorable M. de Brouckere a fait appel dans la dernière partie de son discours, il y en a plusieurs (et je suis de ce nombre) qui sont intimement convaincus qu'il faut une armée permanente qui porte haut le drapeau de l'honneur du pays, soit que nous soyons menacés aux frontières par l'étranger, soit que notre nationalité rencontre en elle-même, par l'affaiblissement trop imprudent et trop rapide des idées d'ordre et de respect, les périls non moins graves du désordre et de l'anarchie ; mais qui croient aussi que les mesures destinées à garantir notre indépendance doivent trouver dans l'unanimité du sentiment national leur plus grande puissance et leur véritable efficacité ; qui désirent dans l'intérêt de l'armée, avec moins de dépenses, l'utile élément du service militaire prolongé et de l'esprit militaire développé ; qui veulent dans l'intérêt des populations l'allégement des charges qui désolent et appauvrissent les familles.
J'insiste donc sur ma motion, parce que c'est dans la discussion de la loi de la milice que nous verrons si le gouvernement est disposé à aborder sérieusement une réforme qui est, ne l'oublions pas, messieurs, une promesse solennelle descendue du haut du Trône.
- Adopté.
MpVµ. - MM. les présidents des sections sont invités à prendre les mesures nécessaires pour l'examen de ce projet.
MpVµ. - La Chambre a maintenant à statuer sur la proposition de M. Lelièvre.
M. Lelièvre. - En présence de la déclaration faite par M. le ministre de la guerre qu'avant la discussion du budget de 1866 il présentera le rapport énoncé en ma proposition, je déclare que celle-ci est devenue sans objet.
MpVµ. - La proposition étant retirée nous passons à l'ordre du jour.
« Art. 1er. Traitement du Ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art.2. Traitement des employés civils : fr. 154,810. »
- Adopté.
« Art. 3. Supplément aux officiers et aux sous-officiers employés au département de la guerre : fr. 16,000. »
- Adopté.
(page 408) « Art. 4. Matériel : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Dépôt de la guerre : fr. 19,000.
« Charge extraordinaire : fr. 100,000. »
- Adopté.
« Art. 6. Traitement de l'état-major général : fr. 840,270 80. »
- Adopté.
« Art. 7. Traitement de l'état-major des provinces et des places : fr. 337,225 70. »
- Adopté.
« Art. 8. Traitement du service de l'intendance : fr. 165,928 50. »
- Adopté.
« Art. 9. Traitement des officiers de santé : fr. 244,879. »
M. Coomans. - Je me vois obligé de faire à l'honorable ministre de la guerre une observation qui, j'en suis sûr, lui paraîtra juste ; j'aurai donc, je l'espère, le bonheur d'être, cette fois, d'accord avec lui.
Depuis longtemps, j'ai entendu exprimer des plaintes sur les procédés réellement inconvenants dont on use envers les miliciens le jour de la visite corporelle, avant leur incorporation aux divers régiments qui leur sont assignés.
Je n'entrerai pas dans le détail des plaintes nombreuses qui me sont parvenues ; je ne signalerai que ce seul fait que les visites ne se font pas isolément et dans le secret qu'elles exigent : ces visites se font en présence de plusieurs miliciens à la fois. Cela est très inconvenant, pour ne pas dire immoral ; aussi, je suis bien persuadé que M. le ministre partagera cet avis et qu'il me promettra de donner des ordres sévères pour qu'une décence aussi complète que possible préside à cette fâcheuse opération.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - S'il est vrai que les choses se passent tomme l'a rapporté l'honorable M. Coomans et qu'elles puissent donner lieu à des plaintes fondées, il sera très facile d'y porter remède en faisant passer chaque milicien isolément dans la chambre de visite.
M. Coomans. - C'est ce qui ne se fait pas.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - C'est ce que j'ordonnerai très volontiers. (Interruption.)
Cependant, on me fait remarquer, messieurs, que la publicité a l'avantage de permettre aux miliciens de contrôler la réalité des infirmités invoquées par certains hommes comme motif de réforme. Il ne faut pas qu'on puisse dire que tel ou tel milicien a été exempté du service du chef d'infirmités qui ne seraient point réelles. Il importe donc que la visite soit publique, attendu que chaque exemption entraîne nécessairement l'incorporation d'un autre milicien.
Toutefois, je ferai en sorte que le contrôle puisse s'exercer tout en tenant compte/dans la mesure du possible, de l'observation de l'honorable membre.
M. Delaetµ. - Messieurs, quand j'ai vu la facilité avec laquelle M. le ministre de la guerre avait accueilli la réclamation de mon honorable ami M. Coomans, l'idée m'est venue de demander une autre réforme sous le rapport de la décence. M. le ministre s'est quelque peu ravisé, mais cette fois, l'honorable baron Chazal ne pourra pas même exciper de l'exception de publicité nécessaire, exception que, dans le cas signalé par l'honorable M. Coomans, je ne crois pas sérieuse, attendu que cette publicité n'existe pas en réalité : elle n'est pas réelle. Je veux parler de certaines inspections auxquelles on soumet périodiquement les soldats, à l'effet de constater leur état de santé.
Or, je crois que, sous le point de vue de la décence, cette espèce de parade, a quelque chose de plus révoltant encore que l'inspection à laquelle l'honorable M. Coomans a fait allusion. La santé du soldat réclame l'inspection, non la publicité.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, j'ai commandé pendant très longtemps un régiment, et je puis dire que les inspections périodiques auxquelles l'honorable M. Delaet vient de faire allusion, se font à l'écart. Au reste ces inspections auxquelles on procède pour s'assurer de l'état de santé du soldat sont également indispensables dans l'intérêt de la salubrité publique.
M. Delaetµ. - Il y a des corps où ces inspectons se font publiquement.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - C'est une erreur.
M. Delaetµ. - Les miliciens sont rangés en ligne.
Personne ne demandant plus la parole, l'artîcle 9 est adopté.
« Art. 10. Nourriture et habillement des malades ; entretien des hôpitaux : fr. 574,750. »
- Adopté.
« Art. 11. Service pharmaceutique : fr. 120,000. »
- Adopté.
« Art. 12. Traitement et solde de l'infanterie : fr. 13,313,175. »
« Les crédits qui resteront disponibles, à la fin de l'exercice, sur les chapitres II, III, IV et VIII, concernant le personnel, pourront être réunis et transférés, par des arrêtés royaux, à la solde et autres allocations de l'infanterie, ce qui permettra le rappel sous les armes, pendant un temps déterminé, d'une ou de deux classes de miliciens, qui appartiennent à la réserve. »
M. Hayezµ. - Messieurs, il a déjà été question dans cette enceinte du sujet dont je vais avoir l'honneur de vous entretenir. Il s'agit de la dette à la masse d'habillement, contractée par les miliciens, dette pour l'acquit de laquelle on les retient parfois sous les armes, après que la classe à laquelle ils appartiennent est renvoyée en congé dans ses foyers. Dans la séance du 17 janvier 1862, M. le ministre de la guerre a dit : « La valeur de l'habillement du soldat est d'environ 150 fr., plus ou moins selon l'uniforme du régiment. Le gouvernement accorde une première mise de 10 fr. ; le soldat reste donc débiteur envers l'Etat de c 140 fr., après avoir été pourvu de tout ce qui est nécessaire pour son service. Au bout d'un an, la retenue de 26 centimes par jour a produit fr. 94 90 ; au bout de deux ans le produit de la retenue est de fr. 189 80, c'est-à-dire de fr. 49 80 de plus que la dette à la masse ; et la partie de cette somme qui reste disponible, après déduction de quelques frais d'entretien et de petites réparations, est remise au milicien. »
M. le ministre, pour produire cette assertion, avait dû raisonner d'après des documents incomplets ou sur des calculs théoriques, car, dans la pratique, aucun milicien n'a eu de boni à sa masse d'habillement, à moins qu'il n'ait opéré des versements volontaires, ou bien qu'il ait été ordonnance d'officier, ce qui lui permettait de ne pas user ses effets, ou bien encore, placé dans une position exceptionnelle. Mais on ne doit pas raisonner sur des exceptions.
L'erreur a été rendue manifeste l'année suivante, en 1863, lorsque M. le ministre de la guerre est venu vous demander une augmentation d'allocation pour l'armée.
La solde du soldat d'infanterie a été portée de 70 à 78 centimes par jour et sa retenue pour la masse a été, par ce moyen, majorée de 3 centimes par jour ; elle est aujourd'hui de 29 centimes au lieu de 26. Déplus, la première mise a été augmentée de 26 fr. ; elle est de 36 fr. au lieu de 10, c'est-à-dire que M. le ministre de la guerre, en 1863, avouait ainsi implicitement, au lieu du boni de 1862, un déficit de 47.90 dans la masse du soldat d'infanterie.
En accordant généreusement ces augmentations, la Chambre a réparé une grande injustice.
En effet, le pays enlevait chaque année, aux familles les plus pauvres leurs enfants les plus robustes et les plus utiles, pour le service de l'armée ; là on leur donnait des habillements et des armes qu'ils étaient obligés de payer, de renouveler et de remettre en bon état lors de leur envoi en congé, tandis qu'on leur assignait des allocations insuffisantes pour effectuer le payement de ces effets et de leur entretien.
De sorte que ces familles les plus pauvres, pour ravoir leurs fils lorsque le moment de l'envoi en congé des classes était arrivé, se trouvaient obligées de faire ce qu'on appelait des versements volontaires, c'est-à-dire de contribuer à payer une partie de l'équipement de nos soldats. Il y avait là une situation que l'on pourrait qualifier d'immorale et l'on ne saurait assez louer la Chambre d'avoir contribué à la faire cesser.
Mais ne reste-t-il plus rien à faire ? Le milicien qui a passé 2 1/2 ans sous les drapeaux peut-il, au moyen des allocations actuelles, apurer sa dette à la masse, sans être obligé de faire des versements volontaires, ou être soumis à des retenues extraordinaires, ce qui, d'après nos règlements, ne doit avoir lieu que dans des cas exceptionnels, pour inconduite, pour détérioration ou négligence coupable en ce qui concerne l'habillement. J'ai voulu m'en assurer.
(page 409) A cet effet, j'ai consulté un certain nombre de livrets de miliciens et j'ai d'abord cherché la moyenne de ce que le soldat peut devoir après 2 1/2 ans passés sous les drapeaux.
Voici le résultat auquel je suis parvenu :
1° Premier équipement : fr. 151 35
2° Pour renouvellement d'objets d'habillement, de linge et chaussure : fr. 66 36
3° Pour réparations d'objets d'habillement, d'équipement et d'armement : fr. 69 23.
Total de la dette : fr. 286 96.
Maintenant, quel sera l'avoir du soldat après 2 ans 1/2 de présence sous les drapeaux ?
Ce sera :
1° La première mise, fr. 36
2° 912 journées de présence à 29 centimes, fr. 264 48
Total de l'avoir, fr. 300 48.
Cette situation serait excellente ; malheureusement elle n'est pas la véritable.
Pendant la durée de son service, le soldat va en congé, à l'hôpital, etc. La commission spéciale des allocations, qui a siégé en 1851, avait adopté la moyenne de durée de ces absences à 3 mois sur 18 de service. Je resterai donc au-dessous de cette moyenne en l'estimant à 4 mois pour 2 1/2 ans. C'est donc 120 journées à 29 centimes ou une somme de 34 fr. 80 c. à déduire de l'avoir, qui est réduit à 265 fr. 68 c, ce qui constitue, pour le milicien, une dette de 21 fr. environ.
Cette dette n'est qu'apparente, puisque les effets possédés par le soldat auront toujours une valeur supérieure.
Afin de compléter les mesures prises en faveur de nos miliciens, il serait donc utile que l'on ne retînt pas sous les armes les hommes dont la dette à la masse ne dépassera pas 25 fr.
Cela fait, il serait juste que l'on parvînt à faire connaître dans le pays que les sommes allouées au soldat suffisent à son entretien, et que les familles doivent, à l'avenir, s'abstenir d'envoyer à leurs enfants sous les armes des sommes destinées à des versements volontaires, sommes qu'elles ne se procurent d'ordinaire qu'au prix des sacrifices les plus douloureux.
Au moyen de l'atermoiement que j'ai indiqué, je constate avec satisfaction que les allocations de la masse sont suffisantes et que la solde est convenable. Nos soldats sont donc aujourd'hui bien dotés, mais il est utile que les parents le sachent, et qu'ils ne se privent plus, comme autrefois, des choses les plus nécessaires pour envoyer, aux corps, de l'argent qui se dépenserait dans les cantines, au détriment de la discipline et de la santé des hommes.
Néanmoins il ne faudrait pas que l'on fît subir à l'uniforme de l'infanterie les perturbations qu'a essuyées l'uniforme de la cavalerie, car sans cela, l'équilibre que nous constatons se trouverait encore une fois rompu au préjudice des miliciens. C'est en définitive le soldat qui paye ces fantaisies coûteuses.
L'infanterie l'a déjà éprouvé, il y a quelques années, lorsqu'elle a reçu le costume actuel.
Ainsi en 1851, le comité des allocations estimait à 112 fr., avec l'ancienne tenue, la dette à la masse provenant de l'habillement ; cette dette est aujourd'hui telle que je vous l'ai dit (150 fr.).
Si, malgré tout, on veut innover, je demanderai que les changements à apporter subissent d'autres épreuves que celles de la photographie.
En France, en Prusse, en Autriche, on expérimente pratiquement, et sur une échelle restreinte avant de prendre des arrêtés définitifs ; les tailleurs et les novateurs n'ont pas seuls voix au chapitre. Faisons de même, c'est le seul moyen de n'éprouver pas de mécompte. Déjà l'on peut prédire que l'uniforme de la cavalerie, si on ne lui fait subir de grandes modifications, ne survivra pas longtemps au ministère actuel ; et à cette occasion je dois relever une erreur qui a été commise dernièrement au Sénat par M. le ministre de la guerre.
Dans la séance du 29 décembre dernier, M. le ministre de la guerre a déclaré que le nouvel uniforme de la cavalerie est moins cher que l'ancien.
Voici des chiffres qui permettront de juger l'exactitude de cette déclaration : j'ai pris la tenue des chasseurs à cheval, pour le grade de capitaine :
L'ancienne tenue coûte :
Habit avec épaulettes, broderies fines (grande tenue), fr. 138.
Redingote avec fourragères fines (petite tenue), fr. 116.
Manteau, fr. 140.
Total, fr. 394.
La nouvelle tenue coûte :
Dolman avec brandebourgs en or (grande tenue), fr. 450.
Dolman de petite tenue, fr.150.
Manteau, fr. 170.
Total, fr. 770.
Le reste de l'équipement est à peu près du même prix pour les deux uniformes. Différence 370 fr. à peu près.
Mais il y a une observation importante à faire, c'est que plusieurs objets de lanouvelle tenue sont moins durables que ceux de l'ancienne ; par exemple les insignes du grade appliqués sur les manches doivent être renouvelés tous les six mois.
Lorsque M. le ministre a remplacé le shako de petite tenue par le bonnet actuel, il a dit qu'il avait simplifié, attendu qu'au lieu de deux shakos il n'y en avait plus qu'un ; c'est vrai, mais ce n'est pas tout.
Le nouveau bonnet coûte à lui seul autant que quatre shakos et dure 6 mois tout au plus, tandis que le shako durait 2 et 3 ans.
Le nouveau bonnet est un embarras pour la route, l'ancien se mettait facilement en poche ; somme toute, augmentation notable de dépense, moins de facilité pour la route.
En ce qui concerne l'uniforme de l'infanterie, je crois que nous devrions avoir quelque chose de très simple et tout spécial. Je crois que si nous continuons à nous traîner dans l'ornière d'autres pays, nous ne devons au moins le faire qu'à bon escient.
Ainsi, on parle déjà de pantalon à la zouave et de jambières, et cela au moment où il paraît qu'en France beaucoup d'excellents officiers sont contraires à cette partie de l'habillement pour l'infanterie de ligne, et leur opinion semble gagner du terrain chaque jour. Prenons garde d'adopter in extremis une innovation dont nos voisins ne voudraient plus et cela après l'avoir longuement expérimentée.
D'un autre côté, n'oublions pas que certains uniformes ne vont qu'à des soldats faits, et que les nôtres ne sont que des conscrits pour la majeure partie.
D'ailleurs, je ne comprends pas qu'on habille le fantassin belge comme celui des nations qui envoient leurs troupes guerroyer au loin. On a imposé à la Belgique un système de défense spécial qui ne comporte pas de longues courses. On n'admet pas que l'armée puisse être séparée d'Anvers qui est à la fois une base et un front d'opération. On fera des sorties plus ou moins éloignées, mais sans cesser d'être un seul jour en communication avec cette base. Dès lors, pourquoi surcharger d'effets le soldat, comme s'il devait, pendant des semaines entières, se suffire à lui-même ?
Maintenant, messieurs ! je vais vous parler d'une autre anomalie qu'il suffira, j'espère, de signaler au gouvernement pour qu'on y porte remède. Une circulaire ministérielle du 7 octobre 1850, 2ème div., n°65, porte :
« Les congés de convalescence sont accordés par les commandants de province, sur une déclaration des médecins chargés du service des hôpitaux et infirmeries, constatant que l'état des malades ne permet absolument pas de les renvoyer à leurs corps, même en les exemptant de service, et qu'il exige impérieusement leur renvoi dans leurs foyers pour leur rétablissement. »
Je ne viens pas, messieurs, m'élever contre cette mesure que j'approuve fort, au contraire, l'air des hôpitaux n'étant pas favorable aux convalescents, et alors surtout que les médecins ne proposent cette mesure que lorsque l'état des malades exige impérieusement leur renvoi dans leurs foyers pour leur rétablissement. Mais ce que je ne puis louer, c'est que l'Etat fasse le bénéfice de la solde de ces malades, car ils ne reçoivent rien pendant la durée du congé de convalescence qui peut durer six mois et plus, tandis que le corps reçoit cette solde.
Que l'on prive de solde les soldats qui s'absentent pour voir leurs familles, ou les hommes valides qui obtiennent des congés de faveur pour aider leurs parents, rien de mieux. Mais ici c'est un valétudinaire qu'on renvoie au foyer domestique, après une maladie grave contractée le plus souvent par le fait du service ; on impose par là une charge aux parents. Cette charge, je crois qu'il est équitable de l'alléger et qu'il est du devoir du gouvernement d'accorder aux familles des convalescents une indemnité suffisante, par exemple celle que l'on accorde à ceux qui logent les troupes en marche, ou tout autre jugée suffisante.
Le nombre des convalescents est peu considérable et les prescriptions du règlement que j'ai cité sont telles, que les abus ne sont pas à craindre.
page 410) D'un autre côté la solde du convalescent venant en déduction de l'indemnité à accorder, la dépense de ce chef serait fort peu considérable.
Je dois déclarer que mon opposition au budget de la guerre ne porte pas précisément sur le chiffre. Je ne pense pas qu'on puisse entretenir en Belgique une armée qui soit digne du pays, avec une somme beaucoup moindre que celle qui est portée au budget, dans lequel cependant on pourrait réaliser des économies sans nuire au service.
Mon opposition au budget porte principalement sur l'emploi qu'on fait des sommes allouées annuellement par la législature.
Ainsi, nous avons cinq clauses de miliciens, qui ne sont pas réellement des soldats ; on les exerce pendant les trois premiers mois de l'année, puis on les fait travailler aux fortifications d'Anvers, jusqu'à ce qu'on les renvoie dans leurs foyers, où ils reprennent leur ancien métier de cultivateur.
Ce n'est pas ainsi qu'on forme les soldats.
Cette mesure ayant duré depuis cinq ans au moins, il en résulte que nous avons au moins 25,000 miliciens qui ne savent rien du métier qu'ils peuvent être appelés à exercer. Ce chiffre de 25,000 fantassins venant en déduction de l'effectif de notre infanterie, il en résulte que cet effectif est réduit tout à fait outre mesure. Si nous étions appelés à devoir repousser une attaque, notre infanterie serait tout à fait insuffisante et notre pivot stratégique serait un corps sans âme.
Je crois aussi que le nouveau système de défense adopté exige impérieusement un changement dans notre organisation militaire. M. le ministre de la guerre promet de nous faire un rapport à cet effet. Je crois que depuis cinq ans on aurait dû y songer, et si on ne l'a pas fait encore, si on ne le promet que dans six mois, c'est qu'on veut ne le fournir que pour la discussion du budget de 1867.
Une opinion assez généralement répandue est celle que notre cavalerie est beaucoup trop forte. Eh bien, je crois que sans porter un préjudice très considérable aux officiers de cette arme, on pourrait arranger les choses de la manière la plus satisfaisante pour la défense du pays. Il y a dans la cavalerie beaucoup de jeunes officiers qui ont été à l'école militaire, qui y ont fait des études qui peuvent les rendre aptes à passer dans une autre arme. Pour ceux qui ne voudraient pas changer d'arme, M. le ministre de la guerre trouverait bien le moyen de ne pas les léser dans leurs intérêts.
Quant à l'artillerie, je dois déclarer que, selon moi, elle est infiniment trop faible. Nous aurons en batterie dans notre position d'Anvers environ 3,500 bouches à feu. En ne comptant qu'un seul homme par pièce, nous aurions déjà besoin de 3,500 artilleurs. Or, ce calcul, on ne peut l'admettre sans être à peu près certain de ne pouvoir servir l'artillerie. On compte généralement trois hommes par pièce, ce qui donnerait déjà 10,500 artilleurs, trois fois plus que nous n'en avons.
Les fonctions du canonnier sont très nombreuses ; il doit confectionner les munitions, les emmagasiner ; mettre les pièces en batterie ; son travail est incessant et si l'on tient compte des pertes causées par les maladies et par le feu de l'ennemi, on verra clairement que trois hommes par bouche à feu ne sont rien de trop.
M. le ministre de la guerre a dit qu'il prendra des auxiliaires dans l'infanterie ; que devra donc être alors cette arme déjà trop faible aujourd'hui ? D'ailleurs un canonnier ne s'improvise pas, surtout avec notre matériel actuel.
En résumé, messieurs, je pense que la défense d'Anvers devient impossible si l'artillerie n'est pas triplée.
Je voudrais, à ce propos, demander à M. le ministre de la guerre s'il compte continuer à employer notre infanterie aux travaux d'Anvers !
Cette question, messieurs, a son importance, car, malgré les assertions de M. le ministre de la guerre, je persiste à croire que l'emploi de l'infanterie à ces travaux nuit essentiellement à son instruction. J'ajouterai que chaque millier d'hommes ainsi distraits de l'armée pendant un an, augmente d'un million l'allocation consacrée à ces travaux.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - L'honorable M. Hayez a soulevé de nouveau des questions sur lesquelles j'ai répondu cinq ou six fois dans cette enceinte. Il a critiqué l'emploi des troupes aux travaux d'Anvers, en ajoutant qu'il serait infiniment préférable de les renvoyer en congé, parce qu'au lieu d'apprendre leur service militaire, elles n'apprennent que le métier de terrassier.
Messieurs, les troupes envoyées à Anvers n'y restent que pendant un temps assez court, après avoir reçu l'instruction de détail et d'ensemble au camp de Beverloo, pendant 5 ou 6 mois.
Après ce stage, on doit les former à la discipline et leur apprendre tous les détails du service, l'entretien des armes et des effets, ainsi que les divers règlements. Toutes ces choses s'apprennent à Anvers en dehors des heures de travail. Les troupes sont campées, elles font pour ainsi dire le service qu'elles feraient en campagne et c'est assurément la meilleure école.
Je n'hésite pas à le dire, messieurs, nos meilleurs fantassins sont généralement ceux qui sont employés aux travaux d'Anvers. Cela est tellement vrai, que lorsqu'on voit manœuvrer ces mêmes fantassins, on constate qu'ils ne le cèdent en rien aux autres et peut-être même qu'ils leur sont supérieurs sous bien des rapports. Ils ne sont pas distraits de la surveillance de leurs chefs, qui vivent avec eux. Le service qu'ils font à Anvers vaut certainement bien le service de corps de garde et de faction devant les établissements publics.
L'utilité de l'emploi des troupes aux travaux de fortification est bien reconnue à l'étranger.
En Angleterre, en Russie et dans différents autres pays, on nous a demandé communication de nos règlements pour les mettre en pratique, parce qu'on a été frappé des excellents résultats que nous avons obtenus.
Je viens de dire que la troupe exécute à Anvers des travaux analogues à ceux qu'elle aurait à faire si nous avions la guerre. J'irai plus loin : je dirai que dans le cas où l'armée se retirerait sous Anvers, elle aurait plus de travaux de fortification passagère à exécuter que de coups de fusil à tirer.
Si le soldat n'était pas habitué à ce genre de travaux, il serait incapable de rendre les services que l'on doit attendre de lui au moment du danger. Cela avait été si bien reconnu que depuis longtemps, à certaine époque de l'année, on employait l'infanterie à l'exécution de travaux de terrassement qu'on devait malheureusement détruire, pour ne pas encombrer les plaines de manœuvre et les champs d'exercice. J'ai pensé, messieurs, que cette partie de l'instruction des soldats d'infanterie pouvait se faire avec le même profit pour eux et avec plus de bénéfice pour l'Etat en les employant aux travaux d'Anvers, sous la direction des officiers d'infanterie et du génie.
Je crois donc que quand ces travaux seront terminés, il n'en faudra pas moins continuer à faire exécuter des travaux analogues par l'infanterie. C'est pour elle un complément d'instruction indispensable.
Quant à la cavalerie, j'ai exposé il y a 3 ou 4 jours sa nécessité et son utilité. On a critiqué son uniforme ; je vous ai donné des explications à ce sujet et je n'ai rien à en retrancher.
L'honorable M. Hayez a fait la nomenclature de chaque objet et de son prix.
Ce qui est certain, c'est que le prix de l'uniforme actuel est moins élevé que celui de l'uniforme ancien.
Les prix de l'uniforme de l'officier qui vous ont été indiqués par l'honorable membre sont ceux qu'on payait dans le principe avant qu'on fabriquât chez nous les passementeries de cet uniforme ; mais depuis que ces objets se fabriquent dans le pays, le nouvel uniforme coûte moins cher que l'ancien. Il y a économie pour l'officier comme pour le soldat.
Je ferai remarquer, en outre, messieurs, que l'honorable M. Hayez a pris pour terme de comparaison des prix de l'ancienne tenue, l'uniforme des chasseurs, alors que celui des lanciers, des guides et des cuirassiers ne jusqu'à 2 et 3 fois autant.
Passant aux critiques relatives à l'artillerie, je dirai que j'ai été très étonné d'entendre l'honorable membre, qui a été artilleur, faire le calcul auquel il s'est livré.
Il a dit qu'il faut 3,500 pièces de canon pour les fortifications d'Anvers. C'est déjà une erreur. Il a ajouté qu'il faut calculer le nombre des canonniers à raison de trois par pièce.
Je sais que c'est un argument que quelques personnes ont invoqué, parce que Vauban et certains ingénieurs ont dit que, pour armer les fronts attaqués, il fallait calculer, pour le service journalier, sur autant d'hommes que de pièces.
Elles ne considèrent pas qu'elles appliquent cette formule à tous les fronts de la place au lieu de ne l'appliquer qu'aux seuls fronts d'attaque.
Or, tout le monde sait que là où il y a 20 ou 25 fronts, il n'y en a souvent qu'un ou deux d'attaqués.
A ce compte, en prenant les fronts des différentes places de l'Europe, il faudrait à la France des centaines de mille artilleurs.
Mais il y a des autorités qui sont pour le moins aussi compétentes que l'honorable M. Hayez. Si vous prenez la peine de lire la correspondance de Napoléon Ier qu'on publie en ce moment, vous y verrez que lorsque Gênes et Livourne étaient menacés par les Anglais, l'empereur disait aux officiers commandants : Envoyez le 142ème - et, par parenthèse, ce régiment était exclusivement composé de Belges - pour faire le service d'auxiliaires d'artillerie. Avec ces troupes et deux compagnies d'artillerie, vous avez le nécessaire ; le 142ème, au bout de quinze jours, doit être à même de faire le service concurremment avec les artilleurs.
(page 411) M. Hayez a supposé qu'on veut donner à notre infanterie l'uniforme de l'infanterie française. Je ne sais ce qui l'autorise à produire cette assertion.
Voici ce qui s'est passé au Sénat. Vous savez qu'en fait de goûts et de couleurs il ne faut pas discuter ; chacun a sa prédilection. Or, il s'est trouvé des sénateurs qui ont manifesté le désir de voir donner à notre infanterie un uniforme analogue à celui de l'armée française. J'ai répondu à ces honorables sénateurs que dans le temps on avait songé à adopter cet uniforme, que j'avais même été un de ceux qui l'avaient proposé, et qu'il avait été rejeté. Mais il n'est pas question en ce moment de changer l'uniforme de notre infanterie ; il n'y a aucune espèce de projet à cet égard. Je ne vois donc pas ce que M. Hayez peut critiquer dans la réponse que j'ai faite à ces honorables sénateurs.
Voilà tout ce que j'ai à répondre à M. Hayez.
M. Bouvierµ. - J'avais demandé la parole pour demander à M. le ministre de la guerre s'il était question de changer l'uniforme de l'infanterie. M. le ministre vient de répondre que non ; je prends acte de ses paroles.
M. Hayezµ. - Je ne prolongerai pas la discussion ; je me bornerai à dire que je ne pense pas que le moyen employé pour former notre infanterie soit le bon. Elle remue la terre, mais connaît à peine ses officiers.
J'ai vu, dans certaines garnisons, un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant à la tête de sept ou huit hommes ; pour les promenades militaires on rassemblait à peine quarante hommes pour en former un bataillon.
M. le ministre dit que les soldats sont exerces dans l'intervalle des travaux. Cela me paraît impossible. Un homme qui a charrié de la terre pendant 8 ou 10 heures doit éprouver, comme les officiers, le besoin de prendre du repos.
Quant à la tenue, M. le ministre de la guerre me permettra de lui dire que je tiens en mains le tarif d'un maître tailleur nommé De Tendcr, tarif dans lequel est marqué le prix des uniformes actuellement en usage M. le ministre de la guerre dit que l'industrie de notre pays profite de ces changements.
Or, en tête du prospectus du tailleur dont je viens de parler, je, lis : « Je crois devoir aussi porter à votre connaissance que j'emploie la passementerie anglaise, qui est généralement reconnue supérieure à toute autre passementerie, pour sa beauté et sa solidité. »
Quant aux fantassins employée comme canonniers, M. le ministre de la guerre a cité une grande autorité ; mais je me permettrai de faire remarquer que le point de comparaison n'est pas précisément admissible ; du temps de Napoléon Ier, la plupart des fantassins étaient de vieux soldats ayant fait la guerre et sachant à fond leur métier ; il n'est donc pas étonnant que de tels soldats aient pu, après une vingtaine de jours, servir d'auxiliaires à des canonniers également bien exercés. Mars nos fantassins et nos artilleurs ne sont pas dans les mêmes conditions.
- L'article est adopté.
« Art. 13. Traitement et solde de la cavalerie : fr. 3,818,590. »
- Adopté.
« Art. 14. Traitement et solde de l'artillerie : fr. 3,217,606 25. »
- Adopté.
« Art. 15. Traitement et solde du génie : fr. 873,410. »
- Adopté.
« Art. 16. Traitement et solde des compagnies d'administration : fr. 285,200.
« Les hommes momentanément en subsistance près d'un régiment d'une autre arme compteront, pour toutes leurs allocations, au corps où ils se trouvent en subsistance »
- Adopté.
« Art. 17. Etat-major, corps enseignant et solde des élèves : fr. 179,816 18. »
M. Vleminckxµ. - La loi du 18 mars 1838 qui a créé l'école militaire prescrit entre autres branches scientifiques, l'étude de l'hygiène. Je sais que dans les premiers temps de la création cet enseignement y a été donné. Mais si mes renseignements sont exacts, il a cessé de l'être depuis un temps assez long. Je n'ai pas besoin de rappeler à l'honorable ministre de la guerre que s'il est une catégorie d'hommes auxquels les connaissances hygiéniques sont nécessaires, ce sont à coup sûr les officiers de toutes les armes. Ces connaissances ils doivent les posséder, non seulement pour mieux comprendre, mieux apprécier, mieux exécuter les conseils donnés par les médecins, mais en outre pour prendre eux-mêmes, le cas échéant, l'initiative de certaines mesures dans l'intérêt de la santé des soldats.
C'est de l'école militaire que sortent nos officiers constructeurs ; or il est certain que s'ils ne sont pas au courant de certains principes d'hygiène ils commettront dans leurs constructions des fautes graves susceptibles de produire de tristes résultats. Je ne demande pas qu'on enseigne à l’école militaire un cours d'hygiène complet, mais j'insiste pour qu'au moins on y donne quelques bonnes conférences sur cette branche, afin de mettre nos officiers au courant de connaissances indispensables. Il y a à l'école un médecin qui reçoit un supplément de traitement, auquel cet enseignement pourrait être confié ; il n'y serait pas nécessaire du tout, s'il ne devait pas être chargé de cette tâche.
Je connais assez la sollicitude de l'honorable ministre de la guerre pour le bien-être du soldat pour être assuré qu'il suffira de lui signaler cette lacune et qu'il cherchera à la combler.
Puisque j'ai la parole, je demanderai à la Chambre la permission de lui donner quelques courtes et très nécessaires explications. La position que j'ai prise au sein de la section centrale, les opinions que j'y ai défendues m'en font une obligation.
Si plusieurs de mes amis et moi nous nous sommes abstenus de prendre part aux longs débats qui ont eu lieu et qui, il faut bien le dire, se sont un peu égarés à côté du budget, ce n'est pas que nous n'eussions rien à répondre, aucune objection à formuler, rien à dire aux allégations si affirmatives de l'honorable ministre de la guerre relativement à l'organisation de l'armée, spécialement dans ses rapports avec la stratégie qui a prévalu en 1859. Mais d'une part il nous a paru que ces débats s'étaient déjà suffisamment prolongés ; et d'autre part nous avons jugé qu'il était préférable d'ajourner nos observations jusqu'au moment où nous serions en présence du rapport que M. le ministre de la guerre nous a promis et qui, je l'espère, ne se fera pas trop longtemps attendre, pour nous permettre de le méditer en temps opportun.
Tout ou rien ; il n'y a rien à changer à notre établissement militaire, pas un homme à en enlever, pas un cheval à en retrancher. Si ce ne sont pas là les termes dont s'est servi l'honorable ministre, c'est, à coup sûr, le sens et l'esprit des beaux discours qu'il a prononcés dans cette discussion, et je ne fais pas le moindre doute que ce ne soit aussi son intime conviction.
Mais, messieurs, il n'est nullement démontré à tous les membres de cette Chambre, il n'est pas du tout résulté d'une discussion approfondie, qu'il n'y a pas de retranchement à opérer, de véritables exubérances à faire disparaître, en un mot de notables économies à réaliser dans l'intérêt des contribuables, sans nuire le moins du monde à la solidité de l'armée et sans mettre en péril sa bonne constitution, que nous désirons tous.
Il n'est certes personne dans cette enceinte qui sérieusement veuille la désorganisation de l'armée ; et néanmoins, tous tant que nous sommes, nous désirons qu'elle pèse le moins lourdement possible sur les contribuables et le pays.
Mais c'est en vain, je le reconnais, que l'on prétendrait discuter cette importante question en l'absence de documents qui nous sont absolument indispensables pour que la discussion porte ses fruits. Un homme sensé ne livre jamais rien au hasard.
L'ajournement donc et l'ajournement avec réserve, tel est le parti qui, dans les circonstances actuelles, nous semble le plus logique et c'est celui auquel je compte m'arrêter.
- L'article 17 est adopté.
« Art. 18. Dépenses d'administration : fr. 29,003 73. »
- Adopté.
« Art. 19. Traitement du personnel des établissements : fr. 48,500. »
- Adopté.
« Art. 20. Matériel de l'artillerie : fr. 800,000. »
M. Hayezµ. - Nous avons quatre établissements militaires, dont trois sont à peu près uniquement occupés de la transformation de notre artillerie.
Il en résulte une augmentation indirecte du crédit de 15 millions, comme on a augmenté, indirectement aussi et dans de fortes proportions, le crédit de 49 millions affecté aux fortifications d'Anvers.
(page 412) A l'arsenal de construction, par exemple, quand on a commencé les travaux de la transformation, il existait ders approvisionnements considérables de bois et d'autres matériaux ; le bois seul était porté à l'inventaire pour un demi-million, si j'ai bonne mémoire. Qu'on ait employé ce bois à la construction du matériel nouveau, c'est naturel puisque le bois ne peut guère être employé avant d'avoir séjourné pendant six ans dans les magasins. Mais on ne le remplace pas, et on demande tous les ans des nouvelles allocations pour remplacer les approvisionnements entamés ; est-ce juste ?
Dans les développements du budget de cette année, je trouve une somme de 25,000 francs demandée pour achat de bois ; il est très probable que ces 25.000 francs seront ajoutés aux 15 millions de la transformation de l'artillerie ; il me semble que ces nouvelles allocations devraient cesser et que, les magasins de l'arsenal devraient être remis dans leur état primitif, avec les 15 millions destinés à l'artillerie, lorsque cette commande sera terminée.
Je ne ferais pas ces observations, si je n'avais la conviction que le crédit de 15 millions est employé de manière à ne pas produire les résultats qu'on en attend.
Il y a des dépenses tellement peu justifiables qu'on a peine à y croire. N'oublions pas, messieurs, qu'en présentant le projet de loi sur la transformation de l'artillerie, M. le ministre de la guerre, nous a dit « qu'il allait agir à coup sûr, sous peine de détériorer le matériel existant et d'occasionner à l'Etat des pertes immenses, ou de créer un système inférieur à celui des autres puissances. » Cette phrase se trouve dans l'exposé des motifs du projet de loi présenté dans la session de 1860-1861.
L'ancien matériel est-il conservé ? Non, on est occupé depuis longtemps déjà à transformer un grand nombre d'affûts presque neufs dits piémontais, destinés aux anciennes pièces de 6 et de 12 ; leur transformation pour le service de la nouvelle artillerie équivaut à peu près à un renouvellement.
Nous dépenserons donc une grosse somme, et nous perdrons d'anciens affûts que nous regretterons peut-être un jour.
Nous avions également des pièces de l'ancien système. On en a transformé beaucoup.
Le système était parfaitement arrêté, vous a dit M. le ministre, et cependant nous en sommes déjà à la cinquième transformation de la distribution intérieure des coffres de caissons à munitions.
La première transformation a eu lieu après la visite à l'arsenal d'un officier supérieur étranger. En sa qualité d'étranger, il a été admis de suite dans l'établissement où on lui a expliqué en détail tout ce qu'on y faisait.
Arrivé aux caissons à munitions, on lui a exhibé de petites boîtes, très joliment faites, vrais chefs-d'œuvre d'ébénisterie. Le visiteur a regardé le tout très attentivement, mais a fini par procurer à l'exhibiteur un succès de fou rire.
Qu'arrivera-t-il de la cinquième transformation ? Ses débris iront-ils grossir ceux que l'on trouve déjà dans les cours et les ateliers de l'arsenal de construction ? Ce n'est pas impossible.
Je crois que sans exagération on peut porter à 30 ou 40 mille francs la perte que ces diverses transformations ont fait subir au trésor.
On a fait bien d'autres essais. D'abord, on ne voulait pas des pièces de 4, mais des pièces de 6 comme en Prusse. Cédant enfin aux sollicitations d'officiers très expérimentés, on a adopté la pièce de 4, qu’on avait le projet d'atteler de 4 chevaux seulement.
Le coffre d'avant-train de cette pièce fut construit pour ne recevoir que 24 charges ; ce nombre ayant été trouvé insuffisant, on se tira facilement d'affaire, car on n'est jamais embarrassé, et l'on décida qu'on adopterait pour les manœuvres les manœuvres françaises, c'est-à-dire que les pièces manœuvreraient avec leurs caissons. Vous avez pu voir, à cette époque, au champ d'exercices, une batterie s'exerçant de cette manière.
Il est résulté de là qu'on aurait dû exposer au feu 8 chevaux au lieu de 4, et 2 voitures au lieu d'une. Après cet essai malheureux, on a modifie le coffre à munitions de manière qu'il pût contenir plus de 24 charges, mais beaucoup moins cependant que les anciens, qui en renfermaient 62.
Pour les pièces de siège on a adopté des affûts en fer, d'un modèle proposé ; par un des officiers très haut placés dans la confiance de M. le ministre de la guerre on en a commandé cent ; chaque affût devait coûter à peu près 5,000 fr. ; lorsqu'il y en avait une soixantaine de prêts, on s'est avisé d'une réflexion un peu tardive, il est vrai ; on trouva qu'il était nécessaire de faire l'essai de cet affût, dont deux exemplaires furent transportés à Anvers ; l'essai eut lieu et, malheureusement, l'affût se brisa au deuxième coup.
On donna de suite l'ordre de suspendre la commande ; et tout ce qui était déjà construit est relégué dans la cour de la fonderie des canons et considéré comme vieux rebut.
Ce qui est peut-être plus curieux, ce sont les essais qui ont été faits avec la pièce de 68. Cette pièce, ont dit les journaux, a été donnée à M. le ministre de la guerre par un constructeur de canons prussien, qui répond je crois, au nom de Krupp.
Je comprends parfaitement qu'un cadeau de cette nature a pu embarrasser M. le ministre de la guerre ; aussi s'est-il empressé de le repasser à l'artillerie ; le canon a été envoyé et essayé au camp de Brasschaet.
Il paraîtrait, d'après les on-dit, que ce canon est un premier essai du fabricant prussien dont il s'agit. Il fallait lui faire subir des épreuves ; les expériences devant être trop coûteuses pour lui, il aurait imaginé de les faire faire par un gouvernement et il donna la préférence au nôtre.
Le canon a donc été présenté au camp de Brasschaet... mais les résultats n'ayant pas paru satisfaisants, on a imaginé d'en faire un canon rayé. Il s'est trouvé alors que le canon était infiniment trop léger pour son projectile ; il brisa son affût au premier coup. Pour remédier à ce défaut, on usa de cet expédient-ci : on entoura le canon d'une chemise de plomb et on fit un nouvel essai. Le résultat de cet essai n'était pas difficile à prévoir. Au premier coup, le canon a été dépouillé de son enveloppe.
Cet essai a été très coûteux pour le pays et n'a produit qu'un résultat tout à fait négatif.
Voici un exemple d'un essai fait il y a longtemps et d'une manière rationnelle.
Eu 1815, on a adopté le système d'affût anglais que nous avons conservé pendant longtemps. Le gouvernement hollandais a fait construire six de ces affûts en 1816 ou 1817.
On leur a fait subir des épreuves fort rudes jusqu'en 1827, et alors seulement on l'a adopté. Aussi il a été longtemps en usage.
Je suis persuadé que M. le ministre de la guerre ne connaît pas tout ce qui se fait. Les choses importantes auxquelles il doit veiller l'empêchent de surveiller de pareils détails ; c'est pourquoi j'ai cru devoir les lui signaler.
Il ignore sans doute aussi que, depuis trois ou quatre ans, on construit le matériel de l'artillerie à Anvers avec des bois trop peu secs pour pouvoir offrir des chances de conservation ; et que pour hâter la détérioration on a eu l'heureuse idée de le couvrir d'une couche de peinture.
On emploie maintenant à l'arsenal de construction 1,500 ouvriers environ qui travaillent sans relâche. Pourquoi donc tant de presse ? Avons-nous hâte d'en finir avec les 15 millions ? Ne pourrions-nous agir avec plus de prudence et ne pas nous exposer à dépenser inutilement des sommes considérables ?
Les 1,500 ouvriers occupés aujourd'hui ne peuvent trouver place dans les ateliers de l'arsenal. Ils doivent donc travailler à l'extérieur, sous les ordres de particuliers, qui deviennent ainsi des entrepreneurs traitant à main ferme avec le directeur de l'établissement. Cette marche est-elle régulière ?
Dans les travaux des fortifications d'Anvers, il a encore été fait une dépense assez inqualifiable. On ne savait comment maintenir sur les remparts l'affût d'une pièce de gros calibre.
Au camp de Brasschaat on employait un piquet que l'on enfonçait en terre et qu'on raffermissait lorsque les réactions du tir l'avaient ébranlé. Mais sur les remparts d'une place comme Anvers, ce moyen pratique si simple n'était pas de mise. On imagina d'enterrer dans le rempart une pierre de taille d'à peu près un mètre cube, et au milieu de laquelle on scella au plomb un pivot en fer qui devait arrêter l'affût.
L'expédient a été trouvé parfait en théorie, il était recommandé par un homme très pratique et la commande a suivi de près ; elle était de 700 à 800 pierres, et comme pour les affûts en fer, quand toutes ou la plus grande partie étaient à pied d'œuvre, on songea à essayer leur efficacité. On tire et au second coup la pierre est fendue en deux. Oh ! ce n'est rien, dit-on ; les pierres serviront ailleurs, et ainsi fut fait.
Il paraît qu'aujourd'hui ces malheureuses pierres sont remplacées par une plateforme tellement monstrueuse qu'elle coûte 1,500 fr. Le travail qu'elle nécessite pour être établie sur le rempart est tellement considérable, qu'on doit la laisser en place toute l'année et au bout de 3 ans elle est hors de service. Tous les trois ans, donc, il faudra renouveler ce matériel de plate-forme à raison de 1,500 fr. pièce.
On a également disposé les voûtes des forts du camp retranché d'Anvers, de manière à pouvoir les couvrir d'une coupole en fer percée d'embrasures faciles à masquer, au moyen de coulisses, aux vues de l'ennemi.
(page 413) Mettra-t-on à exécution ce projet ? Espérons que non, car les coupoles sont d'un prix effrayant et leur efficacité est très douteuse.
Puisque j'en suis aux forts, je demanderai pourquoi on a trouvé nécessaire de les armer. Que l'on ait mis le matériel dans leurs magasins pour l'abriter, je le comprends. Mais que l'on ait exposé sur les remparts, pendant toute la saison, un nombre considérable de bouches à feu sans utilité reconnue. Voilà ce qu'il est difficile de comprendre.
M. Coomans. - Mais si ; c'est pour les montrer aux gardes civiques ! (Interruption.)
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - C'est drôle.
M. Hayezµ. - Je ne crois pas que les gardes civiques aient joui de leur vue, car, j'ai entendu dire, avant l'ouverture de la session, qu'on était en train de désarmer les forts.
Mais, avant eux, il y a eu d'autres visites et je soupçonnerais beaucoup que c'est plutôt dans la prévision de ces visites que l'armement a été fait, car habituellement on n'y procède que lorsqu'il y a apparence de guerre ou qu'on veut exercer une partie de la garnison.
Quant à l'armement de ces forts, on devait croire que l'officier qui en aurait la direction serait le commandant de la brigade d'artillerie stationnant à Anvers même. Ce n'est pas précisément ce qui s'est passé ; la mission fut donnée à un officier, très capable dans sa spécialité, je le veux bien, mais parfaitement étranger à ce genre de travail, et fort occupé d'ailleurs. Aussi a-t-il remis sa charge à un autre officier. Je ne dirai rien de la manière dont il s'est acquitté de ce travail, qui a été l'objet de quelques critiques.
Il y a un dernier point sur lequel je crois nécessaire de revenir ; c'est sur le secret d'Etat.
J'ai déjà dit que, dans le principe, ceux de nos officiers qui voulaient avoir des notions sur le matériel que nous avions adopté allaient en Prusse. Un de mes anciens camarades s'est rendu dans une garnison prussienne, et a été très complaisamment initié dans tous les détails du matériel d'une batterie, d'abord par un sous-officier, puis par le commandant de la batterie lui-même.
Ainsi donc à cette époque même, le secret dont on a tant parlé n'existait que dans notre pays.
Je vous ai parlé déjà de là brochure publiée par le prince de Hohenlohe.
Il vient de paraître un aide-mémoire de campagne pour l'armée française ; l'examen de ce très petit livre prouve combien le matériel français est simple et combien son usage doit être pratique.
La Revue d'Edimbourg du mois d'avril 1864 a publié un long article dans lequel il est fait une comparaison entre les différents systèmes d'artillerie ; et l'auteur donne, sans restriction, la préférence au système français.
Cet article a été traduit et reproduit, en grande partie, dans la Revue maritime et coloniale française, livraisons de juillet et août 1864.
Le Journal militaire autrichien, 1ère livraison, 13ème cahier, page 50, 3ème volume, a publié sur les canons rayés une étude de M. le capitaine Kockert, de l'artillerie impériale ; dans cette étude l'auteur énumère les avantages que le mode de chargement par la culasse résente pour l'artillerie de siège, de place et de marine, quoique des accidents très graves survenus pendant le siège de Duppel aux canons prussiens aient affecté péniblement le personnel présent.
Mais son opinion est peu favorable au système appliqué au matériel de campagne et il motive très clairement cette opinion. Il paraît qu'un modification au système que nous avons adopté a déjà été proposée dans le but de le simplifier ; si elle est adoptée, nous tomberons dans les arriérés.
Messieurs, les militaires ne sont pas les seuls qui s'occupent de notre matériel ; une maison de commerce lance ses prospectus et offre à l'univers entiers un matériel semblable au nôtre. Voici une annonce qui a paru au mois d'octobre dernier :
« Messieurs, je viens, par la présente, vous informer que je suis à même de fournir toute quantité de canons rayés en acier fondu, se chargeant par la culasse, système Wahrendorff, et ce, dans le plus haut perfectionnement et répondant à toutes les conditions imposées par le gouvernement prussien. Je puis vous livrer ces canons dans les calibres de 4, 6, 12, 18, 24 et 48 (30 étant ancien).
« Je connais en outre les ressources pour les appareils pour effectuer sur place les revêtements des projectiles de leur enveloppe de plomb et je livrerai également les fusées d'explosion à capsule pour les projectiles creux, les étoupilles, les culots en carton, les visières, etc., etc. ; en un mot tout ce qu'il faut pour avoir les canons complets pour le service et toutes les pièces, d'après le système prussien, etc., etc. »
Une autre annonce vient après celleci, le 4 novembre ; elle est conçue en ces termes :
« Messieurs, je viens, par la présente, pour vous donner les prix des canons en acier fondu Krupp, système Wahrendorff, affûts, projectiles coniques pleins, ceux, etc., etc.
(Suit le détail des prix, non repris dans cette version numérisée)
Quant au système des canons, il est tout à fait celui de l’artillerie prusso-belge, et il en est de même avec les affûts. Toutes les pièces sont travaillées dans le plus haut perfectionnement et ne seraient à recevoir qu'après les épreuves réglementaires.
Projectiles pleins et creux (ceux-ci sans charge et sans fusée d'explosion à capsule que je pourrais aussi fournir, mais que je porterai au compte séparément) :
(Suit le détail des prix, non repris dans cette version numérisée)
« Tous ces prix s'entendent par 50 kilog., emballage compris, livré à quai à Anvers.
« Quant au harnachement pour l'attelage des canons, aux fusées d'explosion à capsule, aux visières, étoupilles, culots en carton, etc., je m'en réfère à ma lettre du 29 octobre. »
Ces prospectus sont signés Berthold Ritter.
Après tout cela, messieurs, ne peut-on se demander si les secrets ont encore raison d'être. On pourrait même croire qu'on ne continue à les imposer que pour cacher les tâtonnements auxquels on se livre et dissimuler autant que possible, le mauvais emploi des 15 millions consacrés à la transformation de notre matériel d'artillerie.
Mais on a beau faire, il est très possible que nous approchions du jour où les représentants eux-mêmes seront admis à connaître l'emploi des crédits qu'ils accordent et à visiter les établissements de l'Etat comme cela se pratique en Angleterre : à l'entrée de l'arsenal de Woolwich, on lit une inscription ainsi conçue : Tout Anglais est admis à visiter les établissements trois jours de la semaine.
En Belgique, on serait presque en droit de dire que cette autorisation n'existe que pour les étrangers.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, j'ai déjà eu l'honneur de vous dire que l'honorable M. Hayez agit et parle comme s'il était au courant de tout ce qui se passe dans les comités et dans les commissions, et comme s'il avait entendu les conversations du ministre et des généraux sur toutes les questions qu'il traite. Je ne sais pas où il recueille ses renseignements, mais il avance des choses tout à fait extraordinaires.
J'en citerai quelques-unes, car je ne connais pas toutes les petites histoires dont il a entretenu la Chambre. Il vous a parlé d'un canon en acier de très gros calibre, donné au ministre de la guerre par un fabricant allemand ; il a dit que ce canon est tout ce qu'il y a de plus mauvais au monde, qu'il a donné des résultats détestables ; et que, comme j'en étais très embarrassé, je l'avais donné au gouvernement. Eh bien, messieurs, voici l'histoire de ce canon :
Il est bon de savoir que M. Krupp, qui l'a fabriqué, a le monopole d'un acier dont personne, jusqu'ici, n'a pu trouver le secret.
Il en résulte que toutes les puissances sont obligées de. recourir à lui et qu'ayant par conséquent d'immenses commandes, c'est presque une faveur que d'être servi par son usine.
Comme nous ayons été des premiers à faire fabriquer des canons en (page 414) acier chez M. Krupp, ces nouvelles bouches à feu ont acquis une grande réputation à l'étranger et il s'en est suivi que les expériences de notre artillerie, dont l'honorable M. Hayez n'a pas connaissance (il en est convenu), ont acquis de la notoriété et de l'autorité dans le monde militaire,
Après avoir réglé ce qui est relatif à l'artillerie de campagne et de place, notre attention s'est naturellement portée sur l'importante question des canons de gros calibre.
Pour nous aider dans nos recherches, M. Krupp nous a donné un canon lisse en acier. Nous l'avons rayé et nous l'avons soumis à des expériences très utiles pour l'étude des divers questions qui se rattachent à l'artillerie de côte et particulièrement à la forme et à la matière des projectiles.
Nous avons donné connaissance de ces expériences à M. Krupp et nous les utiliserons pour la fabrication des pièces rayées de gros calibre.
Telle est l'histoire du canon dont vous a entretenus M. Hayez.
Cet honorable membre s'est étonné de nouveau du secret que nous gardons. Mais, messieurs, lorsqu'une puissance consent à nous laisser prendre connaissance sous certaines réserves des résultats des expériences auxquelles elle s'est livrée, et qu’elle le fut par considération pour le Roi, pour le pays, et parce qu'elle a la certitude que nous n'en ferons pas usage contre elle, devions-nous livrer à la publicité, au mépris de toutes les convenances, les renseignements que nous sommes parvenus à recueillir ?
Nous ne pouvons prêter la main à ce que ces renseignements tombent prématurément dans le domaine public, et cette raison doit nous rendre extrêmement circonspect, dans l'acceptation des commandes de matériel qui nous sont faites par l'étranger.
Vous n'ignorez pas, messieurs, que, grâce à la bonne réputation de nos établissements de construction, nous recevons de fréquentes commandes ; il y a à peine deux jours, mon honorable collègue, le ministre des affaires étrangères m'en a annoncé une nouvelle.
M. Hayez vous a cité un ouvrage qui donne les détails du système d'artillerie prussienne. Vous pouvez tenir pour certain, messieurs, que ces détails sont fort inexacts.
L'honorable membre vous a également lu des prospectus d'établissements annonçant qu'ils livrent des canons du système prusso-belge. Je doute fort, messieurs, qu'il puisse en être ainsi, car il existe, dans les canons du commerce, des parties qui sont essentiellement différentes. Ceux donc qui s'adresseront à ces établissements n'auront pas la garantie qu'ils posséderont des pièces exactement conformes au système prussien.
L'honorable M. Hayez s'est plaint qu'ont emploie une partie des fonds alloués aux établissements, à la transformation de notre artillerie ; c'est, dit-il, une augmentation considérable apportée au crédit spécial voté par la Chambre pour cette transformation.
Mais il est évident, messieurs, que quand nous avons demandé ce crédit spécial, nous avions calculé que la transformation se ferait dans nos propres établissements. Si nous avions fait faire les travaux au-dehors, tout le monde aurait dit que nous étions absurdes.
L'honorable membre vous a dit encore, messieurs, qu'il y avait des approvisionnements de bois à l'arsenal de construction, et que le ministre de la guerre les avait employés à faire des affûts et des caissons.
Mais pourquoi donc avons nous des approvisionnements de bois ? Est-ce pour faire des tables et des chaises ?
Nous faisons des approvisionnements, parce qu'il faut que le bois devienne see, par son séjour dans les magasins, avant d'être employé. On remplace les bois au fur et à mesure de leur emploi.
Je puis encore apprendre à l'honorable M. Hayez qu'il a été fort mal renseigné, lorsqu’il s'est laissé dire qu'on a employé du bois vert dans les constructions de l'artillerie. La vérité est que notre matériel fait l'admiration de tout le monde.
L honorable membre a encore demandé pourquoi on a armé les forts du camp retranché ?
L'honorable M. Coomans a dit que c'est pour les montrer à la garde civique. (Interruption.)
Je sais que c'est une de ces plaisanteries comme vous en faites souvent, M. Coomans, et je ne la prends pas en mauvaise part.
Messieurs, on arme les casemates de tous les forts au fur et à mesure qu'elles sont achevées et l'on est obligé de le faire pour ne pas laisser le matériel en plein air.
Pendant l'été, on a fait armer complément le fort n°3, afin de terminer les détails du dispositif de l'armement.
Lorsque les idées ont été arrêtées à cet égard, on a retiré les pièces qui se trouvaient en batterie à ciel ouvert. Aujourd'hui tout le matériel est rentré depuis longtemps.
J'étais bien aise, messieurs, de pouvoir vous donner ces détails, car on vous renseigne souvent très mal.
On a critiqué aussi la manière de servir d'un officier supérieur que je veux nommer encore, parce que, quand on attaque les hommes qui se distinguent d'une manière spéciale, je tiens, moi, à faire connaître les services qu'ils rendent. Cet officier est M. le lieutenant colonel Coquilhat, qui est chargé de l'armement des fortifications d'Anvers, et qui s'acquitte de cet important travail avec autant de zèle que d'intelligence.
J'ai l'intention de proposer à la signature du Roi un arrêté qui nomme cet officier au grade de colonel en récompense des services qu'il a rendus. Si c'est là ce qu'on a voulu empêcher, je déclare qu'on n'y réussira pas.
M. Hayezµ. - Je n'ai que quelques mots à dire pour rectifier une assertion de M. le ministre de la guerre. M. le ministre vous a dit que j'avais critiqué la manière dont le lieutenant-colonel Coquilhat s'acquittait de la mission dont il était chargé.
C'est une erreur. Je n'ai pas critiqué le lieutenant-colonel Coquilhat. Je me suis borné, à tort j'en conviens, à me faire l'écho de bruits qui circulent et à dire que tout le monde n'était pas d'accord sur la manière dont il s'acquittait de sa mission (Oh ! oh !), ce qui est tout différent.
Quant à la prochaine promotion que M. le ministre vous annonce, j'ai d'autant moins d'objections à y faire que M. le lieutenant-colonel Coquilhat est un ancien ami et le premier sur la liste.
- Une voix. - On pourrait le nommer au choix.
M. Hayezµ. - D'accord, mais comme il est le plus ancien lieutenant-colonel, la nomination au choix est inutile. Un mot encore.
M. le ministre de la guerre nous a dit, si j'ai bonne mémoire, qu'un des avantages qu'on trouverait à adopter le système de canons qu'il proposait serait de favoriser l'industrie du pays. Or il vient de vois dire que la fabrication de l'acier composant ces canons est un secret appartenant à M. Krupp seul. .Nous sommes donc forcés de passer par l'intermédiaire de cet industriel.
- L'article est adopté.
« Art. 21. Matériel du génie : fr. 700,000. »
M. Hayezµ. - Dans la session de 1850-1851 on a blâmé dans cette Chambre les dépenses de luxe qu'on faisait au camp de Beverloo. Ces dépenses se sont accrues d'année en année, si bien qu'on en est arrivé aujourd'hui à consacrer à certaines constructions le double des sommes qu'on y affectait autrefois. De 1849 à 1853 il a été construit des casernes dont le prix moyen était de 9,923 fr. ; celles qui ont été récemment adjugées coûtent environ 12,000 fr.
Dans une autre partie du camp on a élevé des casernes fort simples pour le prix de 7,892 - et si mes renseignements sont exacts, elles ne sont inférieures aux autres sous aucun rapport.
Je ferai les mêmes observations en ce qui concerna les latrines des régiments ; en 1854 elles coûtaient 4,457 fr. ; aujourd'hui on en a fait des monuments qui sont adjugés au prix de 10,022 fr., c'est-à-dire à plus du double. Ne serait-il pas possible d'adopter pour ces constructions un plan plus simple qui remplirait aussi bien le but qu'on veut obtenir ?
Au chapitre 21 se trouve annexé un état indiquant les sommes que M. le ministre de la guerre réclame pour l'entretien de nos différentes places fortes. Je désirerais avoir quelques explications à cet égard.
Je prierai d'abord M. le ministre de vouloir bien me dire ce qu'il entend par ouvrages mixtes. Je ne connais, en fait d'ouvrages mixtes, que les grandes routes qui servent également au passage de la troupe et de la population civile. On nous demande, sans donner d'explications, des crédits pour presque toutes nos places, pour celles même qui sont démolies ; j'y vois, entre autres, une somme de 57,226 fr. pour la place de Termonde ; or, si j'ouvre le Moniteur du mois de décembre, j'y trouve un avis ainsi conçu :
« II sera procédé le 22 de ce mois, à Termonde, à l'adjudication de certains travaux destinés à compléter le système défensif de cette place. Le devis s'élève à 20,000 fr. »
Si le système est complété en 1861, je ne comprends pas la nécessité d'une nouvelle demande de crédit.
Autre observation qui me paraît ne pas manquer d'importance. On nous demande pour l'ancienne place d'Anvers, qui n'appartient plus à l'Etat, 39,557 fr. ; pour la citadelle du Sud, 21,000 fr. ; pour différents fortins, 8,000 fr., et quelques petites sommes encore qui forment un (page 415) total de 69,000 fr. Je voudrais bien être édifié sur remploi de ces sommes, dont la plupart ne me paraissent pas devoir figurer encore au budget.
II y a d'ailleurs une chose étrange, c'est que les sommes qui nous sont demandées pour 1865 sont exactement les mêmes que celles qui ont été sollicitées pour 1864.
Cette somme de 606,000 fr. restera-t-elle stéréotypée dans tous les budgets ?
M. le ministre ne pourrait-il donner à la Chambre quelques explications pour justifier l'emploi qu'il se propose d'en faire ?
Il répondra peut-être qu'on peut consulter les devis, mais cette réponse n'est-elle pas évasive ? Tout le monde sait parfaitement qu'on n'ira pas dans les bureaux du département de la guerre pour examiner des devis que peu de personnes, d'ailleurs, sont aptes à consulter avec fruit.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - L'honorable M. Hayez me demande une explication sur ce qu'on entend par dépenses mixtes. Ces dépenses, messieurs, en ce qui concerne le génie, sont des dépenses qui ont tout à la fois pour objet un intérêt civil et un intérêt militaire. Ainsi, l'entretien des digues, des ponts sur les canaux, etc., figure, pour les places de Diest, d'Anvers, d'Ostende, de Termonde, dans la catégorie des dépenses mixtes. Le budget porte une somme de 12,000 fr. pour subvenir à ces dépenses ; mais cette somme a toujours été insuffisante, car bien souvent les localités intéressées ont réclamé contre le mauvais entretien des ouvrages qui sont à la charge du département de la guerre.
Je citerai notamment la ville d’Anvers qui a demandé longtemps le renouvellement d'un pont. Il est résulté de l'insuffisance des allocations du génie que nous avons négligé beaucoup d'encourager, et que nous avons dû nous borner à réparer les détériorations les plus importantes. Je crois, toutefois, que, par suite de la démolition de quelques forteresses l'entretien des ouvrages mixtes sera dorénavant possible avec le crédit alloué.
Les autres allocations du génie sont destinées à l'amélioration des places conservées. Nous avons entrepris d'assez grands travaux à Termonde, l’honorable représentant de cette ville pourrait l'attester. Ces travaux seront continués au moyen de l'allocation de 57,226 fr. portée au budget.
Il y a enfin les allocations relatives à l'entretien des bâtiments militaires, tels que casernes, boulangeries, hôpitaux. Ces allocations s'élèvent à près de 450,000 francs ; elles sont absolument indispensables et l'on comprend que si on les déduit du chiffre total de 700,000 francs alloué pour le matériel du génie, il reste bien peu de chose pour les fortifications proprement dites.
- L'article est mis aux voix et adopté.
- Plusieurs voix. - A demain !
MpVµ. - Il est parvenu au bureau un projet de loi ; il sera soumis immédiatement à l'examen des sections.
- La séance est levée à 4 1/2 heures.