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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 8 décembre 1864

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 167) M. Van Humbeeck procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. de Florisone donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Van Humbeeck présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des propriétaires de bateaux et des bateliers du canal de Charleroi à Bruxelles demandent la réduction des péages sur ce canal. »

« Même demande de négociants en charbons, de Bruxelles. »

M. Vleminckxµ. - Je demande le renvoi de cette requête à la commission d'industrie.

- Adopté.


« Des bijoutiers à Bruxelles demandent la liberté complète du travail l'or et d'argent ou du moins que les orfèvres bijoutiers puissent travailler à tous les titres lorsqu'il s'agit d'exportation. »

- Même renvoi.


« Des officiers pensionnés demandent la restitution des réductions qui ont été opérées pendant deux ans sur leur traitement, en vertu de l'arrêté du 6 décembre 1839. »

M. Vleminckxµ. - Je propose à la Chambre de renvoyer cette requête à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

- Adopté.


« Le sieur Poncin demande que les divers services de dépêches soient mis en adjudication publique. »

- Même renvoi.


« Le sieur Lamblin, ancien militaire, demande un secours. »

- Même renvoi.


« Les membres de l'administration communale de Zeelhem demandent que la station de chemin de fer à établir dans cette commune ne soit pas déplacée. »

- Même renvoi.


« Le sieur Snier demande que les raisons qu'ont fait valoir les membres de la minorité du Sénat contre le projet de loi sur les bourses soient signalés au Roi avant que ce projet reçoive la sanction royale. »

- Même renvoi.


« M. De Fré demande un congé pour cause d'indisposition. »

- Accordé.

Nomination du bibliothécaire de la Chambre

Nombre de votants, 69.

Majorité absolue, 35.

M. Vereycken, bibliothécaire sortant, obtient 66 suffrages.

Billets blancs, 5.

En conséquence, M. Vereycken est nommé bibliothécaire de la Chambre pour un nouveau terme de six ans.

Prise en considération de demandes en naturalisation

Nombre des votants, 79.

Majorité absolue, 45.

Klein, François-Mathias, sous-ingénieur au chemin de fer du Luxembourg, né à Jungliester (grand-duché de Luxembourg), le 17 septembre 1828, domicilié à Longlier (province de Luxembourg), obtient 66 suffrages ;

Feith, Jacob, tourneur en bois, né à Neuenhondorf (grand-duché d'Oµbourg), le 14 mai 1817, domicilié à Bruxelles. 62.

Thinnés, Jean-Pierre, employé au chemin de fer du Luxembourg, né à Niederanven (grand-duché de Luxembourg), le 17 février 1835, domicilié à Bruxelles, 62.

Giebels, Lambert, domestique, né à Horn (partie cédée du Limbourg), 4 octobre 1833, domiciliéà Bruxelles, 64.

Agniez dit Agnesi, Louis-Ferdinand-Léopold, artiste lyrique au théâtre Italien de Paris, né à Erpent (province de Namur), le 17 juillet 1833, domicilié à Bruxelles, 65.

Pfeiffer, Jean-Pierre-Guillaume, commis, né à Luxembourg, le 7 mars 1834, domicilié à Bruxelles, 63.

Rau, Guillaume, propriétaire, né à Mayence (grand-duché de Hesse), le 26 avril 1810, domicilié à Bruxelles, 63.

Westhoff, Jean-Frédéric, né à Kranichfeld (Saxe-Meiningen), le 5 mai 1811, domicilié à Bruxelles, 62.

En conséquence, toutes ces demandes sont prises en considération. Cette décision sera transmise au Sénat.

Projet de budget de la Chambre pour l’exercice 1865

M. Vander Donckt. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission de comptabilité sur le budget de la Chambre.

- Ce rapport sera imprimé et distribué ; le jour de la discussion de ce budget sera ultérieurement fixé.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1865

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Article premier

« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. Traitements des fonctionnaires et employés : fr. 634,655. »

M. Moncheur. - Je voterai avec plaisir l'augmentation de crédit demandée par le gouvernement pour les traitements des fonctionnaires et employés du département des travaux publics et notamment des fonctionnaires et employés des postes et des télégraphes.

Beaucoup d'améliorations ont été apportées dans l'administration des postes aux lettres ; mais il reste encore bien des choses à faire ; nous ne sommes guère arrivés à la perfection. Je signalerai, entre autres, à M. le ministre des travaux publics un point que je considère comme très important : Je voudrais que M. le ministre des travaux publics donnât des ordres pour que les bureaux de poste aux lettres placés sur les lignes des chemins de fer ne se bornassent point à transmettre aux villes principales les dépêches deux ou trois fois par jour, mais qu'ils fissent également cette transmission aux autres bureaux secondaires, avec lesquels ils sont en correspondance, du moment bien entendu où cette même transmission pourra hâter la distribution des lettres, soit dans la circonscription totale des bureaux, soit seulement dans la partie agglomérée où ils sont établis.

Je m'explique, messieurs : il arrive, dans plusieurs localités (j'en connais où les choses se passent ainsi) que, par suite des instructions en, vigueur dans l'administration des postes, les percepteurs font, deux ou trois envois de dépêches à la ville principale avec laquelle ils sont en correspondance, tandis qu'ils ne font qu'un ou deux envois seulement aux bureaux secondaires. Il en résulte que le public perd ainsi, pour la rapidité de sa correspondance, douze et jusqu'à vingt-quatre heures de temps. Je citerai le bureau de perception de la poste aux lettres de Namèche, et je le citerai parce que je suis persuadé que cet exemple s'applique à un grand nombre de localités du pays.

Le bureau de Namèche expédie tous les matins ses dépêches à Liége et à Namur, mais il ne transmet ses lettres en destination de Huy, par exemple, que l'après-midi par le train de 4 1/2 heures et par celui de 6 heures 1 /2 du soir. Il en résulte que les lettres déposées à ce bureau entre 6 1 /2 du soir et 8 1/2 heures du matin ne sont transmises à Huy que dans l’après-midi, et que par conséquent on ne peut pas écrire une lettre de Namèche à Huy et recevoir la réponse le même jour. Et cependant ces deux localités ne sont éloignées l'une de l'autre que d'une vingtaine de kilomètres ; les mêmes observations s'appliquent à la correspondance entre Namèche et la ville d'Andennes qui en est encore le plus près.

Or, si le bureau de distribution de Namèche était autorisé à envoyer à Huy, à Andennes et ailleurs par le train de 8 1/2 heures du matin les dépêches qu'il trouverait dans la boîte, comme il envoie celles pour Liège et pour Namur, une correspondance complète pourrait avoir lieu le même jour entre ces localités.

Mais l'inconvénient que je signale prend sa source dans une instruction que je crois surannée et que je voudrais voir abolir. D'après cette instruction, si je suis bien informé, lorsque, en moyenne, il n'y a pas plus de deux lettres à expédier par jour, et à certaine heure du jour, il n'y a pat lieu de faire une expédition. On trouve donc que deux lettres à envoyer ne valent pas la peine de faire une dépêche.

(page 168) Quand la transmission des dépêches occasionnait des embarras, des écritures et des frais, on pouvait peut-être comprendre la raison d'être cette règle ; msis en présence des simplifications introduites dans l'administration des postes, l'expédition d'une dépêche, par le chemin de fer surtout, n'exige qu'une simple lettre d'avis, c'est-à-dire un carré de papier grand comme deux fois la main et qui ne coûte sensiblement rien.

Il résulte de ce que j'ai l'honneur de vous dire, messieurs, que l'administration des postes ne tire pas des chemins de fer toute l'utilité possible pour la prompte transmission des dépêches.

Je disais à l'instant que d'après les instructions existantes, on ne fait pas de dépêche quand il n'y a pas plus de deux lettres à expédier, mais vous comprenez, messieurs, que ce n'est que par une longue expérience que l'on peut savoir s'il peut y avoir plus ou moins de deux lettres en moyenne à expédier par jour et à certaine heure.

Ainsi, dans l'exemple que j'ai cité, qui est-ce qui ira déposer des lettres au bureau de Namèche, avant le départ du courrier du matin quand il sait que ces lettres ne seront expédiées soit à Huy, soit à d'autres bureaux de second ordre que dans l'après-midi même ? Personne. Mais si l'on savait que ces lettres peuvent partir dès le matin, il en serait tout autrement.

Ce sont les grandes facilités offertes à la correspondance qui en augmente l'activité. Au lieu de deux lettres en moyenne à expédier par jour, bientôt on en trouverait dix fois autant, si elles étaient expédiées en effet.

Je demande donc la suppression de l'instruction à laquelle j'ai fait allusion, si elle existe, et je pense que cette suppression augmenterait considérablement le nombre des lettres, rendrait un grand service au public et augmenterait le produit de la poste aux lettres.

Je prie donc M. le ministre des travaux publics de se faire rendre compte de l'état des choses à cet égard, et je rends du reste hommage au zèle des employés de la poste et particulièrement de MM. les percepteurs qui ne demandent pas mieux que d'être utiles au public et d'expédier le plus souvent possible toutes les lettres remises à leur bureau.

M. Giroulµ. - La surveillance des chemins de fer concédés étant dans les attributions du ministre des travaux publics, j'appellerai son attention sur la situation déplorable dans laquelle la compagnie du Nord laisse la station de la ville de Huy.

En effet, tous ceux qui ont pu constater par eux-mêmes l'état dans lequel la compagnie du Nord laisse cette station sont d'accord avec moi pour dire qu'une compagnie aussi riche, aussi prospère, manque tout à fait à ses obligations en maintenant un provisoire semblable.

Je comprends, messieurs, que les compagnies cherchent autant que possible à retarder la stricte exécution des obligations qui leur incombent, en vertu de leurs cahiers de charges, lorsqu'elles se trouvent au commencement de leur exploitation, lorsque leurs recettes compensent à peine leurs dépenses, en un mot lorsqu'elles se trouvent dans une situation précaire.

Mais ici ce n'est pas le cas. La compagnie du Nord est prospère, ses lignes rapportent énormément, et je pense qu'elle se trouve dans une position telle, que ce n'est pas demander trop au gouvernement que d'exiger l'exécution complète du cahier des charges qui est la loi des contrats en vertu desquels la concession a été accordée, et de demander notamment que la station de Huy soit appropriée convenablement, soit mise en rapport avec l'importance des transactions, avec l'importance du mouvement qui s'y produit, qu'elle soit mise à même, en un mot, de servir convenablement à sa destination.

J'ose espérer que l'honorable ministre tiendra bonne note de mes observations et fera ce qui est nécessaire pour que la situation sur laquelle j'appelle son attention, cesse dans le plus bref délai possible.

M. de Woelmontµ. - Je prierai M. le ministre des travaux publics de vouloir bien donner des instructions au commissaire du gouvernement afin qu'il inspecte attentivement le matériel roulant de la compagnie du chemin de fer de la société de Landen à Aix-la-Chapelle.

Depuis quelques années, cette société faisant d'assez mauvaises affaires, il s'ensuit que l'on répare, peu ou point, les waggons qui sont détériorés. Il en résulte que nous sommes exposés à ce qu'un jour nous aurons à enregistrer des accidents déplorables, qu'il eût été facile de prévenir.

Il y a encore un point sur lequel je voudrais que l'attention de M. le commissaire du gouvernement fût attirée ; c'est celui de savoir s'il n'est pas possible d'obliger cette société à donner aux voyageurs un accès aux stations, au moyen de voies raisonnablement larges et entretenues d'une manière convenable. Si cela était possible, j'espère que ce fonctionnaire obligera la compagnie à améliorer les abords de la station de St-Trond ainsi que de certaines dépendances.

Je demanderai également à M. le ministre qu'il veuille bien s'occuper d'un règlement sur la sortie des chevaux et des animaux en général qui se trouvent renfermés dans les waggons du chenvn de fer de l'Etat

Aujourd'hui, par exemple, un cheval peut rester confiné dans son box aussi longtemps que cela convient à un chef de station. Celui-ci se renferme dans son droit ou dans de mauvaises raisons, la plupart du temps, aussi voyons-nous des chevaux qui ont fait de longs voyages être privé de nourriture pendant trois et quatre heures encore, et cela parce que M. le chef de station n'a aucun règlement qui l'oblige à s'occuper de ces animaux, et que toutes les réclamations que l'on ferait à l'administration ne peuvent l'atteindre.

Je demanderai donc que les chevaux de course ou de prix soient retirés de leur box au plus tard au bout d'une demi-heure, dans les stations de premier ordre, et au bout de trois quarts d'heure dans les autres stations ; enfin, que tous les autres animaux soient également mis à terre au plus tard au bout d'une heure et demie.

MtpVµ. - J'examinerai les observations que viennent de faire les honorables MM. Moncheur et de Woelmont au sujet de quelques détails de service. Je dois cependant faire des réserves quant à l'exactitude des renseignements donnés par l'honorable député de Namur. Il se peut que la pratique qu'il attaque soit en effet conforme aux instructions administratives. Mais, dans ce cas, je dois avouer que cette pratique me paraît peu rationnelle. Je fais donc mes réserves et je m'engage à examiner la question.

Puisque l'honorable M. Moncheur a parlé postes, qu'il me soit permis de revenir en deux mots sur la question soulevée dans une précède séance par l'honorable M. Thonissen. Je veux parler de la taxe sur les livres cartonnés ou reliés.

La loi dit que les imprimés seront transportés au prix d'un centime par feuille. Il s'agit de la feuille simple évidemment. Mais le cartonné et la reliure viennent ajouter un poids quelquefois assez considérable aux feuilles qui composent le livre, et la loi ne permet pas évidemment le transport gratuit de ce supplément de poids.

Comment faut-il procéder ? Faut-il taxer les livres cartonnés et brochés comme lettres ? Ce serait absurde. Autant dire qu'on ne transportera ni livres cartonnés, ni livres reliés.

Il faut donc, messieurs, s'il est reconnu que la loi ne permet pas transports, à prix réduits bien entendu, introduire une modification dans la loi et transporter les livres cartonnés et reliés au poids, mais évidemment moyennant une taxe réduite.

J'examinerai ce point, messieurs. L'administration avait même compris l'initiative d'une proposition.

En ce qui concerne la station de Huy, je considère les observations de l'honorable M. Giroul comme fondées.

Je connais la station de Huy et j'insisterai près de la compagnie du Nord pour qu'elle s'exécute à cet égard.

- L'article 2 est adopté.

Articles 3 à 6

« Art. 3. Frais de route et de séjour du ministre, des fonctionnaires et des employés de l'administration centrale : fr. 33,200. »

- Adopté.


« Art. 4. Traitement et salaires des huissiers, messagers, concierges et gens de service : fr. 58,015. »

- Adopté.


« Art. 5. Matériel, fournitures de bureau, impressions, achats et réparations de meubles, chauffage, éclairage, menues dépenses : fr. 60,000. »

- Adopté.


« Art. 6. Honoraires des avocats du département : fr. 30,000. »

- Adopté.

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments publics

Première section. Ponts et chaussées
Article 7

« Art. 7. Entretien ordinaire et amélioration des routes, construction de routes nouvelles et subsides : fr. 3,016,277. »

M. Magherman. - Je me permettrai d'appeler un instant l'attention de M. le ministre sur la manière inégalé dont se fait la répartition de ce fonds entre les différentes provinces. Il me sera facile de prouver que, sous es rapport, la province de Flandre orientale a été lésée (page 169) dans ses intérêts. M. le ministre, dans la précédente session, a eu soin de citer lui-même des chiffres qui prouvent d'une manière incontestable la vérité de mon assertion.

Effectivement il résulte des renseignements fournis par M. le ministre des travaux publics dans la séance du 29 juin 1864 que la Flandre orientale paye en impôts directs 5,398,964 francs, tandis que la part du Luxembourg n'est que de 901,119 francs. La Flandre orientale est la première après le Brabant pour l'élévation du chiffre des impositions. Cependant depuis 1830, l'Etat n'y a construit que 85 lieues de route, tandis qu'il a construit dans le Luxembourg 141 lieues, dans la province de Namur aussi 141 lieues, dans la Flandre occidentale 135 lieues, dans la province de Liége 119 lieues, dans la province d'Anvers 97 lieues, dans le Hainaut 96 lieues.

Si nous comparons l'étendue des routes construites au chiffre de la population, nous obtenons un résultat identique. C'est encore la province de Flandre orientale qui est la moins favorisée.

En effet le Luxembourg a un kilomètre de route par 231 habitants, la moyenne pour tout le royaume est d'un kilomètre par 709 habitants ; la Flandre orientale n'a qu'un kilomètre de route pour 995 habitants.

Cependant là où il y a le plus de population, il est incontestable qu'il faut le plus de routes. Je ne signalerai pas les routes qui restent à construire dans la Flandre orientale. M. le ministre appartient à cette province par sa naissance ; il représente dans cette enceinte un de ses arrondissements principaux. Par conséquent il connaît parfaitement cette province ; il sait les routes qui y sont nécessaires ; il n'a que l'embarras du choix.

Je ferai la même recommandation à M. le ministre de l'intérieur en ce qui concerne la répartition des sommes qu'il a à sa disposition pour construction de routes vicinales. C'est du concert entre ces deux départements que peut résulter la réparation à laquelle cette province a droit, et elle en a besoin.

M. Funckµ. - Dans la somme de 3,016,277 fr. qui figure au budget, se trouve comprise celle de 300,000 fr. pour travaux en dehors des baux d'entretien, reconnus indispensables ou rendus nécessaires pour des causes de force majeure et pour payement de terrains cédés à la grande voirie par suite de l'adoption de nouveaux plans d'alignement, etc.

Je demanderai à M. le ministre si cette somme est suffisante, et voici le motif qui me détermine à lui poser cette question.

Par suite du développement qu'ont pris les chemins de fer, on a été obligé de créer dans les villes de nouvelles voies de communication.

La ville de Bruxelles a créé de grandes artères pour relier les deux stations du chemin de fer, avec le concours du gouvernement. C'est ainsi que nous avons élargi la rue des Fripiers, avec la promesse formelle que le gouvernement serait venu en aide à la ville de Bruxelles. Voici, en effet, ce que disait M. le ministre des travaux publics, répondant à une interpellation de l’honorable M. Orts, dans la séance du 2 mai 1861 :

« J'ai également promis, disait-il, à la ville de Bruxelles de participer dans une proportion assez forte aux frais d'élargissement de la rue des Fripiers. Si j'indique cet objet, c'est qu'il est en réalité très important. Les expropriations sont d'un prix exorbitant, et ce sera nne dépense de plusieurs centaines de mille francs. La Chambre sera appelée à statuer sur cet objet, soit à propos d'un crédit spécial que je lui demanderai, soit à propos d'une majoration à mon budget. Il s'agit dans tous les cas de répartir la somme nécessaire sur plusieurs exercices.

« Voilà, messieurs, ce qu'on offre à la ville de Bruxelles. »

Ces termes, messieurs, sont positifs et ils constituent un engagement formel. Or, il est arrivé que lorsque la ville de Bruxelles a fait des expropriations importantes, dont elle a demandé le remboursement, le gouvernement lui a répondu qu'il voulait bien prendre part à la dépense mais que son intervention dans le payement des prix d'acquisition ne pourrait être qu'excessivement fable chaque année, parce que le crédit dont il pourrait disposer é'tit insuffisant. Il disait, en conséquence, à l'administration communale de Bruxelles :

« En présence de la faible allocation de 300,000 fr. dont je dispose annuellement pour travaux d'amélioration de grande voirie, je ne pourrais rembourser à la ville que successivement le montant des sommes qu'elle a avancées pour le compte de l'Etat ; ainsi ce remboursement aura lieu par annuités, etc. Je serai obligé de solliciter de la législature une augmentation à l'allocation affectée à ces sortes de dépenses. »

Je n'ai pas besoin de dire, messieurs, combien ce système d'expropriation professé par le gouvernement est vicieux. Voici ce qui arrive d'ordinaire lorsqu'on suit le mode indiqué par le ministre des travaux publics, et on serait bien obligé de le suivre, parce que la ville de Bruxelles ne sera pas toujours en mesure de faire des avances considérables, avances qui ne lui seraient remboursées qu'en un certain nombre d'années. Lorsqu'il s'agit, par exemple, de l'élargissement de la rue de Fripiers, on exproprie trois ou quatre maisons et on élargit une partie de la rue : l'année suivante on doit faire de nouvelles expropriations, et ainsi de suite d'année en année, mais celles-ci deviennent beaucoup plus difficiles parce que les travaux déjà exécutés ont donné une plus-value aux propriétés à exproprier ultérieurement.

De cette manière la somme à dépense devient chaque année plus considérable et il y a là un préjudice grave non seulement pour le trésor de la commune, mais aussi pour le trésor de l'Etat, qui doit payer une part des expropriations.

Je demanderai donc à M. le ministre des travaux publics s'il ne croit pas utile de majorer le crédit demandé, et au besoin je proposerai un amendement dans ce sens.

MtpVµ. - Ce que l'honorable préopinant recommande de faire est fait ; j'ai proposé par amendement une augmentation de 100.000 francs à l'article7.

Il y a deux ans le crédit n'était que de 200,000 francs ; l'année dernière on l'a augmenté de 100,000 francs, et je propose, cette année, une nouvelle augmentation de 100,000 francs, de sorte que le crédit aura été doublé en deux ans.

En ce qui concerne, messieurs, la répartition du crédit alloué à la construction des routes nouvelles entre les diverses provinces, je ne puis pas accepter le reproche de l'honorable M. Magberman.

C'est une manière de raisonner qui n'est pas admissible, que de vouloir repartir avec une égalité mathématique le crédit des routes entre les différentes provinces du pays. On arriverait, en réalité, avec ce système, à une très grande inégalité ; en effet, messieurs, les routes coûtent beaucoup plus dans certaines provinces qui dans certaines autres à raison du prix d'acquisition des terrains, à raison des pentes et des rampes, à raison d'une foule des circonstances. Il est vrai que la Flandre orientale n'a pas reçu une part très élevée dans le crédit accordé pour construction de routes, mais je demanderai à l'honorable membre de vouloir bien indiquer quelles sont les grandes routes qu'on aurait demandé au gouvernement de construire dans cette province et que le gouvernement aurait refusées. Je déclare, pour ma part, que je n'en connais pas une seule.

M. Funckµ. - Il est possible que je me sois mal expliqué, mais il est certain que la réponse de M. le ministre des travaux publics prouve qu'il ne m'a pas compris. Il dit, en effet, que le crédit était antérieurement de 200,000 francs et qu'il a été porté à 300,000 fr.

MtpVµ. - A 300,000 fr. l'année dernière et à 400,000 fr. cette année-ci.

M. Funckµ. - Je ne vois pas ce chiffre de 400,000 fr.

MtpVµ. - C'est par amendement ; cela se trouve dans le rapport de la section centrale.

M. Funckµ. - Du moment que le chiffre est porté à 400,000 fr., je n'ai plus rien à dire.

M. de Naeyer. - L'honorable ministre des travaux publics a bien voulu reconnaître que la Flandre orientale n'a obtenu qu'une part relativement très faible dans la répartition des fonds affectés à la construction de routes. C'est d'ailleurs un fait incontestable qui, à différentes reprises, a été démontré à la dernière évidence ; M. le ministre a cherché à l'expliquer en disant qu'il n'y a plus de grandes routes à construire dans notre province ; mais il a perdu de vue qu'il en est de même dans tout le pays. (Interruption.)

Je voudrais bien qu'on m'indiquât une seule route à construire dans le pays, à laquelle on pourrait appliquer raisonnablement la dénomination de grande route ; mais il résulte des principes les plus formels de notre législation et même des simples notions du bon sens, que cette classification des routes en grandes routes ou routes de l'Etat, en routes provinciales, en routes vicinales, était fondée tout entière sur l'importance des relations que les voies de communication pavées ou empierrées sont destinées à desservir. Or aujourd'hui toutes les grandes relations intérieures du pays sont desservies par des chemins de fer, et il serait réellement déraisonnable de classer les routes d'après leur longueur ; ce qui doit en déterminer le rang, c'est évidemment leur degré d'utilité, c'est l'importance des intérêts qu'elles doivent desservir, c'est l'importance de la circulation à laquelle elles doivent donner lieu, et, à ces différents points de vue, les routes affluentes aux stations de chemin de fer doivent en général être placées au premier rang ; or, sous ce rapport, il reste beaucoup à faire dans la Flandre orientale.

Bien de localités importantes se trouvent encore dans l'isolement, faute de bonnes voies de communication avec les stations de chemins de (page 170) fer. Je pose en fait que les routes projetées dans notre province sont au moins aussi utiles et aussi importantes que celles projetées dans les autres provinces, et cependant le gouvernement refuse en général de les construire, probablement parce que souvent ces voies de communication n'ont pas une longueur de quatre, cinq ou six lieues ; ce sont donc les communes qui doivent faire dans la Flandre orientale ce qui est fait ailleurs par l'Etat.

Je ne veux pas discuter, pour le moment, cette anomalie dans la position qui nous est faite, mais au moins il est impossible de ne pas reconnaître qu'une compensation nous est due et qu'il y a lieu d'accorder à nos communes de très larges subsides sur les crédits alloués au département des travaux publics afin de les aider à compléter les voies de communication nécessaires, indispensables pour répandre partout les bienfaits du chemin de fer, et qui à ce point de vue ne peuvent même manquer d'exercer une influence féconde sur les recettes de l'Etat.

Il serait souverainement injuste que notre province, qui contribue si largement à alimenter le trésor public, n'obtînt pas une part équitable dans la répartition du fonds des routes. S'il n'y a plus guère à construire ce qu'on appelle à tort de grandes routes, uniquement parce qu'elles ont un développement de 4, 5 ou 6 lieues, il reste à établir un nombre considérable de voies de communication moins longues, mais souvent plus utiles à raison de l'importance des intérêts agricoles, industriels et commerciaux qu'elles sont appelées à desservir.

M. Magherman. - Les observations de l'honorable M. de Naeyer répondent amplement à ce qu'a dit en dernier lieu l'honorable ministre des travaux publics, concernant la répartition du subside des routes entre les différentes provinces. Je me permettrai cependant d'ajouter un mot : l'inégalité vis-à-vis de la Flandre orientale existe non seulement sous le rapport de l'étendue des routes, mais encore sous le rapport du capital dépensé.

Ce capital employé dans la Flandre orientale est bien inférieur à celui qui a été dépensé dans les autres provinces. Et pour le prouver, je puis encore me borner à citer les chiffres fournis par M. le ministre des travaux publics lui-même.

Depuis 1830 jusqu'en 1862, il a été dépensé dans la province de Luxembourg une somme de 7,029,366 fr. 67 c.

M. Bouvierµ. - Je le crois bien : nous n'avons pas de chemin de fer.

M. Magherman. - Tandis que la somme allouée à la Flandre orientale, dans le même espace de temps, ne s'élève qu'à 2,590,552 fr. 61 c, c'est-à-dire un tiers de la somme qui a été dépensée dans le Luxembourg. L'importance de ces deux chiffres est-elle en rapport avec l'importance respective de ces deux provinces ?

S'il n'y a plus de grandes routes à construire dans la Flandre orientale, il est utile d'y en construire d'autres, et notamment des routes vicinales qui ont une importance aussi grande que celles qui se construisent dans les autres provinces.

Il n'y a plus de grandes routes à construire nulle part, dans l'acception propre du mot, les communications de cette nature sont remplacées par les chemins de fer ; mais l'établissement de pavés présente toujours une très grande utilité dans toutes les provinces.

S'il n'y a plus de grandes routes à construire ni dans la Flandre orientale ni ailleurs, il importerait de transférer le crédit affecté à cette dépense, du budget du département des travaux publies à celui de l’intérieur, et de le distribuer en subsides à la voirie vicinale. C'est là qu'on devra définitivement arriver.

MtpVµ. - Je me lève uniquement pour faire observer que le département des travaux publics a pris tout au moins dans ces dernières années des mesures pour que des routes d'une importance approximativement égale fussent annuellement exécutées dans chacune de nos provinces et que la répartition du crédit a été toujours faite avec une grande équité.

Voilà ce que je puis affirmer.

- L’article 7 est adopté.

Article 8

« Art. 8. Travaux de plantations de toute nature le long des routes à l'exception de ceux compris dans les prix d'adjudication des baux d’entretien des routes : fr. 41,000. »

- Adopté.

Deuxième section. Bâtiments civils
Article 9 à 12

« Art. 9. Entretien et réparation des palais, hôtels, édifices et monuments appartenant à l'Etat, ainsi que des bâtiments dont les lois mènent l'entretien à la charge de l’Etat : fr. 174,000. »

- Adopté.


« Art. 10. Travaux extraordinaires exécutés au palais de Tervueren ; charge extraordinaire : fr. 16,500. »

- Adopté.


« Art. 11. Renouvellement des sculptures et reconstruction du fronton de l'aile droite du palais de l'Industrie ; charge extraordinaire : fr. 15,000. »

- Adopté.


« Art. 12. Construction d'un bâtiment pour le service de la douane à Mouland ; charge extraordinaire : fr. 18,000. »

- Adopté.

Troisième section. Service des canaux et rivières, des bacs et bateaux de passage et des polders
Article 13

« Art. 13. Travaux d'entretien ordinaire et extraordinaire, et dépenses d'exploitation des canaux et rivières.

« Charge ordinaire : fr. 812,750.

« Charge extraordinaire : fr. 351,600. »

M. de Naeyer. - Messieurs, dans la discussion générale, j'ai eu l'honneur d'adresser à M. le ministre des travaux publics une double demande.

J'ai demandé, d'abord, que les dispositions réglementaires, relatives à l'institution, à l'organisation et à l'administration des wateringues fussent publiées en forme de placards, par voie d'affiches dans toutes les communes sur le territoire desquelles les wateringues pourraient être établies.

J'ai demandé en second lieu que les ingénieurs fussent chargés de faire connaître au public les zones irrigables.

Je remercie l'honorable ministre d'avoir bien voulu me promettre de satisfaire à ma première demande. La publication dont il s'agit sera une mesure utile, parce que dans beaucoup de localités, intéressées aujourd'hui à l'établissement de ces wateringues et qui ne l'étaient pas auparavant au même degré, cette institution est encore peu connue ; on n'en a pas une idée bien exacte. Cela se présente notamment pour la vallée de la Dendre.

M. le ministre des travaux publics s'est montré animé de très bonnes intentions relativement à l'établissement des wateringues. Il a reconnu avec moi qu'il y avait sous ce rapport beaucoup à faire ; que ce qu'on a fait jusqu'ici se réduisait à peu de chose, et que ce qu'il reste à faire pourrait cependant avoir une très grande influence sur le développement de notre richesse nationale.

Je pense que ses bonnes dispositions le détermineront à accueillir aussi ma seconde demande, lorsque j'aurai eu soin de la mieux préciser.

M. le ministre des travaux publics pense que le gouvernement a fait tout ce qu'on peut raisonnablement exiger de lui ; parce que, dit-il, on a toujours offert et l'on continue à offrir aux propriétaires intéressés le concours des ingénieurs de l'Etat pour élaborer tous les projets qui peuvent rentrer dans les attributions de ces wateringues. Mais, a-t-il dit, les frais que l'étude de ces projets peuvent occasionner ne sauraient être à la charge de l'Etat, ils doivent incomber aux propriétaires intéressés.

Messieurs, cette observation me fait supposer que l'honorable ministre a cru que, dans mon opinion, les ingénieurs devaient être tenus de dresser gratuitement le plan figuratif des wateringues, voire même de faire la description, le métré, le devis estimatif de tous les ouvrages nécessaires pour l'organisation d'un système d'irrigation.

Eh ben, ma demande était beaucoup plus modeste. Je vais mieux la préciser. Je n'ai entendu demander qu'une simple désignation des zones irrigables. Ainsi quand le règlement de 1847 sera affiché dans telle ou telle commune, je voudrais qu'on y ajoutât un avis conçu à peuples en ces termes : Il résulte du nivellement général de la vallée qu'à partir de tel point jusqu'à tel autre point, les terrains situés dans cette commune sont susceptibles d'être irrigués, soit au moyen de prises d'eau établies à tel endroit déterminé de la rivière, soit en pratiquait une dérivation sur tel ou tel ruisseau affluent. C'est la chose la plus simple du monde, et il ne faut pour cela aucune nouvelle étude.

En elles, si j'ai bien compris les observations de l'honorable ministre, il paraît qu'aujourd'hui le nivellement général des vallées traversées par des rivières canalisées est fait. (Interruption.) Cela existe, au moins depuis près de dix ans, pour la vallée de la Dendre ; or, ce nivellement général de la vallée de la Dendre indique le niveau, la cote, le degré hypsométrique à peu près de chaque parcelle de terrain. On y trouve les mêmes indications, quant à la ligne de flottaison de la rivière canalisée et quant au cours des ruisseaux affluents. Il suffira donc de jeter les yeux sur le plan pour savoir quels sont les terrains susceptibles d'être irrigués Les ingénieurs qui sont en possession de ce document le savent parfaitement. Je demande uniquement qu'ils l'annoncent au public ; et rien de plus simple que de dire, à la suite de la publication du règlement de 1847 : « Ce règlement pourrait recevoir son application à telle ou telle partie du territoire de cette commune.

Je le répète, cela ne nécessite aucune nouvelle étude ; il s'agit uniquement de faire connaître au public le résultat des études déjà faites. Je suis donc convaincu que l'honorable ministre ne trouvera aucune difficulté à accueillir également cette demande. Aujourd'hui les propriétaires intéressés ne peuvent guère apprécier les conséquences de la position qui leur sera faite par les travaux en cours d'exécution, et par cela même ils ne s'occupent à cet égard d'aucun projet sérieux. Les indications dont je viens de parler leur serviront tout à la fois d'avertissement et d'impulsion ; elles feront cesser leur incertitude en leur montrant ce qu'il est possible de faire, comment ils peuvent tirer parti de la nouvelle position qui va leur être faite. D'un autre côté, le règlement qui sera publié de nouveau leur fera connaître la marche à suivre pour réaliser ce qui est reconnu possible. Il me paraît donc évident que tous ces renseignements portés à la connaissance du public, d'une manière en quelque sorte officielle, auront une influence très utile pour la formation des wateringues, là où elles sont possibles ; et d'ailleurs il ne faut pas perdre de vue que ces institutions rencontrent souvent des difficultés, par cela même que ce sont des associations exigeant le concours d'un grand nombre de volontés. Sous ce rapport, il ne faut pas du tout désespérer de voir réussir des projets qui auraient échoué une première fois.

Il résulte des observations que je viens de faire que ce que je demande se réduit à des proportions excessivement modestes. En invoquant des motifs de justice, je serais certainement en droit de demander quelque chose de plus en faveur des propriétaires riverains de la Dendre, car il est incontestable que, quand les travaux de canalisation qui sont aujourd'hui en cours d'exécution seront achevés, la situation des propriétés riveraines de la Dendre sera complètement changée et même bouleversée au point de vue des irrigations, cela est de toute évidence, il y aura des terrains qui ne pourront plus être irrigués ;il y en aura d'autres, à la vérité, auxquels on pourra appliquer le système des irrigations artificielles ; mais il y aura toujours cette énorme différence, qu'aujourd'hui les irrigations se font en quelque sorte d'elles-mêmes, par l'action naturelle du débordement de la rivière, tandis qu'à l'avenir il faudra que la main de l'homme intervienne, et il faudra aussi que les propriétaires s'imposent certaines dépenses.

J'ajoute qu'ils auraient tort de reculer devant ces dépenses, car elles seraient pour eux très productives. Mais toujours est-il que ces dépenses sont les résultats d'un état de choses créé par le fait du gouvernement, et qu'une intervention bien plus large que celle que j'ai réclamée serait parfaitement justifiée sous ce rapport.

Qu'il me soit permis, messieurs, de présenter ici une observation générale sur les effets des travaux de canalisation exécutés par le gouvernement.

Il est incontestable que ces travaux affectent très profondément les intérêts agricoles. Ainsi, je voudrais qu'à l'avenir, quand on s'occupera encore de projets de travaux de cette nature, on les soumît à l'examen préalable du conseil supérieur de l'agriculture, conseil qui est composé précisément d'hommes spécialement compétents pour se prononcer sur les intérêts de l'agriculture.

J'ai une très grande confiance dans notre administration des ponts et chaussées qui est composée de tant d'hommes éminents comme savants et comme constructeurs, mais ces hommes ont leur spécialité et assez généralement ils sont étrangers aux choses de l'agriculture. Cela est fâcheux, car il est incontestable qu'à tout moment ils se trouvent en contact avec les intérêts agricoles.

L'agriculture ne fait point partie des attributions du département des travaux publics et cependant il faut bien reconnaître que les travaux dont l'exécution lui est confiée ont une importance bien autrement considérable pour l'industrie agricole que tous les petits crédits qui figurent au budget de l'intérieur au chapitre de l'agriculture, et qui en général ne produisent que de l'eau claire, ne pouvant même être employée utilement aux irrigations.

Cette relation intime entre l'agriculture et les travaux publics a été tellement bien comprise en France, que, depuis plus de dix, ans on a reconnu la nécessité de rattacher l'agriculture au département des travaux publics.

Je ne demande pas qu'on fasse la même chose en Belgique ; je n'entends évidemment pas me mêler de la manière dont MM. les ministres trouvent convenable de régler leurs attributions respectives ; mais je cite ce fait comme un argument de plus en faveur des idées que j'exprime quant à l'importance des travaux publics et notamment des travaux hydrauliques au point de vue des intérêts agricoles et quant à l'utilité qu'il y aurait à consulter le conseil supérieur de l'agriculture sur les projets de travaux de cette nature.

Je dois faire remarquer, messieurs, que ces réflexions ne tendent nullement à critiquer un projet élaboré pour l'exécution des travaux de canalisation de la Dendre. J’aime à le reconnaître, on a bien voulu avoir égard à nos réclamations incessantes et on a tenu compte, sous plusieurs rapports, des intérêts agricoles. Ainsi, quand il s'est agi de déterminer les dimensions de la rivière canalisée, on a admis en principe la nécessité d’agrandir successivement la section de la rivière de manière à prévenir, autant que possible, les débordements et les inondations préjudiciables aux propriétés riveraines ; de même encore on a adopté en principe les « maîtresses rigoles » réellement indispensables pour empêcher que des terrains considérables ne fussent convertis en véritables marais, par suite des changements que la canalisation apporte nécessairement au régime de la rivière.

Sous ce double rapport on a donc admis en principe ce qui était juste et équitable, et j'espère que, dans l'application aussi, on sera assez large pour que plus fard il ne surgisse pas de réclamation.

II reste un troisième point, celui des irrigations, et sous ce rapport encore j'en suis convaincu, le gouvernement comprendra qu'il est de son devoir de se montrer juste et équitable, il est donc impossible que l'honorable ministre refuse d'accueillir la demande si simple que je prends la liberté de lui soumettre.

M. Nothomb. - A propos des crédits consacrés aux travaux d'amélioration des canaux et des rivières, je crois devoir attirer pour un instant l'attention de M. le ministre des travaux publics sur l'état de la navigation de la Grande-Nèthe.

J'y suis d'ailleurs amené par les paroles de M. le ministre des travaux publics, et que je n'ai pu lire qu'aujourd'hui dans les Annales parlementaires, prononcées en réponse à mon honorable collègue, M. de Mérode, qui, il y a quelques jours, s'est fait, dans cette enceinte, l'organe des plaintes si nombreuses et si légitimes que fait naître l'état de navigabilité de cette rivière.

M. le ministre des travaux publics a attribué la situation vraiment désastreuse de la Grande-Nèthe à une cause beaucoup trop secondaire, il l'a expliquée par des raisons purement atmosphériques, par la sécheresse prolongée que nous avons eue dans ces derniers temps.

Nous croyons, messieurs, d'accord en cela avec toutes les autorités de la province d'Anvers, que la cause est tout autre, et qu'elle réside principalement dans la nature des travaux qui ont été exécutés pour préserver des inondations la vallée des deux Nèthes.

Ces travaux ont eu un double but : d'abord de prévenir le retour de ces inondations qui causaient de graves préjudices aux propriétaires intéressés et ensuite de mettre ces rivières dans un bon état de navigabilité. Le premier but a été atteint, mais, il faut bien le dire, un peu au détriment du second ; car la manière dont ces travaux ont été exécutés a, de l'avis de toutes les autorités de la province, causé un tort réel à la navigabilité de la rivière.

Or, j'estime qu'en reprenant le service de la Grande-Nèthe, le gouvernement a contracté l'obligation de 1a mettre dans un bon état de navigabilité et qu'il ne saurait s'y soustraire sans commettre une flagrante injustice. Les plaintes à cet égard sont très nombreuses ; M. le ministre les connaît aussi bien que moi.

Le conseil provincial d'Anvers a même institué une commission spéciale pour rechercher la cause réelle de cette déplorable situation. Cela seul répond déjà suffisamment à cette assertion que l'état de choses dont nous nous plaignons tiendrait uniquement au manque d'eau ; il est évident que s'il en était ainsi, le conseil provincial d'Anvers n'eût pas chargé une commission spéciale du soin d'étudier cette question et de rechercher les causes réelles d'une situation qui provoque tant de réclamations.

Je ne sais si ce rapport est parvenu à M. le ministre ; mais dans tous les cas j'appelle son attention spéciale sur cette importante question. J'ajoute, en répétant ce que je viens d'indiquer, que le gouvernement, en prenant, comme il l'a fait en 1854, à son compte le cours d'eau de la Grande-Nèthe, a contracté des devoirs en même temps qu'il a acquis des droits ; ces devoirs impliquent une obligation formelle ; en loyauté, en équité et même en strict droit, il est tenu d'entretenir en bon état de navigabilité la rivière dont il a fait sa chose. Cela me paraît hors de doute.

J'espère donc que lorsque M. le ministre aura pu se livrer à l'examen approfondi que nous lui demandons, il reconnaîtra la justice de nos réclamations et que le prochain budget contiendra un crédit destiné à faire cesser la fâcheuse situation que nous signalons.

M. de Macarµ. - Je me permettrai d'appeler l'attention de (page 172) M. le ministre des travaux publics sur l'état défectueux de certains points du chemin de halage entre Chokier et Huy.

Sur plusieurs points les barres en fer qui servent de couronnement aux murs d'eau ont été enlevés, les montants de pierre qui supportent ces barres sont brisés ; il résulte de ceci un préjudice assez notable pour la navigation à laquelle cela occasionne un surcroît de dépenses, des retards et même du danger.

Il y a en outre une question d'humanité qui doit engager le gouvernement à remédier le plus tôt possible à l'état de choses que je signale.

Les piétons suivent en assez grand nombre le chemin de halage et l'absence de garde-corps à la Meuse là où il en existait antérieurement, peut, en cas de grandes eaux surtout, les exposer à des dangers sérieux.

Je sais qu'une somme de 146,000 fr. figure au budget pour travaux de différentes natures à exécuter aux abords de la Meuse, mais j'ignore si dans la fixation de ce chiffre on a prévu la réparation des ouvrages d'art qu'il a fallu établir par suite de la construction du chemin de fer de Namur à Liége. Si l'état de choses actuel s'est prolongé si longtemps, je dois croire que cela résulte d'un différend survenu entre ladite Compagnie et le gouvernement au sujet de l'entretien de ses travaux.

Je ne sais qui a raison dans ce différend, mais en tout état de cause, le gouvernement se réservera, s'il le juge convenable, tous ses droits. Je tiens à ce que les travaux s'exécutent le plus tôt possible. Je tiens à déclarer, au reste, que ce qui s'est passé ne peut être attribué à un manque de zèle ou d'intelligence du corps des ponts et chaussées de la province de Liège dont je me plais, au contraire, à reconnaître le mérite.

Messieurs, bien que le sujet ne se rapporte qu'indirectement à l'article en discussion, je vous demanderai la permission de vous entretenir d'un autre objet.

M. Debaets nous a parlé du pont d'Hansbeek, M. Thibaut de celui d'Hastières. J'ai, moi, à réclamer en faveur du pont d'Ombret. A propos de l'une des demandes faites, M. le ministre a répondu qu'il avait réclamé vainement le concours des intéressés. Je puis assurer à l'honorable ministre que dans le cas actuel ce concours ne fera pas défaut. Je pense donc qu'il voudra bien accorder pleinement son bienveillant appui à l'œuvré d'utilité publique que je réclame et qui doit servir des intérêts nombreux et sérieux.

MtpVµ. - J'avais bien compris l'honorable M. de Naeyer quand il a demandé la fixation du périmètre d'irrigation, dans le bassin de la Dendre ; il réclame que les ingénieurs de l'Etat déterminent les parcelles susceptibles d'être irriguées, eu égard au niveau connu de la rivière. J'ai eu l'honneur dédire que déjà en 1847, lors de l'émission des règlements des wateringues dans la vallée de la Dendre, de la Lys et de l'Escaut, le gouvernement avait offert de déterminer le périmètre, à la seule condition que les communes voulussent supporter les frais de nivellement.

J'ai dit que si cela n'est pas réalisé depuis quinze ans que l'offre a été faite, c'est la faute des communes et non la faute du gouvernement.

L'honorable membre dit qu'il n'y a plus de nivellement à faire dans la vallée de la Dendre.

Je ne sais pas si les nivellements faits en vue des travaux de canalisation dans le bassin de la Dendre sont suffisants pour que la détermination de la zone irrigable puisse être faite sans autre dépense ; si oui, il sera satisfait à la demande de l'honorable membre, en ce qui concerne ce bassin ; mais si d'autres nivellements sont reconnus nécessaires, je maintiens la condition que j'ai mise au concours des agents de l'Etat, je réclame que les communes supportent les frais.

Je suppose que les nivellements sont suffisants ; s'ils ne le sont pas, il faut voir si les communes veulent supporter les frais minimes pour elles, que ce travail entraînera. Les ingénieurs de l'Etat sont prêts à donner leur concours.

En ce qui concerne la recommandation de M. Nothomb relativement à la Grande-Nèthe, dans l'intérêt de la navigation, je dois répondre qu'il pourrait être dangereux de faire trop tôt les travaux destinés à arrêter le cours de l'eau. S'il était reconnu que les inondations sont dues, non aux travaux, mais à des circonstances particulières, on regretterait d'avoir agi d'une manière prématurée. Il vaut mieux attendre l'expérience d'une année pour connaître la véritable cause des inondations. Sans cela, je le répète, on pourrait regretter de s'être plaint trop tôt ; dans l'intérêt de la partie plaignante, il vaut mieux attendre.

Mon collègue me rappelle que M. de Naeyer a demandé que lorsqu'il s'agit de travaux considérables aux rivières, on consultât le conseil supérieur de l'agriculture. Cela pourrait être quelquefois utile, mais ce qu'on reproche au gouvernement tantôt à tort et tantôt peut-être à raison, c'est de marcher trop lentement, parce qu'il demande l'avis de tout le monde et que c'est le moyen de n'arriver à rien, de ne pas aboutir.

Je ne sais pas si, dans l'hypothèse de l'honorable membre, l'intervention du conseil d'agriculture ne serait pas de nature à arrêter l'exécution de grands travaux.

M. de Macar s'est plaint de l'état du chemin de halage entre Chokier et Huy ; le crédit global pour la Meuse, pour la construction des barrages comprend l'amélioration du fleuve dans toutes ses parties ; moyennant ce crédit, on approfondit le lit du fleuve et on améliore, dans la mesure des fonds alloués, le chemin de halage.

Ce travail s'exécutera en même que les trois barrages. L'honorable membre a demandé quand serait terminée la canalisation entre Liège et Namur ; très incessamment des mesures seront prises pour la mise en adjudication des travaux, afin de donner aux entrepreneurs le moyen d'effectuer leurs approvisionnements dans le courant de l'hiver.

M. de Naeyer. - Je croyais avoir compris par les explications données par l'honorable ministre, que déjà on avait fait le nivellement général pour toutes nos rivières. Il paraît qu'il n'en est pas ainsi ; mais pour la vallée de la Dendre le nivellement existe, ce travail a été fait depuis plusieurs années comme devant servir de base aux études du projet de canalisation.

Je demande et tout ce que je demande, c'est que l'on veuille bien rendre publiques les indications qui en résultent en ce qui concerne les zones irrigables. Il est possible, je n'oserais pas affirmer le contraire, que ce plan de nivellement ne soit pas toujours suffisant pour déterminer d'une manière mathématiquement exacte le périmètre de ces zones irrigables.

Mais des indications même approximatives, sous ce rapport, seront très utiles ; elles suffiront pour éclairer les propriétaires sur la possibilité d'instituer avantageusement une wateringue, et pour faire connaître l'importance des propriétés susceptibles d'être améliorées de cette manière et pouvant ainsi former l'objet d'une même association.

Eh bien ? puisque les ingénieurs sont en possession de ces renseignements, je demande uniquement qu'il en soit donné connaissance au public. Il n'y a rien de plus simple que ce que je viens de dire.

Vous allez publier de nouveau les règlements sur les wateringues dans toutes les communes intéressées ; vous avez bien voulu le promettre et je vous en remercie.

Eh bien, je voudrais qu'en faisant cette publication on annonçât en même temps au public que ce règlement pourrait recevoir son application sur telle partie du territoire de la commune par l'institution d'une wateringue qui pourrait organiser un système d'irrigations artificielles soit en empruntant les eaux de la rivière canalisée, soit en interceptant les eaux de tel ou tel ruisseau affluent. J'insiste un moment sur ce dernier point qui est souvent très important.

Il n'est pas toujours possible d'irriguer avec les eaux de la rivière. Et il arrive souvent qu'en interceptant les eaux d'un ruisseau, on peut obtenir des résultats considérables. Je me permettrai de citer à cet égard une situation qui se présente aux abords de Bruxelles.

Il y a, comme vous savez, d'ici à Vilvorde, sur la rive droite de la Senne, une vaste étendue de prairies, qui comprend, je pense, 800 à 1,000 hectares. Eh bien, je pose en fait que ces 800 à 1,000 hectares pourraient à peu près doubler de valeur, par la constitution d'une wateringue qui ferait usage pour l'irrigation des eaux amenées par un ruisseau affluent qui se nomme le Maelbeek. Ce ruisseau, qui prend sa source dans le bois de la Cambre, traverse les communes d'Ixelles, de St-Josse-ten-Noode, de Schaerbeek et reçoit les immondices d'une agglomération d'au moins 40,000 habitants. Je crois qu'il reçoit aussi les résidus liquides de deux abattoirs. C'est vous dire que ces eaux qui sont très sales, si vous le voulez, mais qui sont très riches en matières fertilisantes, pourraient être utilisées pour l'irrigation avec de très grands avantages.

Eh bien, au point où ce ruisseau débouche dans la vallée, il se trouve encore à trois ou quatre mètres au-dessus du niveau des prairies. Il résulte de cette situation qu'au moyen d'un fossé d'alimentation convenablement dirigé, il est extrêmement facile de conduire les eaux dont il s'agit partout où l'on veut, en les faisant servir à irriguer cette vaste étendue de prairies qui s'élève à 800 ou 1,000 hectares.

Ces prairies peuvent avoir aujourd'hui une valeur de 4 à 5 millions, et je crois ne rien exagérer en disant que cette valeur pourrait être à peu près doublée en utilisant les eaux du ruisseau affluent dont je viens de parler, par un système d'irrigation habilement combiné et dont la dépense, pour frais de premier établissement, resterait certainement beaucoup inférieure à un million.

Il arrive rarement qu'un accroissement de valeur de 3 à 4 millions puisse être obtenu à des conditions aussi avantageuses.,

M. Mullerµ. - Qu'une société le fasse.

(page 173) M. de Naeyer. - Je n'entends pas demander que le gouvernement s'en charge ; c'est évidemment l'affaire des propriétaires intéressés ; toujours est-il que nos sociétés immobilières ne se trouvent pas souvent en présence d'opérations aussi lucratives. J'ai cité cet exemple pour prouver que quand il s'agit de désigner une zone irrigable, Il ne faut pas seulement prendre en considération les prises d'eau qui peuvent être établies sur la rivière ; mais qu'il faut encore faire attention au parti que l'on peut tirer des ruisseaux affluents.

Sous ce double rapport, le nivellement de la vallée de la Dendre, document qui se trouve entre les mains des ingénieurs, permet de donner au public des renseignements très utiles et très précieux, alors même que les indications ne seraient qu'approximatives.

Je pense que, moyennant les explications que je viens de donner, je suis d'accord avec l'honorable ministre.

J'avais proposé de soumettre au conseil supérieur d'agriculture les projets de canalisation qui pourront encore être élaborés à l'avenir. Il me semble que M. le ministre ne trouve à cela qu'un inconvénient, c'est qu'il pourrait en résulter un retard.

Il est certain, messieurs, que ce retard ne serait jamais long. Un projet de canalisation est une chose assez importante pour qu'elle occupe les ingénieurs pendant un an ou deux ans et vous savez que le conseil supérieur d'agriculture se réunit régulièrement chaque année, je pense qu'on pourrait même le réunir en session extraordinaire. Dans tous les cas, ce que j'ai voulu faire ressortir, c'est l'importance extrême de ce genre de travaux pour l'agriculture.

Il est positif que cela peut amener un changement complet dans l'économie des prairies et que des terrains ayant une très grande valeur peuvent subir une dépréciation considérable.

M. Dumortier. - Messieurs, j'ai quelques mots à dire pour appuyer les observations de l'honorable M. de Naeyer.

La question de la canalisation des rivières est excessivement délicate parce que, comme vient de le dire tout à l'heure l'honorable membre, deux intérêts sont en jeu : l'intérêt de la navigation et celui de l'agriculture. Or, le corps des ponts et chaussées ne s'occupe que d'une seule chose, l'intérêt de la navigation ; c'est sa profession, il s'en occupe et il a raison.

Il faut pourtant bien que l'intérêt de l'agriculture soit aussi représenté afin de donner à M. le ministre, qui doit prendre les résolutions définitives, toutes les lumières nécessaires en pareil cas.

Il y a, messieurs, d'autant plus de nécessité d'en agir ainsi que tons les jours l'abaissement des péages sur les chemins de fer vient établir des voies concurrentes à la navigation.

Avant peu les chemins de fer transporteront à un prix aussi réduit que les canaux eux-mêmes, et alors qu’arrivera-t-il ?

L'intérêt des canaux sera beaucoup diminué et si la valeur des prairies est diminuée par les travaux, on aura occasionné sans profit aucun des pertes considérables.

J'insiste sur cet intérêt, parce qu'il m'est particulièrement connu, attendu que je m'en suis souvent occupé dans cette enceinte au point de vue de l'agriculture.

Il est, en effet, évident qu'en prenant 100 mètres de profondeur sur les deux rives, 2 500 hectares de prairies sont exposés à perdre presque toute leur valeur par de mauvais travaux.

Eh bien, 2,500 hectares de propriétés, et de propriétés aussi importantes que les prairies de Creil, ce n'est pas peu de chose. C'est un intérêt de premier ordre, un intérêt général.

Or, qu'on ne s'imagine pas qu'on portera remède au mal par des wateringues. Les wateringues sont une excellente chose pour les prairies basses, elles y transportent les eaux, mais il est, je crois, impossible aux wateringues de porter l'eau sur les prairies de Creil qui sont élevées et qui ne s'inondent que naturellement. Il est donc indispensable de veiller à un aussi important intérêt.

En second lieu les rivières de la partie basse du pays, de la Belgique occidentale, l'Escaut, la Dendre et toutes les rivières du même genre, en traversant toutes plaines et tous pays de grande culture, amènent avec abondamment d'eau un limon considérable dans le fleuve. Aussi longtemps que l'eau a un courant, ce limon marche avec le fleuve et va se déposer dans la mer. Menez un verre d'eau dans le lit de l'Escaut et le lendemain vous trouverez du limon au fond. Le jour oh vous aurez canalisé le fleuve, le limon se déposera et vous verrez s'exhausser le lit du fleuve. Cela est arrivé dans plusieurs pays entre autres pour le Pô en Italie. Le Pô a été canalisé dans l'intérêt des riverains. Or, aujourd'hui le thalweg du fleuve est infiniment plus élevé que les prairies voisines et l'on a dû endiguer les bords du fleuve sur tout son parcours.

Eh bien, je demande si c'est là qu'on veut amener les prairies qui bordent nos fleuves ?

Evidemment, ce serait un grand danger, et cet exemple, puisé dans la nature des faits, doit nous servir de mesure dans notre Belgique pour ne pas compromettre un intérêt aussi puissant, et cela au point de vue d'une navigation à laquelle les perfectionnements de l'industrie viennent donner un concurrent dans les chemins de fer.

Je crois que tout ce qu'on peut faire en pareil cas, c'est d'agir, comme M. le ministre l'a dit avant-hier, avec la plus extrême prudence, et il me semble que consulter les intéressés, consulter le conseil supérieur d'agriculture, que l'on peut d'ailleurs convoquer ad hoc, est toujours une excellente mesure.

J'ajoute que la Chambre l'a tellement bien compris que dans une loi votée il y a, je crois, environ vingt ans, il a été stipulé qu'aucune modification au régime de l'Escaut ne pourrait avoir lieu sans que les administrations communales de Tournai et d'Audenarde fussent consultées, tellement la Chambre reconnaissait qu'il y avait danger au point de vue agricole et qu'il fallait que ces intérêts fussent compris, fussent ménagés avant tout.

Je demande pardon à la Chambre si je reviens encore sur ce point. Mais il s'agit d'un intérêt majeur, d'un intérêt d'une importance extrême et lorsqu’en semblable matière le mal est commis, il n'est plus possible d'y porter remède. Car il est facile de faire le mal ; mais le mal commis, la canalisation faite, il n'y a plus de remède possible.

Je remercie de nouveau M. le ministre des travaux publics de ce qu'il a bien voulu nous dire qu'il porterait le plus grand intérêt à cette matière et qu'il ne ferait rien sans le plus mûr examen. Je pense qu'il est nécessaire qu'il s'entoure de toutes les lumières possibles et qu'il ne s'en rapporte pas à la seule décision du corps des ponts et chaussées qui n'a en vue qu'un seul intérêt et ne s'occupe pas d'un intérêt concurrent qui certes est tout aussi digne de votre sollicitude que l'intérêt de la navigation.

- Le chiffre est adopté.

Travaux d’amélioration des canaux et rivières.

Articles 14 à 22. Bassin de la Meuse

« Art. 14. Meuse dans les provinces de Namur, de Liège et de Limbourg ; charge extraordinaire : fr. 25,000. »

- Adopté.


« Art. 15. Canal de Liège à Maestricht ; charge extraordinaire : fr. 15,000. »

- Adopté.


« Art. 16. Canal de Maestricht à Bois-le-Duc ; charge extraordinaire : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 17. Canal de jonction de la Meuse à l'Escaut ; charge extraordinaire : fr. 18,500. »

- Adopté.


« Art. 18. Canal d'embranchement vers le camp de Beverloo ; charge extraordinaire : fr. 9,000. »

- Adopté.


« Art. 19. Canal d'embranchement vers Hasselt ; charge extraordinaire : fr. 17,000. »

- Adopté.


« Art. 20. Canal d'embranchement vers Turnhout : charge extraordinaire : fr. 1,000. »

- Adopté.


« Art. 21. Sambre canalisée ; charge extraordinaire : fr. 13,500. »

- Adopté.


« Art. 22. Canal de Charleroi à Bruxelles ; charge extraordinaire : fr. 10,000. »

- Adopté.

Article 23. Bassin de l’Escaut

« Art. 23. Escaut ; charge extraordinaire : fr. 7,700. »

M. Jacobsµ. - Messieurs, dans la séance du 30 juin dernier, j'ai demandé à M. le ministre des travaux publics quels étaient les résultats des derniers sondages opérés dans l'Escaut. La Chambre se rappelle qu'à la suite d'atterrissements constatés dans le lit du fleuve, surtout en 1859, M. le ministre prit l'engagement de faire effectuer des sondages périodiques. Les derniers ont, si je ne me trompe, présenté une légère amélioration. Cependant comme ils n'ont pas été publiés jusqu'aujourd'hui, j'ai cru utile de provoquer une déclaration officielle.

(page 174) Des circonstances indépendantes de sa volonté ont empêché M. le ministre de me répondre dans le courant de la session dernière ; je me borne donc à lui répéter ma question.

J'en faisais une seconde, qui est en corrélation intime avec la première ; elle se rapporte à un travail d'utilité publique qui s'exécute en Hollande, et dont le résultat peut être de compromettre l'existence même de l'Escaut comme fleuve de grande navigation. Je veux parler du barrage de l'Escaut oriental.

Vous savez, messieurs, que l'Escaut, à partir de Bath, se divise en deux bras qui entourent les îles de Sud-Beveland et de Walcheren. Tout le commerce maritime qui se fait entre le bassin de l'Escaut et la Hollande et le Rhin traverse deux passes dont l’une sépare l'île de Sud-Beverland du continent et l'autre de l'île de Walcheren.

La Hollande, depuis longtemps, a eu la pensée de combler ces deux passes.

En 1846, un entrepreneur a obtenu la concession de 14,000 hectares d'endiguements à faire sous la condition de barrer les deux passes et de les remplacer par un canal traversant l'île de Sud-Beveland dans sa largeur.

Cette concession avait passé en différentes mains lorsqu’en 1859 le gouvernement néerlandais la réduisit à 4,000 hectares en dégageant l'entrepreneur de ses obligations. Les travaux déjà exécutés au canal et les matériaux amenés à pied d'œuvre furent abandonnés au gouvernement qui a continué, depuis, la construction du canal et ne tardera pas à la mener à bonne fin.

En 1861, le gouvernement des Pays-Bas a été autorisé par les Chambres à construire un chemin de fer de Flessingue à Venloo, reliant au continent par le barrage du canal de Berg-op-Zoom et un viaduc sur le Sloe les deux îles de Sud-Beveland et de Walcheren.

A l'heure qu'il est ce chemin de fer est exploité jusqu'à Berg-op-Zoom, mais les terrassements dans l'île de Sud-Beveland sont achevés et même une partie du barrage est construite au moyen des déblais de la section de Rozendaal à Berg-op-Zoom.

Nous nous trouverons donc bientôt en présence d'un fait accompli. Le canal sera probablement achevé vers la fin de l'année prochaine, et le gouvernement hollandais a l'intention de procéder aussitôt après à l'exécution du barrage.

Dès l'arrêté de concession, en 1846, la Belgique s'est élevée contre ce travail ; ses réclamations se sont poursuivies sans interruption jusqu'en 1851 ; à partir de cette époque j'en ai perdu la trace.

En 1849, un des prédécesseurs de M. le ministre des travaux publics, l'honorable M. Rolin, a nommé une commission pour l'examen des questions qui se rattachent au barrage de l'Escaut oriental ; cette commission s'est livrée à des enquêtes et à la suite d'un examen approfondi, elle a communiqué au gouvernement son rapport dont la conclusion est celle-ci : La substitution du canal aux deux passes est éminemment défavorable à la navigation et à l'Escaut ; il est du devoir du gouvernement de s'opposer énergiquement à cette substitution.

La chambre de commerce d'Anvers a protesté à son tour, et son rapport pour l'année 1859, renouvelle ses protestations.

J'ai appris que tout récemment M. le ministre des travaux publics a nommé une nouvelle commission qui, j'en suis convaincu, conclura comme la précédente.

Il y a en effet deux intérêts engages dans la question qui me semblent pouvoir difficilement être sauvegardés autrement ; il y a la navigation de cabotage et la grande navigation.

Quant à la navigation de cabotage qui se fait par les deux passes dont on projette la suppression, d'après la commission de 1849 et de beaucoup d'hommes compétents, elle serait plus longue, plus dangereuse, moins économique, en un mot, plus défavorable sous tous les rapports par le canal qu'à travers des passes.

Quant à la grande navigation, voici sous quel rapport elle est intéressée dans la question.

M. le ministre des travaux publics disait hier et l'honorable M. Dumortier rappelait aujourd'hui qu'il est très dangereux de toucher au régime d'un fleuve, que la moindre modification apportée à son lit peut occasionner des perturbations irréparables. Or il s'agit ici d'une modification au lit de l'Escaut, dont l'importance est capitale et ne peut être comparée à aucune autre. Il s'agit d'enlever à l'Escaut un de ses bras, une de ses embouchures, il s'agit de faire de l'Escaut occidental une simple crique, ou si l'on aime mieux, une bouche de la Meuse.

Les ingénieurs consultés se sont prononcés en majorité contre ce travail ; tous sont d'accord pour reconnaître que le résultat en est éminemment incertain, qu'il est impossible de déterminer d'une manière certaine l'effet qu'il produira sur le régime du fleuve, maïs qu'on peu affirmer qu'il en produira d'énormes.

Eh bien, dans cet état de doute, en admettant même que le gouvernement n'ait que des doutes, il est de son devoir de s'opposer énergiquement à l'exécution du barrage.

S'il ne s'agissait que du cabotage, on pourrait attendre et se dire : « Essayons le canal, faisons la comparaison pratique entre lui et les passes. » Mais la grande navigation ne comporte pas une pareille expérience, car il ne serait plus temps de porter remède au mal quand l'Escaut se trouverait envasé.

Le gouvernement hollandais s'est toujours opposé à l'intervention du gouvernement belge dans cette question ; il nous a toujours renvoyés à l'époque où les travaux seraient achevés ; cependant il est incontestable que le gouvernement belge a le droit d'intervenir, puisque le traité de 1839 stipule que les passes existantes alors seraient conservées.

Or, je le répète, il s'agit non seulement d'obstruer deux passes, mais encore d'enlever au fleuve l'une de ses embouchures.

Je sais bien qu'une des stipulations du traité porte que les passes devenues impraticables par suite de l'action de la nature ou par suite de l'exécution de travaux publics, seraient remplacées par d'autres aussi sûres, aussi bonnes et aussi commodes, mais cela ne doit s'entendre que du cas où par suite d'ensablements, d'endiguements ou d'ouverture de passes nouvelles, les anciennes cesserait nt d'être navigables, et non de celui où on les fermerait au moyen d'un barrage ; une passe devenue impraticable n'est pas une passe supprimée.

Le droit du gouvernement belge n'est donc pas douteux et je l'engage à s'en prévaloir pour empêcher qu'on ne mette la main au barrage.

La Hollande tient, en général, trop peu compte des réclamations de la Belgique. Si nous n'avons pas encore un chemin de fer direct d'Anvers vers Gladbach (et je le rappelle en passant à l'attention de M. le ministre des travaux publics), c'est que le gouvernement néerlandais, dans l'interprétation des traités, s'abrite derrière des prétextes, tels que celui-ci : La Belgique a le droit de faire passer sur le territoire limbourgeois-hollandais une route ou un canal, mais non pas un chemin de fer. Comme si une route ne devait pas s'entendre aussi bien d'une route ferrée que d'une route pavée.

Le gouvernement hollandais est donc, en général, mais surtout dans la question de l'Escaut oriental, observateur peu strict des traités, et cependant le rachat du péage de l'Escaut devrait lui rendre ses obligations plus sacrées encore.

Il serait par trop commode de toucher le capital de cette rente et d'en détruire ensuite la cause productrice. Nous avons payé assez cher le droit de navigation sur l'Escaut et les eaux intérieures de la Hollande, par les avantages stipulés dans le traité de 1839, nous avons agi de confiance en rachetant ces péages au moyen d'une somme considérable ; le gouvernement belge doit tenir la main à ce que ces sacrifices ne soient pas rendus inutiles.

Je signale à son attention toute particulière les perturbations dont l'Escaut est menacé ; je l'engage à continuer ses démarches diplomatiques et à recourir à tous les moyens pour s'opposer au barrage de l’Escaut oriental. Quant à moi, j'ai tenu à dégager ma responsabilité.

MtpVµ. - Messieurs, je tiens en mains le dernier rapport concernant les sondages effectués dans l'Escaut, et l'honorable membre a tort de dire que ce document n'est pas connu ; il a été communiqué officiellement à l'administration communale d'Anvers ; par conséquent les conclusions de ce rapport sont connues.

Je vais donner lecture des quelques lignes qui résument les résultats des opérations faites. Voici en quels termes l'ingénieur de la province d'Anvers s'exprime sous la date du 21 décembre 1863, c'est-à-dire il y a un an, de sorte qu'il y a lieu de faire maintenant de nouveaux sondages.

L'ingénieur de la province d'Anvers dit :

« De l'examen de ces sondages, qui ont été faits avec le plus grand soin, il résulte que l'Escaut maintient sa profondeur et qu'il accuserait plutôt une amélioration qu'une perte quelconque. Je crois pouvoir ajouter que c'est également l'avis de l'administration du pilotage qui, par l'étude journalière qu'elle fait des allures du fleuve, est en position d'en apprécier la position réelle. »

Et plus loin je lis ceci :

« Certes, si la navigation subissait des entraves ou si l'on devait appréhender qu'elle en subît prochainement, il y aurait lieu, même en attendant des travaux définitifs, d'exécuter des ouvrages provisoires propres à maintenir la navigation dans des conditions tout à fait régulières. Mais tel n'est pas l'état des choses, et il suffit de jeter un coup d'œil sur (page 175) la liste des navires qui arrivent annuellement sans entrave, à Anvers, pour se convaincre que l'Escaut satisfait à tous les besoins. »

Mon collègue des affaires étrangères me fait observer que ces opérations sont faites une deuxième fois par un officier de la marine et que les conclusions auxquelles cet officier est arrivé sont identiques à celles de l'ingénieur de la province, que je viens de faire connaître à la Chambre. Je persiste donc plus que jamais à dire que la plus vulgaire prudence nous commande l'abstention provisoire et que l'on pourrait faire beaucoup de mal en agissant d'une manière précipitée et inopportune. Nous devons surveiller le fleuve, le surveiller attentivement ; mais provisoirement il n'y a pas d'autres mesures à prendre.

Quant à la deuxième question traitée par l'honorable membre, le gouvernement en reconnaît toute l'importance. Il a fait, il y a plusieurs années, et il a continué à faire depuis, toutes les réserves et toutes les protestations que la situation commande. Il se guidera, dans l'avenir, suivant les circonstances qui se présenteront, mais je puis assurer que les intérêts du pays ont été, sont et seront défendus avec toute l'énergie désirable.

La question, messieurs, est déférée à la diplomate, et ce n'est pas en ce moment que je pourrais sans inconvénient entrer dans plus de détails. Plus tard la Chambre sera appelée à apprécier la conduite tenue par le gouvernement dans cette occurrence.

Je dois cependant ajouter un seul mot. L'honorable membre a insinué que depuis le rachat du péage de l'Escaut le gouvernement belge se trouverait en quelque sorte désarmé vis-à-vis de la Hollande ; je ferai remarquer que le pays sert encore annuellement à la Hollande une rente de 400,000 florins pour l'entretien des passes navigables. Il n'est donc pas aussi désarmé que semble le croire l'honorable M. Jacobs.

M. Coomans. - Je demande la permission d'ajouter deux observations à celles qui ont été présentées par mon honorable ami M. Jacobs.

En premier lieu, il est à remarquer que très vraisemblablement la fermeture du cours oriental de l'Escaut serait infiniment fâcheuse pour la navigation, attendu que le véritable Escaut, c'est précisément cet Escaut oriental que l'on veut supprimer ou canaliser aujourd'hui ; l'Escaut occidental, le Hond ou Wester Schelde, qui débouche devant Flessingue, n'est pas l'Escaut primitif, ce qui donne déjà à entendre qu'il serait très dangereux de supprimer le véritable Escaut pour donner une direction unique au fleuve.

Je pense que je n'apprends rien à la Chambre en rappelant ce mot célèbre de Jules César : Flumen Scaldis quo influit in Mosam.

Des commentateurs superficiels, pédants et outrecuidants ont cru pouvoir traiter d’ignorant César, qui avait inspecté les lieux, et qui écrivait si consciencieusement quoique trop laconiquement ; ils ont osé affirmer qu'il se trompait, que l'Escaut ne débouchât pas dans la Meuse. Cependant il a été bien démontré depuis, que l'Escaut occidental ne s'est formé qu'à la suite d'une grande révolution maritime qui n'a eu lieu que longtemps après César. J'ai vu une carte plus ou moins authentique du VIIIème siècle sur laquelle ne figure pas l'Escaut occidental, le seul auquel nous soyons menacés de nous trouver bientôt réduits.

Cette observation suffit déjà, ce me semble, pour montrer toute la portée du travail artificiel qui s'opère dans le bas Escaut. Il est fort à craindre que l’Escaut ne s’ensable au bout de quelques années, si les deux parties orientales sont formées ou obstruées.

La seconde observation que j'ai à présenter offre une certaine gravité financière. Nous avons racheté le péage de l'Escaut. Je suis de ceux qui pensent que nous avons bien fait ; mais j'en conclus qu'il serait inique de la part du gouvernement hollandais de rétablir indirectement ce péage de l'Escaut, sur la voie canalisée de l'Escaut oriental vers le Moerdyk, sous prétexte de construction, d'entretien du canal, etc.

Si je suis bien informé, l'intention du cabinet de La Haye serait de percevoir certains droits de navigation.... (Interruption.)

J'entends avec plaisir se récrier M. le ministre des affaires étrangères ; il m'a été dit d'assez bonne part que telle était l'intention du gouvernement néerlandais ; on voulait même m’arracher une sorte d'adhésion à cette prétention financière, en me faisant observer qu'il fallait bien après tout que les navigateurs entretinssent la voie navigable dont ils étaient appelés à se servir. (Interruption.)

Vous dites que la prétention est absurde, c'est précisément ce que je tiens à démontrer ; mais je crois qu'elle a été sérieusement émise, qu'elle n'est pas le fruit de l'imagination d'un journaliste hollandais.

En présence des bonnes dispositions du gouvernement, et de l'assentiment unanime, je pense, que le discours de mon honorable ami M. Jacobs a reçu sur nos bancs, je puis m'abstenir d'en dire davantage.

M. de Theuxµ. - Messieurs, j'ai entendu tout à l'heure l'honorable M. Jacobs dire que le gouvernement hollandais se refusait à laisser passer par le duché du Limbourg le chemin de fer direct d'Anvers vers Gladbach, sous prétexte que dans le traité de 1839 il ne serait question que d'une route.

Messieurs, cette prétention n'est pas admissible. Il est bien certain que dans le traité de 1839, comme dans toute la négociation qui l'a précédé, on a eu principalement en vue un chemin de fer et non pas une route ordinaire.

La seule question qu'on ait soulevée ensuite est celle de savoir si l'on pouvait construire pour le passage du chemin de fer un pont sur la Meuse dans les cantons de Sittard. Le chemin de fer est le principal ; mais lorsque le principal existe dans un traité, l'accessoire doit suivre nécessairement le principal ; or, il est d'usage que, partout où un chemin de fer aboutit à un fleuve, un pont doit être établi sur ce fleuve pour le passage du chemin de fer.

C'est une question de bonne foi. La Belgique a donc le droit d'établir un pont sur la Meuse pour le passage du chemin de fer ; mais je crois que ce droit est limité au canton de Sittard. Toutefois, je pense que le gouvernement hollandais ferait chose très utile, dans son intérêt comme dans celui de la Belgique, de laisser le chemin de fer aboutir à ... où se trouve un pont sur la Meuse ; et par là on pourrait éviter l'établissement d'un pont dans le canton de Sittard.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, la question dont l'honorable député d'Anvers a entretenu la Chambre n'a pas cessé d'occuper l'attention du gouvernement. Sous ce rapport les recommandations qui lui sont faites sont sans objet.

En ce qui concerne l'état du fleuve en lui-même, bien que dans d'autres circonstances on eût cherché, je ne sais dans quel intérêt, à faire naitre les inquiétudes du commerce sur la situation du fleuve, je puis donner l'assurance, d'après les travaux de sondage qui ont été effectués par le département des travaux publics et par la direction de la marine de mon département ; je puis donner l'assurance, dis-je, que la situation du fleuve ne doit donner lieu à aucune de ces inquiétudes qu'on a cherché à faire naître.

Les travaux projetés en Hollande consistant dans le barrage de deux passes entre l'Escaut occidental et l'Escaut oriental ; à savoir le canal de Berg-op-Zoom et le Sloe.

Dès que ce projet fut mis au jour, le gouvernement belge appela l'attention sérieuse du gouvernement néerlandais sur les conséquences que pourraient avoir ces travaux et sur la navigation et sur le cours de la branche occidentale.

La Hollande est tenue par les traités de fournir au commerce qui se fait avec la Belgique, l'équivalent de toutes les voies navigables dans le cas où, par des travaux d'art ou par d'autres causes, les voies actuelles deviendront impraticables.

C'est dans ce but que la Hollande a commencé la construction d'un canal à grande section qui traverse l'île de Zuid-Beveland.

Quant à l'intention que l'honorable député de Turnhout prête à la Hollande, d'établir des droits sur ce canal, je ne puis admettre cette hypothèse. Nous avons droit à un libre passage libre entre l'Escaut occidental et l'Escaut oriental et d'après les traités existants, il ne peut entrer dans les intentions du gouvernement néerlandais de faire payer des droits sur ce canal.

M. Coomans. - C'est un fonctionnaire hollandais qui me l'a dit.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - J'ignore si une telle intention a été exprimée ; mais elle n'est pas réalisable.

M. Coomans. - Nous sommes d'accord.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je me félicite de cet heureux accident.

M. Bouvierµ. - C'est comme hier. (Interruption.)

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - D'après les nouvelles les plus récentes que j'ai reçues, le barrage du Sloe reste jusqu'ici'à l'état de projet.

Ce n'est ni le lieu ni le moment d'entrer dans des explications complètes sur cette affaire ; je driai seulement que quant à moi, je suis sans inquiétude sur le résultat final.

A l'heure qu'il est, une commission s'occupe encore de cette question qui a été examiné déjà par deux commissions précédentes.

Il est à remarquer qu'il y a d'autres pays que la Belgique intéressés à la navigation de l'Escaut, que précisément parce que toutes les nations commerçantes ont concouru au rachat du péage de l'Escaut, toutes les nations donneraient le cas échéant la main à la Belgique pour obtenir le maintien d'une navigation libre et dégagée de toute entrave.

(page 176) Si nous ne tombions pas d'accord avec la Hollande, ce serait le cas de transformer la question en question internationale ; et, je le répète, la solution finale n'est point faite pour nous inquiéter ; le commerce d'Anvers et le pays tout entier peuvent être assurés de la sollicitude toute particulière que le gouvernement porte à cette affaire.

- L'article et mis aux voix et adopté.

Projets de loi allouant des crédits spéciaux et supplémentaires au budget du département des travaux publics

Dépôt

MfFOµ. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre :

1° Un projet de loi qui alloue aux départements des travaux publics un crédit spécial de 300,000 fr. pour extension des lignes et des appareils télégraphiques.

2° Un projet de loi qui ouvre, au mène département, des crédits spéciaux et complémentaires à concurrence de 2 millions de francs, pour l'extension du matériel de transport par chemin dé fer et renouvellement extraordinaire de matériel.

MpVµ. - Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ces projets de loi qui seront imprimés, distribués et envoyés à l'examen des sections.

- La séance est levée à 5 heures.