(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)
(page 111) M. Van Humbeeck procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
M. Thienpont donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. Van Humbeeck présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Sterpenich demande que le traitement des secrétaires des parquets des tribunaux de première instance soit élevé au taux de celui des commis greffiers près des mêmes tribunaux. »
« Même demande du sieur Gheude. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de la justice.
« Des marchands de chiffons dans la Flandre occidentale demandent la libre sortie des chiffons de toile et de coton. »
- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.
« La veuve Dupont demande un secours en récompense de la fondation faite par Florkin, l'un de ses parents. »
- Même renvoi.
« Le sieur Remy demande une augmentation de salaire pour les ouvriers du chemin de fer. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
« Des ouvriers à Bruxelles demandent une loi qui abroge toute répression de la coalition comme telle et qui punisse simplement la menace et la violence. »
- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
« Le sieur Wolfers prie la Chambre de statuer sur les pétitions des orfèvres bijoutiers relatives au travail d'or et d'argent. »
« Des ciseleurs et orfèvres à Bruxelles demandent la liberté complète du travail d'or et d'argent ou au moins qu'il soit permis aux orfèvres bijoutiers de travailler à tous les titres lorsqu'il s'agit d'exportation. »
M. Lelièvre. - Cette pétition a un caractère d'urgence ; j'en demande le renvoi à la commission d'industrie, avec prière de faire un prompt rapport.
- Adopté.
« Des membres de sociétés flamandes demandent une loi qui donne les mêmes droits aux deux langues usitées en Belgique. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« La cour des comptas transmet, conformément à l'article 116 de la Constitution, son cahier d'observations relatif au compte définitif de l'exercice 1861 et à la situation provisoire de l'exercice 1862. »
- Distribution aux membres de la Chambre.
Il est procédé au tirage des sections du mois de décembre.
MpVµ. - Les sections ont autorisé la lecture de la proposition suivante :
« Modifications a la loi dit 16 juin 1836 sur l'état et la position des officiers.
« Projet de loi.
« Les articles 6, 7, 8, 9 et 10 de la loi du 16 juin 1856 sur l’état et la position des officiers, sont remplacés par les suivants :
« Art. 6. La non-activité est la position de l'officier hors cadre et sans emploi.
« Les officiers peuvent être mis en non-activité :
« 1° Par suppression d'emploi ;
« 2° Par réduction de l'effectif ou le licenciement du corps dont ils font partie ;
« 3° Par motif de santé bien et dûment constaté ;
« 4° Par mesure d'ordre, à titre de punition.
« Le traitement de non-activité est fixé comme suit :
« a. Pour les officiers des trois premières catégories, à la moitié du traitement d'activité pour les officiers généraux et aux trois cinquièmes de leur traitement d'activité, pour tous les officiers, depuis le grade de colonel jusqu'à celui de sous-lieutenant inclus.
« b. Pour les officiers de la quatrième catégorie, aux deux cinquièmes du traitement d'activité pour les officiers généraux et à la moitié du traitement d'activité des officiers d'infanterie pour tous les officiers depuis le grade de colonel jusqu'à celui de sous-lieutenant inclus, quelle que soit l'arme à laquelle ils appartiennent.
« Art. 7. La réforme est la position de l'officier privé de son emploi, à titre de punition, pour des faits de nature à faire encourir une peine plus sévère que celle de la mise en non-activité par mesure d'ordre.
« Le traitement de réforme des officiers de tout grade et de tout emploi est fixé aux deux tiers de celui de la non-activité par mesure d'ordre.
« Art. 8. La mise au traitement de non activité, pour l'une des trois premières causes énumérées au paragraphe 2 de l'article 6, est prononcée par arrêté royal motivé, sur le rapport du ministre de la guerre.
« Art. 9. La mise en non-activité par mesure d'ordre et la mise à la réforme sont prononcées par un conseil d'enquête fonctionnant à l'instar des conseils de guerre.
« Art. 10. La mise en non-activité par mesure d'ordre ou à la réforme sera prononcée pour un temps déterminé qui ne pourra excéder une année.
« Après l'expiration du terme assigné à sa punition, l'officier sera réintégré dans son emploi. Toutefois s'il n'y avait pas de vacance dans son arme et dans son grade, il serait placé provisoirement en non-activité pour manque d'emploi jusqu'à la première vacance.
« Le rang d'ancienneté sera réglé d'après les règlements en vigueur.
« Ces dispositions sont applicables aux officiers qui se trouvent actuellement en non-activité ou à la réforme.
« Art. 11. L'officier qui, à l'expiration de sa punition, ne sera pas jugé digne d'être replacé dans la position d'activité, sera de nouveau appelé devant le conseil d'enquête, qui décidera s'il y a lieu de prolonger la punition, d'en prononcer une plus sévère ou de mettre en non-activité par mesure d'ordre l'officier placé à la réforme.
« Art. 12. L'officier qui, après avoir passé trois ans consécutifs dans la position de réforme, ne serait pas jugé digne d'être placé à la non-activité par mesure d'ordre, sera condamné à la perte de son grade.
« Art. 13. Les officiers en disponibilité, en non-activité ou à la réforme restent soumis à la juridiction militaire et aux ordres du ministre de la guerre qui peut assigner une résidence aux officiers mis en non-activité par mesure d'ordre ou mis à la réforme.
« Les officiers des trois autres catégories de non-activité pourront choisir leur résidence dans le pays et en changer, en faisant connaître leurs intentions au ministre de la guerre, pour information.
« Art. 14. Les officiers montés mis en non activité par mesure d'ordre ou à la réforme continueront à recevoir les rations de fourrages jusqu'à la vente de leurs chevaux ; toutefois cette faveur ne s'étendra pas au-delà du terme de deux mois.
“(Signé) E. Hayez, Van Overloop, J. Delaet, Vander Donckt, d'Hane-Steenhuyse, Debaets.
Quant l'auteur de la proposition désire-t-il la développer ?
M. Hayezµ. - Je suis aux ordres de la Chambre.
Plusieurs membres : Après la discussion des budgets.
— La Chambre fixe les développements de la proposition après la discussion des budgets.
M. Hymans. - Je crois être l'organe d'un très grand nombre de membres de la Chambre en demandant que l'on veuille bien hâter l'impression des projets nouveaux déposés sur le bureau par le gouvernement il y a environ quinze jours. Plusieurs de ces projets de loi sont importants et ont besoin d'être examinés sérieusement avant la discussion en sections.
On nous envoie des projet de loi, comme par exemple celui qui concerne les modifications à la loi communale, la veille du jour où ils doivent être examinés en sections. Nous n'avons pas le temps de les lire et, par conséquent, de les examiner comme ils devraient l'être.
Je crois que la demande que j'ai l'honneur de faire est conforme aux désirs d'un très grand nombre de mes collègues. (Oui ! oui !) et je crois que l'on pourrait très facilement publier certains de ces projets...
- Un membre. - Tous !
M. Hymans. - ... dans les 48 heures. Il y a assez d'imprimeries à Bruxelles pour qu'on puisse obtenir plus vite ces impressions.
(page 112) M. J. Jouret. - J'ajouterai à ce que vient de dire l'honorable M. Hymans que les annexes mêmes du budget de la justice que nous discutons en ce moment ne sont pas distribuées à l'heure qu'il est.
Je me proposais de faire quelques observations relativement à l'abolition de la peine de mort.
La partie des annexes du rapport qui a été distribuée ne contient que quellques renseignements statistiques généraux qui étaient déjà depuis longtemps en notre possession. La partie des renseignements que j'ai demandés l'année dernière dans les observations que j'ai eu l'honneur de faire à la Chambre n'a pas été jusqu'ici imprimée. Précisément, la partie de l'annexe qui a été distribuée s'arrête là.
Je suis donc dans la plus complète impossibilité de présenter ces observations parce que je désire d'abord examiner les résultats de la statistique que j'ai demandée.
J'ai pris la parole pour dire à la Chambre que je me réserve de présenter mes observations à la première occasion favorable ou de faire naître cette occasion par une motion d'ordre.
« Art. 1er. Traitement du Ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitements des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 249,100. »
- Adopté.
« Art. 3. Matériel : fr. 30,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Frais de rédaction et de publication de recueils statistique : fr. 6,050. »
- Adopté.
« Art. 5. Frais de route et de séjour : fr. 7,500. »
- Adopté.
« Art. 6. Cour de cassation. Personnel : fr. 267,400. »
- Adopté.
« Art. 7. Cour de cassation. Matériel : fr. 5,250. »
- Adopté.
« Art. 8. Cours d'appel. Personnel : fr. 757,050. »
M. Bouvierµ. - Messieurs, je viens appeler l'attention bienveillante de M. le ministre de la justice sur la position des secrétaires de parquet. Déjà à différentes reprises, dans les sessions précédentes, d'honorables membres et notamment MM. Van Overloop et Debaets ont parlé en faveur de ces utiles fonctionnaires.
Inutile, messieurs, de revenir aujourd'hui sur les arguments qui ont été produits à cette époque ; ces arguments sont restés entiers.
Malheureusement le gouvernement n'a pas encore fait droit à la juste demande faite par les secrétaires de parquet. Je demanderai à M. le ministre de la justice de vouloir bien majorer au prochain budget le chiffre de l'allocation qui se trouve indiquée à l'article 8 que nous discutons, afin que le traitement des secrétaires de parquet soit porté au même chiffre que celui des commis greffiers.
(page 119) M. Guillery. - Je désirerais répondre quelques mots à ce qui a été dit dans la séance d'hier par l'honorable ministre de la justice relativement au personnel de la cour d'appel de Bruxelles et du tribunal de première instance.
La question qui a été soulevée par d'honorables collègues est de la plus haute importance. Il s'agit des intérêts les plus considérables, non pas des magistrats, mais des justiciables ; non pas seulement de l'arrondissement de Bruxelles ou du ressort de la cour d'appel de Bruxelles, mais du pays entier.
Il ne faut pas qu'on voie dans une question semblable un intérêt de localité : la ville de Bruxelles et l'arrondissement de Bruxelles n'ont aucune espèce d'intérêt spécial dans cette question. Ainsi, qu'il y ait quatre chambres ou qu'il n'y en ait que trois, cela intéresse très peu une population de 500,000 âmes, mais ce qui intéresse le pays tout entier c'est que la justice soit rendue à Bruxelles comme elle l'est partout ailleurs.
Or, messieurs, la proportion qui doit exister entre le nombre de magistrats et le nombre d'affaires à juger, cette proportion n'existe pas ; c'est-esà-dire que si vous comparer le personnel de la cour d'appel de Bruxelles au personnel des autres cours d’appel, que si vous comparez le tribunal de première instance de Bruxelles aux autres tribunaux, vous verrez qu’il est impossible au tribunal de Bruxelles et à la cour d’appel de Bruxelles d’expédier les affaires qui leur sont soumises.
Vous pouvez faire une règle de proportion ; supposez que le tribunal siège quatre fois, au lieu de trois fois par semaine, et que les magistrats conservent la même activité, et vous verrez qu'il ne leur serait pas possible de vider l'arriéré.
Si l'on pensait autrement, je dirais qu'il faudrait alors diminuer le personnel dans d'autres arrondissements ; qu'il y a eu excès lorsqu'on a augmenté le nombre des chambres ou celui des magistrats dans d'autres ressorts ; qu'il y a eu excès lorsqu'on a augmenté à Bruxelles le nombre des chambres en appel et en première instance, qu'à l'époque où l'on a pris cette mesure, on se trompait ; car il faut comparer le nombre d'affaires qui existaient à cette époque, au nombre d'affaires qui existent aujourd'hui.
Messieurs, beaucoup de personnes ne se font qu'une idée très imparfaite de ce que doit faire, par exemple, le tribunal de première instance de Bruxelles, je pose en fait qu'il y a peu de tribunaux en France et en Belgique qui puissent en donner la moindre idée. Le nombre d'affaires est vraiment considérable ; parmi ces affaires, il en est une foule que souvent vous ne voyez pas figurer dans les statistiques ; telles sont les vacations pour les expertises, pour les enquêtes, etc. ; en une seule audience, on a introduit 40 affaires de ce genre devant le tribunal de Bruxelles, tout cela nécessite la nomination de juges-commissaires, des visites de lieux. Ces devoirs sont tels, que le juge qui siège à Bruxelles trois fois par semaine siège beaucoup, alors surtout qu'il siège quatre heures. Sa semaine est souvent complètement occupée.
J'ai entendu citer d'autre3 tribunaux, où, paraît-il, on siège quatre fois par semaine ; mais dans ces tribunaux ou siège trois heures, 2 1/2 heures et quelquefois 2 heures, si l'on prend la réalité des faits. Et combien d'audiences blanches ! Or, à la première chambre du tribunal de première instance de Bruxelles, il n'y a pas eu une seule audience blanche pendant une année ; mais ce qui arrive souvent, c'est que, pour expédier les affaires, on siège une heure de plus. Dans la seconde chambre, il est arrivé cinq fois que par suite de maladies ou d'autres circonstances exceptionnelles, on n'a siégé que jusqu'à midi. Vous voyez quelle diligence on doit y mettre pour ne pas satisfaire encore aux besoins du service !
Je fais un appel à tous les hommes compétents, à tous ceux qui connaissent véritablement ce qui se passe devant le tribunal de première instance de Bruxelles, et s'il est un seul d'entre eux, s'il est un seul des avocats exerçant devant le tribunal et la cour d'appel de Bruxelles qui dise qu'il est possible d'obtenir justice devant le tribunal de Bruxelles, je passe condamnation. Il y a un nombre tellement considérable d'affaires pour expropriation, et d'actions en divorce, qui doivent passer avant toutes les autres, que beaucoup d'autres affaires véritablement urgentes, où des intérêts de famille sont lésés, où c’est perdre véritablement son procès que de voir retarder le jugement, que toutes ces affaires, dis-je, restent en souffrance. Il y a des débiteurs qui en font un système. « Ah ! disent-ils, vous voulez m'assigner ; qu'est-ce que cela me fait ? je ne vous payerai pas ; m'assigner, c'est m'accorder un délai d'une année. »
N'est-il pas déplorable que dans un procès en calomnie par exemple, on ne puisse pas obtenir son jour d'audience ?
Ne pas pouvoir plaider immédiatement un procès en calomnie, c'est la condamnation du demandeur. Quand enfin le jugement arrive, on aura oublié les discussions, et l'on aura cependant conservé une vague impression de la calomnie.
Tous ces intérêts ne sont pas des intérêts de localité, ne sont pas des intérêts de traitement ; ce sont des intérêts qui touchent à tout ce qu'il y a de plus élevé, de plus précieux dans l'ordre social.
C'est donc en acquit d'un devoir et d'un devoir impérieux que je viens adjurer M. le ministre de la justice d'examiner de plus près la question soulevée hier par d'honorables collègues.
Permettez-moi de vous donner quelques chiffres pour vous montrer la situation des affaires.
La cour d'appel de Bruxelles avait, au 15 octobre de cette année, un arriéré de 538 affaires, c'est-à-dire à peu près ce qui se juge en trois années.
Il faudrait trois années, en supposant qu'il n'y eût plus d'affaires nouvelles, pour expédier cet arriéré.
Je sais bien que, quoi que l'on fasse, il y aura toujours un arriéré : il y a des affaires qui demandent une certaine instruction ; il y a des affaires qui éprouvent des retards de l'accord commun des parties, parce qu'il y a des transactions essayées ou qu'on n'est pas prêt. Mais il n'y a pas 538 affaires à propos desquelles on demande à ne pas plaider, et ne pas plaider c'est forcer quelquefois le créancier qui a le droit le plus évident à accepter une mauvaise transaction, parce qu'il faut en finir, parce qu'il y a péril en la demeure.
Il ne suffirait donc pas de faire siéger les trois chambres civiles un jour de plus par semaine pour parvenir à vider cet arriéré ; vous auriez soixante arrêts de plus par an ; voilà le seul résultat que vous obtiendriez. Les trois chambres civiles de la cour d'appel de Bruxelles rendent 227 arrêts par an, et la cour d'appel de Bruxelles, sans vouloir faire aucune comparaison blessante pour toute autre cour, est celle qui siège le plus, parce qu'elle a le plus d'affaires ; c'est celle qui siège le plus longtemps et qui rend le plus d'arrêts de toutes les cours d'appel de la Belgique,
Ainsi il n'y a pas défaut de zèle de la part de magistrats qui rendent 227 arrêts par an.
Comme je viens de le dire, messieurs, pour expédier 538 affaires, il faudrait près de trois ans. Or, savez-vous quel est le nombre des affaires que depuis le 13 octobre de cette année jusqu'aujourd'hui sont venues s'ajouter à cet arriéré. Il est de quatre-vingt-dix-neuf, autant vaut dire cent.
Devant le tribunal de première instance, la situation à laquelle on a porté remède par la création d'une quatrième chambre, cette situation a changé et nous ne devons pas nous en plaindre, car, s'il y a plus d'affaires, c'est parce que la richesse publique s'accroît, parce que le nombre des transactions est beaucoup plus considérable.
Quand il y a quelque calamité publique, il n'y a plus d'affaires ; quand un désastre commercial éclate, allez au tribunal de commerce et vous verrez dans quelle proportion les affaires diminuent. Quand on plaide, c'est parce qu'il y a plus de transactions, c'est parce qu'on entreprend de grands travaux d'utilité publique, c'est parce que la fortune publique prend un nouvel essor.
Eh bien, le nombre des affaires introduites, en moyenne, devant le tribunal de première instance de Bruxelles a été : de 1851 à 1859 de 783 et de 1859 à 1864 de 891. Elle ont donc suivi une marche ascendante très marquée et l'arriéré du 15 octobre de cette année était de 473 affaires.
Pour vous montrer le zèle des magistrats du tribunal de première instance de Bruxelles (et ici je défie qu'on me cite un autre tribunal qui puisse lui être comparé), le nombre des affaires jugées par eux, sans compter les jugements sur requêtes et qui sont très nombreux, ce nombre s'est élevé :
Pour l'année 1863-1861 à 545 et 1861-1862 à 502.
(page 120) Les jugements préparatoires ont été en 1863-1864 au nombre de 414 et en 1861-1862 au nombre de 321.
Vous voyez donc, messieurs, qu'il y a une très grande activité dans ce personnel, qu'il apporte un très grand zèle dans l'expédition des affaires. Si l'on tient compte du temps qu'exigent les délibérés, du nombre et de l'importance des affaires, on voit que les juges qui veulent remplir convenablement leurs fonctions, ajouter à leurs connaissances par de consciencieuses études pour se tenir à la hauteur de la science et conserver à la magistrature la dignité et l'éclat qu'on se plait à lui reconnaître en Belgique, n'ont pas de temps de reste en siégeant trois fois par semaine.
Je ne veux pas faire de comparaison pour établir une prééminence d'un tribunal sur l'autre ; chacun des tribunaux dans notre pays, je suis heureux de pouvoir le dire, remplit également ses devoirs. Si dans un tribunal on travaille plus que dans un autre, c'est qu'il y a plus d'affaires. Mais mon devoir est de répéter ici ce qui se dit au palais, ce que disent les hommes compétents, l'unanimité du barreau, et de réclamer du gouvernement l'augmentation du personnel de la cour et des tribunaux de Bruxelles ; il faut de la justice distributive, un personnel proportionné aux affaires, et ce qu'il faut par-dessus tout, c'est que la justice soit rendue en Belgique.
(page 112) MjTµ. - Je n'ai pas dit que l'augmentation du personnel de la cour de Bruxelles était inutile ; je n'ai pas dit non plus que la demande que l'on a faite à cet égard était une affaire d'intérêt local. (Interruption.)
Ce sont les deux points que l'honorable préopinant a rencontrés.
M. Guillery. - Je n'ai pas prétendu que vous aviez dit cela.
MjTµ. - Une demande ayant pour objet l'augmentation du personnel du tribunal de Bruxelles a été adressée au gouvernement par le conseil provincial du Brabant ; je fais faire une instruction sur cette demande, je ferai examiner non seulement s'il y a lieu d'augmenter le personnel, mais encore s'il n'est pas possible aux corps judiciaires de tenir un plus grand nombre d'audiences. Je crois qu'il est possible d'augmenter le nombre des audiences du tribunal et de la cour d'appel.
Je dis qu'en siégeant quatre fois par semaine, il restera à la cour assez de temps pour faire des recherches, délibérer et se tenir à la hauteur de la science. Je sais ce que c'est que de travailler et je crois que la cour ne sera pas surchargée en siégeant quatre fois par semaine.
Lorsque des plaidoiries dans la même affaire prennent 6, 10, 15 audiences, les cours d'appel pourraient siéger plus souvent puisque, dans ces circonstances, il n'y a pas de délibérés.
II est généralement reconnu que les plaidoiries sont trop longues : pendant ces plaidoiries, il n'y a pas de délibérés. Je trouve que l'on pourrait tenir quatre et même cinq audiences par semaine lorsqu'il s'agit d'une seule affaire : les juges, les conseillers l'auraient bien plus présente que si elle est renvoyée à la semaine suivante après trois jours de plaidoirie et continuée ainsi pendant trois ou quatre semaines.
Au surplus, lorsque l'instruction sera terminée, une décision pourra être prise en connaissance de cause.
Je trouve que l'on demande avec beaucoup trop de facilité des augmentations du personnel ; les tribunaux devraient faire quelques efforts pour suffire eux-mêmes à l'expédition des affaires. L'honorable M. Guillery nous a dit qu'il n'y avait personne qui ne fût d'avis que l'augmentation du personnel était indispensable à Bruxelles. Je ne suis pas d'accord sur ce point avec l'honorable membre, et je sais que des magistrats mêmes estiment qu'il serait très possible de siéger plus souvent, et trouvent qu'il y a, à Bruxelles, certaines pratiques qui, loin de contribuer à l'expédition des affaires, ne font que la retarder.
Je ne veux pas entrer dans les détails, ce n'est pas ici le lieu, mais il est des faits sur lesquels il convient d'attirer l'attention des chefs des corps judiciaires afin d'éviter, s'il est possible, une nouvelle dépense à l'Etat.
Je n'ai pas de parti pris, d'opinion formée. Je ne puis dire dès aujourd'hui s'il y a lieu ou s'il n'y a pas lieu d'augmenter le personnel, je dis seulement qu'il faut que l'instruction soit complète et lorsqu'elle sera terminée, une proposition pourra, le cas échéant, être soumise à la Chambre, qui appréciera.
(page 120) M. Guillery. - Messieurs, je ne sais pas où M. le ministre de la justice a vu que je l'avais accusé d'avoir dit ce qu'il n'avait pas dit. J'ai commencé par déclarer que je ne défendais pas les intérêts d'une localité ; il m'était permis, je pense, d'étendre le cercle de la discussion et de ne pas prendre le discours de M. le ministre de la justice comme limite extrême de ce que j'avais à examiner et à discuter.
J'avais prévu les objections sérieuses qui m'ont été faites ; c’est l'augmentation du travail des magistrats. Je ne crois pas, quant à moi, que le tribunal de première instance de Bruxelles siégeant 4 heures par jour puisse siéger 4 jours par semaine. Mais peu importe la question que nous examinons en ce moment, si en siégeant 4 jours par semaine ils ne peuvent vider l'arriéré ni rendre la justice convenablement.
Je suppose un instant que le système de M. le ministre de la justice puisse s'appliquer.
Je lui donne complètement raison, mais je dis que l'arriéré ne sera pas vidé. Je dis que la cour d'appel de Bruxelles, qui a un arriéré de 538 affaires, ne videra pas cet arriéré en siégeant un jour de plus par semaine. Par conséquent en admettant votre système il faut encore augmenter le personnel. On n'a pas répondu à cela. On s'est borné à discuter si un magistrat peut travailler plus qu'il ne travaille, mais on n'a pas répondu à l'argument qui était en dehors de cette question.
Il ne faut pas se presser, dit-on, d'augmenter le personnel. Mais pourquoi avez-vous augmenté le personnel de la cour d'appel de Gand ? J'ai combattu cette augmentation, qui a été défendue avec la plus grande énergie par M. le ministre de la justice. J'ai démontré que la cour d'appel de Gand avait rendu 40 arrêts civils en 1858-59, et par conséquent que le personnel me paraissait suffisant pour le service exigé des magistrats.
Et lorsqu'une cour rend 227 arrêts en une année, on trouve que les magistrats sont indifférents, qu'ils pourraient siéger davantage, et l'on imagine, pour les besoins de la cause, des affaires de quinze audiences qui n'existent que dans l'imagination de M. le ministre de la justice. On croirait qu'il y a souvent des affaires de quinze audiences devant le tribunal et devant la cour d'appel de Bruxelles. Ce sont là des affaires extraordinaires, et si elles tiennent quinze audiences, c'est qu'elles sont tellement importantes et tellement compliquées, qu'elles demandent quinze jours pour leur développement.
Je le répète, cela se présente dans des circonstances tout à fait extraordinaires. Mais ce qui arrive ordinairement, ce sont plusieurs affaires par audience, surtout en première instance. Comment voulez-vous que le tribunal de première instance, qui n'a que deux chambres civiles, la quatrième s'occupant d'affaires correctionnelles et pouvant rarement s'occuper d'affaires civiles, rende 545 jugements définitifs et 414 jugements préparatoires, ce qui fait à peu près mille jugements par an, si l'on plaidait des affaires de quinze audiences ? Combien donc devrait-on avoir d'audiences par an, combien devrait-on en avoir par semaine ?
On examine, dit-on, la question. J'ai déjà eu l'honneur, l'année dernière, lors de la discussion du budget de la justice, d'appeler l'attention du gouvernement sur ce point.
J'ai donné des chiffres. Les renseignements ne manquent pas au gouvernement ; ils doivent être connus. Combien y a-t-il d'affaires arriérées ? Combien introduit-on d'affaires par année ? Combien en juge-t-on en un an ? Que se passe-t-il devant les autres tribunaux ? Combien siègent-ils de temps ? Combien ont-ils d'affaires arriérées ? Combien rendent-ils de jugements par an ?
Si, véritablement, il est impossible au magistrat, même avec la réforme que suppose M. le ministre de la justice, de satisfaire à ce qu'exige le service du tribunal, il est évident qu'il faut augmenter le personnel. On n'a pas répondu à cet argument et l'on n'y répondra pas, parce qu'il n'y a rien à y répondre.
L'instruction est faite et tout aussi bien faite qu'elle l'était pour le personnel de la cour de Gand que l'on a augmenté. L'instruction est faite pour le tribunal de première instance et pour la cour d'appel de Bruxelles. Il suffit de connaître le nombre des affaires jugées et le nombre des affaires arriérées.
Du reste, messieurs, ces audiences à quatre par semaine ne sont pas aussi faciles que paraît le croire M. le ministre de la justice. Le local des tribunaux s'y oppose. La deuxième et la troisième chambre de la cour d'appel de Bruxelles doivent siéger dans la même salle. La première et la seconde chambre du tribunal de première instance doivent également siéger dans la même salle. Il leur sera donc impossible, avec toute la bonne volonté du monde, de siéger une quatrième fois, et si quelqu'un est coupable, c'est l'administration.
J'ajouterai que pour les chambres qui ont des locaux suffisants, il arrive souvent que des audiences extraordinaires sont accordées pour des affaires importantes, non pour des affaires de quinze audiences, mais pour des affaires de quatre ou cinq jours ; il arrive souvent qu'à la fin de la semaine, le président dit : Nous donnons une ou deux audiences extraordinaires pour en finir de cette affaire ; ce qui prouva le zèle des magistrats et ce qui prouve qu'ils ont les mêmes idées que M. le ministre de la justice et s'y sont conformés d'avance.
En résumé, que les tribunaux siègent trois ou quatre fois, qu'on leur impose ou non un service autre que celui qu'ils font depuis un grand nombre d'années, le personnel du tribunal de première instance et de la cour d'appel de Bruxelles est insuffisant, et nous demandons un acte de pure justice, quand nous demandons qu'on porte remède à ce mal ; et si on nous refuse, c'est un véritable déni de justice.
(page 112) M. Dolezµ. - Messieurs, j'ai pleine confiance dans la déclaration qui a été faite par M. le ministre de la justice qu'il va se livrer à une instruction sur la question qui s'agite en ce moment devant la Chambre. J'ai, pour moi, la conviction intime que cette instruction lui démontrera à toute évidence que les réclamations dont on vient de vous entretenir sont parfaitement fondées.
Il ne faut pas chercher le mal là où il n'est pas. Il ne faut pas croire que notre magistrature ne travaille pas assez. Il ne faut pas croire non plus que si la justice est parfois lente, c'est que les avocats plaident trop longuement.
Le mal n'est pas là, soyez-en convaincus. Je veux bien admettre, et l'aveu ne coûte pas à un vieil avocat, que quelquefois nos plaidoiries sont un peu longues. Mais les longues plaidoiries sont l'exception ; d'ordinaire en première instance les plaidoiries sont rapides et sommaires, et devant la cour elle-même les répliques seules prennent parfois un trop grand développement. En abrégeant les répliques, on pourrait peut-être gagner un certain nombre d'audiences par année ; mais ce n'est pas avec de pareils expédients qu'on apportera efficacement remède au mal.
Quant au travail et au zèle des magistrats du tribunal et de la cour d'appel de Bruxelles, je voudrais que chacun de vous pût en être témoin, et vous seriez convaincus, comme moi, qu'il est impossible de déployer plus de zèle, plus de dévouement, plus d'activité que ne le font les corps judiciaires .En ce qui concerne le tribunal, je puis en donner immédiatement une preuve qui ne comporte pas de discussion. Il y a au tribunal de Bruxelles comme partout des juges suppléants. Partout les suppléants ne font qu'un service exceptionnel. Eh bien, au tribunal de Bruxelles, plusieurs d'entre eux siègent en permanence, tant les travaux auxquels doit suffire ce tribunal sont multiples, sont divers, sont en disproportion manifeste avec le nombre des magistrats.
La statistique, M. le ministre de la justice la consultera, établira la vérité de ce que j'ai l'honneur de dire en ce moment.
Messieurs, demander à des magistrats de siéger plus de trois jours chaque semaine, pendant de longues audiences, cela parait très simple à celui qui ne voit que le travail de l'audience.
Sans contredit je serais disposé à dire avec M. le ministre de la justice qu'un magistrat ne siégeant que trois jours par semaine et pendant quatre heures par audience, pourrait faire davantage. Mais il faut tenir compte des autres travaux du magistrat, de ces travaux que le public ne voit pas et qui constitutions peut-être la part la plus sérieuse de sa haute (page 113) mission, et ces travaux ne sont nulle part aussi multipliés comme ils ne sont nulle part remplis avec plus de zèle qu'au tribunal de Bruxelles.
Je ne veux pas revenir sur la nomenclature qui a été faite tout à l'heure de ces différents travaux ; mais j'atteste à la Chambre que le personnel du tribunal de Bruxelles travaille en permanence tantôt pour les audiences, tantôt en dehors des audiences.
Eh bien, si vous demandez à ces magistrats de siéger quatre jours au lieu de trois, quel en sera le résultat ? C'est qu'on laissera en souffrance ou qu'on accomplira avec moins d'attention ces autres travaux que le public ne voit pas, n'apprécie pas et qui cependant ne sont pas moins nécessaires à la bonne administration de la justice.
Tout à l'heure je vous disais que le mal n'était pas dans la longueur des plaidoiries. Je ne le vois pas non plus dans l'opinion de l'honorable M. de Theux qui crois que la faveur qui s'attache à la réputation de certains avocats peut être une cause d'entraves pour la bonne expédition de la justice, parce qu'on accordait des remises avec trop de facilité à un avocat trop chargé de besogne. Eh bien, rien de tout cela ne se réalise dans la pratique. Si cela était, vous en trouveriez une preuve certaine dans des audiences blanches, soit devant la cour, soit devant le tribunal de Bruxelles. Or, il n'y en a pour ainsi dire jamais.
On vient de vous citer des chiffres pour le tribunal de première instance. Vous en trouverez d'à peu près pareils pour la cour d'appel.
Je dois même dire à l'honneur de la magistrature de la capitale, qu'elle ne connaît pas ces jours de congé que parfois l'on s'octroie dans d'autres ressorts. C'est ainsi qu'à Pâques et pendant la semaine sainte, chaque chambre de la cour de Bruxelles ne s'abstient de siéger que pendant trois jours, et le tribunal de première instance pas même un seul jour. Le lundi de Pâques, ce tribunal est en séance comme les autres jours de l'année. C'est ainsi encore qu'après les vacances, la rentrée se fait rigoureusement à la date légale du 15 octobre.
La magistrature de la capitale déploie donc, sous tous les rapports, un zèle et un dévouement qui lui méritent les éloges et le respect de tous ceux qui en sont les témoins.
J'ai cru, messieurs, que le témoignage de ce que je vois tous les jours, de faits auxquels ma qualité d'avocat me vaut l'honneur de participer, pouvait être de quelque utilité devant la Chambre. C'est pour cela que je tenais à dire les quelques mots que je viens de prononcer.
Je suis convaincu que M. le ministre de la justice, dont je connais la haute estime pour la magistrature, reconnaîtra les faits spéciaux qui lui sont signalés, reconnaîtra qu'il y a lieu de porter remède à l'état de choses qui existe à Bruxelles, en donnant à nos corps judiciaires et surtout au tribunal de première instance un personnel en harmonie avec l'accroissement incessant de ses travaux.
On a d'ailleurs parlé avec une grande exagération d'affaires absorbant un grand nombre d'audiences. Je ne nie pas qu'il y a quelquefois des affaires de cette nature, mais elles constituent de rares exceptions, et c'est à ce titre qu'elles appellent l’attention. A quoi tient-il qu'elles se produisent parfois devant la cour de Bruxelles ? Evidemment, à ce que toutes les grandes affaires viennent se concentrer dans la capitale et non point à un vice de nos pratiques judiciaires. Les magistrats, pas plus que les avocats, ne peuvent empêcher certaines affaires d'être longues, parce qu'elles sont compliquées, hérissées de complications et de difficultés.
Si l'on voulait examiner quelles sont ces affaires, on arriverait à reconnaître qu'à de rares exceptions près et sauf certaines répliques dont j'ai sincèrement parlé tout à l'heure, la longueur des plaidoiries est nécessitée par la nature des affaires.
II y a donc à chercher ailleurs la vraie cause d'un mal auquel il faut porter remède, et je m'en rapporte au bon vouloir de M. le ministre de la justice, à sa haute et incessante sollicitude pour l'administration de la justice ; je le prie seulement de vouloir bien hâter l'instruction à laquelle il a dit tout à l'heure qu'il se livrait ; pour moi, je le dis hautement et sans hésiter, le résultat n'est pas douteux.
M. Dumortier. - Bien que cette question me soit complètement étrangère, j'en dirai un seul mot. Il me semble que puisque à Liège la cour et le tribunal trouvent moyen de siéger quatre jours par semaine, la cour et le tribunal de Bruxelles doivent bien trouver le moyen de siéger quatre jours par semaine. Je crois, pour mon compte, que rien n'est plus facile que d'avoir quatre audiences par semaine ; nous avons siégé si longtemps, nous, six fois par semaine ; nous siégeons maintenant cinq fois et outre cela, nous avons encore les travaux des sections. Je pense que l'opinion émise par M. le ministre de la justice est parfaitement fondée. Ce n'est pas seulement à Liège et dans d'autres villes de la Belgique, que les tribunaux siègent quatre jours par semaine, mais il eu est de même en France et ou ne s'en plaint nullement.
(page 120) M. Guillery. - Je demanderai à l'honorable M. Dumortier quelle conclusion il tire des observations qu'il vient de présenter ? Si l'on siégeait quatre jours par semaine, ne faudrait-il pas augmenter le personnel ? Une quatrième audience suffirait-elle pour évacuer l'arriéré ? Et si cela ne suffit pas, je demanderai à l'honorable M. Dumortier quel intérêt il voit à ce que la justice ne soit pas rendue ? Voit-il un avantage à ce que celui qui a un procès ne puisse pas obtenir justice ? C'est là le seul intérêt que nous avons en vue.
Je crois qu'il faut être un peu plus versé dans les affaires judiciaires que l'honorable M. Dumortier, pour apprécier cette question. Il est vrai que l'honorable M. Dumortier est un homme universel ; mais dans son universalité, qu'il me croie, il y a une lacune. Ainsi l'étude qu'il a faite du tribunal de première instance de Liège est tout à fait incomplète et je l'engage à la recommencer. Il croit que le tribunal de Liège siège quatre jours par semaine, eh bien, il y a à Liège une chambre qui siège quatre jours et les deux autres chambres siègent trois jours ; à Bruxelles il y a une chambre qui siège quatre fois par semaine et quelquefois jusqu'à 3 ou 4 heures de l'après-midi, parce que quand une affaire est commencée on veut la finir et parce que les causes sont tellement nombreuses depuis la loi qui a réduit presque à rien les matières soumises à la cour d'assises, qu'il est impossible, avec quatre audiences par semaine, d'expédier les affaires, et comme les magistrats ont à cœur de ne pas laisser l'administration de la justice en souffrance, ils prolongent les audiences comme je viens de le dire.
Maintenant la première chambre du tribunal de Liège, qui siège quatre fois par semaine tient des audiences de 3 heures (de 10 heures à 1 heure). Or 4 fois 3 font 12 comme 3 fois 4 font 12.
Que M. le ministre de la justice examine mûrement la question et je m'en rapporterai volontiers à son examen, mais toujours est-il qu'un fait est un fait et qu'une quatrième audience ne suffit pas pour assurer l'administration régulière de la justice.
(page 113) M. Dumortier. - Je demanderai à l'honorable membre si c'est la création d'une chambre en plus qui permettra d'évacuer l'arriéré. On dit qu'il y a 500 causes arriérées, ch bien, alors ce n'est pas une chambre, ce sont deux ou trois chambres qu'il faut créer. Or, je le demande, où s'arrêtera-t-on dans cette voie ?
Il y a quelques années on a augmenté la compétence des justices de paix, croyant que de cette manière les tribunaux de première instance, dégrevés de toutes les matières que l'on transmettait aux justices de paix, pourraient suffire aux affaires qui leur étaient laissées. L'arriéré n'en a pas moins continué à s'accroître.
J'ai connu un tribunal qui avait un arriéré considérable ; il a siégé 4 jours par semaine et il s'est ainsi mis au courant.
On parle de Liège, mais à Liège y a-t-il un arriéré ? A Liège la cour et le tribunal siègent aussi souvent qu'il le faut pour que toutes les affaires soient régulièrement expédiées.
Il ne suffit pas de laisser se former un arriéré pour obtenir une augmentation de personnel. Cela serait par trop commode. Les cours et tribunaux ont des devoirs à remplir comme nous-mêmes. Si 3 audiences ne suffisent pas, ils doivent en tenir 4, et si trois heures ne suffisent pas, ils doivent en prendre 4.
Il ne peut pas dépendre d'eux de créer un arriéré pour venir dire ensuite à la législature : « Nous avons un arriéré ; il nous faut une nouvelle chambre. » La nouvelle chambre est accordée, et deux ou trois ans après, on vient nous dire derechef : « Il y a un arriéré ; il faut créer une nouvelle chambre. » Avec un pareil système, on n'en finirait jamais. Le meilleur moyen est que la justice se presse un peu pour rendre la justice et que les avocats soient un peu plus laconiques.
- Personne ne demandant plus la parole, l'article 8 est adopté.
« Art. 9. Cours d'appel. Matériel : fr. 19,500. »
- Adopté.
« Art. 10. Tribunaux de première instance et de commerce : fr. 1,525,720.
« Charge extraordinaire : fr. 1,000. »
- Adopté.
« Art. 11. Justices de paix et tribunaux de police : fr. 913,500.
« Charge extraordinaire : fr. 3,000. »
- Adopté.
« Art. 12. Cour militaire. Personnel : fr. 20,500.
« Charge extraordinaire : fr. 4,233. »
M. Jacobsµ. - Messieurs, j'avais l'intention de prendre la parole hier, dans la discussion générale ; mais ayant l'occasion de le faire à propos de l'article où nous sommes arrivés, je ne me suis pas opposé à la clôture.
Parmi les nombreuses observations qui ont été soumises à M. le ministre de la justice et qu'il a cherché à rencontrer dans son discours d'hier, il en est une qui lui a échappé. L'honorable M. Lelièvre, se faisant l'écho de la section centrale, a demandé la révision du Code pénal militaire. Je rappelle cet objet à M. le ministre de la justice et je généralise les critiques auxquelles a été eu butte le Code pénal militaire, je les étends à l'ensemble de nos lois militaires.
Elles ont été faites sous l'empire d'institutions qui ne sont plus, il est temps de procéder à leur révision.
J'insiste, en particulier, sur les lois relatives à l'état de siège, celles du 10 septembre 1791 et du 24 décembre 1811, et l'arrêté-loi du11I janvier 1815 qui établissent les rapports entre l'autorité civile et l'autorité militaire en temps de paix, en temps de guerre et en temps de siège. En temps de guerre, elles ordonnent à ces diverses autorités de se concerter ; en temps de siège, l'autorité civile doit abdiquer devant l'autorité militaire.
L'état de siège tel qu'il est réglé par ces lois est incompatible avec la Constitution qui nous régit, et qui ne peut être suspendue ni en tout ni en partie. C'est l'opinion de l'auteur du droit administratif belge, le regretté M. Defooz, c'est aussi la mienne.
L'état de siège est une véritable proclamation de la dictature militaire ; les pouvoirs administratifs et judiciaires sont transférés aux mains de l'autorité militaire.
Or, messieurs, la Constitution nous garantit la juridiction du jury, en matière criminelle, en matière politique et de presse ; en toutes autres matières elle nous assure des juges nommés à vie, inamovibles, indépendants du gouvernement. Dans l'état ele siège, au contraire, les (page 114) tribunaux militaires, dont les membres sont amovibles et dépendants, sont juges de tontes les infractions.
Il en est des autorités administratives, comme des autorités judiciaires ; la Constitution a établi une hiérarchie de pouvoirs : pouvoir central, pouvoir provincial, pouvoir communal. Dans l'état de siège, le pouvoir communal et le pouvoir provincial sont complètement annihilés, il ne reste debout que cette fraction du pouvoir central qui offre le moins de garanties, le pouvoir militaire.
A part cette concentration de toutes les autorités, il y a dans ces lois militaires qui régissent l'état de siège une foule de dispositions spéciales qui n'ont plus rien de commun avec nos mœurs.
J'en citerai quelques-unes : Le commandant de place ne peut traiter avec l'ennemi et capituler qu'après avoir repoussé un assaut sur des brèches praticables ; toutes les bouches inutiles sont expulsées de la place ; on exerce une sorte de razzia, une sorte de presse sur les alentours de la place pour y faire rentrer tous les hommes valides ; on a droit illimité d'imposer des corvées aux citoyens et l'on dispose des habitations comme des habitants.
Je ne demanderai pas à M. le ministre de la justice, qui me fait signe qu'il ne connaît pas toutes les dispositions de ces lois, de s'expliquer sur toutes celles que je cite ; mais je lui demande de vouloir bien se livrer à la révision des lois militaires et notamment de celles qui sont relatives à l'état de siège.
Il s'agit de savoir si l'état de siège, tel qu'il est défini par les lois anciennes, est encore possible en Belgique ?
- Des voix. - Non ! non !
M. Jacobsµ. - Si un autre état de siège y serait possible, si l'on peut y admettre un état de siège fictif, en cas de sédition par exemple ? Enfin si on peut l'admettre pour les villes ouvertes comme pour les places fortes ?
Je sais, messieurs, que quelques-unes de ces questions ont été résolues en fait, en 1831 par la mise en état de siège de Gand et d'Anvers ; mais je crois que ces précédents, posés à une époque de trouble, ne sont pas de nature à engager l'opinion du gouvernement. Je lui demande donc d'en faire abstraction, et de vouloir bien faire réviser toutes nos lois militaires, de manière à les mettre en rapport avec l'esprit de nos institutions.
M. Lelièvre. - Je ne puis que m'associer aux observations que vient de présenter l'honorable M. Jacobs, relativement à la réforme du Code pénal militaire.
II est certain que ce Code, qui a vu le jour sur la fin du siècle dernier, n'est plus en harmonie avec nos institutions libérales.
L'auditeur militaire remplit en même temps les fonctions de procureur du roi, de juge d'instruction et de greffier.
Il assiste aux délibérations du conseil de guerre en l'absence du prévenu.
La procédure est dénuée de toutes les garanties qui assurent la bonne administration de la justice.
On ne saurait laisser subsister plus longtemps semblable régime.
Le Code pénal renferme, du reste, des pénalités exorbitantes.
Personne ne doute de la nécessité de réviser semblable législation.
La révision a été annoncée depuis longtemps par le département de la justice. Je ne saurais assez la recommander.à M. le ministre.
Quant à la question soulevée par l'honorable M. Jacobs relativement à l'état de siège, je pense qu'il est évident que les dispositions du décret de 1811 qui investissent l'autorité militaire de la juridiction vis-à-vis de citoyens non militaires, sont abrogées par la Constitution belge. Semblable question s'est présentée en France sous la restauration, et la cour de cassation a décidé que le décret de 1811 était incompatible avec la charte constitutionnelle. A plus forte raison, doit-il en être de même sous l'empire de la Constitution belge, qui défère au jury et aux tribunaux ordinaires les faits commis par des individus qui n'appartiennent pas à l'armée.
Dans les premières années du régime actuel, semblable question s'est produite à l'occasion de la mise en état de siège de la ville de Gand. Presque tous les barreaux du royaume ont émis l'avis que les lois dont il s'agit n'avaient pas survécu à notre Constitution, à laquelle elles étaient directement opposées. La cour, qui a eu à statuer sur l'affaire à l'occasion de laquelle cette question avait été soulevée, a prononcé en ce sens. Il me semble donc qu'il ne peut y avoir aucun doute sur l'abrogation du décret de 1811, en ce qui concerne la juridiction extraordinaire dont il investit l'autorité militaire vis-à-vis des citoyens étrangers à l'armée.
MjTµ. - Messieurs, nous avons tant de lois à réviser, que je crains réellement de prendre un engagement quelconque.
Nous avons d'abord le Code pénal, qui est soumis en ce moment au Sénat. La Chambre est saisie du Code de commerce et du projet de loi relatif à l'organisation judiciaire. Nous avons encore à réviser le Code d'instruction criminelle ; nous avons à réviser le Code de procédure : cette révision est une des plus urgentes...
M. Coomans. - C'est vrai !
MjTµ. - Maintenant il s'agit d'une matière qui ne m'est guère familière ; je suis assez étranger, par mes études, aux questions de législation militaire ; et à la vérité, ce n'est pas au département de la justice qu'incombera la plus grande part dans cette révision.
Le département de la justice interviendra pour la discussion des principes qui doivent exister dans toute législation ; mais quant à l’établissement et à l'échelle des peines, quant aux faits punissables eux-mêmes, j'avoue que je suis assez incompétent ; et sous ce rapport, je ne pourrai prendre d'autre engagement que de me mettre en relation avec le département de la guerre et de lui prêter mon concours, quand il croira pouvoir procéder à cette révision. Il ne faut pas se le dissimuler, messieurs, il est très difficile en Belgique de réviser des codes.
Nous n'avons pas, comme dans d'autres pays, des institutions spécialement chargées de préparer les lois ; nous n'avons pas de conseil d'Etat. Le ministre, qui doit en quelque sorte étudier lui-même toutes les lois, ne peut pas s'occuper exclusivement de ce travail ; il a les affaires administratives de tous les jours ; il doit être à la disposition des Chambres, et il lui est impossible, n'ayant comme tout le monde que vingt-quatre heures par jour, de procéder à la révision des lois aussi promptement qu'on le voudrait.
Je le répète, messieurs, je ferai part du désir de la Chambre à mon collègue, M. le ministre de la guerre, et je lui promettrai mon concours dans la mesure du possible.
M. Coomans. - L'honorable ministre de la justice vient de nous prouver une chose que nous savions parfaitement, c'est que notre arriéré est énorme. Eh bien, je crois que nous devons prêcher d'exemple et c'est pourquoi j'émets l'avis que nous devrions siéger six fois par semaine.
Messieurs, je considère comme un devoir de faire cette proposition et je déclare que je la fais très sérieusement. (Interruption.)
- Un membre. - Si vous parliez moins, vous et d'autres, nous voterions plus vite.
M. Coomans. - Permettez, monsieur, je trouve qu'il est infiniment plus commode de ne point parler du tout et je crois que c'est là le rôle que joue l'honorable membre qui m'interrompt. (Interruption.)
Ce n'est certainement pas pour mon plaisir que je parle ; ce n'est pas non plus, j'en conviens, pour le plaisir de la Chambre ou d'une partie de la Chambre ; c'est uniquement en acquit de ma conscience.
Messieurs, parmi les projets de loi déposés par le gouvernement et par d'honorables collègues, il y en a plusieurs qui ont, à mes yeux, une très haute importance et qui offrent un haut caractère d'urgence. Je ne veux pas être responsable, de quelque manière que ce soit, des nouveaux retards qui pourront être apportés à l'examen et au vote de ces projets. C'est pourquoi je ferai très sérieusement la proposition à la Chambre de siéger six fois par semaine. (Interruption.)
M. Allard et M. de Moorµ. - Parce que vous habitez Bruxelles !
M. Coomans. - Mais, messieurs, serions-nous tellement dégénérés que nous ne pourrions pas faire ce que nos prédécesseurs out fait pendant 32 ans ? Le chômage du lundi est une nouveauté parlementaire. (Interruption.)
M. Allard. - Ce n'est pas un député de Bruxelles qui devrait faire une observation comme celle-là.
- Un membre. - M. Coomans n'est pas député de Bruxelles.
MpVµ. - Pas d'interruption, messieurs. La parole est à M. Coomans.
M. Coomans. - La Chambre appréciera. J'ai annoncé aujourd'hui cette proposition parce que le moment m'a paru opportun.
Depuis longtemps je me proposais de la soumettre à la Chambre ; maintenant que je l'ai indiquée, la Chambre en fera ce qu'elle voudra. Quant à moi, je me lave les mains de votre arriéré.
M. Bouvierµ. - C'est votre faute : il ne fallait pas déserter votre poste.
MpVµ. - La suppression du lundi a eu lieu par suite d'un changement au règlement, cette décision a été prise dans la forme voulue et je ne crois pas qu'on puisse improviser une résolution sur la proposition de M. Coomans, qui conserve du reste tous ses droits. Pour le moment, nous devons nous renfermer dans la discussion du budget, (page 115) sauf à formuler, dans les formes prescrites par le règlement, telle proposition qu'on jugera convenable.
La parole est à M. Hymans.
M. Hymans. - Si la discussion n'est pas close sur la question relative au personnel du tribunal de première instance de Bruxelles, je demande la permission de dire quelques mots.
MpVµ. - Je croyais que votre intention était de parler sur l'incident. Si c'est sur l'article en discussion, je dois accorder la parole d'abord à M. Jacobs.
M. Jacobsµ. - Je conçois fort bien que M. le ministre de la justice ne puisse pas nous promettre une réforme immédiate de toutes nos lois militaires ; je ne la lui demande pas du jour au lendemain ; mais ce qu'il pourrait faire, et c'est pourquoi je me suis adressé à lui, ce serait de s'occuper, dans cette révision, de sauvegarder les intérêts civils et d'empêcher qu'ils ne soient sacrifiés aux intérêts militaires. C'est à ce titre-là qu'il a le droit et le devoir d'y intervenir.
J'aurais voulu obtenir de M. le ministre une réponse par rapport à l'état de siège ; car je ne pense pas, comme l'honorable M. Lelièvre, que cette question ait été tranchée.
Si l'on a généralement admis que la ville de Gand n'avait pas été mise légalement en état de siège, c'est par suite d'une circonstance toute particulière. Cette ville aurait été mise en état de siège par un décret du général Niellon, auquel le gouvernement n'avait donné qu'une approbation ; la cour militaire s'est prévalue de ce défaut de forme pour refuser d'admettre l'état de siège.
Je crois donc que cette question, sur laquelle mon opinion et celle d'un grand nombre de nos collègues est faite, n'a pas reçu de solution jusqu'à présent et je voudrais que M. le ministre de la justice, sans se prononcer sur des questions d'échelle de pénalités, ce que je ne lui ai pas demandé, intervînt dans l'examen des questions qui se rattachent à l'état de siège pour sauvegarder les intérêts civils.
M. Hymans. - M. le président, j'avais cru tout' à l'heure, en entendant parler de besogne arriérée, qu'il s'agissait de celle des tribunaux, et je voulais dire quelques mots sur ce point ; mais on me dit que la discussion est close.
MpVµ. - Ce n'est pas sur l'arriéré des tribunaux que M. Coomans a parlé, mais sur le nôtre. Cet incident étant clos, je ne puis vous accorder la parole que sur l'article 12.
M. Bouvierµ. - Laissez-le revenir sur l'arriéré. (Oui ! oui !)
MpVµ. - M. Hymans demande-t-il à parler sur l'article 12 ?
M. Hymans. - Je demande à parler sur l'article en discussion ; mes observations peuvent parfaitement trouver ici leur place.
Je veux protéger contre l'opinion émise par un membre de cette Chambre, qu'il est impossible à un juge de siéger pendant plus de trois, ou quatre heures par jour.
Je crois, messieurs, qu'il est dangereux de formuler une pareille théorie en plein parlement et de faire croire au pays qu'un homme sera abruti (on a été jusqu'à prononcer ce mot) parce qu'il aura siégé quatre fois par semaine pendant trois à quatre heures. Il me paraît impossible qu'une pareille théorie soit produite sans protestation à la face du pays.
M. Bara. - Je demande la parole.
M. Hymans. - Et à ce propos, le discours de l'honorable M. Dolez m'a suggéré une réflexion dont je demande la permission de faire part à la Chambre.
L'honorable M. Dolez est, à coup sûr, un des avocats les plus distingués et les plus occupés du barreau de la capitale, eh bien, l'honorable M. Dolez trouve moyen de plaider pendant plusieurs heures, plusieurs fois par semaine et de venir après cela, à la Chambre, parler avec éloquence, intéresser ses auditeurs ; et, de retour chez lui, il consacre encore ses soirées à préparer ses plaidoiries du lendemain.
Je ne sais pas pourquoi un magistrat ne pourrait pas faire, dans des proportions infiniment moindres, le travail qu'accomplit notre collègue, et qu'il accomplit si bien.
Je citerai un autre fait : Il n'y a pas bien longtemps, le bureau de la Chambre se trouvait composé des trois avocats les plus occupés du barreau de Bruxelles, et ces avocats, après avoir étudié et plaidé leurs affaires, trouvaient encore le temps de présider 1a Chambre et les sections centrales, de prononcer des discours fort applaudis, et de se livrer à d'autres travaux intéressants.
Dès lors, messieurs, est-ce sérieusement qu'on peut venir prétendre qu'un magistrat ne peut pas siéger pendant quatre heures, quatre fois par semaine ?
Encore une fois, c'est là une théorie que nous ne pouvons pas admettre.
On a dit qu'il y a quelques années que nous avons augmenté le personnel da la cour d'appel de Gand. J'ai, quant à moi, voté contre cette mesure, et si j'avais pris la parole à cette époque, j'aurais dit qu'on se trouvait obligé d'augmenter le personnel de cette cour, en grande partie, parce que, à Gand, on dîne à une heure, et qu'après midi et demi on n'y fait plus rien. (Interruption.)
Il n'est pas absolument nécessaire d'être avocat pour fréquenter les audiences des tribunaux, et je ne crois pas qu'il faille une compétence extraordinaire pour apprécier des choses de ce genre. Nous avons tous plus ou moins habité Paris et fréquenté, ne fût-ce que par curiosité, les audiences des tribunaux. Nous avons dons pu constater qu'on y siège parfois très tard ; nous y avons vu des salles d'audience éclairées, des magistrats, arriver dès 9 heures du matin, être encore à leur poste à 4 et 5 heures.
Peut-on prétendre après cela que les nôtres soient hors d'état de siéger pendant plus de trois ou quatre heures, plus de trois fois par semaine ? Du reste, à quoi peut aboutir l'augmentation du personnel telle qu'on la sollicite ? Voici un petit calcul fort simple que me communique à l'instant mon honorable voisin, M. Dewandre, qui est avocat :
Nous avons à Bruxelles quatre chambres qui siègent trois fois par semaine. Cela fait douze audiences. Si elles siégeaient quatre fois, le nombre d'audiences serait de seize, tandis qu'en créant une cinquième chambre qui siégerait trois jours, nous n'en aurions que quinze. Le moyen indiqué par M. le ministre de la justice est donc bien plus simple que l'augmentation du personnel, avec le maintien des habitudes présentes.
Je me vois obligé de présenter ces observations à propos de la cour militaire, avec laquelle elles n'ont aucun rapport. Mais elles me paraissaient si justes et si naturelles que j'ai tenu à les communiquer à la Chambre qui me pardonnera mon importunité. Après tout peut-être la cour militaire ne siège-t-elle pas assez, et, dans ce cas, avec un peu de bonne volonté de la part de mes auditeurs, mes observations seraient encorc à leur place.
M. Bara. - L'honorable M. Hymans est habile à tuer une question sous le ridicule. Il a pris pour point de départ de ses plaisanteries quelques paroles que j'ai prononcées hier.
Autre chose est de rire et d'examiner une question à l'aide d'arguments.
Voici, messieurs, comment j'ai été amené à dire les quelques mots que l'honorable M. Hymans attaque.
Le ministre de la justice avait dit : Les magistrats ne siègent que trois fois par semaine, on peut exiger qu'ils siègent quatre et même cinq fois ; j'ai répondu à M. le ministre que cela ne me paraissait pas possible, à Bruxelles ; que les magistrats du tribunal siégeaient 4 heures pendant trois jours, qu'en dehors des audiences ils avaient d'autres devoirs à remplir, qu'ils devaient faire des expertises, des enquêtes, que si on voulait les faire siéger cinq fois par semaine, on finirait par les abrutir à l'audience. Quand un magistrat est sur son siège, que fait-il ?
- Une voix. - Il dort.
M. Bara. - C'est inconvenant. Je demanderai à ceux qui font de pareilles plaisanteries de vouloir bien les faire distinctement et de manière à en supporter la responsabilité. Ce sont là des mots que l'on peut entendre dans les vaudevilles, mais qui sont indignes du Parlement. La magistrature fait son devoir, et on ne fait pas bien quand on se livre à des quolibets au sujet d'un intérêt aussi sérieux que celui dont nous nous occupons ; je me plains que l'honorable membre ait ravalé la question de l'augmentation du personnel de la cour de Bruxelles à une question de bons mots.
Le président de la chambre correctionnelle doit étudier les dossiers avant l'audience, conduire les interrogatoires, il a quelquefois six affaires par jour, il doit étudier toutes ces affaires, procéder à l'audition des témoins, il se trouve aux prises avec un avocat qui interroge dans un sens différent, il faut entendre de nombreux témoins qui ne savent pas souvent ou ne veulent pas s'expliquer, et auxquels il faut arracher la vérité.
Et ces affaires correctionnelles sont toujours les mêmes, elles sont insignifiantes, ennuyeuses, je dis qu'au sortir de l'audience, les magistrats ne sauraient plus travailler. On nous dit : Mais les avocats plaident, plusieurs même sont en même temps représentants.
Messieurs, quand nous avons été plaider, nous sommes très fatigués, nous ne saurions point plaider tous les jours.
L'honorable M. Dolez, dont parlait tout à l'heure M. Hymans, malgré toute sa clientèle, est loin de plaider tous les jours.
Les avocats sont quelquefis quinze jours sans plaider, ils s'occupent alors de travaux de -cabinet. Le travail à l'audience, messieurs, est très fatigant ; quand on suit une affaire, qu'on est acteur au procès, (page 116) qu'on doit tout écouler, ce n'est pas un amusement. On peut comparer la Chambre aux tribunaux.
Est-ce que M. Hymans, est-ce que nous tous, nous écoutons arec une attention scrupuleuse ce que disent tous les membres de la Chambre dans toutes les questions ? Est-ce qu'il faut absolument que notre attention soit toujours soutenue ? Ce n'est pas la même chose pour les magistrats, ils doivent être toujours attentifs. Vous ne pouvez donc pas prétendre que nos débats absorbent l'attention de tous les moments comme les débats judiciaires.
Pour les hommes occupés au barreau, la Chambre est quelquefois un repos, ils se reposent en entendant traiter ou en traitant des questions générales.
Mais quand vous devez entendre plaider des questions de droit, hérissées de difficultés, des questions fort peu intéressantes en elles-mêmes, citer des chiffres, mesurer des dimensions, en sortant de l'audience vous avez certainement la tête fatiguée, ce qui existe beaucoup moins à la fin de nos travaux.
Pour que le magistrat mûrisse ses décisions, conserve son rang élevé, se tienne à la hauteur de la science, il faut non lui donner l’ « otium cum dignitate », mais ne pas l'écraser sous trop de travaux d'audience.
Au surplus, vous aurez beau augmenter le nombre des audiences, le magistrat ne travaillera pas plus, il travaillera moins bien ; on trouvera moyen de liquider la besogne arriérée, mais je ne sais si les intérêts du pays y gagneront.
La manière dont l'honorable M. Hymans a voulu enterrer sous sa forme plaisante la question du personnel du tribunal et de la cour de Bruxelles m'a engagé à faire entendre une protestation.
S'il veut aller voir siéger le tribunal correctionnel et même le tribunal civil, il sera convaincu que les questions qu'on y traite sont souvent fastidieuses et qu'écouter leurs développements pendant de longues heures est une fatigue plus grande que celle qu'on éprouve dans un grand nombre de professions.
MpVµ. - La parole est à M. Hymans, mais je ferai remarquer qu'on est en dehors de la question. Il s'agit de la haute cour militaire.
M. Hymans. - Messieurs, ce qu'il y a de curieux dans tout ceci, c'est qu'il y a quelques années je suis venu dans cette Chambre, sans être soutenu par personne, demander qu'on donnât un traitement plus élevé au président et aux membres du tribunal de Bruxelles qu'aux membres des autres tribunaux du pays, parce qu'ils avaient un travail plus considérable à faire et parce qu'il me semblait qu'en Belgique comme en France il serait utile et rationnel de donner un traitement plus élevé aux membres de la magistrature de la capitale qu'à ceux de la province.
Ceci prouve à l'évidence, me semble-t-il, que je ne suis guidé dans cette question par aucun des sentiments que l'honorable M. Bara m'attribue.
D'ailleurs je me suis pas intervenu, (permettez-moi, de le faire observer) dans la question du tribunal de Bruxelles, je me suis borné à protester contre cette théorie étrange, que j'ai entendu émettre ici, qu'un magistrat ne pouvait siéger plus de 3 heures par jour, 3 ou 4 fois par semaine.
Maintenant je ne crois pas qu'il faille être absolument pathétique pour prouver que l'on a raison dans une question, quelque grave qu'elle soit. L'honorable M. Bara me reproche d'avoir fait rire la chambre. Je n'y ai pas songé. La Chambre a bien voulu rire de ce que j'ai dit, parce qu'elle a trouvé que j'avais raison. Je crois du reste qu'elle a ri à bon escient et que le pays rira avec elle.
Il n'est pas absolument nécessaire, encore un coup, d'avoir des larmes dans la voix et de faire de grandes phrases pour prouver qu'on a raison, mais je dis les choses comme elles me viennent, tout simplement ; je ne monte pas sur mes ergots pour cela et je n'ai pas besoin pour persuader mes auditeurs de dire des choses désobligeantes à mes adversaires. A ce propos, je tiens à ce que l'honorable M. Bara veuille bien déclarer que ce n'est pas moi qui ai dit que lorsqu'un magistrat se trouve sur son siège, il dort.
M. Bara. - Je le reconnais.
M. Hymans. - L'honorable membre a dit que ceux qui faisaient de pareilles plaisanteries feraient bien de le signer. Eh bien, je signe tout ce que je fais, même mes plaisanteries, mais je n'accepte pas la responsabilité de celles que je n'ai pas faites.
Je ne crois pas que dans tout ce que vient de dire mon honorable ami il y ait quelque chose qui me force à retirer quoi que ce soit de ce que j'ai dit.
Les magistrats sont des fonctionnaires comme les autres : ils sont inamovibles mais ils ne sont pas inviolables. Je n'ai attaqué personne, je ne suis pas même intervenu dans la question du tribunal de Bruxelles. J'ai voulu protester et je proteste encore contre ce préjugé qu'on voudrait proclamer solennellement dans cette enceinte qu'un homme sera abruti parce qu'il aura écouté sérieusement pendant 3 heures.
L'honorable M. Bara nous a dit que nous ne sommes pas toujours obligé d'écouter. Je ne crois pas non plus que le magistrat qui entend plaider une affaire pendant 15 audiences ou même trois audiences écoute d'une manière continue.
Je m'arrête, je n'ai pris la parole une seconde fois, messieurs, que pour protester contre les observations assez désobligeantes qui| m'ont été adressées par l'honorable M. Bara et pour déclarer que ce que j'ai dit m'a été dicté par une intention très sérieuse. Si la chambre a ri, permettez-moi de croire que ce n'est pas à mes dépens.
MpVµ. - Personne ne demandant plus la parole, je clos la discussion sur l'article, et à côté de l'article... (Interruption.)
- L'article est adopté.
« Art. 13. Cour militaire. Matériel : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Art. 14. Auditeurs militaires et prévôts : fr. 42,500. »
- Adopté.
« Art. 15. Frais de bureau et indemnité pour feu et lumière : fr. 3,540. »
- Adopté.
« Art. 16. Frais de justice et matière criminelle, correctionnelle et de police : fr. 680,000. »
M. Thonissenµ. - Messieurs, la loi accorde aux membres du jury des cours d'assises une indemnité d'un florin et demi des Pays-Bas par jour.
Cette indemnité, déjà insuffisante en 1832, est devenue aujourd'hui manifestement illusoire. Que veut-on qu'un membre du jury, c'est à-dire un homme occupant un certain rang dans la société, fasse à Bruxelles, à Gand, à Liège et dans les chefs-lieux de province, avec une indemnité de 3 francs 18 centimes par jour ?
Si l'on veut que les membres du jury remplissent leurs fonctions gratuitement, on doit le dire avec franchise ; mais, si l'on persiste dans le principe admis en 1832, il faut que l'indemnité soit sérieuse.
Il me semble que la somme devrait au moins être doublée, c'est-à-dire portée à trois florins des Pays-Bas, ce qui ferait fl. 6,38 par jour. Sans doute, alors encore l'indemnité serait insuffisante, mais du moins elle le serait dans une proportion moindre qu'aujourd'hui. Je ne ferai pas une proposition nouvelle dans ce sens, parce qu'il ne me semble pas régulier de modifier une loi spéciale par un amendement au budget de la justice ; mais je recommande l'observation à l'honorable ministre de la justice, pour qu'il veuille bien, aussitôt que possible, nous proposer une mesure spéciale à cet effet.
Sous ce rapport, messieurs, je réclame donc une augmentation de dépense ; mais voici, par contre, une modification qui, dans une proportion assez large, pourrait réduire les frais judiciaires.
En France, la loi du 20 mai 1863 a créé ce qu'on appelle en pratique les petits parquets. En cas de flagrant délit d'un fait punissable de peines correctionnelles, le prévenu est traduit devant le procureur impérial, qui, après l'avoir interrogé, le renvoie, à l'instant, à l'audience du tribunal compétent. S'il n'y a pas d'audience, le procureur impérial décerne un mandat de dépôt, le prévenu passe la nuit en prison, mais le lendemain il est conduit à l'audience, et, si ce jour-là le tribunal ne siège pas, le procureur impérial a le droit de le convoquer à cet effet. Les témoins, de leur côté, doivent comparaître sur la simple injonction verbale de l'officier de police qui fait l'arrestation, et s'ils n'y obtempèrent pas, ils sont passibles des peines comminées par l'article 157 du code d'instruction criminelle.
Le prévenu est ainsi jugé immédiatement, et, si on l'acquitte, il est mis en liberté nonobstant l'appel du procureur impérial.
Il me semble que cette manière de procéder peut être avantageusement introduite en Belgique.
On a craint dans le principe qu'elle ne fût défavorable aux intérêts de la défense. On a vu un danger dans un jugement venant immédiatement après l'arrestation ; mais l'expérience a déjà prouvé le contraire.
(page 117) La partie lésée est présente, les objets sont immédiatement reconnus, les témoins sont prêts, les preuves sont accablantes, la dénégation est pour ainsi dire impossible et l'expérience atteste que, presque toujours, il y a aveu complet de la part de l'inculpé.
Du reste, la loi française a prévu le besoin d'une défense plus étendue. Dès l'instant que le prévenu réclame un délai, ce délai lui est donné de droit ; il a trois jours pleins pour préparer sa défense ; mais on a constaté que, presque toujours, le prévenu garde le silence et ne réclame pas la faveur que la loi lui accorde.
Sans doute, je le sais bien, dans ce mode de procéder, on ne trouvera pas à Bruxelles les mêmes avantages que dans des villes immenses, comme Londres et Paris. Mais ce n'est pas seulement à Paris que cette innovation a produit de bons résultats. Tous les procureurs-généraux de France indistinctement sont unanimes à s'en féliciter au plus haut degré. A Montpellier, à Bordeunx, à Marseille, à Rouen, partout on y applaudit ; on y trouve, en effet, une grande simplification de procédure, une suppression presque complète de la détention préventive, et surtout une grande rapidité dans les jugements.
Du reste, il importe de remarquer que, quand la loi française du 20 mai 1863 parle de flagrant délit, elle ne prend pas ces mots dans leur sens technique et restreint, comme synonymes d'un fait qui se produit actuellement ; ces mots sont pris dans le sens fort étendu que leur donne l'article 41 du code d'instruction criminelle, d'après lequel il y a flagrant délit non seulement quand on prend l'individu pendant la perpétration du fait, mais aussi lorsque le coupable est poursuivi par la clameur publique ou qu'il est porteur d'objets ou d'instruments qui prouvent qu'il est auteur ou complice du fait, pourvu que ce soit dans un temps voisin du délit.
Ici encore je ne ferai pas de proposition formelle ; le moment serait inopportun.
Mais j'espère que M. le ministre de la justice voudra bien examiner la question et la signaler tout particulièrement à la commission chargée de la révision du Code d'instruction criminelle. Elle est importante ; elle présente de grands avantages pour les prévenus eux-mêmes et le trésor public y est grandement intéressé.
- Le chiffre est adopté.
« Art. 18. Construction, réparations et entretien de locaux. Subsides aux provinces et aux communes pour les aider à fournir les locaux convenables pour le service des tribunaux et des justices de paix : fr. 35,000.
« Charge extraordinaire : fr. 60,000. »
(page 121) M. Dupontµ. - Messieurs, comme membre de la section centrale, j'ai désiré qu'on demandât à M. le ministre de la justice quelles étaient ses intentions quant aux réparations à faire aux locaux du palais de justice de Liége. M. le ministre de la justice a bien voulu répondre avec sa bienveillance habituelle à la question qui lui était posée. Il a dit qu'il fallait distinguer entre les locaux de la cour d'appel et ceux du tribunal de première instance ; en ce qui concerne la cour d'appel, les travaux d'appropriation sont à peu près terminés, la cour est en possession des locaux qui lui sont nécessaires. Quant au tribunal, il est loin d'en être ainsi.
Le tribunal n'est pas convenablement installé, on le reconnaît mais on ajoute que l'on se proposait de disposer pour son usage les bâtiments occupés par l'administration des archives, que cette administration vient enfin d'être déplacée, et que la commission qui a été consultée s'est prononcée récemment d'une façon défavorable sur cet emplacement. Suivant cette commission, ces bâtiments sont insuffisants, et fussent-ils suffisants, la dépense à y faire est tellement considérable, qu'il serait préférable d'élever de nouvelles construction.
Cette réponse même du gouvernement nécessite quelques explications.
La Chambre sait qu'il y a dix ans, en 1854, l'hôtel du gouvernement provincial de Liège a été détruit par un incendie. A cette époque, on a songé à rétablir cet hôtel et à le placer dans l'ancien palais de nos princes-évêques. Qu'est-il arrivé à cette occasion ? On a enlevé au tribunal et à la cour d'appel les différentes salles qui servaient à l'administration de la justice pour les donner à l'administration provinciale. On leur a dit alors : On vous rendra tout cela, et provisoirement (vous savez qu'il n'y a rien de plus définitif que le provisoire), on a installé la cour et le tribunal dans des locaux complètement insuffisants.
Cependant M. le ministre de la justice a fait ce qu'il a pu à l'aide des crédits mis à sa disposition, et au bout de dix ans (car c'est l'année dernière qu'on a mis la dernière main à l'appropriation des salles d'audience de la cour d'appel), cette cour a eu à sa disposition les locaux indispensables.
Mais du tribunal il n'a pas encore été question.
Nous avons à Liège trois chambres. L'une de ces chambres n'a pas de local ; elle est obligée de demander l'hospitalité à la seconde chambre.
Quant à la première, elle siège dans une espèce de cave voûtée, humide et sombre, où le jour pénètre difficilement ; en un mot, c'est un local qu'on ne peut laisser plus longtemps affecté a cet usage, par égard même pour la dignité de la magistrature.
Messieurs, il est indispensable que ce provisoire cesse et que le gouvernement se préoccupe de cette situation déplorable, il est indispensable qu'une salle spéciale soit attribuée à la troisième chambre de notre tribunal et que les deux autres chambres soient installées dans des locaux d'une étendue suffisante, convenablement appropriés et munis des dépendances nécessaires.
Eu effet les deux chambres aujourd'hui ont pour salle de délibérations des cabinets étroits, où le tribunal peut difficilement convoquer les parties, lorsqu'il les fait comparaître devant lui pour tâcher de les concilier. Lorsque quelques personnes s'y trouvent réunies, elles ne peuvent plus y tenir.
C'est là une situation, je le répète, qui ne peut se prolonger, et je compte sur le zèle éclairé de M. le ministre de la justice pour y mettre un terme dans un avenir très rapproché. La dignité de la justice exige qu'elle se rende dans des locaux convenables et le prestige de la magistrature ne peut qu'y gagner.
Puisque j'ai la parole, je profiterai de la bienveillance dont M. le président a fait preuve tout à l'heure encore envers l'honorable M. Hymans lorsqu'il parlait, disait-il, à côté de l'article en discussion, pour présenter une observation à M. le ministre des finances. Elle eût été mieux à sa place dans la discussion générale du budget ; mais je suis nouveau venu dans cette enceinte et la Chambre me pardonnera si je la présente tardivement. Cette observation, la voici :
La procédure en matière d'enregistrement est une procédure spéciale. Nous sommes aujourd'hui en possession de la procédure civile, en opposition avec la procédure ancienne, avec la procédure écrite. On a jugé, par une expérience séculaire, que la première était de beaucoup supérieure à la seconde. Et cependant l'ancien système de procédure est toujours en vigueur pour les matières d'enregistrement. Les questions de cette nature s'instruisent aujourd'hui encore à l'aide de mémoires que se signifient les parties ; ce qui, vous le comprenez, ne tend pas à abréger la durée de ces sortes d'affaires ; aussi ces débats se prolongent-ils souvent indéfiniment.
D'un autre côté, il est certain que ce qui contribue puissamment à éclairer les affaires, c'est la discussion orale. La vérité se dégage plus lumineuse d'une plaidoirie que les mémoires signifiés. C'est encore là un avantage incontestable qu'a la procédure ordinaire sur la procédure spéciale suivie en matière d'enregistrement. Permettez-moi une seconde observation.
D'après le droit commun, dans les affaires où il s'agit d'un intérêt supérieur à 2,000 fr., on peut recourir à la voie de l'appel. On considère que le justiciable, lorsque son intérêt s'élève à un certain taux, peut faire examiner par un juge supérieur s'il n'a pas de justes griefs contre la sentence qui l'a frappé. En matière d'enregistrement, ce droit n'existe pas. Le justiciable qui a discuté devant le tribunal, sans les garanties d'un débat oral et public, une question qui est souvent pour lui d'un très grand, d'un immense intérêt, est obligé de porter l'affaire devant la cour de cassation, et celle-ci, remarquez-le, ne peut l'apprécier qu'au point de vue du droit et non au point de vue des faits ; ces dernières questions sont tranchées souverainement par le tribunal de première instance.
Eh bien, je me demande encore ce qui peut justifier cette nouvelle dérogation au droit commun. J'ai souvent entendu formuler ces plaintes soit par les parties, soit par les membres du barreau ; aujourd'hui, en effet, des intérêts très graves sont mis en jeu et régis par la loi de frimaire an VII. Je demanderai donc à l’honorable ministre des finances, s'il n'y aurait pas lieu de soumettre les procès de ce genre aux règles du droit commun. Je crois que le gouvernement ferait chose utile en modifiant dans ce sens la loi existante et qu'il mettrait ainsi des réclamations que, pour ma part, je considère comme fondées.
(page 117) MfFOµ. - J'examinerai bien volontiers la question qui vient d'être indiquée par l'honorable préopinant.
Je ne sais trop pourquoi la procédure continue à être écrite en matière d'enregistrement, au lieu d'être orale et quelles sont les raisons péremptoires qu'il peut y avoir pour maintenir une exception quant à l'appel.
L'honorable membre comprendra que je ne puis improviser une opinion sur ce point, mais, je le répète, j'examinerai la question.
- L'article 18 est mis aux voix et adopté.
« Art. 19. Impression du Recueil des lois, du Moniteur et des Annales parlementaires : fr. 180,000. »
- Adopté.
« Art. 20. Abonnement an Bulletin des arrêts de la Cour de cassation : fr. 3,000. »
- Adopté.
« Art. 21. Publication d'un recueil des anciennes lois des Pays-Bas autrichiens, de la principauté de Liège et d'autres pays, dont le territoire est compris dans le royaume de Belgique ; publication d'un recueil d'instructions-circulaires émanées du département de la justice, depuis la réunion de la Belgique à la France, en 1795 ; impression d'avant-projets de lois et autres documents législatifs ; frais de route et autres des membres des commissions de législation : fr. 25,300. »
- Adopté.
« Art. 22.Traitement d'employés attachés à la commission royale de publication des anciennes lois, nommés par le gouvernement : fr. 14,000. »
- Adopté.
« Art. 23. Pensions civiles : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 24. Secours à des magistrats et à des employés près des cours et tribunaux, ou à leurs veuves et enfants mineurs qui, sans avoir droit à une pension, ont des titres à un secours, par suite d'une position malheureuse : fr. 11,800. »
- Adopté.
« Art. 25. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés de l'administration centrale du ministère de la justice, ou des établissements y ressortissant, qui se trouvent dans le même cas que ci-dessus : fr. 1,700. »
- Adopté.
« Art. 26. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés des prisons, se trouvant dans le même cas que ci-dessus : fr. 3,000. »
- Adopté.
« Art. 27. Clergé supérieur du culte catholique, personnel enseignant et dirigeant des grands séminaires, à l'exception de celui de Liège : fr. 318,200. »
M. Lelièvre. - Je dois faire une observation sur laquelle j'appelle l'attention de M. le ministre de la justice.
En attendant que le projet de loi sur le temporel des cultes soit mis en discussion, il s'élève la question de savoir quelles sont les formalités à observer pour l'aliénation des biens de fabriques d'église.
Aux termes de l'article 62 du décret de 1809, l'autorisation royale est nécessaire, mais un arrêté du roi Guillaume de 1816 déclare que l'autorisation de la députation permanente sera désormais suffisante.
Je pense que cet arrêté est inconstitutionnel, par le motif que le roi Guillaume n'a pu déroger à un décret ayant force de loi.
Toutefois, certaines députations persistent à faire l'application de l'arrêté : comme cet ordre de choses est de nature à donner lieu à des difficultés au point de vue de la validité des aliénations, je prie M. le ministre de la justice d'examiner la question, et de donner des instructions pour l'exécution du décret de 1809.
MjTµ. - J'examinerai la question.
- L'article est adopté.
« Art. 28. Bourses et demi-bourses affectées aux grands séminaires, à l'exception de celui de Liège : fr. 62,011. »
- Adopté.
« Art. 29. Clergé inférieur du culte catholique, déduction faite de 7,710 fr., pour revenus de cures : fr. 4,220,000. »
- Adopté.
« Art. 30. Subsides aux provinces, aux communes et aux fabriques d'église pour les édifices servant au culte catholique, y compris les tours mixtes et les frais du culte dans l'église du camp de Beverloo : fr. 469,000.
« Charge extraordinaire : fr. 256,000. »
- Adopté.
« Art. 31. Culte protestant et anglican (Personnel) : fr. 65,936. »
- Adopté.
« Art. 32. Subsides pour frais du culte et dépenses diverses : fr. 12,300. »
- Adopté.
« Art. 33. Culte israélite (Personnel) : fr. 11,220. »
- Adopté.
(page 118) « Art. 34. Frais de bureau du consistoire central et dépenses imprévues : fr. 300. »
- Adopté.
« Art. 35. Subsides aux provinces, communes et consistoires pour construction d'édifices consacrés aux cultes protestant et israélite, charge extraordinaire : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. 36. Pensions ecclésiastiques (payement des termes échus avant l'inscription au grand-livre) : fr. 8,000. »
- Adopté.
« Art. 37. Secours pour les ministres des cultes ; secours aux anciens religieux et religieuses : fr. 21,400. »
- Adopté.
« Art. 38. Frais d'entretien et de transport d'indigents dont le domicile de secours est inconnu ou qui sont étrangers au pays : fr. 160,000. »
M. Vleminckxµ. - Messieurs, j'ai des observations à soumettre à l'honorable ministre de la justice et à la Chambre sur des faits se rattachant à la loi du domicile de secours et notamment aux articles 54 et 55. Ces observations seront assez longues et je crois même qu'elles donneront lieu à une discussion assez vive. Je demande donc à la Chambre si elle ne croit pas, vu l'heure avancée, devoir remettre la discussion à demain.
- La séance est levée à quatre heures et demie.