(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1863-1864)
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom)
(page 381) M. de Moorµ procède à l’appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Van Humbeeck, secrétaireµ, lit le procès-verbal de la séance d’hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moorµ communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants de Rupelmonde prient la Chambre d’accorder aux sieurs de Haulleville et Wergifosse la concession d'un chemin de fer d’Anvers à Saint-Vith par Braine et Namur. »
« Même demande du conseil communal de Bornhem. »
- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
« Les membres du conseil communal de Binderveld demandent une diminution des droits d'accise sur la bière indigène. »
« Même demande des membres du conseil communal de Runekelen. »
- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.
« Les membres du conseil communal de Thoricourt se prononcent en faveur d’un chemin de fer de Binche à Lessines, dont la concession est demandée par le sieur Hoyois. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Vander Donckt, secrétaire communal, à Segelsem, prie la Chambre de voter, pendant la session actuelle, une loi qui assure aux secrétaires communaux un traitement en rapport avec les services qu'ils rendent au gouvernement et à la commune. »
- Renvoi la commission des pétitions.
« L'adminit'ration communale de Baugnies prie la Chambre d'accorder aux sieurs Gillon et Peeters-Baertsoen la concession d'un chemin de fer d'Anvers à Tournai vers Douai. »
« Même demande des administrations communales de Quaremont, Oycke, Grammont, Helderghem et de l'administration communale de Celles, qui prie en outre la Chambre de décider que la ligne entre Tournai et Renais soit tracée vers la limiite des communes de Celles et de Velaines. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« M. Thonissen, retenu par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »
- Accordé.
(page 405) M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée d'Assche, le 27 février 1864, le conseil communal d'Assche prie la Chambre d'accorder aux sieurs de Haulleville et Wergifosse la concession d'un chemin de fer d'Anvers à Saint-Vith, par Braine et Namur.
Même demande d'habitants de Ternath.
Messieurs, depuis l'impression du feuilleton, d'autres pétitions sont parvenues à la Chambre et vous me permettrez de les joindre ici et de les comprendre dans le même rapport puisqu'elles ont trait au même objet. Elles ne contiennent du reste rien de particulier au sujet de ce projet de chemin de fer.
La section de Braine-le-Comte à Anvers faisant partie du projet de chemin de fer déposé par MM. de Haulleville et Wergifosse, ingénieur civil, offre un caractère spécial qui n'a été présenté jusqu'à ce jour par aucun chemin de fer belge.
L'auteur du projet a voulu inaugurer en Belgique le système des chemins de fer vicinaux, aidés par l'intervention libre des communes et des particuliers, qui rendent d'éminents services en Angleterre et surtout en Ecosse. Cette ligne a pour but de desservir les nombreuses et populeuses communes qu'elle traverse, et notamment celles des rives de l'Escaut et du Ruppel. A cet effet, un grand nombre de stations sont projetées, elles seront au nombre de 25 ou 26 pour une longueur de 88 à 90 kilomètres. Cette ligne sera de 10 ou 12 kilomètres plus longue que celle de l'Etat, par conséquent la concurrence devient impossible ; d'un autre côté, elle a une direction tout à fait autre que la ligne d'Anvers à Tournai et Douai, et le trafic venant du midi sera tout à fait différent : ces deux lignes peuvent donc être concédées simultanément sans se nuire ; au contraire, la réaction de l'une sur l'autre ne peut être que favorable.
Voici la liste des stations projetées :
Anvers, Wilryck, Hoboken, Hemixem, Schelle, Niel, Boom, Hingene, Bornhem, Puers, St-Amand, Opdorp, Buggenhout, Opwyck, Merchtem, Assche, Esschene, Ternath, Wambeek, Schepdael, Lennick, Goyck, Castre, Haut-Croix, Bierges, Rebecq, Quenast et Braine-le-Comte.
Messieurs, il y a ensuite une foule de stations dont les noms sont indiqués dans les pétitions. Il s'agit donc d'une voie tout à fait en dehors des chemins de fer ordinaires, car à l’encontre de ce qui a lieu pour la généralité des chemins de fer qui ont toujours pour but d'abréger la distance et de relier un grand centre de population à un autre grand centre de population, celui-ci a pour principal objet de relier au chemin de fer des localités populeuses intermédiaires. Il servira ainsi à mettre en communication avec le chemin de fer une foule de communes qui, sans cela, n'auraient jamais l'espoir d'être reliées au chemin de fer.
Pour appuyer cette nouvelle idée de chemins de fer vicinaux, pour employer l'expression dont se servent les auteurs, ils ont déposé avec leur demande le rapport de M. Michel Chevalier, dont je me permettrai d'extraire quelques passages dont je donnerai lecture à là Chambre.
Chemins économiques en Angleterre
Du rapport de M. Lan sur les chemins de fer anglais, il résulte qu'en Angleterre, le nombre de ces chemins économiques est assez restreint.
Les chemins sont toujours exploités par de petites compagnies indépendantes, l'acquisition des terrains s'opère le plus souvent à l'amiable, les pentes varient entre 10 et 15 millimètres, les courbes de 80 à 100 aux stations et 260 à 540 sur la ligne ; la vitesse des trains est de 25 à 30 kil. à l'heure.
De cette façon on est parvenu à apporter beaucoup d'économie dans la construction.
Les ouvrages d'art sont faits pour une seule voie, les bâtiments sont très simples, les rails du poids de 31 à 34 kilog., et les coussinets de 10 kilog.
Le prix d'une pareille voie varie de 100,000 à 125,000 fr. le kilomètre.
Les tarifs sont généralement très élevés et cependant la recette kilométrique ne dépasse pas en moyenne 15,000 francs, ce qui permet cependant d'attribuer à ces lignes un revenu de 3 à 6 p. c.
Chemins économiques d'Ecosse
M. Bergeron a étudié de petits chemins de fer d'Ecosse qui sont construits et exploités avec une grande économie, laquelle tient pour la construction :
« 1° A la constitution de compagnies indépendantes, locales, les intéressés concourant pour une bonne part à la formation du capital.
« 2° En ce qu'une compagnie semblable construit plus économiquement et surtout trouve plus de facilité dans l'achat des terrains.
« 3° A ce que ces compagnies sont libres d'adopter le type de construction qui leur convient le mieux.
« Les rampes sont de 15 à 19, les rayons de 300 à 400. Les frais de premier établissement ne dépassent généralement pas 100,000 francs le kil.
« Quant à l'exploitation :
« 1° Ces lignes ont un personnel peu nombreux.
« 2° Le service des gares est très simple.
« 3° Le matériel est parfaitement utilisé.
« Le produit kilométrique d'environ 10,000 fr. permet de donner aux actionnaires des dividendes moyens de 5 p. c.
« M. Bergeron croit qu'il serait utile :
« 1° Qu'il se formât des compagnies locales pour l'exécution des voies ferrées secondaires.
« 2° Que le gouvernement leur accordât toute facilité pour la construction et la plus grande liberté pour les tarifs.
Chemins économiques en Alsace
« Des chemins de fer économiques ont été établis en Alsace par les communes et les départements à charge d'exploitation par la compagnie de l'Est.
« Le coût de ces lignes sera environ de 70,000 à 80,000 fr., si on voulait populariser ce genre de construction.
« Les préfets et ingénieurs en chef des départements demandent :
« 1° Que les localités intéressées construisent elles-mêmes ;
« 2° Que la plus grande latitude soit laissée tant pour la construction que pour l'exploitation ;
« 3° Que la loi d'expropriation soit modifiée.
« La commission se ralliant aux diverses observations qui lui ont été faites et dans l'intérêt du développement du réseau national, est d'avis :
« Que la plus grande latitude devrait être laissée tant à l'administration pour autoriser, qu'au concessionnaire pour construire et exploiter les chemins de fer d'intérêt local ;
« Que les lignes de ce réseau devant être, dans la plupart des cas, des chemins de fer à transbordement, elles pourront et devront même différer essentiellement, tant sous le rapport de la construction que sous celui de l'exploitation, des chemins compris dans le réseau jusqu'ici établi ;
Que dès lors les prescriptions du cahier des charges ordinaires devraient être simplifiées en ce qui concerne ces lignes, de manière ; 1° à permettre de faire varier, selon le cas, la largeur de la voie, le poids des rails, le système du matériel roulant, les rampes et les courbes ; 2°à supprimer l'obligation des clôtures en tant que règle absolue, et à autoriser pour les bâtiments des stations les formes les plus simples ;
« Que toutefois il serait désirable que, dans chaque groupe, les chemins locaux fussent construits avec la même largeur de voie, de manière à pouvoir être desservis par le même matériel roulant, mais que cette uniformité spéciale ne doit pas être érigée en règle absolue ;
« Qu'à l'égard de l'exploitation de ces lignes, la réglementation administrative pourrait se borner aux mesures de police indispensables à la sécurité publique.
« Que le bénéfice de la loi du 21 mai 1839, relative aux chemins vicinaux, pourrait être étendu aux chemins de fer d'intérêt local, notamment dans celles de ses dispositions qui concernent principalement les enquêtes et l'acquisition des terrains. »
Messieurs, vous comprenez que c'est un tout autre système de chemins de fer que les chemins de fer ordinaires. Ce sont des chemins de fer que l'on appelle vicinaux, et qui ont principalement pour but de relier aux réseaux principaux les communes qui n'ont aucun espoir d'y être reliées dans un court délai ; c'est-à-dire que par ce moyen l'on fera disparaître cette distinction entre des populations privilégiées et des parias. Car évidemment il y a aujourd'hui toute une classe de citoyens qui ne sont pas reliés aux chemins de fer, et qui ne pourront y être reliés de sitôt.
Par ce système on y parviendra et ce sera une excellente mesure pour les localités que traverseront ces chemins de fer.
Messieurs, comme j'ai eu l'honneur de le dire dans un discours précédent au sujet de demandes en concession de chemins de fer, il y a des communes de 6,000, de 10,000 âmes, qui n'étaient pas reliée au chemin de fer. Telles sont les communes de Cruyshautem, de Nederbrakel, de Hamme et autres localités très importantes. Par ce moyen, on peut légitimement espérer qu'elles pourront être mises toutes sur la même ligne.
Votre commission a vu avec satisfaction les pétitions qui ont été soumises à son appréciation ; elle y a donné son adhésion, et elle a l'honneur, dans ces termes, de vous proposer le renvoi, à M. le ministre des travaux publics, de ces pétitions ainsi que de celles du même genre qui (page 406) sont arrivées aujourd'hui et qui parviendront encore à la Chambre en grand nombre.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Hymans. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné plusieurs demandes de crédits supplémentaires au département de l'intérieur.
M. Van Iseghem. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi accordant la libre entrée des navires et des bateaux.
Ces rapports seront imprimés et distribués et les objets qu'ils concernent mis à la suite de l'ordre du jour.
M. de Mérode. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi ayant pour objet d'ouvrir un crédit extraordinaire de 100,000 fr. au département des travaux publics pour l'extension des ligues télégraphiques.
- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). – Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport triennal sur l'état de l'instruction primaire.
- Impression et distribution aux membres de la Chambre.
MpVµ. - La discussion générale est ouverte.
La parole est à M. de Renesse.
M. de Renesse. - Messieurs, par suite de crise ministérielle, plusieurs budgets pour l'année courante n'ont pu être votés, au grand détriment de la bonne et la prompte expédition des affaires ressortissant aux départements de l'intérieur, des affaires étrangères, de la justice et des travaux publics ; par ce retard, très regrettable, en ce qui a rapport notamment au budget de l'intérieur, l'administration supérieure se trouvera plus ou moins entravée pour accorder, en temps utile, les subsides qui, chaque année, sont concédés pour les nombreux travaux de la voirie vicinale, pour l'assainissement des localités insalubres, pour la restauration des monuments, pour les beaux-arts pour lesquels il y a des engagements pris, pour des encouragements à aux sociétés scientifiques et littéraires, aux écoles et sociétés de musique et autres interventions pécuniaires du département de l'intérieur.
Il est cependant à désirer que les nombreuses communes de nos différentes provinces puissent obtenir l'assurance que les subsides pour la voirie vicinale et l'assainissement leur seraient alloués le plus tôt que faire se pourra, afin d'être mises en état de pouvoir commencer, dan. le courant du mois de mai prochain, les travaux de voirie et d'assainissement pour lesquels ces communes et les provinces ont voté leur part d'intervention ; si elles ne pouvaient obtenir cette certitude dans un délai assez rapproché, elles se trouveraient peut-être dans la pénible nécessité de ne pouvoir entreprendre une grande partie de ces travaux, faute de ressources suffisantes, et l'ou serait obligé de les ajourner à l'année prochaine.
L'intervention du département de l'intérieur est aussi requise chaque année pour la construction, pour la restauration ou l'agrandissement des maisons d'école communales ; les provinces, les communes s'imposent à cet effet des charges assez notables, l'Etat y est généreusement intervenu, surtout depuis le ministère actuel, ce dont je lui sais le plus grand gré, tant par des subsides ordinaires des budgets que par des secours extraordinaires ; il toutefois à regretter que le nouveau subside extraordinaire d'un million de francs pour construire des écoles n'ait pu être voté avant la crise ministérielle : il est certes de l'intérêt général que toutes les communes puissent obtenir, dans un délai assez rapproché, de bonnes maisons d'école, dont beaucoup de nos communes rurales sont encore privées, afin que tous les enfants indistinctement puissent y trouver place et obtenir une bonne et morale instruction ; une saine et suffisante instruction est d'autant plus nécessaire pour un pays régi par une Constitution aussi libérale que la nôtre, où presque chaque habitant doit prendre une certaine part aux affaires de la nation ; il faut donc que chaque citoyen puisse connaitre ses droits et ses devoirs, et qu'on lui procure, pour le moins, un bon enseignement primaire. J'ose recommander tout particulièrement à l’honorable ministre de l'intérieur, ou éventuellement à son successeur, de ne pas perdre de vue out ce qui est relatif surtout à l'instruction primaire et aux bâtiments d’école.
Le département de la justice alloue aussi chaque année des subsides très considérables, encore augmentés notablement depuis quelques années par le ministère actuel pour la construction et l'agrandissement des édifices des cultes reconnu indispensables, par l'augmentation constante des populations ; pour la restauration de nos nombreux et si beaux monuments religieux, depuis quelque temps, l'Etat a aussi fait de grands sacrifices et néanmoins il reste encore beaucoup faire pour la conservation de ces beaux temples du moyen âge, d'après les indications du tableau qui en a été inséré au rapport du budget de la justice de l'année 1863.
Par suite du retard du vote définitif du budget de ce ministère, il est à craindre que les nombreuses communes qui sont en instance auprès du gouvernement pour obtenir des secours de l'Etat devront cette année-ci probablement ajourner des travaux reconnus très urgents, si elles ne peuvent être assurées d'obtenir dans un avenir prochain les subsides réclamés. J'ose espérer que l'honorable ministre de la justice fera toutefois préparer le travail de la répartition de ces subsides, afin que les communes (page 382) puissent recevoir bientôt l'assurance qu'un peu plus tard des secours leur seront accordés, sur les fonds de l'Etat.
Au département des travaux publics, il est aussi certains travaux pour lesquels des subsides sont accordés et qui pourraient souffrir du retard dans leur exécution par l'ajournement du vote du budget de ce ministère ; il y cependant une certaine nécessité de faire face aux dépenses pour construction de routes, afin de pouvoir remplir les engagements pris par l'Etat, ainsi que pour ceux des canaux, fleuves et rivières, travaux que l'on doit exécuter dans la bonne saison.
J'ai vu avec une grande satisfaction que, pour l’extension des lignes télégraphiques, le département des travaux publics a demandé un crédit de 100,000 francs ; j'ose espérer que l'honorable ministre voudra faire activer l'exécution de la ligne télégraphique à établir au chef-lieu du canton de Looz, l'un des cantons des plus importants de la province de Limbourg, resté jusqu'ici en dehors des railways et que, par l'une ou l'autre combinaison, le gouvernement pourra aussi, dans un avenir rapproché, relier le chef-lieu de ce canton si riche en produits agricoles et si populeux, par une voie ferrée à notre réseau de chemins de fer.
J'ai cru devoir présenter ces quelques observations, à l'occasion du vote des crédits provisoires à accorder à différents ministères, afin de prier les honorables ministres, soit présents on futurs, de vouloir les prendre en sérieuse considération , dans l’intérêt de la plus prompte expédition de toutes les affaires réclamant le concours financer du gouvernement.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs. il sera tenu compte, dans la mesure du possible, des observations que vient de présenter l'honorable M. de Renesse. Je pense qu'il entre dans les intentions de la Chambre que le gouvernement puis faire liquider au profit des communes la moitié des subsides qu'il y aurait lieu de leur accorder pour l’année entière. C'est dans ce sens que doit être entendu sans aucun doute le projet de loi qui est en discussion. (Assentiment.)
Puisque j'ai la parole, j'en profiterai pour demander quelques explications.
Il est dit à l'article 2 du projet de loi que les augmentations de traitements prévues dans les projets de budgets pour l’exercice 1864, pourront être payées aux employés avec jouissance à partir du janvier 1864.
Il est entendu, je pense, que par le mot « traitements » on entend aussi les émoluments. Je m'explique : on se propose d'augmenter les émoluments accordés aux commissaires d'arrondissement, afin de leur permettre d'améliorer la position de leurs employés. La Chambre est sans doute d'avis que ces augmentations d'émoluments doivent être traitées comme les augmentations de traitements proprement dits.
- Plusieurs membres. - Oui ! Oui !
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Bien.
Il est encore un point sur lequel je désire faire une réserve. L'année dernière lors de la discussion du budget de l'intérieur, j'ai pris l’engagement de réduire autant que possible le nombre de fonctionnaires de l'administration centrale. J'ai commencé cette réduction ; le nombre des fonctionnaires de l'administration centrale a été depuis diminué. Aujourd'hui, par suite de diverses mesures de décentralisation et de simplification, je me trouve encore en position de diminuer le nombre des employés de l'administration ; mais cette possibilité n'a été constatée que depuis la présentation du budget ; je n'ai pas pu y porter un chiffre suffisant pour solder les nombreux traitements de disponibilité.
Mon intention était de faire une proposition dans ce but, lors de la discussion du budget de 1864 ; mais comme on ne discute pas ce budget, je suppose que la Chambre ne verra aucun inconvénient à ce que le gouvernement excède le crédit proposé pour traitements de disponibilité ; je pourrai ainsi opérer immédiatement quelques réductions sur le chiffre des fonctionnaires et employés de mon département.
M. Mullerµ. - Il importe que l’adhésion de la Chambre aux explications que vient de donner l’honorable ministre de l’intérieur ne laisse aucun doute.
MpVµ. - Le silence de la Chambre prouve qu'elle ne s 'oppose pas aux observations de M. le ministre.
« Art. 1er. De nouveaux crédits provisoires, à valoir sur les budgets de 1864, sont accordés, savoir :
« Au département de la justice : fr. 2,800.000 ;
« Au département des affaires étrangères : fr. 500,000 ;
« Au département de l'intérieur : fr. 1.800,000 ;
« Au département des travaux publics : fr. 5,425,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Les augmentations de traitements prévues dans les projets de ces départements, pour l’exercice 1864, pourront être accordées avec jouissance du 1er janvier 1864. »
M. B. Dumortier. - Messieurs, parmi les dépenses auxquelles le gouvernement doit faire face, il s’en trouve une qui offre un grand intérêt au point de vue de la science. Je veux parler des découvertes d’ossements fossiles qui se font en ce moment à Anvers, dans les fouilles.
Ces ossements fossiles d »animaux sont collectionnés dans le musée de l’Etat et ils fourniront une collection telle importante que tous les musées de l’Europe réunis ne seront pas aussi riche que le misée de Bruxelles. Il serait vraiment malheureux que l’Etat ne pût pas faire continuer la recherche de ces documents de l’histoire du monde qui sont si précieux pour la science.
Je demanderai donc à M. le ministre de l’intérieur s’il ne lui sera pas possible de prélever, sur le nouveau crédit qui va lui être alloué, la faible somme de 3,000 à 4,000 fr., qui suffirait pour continuer les recherches ; car une suspension des fouilles aurait ce déplorable résultat que, à défaut de l’Etat, des particuliers pourraient profiter de son abstention et reprendre les recherches à leur profit.
J’espère que M. le ministre, dont nous connaissons les sympathies pour la science, pourra satisfaire à la demande que j’ai l’honneur de lui adresser.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je pourrais évidemment autoriser toutes les dépenses qui incombent à mon département, jusqu’à concurrence de la moitié du budget actuel. Peut-être même pourra-je, ayant égard aux observations que vient de présenter l’honorable M. B. Dumortier, aller un peu plus loin que les six douzièmes du budget, si toutefois la situation de l’ensemble des crédits du budget me le permet. Dans tous les cas, j’espère que les recherches pourront être poursuivies sans interruption.
- L'article 2 est mis aux voix et adopté.
Il est procédé à l'appel nominal.
79 membres y prennent part.
74 répondent oui.
5 répondent non.
En conséquence, la Chambre adopte.
Ont répondu oui : MM. Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Schollaert, Soenens, A, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen, Visart, Allard, Ansiau, Bara, Bouvier, Braconier, Coomans, Coppens, David, Debaets, de Baillet-Latour, de Brouckere, Declercq, de Conninck, de Florisone, De Fré, de Kerchove, Delcour, De Lexhy, de Macar, de Mérode, de Moor, de Naeyer, de Renesse, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Terbecq, de Theux, Dolez, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, M. Jouret, Julliot, Lange, Le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, J. Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Magherman, Mascart et E. Vandenpeereboom.
Ont répondu non :
MM. Delaet, de Montpellier, d'Hane-Steenhuyse, Hayez et Jacobs.
Le projet de loi sera transmis au Sénat.
M. Rodenbach. - Messieurs, il y a environ 19 ans que j’ai demandé conjointement avec notre honorable collègue M. Devaux le construction d'un chemin de fer de Roulers à Ypres. Relier ces deux villes commerçantes et industrielles a toujours été regardé comme de grande utilité. En 1845 les millions et les concessionnaires n’étaient pas en aussi grand nombre que de nos jours. Tout porte à croire, j’ai la conviction, que si notre demande de chemin de fer n'a point abouti à cette époque, nous réussirons aujourd’hui. Inutile, messieurs, de vous parler des besoins du commerce de cette partie du centre de la Flandre occidentale et particulièrement des villes de Roulers et d Ypres. M. Florisone, M. le ministre de l'intérieur, l'honorable rapporteur vous les ont fait connaître suffisamment. En votant ce projet de loi vans aurez doté le pays, sans bourse délier, d'une voie de communication de la plus haute importance.
M. Allard. - Je ne me lèverai pas pour appuyer les projets de chemin de fer qui nous sont soumis, car ils sont parfaitement accueilli par la Chambre. Je prends uniquement la parole pour demander à M. le ministre des travaux publics si par suite de la loi qui a accordé la concession d'un chemin de fer de Tournai vers Lille, et de celle qui va (page 383) concéder le chemin de fer d’Anvers à Tournai et de Tournai à Douai, on n’agrandira pas la station de Tournai qui déjà est insuffisante. On exécutera sous peu le chemin de Tournai à Péruwelz par Antoing, une compagnie est à la veille, dit-on, de se présenter pour l’exécuter.
Nous aurons donc, dans quelques années, six lignes de chemins de fer qui aboutiront à la station de Tournai ; il est nécessaire de prendre dès à présent des dispositions pour agrandir cette station, d’une manière telle qu’on en soit pas encore obligé de l’augmenter plus tard. Je pris M. le ministre de vouloir bien nous dire si des travaux sont projetés pour la station de Tournai et si, dans l’affirmative, on a tenu compte des exigences des nouveaux chemins de fer concédés.
M. Magherman. - Je ne prends pas la parole pour énumérer les nombreux avantages que présente le chemin de fer d’Anvers à Tournai. Il suffit de jeter les yeux sur la carte pour être convaincu des avantages qui ont été tout récemment développés devant la Chambre et dont elle ne peut avoir perdu le souvenir.
Je me bornerai à faire quelques observations de détail.
Le cahier des charges stipule que le chemin de fer concédé sera raccordé convenablement à toutes les lignes appartenant à l’Etat, ou exploitées par l’Etat, qu’il traverse.
Mais indépendamment de ces lignes, il en est une autre concédée, que ce chemin de fer doit également traverser, c’est la ligne de Hainaut et Flandres.
Les raisons qui engagent le gouvernement à exiger le raccordement de la nouvelle ligne avec les lignes de l’Etat doivent l’engager à faire opérer le même raccordement avec la ligne de Hainaut et Flandres.
II est vrai que le gouvernement ne peut imposer ce raccordement aux compagnies lorsqu’elles s'y opposent. Cependant, le gouvernement exerce une grande influence sur les sociétés concessionnaires et trouve des moyens indirects de leur imposer en quelque sorte sa volonté.
Il est vrai que l'intérêt respectif des deux compagnies doit les engager à opérer ce raccordement ; mais il existe des exemples où par entêtement ou pas esprit de rivalité les compagnies sacrifient leurs intérêts pour ne pas faire ce que l’intérêt public exige. Nous en avons un exemple dans ce qui se passe entre la compagnie de Jurbise et la compagnie de Hainaut et Flandres.
Jusqu’ici ces compagnies n’ont pas de traité entre elles. Il en résulte que les voyageurs se dirigeant par exemple de Renaix vers les stations intermédiaires de la ligne de Tournai sont obligés de prendre un nouveau coupon à Leuze, ce qui est très désagréable.
Il en résulte encore que pour les transports pondéreux le commerce subit deux fois la taxe fixe qui a pour effet de réduire considérablement les transports aussi bien sur l’une ligne que sur l’autre.
C’est ainsi que, au grand préjudice de l’agriculture, le transport de la chaux de Tournai en destination des environs de Renaix s’opère encore par axe au lieu de se faire par chemin de fer, ce qui serait beaucoup plus économique si une convention existait entre les compagnies.
Eh bien, s'il n'existait point de raccordement à la station de Renaix entre les lignes Hainaut et Flandres et celle de Tournai à Anvers, qu’en résulterait-il ? C’est que les voyageurs seraient obligés de faire un trajet pour aller d'une station à l'autre, comme cela existe à Bruxelles.
Les voyageurs, par exemple, en destination de Tournai vers Gand devraient descendre à Renaix et faire à pied ou en voiture le trajet d'une station à l'autre, ils préféreraient faire le détour par Courtrai plutôt que de subir ce contretemps.
J'appelle l'attention de M. le ministre des travaux publics sur ce point, et je pense qu'il parviendra facilement à faire opérer ces raccordements.
Le projet en discussion stipule un embranchement de Denderleeuw à Baerdeghem.
Je crois que l’embranchement présentera des inconvénients au point de vue de l'exploitation, au moins en ce qui concerne les voyageurs, car tous les convois de voyageurs pour la ligne de Dendre-et-Waes et parcourent toute la ligne jusqu’à Alost.
Les voyageurs venant d’Ath devront descendre à Denderleeuw et changer une seconde fois de train pour prendre à Baerdeghem le convoi de Tournai vers Anvers. C'est là un grand inconvénient, et je pense qu'il serait plus commode pour les voyageurs de la ligne Dendre-et-Waes de pousser jusqu'à Alost, sauf à leur tenir compte du détour pour la fixation du prix à payer.
J'estime encore que le terme de 5 ans pour la construction de cette ligne est trop long. Je ne demande cependant pas une modification, mais j’engage les concessionnaires à terminer leurs travaux dans un délai plus court ; il me paraît qu'en attaquant les travaux sur plusieurs points à la fois trois années pourraient suffire.
L’intérêt des concessionnaires est du reste de finir la ligne le plus rapidement possible ; car tant que les travaux durent, les capitaux engagés ne produisent aucun intérêt.
Je me bornerai à ces simples observations, messieurs, et je pense que le projet de loi en discussion ne rencontrera aucune opposition.
(page 403) M. Bouvierµ. - Je viens donner mon assentiment au projet de loi qui nous est soumis ; il tend à doter la ville d'Anvers d'une nouvelle voie ferrée qui la mettra dans un prochain avenir en communication directe avec Paris et Calais en desservant un grand nombre de villes et de communes des plus riches et des plus fertiles de la Belgique.
Le gouvernement nous a soumis, il y a peu de jours, un autre projet de loi dont les sections se sont déjà occupées et qui doit ouvrir pour cette même ville d'Anvers une nouvelle source de prospérité et de richesse. Le projet réclame de vous la libre entrée des navires et des bateaux étrangers, fait disparaître les grands frais auxquels la nationalisation de ces navires donne lieu, décrète l'abolition des droits dont sont frappés les bois employés à leur construction et finalement formule, pour les contrats qui constatent la vente de ces navires, des dégrèvements de droits d'enregistrement aujourd'hui très élevés pour les transformer en un droit fixe de fr. 2-20.
Tels sont les deux actes de mauvais vouloir et de nouvelle hostilité que vient de poser le gouvernement contre la ville d'Anvers, et qui donnent un éclatant démenti au langage amer d'un député de cet arrondissement qui proclamait naguère, dans cette enceinte, que ce même gouvernement n'aimait pas trop la ville d'Anvers.
Le gouvernement n'aime pas Anvers, dites-vous ! Mais qui donc vous a procuré l'affranchissement de votre fleuve au prix de tant de millions imposés au pays ? N'est-ce pas ce même gouvernement que vous accablez ? Qui donc a procuré à Anvers la suppression du droit de tonnage, la réduction du droit de pilotage, la substitution avec force millions de la grande enceinte à la petite, dans laquelle vos députés d'autrefois déclaraient, ici même, qu'Anvers étouffait ? Vous avez donc deux morales et deux justices, à Anvers, l'une pour vos prétendus ennemis qui vous font du bien et contre lesquels vous vous récriez sans cesse, l'autre, pour vos amis que vous choyez et qui ne font rien pour vous, ces amis avec lesquels vous avez combattu le ministère actuel, ces amis qui, au lieu d'affronter les périls du pouvoir, reculent épouvantés devant lui. (Interruption.)
C'est la vérité. Sinon, prenez le pouvoir.
MpVµ. - M. Bouvier, nous en sommes à la ligne d'Anvers à Tournai.
M. Bouvierµ. - Je le sais parfaitement bien, M. le président.
M. H. Dumortierµ. - Il a déraillé.
M. Bouvierµ. - Vos rires sont des rires convulsifs. (Nouvelles interruptions.)
Vous avez du courage dans l'opposition, mais aujourd'hui le courage vous manque et il faut que le pays le sache.
Je reprends :
Ces amis avec lesquels vous deviez affirmer, à leur avénement, les vœux formulés dans les meetings d'Anvers, arriver à la reconstruction de citadelles nouvelles, à la destruction de celles en construction, au payement des servitudes militaires, enfin que sais-je encore ? à une foule de magnifiques projets dont le trésor national devait faire les frais, aujourd'hui vos amis de la droite que vous avez soutenus et élevés sur le pavois, qui devaient donner à Anvers toutes les satisfactions auxquelles elle aspirait, ces mêmes amis n'hésitent pas à prendre le pouvoir, mais ils le refusent ! et vous n'avez pas un mot de blâme, pas une seule récrimination à formuler contre eux, vous ne les poussez pas à la rescousse pour affronter ce pouvoir tant et si ardemment convoité par eux et dont ils déclaraient le gouvernement de nos amis indignes. Aujourd'hui vous restez calmes, mornes et silencieux, c'est la première déception qui vous attend parmi tant d'autres. Votre attitude, celle de vos amis venge éloquemment le ministère libéral des paroles amères sorties de votre bouche, ce ministère qui, au lieu d'y répondre par un superbe dédain, nous soumet deux projets de loi qui ouvriront pour la ville d'Anvers une nouvelle ère de richesse, de prospérité et de grandeur.
M. Vander Donckt. - J’ai l’honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi allouant des crédits supplémentaires au département des finances.
- La Chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l’ordre du jour.
M. Van Humbeeck. - Messieurs, je viens soumettre à M. le ministre des travaux publics une observation dont l’importance ne vous échappera pas. Cette observation concerne non seulement le chemin de fer d’Anvers à Tournai dont il s’agit maintenant, mais aussi celui d’Anvers à Braine-le-Comte dont il a été question au commencement de cette séance et dont il s’agira un jour également d’accorder la concession.
Ces deux chemins de fer doivent franchir le Ruppel. Le Ruppel, vous le savez, est une rivière dans laquelle l’influence de la marée est très sensible.
Elle y est telle que pendant une grande partie de la journée, les vaisseaux qui remontent cette rivière ne peuvent atteindre l’embouchure du canal de Bruxelles à Willebroeck qu’en louvoyant.
Or, le choix de l’emplacement d’un pont sur une semblable rivière est un objet des plus importants. Un pont produira toujours, pour la manœuvre que je viens d’indiquer, de grandes difficultés ; mais il est tel emplacement qui peut rendre cette manœuvre impossible et ainsi rendre inaccessible pendant une partie notable de la journée le canal de Bruxelles à Willebroeck, voie de navigation extrêmement importante, à laquelle se rattachent celles des voies de navigation intérieures du pays où le trafic est plus considérable.
Je pense que cette question pourra être résolue de manière à ne compromettre aucun intérêt ; il était de mon devoir de la signaler dès aujourd’hui à l’attention de l’honorable chef du département des travaux publics.
M. le Hardy de Beaulieuµ. - J’ai à présenter, à propos de ce projet de loi, quelques observations, les unes d’un caractère générale, les autres d’un caractère particulier.
Je signalerai d’abord la difficulté que nous éprouvons de porter sur des objets aussi importants que des concessions telles que celles qui nous occupent, un jugement basé sur la connaissance des faits et des intérêts engagés dans la question.
On nous soumet des projets de cette importance dans les dernières semaines où nous sommes réunis. Nous les examinons dans les sections sans plans, sans détails, sans entendre les parties, sans examiner les intérêts engagés, et nous sommes obligés de venir ici, sur une idée générale, donner notre vote et notre assentiment, sans sauvegarder quelquefois les intérêts très graves qui peuvent être engages dans ces questions.
« En Angleterre, l’on procède tout autrement.
« Le parlement anglais n’accepte plus de projets de concession après le 30 novembre à minuit. Les plans doivent être déposés dans les formes déterminées par les règlements, et quand ces plans ont été déposés dans les formes voulues, ils constituent pour les déposants des droits acquis, des droits qu’on ne peut plus leur enlever.
Le parlement a une commission spéciale chargée d’étudier ces projets. Cette commission a tous les pouvoirs d’une commission d’enquête, elle entend les parties, elle entend tous les intéressés engagés dans les questions de travaux publics qui lui sont soumises, et ce n’est qu’après avoir procédé minutieusement à cette enquête qu’elle porte son jugement et que les concessions sont accordées.
Vous allez voir, messieurs, combien cette observation d’un caractère général que je vous présente, peut avoir d’importance dans le cas qui nous occupe.
L’Escaut, comme on nous n’a dit tout à l’heure, est notre grand port de sortie ; c’est le chemin qui nous conduit dans le monde entier, c’est par l’Escaut en quelque sorte que nous communiquons avec l’univers. C’est un instrument qui appartient aux Anversois, mais aussi au pays tout entier.
(page 384) C’est par là que nos grandes industries peuvent, d’une part, exporter leurs produits, d’autre part, importer les matières premières qui leur sont nécessaires.
L'Escaut jusqu'à présent n'est exploité comme rivière que sur un seul point. Ce point est renfermé dans un cercle de fortifications et l'on ne peut y élever cette foule d'établissements de toute nature qui donnent aux grands fleuves des autres pays et notamment de l'Angleterre, cette activité, cette importance qu'ils ont aujourd'hui.
- Un membre. - Il y a place pour cela.
M. le Hardy de Beaulieuµ. - Il y a place pour cela, mais on n'en use pas et je vais vous dire pourquoi.
Allez à Liverpool, allez à Londres, allez dans des villes secondaires de l'Angleterre qui ont de grandes rivières dans le genre de l'Escaut. Partout vous voyez des chantiers de construction, des embarcadères pour les charbons, des établissements de toute nature qui profitent des facilités et de l'économie que donnent ces moyens de communication. Pourquoi en est-il ainsi? Parce que partout ces fleuves sont mis en communication avec le pays au moyen de chemins de fer, comme ils l'étaient au moyen de routes avant que les chemins de fer existassent et toutes les industries du pays peuvent y aborder, y trouver les moyens d'embarquement et de débarquement les plus économiques possible.
Ici, je vous le disais tout à l'heure, l'on ne se sert de l'Escaut que sur un seul point, c'est-à-dire la vile d'Anvers. La ville d'Anvers en a besoin pour son trafìc ; elle n'a pas trop de quais, de bassins, et ne peut, par exemple, établir des embarcadères à charbons, qui exigent de très grands espaces.
M. Jacquemyns. - Où enverrait-on nos houilles ?
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - J'ai vu, il y a déjà quelques années, des calculs prouvant que l'on pourrait, si l'on avait tous les moyens de les embarquer, envoyer des charbons plus économiquement, à meilleur marché et beaucoup plus rapidement par la mer, à Rouen , sur la Seine et même à Bordeaux, qu'on ne pourrait le faire par les canaux intérieures de la France. Ce n'est donc pas une question qui soit ici hors de saison.
Mes observations sur l'Escaut tendent à ceci : c'est que, puisqu'il se présente un projet pour à relier Anvers, à travers le Ruppel, à l'intérieur du pays et à la frontière français, je voudrais que ce chemin de fer desservît aussi les intérêts dont je viens de parler, c'est à-dire qu'il se rapprochât assez des rives de l’Escaut, pour que les industries métallurgiques et charbonnières du pays pussent au moyen de cc chemin de fer trouver sur l'Escaut des embarcadères afin de profiter ainsi des transports par mer.
Nous avons une industrie métallurgique qui, je crois, est la seconde de l'Europe et cependant elle ne prend aucune part à la construction des navires en fer et nous avons été obligés, ces jours derniers, de voter l'acquisition de bateaux en fer que nous aurions dû pouvoir construire chez nous à meilleur marché qu'à l'étranger. Pourquoi cela ? Parce que nous n'avons de chantiers de construction que sur un seul point, et que les frais de camionnage pour le transport des matières lourdes du chemin de fer jusqu'à ces chantiers sont si considérables qu'ils emportent les bénéfices qu'on pourrait réaliser sur ces constructions.
Il y a, le long de l'Escaut, à peu près deux lieues sur l'étendue desquelles on pourrait établir des chantiers de construction.
Si ces chantiers existaient, nous prendrions une part considérable dans la construction de la flotte en fer qui s'exécute non seulement en Angleterre, mais aussi en France.
La France, qui paye le fer beaucoup plus cher que nous, entre pour une part très forte dans la construction de cette flotte en fer qui se substitue petit à petit aux navires en bois ; mais ce n'est pas tout, messieurs ; sur les bords de l'Escaut, il y a une industrie extrêmement importante qui a besoin de moyens de transport économiques et alimenterait ces transports s'ils étaient mis à sa portée. Je veux parler de l'industrie céramique. Cette industrie produit à peu près 800,000 tonnes de marchandises par an.
Le projet de chemin de fer, tel que je puis en juger par le petit plan qui nous est soumis, traverse dans sa moindre largeur les localités où cette industrie importante s'exerce, c'est-à-dire qu'elle n'apportera à cette industrie aucun moyen de s'étendre et de prospérer.
Je voudrais que dans les plans définitifs seront soumis à M. le ministre des travaux publics pour ce chemin de fer, l'on tint compte, dans une large mesure, des observations que je viens de présenter. Je voudrais également que l'on tînt compte des observations que vient de présenter mon honorable ami M. Van Humbeeck. Il y a là une question très grave.
Je ne connais pas assez les autres parties du tracé qui nous est soumis pur savoir si des questions de cette nature s'y présentent aussi ; je suppose que s'il y en avait, nos honorables collègues qui représentent cet arrondissement les signaleraient.
Je connais tout particulièrement les localités dont je viens de parler et c'est pourquoi je me sois levé pour prendre leur défense.
Je profiterai, messieurs, de votre indulgence pour soumettre à M. le ministre des travaux publics une autre observation ; il s'agit d'une simple question de détail, d'une question de cahier des charges et elle vous démontrera combien il serait important que nous eussions le loisir d'en examiner miner ces détails.
Dans le cahier des charges de la concession qui nous est soumis en ce moment, il y a un article 55, je pense, que je trouve parfaitement inconstitutionnel. Il est ainsi conçu :
« Dans le cas où le gouvernement le jugerait nécessaire pour la défense du pays, les concessionnaires seraient tenus de démonter ou de démolir, à la première réquisition de l'autorité militaire, et, en cas d'urgente, ladite autorité pourrait faire démonter ou démolir d'office aux frais des concessionnaires, toute partie quelconque de leur chemin de fer, sans qu'ils puissent, de ce chef ou à ce sujet, réclamer aucuns dommages-intérêts.
Or, messieurs, aux termes de l'article 11 de la Constitution, nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, d'après les formes protectrices établies par la loi et moyennant juste et préalable Indemnité.
M. Hymans. - Le concessionnaire accepte.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Le concessionnaire acceptera les conditions qu'on voudra lui imposer, mais il faut tenir compte de l'intérêt des actionnaires, car vous ne pouvez pas détruire la propriété de celui qui, pour le bien du pays, place ses capitaux dans une entreprise de chemins de fer, que la propriété de celui qui place ses capitaux en maisons ou en terres.
Messieurs, je vous soumets les observations que le projet m'a suggérées ; si vos moments n'étaient pas aussi comptés, je pourrais peut-être entrer dans d'autres détails, mais je m'arrêterai là, en faisant remarquer de nouveau que les questions de concessions sout assez graves pour que nous soyons obligés d'examiner tous les détails.
Je demanderai la permission à la Chambre d'appeler son attention sur un sujet qui est peut-être étranger à la question dont nous nous occupons, mais qui s'y rattache au moins par un point, puisqu'il s'agit également d'un chemin de fer à construire.
Depuis longtemps, messieurs, on demande que les charbonnages du pays de Charleroi, de ce centre industriel si important, soient rapprochés de Bruxelles, centre de consommation des plus considérables, par un chemin de fer direct. Je sais, messieurs, qu'il existe, à cet égard, des difficultés de différentes natures ; je ne pense pas qu'au moment actuel le ministère soit en mesure d'examiner ces difficultés et surtout de les résoudre ; mais je demanderai à M. le ministre des travaux publics s'il ne croit pas qu'il serait de l'intérêt de l'Etat aussi bien que de l'intérêt des localités que je viens d'indiquer et des localités intermédiaires qui demandent également à être reliées au point de production charbonnière et métallurgique ainsi qu'à la capitale, s'il ne croit pas, en un mot, qu'il serait de l'intérêt général de faire étudier les moyens d'opérer ces raccordements et de nous soumettre le plus tôt possible, à cet égard, les idées et les intentions du gouvernement.
Pour ma part, je désire la construction d'un chemin de fer reliant par la voie la plus directe possible et au moyen de l'exploitation la plus économique, le district de Charleroi à la capitale, en passant par Nivelles ou tout au moins le plus près possible de Nivelles.
M. Goblet. - Messieurs, à propos de ces nouvelles concessions de chemins de fer, comme il n'y a pas de discussion de budgets cette année, permettez-moi de demander à M. le ministre des travaux publics certaines explications sur des critiques et sur des promesses faites en 1863.
Je demanderai à M. le ministre si les concessions sont étudiées aujourd’hui avec tout le soin nécessaire et si l'on ne fera pas, comme en d'autres circonstances, entrevoir des espérances à certaines populations pour soulever ensuite d'amères récriminations en ne les réalisant pas, et si l'on sait, au moins, au ministère des travaux publics, ce que l'on va faire sous le rapport matériel de l'exécution des travaux.
Je me permettrai une autre observation. Quoique je partage en partie l'opinion de mon honorable ami M. Le Hardy de Beaulieu, je ne vais cependant pas aussi loin que lui.
Toutefois, je crois que lorsqu'on fait des concessions de chemins de fer, on se préoccupe beaucoup trop peu de l'intérêt des actionnaires et que la surveillance du gouvernement devrait être beaucoup plus grande. La preuve en est dans les faits qui se passent autour de nous : Vous (page 385) n’avez pas de chemin de fer, sauf celui d’Anvers à Gand, qui donne 4 p. c. bien net. Ceux qui construisent s'inquiètent fort peu des résultats et, en définitive, les actionnaires sont victimes. Je sais bien qu'on excuse cette manière de faire en disant que si on ne laissait pas aux concessionnaires ce moyen de placer leurs actions, il ne se ferait pas de chemins de fer, surtout il ne se ferait pas de chemins de fer concédés ; c'est possible ; mais je dois dire que ce système ne peut être poussé à l'extrême comme il l'est en Belgique.
u le gouvernement, contrairement à ce qui se passe, doit faire exécuter le cahier des charges et exercer la surveillance à laquelle il s'engage vis-à-vis de tous, ou, s'il veut la liberté absolue, nous ne devons intervenir que pour ce qui est nécessaire et sans prendre aucune responsabilité.
L'année dernière, on a demandé, et M. le ministre des travaux publics a promis de compléter le service de la surveillance des chemins de fer concédés ; l'honorable ministre a pu dire alors que la comptabilité est parfaitement exacte. Cela vrai ; mais quant à la surveillance du matériel, M. le ministre des travaux publics a dû lui-même avouer que cette surveillance était nulle, ou à peu près. Je lui demanderai quelles sont les mesures arrêtés à cet égard.
En ce qui concerne les tarifs, M. le ministre des travaux publics a-t-il pris certaines précautions pour amener l'unification des tarifs des nouveaux chemins à concéder, et des tarifs du chemin de fer de l'Etat, alors qu'il sera jugé nécessaire de prendre des mesures à cet égard.
C'est une question des plus importantes. M. le ministre des travaux publics a reconnu lui-même que c'est la diversité des tarifs établis sur les chemins de fer belges, qui rend les transports beaucoup plus onéreux pour les uns que pour les autres.
Au grand regret de l'administration elle-même, il n'a pas été tenu compte de ce grave intérêt dans le passé ; mais n'y a-t-il pas lieu d'en tenir compte aujourd'hui et de le sauvegarder dans l'avenir? Je suis d'avis qu'on ne devrait plus concéder un seul chemin de fer sans imposer aux concessionnaires cette obligation, qui est bien plus équitable que celle qui consisterait à démolir le chemin de fer en cas de guerre, sans indemnité.
Je n'irai pas aussi loin que l'honorable M. Le Hardy, je ne pense pas comme lui que les concessionnaires accepteront toute espèce de conditions ; mais il est des conditions justes et raisonnables, qu'il faut imposer dans l'intérêt de tout le monde. Je le répète, en faisant surtout allusion à la surveillance et à l’unification des tarifs.
Les chemins de fer concédés rendent de grands services ; mais ils sont plus ou moins imparfaits...
M. de Naeyer. - Comme toutes les choses de ce bas monde.
M. Goblet. - C'est vrai. Messieurs, je crois qu'il y a dans cette partie beaucoup à faire ; du reste, on l'a reconnu l'année dernière, et je serais très heureux que l'honorable ministre des travaux publics me donnât l'assurance que certaines bonnes résolutions manifestées alors par lui, aient été accomplies.
M. Vermeireµ. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour répondre deux mots aux observations qui ont été présentées par l'honorable préopinant.
L'honorable membre désire que l'on se préoccupe davantage de l'intérêt des actionnaires dans les nouvelles concessions de chemins de fer ; il voudrait aussi que le gouvernement exerçât une surveillance plusactive que celle qu'il a exercée dans le passé sur les chemins de fer concédés. Pour ma part, je demanderai au gouvernement qu'il n'intervienne trop activement ni dans la construction, ni dans l'exploitation des chemins de fer exécutés par des compagnies particulières.
Lorsque des sociétés particulières construisent et exploitent de nouvelles lignes, elles cherchent naturellement à organiser dans les conditions les plus économiques possibles le transport des voyageurs et des marchandises, et l'administration doit user à leur égard de la plus grande tolérance. Dans mon opinion, plus la concurrence est grande, plus les prix peuvent être réduits et plus aussi il doit en résulter d'avantages pour ceux qui sont dans le cas de se servir des chemins de fer. A ce point de vue, je demanderai que le gouvernement n'intervienne pas trop pour amener l'unification dans les tarifs des chemins de fer.
Maintenant, qu'est-ce qu'avoir un tarif uniforme ? Rétablirez-vous la tarification vicieuse qui existe actuellement ? Prendrez-vous pour base de votre tarif la distance réelle à parcourir ? ou bien prendrez-vous la distance à vol d'oiseau ou une intermédiaire, d'après le système qu'on suit aujourd'hui, lorsque les chemins de fer doivent faire un détour trop considérable ?
Il me semble, messieurs, que si l'industrie privée veut construire des chemins de fer, on doit lui laisser la facilité de se servir de cet instrument dans des conditions telles, qu'il lui soit permis de soutenir la concurrence.
Je demande donc encore une fois que le gouvernement n'exerce pas une surveillance trop active qui serait peut-être de nature à neutraliser les efforts de l'industrie privée.
M. Mullerµ. - Messieurs, comme on demande des renseignements au gouvernement sur des questions qui ne sont pas directement applicables aux chemins de fer de Tournai et de Roulers, je me permettrai d'attirer l'attention de M. le ministre des travaux publics sur un point que, selon moi, il importerait à la Chambre et au pays de connaitre.
Depuis deux ou trois ans, nous avons accordé un assez grand nombre de concessions de chemins de fer. Le budget du département des travaux publics ne pouvant être discuté actuellement, il serait intéressant de savoir quelles ont été, jusqu'aujourd'hui, les suites données à nos votes.
L'honorable ministre doit être en mesure de nous fournir à cet égard des éclaircissements, de nous dire, en ce qui concerne les diverses concessions que nous avons déjà octroyées, leur situation respective quant à la constitution des capitaux, quant au degré d'avancement et à l'exécution des travaux.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Messieurs, dans la séance d'hier, quelques membres m'avaient déjà manifesté le désir d'obtenir des renseignements sur la situation des concessions qui ont été votées dans ces dernières années. Je me suis mis en mesure de fournir ces renseignements ; je suis prêt à les faire connaitre s'ils peuvent intéresser la Chambre. (Parlez ! parlez !)
Messieurs, au 31 décembre 1858, il y avait en Belgique 4,691 kilomètres de chemins de fer, dont 567 construits par l'Etat, et 1,124 par des compagnies particulières.
Pendant la période quinquennale qui vient de s'écouler, 419 kilomètres de chemins de fer concédés avant le janvier 1859 ont été livrés à l'exploitation, ce sont :
Les sections d'Arlon à la frontière du grand-duché et à la frontière de France, du réseau du grand Luxembourg ;
La ligne de Liége à Maestricht ;
La section d'Audenarde à Saint-Ghislain de la ligne de Hainaut Flandres ;
La section de Chimay à Momignies de la ligne de Chimay.
En fait de concessions nouvelles, nous avons diverses catégories ; d'abord les lignes concédées et mises en exploitation depuis le 1er janvier 1859. Voici les lignes qui appartiennent à cette première catégorie :
Gand à Eecloo ;
Morialmé à Givet ;
Tongres à Bilsen ;
Eecloo à Bruges ;
Louvain à Herenthals ;
Bruges à Blankenberghe ;
Mariembourg vers Dinant (première section) ;
Tongres à Ans (première section) ;
Namur à Givet.
Ces lignes mesurent ensemble une longueur de 209 kilomètres.
Je range, messieurs, dans la catégorie suivante les lignes concédées depuis le janvier 1859 et qui se trouvent en construction, c'est-à-dire dont l'achèvement est inévitablement assuré, non seulement parce que les cautionnements définitifs sont versés, mais parce que de plus les capitaux déjà dépensés répondent suffisamment des capitaux restant à dépenser encore.
Voici, messieurs, la nomenclature des lignes dont la construction est plus ou moins avancée :
Baume à Marchienne ;
Braine-le-Comte à Gand ;
Mariembourg vers Dinant (2ème section) ;
Tamines à Landen, avec embranchement vers Tirlemont ;
Hal à Ath ;
Tongres vers Ans (2ème section) ;
Anvers à Hasselt ;
Vallée de l'Ourthe ;
Spa vers le duché grand-ducal ;
Tournai à Lille.
Cette catégorie mesure 423 kilomètres.
Vient une troisième catégorie de concessions. comprenant les lignes pour lesquelles les cautionnements supplémentaires ont été versés, et les justifications de capital exigées par les cahiers des charges fournies, et pour lesquelles, par suite, il a été possible d'accorder des concessions définitives.
(page 386) Toutes ces lignes verront commencer leurs travaux dans un avenir prochain ;
En voici le relevé :
Furnes à Dunkerque ;
Malines à Saint-Nicolas ;
Basèches à la frontière française ;
Piéton à Seneffe ;
Braine-le-Comte à Courtrai ;
Namur à Geest-Gerompont ;
Courtrai à Denderleeuw ;
Grammont à Nieuport ;
Tirlemont à Diest ;
Landen à Aye ;
Le réseau appelé communément le réseau Forcade, comprenant un ensemble de lignes dans le Luxembourg.
Cette catégorie mesure une longueur de 675 kilomètres.
Je crois que, sans rien s’exagérer, sans avoir de mécomptes sérieux à craindre, l’exécution intégrale de ces lignes aura lieu dans un temps plus ou moins rapproché, par le motif que les cautionnements définitifs, qui montent toujours à plusieurs centaines de mille francs, ont été versés ; en effet, les établissements financiers qui ont assuré ce premier résultat ont trop d’intérêt à rentrer dans leurs fonds par la formation du capital entier de l’entreprise, pour qu’ils ne fassent pas des efforts énergiques à l’effet de réaliser ce capital. C’est ainsi que les choses se passent toujours. Aussi le dépôt du cautionnement définitif est-il un pas décisif vers l’exécution complète.
Les diverses catégories de concessions que je viens d’énumérer forment ainsi, avec les lignes existantes à la fin de 1858, un ensemble de 3,117 kilomètres.
Enfin, messieurs, il y a une dernière catégorie de concessions comprenant, outre les lignes qui figurent au projet de loi que vous avez voté hier et à celui que vous aller, j’espère, voter tout à l’heure, diverses autres lignes inscrites dans les projets de loi antérieures, adoptés par vous depuis 1859 : c’est la catégorie des lignes pour lesquelles, à l’exception de deux ou trois, le cautionnement provisoire est versé, et pour la plupart desquelles on est sur le point de verser le cautionnement définitif.
Ces lignes, dont je vais faire l’énumération, mesurent 563 kilomètres ; ce qui, ajouté au total que j’ai fait connaître ci-dessus des lignes en construction ou pour lesquelles il y a des concessions définitives, forme un ensemble de 3,680 kilomètres.
Voici maintenant les lignes qui composent cette dernière série :
Frameries à Chimay ;
Liège vers Aix-la-Chapelle et Verviers à la Meuse ;
(Ce sont deux affaire en instruction du côté des concessionnaires.)
Gand vers Terneuzen (cette affaire sera terminée, je pense, dans peu de jours ; il s’agissait d’une position à régulariser vis-à-vis du gouvernement des Pays-Bas et je crois savoir que ce gouvernement a fait connaître son consentement au projet) ;
Hasselt à Eyndhoven ; cette ligne peut être considérée comme faite, par suite de la disposition qui a été votée hier au sujet de certaines fusions d’exploitation. (Une maison puissante entre dans l’entreprise, le cautionnement définitif sera versé dans un bref délai. Toutes les mesures seront prise pour donner une grande impulsion aux travaux.)
Anvers à Dusseldorf. Vous connaissez, messieurs, la position de cette affaire ; il s’agit d’amener la Hollande, par des négociations diplomatiques, à nous accorder passage à travers le duché de Limbourg par Ruremonde.
D’après une communication officielle qui nous a été faite cette semaine de la part du gouvernement néerlandais, je pense qu’il ne s’agit, entre la Belgique et la Hollande, que de décider une question de tracé. L’établissement même d’une voie ferrée à travers le duché du Limbourg ne peut pas être refusé à la Belgique, et je ne pense pas que la Hollande veuille nous contester ce droit. Il s’agit donc pour nous uniquement de pouvoir passer par Ruremonde plutôt que par le canton de Sittard. Nous avons trop de bonnes raisons à faire valoir à l’appui de notre demande, et d’ailleurs nous sommes en trop bons termes avec la Hollande pour que nous n’ayons pas l’espoir fondé d’arriver bientôt au but que nous poursuivons.
Poperinghe à la frontière française, dans la direction de Hazebrouck (cette section de ligne est formellement sollicitée par la Compagnie occidentale, il s’agit donc simplement d’une affaire de régularisation) ;
Saint-Nicolas à la frontière des Pays-Bas (cette affaire peut être également considérée comme terminée) ;
Termonde à Saint-Nicolas (ici il y a compétition pour l’obtention de la concession) ;
Ostende à Armentières et Lokeren à Selzaete (ces deux lignes, messieurs, vous les avez votées hier ; je n’ai donc pas, je pense, à m’en expliquer davantage).
Enfin, Anvers à Douai et Roulers à Ypres, en discussion en ce moment devant la Chambre.
Ce bilan, messieurs, vous paraîtra sans doute sans satisfaisant ; il le sera davantage encore dans peu de temps, et l’on peut tenir pour certains que, dans un avenir prochain, la très grande majorité des concessions votées dans ces derniers temps par la législature arriveront à leur complète exécution.
Messieurs pour répondre aux observations présentées dans la séance d’aujourd’hui, je commencerai, puisque nous parlons de la situation générale de nos concessions, par celles qu’a produites l’honorable M. Goblet.
L’honorable membre m’a demande si les errements que nous suivons aujourd'hui en matière de concessions de de chemins de fer différaient, comme cela devrait être, des errements anciens. J’avoue que je n’ai pas saisi exactement - et j’accorde que c’est ma faute, - la portée des critiques formulées par l’honorable membre.
M. Goblet. - Je demande la parole.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Beaucoup de concessions ont été suivies de déceptions, dit l’honorable membre ; les fonds engagés dans les chemins de fer ne rapportent que 2, 3 et 4 p. c. d’intérêt au maximum. On a fait de brillantes promesses aux actionnaires ; ces promesses se sont évanouies lorsqu’on s’est trouvé en présence des faits.
Messieurs, je tiens que l’Etat n’est point responsable de pareilles déceptions. Si le gouvernement avat contribué à tromper les actionnaires (en admettant qu’ils aient été trompés), certainement on pourrait lui faire, de ce chef, un reproche et un reproche très grave ; mais encore une fois, je dis que l’intervention du gouvernement, telle qu’il la pratique dans les concessions de chemins de fer, ne peut pas tendre à faire peser sur lui une pareille responsabilité. On parle de décentralisation et de liberté individuelle : il me semble que c’est bien dans cette circonstance que ceux qui veulent restreindre l’action du gouvernement ne doivent pas l’obliger à mettre en lieu et place de ceux qui s’engagent dans des entreprises industrielles, dans des entreprises de chemins de fer.
Ceux qui placent leur argent dans ces entreprises ne font pas autre chose qu'une simple spéculation industrielle, c'est à eux à calculer la portée de l'acte qu'ils posent. Le gouvernement ne. peut pas se substituer à eux quant à l'appréciation des garanties qu'offre tel ou tel placement de fonds.
De quelle manière le gouvernement intervient-il dans l’établissement des chemins de fer ?
Il juge s'il est de l'intérêt public que tel ou tel chemin de fer soit établi, et suivant que la réponse est affirmative ou négative, on accorde ou on refuse la concession. La concession accordée, vient la formation du capital ; une fois l'affaire entrée dans cette phase, la question de savoir si l’argent qui y mettra sera plus ou moins fructueux, plus ou moins productif, regarde l'individu ct non plus le gouvernement.
Il faut établir, si l'on veut rester dans les vrais principes et ne pas confondre les rôles, la séparation de l'action de l'individu et de l’action de l'Etat.
L'honorable membre a parlé aussi de la surveillance des chemins de fer. Elle est insuffisante, j’en conviens ; ici reparaît pour le gouvernement l’obligation d'agir, puisqu'il s'agit de sauvegarder la sécurité publique et la fidèle exécution des cahiers des charges. La surveillance des chemins de fer concédés éveille deux ordres d'idées différents : cette surveillance se rapporte ou à la surveillance de la voie ou à la surveillance de l’exploitation proprement dite.
La surveillance de la voie pourrait être exercée d'une manière efficace.
Il existe nu département des travaux publics une direction spéciale ayant à la fois dans ses attributions la surveillance de la voie et celle de l’exploitation.
Je commence par déclarer que la surveillance de la voie est insuffisante ; deux ou trois agents seulement en sont chargés ; or, il a y déjà trois cents lieues de lignes concédées et cette longueur, vous venez de le vérifier, va s'accroitre rapidement. Je dis que la présence de deux ou trois agents sur un pareil parcours ne suffit pas pour exercer partout cette surveillance d’une manière efficace. Je pense qu’il y aurait moyen d’obvier à cette situation en adoptant un système très simple et très économique ; il consisterait à charger les (page 587) agents ordinaires du corps des ponts et chaussées dans leurs circonscriptions respectives de surveiller les lignes concédées.
Ce sont les agents des ponts et chaussées qui font les plans et qui sont préposés à leur exécution quand l’Etat construit lui-même des chemins de fer. Ce sont eux qui surveillent les lignes concédées en construction ; à plus forte raison peuvent-ils surveiller les lignes en exploitation des compagnies, au point de vue du bon entretien, de la sécurité de la voie. Ce serait pour eux un surcroît de travail ben faible et qui ne nécessiterait aucune augmentation de personnel, attendu que la besogne serait répartie entre un grand nombre de circonscriptions administratives.
La deuxième face de la surveillance sur les chemins de fer concédés est celle qui concerne l’exploitation ; ici il faudrait une loi. Le gouvernement est peut-être, - je dis peut-être à dessein, parce que j’entends faire une réserve - assez armé en principe ; en fait, il rencontre beaucoup de difficultés, et une loi lui permettrait d’exercer sa surveillance d’une manière à la fois uniforme et efficace.
Il s’agit, bien entendu, non de s’ingérer dans la gestion des compagnies, mais de faire tout ce qui est nécessaire ou en vue de la sécurité publique et de la complète exécution des obligations qui résultent pour les compagnies de leurs cahiers des charges. Ce loi serait donc à faire. Mais la difficulté ne gît pas dans la loi elle-même, elle consiste dans la confection du règlement de police à prendre en exécution de la loi.
La Chambre a été saisie d’un projet de loi de cette nature par lequel le gouvernement était autorisé à édicté pareille règlement, mais cette loi n’était pas une solution complète, tant que le règlement n’était pas définitivement élaboré. Or, celui-ci présente des côtés très délicats. On est exposé à empiéter sur les droits que les cahiers des charges donnent aux sociétés et à arriver à cette conséquence que des dispositions du règlement seraient sans force devant une clause de cahier des charges et invalidées par les tribunaux.
C’est notre excuse de n’avoir pas donné suite jusqu’ici à cette grave question. Cependant je m’en étais occupé d’une manière spéciale, depuis quelques temps ; dans la position où se trouve le cabinet, je suis, je pense, déchargé de cette besogne délicate.
L’honorable M. Goblet a demandé encore si j’avais pris des mesures dans les contrats de concession faits depuis l’année dernière, pour arriver à l’uniformité de tarifs, que tout le monde désire.
Je réponds qu’aucune disposition nouvelle n’a été présenté aux concessionnaires ; ce n’est pas que sous ce rapport il n’y ait quelque chose à faire. Je crois cependant qu’il n’y a pas tant à faire que le pense l’honorable membre.
D’après la statistique que je viens de dresser devant vous, messieurs, vous avez vu que l’on construit ou que l’on construira un ensemble de lignes concédées qui montera à 3 mille kilomètres. Je lui loin de crois que le champs des concessions de chemins de fer soit fermé ; mais ce qui est construit n’est plus à construire ; ce qui est définitivement concédé n’est pas à concéder. De plus, il n’est pas probable qu’on construise ou qu’on concède dans l’avenir, si ce n'est en se plaçant à une époque fort éloignée, autant qu’on a construit ou concédé jusqu’ici.
Aujourd’hui donc, pour établir l’uniformité des tarifs, il est trop tard, les conventions faites étant irrévocables.
Si l’on peut faire quelque chose vis-à-vis de ceux qui arrivent maintenant, on ne le peut pas pour ceux qui sont déjà arrivés ; la bigarrure des tarifs, pour autant qu’on voudrait agir par voie d’autorité, est donc un mal sans remède.
Mais je me persuade qu’on peut arriver à la simplification et à l’uniformité des tarifs entre l’Etat et les compagnies, par une autre voie, c’est que l’Etat ait des taxes rationnelles et modérées, telles qu’il soit de l’intérêt des compagnies de les adopter.
Aller plus loi, proposer aux compagnies des tarifs non rémunérateurs serait courir au-devant d’un échec.
Dans ce moment même, le gouvernement s’est adressé aux compagnies pour leur offrir un tarif uniforme. Il cherche à les amener à adopter le tarif de l’Etat, de manière que tous nos chemins de fer, aux yeux du public, ne présentent plus qu’une vaste exploitation régie par les mêmes règles, en ce qui touche les tarifs, et que le public ne s’aperçoive plus, en matière de tarifs, qu’il parcourt une ligne de l’Etat ou une ligne concédée, s’il parcours une ligne ou s’il en parcourt deux ou plusieurs. Je dois dire à la louange des compagnies qu’elles ont fait bon accueil à ces propositions et que je ne désespère pas de les voir finalement se rallier au système du gouvernement.
On pourrait ainsi, non seulement pour l’avenir mais aussi pour le passé, arriver à une situation tout à fait satisfaisante sous ce rapport ; mais c’est à la condition de ne réclamer des compagnies que ce qu’elles peuvent accepter.
Si l’on voulait aller au-delà, si l’Etat abusant vis-à-vis des compagnies de la plus grande puissance d’exploitation qu’il a, voulait leur imposer des tarifs trop bas, qu’arriverait-il ? Il arriverait que personne ne mettrait plus d’agent dans les chemins de fer. Il faut que les chemins de fer soient productifs dans une mesure équitable. S’il en était autrement, les capitaux s’en éligneraient. Je pense donc que la situation n'est pas aussi mauvaise qu’on se le figure. On peut y obvier dans la proportion da raisonnable. Au delà, on ne peut rien exiger.
J’aborde maintenant quelques observations de détail qui ont été présentées par d’autres préopinants.
En ce qui concerne d’abord la station de Tournai, je ne puis que répéter en séance publique ce que j'ai déjà dit aux honorables députés de Tournai dans mon cabinet lorsqu'ils sont venus insister pour la concession du chemin de fer d’Anvers à Douai, c’est que la situation nouvelle amènerait inévitablement l’agrandissement de la station de Tournai et que le moment serait venu de faire à Tournai un établissement définitif et complet.
La recommandation de l’honorable M. Magherman en ce qui concerne le raccordement des diverses lignes de chemins de fer passant par Renaix dans une seule station ne sera pas perdue de vue, mais je tiens à dire qu’il me paraît impossible que toutes les lignes qui passeront par Renaix ne soient pas raccordées entre elles si tant est, et c’est ce qui arrivera probablement, que toutes les compagnies n’établissement pas une seule grandes station, car c’est leur intérêt.
En ce qui concerne le passage du Ruppel dont a parlé l’honorable M. Van Humbeeck, c’est encore un objet qui ne sera pas perdu de vue, mais je dois faire remarquer qu’il y a déjà un pont sur le Ruppel à Boom ; ou bien la compagnie concessionnaire du chemin de fer d’Anvers à Douai utilisera ce pont en le renforçant ou bien elle établira un autre pont qui ne pourra présenter pour la navigation des inconvénients plus grands que le pont actuel.
Enfin M. Le Hardy de Beaulieu a parlé d’abord de l’insuffisance des enquêtes relatives aux projets de concessions tels qu’ils sont soumis aux Chambres ; je ne suis pas de l’avis de l’honorable membre.
Certainement, messieurs. Ces enquêtes sont loin d'être complètes, mais je ne crois pas que la Chambre soit désireuse d'entrer dans ce que j'appellerai les menus détails d'une concession. Je tiendrais même pour fâcheux que la Chambre dût s'occuper du point de savoir si tel chemin de fer passera un peu à droite ou un peu à gauche de telle ou telle localité de dixième ordre. Un tel mode de procéder ne pourrait aboutir qu'à faire ici des récriminations sans fin entre des intérêts en lutte, et serait une cause d'embarras pour la Chambre et de retards dans la solution de ces sortes d'affaires.
Ce sur quoi la législature a à statuer, c’est sur le principe de la concession, sur utilité générale.
Quant aux détails, je pense qu'elle peut sans inconvénient continuer à les abandonner à l’administration.
L'honorable membre a aussi parlé de la nécessité de profiter de la nouvelle voie ferrée entre Anvers et Douai, pour faire établir des embarcadère sur l'Escaut ; il a semblé reprocher au gouvernement qu'il y eût là une lacune assez fâcheuse.
L’honorable membre me permettra de lui rappeler des faits qui se sont passés plus ou moins à son intervention personnelle.
S'il n'y a pas d’embarcadère sur l’Escaut du côté de Schelle et de Niel, il faut cependant reconnaître que ce n'est pas la du gouvernement ; ce n’est pas en effet la faute du gouvernement s'il n’y a pas encore de chemin de fer dans cette contrée.
On a d’abord sollicité une concession de Malines à Schelle. Le gouvernement s'est déclaré prêt à l'accorder.
On a demandé ensuite une concession plus étendue ; celle de Malines par Boom et Schelle à Anvers.
Le gouvernement s’est déclaré prêt à l’accorder. On a soutenu enfin que cette entreprise ne pouvait vivre de ses propres ressources, qu’il fallait que l’exploitation se fît par l’Etat. Le gouvernement a déclaré qu’il était prêt à proposer aux Chambre la concession de cette ligne avec l’exploitation par l’Etat.
Eh bien, messieurs, à mesure que le gouvernement déclarait qu’il accordait ce que l’on réclamait de lui, à mesure on a reculé et nous sommes arrivés ainsi jusqu’à la concession actuelle.
J’espère que le tracé qui sera soumis par les concessionnaires pourra faire droit aux observations de l’honorable membre. S’il en était autrement, (page 588) si l'intérêt dont il a entretenu la Chambre n'obtient pas satisfaction, je dois constater que le gouvernement est hors de cause.
En troisième lieu, l'honorable membre critique la constitutionnalité d’une des dispositions du cahier des charges de cette même concession d'Anvers à Douai.
Il s'agit du droit du gouvernement de démonter un tronçon de la voie pour la défense nationale.
Je ne trouve rien d'inconstitutionnel dans cette disposition.
L'article de la Constitution dit bien qu'en cas d'expropriation il faut une juste et préalable indemnité, mais il y a à faire ici une distinction. La Constitution parle d'une propriété existante et il s'agit ici d'une propriété à créer. Quand il s'agit de créer une propriété, ceux qui veulent la créer ont à peser les conditions que la législature appose à cette création.
Si ces conditions ne leur conviennent pas, ils n'ont qu'à ne pas les accepter. Si elles leur conviennent, il y a une convention préalable qui écarte évidemment l'application de l'article de la Constitution.
Enfin en dernier lieu l'honorable membre a parlé de l'établissement du chemin de fer direct de Charleroi sur Bruxelles. Cette affaire est restée en suspens, elle est extrêmement difficile, extrêmement grave. A ce titre et à raison de la position particulière dans laquelle nous nous trouvons, je n'ai pas cru devoir y donner autrement suite. Il y a un grand nombre de combinaisons présentées. Faut-il abandonner l'exploitation aux concessionnaires ou la retenir pour l'Etat ? S'il faut construire le chemin de fer, ne vaut-il pas mieux que l'Etat le construise ? C'est une opinion qui est défendue. On prétend même qu'un grand nombre d'industriels de Charleroi voudraient renoncer à l'élargissement du canal de Charleroi, si l’Etat était disposé à établir lui-même un chemin de fer plus direct sur Bruxelles et à réduire dans une certaine mesure le péage du canal de Charleroi. Ce sont là, messieurs, de grosses questions qui demandent un mûr examen et je prie l'honorable membre de vouloir bien attendre que cet examen ait pu se faire.
M. Goblet. - Messieurs, je commencerai par remercier M. le ministre des travaux publics de ce qu'il nous a dit au sujet de la manière dont il compte augmenter la surveillance des chemins de fer concédés.
Je me bornerai en outre à lui dire que je ne puis pas pousser mon opinion sur l'uniformité des tarifs beaucoup plus loin que lui. Mon opinion est consignée dans le rapport de la section centrale de l'année dernière, et si j'ai dit qu'avoir déjà 23 de ces conventions spéciales était un mal très grave, je ne l'ai dit que parce que j'étais autorisé par les hommes les plus importants de nos administrations à soutenir cette opinion.
De plus, je ne veux, en quoi que ce soit, entraver la liberté commerciale ni l'industrie. Mais je pense que quand on vient demander une concession, et que l'on impose aux demandeurs en concession un cahier des charges, on pourrait faire en sorte que ce cahier des charges ne fût pas une illusion pour celui qui donne son argent. Le concessionnaire ne donne pas de l'argent ; il se borne à faire le chemin de fer. C'est l'actionnaire qui paye ; il doit être protégé par le cahier des charges. Or il est rare, et des faits confirment cette assertion, que les cahiers des charges soient exécutés d'une manière complète.
Je veux bien de la liberté, mais il ne faut pas, je le répète, accepter une responsabilité quelconque sans en porter les conséquences. Lorsque des concessionnaires demandent à exécuter un chemin de fer, voyez si ce chemin de fer est utile à l'intérêt général et ne leur imposez pas un cahier des charges ; n'ayez pas l'air d'exercer une surveillance dont on n'aperçoit pas les effets et nul n'aura le moindre reproche à vous adresser. Vous donnez là une apparence de garantie, dont on se sert pour tromper le public, et cela ne doit pas être.
M. Beeckman. - Je crois que la Chambre est assez satisfaite des explications que vient de lui donner M. le ministre des travaux publics. Je me permettrai cependant de lui demander une explication complémentaire.
D'après l'acte de concession intervenu entre la société du Nord et l'Etat, les concessionnaires devaient achever la ligne d'Auvers à Hasselt en trois années. Or ces trois années vont expirer au mois de mai prochain.
Il y a plus, dans un article de la convention il est dit que la société sera obligée de déployer toute l'activité possible sur la ligne d'Aerschot à Diest.
Or aujourd’hui la société, au lieu de déployer beaucoup d'activité entre Aerschot et Diest, travaille activement entre Anvers et Aerschot et ne s'occupe nullement de la ligne d'Aerschot à Diest.
Je ne connais pas les motifs de ce retard et je demande que M. le ministre des travaux publics veuille bien forcer la société à déployer au moins la même activité sur cette section que sur le reste de la ligne.
Je pense que M. le ministre des travaux publics ne trouvera pas d’inconvénient à donner ces explications ; sinon je serai obligé d’insister pour que le contrat qui est intervenu soit exécuté dans son entier.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je n'ai que deux mots à dire.
Le cahier des charges impose en effet au concessionnaire l'obligation d'achever la section d'Aerschot à Diest dans un délai déterminé. Je ne sais si c'est au mois de mai prochain ou au mois de mai 1865 que ce délai expire.
M. Beeckman. - Au mois de mai prochain.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Eh bien, si le concessionnaire n'est pas en règle, le gouvernement appréciera les causes du retard.
Je puis cependant dire aujourd'hui qu'il y a eu deux causes de retard légitimes, que tout le monde peut admettre.
D'abord certaines difficultés quant aux plans. Je vous certifie que ces difficultés ne sont pas venues de la part des concessionnaires, mais sont venues du gouvernement. Le département de la guerre a été consulté et il a fait des observations qui ont nécessité des modifications successives sur certains points du tracé.
A la suite de cette première cause de retard en est venue une autre. C’est la résistance des propriétaires des terrains qui devaient être empris. Il y a eu, il y a en ce moment des procès en expropriation.
Je crois que désormais l'on va travailler sur cette section avec la plus grande activité. Les plans sont définitivement approuvés depuis longtemps et je pense que tous les terrains sont sur le point d'être acquis. Il est de l'intérêt de la compagnie de hâter les travaux et elle a les moyens financiers de le faire.
M. De Lexhy. - J'ai demandé la parole pour remercier l'honorable chef du département des travaux publics, des renseignements qu'il vient de fournir à la Chambre, et je saisis cette occasion pour le féliciter de la manière ferme et énergique avec laquelle il a su conduire à bonne fin les grandes entreprises dont il a doté le pays, et notamment le chemin de fer de Landen à Marche par Hannut, la vallée de la Mehaigne et Huy. J'ai appris avec une vive satisfaction que le capital nécessaire pour la construction et l'exploitation de cette ligne était assuré et que le cautionnement définitif était versé.
Il me reste à demander à M. le ministre des travaux publics de faire tous ses efforts pour que ce chemin de fer soit exécuté dans le plus bref délai possible, afin que les populations de mon arrondissement soient promptement mises en possession de ce grand instrument de prospérité.
J'espère également que le département des travaux publics veillera à ce que, dans le tracé définitif et dans l'emplacement des stations, il soit tenu compte des exigences légitimes des localités intéressées.
M. Faignart. - M. le ministre des travaux publics vient de nous dire qu'un grand nombre d'industriels du bassin de Charleroi préféreraient la construction du chemin de fer direct de Charleroi RI Bruxelles, à l'élargissement du canal. Je comprends très bien que telle soit l'opinion des industriels de ce bassin. J'appelle l'attention du gouvernement sur l'injustice qu'il y aurait à ne pas faire l'élargissement du canal, au point de vue des intérêts du centre qui, dans ce cas, se trouveraient dans une position ruineuse.
La construction du chemin de fer direct aux dépens de l'élargissement du canal serait la destruction complète des intérêts du bassin du Centre. Je proteste de toutes mes forces contre ce projet. S'il a pour but d'éloigner les avantages que réclame la navigation sur le canal de Charleroi et ses embranchements, et si un tel projet venait devant la Chambre, je pense que celle-ci serait unanime pour le repousser. Car il y aurait une injustice criante à avantager ainsi un bassin au détriment d'un autre.
M. de Theuxµ. - Ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics quant à la ligne d'Aerschot à Diest et Hasselt me remet en mémoire qu'une pétition a été adressée à la Chambre par la commune de Spaelbeek et les habitants des environs pour obtenir tout au moins une halte dans cette localité. Il serait extrêmement utile qu'il fût fait droit à cette demande.
- La discussion est close.
L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Article unique. Le gouvernement est autorisé à concéder :
« 1° Un chemin de fer d'Anvers à Tournai avec prolongement jusqu’à la frontière française dans la direction de Douai, aux clauses et conditions de la convention et du cahier des charges, en date du 14 mars 1864 ;
« 2° Un chemin de fer de Roulers à Ypres, aux clauses el conditions de la convention et du cahier des charges, en date du 14 mars 1864. »
- Il est procédé à l'appel nominal.
(page 389) 75 membres y prennent part.
Tous ont répondu oui.
En conséquence, la Chambre adopte.
Le projet de loi sera transmis au Sénat.
Ont voté :
MM. Moncheur, Moreau. Mouton, Muller, Notelteirs, Orban, Orts, Pirson, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Schollaert, Thienpont, A. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Renynghe, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen, Allard, Ansiau, Bara, Beeckman. Bouvier, Braconier, Coppens, David, de Baillet-Latour, Declercq, de Conninck, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delcour, De Lexhy, de Macar, de Mérode, de Moor, de Naeyer, de Renesse, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Terbecq, de Theux, d'Hane-Steenhuyse, Dolez, B. Dumortier, H. Dumortier, d’Ursel, Faignart, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hayez, Hymans, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, M. Jouret, Kervyn de Lettenhove, Lange, le Bailly de Tilleghem, J. Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Magherman et E. Vandenpeereboom.
- La séance est levée à 4 heures trois quarts.