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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 29 juin 1864

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1863-1864)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 657) M. Van Humbeeck procède â l'appel nominal à 2 heures et un quart et donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Bruxelles demandent la révision des articles 47 et 53 de la Constitution. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Bruxelles demandent des modifications à l'article 19 de la loi électorale, à l'article 2 de la loi du 17 mars 1848 et le vote à la commune. »

- Même renvoi.


« Les membres de l'administration communale de Sény prient la Chambre d'accorder aux sieurs de Haulleville et Wergifosse la concession d'un chemin de fer d'Anvers à Saint-Vith. »

« Même demande d'habitant de Tongrinne. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Bellinghen prient la Chambre d'autoriser la concession des chemins de fer secondaires dans la province de Brabant, projetés par l'ingénieur Splingard. »

« Même demande d'habitants de Pepinghen, de Bruxelles. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal d'Ertvelde prie la Chambre d'accorder à la compagnie Hoyois la concession d'un chemin de fer de Roulers à Selzaete. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur les pétitions relatives au même objet.


« Le sieur Baux prie la Chambre d'améliorer la position des secrétaires communaux. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des négociants commissionnaires-expéditeurs, bateliers et entrepreneurs de transports à Anvers, demandent la réduction des droits de péage sur le canal de la Campine. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Le sieur Remy, milicien de la classe de 1861, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir un congé illimité. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des armateurs et autres intéressés dans la pêche à Nieuport demandent la révision du règlement sur le partage de la prime pour encouragement de la pêche nationale. »

M. de Smedt. - Je recommande cette pétition à la bienveillante attention de la commission et je prie la Chambre de vouloir bien ordonner la présentation d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« M. le gouverneur du Hainaut adresse à la Chambre 117 exemplaires du rapport annuel de la députation permanente sur la situation administrative de la province de Hainaut pendant l'année 1863. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi relatif à la liberté du prêt à intérêt

Dépôt

MfFOµ présente un projet de loi consacrant la liberté du prêt à intérêt.

- La Chambre en ordonne l'impression et la distribution et le renvoie à l'examen des sections.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1864

Discussion générale

M. Mouton. - J'ai demandé la parole pour dire quelques mots d'une affaire qui présente un intérêt analogue à celui que défendait dans la séance d'hier l’honorable M. Guillery.

Je veux parler du raccordement de la station des Guillemins à un point pris derrière le palais provincial de Liège.

Le gouvernement a fait étudier dans ce sens un projet qui, tout en dotant la ville d'une station intérieure, aura encore l'avantage de se relier au chemin de fer en construction de Liège vers la Hollande par Tongres et Hasselt.

Cette question a une importance majeure pour la ville de Liége : elle intéresse son commerce et son industrie et préoccupe vivement sa population.

J'ajoute qu'une pétition récente, revêtue de nombreuses signatures, réclame une intervention active de l'administration communale en vue d'arriver à une prompte solution de cette affaire.

Je crois inutile de faire de nouveau l'historique de la question, de rappeler les documents législatifs déjà anciens qui consacrent les droits de la ville et d'indiquer toutes les phases qu'elle a parcourues.

Nous avons eu l'occasion d'en entretenir la Chambre antérieurement avec mon honorable collègue, M. Muller.

Je me borne à constater que la ville a trop longtemps souffert de l'absence d'une station intérieure, qui, cependant, lui avait été formellement promise, pour qu'on lui refuse la légitime satisfaction qu'elle réclame.

J'espère donc que l'honorable ministre voudra bien nous dire si les études du projet auquel j'ai fait allusion sont terminées et si ce projet, que je qualifie de réparateur, sera sérieusement entrepris et mis à exécution dans un prochain avenir.

J'aborde maintenant un autre objet qui se rattache au service postal.

Notre organisation postale est très bien établie, elle est cependant susceptible d'améliorations.

J'en citerai un exemple.

Dans certaines villes il y a cinq distributions de lettres par jour, mais il me paraît que ce nombre est encore insuffisant, au moins pour les grands centres de population.

Ainsi, une lettre pour Liège, parlant de Bruxelles à 7 heures du matin et arrivant à 10 h. 10 m., n'est remise à domicile qu'avec les lettres qui partent à 9 h. 20 m., pour arriver à Liége à 11 h. 40 m.

Il s'écoule donc, comme vous le voyez, un intervalle de deux heures entre l'arrivée des lettres et leur distribution à domicile.

J'ai signalé cet exemple à l'attention de la Chambre, parce qu'il m'est particulièrement connu, mais je suppose que le même fait se produit dans d'autres villes, telles que Gand et Anvers.

Je crois qu'il y a quelque chose à faire sous ce rapport : il n'est pas rationnel que des lettres séjournent deux heures à la poste avant d'être distribuées, et il serait extrêmement utile, pour le commerce et l'industrie, de voir accélérer la remise à domicile.

Je sais qu'il ne serait pas possible de songer à imposer un surcroît de besogne aux agents actuellement en fonctions ; malgré leur zèle, ils ne pourraient y suffire. Une plus grande promptitude dans la remise des lettres à domicile se lie donc à une augmentation du personnel des facteurs, et aurait pour conséquence de faire inscrire au budget une somme supérieure à celle qui y figure pour cet objet.

Mais je crois que, selon toutes les prévisions et indépendamment des avantages qu'y trouverait le commerce, cette augmentation de dépense serait largement compensée par les recettes, et qu'en fin de compte le trésor y gagnerait. Dans les villes où il y a un grand mouvement d'affaires, où le besoin d'écrire est en quelque sorte de première nécessité, on verrait bien certainement, par cette rapidité imprimée à la remise des lettres, augmenter dans une assez forte proportion le nombre des correspondances.

Je recommande cet objet à la sollicitude de M. le ministre des travaux publics.

M. De Lexhy. - Je désirerais savoir si les concessionnaires du chemin de fer de Landen à Aye, par Hannut et Huy, s'occupent de l'exécution de leurs engagements et s'il y a espoir de voir bientôt commencer les travaux.

Le retard que l'on apporte à mettre la main à l'œuvre a inspiré aux populations intéressées certaines inquiétudes qu'il importe de dissiper.

J'admets qu'il faut tenir compte des difficultés que la combinaison financière a dû traverser avant d'aboutir. Mais il y a urgence à ce que nous ayons tous nos apaisements non seulement en ce qui concerne la prochains exécution de ce chemin de fer, mais encore relativement au tracé sur certains points de la ligne.

S'il est vrai qu'on ne peut aggraver les conditions de la concession il n'en est pas moins vrai que les populations ont un droit incontestable à ce que le tracé qui sera adopté satisfasse à toutes les exigences légitimes. Le chef du département des travaux publics devra donc veiller à ce que le tracé traverse Hannut au point indiqué et désiré par la population de cette localité.

Il est un autre point où il importe qu'il y ait une station, c'est à l'endroit nommé l’Empereur. J'espère que l'on fera droit à mes observations.

Dans une séance précédente, j'ai recommandé à l'attention bienveillante du gouvernement la demande de concession sollicitée par (page 658) MM. Ordener et Lesueur de Grosménil, et s'appliquant à un chemin de fer de Bruxelles à Mayence par Jodoigne, Jauche, Merdorp, Meffe ou Wasseige, Burdinne, Huccorgne, Huy, etc.

Depuis lors, une nouvelle demande de concession, suivant la même ligne et traversant les mêmes communes de mon arrondissement, a surgi. Elle émane de MM. Delahaut, Dessigny et Geernaert. Comme ces deux demandes offrent la même utilité, la même importance au point de vue spécial de mon arrondissement, je les recommande toutes deux à la bienveillance gouvernementale, sans vouloir me prononcer pour l'une de ces demandes plutôt que pour l'autre. Tout ce que je désire, c'est que l'une des deux se réalise, et j'espère que M. le ministre des travaux publics cherchera à doter mon arrondissement de ce nouveau bienfait.

M. Tack. - La discussion du budget des travaux publics me fournit l'occasion d'adresser à M. le ministre des travaux publics une interpellation que j'ai ajournée jusqu'ici afin de ne pas interrompre nos précédents débats.

Je désirerais avoir des explications sur la situation si anomale, si fâcheuse, je puis dire si désastreuse dans laquelle se trouve le mouvement de la navigation sur le canal de Bossuyt à Courtrai.

Depuis le 1er février dernier, la compagnie concessionnaire de ce canal a élevé ses péages au maximum du taux que son acte de concession et son cahier des charges lui permettent d'atteindre. L'effet immédiat de cette mesure a été de paralyser complètement la navigation sur le canal de Bossuyt.

Aujourd'hui, plus un seul bateau ne traverse à charge ce canal. Il en résulte d'abord que le gouvernement, si cet état de choses dure, sera astreint à payer intégralement le produit net assuré à la compagnie à titre de minimum ; c'est-â-dire qu'il sortira annuellement des caisses de l’Etat, sans profit pour personne, une somme de 200,000 fr.

La seconde conséquence, tout aussi grave que la première c'est que désormais dans l'arrondissement de Courtrai, dans tout le Sud de la Flandre occidentale et même dans le centre de cette province, on payera le transport des charbons plus cher qu'avant la construction du canal de Bossuyt.

Cela vous paraîtra étrange, messieurs, et cependant c'est la stricte vérité.

Et, en effet, par suite de la construction du canal de Bossuyt, au lieu d'avoir une voie navigable de plus, nous en aurons une de moins. Avant la construction du canal, la navigation pour le sud et pour l'intérieur de la Flandre occidentale se faisait par deux voies distinctes et concurrentes, celle par Gand et celle par Comines. Un certain nombre de bateaux descendaient l'Escaut jusqu'à Gand, puis remontaient la Lys jusqu'à Courtrai. Les autres empruntaient les eaux intérieures de France, transitaient par ce pays, remontaient la Scarpe, passaient ensuite dans la Deule et entraient en Belgique par l'écluse de Comines.

La navigation par les eaux inférieures de France acquérait tous les jours de plus en plus d importance et menaçait de détrôner la navigation par Gand, parce que le gouvernement français avait très bien compris que la prospérité de son industrie se rattachait à l'abaissement, voire même à la suppression des péages sur ses voies navigables ; par suite le transit des houilles belges par la France se faisait dans des conditions très économiques.

Mais qu'a-t-on fait pour favoriser la navigation sur le canal de Bossuyt ? On a établi un droit d'entrée de deux francs par tonne à l'écluse de Comines. Par ce moyen artificiel ou a rendu impraticable la navigation en transit par la France. De sorte que notre situation est celle-ci : depuis l'ouverture du canal de Bossuyt, nous n'avons plus la navigation par les eaux intérieures de la France, nous n'avons pas celle par le canal de Bossuyt, dont on attendait de si grands résultats ; elle est complétement paralysée, puisque, depuis quatre mois, plus un seul bateau n'a suivi cette voie. Il ne nous reste donc plus qu'une seule voie navigable, c'est celle par Gand, la plus longue, la plus dispendieuse, la plus difficile et la plus souvent interrompue.

Maintenant, on peut se demander quel est le mobile qui a pu faire agir la compagnie.

Comment la compagnie se suicide-t-elle, brise-t-elle entre ses mains l’instrument qui devait être pour elle la source de sa richesse ?

Au fond il s'agit d'une espèce de querelle qui a surgi entre l'Etat et la compagnie concessionnaire, mais qui malheureusement se vide sur le dos des contribuables, et se prolonge par trop longtemps au grand détriment du commerce et de l'industrie.

La compagnie concessionnaire a élevé ses tarifs parce que l'Etat refuse d'abaisser le péage sur la Lys et sur le canal de Schipdonck.

La compagnie concessionnaire demande que le péage sur la Lys et sur le canal de Schipdonck soit ramené au niveau des tarifs qui règlent la perception sur l'Escaut et sur le canal de Bruges à Gand.

Le gouvernement refuse, la compagnie concessionnaire boude le gouvernement, et de son côté le gouvernement boude la compagnie concessionnaire.

Les victimes de ce conflit sont le trésor public, le commence et l'industrie.

La compagnie dit à l'Etat : Dans les conditions où vous me placez, quoi que je fasse, je ne puis jamais espérer d'atteindre une recette nette équivalente au minimum des produits que vous m'avez garantis.

Par suite de votre refus d'abaisser les péages sur la Lys, je ne puis jamais, au grand jamais, réaliser la somme de 200,000 fr., j'aime par conséquent mieux me croiser les bras, ne rien faire, ne pas administrer, ne prendre aucun souci, ne pas alimenter le canal qui est ma propriété.

Qui a raison, qui a tort ?

A part le procédé qui me semble un peu violent mais qui au fond est légal puisque la compagnie ne fait qu'user de son droit, je n'oserais pas donner tort à la compagnie. Que dit-elle au gouvernement ? Mettez-moi sur un pied d'égalité avec mes concurrents.

A côté de la Lys il y a l'Escaut par lequel les produits pondéreux peuvent arriver à meilleur compte au centre de la Flandre, occidentale. Abaissez vos péages, j'en fera1 autant, j'irai même plus loin, je ferai plus que je n'ai fait précédemment.

Il faut le reconnaître, messieurs, on a fait quelque chose sur la Lys. M. le ministre des finances a pris un arrêté d'après lequel le mode de péage est actuellement régularisé. Ci-devant ce mode était défectueux, vexatoire même. La perception se faisait aux écluses et variait d'une écluse à l'autre. Aujourd'hui on a pris pour règle la tonne kilométrique. C'est le bon système, mais il aurait fallu calculer la distance à vol d'oiseau et surtout abaisser les péages, car la différence étant de 1 à 3, et même de 1 à 5, quand on envisage le retour à charge, entre le bassin de la Lys et le bassin de l'Escaut, il est impossible par le canal de Bossuyt de lutter avec les voies concurrentes et c'est le motif pour lequel il ne produit rien. C'est tout au plus si quelques bateaux à vide remontent le canal.

Messieurs, indépendamment de ces raisons tout à fait spéciales, il y a une raison générale qui devrait déterminer le gouvernement à entrer dans la voie des réductions du tarif des péages pour les voies navigables.

L'honorable ministre des travaux publics vient d'appliquer un tarif nouveau pour les transports par chemin de fer. Ce tarif, comme vous le savez, introduit des réductions notables.

Tout le monde applaudit à cette mesure, mais il conviendrait que préalablement même on en fît autant pour les canaux et les rivières, si on ne veut pas anéantir la navigation.

Il est incontestable qu'à plusieurs égards les chemins de fer ont l’avantage sur les canaux. Ils ont pour eux la célérité du transport, la certitude que les produits expédiés arriveront à leur destination en temps donné, l’exiguïté du capital qu’il faut employer.

L'industriel qui fait arriver des produits pondéreux, par exemple des charbons, par les voies navigables, a besoin d'un capital considérable, parce qu'il faut qu'il fasse transporter de grandes quantités à la fois, il n'est pas certain que le transport ne sera pas arrêté en route, par une crue d’eau, par des gelées subites, par une foule d'autres circonstances ; il faut payer l'emmagasinage et d'autres frais qui n'incombent pas aux transports par chemin de fer.

Il est donc évident que, pour que les voies navigables puissent concourir avec les chemins de fer, le fret par bateau soit plus bas que le prix des transports par chemin de fer ; or, c'est le contraire qui arrive pour l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter ; ainsi une tonne de charbon prise à Jemmapes et rendue à Courtrai, coûte par voie ferrée 3,85, tandis que par les voies navigables elle revient à 4,20. La différence sera plus forte, quand nous arriverons à la période hivernale où le fret est toujours plus élevé.

Il est une autre raison pour laquelle il est nécessaire de réduire, sans retard, les péages dans le bassin de la Lys. Sur ce point j'appelle l'attention spéciale de mes honorables collègues qui représentent plus spécialement le bassin houiller de Mons. Chacun sait le développement que prennent les houillères du Pas-de-Calais ; une grande partie du marché de l'Artois et du Nord échappe en ce moment au bassin houiller du Couchant de Mons, par suite de la concurrence des houillères du Pas-de-Calais. Ces houillères prennent un développement considérable ; en 1859 leur extraction s'élevait à 5 millions et demi d'hectolitres ; trois ans après elle s'élevait à 11 millions, et aujourd'hui elle a progressé jusqu'à 15 millions d'hectolitres.

(page 659) Le moment n'est peut-être pas éloigné où la concurrence de ces houillères se fera sentir sur le marché belge ; déjà une partie de ces charbons s'introduit en Belgique par le canal de Bergues et arrive au centre de la Flandre occidentale. Remarquez que les houillères du Pas-de-Calais sont plus rapprochées de la Flandre occidentale que celles du couchant de Mons.

Il n'y a qu'un moyen de racheter la différence, c'est de faire que la navigation se fasse par le canal de Bossuyt. Les houillères du Pas-de-Calais seront toujours plus rapprochées de la Flandre occidentale que celles du couchant de Mons ; mais la différence ne sera pas aussi considérable qu'à présent. (Interruption.)

Je voudrais que la concurrence fût possible pour le bassin houiller de Mons. Il est préférable que la consommation du pays soit alimentée par nos propres exploitations.

En tout cas, il faut que la situation dans laquelle nous nous trouvons cesse. Il faut que l'Etat parvienne à s'entendre avec la compagnie, à moins que le gouvernement ne préfère racheter le canal. J'ai confiance dans la sollicitude de M. le ministre des travaux publics pour les intérêts du pays ; il lui a rendu de grands services en abaissant les tarifs des chemins de fer ; j'espère qu'il complétera son œuvre en abaissant aussi les péages sur les rivières et canaux, et qu'il prendra des mesures immédiates pour le bassin de la Lys ; si ces mesures n'étaient pas prises, les intérêts du trésor public seraient gravement compromis en même temps que ceux du commerce et de l'industrie.

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je remercie l'honorable représentant de Bruxelles que je regrette de ne pas voir à son banc de m'avoir donné l'occasion de rectifier les paroles que j'ai prononcées hier.

Il aurait compris, d'après sa réponse, que je me serais plaint de l'intervention de l'Etat dans certains travaux publics.

Tel n'est pas le cas, je me suis plaint de l'intervention exagérée de l'administration, que je ne confonds pas avec l'Etat, de ces travaux.

J'ai cité à l'appui de ma thèse deux faits qui concernent la ville de Bruxelles : le bois de la Cambre et le palais de justice, et je tiens à montrer que j'avais parfaitement raison.

Pour le bois de la Cambre, la ville de Bruxelles avait contracté pour une somme de 775,000 fr., et par suite de l'intervention de l'administration, elle a été conduite à faire une dépense de 2 millions. Or, non seulement les travaux ne sont pas achevés, mais si l'on examine les aqueducs et autres travaux d'art qui ont été exécutés, on les trouve déjà complètement en ruine et l'on sera obligé de les réparer à grands frais, avant même l'ouverture de l'avenue.

D'où cela est-il provenu ? De ce que l'administration a forcé la ville de Bruxelles, sous peine de perdre un subside de 350,000 fr. qui lui était promis, d'adopter les changements apportés aux plans par cette administration irresponsable. La ville avait contracté sur des plans qui avaient été approuvés par elle et par une commission qui avait siégé pendant très longtemps, et tout à coup, après des conventions débattues et arrêtées, ces plans sont modifiés et, sans études préalables, on oblige la ville à annuler ses contrats et on la met dans l'obligation, comme je le disais tantôt, de dépenser l,200,000 fr.

Cela ne touche en rien à la question à laquelle l'honorable M. Orts a répondu hier. Il a dit qu'aussi longtemps que l'avenue n'avait pas été incorporée à la ville, celle-ci n'avait pas pressé l'exécution des travaux. Mais on pouvait incorporer à la ville l'avenue de 750,000 fr., aussi bien que l'avenue de 2 millions. L'air y aurait été aussi bon et la promenade aussi belle avec 750,000 fr. qu'avec 2 millions.

Donc la réponse qu'a faite hier l(honorable M. Orts ne détruit en rien mes observations qui n'avaient trait qu'à l'intervention exagérée des agents de l'administration dans les travaux des particuliers, des communes ou de la province.

Quant au palais de justice, j'ai fait absolument les mêmes observations.

Tous les corps responsables électifs se sont prononcés dans cette question pour la moindre dépense, et à force de mettre des obstacles à la solution, on est arrivé à les obliger à un plan que je n'hésite pas à qualifier la plus colossale absurdité des temps anciens et modernes, absurdité telle que si l'on est parvenu à expliquer plus ou moins scientifiquement l'utilité des pyramides d'Egypte, jamais l'on n'expliquera celle de la dépense que l'on veut faire pour le palais de justice, ci vous allez en juger à l'instant même.

Vous connaissez tous, messieurs, le monolithe, qu'on appelle le palais Ducal. Mettez-en huit à côté les uns des autres ; ce sont seulement les fondations du palais projeté ; il n'y a pas encore une brique qui sert à loger la justice. Ce sont les simples fondations.

Quand vous aurez construit cet immense bloc, vous aurez à y établir le palais de justice et il n'est pas même certain que ces fondations suffiront pour soutenir le palais. Et pourquoi ? Parce qu'elles seront établies sur un terrain déclive plein de sources et qu'il n'est pas certain que ces sources ne mineront pas les fondations.

Voilà pourquoi je n'hésite pas à déclarer ici, comme je l'ai fait au conseil provincial, que je considère l’emplacement choisi pour le palais de justice, contrairement à l'avis des corps responsables et électifs, comme une absurdité.

Je suis donc en droit de me plaindre de l'intervention exagérée des agents de l'administration, dans certaines questions qui regardent les provinces et les villes, et tout mon but, en prenant la parole dans la séance d'hier, était d'appeler sur ce point l'attention de la Chambre et du pays.

Je me propose, messieurs, de revenir sur cette question avec plus de détail, lorsque nous pourrons discuter plus longuement et plus utilement le budget des travaux publics.

M. de Macarµ. - Messieurs, je dois commencer par adresser mes remerciements à l'honorable ministre des travaux publics.

La demande de crédit qu'il a faite pour exécution de certains travaux d'utilité générale, et qui, je n'en doute pas, sera favorablement accueillie par la Chambre, va combler enfin la lacune qui empêchait la navigation sur la Meuse de prendre un essor convenable, et notre grande artère internationale pourra rendre bientôt tous les services qu'elle peut être appelée à rendre.

Il ne me reste plus qu'un vœu à former à cet effet : c'est de voir continuer, dans le plus bref délai possible, la canalisation à grande section entre Namur et la frontière française. J'espère que mes honorables collègues de la province de Namur ne se plaindront pas de cette excursion que je me permets dans leur domaine plus spécial.

Comme mesure immédiatement exécutable, je demanderai à l'honorable ministre s'il ne serait pas possible da faire procéder, dans un bref délai, à la réception provisoire des barrages et écluses des Grands-Malades et de Maizeret en aval de Namur.

J'ai lieu de croire que les travaux sont suffisamment avancés pour que ta réception provisoire puisse se faire. Le batelage commence à souffrir par suite de la baisse des eaux de la Meuse. Il serait fâcheux que les travaux terminés dussent être frappés de stérilité pour tout cet été encore.

Je dois aussi remercier M. le ministre des travaux publics de la promulgation de ses derniers tarifs de transports sur nos voies ferrées. Ces tarifs ont été accueillis avec une grande faveur dans les centres industriels surtout. Je suis persuadé que notre industrie nationale retirera de grands avantages de cette mesure, sans que le trésor doive voir diminuer sensiblement ses revenus.

Le pays saura gré à l'honorable M. Vanderstichelen d'avoir su courageusement mener à bonne fin cette réforme, malgré toutes les difficultés que soulèvent toujours de pareilles mesures.

J'ai été heureux d'entendre, dans la séance d'hier, l'honorable M. Debaets rendre complètement justice à l’impartialité et au talent de l'honorable ministre. C'est de la part de l'honorable député de Gand un acte de loyauté politique que je me plais à constater.

Je crois pouvoir appeler l'attention de M. le ministre sur les difficultés qui surgissent pour les transports mixtes entre les compagnies concessionnaires et le chemin de l'Etat.

Les localités desservies par les compagnies se trouvent évidemment, en ce moment, dans une position d'infériorité regrettable sur celles desservies par le railway de l'Etat ; les différences de tarifs occasionnent des complications fâcheuses, dont j'aurai l'honneur de vous signaler les détails, si je ne savais que l'un de mes honorables collègues, qui est parfaitement au courant de ces sortes de questions, se propose de vous en entretenir.

Je ne forme pas de doute que le gouvernement usera de tous ses moyens d'action sur les compagnies afin de les engager à abaisser leurs tarifs de façon à les mettre en harmonie avec ceux de l'Etat.

Je désire, à ce propos, demander à M. le ministre quelques explications au sujet d'une anomalie singulière qui se produit depuis longtemps déjà.

Les compagnies concessionnaires ne perçoivent pas un tarif plus élevé des voyageurs par trains express que de ceux par trains ordinaires.

Néanmoins lorsque le parcours à effectuer par les express est en partie sur le railway de l'Etat et en partie sur celui de la compagnie concessionnaire, la compagnie et l’Etat réclament exceptionnellement le prix du tarif d'express pour toute la longueur du parcours.

(page 660) Ainsi de Huy à Namur, le prix uniforme par train ordinaire ou par express est de 2 fr. 40 c.

Mais si le voyageur par express prend son coupon directement pour Charleroi, il payera pour le même parcours de Huy à Namur 3 fr.

H en est de même vers Liège.

De Huy à Liège, 2 fr. 50 c. et par express lorsque le parcours dépasse Liège, 3 fr. 10 c. ; soit environ 25 p. c. de surplus.

Evidemment le voyageur paye et quelqu'un perçoit indûment ces 25 p. c. de surplus.

Je ne sais si c'est l'Etat ou si c'est la compagnie qui bénéficie. Mais si c'est cette dernière, je ne comprends pas qu'elle fasse des prix exceptionnels lorsqu'elle correspond avec l'Etat ; si c'est l'Etat, je désire savoir pourquoi il prend ce bénéfice sur la ligne d'autrui.

II y a là, je le répète, une anomalie qu'il faut faire disparaître sans retard.

Je profiterai de l'occasion qui m'est offerte, puisque j'ai la parole en ce moment, pour recommander à M. le ministre quelques travaux d'utilité publique intéressant plus spécialement l'arrondissement de Huy. J'ai eu l'occasion de signaler dernièrement la concession d'un chemin de fer de Bruxelles à Huy, se continuant vers Saint-Vith à Mayence. Les nombreuses pétitions parvenues à la Chambre, les dernières demandes en concession faites concurremment pour cette ligne prouvent surabondamment qu'elle est destinée à satisfaire des intérêts extrêmement sérieux et que son importance est déjà hautement appréciée, non seulement au point de vue des intérêts de mon arrondissement, mais encore au point de vue des intérêts généraux du pays.

Je crains d'abuser des moments de la Chambre. Je me permettrai cependant de mentionner la haute utilité d'un chemin de Hamoir à Comblain-au-Pont, d'autant plus utile que la prochaine construction d'un chemin de fer dans la vallée de l'Ourthe va rendre plus indispensable un raccordement entre ces localités. Je dirai aussi un mot d'une route destinée à relier une partie du canton de Ferrières avec le chemin de fer de l'Ourthe : celle d'Aywaille à Douxflamme.

.Enfin, je veux appeler toute la sollicitude de l'honorable ministre des travaux publics sur l'exécution du pont projeté sur la Meuse à Ombret.

Entre Huy et Seraing, c'est-à-dire sur un parcours de 20 à 25 kilomètres, il n'existe aucun pont. La Hesbaye et le Condroz sont cependant fort intéressés à pouvoir échanger leurs produits.

Des intérêts sérieux se trouvant en jeu, l'initiative privée se manifesta, et en 1860 déjà une association se forma dans le but de parvenir à la réalisation du travail dont j'ai l'honneur de vous entretenir.

Cette association a largement contribué à cette entreprise, en faveur de laquelle le conseil provincial de Liège, les communes avoisinantes et l'Etat lui-même ont efficacement déjà manifesté leurs sympathies. Mais je suis obligé de réclamer la continuation du concours bienveillant de M. le ministre pour qu'elle puisse définitivement être amenée à bonne fin.

M. Braconier. - Messieurs, à diverses reprises j’ai sollicité vivement la réduction des tarifs pour le transport des marchandes sur le chemin de fer de l'Etat. J'ai applaudi au nouveau tarif que vient de promulguer l'honorable ministre des travaux publics, et qui a été accueilli avec faveur partout le pays. Ce tarif réalise de grandes améliorations, il diminue les prix de transport des marchandises pondéreuses, et il englobe la plupart des tarifs et des traités spéciaux qui constituaient des faveurs accordées à certaines industries et à certaines localités.

Il a pour résultat de permettre aux autres producteurs de recevoir leurs matières premières à meilleur marché, et de lutter, sur les marchés étrangers, avec les produits similaires d'autres pays.

Enfin, l'application de ces tarifs aura pour conséquence inévitable l'accroissement de la prospérité commerciale et industrielle de la Belgique.

Mais, messieurs, je ne me suis jamais fait illusion, j'ai toujours pensé que dans les premiers moments la mise à exécution de ces nouveaux tarifs créerait des difficultés sérieuses pour les rapports des lignes concédées avec les chemins de fer de l'Etat.

Ce sont ces difficultés qui vous ont déjà été signalées par mon honorable collègue M. de Macar, et je vais à ce propos entrer dans quelques détails.

Le département des travaux publics a diminué d'une manière notable les prix de transport des marchandises pondéreuses sur le chemin de fer de l'Etat, mais jusqu'à présent deux compagnies seules l'ont suivi dans cette réforme, ce sont les compagnies du Centre et de Hainaut et Flandres, les autres ont maintenu leurs anciens tarifs.

Il s'ensuit que les industriels dont les établissements sont situés sur les lignes concédées, ne peuvent pas lutter à armes égales avec ceux dont les établissements sont desservis par le chemin de fer de l'Etat,

C'est ce qui se passe dans la province de Liège pour le chemin de fer de la compagnie du Nord-Belge, dans le district de Charleroi pour le chemin de fer de l’Est, et le même fait doit se reproduire, j'en suis convaincu, dans d'autres localités.

Ces industriels ont vu, par la différence des prix de transport, la plupart de leurs débouchés enlevés par des concurrents et ils font entendre à ce sujet les plus vives réclamations.

Voici ce qui se passe en effet : les marchandises expédiées d'une station du chemin de fer de l'Etat sont taxées au prix du nouveau tarif, tandis que celles expédiées d'une station d'un chemin de fer concédé reçoivent l'application de l'ancien tarif mixte.

On peut, il est vrai, expédier jusqu'à la station la plus rapprochée du chemin de fer de l'Etat et faire réinscrire l'expédition, mais cela revient absolument au même résultat parce que la nouvelle réinscription oblige de payer une seconde fois les frais fixes de 1 franc par tonne.

Je sais que M. le ministre des travaux publics fait tout ce qui lui est possible pour porter remède à cette situation. Je suis convaincu que les compagnies finiront par comprendre qu'il est de leur intérêt d'adopter un tarif uniforme. Mais en attendant le mal existe, et les industriels qui se trouvent sur les lignes concédées se plaignent amèrement. Je sais qu'il est impossible qu'il en soit autrement en ce moment, mais il est à désirer que cela cesse le plus tôt possible.

Je viens engager M. le ministre des travaux publics à examiner attentivement cette affaire et à rechercher les moyens de mettre un terme à cet état de choses, et je crois qu'il y parviendra. Je sais qu'il y a certaines compagnies qui y mettront de l'entêtement et contre lesquelles il est bien difficile d'agir ; mais je crois cependant que s'il n'y a pas de moyens directs pour arriver à une entente, il y a certains moyens indirects qu'il pourrait employer.

Je suis convaincu aussi que dans un avenir très rapproché les compagnies reconnaîtront l'urgente nécessité d'adopter le tarif nouveau ; que la question sera résolue ; mais il est à désirer qu'elle le soit le plus tôt possible.

Messieurs, je passe à un autre ordre d'idées.

Je viens m'associer à la demande qu'a faite tout à l'heure mon honorable ami, M. de Macar, relativement aux écluses construites sur la Meuse au-dessous de Namur.

Une de ces écluses, celle des Grands-Malades, est achevée depuis deux mois ; elle est située dans la partie de la Meuse où la navigation est la plus difficile. Indépendamment de cela, on a détruit les jetées qui amélioraient la navigation ; de sorte que le niveau des eaux est de 30 à 40 centimètres inférieur à celui qu'elles avaient auparavant.

Pour expliquer cet état de choses, on a donné trois raisons ; la première, c'est que les entrepreneurs se refusent à poser les aiguilles ; la seconde, c'est que le barrage des Grands-Malades et celui de Maizeret font partie de la même entreprise et qu'on ne veut faire qu'une seule réception définitive.

La troisième c'est que la pose des aiguilles gênerait les travaux en cours d'exécution, pour la construction du pont de Sambre à Namur.

La première raison n'en est pas une, car les entrepreneurs sont parfaitement d'accord pour poser les aiguilles, à condition qu'on fasse la réception définitive des travaux ; car ils sont tenus à une garantie d'entretien pendant un an après cette réception.

La seconde raison n'a pas plus de valeur, car je ne vois pas pourquoi on ne ferait pas séparément la réception définitive de l'écluse des Grands-Malades qui constitue un travail distinct de celle de Maizeret, puisque par ce moyen on améliorerait la navigation de la Meuse dans une des parties où elle est la plus difficile.

La troisième raison invoquée, est que la pose des aiguilles gênerait les entrepreneurs de la construction d'un pont sur la Sambre à Namur.

Je ne pense pas que le gouvernement se soit engagé à attendre que ces entrepreneurs aient fini leurs travaux avant de se servir des barrages en voie de construction en aval de Namur, car s'il leur convenait de faire l'une après l'autre les culées de ce pont, la navigation souffrirait pendant longtemps du peu d'activité qu'ils déploieraient dans l'exécution de leurs travaux.

Et, à cette occasion, je me permettrai de faire observer à M. le ministre des travaux publics qu'en fait d'exécution de travaux, je suis d'avis qu'il faut accorder des délais aux entrepreneurs lorsque des circonstance» exceptionnelles les ont mis dans l'impossibilité de remplir leurs obligations, Mais il ne faut pas que l'exception devienne la règle.

En général, dans beaucoup d'entreprises, un terme fatal est fixé ; mais les entrepreneurs le dépassent ; et on accorde presque toujours des délais. Lorsqu'il y a des raisons majeures, je suis le premier à reconnaître (page 661) qu'un délai doit être accordé ; mais, je le répète, le délai ne doit pas être la règle, mais l'exception.

J'émets cette opinion à propos d'autres travaux en cours d'exécution sur la Meuse, travaux qui, je l'espère, seront poursuivis avec la plus grande activité.

Je passe maintenant, messieurs, à un autre sujet. Il y a certains travaux décrétés depuis longtemps et à l'égard desquels des engagements formels ont été pris et dont l'exécution se fait indéfiniment attendre.

Hier nous avons entendu deux honorables représentants du Luxembourg, MM. de Moor et Van Hoorde, réclamer avec instance l'exécution de l'embranchement du chemin de fer de Bastogne.

Cet embranchement a été voté une première fois en 1846 sur les instances de l'honorable M. d'Hoffschmidt.

En 1851, qui de nouveau dans cette enceinte défendit avec énergie cet embranchement et réussit à le faire inscrire dans la grande loi décrétant de nombreux travaux publics ? C'est encore l’honorable M. d'Hoffschmidt.

Aussi, messieurs, ai-je été fort surpris d'entendre hier l'honorable M. Van Hoorde reprocher à son prédécesseur le peu de zèle qu'il avait déployé dans la défense des intérêts de son arrondissement.

Je dirai à l'honorable M. Van Hoorde que c’est contre l'avis de ses amis politiques que l'embranchement de Bastogne a été décrété et j'en citerais notamment comme preuves, les paroles prononcées à cette occasion par l'honorable M. Malou dans la séance du 20 août 1851. (Interruption.)

Je tiens à constater que ce ne sont pas nos amis politiques, mais ceux de l'honorable M. Van Hoorde qui se sont prononcés contre l'embranchement de Bastogne.

Voici les paroles prononcées par M. Malou, dans la séance du 20 août 1851 :

« Pour entrer dans un autre ordre d'idées, vous invoquez sans cesse ce qui s'est fait en 1846 ; alors il ne s'agissait pas, je le répète, d'engager l'Etat ; si on proposait d'accorder un nouveau terme, je le concéderais encore, mais c'est tout autre chose de faire une concession ou d'engager l'Etat pour cinquante ans pour créer un ouvrage d'utilité publique ou plutôt d'utilité privée.

« Je ne suis mû par aucune pensée d'hostilité contre telle ou telle localité, mais dans cet immense débat d'intérêts ouvert devant vous, quand pour la première fois nous appliquons ce principe qui renferme tant de dangers, ne devons-nous pas chercher à en restreindre l'application ?

« Or, je demande que l'on me démontre qu'il y a des motifs d'intérêt général d'accorder dès à présent la garantie de l'Etat en faveur des embranchements du chemin de fer du Luxembourg.

« Je propose donc à la Chambre par la première partie de mon amendement de dispenser la compagnie de construire ces embranchements. »

Si je cite ces paroles, c'est uniquement parce que je veux constater que ce n'est pas de nos bancs qu'est partie l'opposition faite à l'embranchement de Bastogne. Ceux qui siègent dans cette enceinte depuis plus longtemps savent avec quelle persistance l'honorable M. d'Hoffschmidt a défendu les intérêts de l'arrondissement qui l'avait envoyé parmi nous.

Aussi je puis dire, en empruntant le langage de l'honorable M. Van Hoorde, que si la stérilité mélancolique des bruyères existe encore dans l’arrondissement de Bastogne, ce n'est certes pas à l'honorable M. d'Hoffschmidt qu'on peut en imputer la cause.

A propos des travaux décrétés depuis longtemps et dont l'exécution se fait attendre indéfiniment, permettez-moi de dire quelques mots de la station intérieure de Liège, dont l'honorable M. Mouton vous a entretenus tantôt. Cette station est inscrite dans la loi de 1839, décrétant l'exécution des chemins de fer ; sa réalisation se fait si longtemps attendre, qu'on pourrait invoquer contre elle la prescription trentenaire, si une nouvelle inscription n'avait été prise dans la loi de 1851.

Je n'entrerai pas dans la démonstration des droits incontestables de la ville de Liège à obtenir une station intérieure. Cette démonstration a été faite, il y a deux ans déjà, par l'honorable M. Muller, qui a prouvé, avec pièces en main et sans que personne ait songé à le contredire, qu'il y a engagement formel de la part de l'Etat d'exécuter cette station. Qu'est-il arrivé chaque fois que Liège a réclamé cette station intérieure ? On a répondu : Patientez, on étudie la question.

Quand le projet de la dérivation de la Meuse a été élaboré, on s'est dit : Mais il y a là l'île du Commerce qui conviendrait parfaitement pour l'établissement d'une station centrale, La population liégeoise s'est calmée ; et elle s'est résignée à attendre l'exécution de ce projet qu'elle approuvait entièrement. Mais d'études en études on est arrivé jusques il y a deux ans sans avoir rien fait.

Un mouvement s'est alors produit dans l'opinion publique, et de nouveau la population liégeoise a insisté pour obtenir sa station intérieure.

Et qu'est-il arrivé alors, messieurs ? On a déclaré qu'une station intérieure sur l'île du Commerce était impossible et, pour apaiser l'opinion publique, on a fait connaître qu'on étudiait un projet tendant à relier la station des Guillemins avec des chemins de fer se dirigeant par Tongres et Hasselt vers la Hollande.

Ce projet a une double utilité : d'abord il comprend l'établissement d'une station intérieure, ensuite il crée une jonction entre les chemins de fer vers Tongres, Hasselt et la Hollande et la station de l'Etat aux Guillemins.

Je demande donc que M. le ministre des travaux publics veuille bien examiner la question avec bienveillance et nous fasse connaître si la ville de Liège verra, dans un avenir prochain, exécuter ce travail, auquel elle attache la plus grande importance.

M. Bouvierµ. - Je ne viens pas demander la parole pour faire une réclame électorale. Je m'en sens incapable et je ne veux pas infliger ce stigmate à mon arrondissement. Je n'exhalerai donc aucune plainte quoique, à l'heure actuelle, mon arrondissement ne possède pas l'ombre d'un chemin de fer, alors que partout ailleurs il en existe un tel nombre que déjà le bureau de la Chambre est inondé de pétitions ayant pour objet la création de chemins de fer vicinaux. Je n'en parle donc pas et pour cause ; cette demande serait d'ailleurs noyée au milieu de ce déluge de réclamations pour ponts, ponceaux, aqueducs, viaducs, fleuves et rivières qui s'élèvent de tous les côtés de la Chambre (interruption), et qui doivent chatouiller peu agréablement les oreilles de M. le ministre des travaux publics, encore moins celles de M. le ministre des finances et effrayer déjà celles de l'honorable M. de Naeyer.

Nous choisirons donc un moment plus opportun et surtout plus efficace pour obtenir des chemins de fer pour notre arrondissement.

Personnellement, je ne réclame donc rien ; seulement il est juste que je me fasse l'écho, dans cette enceinte, des vœux exprimés dans la dernière session par le conseil provincial du Luxembourg et qui ont pour objet les point suivants :

1° Rétablissement de la malle-estafette entre Virton et Bouillon passant par Florenville ; la substitution d'un service accéléré et par voilure pour le transport des dépêches entre Etalle et Habay-la-Neuve à celui qui existe aujourd'hui et qui se fait par un piéton.

2° La création d'un bureau de distribuiion à Gerouville, commune ressortissant à mon arrondissement.

Je demanderai à cette occasion à l'honorable ministre des travaux publics, s'il est vrai que la commune de Jamoigne a été choisie par la direction des postes pour l'établissement de ce bureau ; dans l'affirmative, s'il compte, comme je l'espère, y pourvoir dans un bref délai.

Je partage entièrement l'opinion de l'honorable M. Debaets qui vous a dit hier qu'il désirait voir établir des bureaux de poste partout où les besoins s'en font sentir. A cette occasion, l'honorable membre est venu, avec une grande loyauté de langage, rendre un légitime hommage à l'active et intelligente direction imprimée à son département par l'honorable M, Vanderstichelen. Il est vrai qu'une voix mélancolique et isolée a jugé convenable de se dérober à cet éloge si loyalement exprimé.

Le même conseil a également émis le vœu de voir reprendre par le gouvernement, comme route de l'Etat, le chemin de grande communication de Habay à Florenville, du point de jonction de ce chemin à la route de Marbehan jusqu'à Florenville et troisièmement, de voir également déclarer route de l'Etat le chemin de grande communication de Latour à la frontière de France.

Tels sont les vœux exprimés par le conseil provincial du Luxembourg, auxquels je viens m'associer avec la plus vive instance, pour appeler sur eux la prompte et bienveillante sollicitude du gouvernement.

M. Thonissenµ. - Je me permets d'appeler l'attention bienveillante de M. le ministre des travaux publics sur un objet qui intéresse au plus haut degré les communes que doit traverser le chemin de fer d'Anvers à Hasselt.

Aux termes de l'article 4 du cahier des charges annexé à l'acte de concession, le gouvernement a le droit de faire établir des stations et des haltes partout où il le juge nécessaire.

Jusqu'à présent, le gouvernement n'a usé que très sobrement de cette faculté, du moins dans la province du Limbourg. Depuis Curange jusqu'à Diest, c'est-à-dire sur une distance de près de quatre lieues, il n'y a qu'une seule station, et encore l'a-t-on placée dans un endroit écarté au milieu des prairies du Schuelensbroeck.

(page 662) J'espère que M. le ministre des travaux publics voudra bien faire examiner sérieusement cette question. Il me semble indispensable d'établir au moins une halte au village de Spalbeek, à mi-chemin entre les stations de Curange et du Schuelensbroeck. Tout le monde y gagnerait, la compagnie concessionnaire comme les communes intéressées. Depuis plusieurs mois, une pétition conçue dans ce sens a été adressée au département des travaux publics, et jusqu'à présent on n'y a, je crois, donné aucune suite favorable.

Comme la réclamation me paraît tout à fait juste, j'espère que M. le ministre des travaux publics voudra bien y avoir égard.

M. Vander Donckt. - Je viens appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur l'état actuel de l'Escaut, dont il a été bien souvent question déjà dans cette enceinte.

Des travaux importants ont été exécutés dans le but d'obvier aux fréquentes inondations et d'améliorer la navigabilité de cette rivière ; mais ces travaux ont eu précisément le résultat que l'honorable M. de Naeyer a si souvent signalé en ce qui concerne la vallée de la Dendre, c'est-à-dire que les travaux dont je parle ont pour ainsi dire complètement stérilisé les prairies jadis si belles et si fécondes qui existent dans la vallée de l'Escaut depuis Tournai jusqu'à Audenarde et surtout depuis Audenarde jusqu'à Gand.

Ces prairies autrefois si productives et qui payent en contribution foncière à raison de 250 francs l'hectare, tandis que les premières terres labourables ne payent que 90 francs l'hectare, ces prairies, dis-je, ne rapportent exactement plus rien aujourd'hui, par suite de l'absence d'eau pendant la période des irrigations ; et il en résulte une perte sèche que je ne crains pas d'évaluer à plusieurs millions par an, le long de son parcours depuis Tournai jusqu'à Gand.

Ainsi, messieurs, pour obvier aux inconvénients des inondations qui désolaient autrefois la vallée de l'Escaut depuis Tournai jusqu'à Gand, on a redressé son cours et on a fait des travaux de toute nature qui ont parfaitement répondu au résultat qu'on en attendait, mais qui ont eu, en même temps pour conséquence, comme je viens de le dire, de priver les prairies des eaux nécessaires aux irrigations qui leur assuraient leur fécondité.

J'ai donc le droit de tenir à l'égard de l'Escaut le langage qu'a si souvent tenu l'honorable M. de Naeyer à l'égard de la Dendre et de dire qu'il est impossible que le gouvernement ne prenne pas le plus tôt possible les mesures nécessaires pour ramener aux prairies de la vallée de l'Escaut le limon fécondant qui constitue le meilleur engrais dont elles ont besoin à l'époque propre aux irrigations. On a sacrifié les intérêts de l'agriculture aux intérêts de la navigation.

Il y a bien longtemps déjà, et bien avant que M. le ministre des travaux publics actuel eût pris la direction de ce département, son prédécesseur nous a formellement promis de concilier ces intérêts, mais il nous demandait alors d'attendre l'achèvement des travaux sur le canal de Deynze à Schipdonck vers la mer, pour exécuter ensuite les travaux nécessaires sur l'Escaut, dans l'intérêt de l'agriculture.

Ce canal est maintenant achevé et les eaux surabondantes suivent leur cours naturel, mais de manière qu'il est impossible de les utiliser pour l'irrigation des prairies.

On a fait, il est vrai, quelques écluses, mais elles sont tout à fait insuffisantes pour remettre les propriétaires des prairies de la vallée de l'Escaut en possession de leur droit de faire des prises d'eau pour opérer une irrigation régulière et suffisante. J'appelle l'attention spéciale de M. le ministre sur cet objet. J'espère qu'il fera justice.

D'ailleurs, je crois qu'il doit avoir reçu des réclamations à cet égard, car on ne peut pas priver des localités, sur une étendue de plusieurs lieues, des eaux nécessaires pour les irrigations des prairies, sans voir surgir des réclamations. J'espère que M. le ministre aura égard à mes observations et que les travaux seront incessamment entrepris dans ce but.

J'aurais encore beaucoup d'observations à faire, mais ne voulant pas avoir l'air de faire une réclame électorale dont je n'ai pas besoin, et ne voulant pas surtout abuser des moments précieux de la Chambre, je me bornerai à cette seule observation.

M. Faignart. – Comme l'a fait hier l'honorable M. Jouret, je viens appeler l’attention bienveillante de M. le ministre des travaux publics sur le chemin de fer de Houdeng à Jurbise, dont la concession est sollicitée par M. Brasseur. Cette demande ayant été l'objet de développements complets dans une session précédente, je crois inutile d'en rappeler les détails. Cette ligne, outre le mérite d'abréger considérablement la distance entre les lieux de production et ceux de consommation, aura l'avantage de mettre en communication le bassin houiller du Centre avec les lieux de consommation, et de mettre la ville de Roeulx eu rapport direct avec le chef-lieu de la province et celui d'arrondissement ; Rœulx est un chef-lieu de canton qui renferme beaucoup d'industries, notamment une fabrique de sucre de grande importance, beaucoup de brasseries, et il s'y fût un commerce considérable de céréales.

Jusqu'ici cette localité est restée complètement privée de chemin de fer au détriment de ses habitants et de ceux des villages voisins. J'ose espérer que M. le ministre profitera de l'occasion qui lui est offerte pour contracter une convention provisoire pour ce railway soit de Houdeng à Jurbize, ou au chemin de fer du Midi à Neuville avec embranchement vers Soignies. C'est un moyen de donner une légère compensation aux charbonnages du centre, de l'avantage fait à d'autres sociétés charbonnières par la concession du chemin de fer du Piéton à Seneffe.

J'ai eu l'honneur d'entretenir, à différentes reprises, l'honorable chef du département des travaux publics de cette affaire qui intéresse grandement l'arrondissement qui m'a envoyé dans cette enceinte.

J'espère qu'il voudra bien avoir égard à mes observations, ainsi qu'à celles présentées par l'honorable M. Jouret.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Messieurs, bien qu'il y ait encore beaucoup d'orateurs inscrits, je crois devoir prendre la parole en ce moment.

M. B. Dumortier. - Je désirerais parler de l'Escaut.

MpVµ. - Il y a encore six ou huit orateurs inscrits avant vous.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - L'honorable président vient de constater qu'il y a encore six du huit orateurs inscrits avant M. Dumortier ; il y en a sans doute encore d'autres inscrits après l'honorable membre, c'est ce qui m'engage à prendre la parole en ce moment, de crainte d'être noyé dans les détails.

Tous les orateurs qui ont été entendus se sont occupée de faits spéciaux ; je ne les en blâme pas, je ne m'en plains pas, je crois que nous sommes aujourd'hui à cet égard dans une situation qui est amenée par la force des choses.

Il y a quelques années, le chemin de fer était encore l'objet de grandes discussions de principe et en particulier l'exploitation du chemin de fer soulevait de grands débats ; on contestait la bonne exploitation et la possession entre les mains de l’Etat d'un réseau de chemins de fer. Aujourd'hui, grâce au magnifique développement de cette entreprise nationale, la cause du chemin de fer dans les mains de l'Etat est une cause gagnée.

C'est une des grandes questions qui se débattaient dans cette enceinte et qui est aujourd'hui rayée de notre ordre du jour. Nous discutons donc des faits spéciaux, des détails. Je ne choisis pas mon terrain, je suis mes honorables collègues sur le terrain qu'ils ont pris.

Il y a quelques observations qui peuvent recevoir une réponse générale.

Ainsi on a demandé l'extension des lignes télégraphiques, l'augmentation du nombre des bureaux de poste, l'extension des lignes concédées et à concéder. Il est évident que je ne puis que constater le parfait accord qui existe entre les orateurs qui préconisent ces bonnes et excellentes choses et le gouvernement.

On reconnaît que depuis longtemps le gouvernement est entré, pour toutes ces choses, dans la voie du progrès.

Ainsi pour l'extension du réseau télégraphique, le gouvernement n'a pas cessé de réclamer à des intervalles très courts des crédits pour développer le réseau des lignes télégraphiques.

J'en ai déjà demandé trois depuis cinq ans que j'ai l'honneur d'occuper le département des travaux publics. En 1859, en dehors des crédits du budget, j'ai demandé un crédit spécial de 226,000 fr. En 1862, j'en ai demandé un autre de 325,000 fi-., et cette année, j'en ai demandé un de 400,000 fr.„ ce qui fait 651,000 Ir. Voici, du reste, le relevé complet des crédits alloués pour l'établissement des télégraphes :

Loi du 4 juin 1850 : 250,000

Loi du 14 avril 1852 : 150,000

Loi du 7 avril 1854 : 170,000

Loi du 31 décembre 1856 : 180,000

Loi du 27 mai 1859 : 226,000

Loi du 6 août 1862 : 325,000

Loi du 21 avril 1864 : 100,000

Total : 1,401,000 fr.

Cependant je le reconnais, tout n'est pas fait ; on fera encore beaucoup, on fera d'autant plus que la recette annuelle sera plus satisfaisante. Sous ce rapport, nous sommes dans une période véritablement exceptionnelle ; depuis la réduction de la taxe à un franc, le télégraphe suit une progression merveilleuse : la première année il y a eu une progression de mouvement de 80 p. c. sur l'année antérieure. La taxe étant réduite cette progression n'a pas eu pour corollaire une progression équivalente de recette.

(page 663) Cette année les deux progressions correspondent nécessairement, et si l'augmentation que nous avens constatée pour les quatre premiers mois de l'année se continue, nous ferons pendant l'exercice courant une recette en plus sur l'année 1863 de 200,000 francs.

Vous savez, messieurs, que les télégraphes n’ont rapporté jusqu'ici que 600,000 fr.

On pourra donc ultérieurement demander, même dans une proportion plus forte, de nouveaux crédits pour l'extension continue du réseau télégraphique.

En ce qui concerne les postes, messieurs, la statistique n'est pas moins satisfaisante. Depuis 1859 jusqu'en 1863, c'est-à-dire jusques et y compris l'exercice écoulé, j'ai demandé à la Chambre et la Chambre a voté avec empressement des augmentions de crédit qui étaient arrivées, à la fin de l'exercice dernier, à une somme, et cette fois il s'agit d'une dépense budgétaire permanente, de 570,000 fr.

Pour l'exercice courant, dars le budget soumis en ce moment aux discussions de la Chambre, je demande une augmentation qui atteint près de 150,000 fr.

En 6 années le budget normal de la poste se sera accru de plus de 800,000 fr. Je laisse à l'écart ce que les Chambres ont alloué du chef d'augmentation des traitements du personnel.

En continuant sur ce pied, et certainement on continuera sur ce pied, quel que soit le ministre qui occupe ce siège, d'ici à peu d'années on sera arrivé pour cet important et intéressant service à une situation que tout le monde trouvera satisfaisante.

Seulement, messieurs, il ne faut pas que l'on demande l’impossible, que l'on devance le temps pour ces améliorations. Il faut bien se montrer raisonnable.

Ainsi, quand j'entends l'honorable M. Lebeau, et ici si je cite l'honorable M. Lebeau et sa réclamation, ce n'est que par forme d'exemple, se plaindre du service postal de Ransart, je trouve qu'il n'est pas équitable. Ransart, qui est une petite commune à proximité de Charleroi, a deux distributions par jour, et deux levées de lettres par jour, c'est-à-dire que Ransart se trouve dans une position exceptionnelle par rapport à un très grand nombre de communes rurales du pays.

M. B. Dumortier. - Les villes n'en ont pas plus.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Les villes d'une certaine importance en ont plus, mais les villes d'une importance moyenne, n'en ont pas plus.

Messieurs, si je m'occupe de ces détails, c'est que tous les jours j'ai de pareilles réclamations.

L'honorable membre dit : Quand on met une lettre à la poste à Charleroi après huit heures du matin, elle n’est distribuée que le soir à Ransart et l’on ne peut répondre que le lendemain.

Mais, messieurs, cela existe dans toutes les villes et communes du pays. Cela existe même à Bruxelles. Si vous mettez une lettre à la poste à Bruxelles après la levée de la boîte, il est clair qu'elle ne peut partir que par l'expédition suivante. Il faut donc mettre la lettre à la poste avant huit heures, alors elle sera quelques heures après à Ransart et l'on pourra ré pondre dans la journée.

M. Ch. Lebeau. - On envoie des exprès.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Soit, je ne m'y oppose pas, mais je prétends que le service postal suffit aux besoins des correspondances.

On a présenté des observations concernant le service des portes dans les grandes villes, quant à Bruxelles, à Gand et à Liège, vous venez de l'entendre ; ces observations sont parfaitement fondées. La ville la plus mal partagée du pays quant au service postal, c'est peut-être Bruxelles. Bruxelles n'a que quatre distributions ; c'est tout à fait insuffisant. Gand en a cinq, Liège en a également cinq. On en réclame davantage, et on a raison. Pourquoi n'est-il pas fait droit à ces réclamations ? A Bruxelles, pour arriver à un service convenable, il faut une dépense de 60,000 fr. On a créé quelques bureaux succursales à Bruxelles et dans les communes suburbaines. On demande la même chose pour Gand et pour Liège. On a encore parfaitement raison.

J'ai fait étudier, messieurs, ces réclamations, j'ai pris les devants. Pour satisfaire à ces besoins, dont le fondement est reconnu, il faut une somme de 100,000 fr. au moins.

Evidemment on viendra un jour les demander à la Chambre, sinon en une fois, au moins successivement et les Chambres les voteront.

C'est une question d'opportunité.

Il faut, messieurs, courir au plus pressé ; je reconnais les réclamations fondées, mais on y fera droit en temps et lieu.

Quant aux chemins de fer, messieurs, j'ai déjà été amené à déclarer que le gouvernement croit qu'il est prudent, qu'il est commandé par l'intérêt même des chemins de fer dont on demande la concession, d'ajourner les concessions nouvelles ; que le gouvernement croit qu'il y a actuellement sur le marché assez de chemins de fer pour les capitaux disponibles et qu'aller au delà, c'est compromettre en même temps les concessions déjà accordées, et les concessions nouvelles demandées.

Messieurs, en fixant à 2,000 kilomètres la longueur des chemins de fer concédés depuis cinq ans, je sois en dessous de la vérité. On en a concédé 2,000 par les lois nouvelles, mais j'ai octroyé diverses concessions en vertu de lois anciennes, et certes en faisant un compte exact on arriverait bien près de 2,500 kilomètres. Mettons 2,000, cela fait 400 lieues. Que coûte un chemin de fer par lieue eu prenant un chiffre modéré ? Un million. Cela fait donc, pour ce qui est concédé, pour ce qui est en voie de réalisation, 400 millions.

Croyez-vous, messieurs qu'on pourrait impunément ajouter encore des centaines de millions à ceux que l'on demande pour les besoins de la Belgique ? Je ne le crois pas.

La Belgique fournit elle-même une minime partie seulement de ces fonds. Ils viennent principalement de l'étranger et surtout de l'Angleterre, car l'argent pour les chemins de fer est à meilleur marché en Angleterre qu'en France.

Les Anglais opèrent dans le globe entier, ils font des chemins de fer en Australie, aux Indes, en Egypte, ils en font partout, mais il ne faut pas croire qu'il soit possible de demander indéfiniment de l'argent à l'Angleterre pour la construction de chemins de fer en Belgique.

Que feriez-vous ?

Vous rendriez l'argent cher et vous empêcheriez d'autres entreprises, ou bien, ce qui revient au même pour nous, ce qui causerait le même préjudice, vous' amèneriez ceux qui mettent des capitaux dans les entreprises de ce genre à choisir les meilleures. Les médiocres seraient abandonnées.

Je dis donc qu'il est prudent, pour le moment, de ne pas accumuler le» concessions, de s'en tenir à celles qui sont octroyées, d'attendre, pour donner des concessions nouvelles, que les anciennes se soient développées davantage.

On m'a demandé, en ce qui concerne les anciennes concessions, ce qu'il est advenu, entre autres, du chemin de fer de Landen à Aye et de l'affaire Forcade.

Quant au chemin de fer de Landen à Ave, j'ai à informer la Chambré que le cautionnement définitif de 600,000 fr. a été versé. L'entreprise se poursuit activement. Il y a un entrepreneur avec lequel un contrat a été signé. Les stations sont en ce moment soumis à l'approbation du département des affaires étrangères. Il n'y a aucune difficulté, et je pense que dans un avenir prochain on mettra la main à l'œuvre.

L'entreprise Forcade se trouve à peu près dans la même situation. Le cautionnement d'un million a été versé ; l'on s'occupe de réunir le capital et de tracer les plans. Un très grand nombre d'ingénieurs parcourent le Luxembourg. C'est un fait qui se passe au vu et au su de tout le mondé, et je crois que prochainement les plans pourront être soumis au département des travaux publics.

Cette affaire de la concession Forcade a été, messieurs, pour l'honorable M. Van Hoorde, l'occasion de récriminations acerbes qu'il a lancées contre le gouvernement ; je suis encore à me demander pourquoi ?

Au sujet de cette concession dont on demandait des nouvelles, ce qui était parfaitement légitime, M. Van Hoorde a prétendu que le gouvernement avait négligé, d'une manière scandaleuse, les intérêts de la province de Luxembourg en général et spécialement ceux de l'arrondissement de Bastogne.

Messieurs, je dois protester, à mon tour et très vivement, contre le reproche que l'honorable M. Van Hoorde s'est plu à lancer au gouvernement. Il n'est pas exact de dire ni que la province de Luxembourg ait été négligée par le gouvernement d'une manière générale, ni que l'arrondissement de Bastogne l'ait été en particulier. Je crois qu'il est extrêmement facile de le prouver et je vais essayer de le faire sans faire perdre de temps à la Chambre.

L'honorable membre a parlé de justice distributive ; il a prétendu que la province de Luxembourg n'avait pas eu sa part des faveurs budgétaires. Eh bien, quand on parle de justice distributive, quand on prétend que le Luxembourg n'a pas eu sa part, il faut d'abord déterminer la part à laquelle le Luxembourg a droit par la position qu'il occupe dans le pays.

(page 664) Comme premier élément de comparaison, je m'enquiers de savoir quelle est la population du Luxembourg relativement au reste du pays.

Je trouve qu'à la fin de 1862, la population entière de la Belgique était de 4,855,000 habitants ; et la population du Luxembourg de 204,000 habitants.

Il y a, messieurs, un autre terme de comparaison ; c'est le chiffre des contributions que l'on paye, et dans l'ensemble du pays et dans la province de Luxembourg.

Je n'ai que l'état de 1862, mais évidemment celui de 1863 et de 1864, n'est pas de nature à apporter une modification quelque peu sensible dans les chiffres que je vais faire connaître à la Chambre.

J'ai donc fait dresser pour l'année 1862 le montant par province des contributions foncière et personnelle et des patentes y compris les centuries additionnels versés dans les caisses de l'Etat, et voici le résultat auquel j'arrive. Ce résultat, j'en garantis la parfaite exactitude.

(Ce tableau n’est pas repris dans la présente version numérisée)

On paye donc du chef de ces trois impositions dans le pays, 33,358,613 fr., et la province de Luxembourg paye pour sa part 901,000 francs, c'est-à-dire qu'elle ne paye pas le 1/33 du montant de l'impôt général.

Voilà donc deux termes de comparaison : la population d'un côté, les contributions directes versées dans les caisses de l'Etat de l'autre.

Voilà ce que le Luxembourg mérite ; voilà ce qu'il paye. Voyons ce qu'il a obtenu.

Messieurs, la construction des canaux, la construction des routes, la construction des chemins de fer, voilà évidemment les trois modes sous lesquels se manifeste l'activité en matière de travaux publics.

Qu'est-ce que le Luxembourg a eu sous ce triple rapport ?

En fait de canaux, il n'a rien eu, et cela par une excellente raison, c'est qu'il ne peut rien avoir. La configuration du sol ne se prête pas à la construction de canaux dans le Luxembourg.

Ainsi, à ce point de vue, néant.

Qu'est-ce que le Luxembourg a eu en fait de routes ? Cela est plus intéressant.

Je tiens à la main un état indiquant la longueur des routes en lieues construites jusqu'à la fin de 1863. Jusqu'à la fin de 1863, on avait construit, depuis 1830, dans le Luxembourg, 108 lieues de grandes routes aux frais exclusifs de l'Etat.

La province la plus favorisée après celle de Luxembourg (car elle est la plus favorisée de toutes), c'est la province de Namur, qui a eu 90 lieues.

M. Wasseige. - Elle ne se plaint pas.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Elle ne se plaint pas ; elle aurait bien tort de se plaindre.

Après vient la province de Liège, 73 lieues ; la province de la Flandre occidentale, 57 lieues, et puis nous tombons dans les chiffres modestes.

M. de Naeyer. - Surtout pour la Flandre orientale.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Et en tenant compte des routes qui existaient avant 1830, nous trouvons que la province de Luxembourg possédait jusqu'à la fin de 1863, 141 lieues de route. Elle est ex aequo avec la province de Namur et je pense que c'est pour ce motif que l'honorable M. Wasseige consent à ne pas se plaindre : c'est qu'aucune province ne devance celles de Luxembourg et de Namur.

Les provinces de Luxembourg et de Namur ont donc chacune 141 lieues de routes faites aux frais de 1 Etat.

Puis vient la Flandre occidentale, 135 lieues ; Liège, 119.

Et puis nous descendons rapidement la pente.

La province de Luxembourg est donc en tête avec la province de Namur.

Seulement pour que ces deux provinces soient ainsi arrivées à être placées en tête et sur la même ligne, il a fallu dans le même espace de temps construire 108 lieues de routes dans le Luxembourg et 90 lieues dans la province de Namur.

Voici au surplus le tableau général indiquant la longueur des routes en lieues pour chacune des provinces jusqu'en 1863.

Routes de l’Etat construites avant et après 1830.

Anvers : avant : 23, après : 31. Total 54.

Brabant : avant : 80, après :17. Total 97.

Flandre occidentale : avant : 78, après : 57. Total 135.

Flandre orientale : avant : 69, après : 16. Total 85.

Hainaut : avant : 91, après : 5. Total 96.

Liége : avant : 46, après : 73. Total 119.

Limbourg : avant : 19, après : 62. Total 81.

Luxembourg : avant : 33, après : 108. Total 141.

Namur : avant : 51, après : 90. Total 141.

Total : avant : 490, après : 459. Total 949.

Voyons maintenant ce qu'il en a coûté pour construire ces routes ; quelle est la dépense qui a été faite pour chacune des provinces du pays.

Eh bien, le Luxembourg a puisé dans les caisses de l'Etat (je parle toujours des caisses de l'Etat seules), pour la construction de ses routes, à concurrence de 7,039,000 fr.

La province la plus favorisée, après le Luxembourg, c'est la province de Liège, qui n'a obtenu que 5,571,000 fr.

Le Luxembourg a donc eu sur les caisses de l'Etat 1,500,000 fr. de plus que la province la plus favorisée après lui.

Voici le relevé des dépenses faites par l'Etat, pour construction de routes, depuis 1830 jusqu'au 1er janvier 1862,

Anvers : fr. 3,160,002 51

Brabant : fr. 3,721,825 86

Flandre occidentale : fr. 3,145,475 08

Flandre orientale : fr. 2,590,558 61

Hainaut : fr. 3,026,377 39

Liège : fr. 5,571,808 48

Limbourg : fr. 4,452,091 16

Luxembourg : fr. 7,029,366 77

Namur : fr. 5,330,444 61

Total : fr. 38,117,950 47.

Permettez-moi un troisième rapprochement.

Quelle est la longueur des routes par habitant dans chaque province ou quel est le rapport entre la longueur des routes existant dans chaque province et la population ? Qui est-ce qui marche encore en tête ? C'est la province de Luxembourg, Elle a un kilomètre de route par 231 habitants ; (page 665) la province la plus favorisée qui vient après, c'est encore la province de Namur qui a un kilomètre par 338 habitants, et la moyenne du rapport pour tout le royaume entre la population et la longueur des routes, c'est un kilomètre sur 709 habitants.

Le tableau qui suit donne le détail par province, au 31 décembre 1860 (kilmètres de route par habitants.

Luxembourg, 231.

Namur, 383.

Limbourg, 488

Liége, 733.

Flandre occidentale, 747.

Hainaut, 877.

Brabant, 899.

Anvers, 907.

Flandre orientale, 995.

Royaume, 709.

Je pense donc, messieurs, que par rapport aux routes, la situation n'est pas trop mauvaise pour le Luxembourg et qu'à cet égard l'honorable M. Van Hoorde a eu le grand tort, et je puis ajouter, la grande maladresse de faire des reproches au gouvernement. Je dis « la grande maladresse » parce que je ne pense pas qu'il ait beaucoup à se féliciter de la publication des chiffres que je viens de faire connaître.

M. de Moorµ. - Et il en aura la responsabilité.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - J'arrive aux chemins de fer. Le gouvernement n'a pas construit de chemins de fer dans le Luxembourg, il n'en a pas construit directement, mais il en a construit indirectement en assurant l'exécution du réseau du Luxembourg au moyen d'une garantie d'intérêt.

Eh bien, messieurs, le gouvernement se trouve engagé aujourd'hui envers l'ensemble de toutes les lignes qui jouissent d'une garantie d'intérêt, jusqu'à concurrence de 2,385,000 fr. Quelle est la part du Luxembourg dans ce chiffre ? Le Luxembourg a eu une première fois 800,000 fr., c'est-à-dire le tiers du tout.

M. Van Hoordeµ. - Et Bastogne ?

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Ne soyez pas trop pressé ; je parlerai de Bastogne.

Le Luxembourg a donc reçu une première fois 800,000 fr., puis, messieurs, cette garantie de 800,000 fr. a été appliquée une deuxième fois à la ligne de Spa à la frontière du Grand-Duché, et à la ligne de l'Ourthe dans lesquelles je crois que le Luxembourg a un grand intérêt.

Je le demande donc, messieurs, est-ce que, en matière de chemins de fer, le Luxembourg peut être admis à se plaindre plus qu'en matière de routes ? Je dis que la province de Luxembourg a été favorisée. Je ne m'en plains pas, je n'en fais de reproche à personne, je trouve, au contraire, qu'on a extrêmement bien fait.

Je trouve qu'en fécondant ainsi le Luxembourg, en le sillonnant de magnifiques routes et lignes de chemins de fer, on a fait véritablement la conquête d'une province. Au point de vue politique on a parfaitement bien fait ; mais au point de vue économique, l'honorable M. Van Hoorde a eu tort, et grand tort, de récriminer.

Parlons maintenant de l'arrondissement de Bastogne en particulier.

De quoi l'honorable M. Van Hoorde se plaint-il ? Qu'a-t-il invoqué lorsqu'il a dit que l'arrondissement de Bastogne était traité avec une partialité révoltante ?

Il n'a pas demandé une rivière, et il a demandé une route pour l'avenir ; mais je défie l'honorable membre de citer une seule route qui ait été refusée à l'arrondissement de Bastogne, je ne dirai pas une route réclamée par son honorable prédécesseur, il pourrait l'accuser d'insouciance, mais une route réclamée par une autorité locale ou par la province.

Reste donc, messieurs, la question du chemin de fer ; eh bien, voyons ce qui en est.

Le chemin de fer du Luxembourg a fait l'objet d'une première concession en 1846 ; en 1851 il a fallu reprendre l'affaire, la révolution de 1848 avait passé par là ; l'entreprise était tombée, il fallait la relever, qu'a-t-on fait et qui a fait ?

Messieurs, on a assuré la construction du réseau du Luxembourg par la garantie d'un minimum d'intérêt. Qui est-ce qui a fait cela ? C'est nous, membres de la gauche, en général, et c'est l'honorable M. d'Hoffschmidt en particulier.

C'est l'honorable M. d'Hoffschmidt qui occupait alors le ministère des affaires étrangères et qui s'est mêlé à cette affaire avec le plus grand dévouement et avec la plus grande habileté.

M. Allard. - C'est à cause de lui que nous avons voté la proposition.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. – Qui est cequi a combattu l'embranchement de Bastogne ? Ce sont les amis politiques de l'honorable M. Van Hoorde. C'est l'honorable M. Osy qui a combattu très vivement le principe de la garantie d'intérêt. C'est l'honorable M. de Man d'Attenrode, c'est l'honorable M. Malou, c'est l'honorable M, Dumortier. (Interruption.) Comment non !

Voici, messieurs, ce que disait l'honorable M. Malou, et je le cite de préférence parce qu'il a toujours joui dans cette Chambre d'une autorité incontestable et parfaitement méritée.

Voici comment il s'exprimait dans la séance du 13 août 1851 :

« La deuxième application de la garantie d'un minimum d'intérêt a lieu pour le chemin de fer du Luxembourg.

« On se fait, au point de vue international, et au point de vue de l'influence de ce chemin de fer, comme utilité locale, de très grandes illusions, ce me semble. L'expérience démontre que le chemin de fer est un très puissant instrument, lorsque les bras existent pour le faire mouvoir. Mais s'imaginer que la création d'un chemin de fer, dans une province où la population n'est pas formée, où l'agriculture n'est pas développée, où l'industrie existe à peine, va la transformer tout à coup en Eldorado, c'est se faire une étrange illusion. L'influence du chemin de fer est très grande, c'est un instrument puissant, mais lorsque les forces existent pour le mettre en activité.

« Je comprendrais que le gouvernement, après s'être assuré que le chemin de fer pourra se prolonger en Allemagne sur le territoire du grand-duché, jusqu'au Rhin et au delà, vienne, par la garantie d'un minimum d'intérêt, assurer l'exécution de la ligne principale qui aurait un caractère international. Mais je vous demande ce qu'il y a d'international dans les embranchements dont je parlais tout à l'heure, si insignifiants qu'à l'un deux j'avais même assigné une fausse direction. »

Dans sa verve caustique, l'honorable M. Malou avait confondu, au commencement de son discours, Bastogne avec Virton et il s'excusait en disant que la chose était tellement insignifiante, qu'il était parfaitement permis de se tromper à cet égard.

L'honorable M. Malou ne s'est pas borné à combattre plusieurs fois l'embranchement de Bastogne, il s'en est occupé avec une rare persévérance, pendant la discussion de 1851 ; il y revient spécialement dans la séance du 20 août 1851 :

« L'intervention du gouvernement, dit-il, pour le chemin de fer du Luxembourg, parce qu'on le représente comme la première section d'une grande ligne internationale qui doit nous mener par la ligne la plus courte à Trieste et plus tard aux Indes ! Si la ligne du Luxembourg ne se présentait pas comme une section d'une ligne internationale, il n'y aurait pas de discussion sérieuse possible pour engager pour un terme aussi long, pour une somme aussi forte la garantie de l'Etat. Si c'est là le seul motif qui puisse justifier le vote de la Chambre en faveur du Luxembourg, pourquoi engager l'avenir de nos finances pour construire quelques embranchements dont le produit sera pour longtemps insignifiant ?

« Je ne suis mû par aucune pensée d'hostilité contre telle ou telle localité ; mais dans cet immense débat d'intérêts ouvert devant vous, quand pour la première fois nous appliquons ce principe qui renferme tant de dangers, ne devons-nous pas chercher à en restreindre l'application ?

« Or, je demande que l'on me démontre qu'il y a des motifs d'intérêt général d'accorder dès à présent la garantie de l'Etat en faveur des embranchements du chemin de fer du Luxembourg. »

L'honorable M. Dumortier, à son tour, éprouvait le besoin de se mêler au débat et voici comment il s'exprimait dans la séance du 20 août 1851 :

« Je n'ai plus qu'un mot à dire sur les embranchements.

« En 1837, j'ai proposé le chemin de fer du Luxembourg ; c'était une ligne politique pour faire voir aux habitants des parties cédées que nous ne voulions pas les abandonner. Je ne recule pas devant la dépense, c'est la ligne pour laquelle j'ai le plus de sympathie ; mais la ligne principale est déjà un immense sacrifice. Remarquez que c'est une dépense de 22,500,000 francs. Cette ligne absorbe à elle seule la moitié de toute la somme affectée aux concessions. Mais je ne comprends pas des embranchements vers Bastogne, ville de 2,500 âmes, vers Marche, ville de 2,000 âmes. Lorsque vous avez cinq lieues et sept lieues à faire pour arriver à de telles localités, il est évident que le revenu de ces sections ne couvrira pas les frais d'exploitation. »

(page 666) Je fais cette citation, pour constater sur quels bancs de la Chambre on a combattu l’embranchement de Bastogne. C'est le parti libéral qui l'a fait triompher. Voici ce qui s'est passé : L'honorable M. Matou n'a pas déserté son idée de faire rejeter l'embranchement : il a déposé un amendement ; cet amendement n'a eu pour lui au vote que 24 voix ; il a été rejeté par 54 voix ; dans les 24 voix qui l'ont adopté, la droite comptait 18 membres et le parti libéral 6 membres.

Dans les 54 opposants, le parti libéral compte 40 membres et la droite, 8 membres. C'est donc le cabinet libéral et ses honorables amis qui ont sauvé l'embranchement de Bastogne....

M. B. Dumortier. - Sur le papier d'abord.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - ur le papier d'abord, et puis autrement, comme vous allez le voir.

Voilà donc en 1851 une loi du 20 décembre qui assure autant que possible l'exécution du réseau du Luxembourg, y compris les embranchements.

On arrive à l’échéance des délais, sans que le chemin de fer et les embranchements soient exécutés. Il faut pourvoir à leur prorogation. On est en 1855. Qui préside à la nouvelle convention ? C'est un ministère choisi dans les rangs de la droite, l'honorable M. Dumon. Dans la nouvelle convention, toutes les obligations de la compagnie da Luxembourg sont de nouveau spécifiées ; on n'omet qu'une chose, c'est de dire quand les embranchements seront exécutés.

L'honorable M. Dumon avait proposé à la compagnie de stipuler également, dans la nouvelle convention, l'époque à laquelle devait être construit le chemin de fer de Bastogne en particulier.

La compagnie n'a pas osé assumer cette obligation à jour fixe ; elle a informé officiellement par écrit le département des travaux publics, qu'à aucun prix elle ne pouvait se charger de l'exécution de l'embranchement de Bastogne à date précise ; le ministre d'alors a accepté la proposition que lui faisait la compagnie du Luxembourg. Et voilà comment en 1855 on a fait avec cette compagnie une nouvelle convention où l'on a spécifié à nouveau toutes les obligations, excepté celle portant sur l'exécution de l'embranchement de Bastogne.

En 1862, le gouvernement est obligé d'intervenir une troisième fois, lorsqu'il passe la convention relative à la ligne de l'Ourthe et du Grand-Duché ; le cabinet libéral profite de cette occasion pour réparer l'omission que présentait la convention de 1855 relativement à l'embranchement de Bastogne ; la convention conclue en 1862 contient l'obligation formelle, inéludable, pour la compagnie du Luxembourg, d'exécuter l'embranchement de Bastogne dans le même délai que la ligne de l'Ourthe.

Où est donc la faute du cabinet libéral ? Où est la faute des députés qui le soutiennent ? Si l'arrondissement de Bastogne a son embranchement, n'est-ce pas à nous, à nous seuls, qu'il le doit ? Et n'est-ce pas d'une injustice impardonnable de venir accuser le cabinet libéral d'avoir négligé complètement les intérêts de l'arrondissement de Bastogne ? L'arrondissement de Bastogne aura son chemin de fer, mais il ne l'aura que par nous.

Messieurs, l'honorable M. Ch. Lebeau vous a parlé de la station de Charleroi, il s'est plaint du retard apporté à l'exécution des travaux de cette station.

Je ferai remarquer à l'honorable membre que, quelles que soient les apparences, nous ne sommes pas en retard. Il est encore beaucoup d'autres villes, plus importantes que celle de Charleroi, qui ne jouissent pas d'une station définitive. Je citerai notamment Bruxelles (nouvelle station du Midi), Liège, Mons, etc. ; je puis donc dire que les intérêts de la ville de Charleroi n'ont pas été négligés. L'honorable membre sait d'ailleurs que le gouvernement a entamé des négociations, notamment avec les compagnies du Nord français et de l’Est-Belge pour arriver à une entente.

L'Est-Belge a demandé que les pourparlers fussent ajournés jusqu'au moment où le projet de fusion avec d'autres sociétés de chemins de fer serait un fait accompli. Ce vœu a dû nécessairement être pris en considération.

Quant à l'exécution de la section de Tamines à Fleurus du chemin de fer de Tamines à Landen, la société concessionnaire n'a jamais songé à e soustraire aux obligations qu'elle a contractées. Les plans viennent d'être approuvés.

L'honorable, M. de Moor m'a adressé quelques questions.

Il est un point des interpellations de l'honorable membre qui est bien délicat à raison du caractère grave et triste du fait qu'il a rappelé ; je veux parler de l'acciden t qui est arrivé sur le chemin de fer de Namur à Dinant.

L'honorable membre m'a demandé si le gouvernement était parvenu à se faire éclairer complètement sur les causes de l'accident. Je regrette de devoir répondre que non. Après des enquêtes les plus minutieuses et réitérées, l'administration est restée, quant aux causes de l'accident, dans l'ignorance la plus absolue.

Sur dix accidents de ce genre qui arrivent sur le chemin de fer, il y en a neuf dont on ne parvient point à préciser les causes. La circonstance la plus futile, la chose la plus insignifiante peut provoquer un véritable désastre sur les chemins de fer ; une rupture d'essieu, de chaînes, de vis, un boulon qui saute, un rail qui se relève un peu, etc. ; eh bien, dans la plupart des cas, on en est réduit aux conjectures ; on ne doit donc pas s'étonner que pour l'accident que l'honorable membre a rappelé, l'administration n'ait pas pu obtenir des éclaircissements précis.

L'honorable député m'a demandé spécialement si l'accident ne devait pas être attribué à la longueur exceptionnelle d'une des berlines.

Je dois répondre que non.

Quant au rayon des courbes, il n'y a pas de discussion possible : la courbe, à l'endroit où l'accident a eu lieu, est de 500 mètres. (Interruption.) Cela n'est pas contestable. Eh bien, messieurs, une courbe de 500 mètres, suivant le mode actuel d'exploitation, n'offre aucune espèce de danger.

M. de Moorµ. - Quand elle n'est pas suivie d'une contre-courbe.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Cela ne fait rien ; dans l'espèce, cette circonstance est tout à fait indifférente.

En ce qui concerne la longueur de la berline qui a été brisée, cette voiture n'avait qu'un mètre et quelques centimètres de plus que les voitures ordinaires ; et il est certain, pour tous les hommes techniques qui ont été consultes, que cet excédant de longueur, dans une courbe de 500 mètres, est chose insignifiante.

M. Coomans. - En Suisse, il y a des voitures beaucoup plu» longues.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Evidemment, il y a des pays où les voitures sont beaucoup plus longues et les courbes plus raides.

L'honorable membre a demandé également où est le projet de route de Maissin à Libin. On s'occupe de l'acquisition des terrains de la première section, et la route pourra être mise en adjudication vers la fin de cette année.

A propos de routes, l'honorable M. Van Hoorde a demande que le gouvernement décidât le prolongement jusqu'à Houffalize de la route de Libramont à Herbeumont.

Je répondrai qu'il n'y a pas lieu de statuer actuellement sur ce point. La route de Libramont à Herbeumont n'est encore construite qu'en partie, et il s'agit de la continuer et de l'achever, avant de se demander ce que l'on fera ensuite.

Il n'y a donc aucune opportunité pour le département des travaux publics à statuer actuellement sur cette affaire.

J'arrive aux observations de l'honorable M. Debaets.

Je ne dirai qu'un mot en passant de la modification qu'il a réclamée en ce qui concerne la législation sur l'expropriation forcée. L'honorable membre voudrait voir introduire le système de l'expropriation par zones qui existe en France. Il s'appuie, pour recommander cette mesure, sur des raisons d'équité.

Je suis loin de contester que dans certains cas, il puisse y avoir, il y a, en effet, des motifs puissants d'équité pour adopter ce système ; mais, dans son ensemble, il est certain que c'est une loi très délicate à faire. Nous avons déjà fait une loi de ce genre qui a eu assez peu de succès, quoiqu'elle fût, je ne dirai pas très modeste, mais très timide ; c'est la loi d'expropriation pour cause d'assainissement. Eh bien, c'est une loi qui reste à peu près à l'état de lettre morte, à cause, d'abord, de la résistance des propriétaires, et ensuite, il faut bien le dire, du sentiment hostile de l'opinion. En Belgique, on a un extrême respect pour la propriété.

M. Guillery. - Et on a raison.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je ne dis pas le contraire ; je constate simplement un fait ; et je dis que quand on tente seulement de toucher à la propriété, les réclamations surgissent de toutes parts et même du sein des Chambres législatives. C'est donc une question à tenir en suspens et que résoudra probablement l'état des mœurs bien plus que les dispositions du gouvernement.

L'honorable membre a parlé aussi d'Hansbeke, et si j'en dis un mot c'est par un motif tout spécial.

J'ai déjà transmis, à diverses reprises, des explications à la section centrale au sujet de ce pont, et ces explications ont été chaque fois imprimées.

Si donc je reviens sur ce sujet, c'est qu'il a fourni à l'honorable membre l'occasion de parler du libéral et du clérical ; c'est qu'à propos de ce pont l'honorable membre, sans accuser positivement le ministre de (page 667) mettre de la politique dans cette affaire, a cependant insinué qu'on pourrait bien attribuer à des motifs politiques l'ajournement que subit la construction de cet ouvrage.

J'ai, à cet égard, une réponse fort simple à faire ; c'est que si je voulais exploiter cette affaire dans un but électoral, je m'empresserais d'ordonner la construction du pont en question, attendu qu'il serait établi dans mon arrondissement et que je pourrais m'armer de cette faveur pour solliciter les suffrages des populations intéressées.

Mais non, messieurs, je suis guidé par des considérations plus élevées que les préoccupations d'un intérêt personnel. Je ne poursuis pas, pour le moment, la construction du pont d'Hansbeke, parce que je n'a pas d'argent et que si j'en avais pour faire un travail de ce genre, je devrais ordonner immédiatement la construction de vingt autres ouvrages de même importance et ytilité ; de sorte que j'aurais à faire une dépense non pas de 50,000 fr., mais de 500,000 fr. et plus.

L'honorable membre s'est beaucoup plaint de la lenteur qu'ont éprouvée les travaux d'approfondissement du canal de Gand à Bruges, et en particulier la construction d'un siphon.

Il est regrettable, je le reconnais sans peine, qu'un chômage qui ne devait être que de 70 jours, je pense, ait duré 3 à 4 mois ; mais que voulez-vous que j'y fasse ? Nous avons avec l'entrepreneur qui a exécuté ce travail un cahier des charges ; ce cahier des charges fait loi entre l'entrepreneur et l'Etat ; le cas de retard dans l'exécution est prévu et puni d'amende. C'est la seule arme dont nous puissions faire usage.

Or, l'entrepreneur prétend même qu'il n'a pas encouru cette pénalité ; qu'il s'est trouvé dans un cas de force majeure.

Quoi qu'il en soit, il est très fâcheux, je le reconnais, que la navigation ait été interrompue si longtemps mais je dis que je n'y puis rien contre l'entrepreneur si ce n'est d'ordonner la stricte exécution du cahier des charges.

M. Debaets. - Et l'exécution d'office.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Sans doute, nous avons ce moyen extrême ; mais on ne pouvait pas en user aussi longtemps que l'entrepreneur était dans les termes de son contrat.

On travaille d'office quand il est trop tard, et quand, dans l'espèce, ce moment est arrivé, l'entrepreneur a travaillé avec autant d'activité qu'un autre aurait pu le faire.

Quant aux dimensions du siphon déclarées insuffisantes, je dis, au contraire, qu'elles sont parfaitement suffisantes et qu'il n'y a aucune appréhension à avoir de ce chef pour l'avenir.

L'honorable M. Debaets a encore parlé de l'introduction de timbres à cinq centimes pour la circulation des lettres dans une même commune.

Messieurs, je suis, d'instinct, par tempérament, partisan de réformes ou tout au moins d'essai de réformes de cette nature. Eh bien, j'avoue que je ne parviens pas à m'échauffer sur cette question. J'ai beau tourner et retourner l'affaire au point de vue des avantages que le public retirerait de cette mesure, je ne parviens à en découvrir que d'insignifiants à côté d'inconvénients assez sérieux.

Il y a déjà trois ou quatre ans, je crois, que la question a été soulevée dans cette Chambre, et, si ma mémoire est fidèle, c'est l'honorable M. Henri Dumortier qui en a parlé le premier.

Eh bien, quoique la question ait été lancée dans le public, le public s'en est très peu préoccupé.

Je dois constater que, sauf peut-être une ou deux chambres de commerce qui ont allongé de l’énonciation de cette réforme la liste des vœux qu'elles émettent annuellement, personne n'a adressé de réclamation au gouvernement.

J'en conclus que le public est resté à peu près aussi froid que moi sur cette affaire.

Et pourquoi en est-il ainsi ? Mais parce que le public n'aurait pas d'avantages réels à retirer de celle réforme. Je comprends très bien qu'on s'écrive dans une même ville d'une grande étendue, comme Londres, Paris, Marseille ; mais dans des centres aussi restreints que le sont généralement les villes de Belgique, on préfère se charger soi-même de ses commissions, sauf dans les cas d'urgence et dans ces cas, messieurs, la poste n'est d'aucun secours, la poste ne distribuant les lettres qu'un certain nombre d'heures après le dépôt dans la boîte.

Or quand on a quelques heures devant soi, on fait ses commissions soi-même ou on les fait faire, dans des centres de population comme ceux que nous avons.

Il y a une réforme promise, acceptée, que je vais indiquer, qui est généralement réclamée, c'et l'abaissement de la taxe pour le transport des échantillons.

En 1849, la taxe des échantillons a été fixée à la taxe de la lettre ordinaire ; dans les conventions internationales, nous avons abaissé la taxe pour le transport des échantillons, de sorte qu'il en coûte plus aujourd'hui pour faire circuler des échantillons à l'intérieur même à courte distance que pour les faire voyager à l'étranger. Voilà un principe qui est accepté ; j'ai un regret, c'est que la session soit si avancée, que je n'aurai peut-être pas le temps de présenter un projet ; toutefois je ferai tous mes efforts.

L'honorable M. Debaets croit que c'est dans un intérêt local qu'on établit des convois de banlieue, il croit que sous ce rapport la ville de Bruxelles a été avantagée, et il voudrait qu'on établît des convois semblables à Gand ; on devrait en établir aussi pour Anvers et Liège. Ce que réclame l'honorable membre n'est ni raisonnable ni juste.

Voici ce qui a été fait, voici ce qui a été l'occasion de l'organisation des convois de banlieue : On avait fait une enquête en France sur la rapidité de la marche des convois ; à la suite de cette enquête une circulaire du ministre des travaux publics de France, a invité les compagnies à donner à leurs convois express une vitesse de 60 kilomètres à l'heure et aux convois ordinaires une vitesse de 40 kilomètres. Or, je ne pense pas que l'exploitation de l'Etat en Belgique puisse être au-dessous de n'importe quelle exploitation du continent ; elle ne doit négliger aucun progrès.

J'ai dû vérifier dans quelle situation était notre exploitation quant à la vitesse des trains. J'ai constaté que nos express avaient la vitesse que le ministre français invitait les compagnies à introduire, mais que nous étions loin d'avoir une vitesse de 40 kilomètres effectifs à l'heure pour les convois ordinaires ; en effet, elle n'est parfois que de 33 kilomètres, 32, 31 et même 30.

J'ai pensé que cet état de choses ne pouvait pas se prolonger. Mais nous luttons contre une difficulté spéciale, c'est la multiplicité des points d'arrêt ; si vous supprimez des haltes, vous provoquez immédiatement des réclamations ; alors on a songé à les supprimer artificiellement par l'organisation des trains de banlieue. On en a organisé à Bruxelles dais diverses directions, vers Alost, Louvain, Braine-le-Comte ; mais ce n'est pas Bruxelles seul qui en profite, c'est Charleroi, Mons, Liège, Gand ; ce qui a été fait ne l'a pas été pour Bruxelles, mais pour les relations entre les grands centres que je viens d'indiquer.

Maintenant que résulterait-il de la généralisation de ce mode, quelle serait la situation si, après avoir organisé un train de banlieue de Bruxelles à Alost, on en établissait également un de Gand sur Alost ? Il y aurait un double service ; vous auriez, à côté des convois ordinaires, des convois express.

L'organisation des trains de banlieue entraîne déjà une augmentation de 800 kilomètres de parcours par jour ; il en résulte une dépense considérable ; qu'en résulterait-il, si on généralisait ce service ? La dépense serait exorbitante.

Il faut reconnaître qu'on n'a pas agi en vue seulement de Bruxelles, mais de toutes les localités importantes. Aucune grande ville n'est donc admise à se plaindre.

L'honorable M. Beeckman a parlé d'un canal de Diest à Hasselt. L'étude a été faite ; la section dont parle l'honorable membre devrait coûter 2,500,000 fr. ; en 1855, M. Dumon a informé les intéressés qu'il n'y avait pas lieu de donner suite à leur demande, à raison des engagements pris ; cette objection est valable avec plus de fondement aujourd'hui par suite des immenses travaux qui ont été décrétés ; à la différence de 1855, on est en train d'achever la construction du chemin de fer d'Anvers à Diest et Hasselt ; ce chemin de fer doit améliorer la situation de cette partie du pays.

Quant au service de la poste, à l'établissement de bureaux sur la ligne d'Anvers à Hasselt, il est évident que la construction de chaque ligne nouvelle entraîne des modifications dans le service postal.

L'honorable M. de Conninck a parlé du retard apporté à la construction du pont de Knocke, et il a attribué ce retard non à la nécessité de faire des études que j'ai indiquée, mais à la négligence ; je ne sais de la négligence de qui il veut parler, est-ce de l'administration centrale ? Ce n'est pas concevable. Que fait-elle quand un projet lui arrive ? Elle ne fait que vérifier et arrêter le cahier des charges ; ce ne serait alors que la négligence des ingénieurs ? Je dois protester contre cette imputation injuste. A aucune époque, depuis trente ans, le corps des ponts et chaussées n'a eu autant d'études à poursuivre et ne s'est acquitté de sa tâche avec autant de zèle, d'intelligence et de dévouement. Nous avons exécuté pour 40 millions de travaux hydrauliques sans un seul agent supplémentaire, pour les études préliminaires pas un seul fonctionnaire n'a été adjoint au corps des ponts et chaussées, et ces hommes vaillants qui étaient déjà occupés et (page 668) sérieusement occupés par leur besogne ordinaire, ont encore trouvé le temps de suffire à cette énorme besogne extraordinaire. Je dis qu'il est injuste de taxer le corps des ponts et chaussées de négligence quand il faudrait au contraire saisir l'occasion - et je le fais avec bonheur, c'est un devoir pour moi de le faire – de rendre hommage à son zèle et à son activité.

- Plusieurs membres. - Très bien !

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Comme on l'a indiqué dans les documents qui sont soumis à la Chambre, on a fait un premier avant-projet. Il s'agissait d'apporter au pont de Knocke certaines améliorations, certains changements.

On avait demandé 11,000 fr. ; le crédit a été voté par la Chambre. Quand il s'est agi du travail définitif, on a vu qu'on s'était trop circonscrit. On est revenu un an après et l'on a demandé 25,000 fr.

Les localités intéressées sont alors intervenues pour réclamer de notables modifications ; il a fallu se livrer à de nouvelles études. Aujourd'hui l'on est arrivé à un résultat définitif et nous demandons 40,000 fr. pour faire ce travail.

L'honorable membre a parlé de l'établissement d'un pont en remplacement d'un bac sur l'Yser.

Cette affaire a été instruite, et il a été reconnu que ce pont se trouverait sur une route simplement vicinale et qu'il s'agit d'une charge communale.

C'est donc aux communes intéressées à prendre les devants, à assumer les charges de cette construction, sauf à demander le concours de la province et éventuellement celui du département de l'intérieur.

Messieurs, l'honorable M. Guillery a entretenu la Chambre de deux objets importants : le premier, le raccordement des stations de l'Etat à Bruxelles ; le second, l'assainissement de la Senne.

En ce qui concerne le raccordement des stations du Nord et du Midi, j'ai déjà eu occasion de déclarer que l'étude définitive était faite, mais que c'était une question de temps. Le gouvernement reconnaît l'urgence de ce travail, mais encore faut-il pourvoir à une dépense de 6 millions.

Eh bien, messieurs, le moment se trouverait mal choisi de demander 6 millions. Nous avons eu depuis l'année dernière de très fortes dépenses extraordinaires, en partie fort heureuses, mais qui ne laissent pas moins un vide considérable dans le trésor. Il y a eu le rachat du péage de l'Escaut. Le gouvernement a payé pour sa part 12 millions. Il doit payer encore, non pas à la décharge d'autres gouvernements, mais en avance sur la part qui reste à payer par d'autres gouvernements, un certain nombre de millions. Il y a de ce double chef un découvert d'une vingtaine de millions.

Le gouvernement, messieurs, doit également couvrir provisoirement le déficit que laissent les 10 millions à payer par la ville d'Anvers pour les fortifications.

Voilà déjà, ensemble, une somme de 30 millions.

Il y a d'autres causes de découvert que je pourrais citer.

C'est donc une situation anomale et qui demande certains remèdes.

Le gouvernement doit chercher ces remèdes, mais toujours est-il qu'il y a un découvert considérable et qu'en présence de ce découvert le gouvernement s'est posé pour règle de ne pas entamer d'affaires nouvelles, surtout d'affaires nouvelles d'une grande importance comme l'est celle-ci.

Quant à l'assainissement de la Senne, messieurs, j'ai accédé avec beaucoup de plaisir à la demande que m'a adressée la ville d'instituer une commission pour cette grosse affaire.

Il doit être convenu cependant, et je dois le déclarer expressément, car il ne peut y avoir malentendu à cet égard, que le gouvernement n'assume pas cette affaire, qu'il ne fait pas de cette affaire communale et provinciale une affaire gouvernementale.

Comme l'a dit l'honorable M. Prévinaire, j'ai prêté des fonctionnaires techniques à la ville et à la province.

Ultérieurement, il y aura lieu de voir si et dans quelles proportions le gouvernement aura à intervenir.

Je crois qu'il aura à intervenir, mais il s'agira de déterminer la quotité de cette intervention, d'après l'importance de la dépense totale.

Messieurs, l'honorable M. Le Hardy a jeté dans la discussion certaines observations qui ont une portée assez grande pour que je croie devoir m'y arrêter un instant.

Il s'agit en effet d'une accusation qui serait très fâcheuse pour le département des travaux publics, si elle était fondée, mais elle ne l'est pas.

L'honorable membre a prétendu que nous faisions des cahiers de charges qui étaient, pour me servir de son expression, en quelque sorte des traquenards, et puis il a ajouté, que nous avions pour certains entrepreneurs des complaisances qui n'étaient peut-être pas justifiées.

Messieurs, ce sont là des accusations sans aucune espèce de fondement, et je tiens à les relever parce qu'il ne faut pas que de pareilles paroles passent sans protestation.

L'honorable membre a parlé de l'écluse de Heyst. Il a dit que nous avions permis au dernier entrepreneur de faire ce que nous avions refusé au premier. C'est une erreur.

Nous avons permis au dernier entrepreneur de faire ce que nous avions offert officiellement au premier et ce qu'il a refusé.

Au besoin je produirai la correspondance officielle. C'est une question de dates et il n'y a pas de doute possible.

Enfin, nous aurions eu des complaisances pour les entrepreneurs du chemin de fer de Bruxelles à Louvain. Nous leur aurions ainsi fait indirectement un cadeau de 30,000 francs.

Voici, messieurs, de quoi il s'agit. Il y a un pont à construire sur le canal de Louvain à Willebroeck. D'après les plans, ce pont ne pouvait être construit que pour autant qu'il y eût chômage complet de la navigation, c'est-à-dire une baisse d'eau ou l’établissement de batardeaux des deux côtés du pont.

Or, le canal de Louvain à Willebroeck est la propriété particulière de la ville de Louvain et elle a trouvé mauvais qu'on eût, sans son assentiment, disposé de ce canal. Lorsqu'on a réclamé la baisse indispensable pour la construction du pont, la ville de Louvain s'y est formellement refusée.

A-t-elle eu tort ou raison ? Je te m'en occupe pas, mais je constate le fait. Elle a opposé à la demande du gouvernement une résistance énergique et absolue.

Qu'a dû faire le gouvernement ?

Il a dû faire des plans nouveaux du pont, tels qu'il pût s'exécuter avec le maintien d'une certaine navigation.

De ce chef, il était nécessaire (rien n'était plus simple, plus régulier, plus normal) de faire un décompte avec l'entrepreneur. Il a fallu payer en plus les travaux à faire en plus, comme l'entrepreneur a dû laisser décompter ceux à faire en moins. Il y a eu une certaine balance qui ne s'élève pas à 30,000 fr. Le gouvernement a payé volontairement à l'entrepreneur ce qu'il eût été condamné à payer s'il avait dû ester en justice.

Voilà toute l'affaire.

Messieurs, j'ai encore beaucoup d'observations à présenter. Comme il y a plusieurs orateurs inscrits, je les remettrai, si la Chambre le permet, à une autre séance.

Proposition de loi

Dépôt

MpVµ. - Messieurs, j'ai reçu une proposition de loi qui sera renvoyée à l'examen des sections.

Ordre des travaux de la chambre

M. Coomans. - Messieurs, je propose à la Chambre de se réunir demain à 1 heure. La saison est très avancée et nous avons tous intérêt à hâter nos travaux autant que possible, d'autant plus que déjà un grand nombre de membres nous ont abandonnés sans esprit de retour. C'est un inconvénient.

A titre de motion d'ordre, j'ajouterai que je prie la Chambre de fixer à son ordre du jour, immédiatement après le budget, le projet de loi qui supprime le timbre d'avis. Ce projet se trouve aujourd'hui à la fin de notre ordre du jour.

MpVµ. - Je vais consulter la Chambre.

- La Chambre décide que la séance de demain aura lieu à 2 heures.

La séance est levée à 5 heures.