(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1863-1864)
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom)
(page 371) M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Thienpont, secrétaire., lit le procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Florisone présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants de Londerzeel présentent des observations sur le chemin de fer projeté d'Anvers à Douai, et prient la Chambre de réserver les embranchements sur Lierre et Denderleeuw. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à ce chemin de fer.
« L'administration communale d'Elene prie la Chambre d'accorder aux sieurs Gillon ct Peeters-Baertsoen la concession d'un chemin de fer d'Anvers à Tournai vers Douai. »
« Même demande des administrations communales d'Oordeghem, Amougies ct Anserœul. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à ce chemin de fer.
« Le conseil communal de Buggenhout prie la Chambre d'accorder aux sieurs de Haulleville et Wergifosse la concession d'un chemin de fer d'Anvers à Saint-Vith par Braine et Namur. »
- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
« Des habitants de Dixmude se prononcent en faveur de la pétition du conseil communal de cette ville, demandant la construction du chemin de fer d'Armentières à Ostende par Dixmude, avec embranchement sur Nieuport. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à ce chemin de fer.
« Les membres du conseil communal de Gorssum demandent une diminution des droits d'accise sur la bière indigène. »
« Même demande des membres du conseil communal de Wilderen. »
- Renvoi à la commission de l'industrie.
« Les bourgmestres de Capelle-au-Bois, Humbeek, Ramsdonck et Thisselt demandent l'établissement du bureau télégraphique à la station de Capelle-au-Bois. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Ronchain, propriétaire à Pâturages, réclame l'intervention de la Chambre pour que les dégradations causées à sa propriété par l'exploitation des travaux souterrains d'une société houillère soient réparées et qu'on lui paye la moins-value de son habitation. »
- Même renvoi.
« L'administration communale de Namur prie la Chambre d'allouer au budget des travaux publics le crédit nécessaire pour la canalisation de la Meuse jusqu'à Givet. »
- Renvoi à la section centrale da budget des travaux publics.
« Des habitants de Bruxelles demandent le maintien des droits de la conscience en matière de sépulture. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Thys demande que la loi consacre la propriété des cimetières aux communes ; 2° le droit pour l'autorité civile compétente d'exercer exclusivement la police et la surveillance des cimetières ; 3° la suppression du monopole des pompes funèbres en faveur des fabriques d'église ou consistoires. »
- Même renvoi.
« M,.Beauvais, éditeur, au nom de M. Cassiers, ancien sénateur, fait hommage à la Chambre de 116 exemplaires d'une brochure intitulée : « le Règne des mots par l'argent et la loge. »
- Distribution aux membres de la Chambre.
M. de Kerchoveµ. – J’ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi portant concession d'un chemin de fer d'Anvers à Tournai et d'un chemin de fer de Roulers à Ypres. »
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport eltle met à la suite des objets à l'ordre du jour.
M. Hymans. - Je désire présenter quelques observations à M. le ministre de l'intérieur au sujet d'un arrêté qui a paru dans le Moniteur de ce matin.
Cet arrêté qui a été dicté, j'en suis convaincu, par d'excellentes intentions, me paraît aller à l'encontre de l'intérêt général et à l'encontre des principes que le gouvernement a cherché à faire prévaloir dans cette Chambre à propos d'un sujet important.
Il s'agit de la propriété artistique et littéraire.
Le Moniteur de ce matin contient un arrêté qui révise Ie règlement d'ordre du Musée royal de peinture et de sculpture de Bruxelles. D'après les dispositions actuelles de ce règlement, la commission administrative du Musée peut interdire l'exécution d'une copie dans les mêmes dimensions que l'œuvre originale. Cette précaution pouvait être utile. Elle empêchait de véritables faussaires de faire des copies qu'ils vendaient ensuite comme originaux, soit dans le pays, soit à l'étranger.
Mais en vertu d'une disposition nouvelle, provoquée par la commission du Musée, le gouvernement déclare qu'à l'avenir il sera strictement interdit de copier les œuvres des artistes suivants qui se trouvent au Musée, à moins d'en avoir obtenu l'autorisation préalable et par écrit des auteurs.
Messieurs, une pareille disposition est contraire à tous les principes de la matière, contraire à la jurisprudence et extrêmement préjudiciable à l'enseignement des beaux-arts.
Lorsqu'un artiste a vendu son tableau à I'Etat, de deux chose l'une, ou il a conservé le droit de reproduction à son œuvre ou il s'en est dessaisi. S'il a conservé le droit de reproduction, l'Etat ne peut accorder ce droit à personne.
Mais si le gouvernement a acheté la propriété complète de l'œuvre, l'auteur de celle-ci n'a plus le droit d'empêcher qu'on en fasse des copies.
Messieurs, avec le système que l'on vient d'introduire et qui pourrait se généraliser (c’est afin d'empêcher qu'il ne se généralise que je fais mon interpellation), il ne sera plus possible pour les jeunes gens qui s'adonnent aux études artistiques de copier une œuvre quelconque dans un musée. Or, un musée n'est pas seulement un lieu de curiosité pour les étrangers, les musées sont avant tout des lieux consacrés à l'étude, et où les jeunes artistes doivent avoir le droit de copier les œuvres acquises aux frais des contribuables.
Maintenant il dépendra du caprice d'un artiste d’interdire à tel ou tel de copier son œuvre, il dépendra de son caprice de donner ce droit à tel autre et de s'attribuer ainsi à lui-même le droit d'exploitation de l'œuvre qu'il a vendue à l'Etat, le droit de vendre des copies de son tableau après en avoir vendu l'original sans réserve au domaine public. C'est-à-dire que l'artiste qui n'a pas par lui-même le droit de vendre un second exemplaire du tableau qu'il a cédé à I'Etat, pourra en faire tirer par d'autres autant de copies qu'il voudra pour les mettre dans le commerce et retirer ainsi de son œuvre un nouveau bénéfice.
Il me paraît absolument impossible qu'un arrêté qui va d’une manière aussi formelle à l'encontre de tous les principes sur la matière, qui va à l'encontre de la jurisprudence du projet de loi que le gouvernement lui-même a présenté, à l'encontre des décisions prises par le congrès de la propriété artistique dont on nous a demandé d'enregistrer les décisions, soit maintenu ; il serait de nature à causer le plus grand préjudice à l'enseignement des beaux-arts. Je prierai donc M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien revoir la mesure qu'Il a prise. Tous les intérêts seraient conciliés si l'on se bornait à interdire la reproduction des tableaux, sans le consentement de l'Etat, qui en est propriétaire, au lieu d'exiger le consentement de l'artiste, qui a vendu son œuvre sans se réserver aucun droit sur elle.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, la question que soulève l'honorable M. Hymans est délicate ; elle a donné lieu à un long examen et elle a fait naitre de grandes (page 372) difficultés. Si j’ai pris cet arrêté, ce n’est qu’après m’être renseigné aux meilleurs sources.
Depuis longtemps, messieurs, les artistes se plaignaient amèrement des espèces de vols qui se commettaient dans nos musées. Certains peintres peut délicats copiaient les tableaux exposés dans nos musées et en faisaient un véritable commerce, au grand préjudice des auteurs.
C’est pour faire cesser ces abus et pour faire droit aux réclamations presque générales auxquelles il donnait lieu, que la commission du musée a prié le gouvernement de vouloir bien interdire d’une manière absolue la copie des œuvres des artistes encore vivants sans leur consentement. J’ai cru devoir prendre cette mesure.
Du reste, messieurs, s’il y avait là des inconvénients graves, mon successeur pourrait modifier l’arrêté que j’ai cru devoir prendre. C’est un simple arrêté ministériel, qu’on peut modifier du jour au lendemain.
M. Hymans. - C’est précisément parce que l’arrêté peut être modifié du jour au lendemain que M. le ministre de l’intérieur devrait le retirer immédiatement. Je ne conteste pas qu’il y ait eu des abus et j’approuve que l’on cherche à y porter remède, mais M. le ministre doit savoir aussi bien que moi que lorsqu’un artiste vend son œuvre à l’Etat, de deux choses l’une, ou bien il cède le droit de reproduction, ou bien il se réserve ce droit ; que l’on interdise la copie des tableaux dont les auteurs se sont réservé le droit de reproduction des œuvres dont l’Etat a acquis la pleine propriété, ce serait contraire à tous les principes du droit et à tous les intérêts de l’enseignement. Ces raisons suffisent, me paraît-il, pour que M. le ministre de l’intérieur modifie son arrêté, qui ne peut être utile qu’à un petit nombre de privilégiés.
M. Rodenbach. - Messieurs, si je suis bien informé, les peintres qui vendent leurs tableaux au gouvernement ne stipulent rien ; ils ne se réservent nullement le droit de copie. Les tableaux deviennent la propriété de l’Etat et par conséquent les auteurs devraient obtenir eux-mêmes l’autorisation du gouvernement pour pouvoir les copier. Ils n’ont pas plus de droit sous ce rapport que qui que ce soit. Mais, comme le dit l’honorable préopinant, il y a quelque chose à faire dans l’intérêt des jeunes peintres et dans l’intérêt des artistes eux-mêmes.
Il ne faut pas que la direction du Musée permette en toutes circonstances au premier venu de copier nos chefs-d’œuvre modernes ; il en résulterait de graves inconvénients.
Ainsi, il est à ma connaissance que l’on copie les tableaux modernes, et qu’on envoie ces copies en Amérique ou en Angleterre, et quelquefois en Hollande. Il paraît même qu’on est parvenu à faire parfaitement bien ces copies, que c’est au point de s’y méprendre, c’est surtout aux Etats-Unis d’Amérique, où l’on n’est pas encore très avancé en matière de beaux-arts, qu’on trouve plus facilement des dupes, surtout quand il y a des cadres magnifiques, et il paraît que des spéculateurs réussissent dans ces sortes d’affaires.
M. Bara. - Messieurs, je crois que l’honorable M. Hymans et M. le ministre de l’intérieur sont d’accord. Il est évident que par l’arrêté que l’honorable ministre a pris, il n’a pu aliéner les propriétés de l’Etat ; par conséquent, il n’entend parler, dans l’arrêté, que des tableaux dont les artistes se sont réservé le droit de reproduction. (Interruption)
On conteste ; voici l’article de l’arrêté ministériel :
« Art. 1er. L’article 48 du règlement d’ordre susmentionné est modifié dans les termes suivants :
« Art. 48. Il est strictement interdit de copier les œuvres des artistes vivants, à moins d’en avoir obtenu le consentement préalable et par écrit des auteurs.
« Quant aux œuvres contemporaines dont les auteurs sont morts, il en pourra être fait des copies, parès un délai de dix ans, à partir de la date de décès des artistes défunts. »
Il va de soi qu’il s’agit des tableaux dont les auteurs se sont réservé le droit de reproduction. Quant aux tableaux vendus à l’Etat sans réserve, on doit pouvoir les reproduire sans qu’on ait à demander l’autorisation des artistes ; s’il n’en était pas ainsi, M. le ministre de l’intérieur aurait aliéné une propriété de l’Etat ; il aurait rendu aux auteurs qui lui ont vendu des tableaux le droit de copie ; ce serait inconstitutionnel et illégal.
Ce n’est pas cela que M. le ministre de l’intérieur a voulu faire dans son arrêté ; cet arrêté n’a qu’un but : c’est de déclarer qu’à l’avenir on devra se procurer l’autorisation des auteurs qui se sont réservé le droit de reproduction ; et l’arrêté ainsi interprété, je crois que les objections de l’honorable M. Hymans ne sont pas fondées.
M. Hymans. Messieurs, j’accepte complétement l’interprétation que l’honorable M. Bara vient de donner à l’arrêté ministériel publié dans le Moniteur de ce matin, et si M. le ministre de l’intérieur l’accepte comme moi, je n’ai plus qu’à retirer mes observations, qui sont tout à fait conformes à la pensée de l’honorable représentants de Tournai.
Le gouvernement, comme il le dit, n’a pas le droit d’aliéner les propriétés de l’Etat, de faire rentrer dans le domaine privé ce qui est dans le domaine public. Avec l’interprétation de l’honorable M. Bara, l’arrêté devient parfaitement inutile...
M. Bara. - Pas du tout.
M. Hymans. - Voici la jurisprudence admise en cette matière. L’artiste qui vend un tableau à un particulier, conserve pour lui le droit de reproduction ; mais s’il vend son œuvre à l’Etat, il ne conserve le droit de reproduction qu’à la condition de le réserver par une stipulation formelle.
Or, les tableaux qui ont été achetés par l’Etat, sans cette réserve de l’artiste, qui sont devenus la propriété absolue du gouvernement, peuvent-ils ou non être reproduits sans le contentement des artistes ?
Si M. le ministre de l’intérieur dit oui, je n’ai plus d’observations à faire. Mais par son arrêté, il dit non. D’après le système de cet arrêté, il sera interdit à l’avenir de faire la copie d’aucun des tableaux qui se trouvent déposés au Musée de Bruxelles et dont la plupart appartiennent en pleine propriété à l’Etat, quelques-uns depuis 25 ans. Il faudra maintenant qu’on aille demander aux artistes une autorisation qu’ils n’ont plus le droit de refuser. Si tel n’est pas le sens de l’arrêté, je n’en comprends plus l’utilité.
M. Coomans. - Messieurs, sur l’interprétation que l’honorable M. Bara donne à l’arrêté ministériel, je n’ai qu’un mot à dire : c’est qu’elle enlève tout sens à l’arrêté.
Si telle est la signification de l’arrêté, mieux eût valu ne pas le prendre car le besoin d’un nouvel arrêté insgnifiant ne se faisait pas sentir. La réponse faite par M. le ministre de l’intérieur aux justes observations de l’honorable M. Hymans me semble si faible que je crois devoir en inférer charitablement pour l’honorable ministre qu’il n’a pas lu cet arrêté. Ma conviction intime est que telle est la vérité ; je crois pouvoir m’exprimer de la sorte, attendu que j’ai acquis la conviction que M. le ministre des travaux publics ne lit pas non plus régulièrement toutes les pièces qu’il signe. (Interruption.)
Mais, messieurs, je ne crois pas du tout avoir offensé M. le ministre en disant qu’il ne lit pas tout ce qu’il signe ; car il est évidemment impossible qu’il lise toutes les pièces qu’on lui soumet. (Interruption.) Quand j’aurai produit une preuve à l’appui de mon assertion, vous n’aurez plus le droit de dire que ce que j’avance est injurieux. L’an passé, j’ai fait remarquer au gouvernement, et à M. le ministre des travaux publics en particulier, qu’il n’était pas convenable , sous la législation qui nous régit et avec les principes économiques que nous professions tous ou presque tous, d’obliger les sociétés concessionnaires de chemins de fer à faire confectionner leurs matériaux en Belgique.
M. le ministre a répondu, avec l’assentiment d’autres ministres, que j’avais parfaitement raison, que cette clause était absurde (c’est le mot ou un mot équivalent dont il s’est servi), et qu’elle ne se reproduirait plus jamais dans les actes de concession. Or, avant-hier on nous a encore distribué un imprimé portant la concession du chemin de fer d’Ostende à Armentières et où cette clause se trouve reproduite.
Maintenant, ne voyez-vous pas que j’honore beaucoup M. le ministre des travaux publics qu’il n’a pas lu la convention, car s’il l’a lue, alors de deux choses l’une, ou il ne comprend pas ce qu’il lit, ou bien il ne considère pas comme sérieux les engagements qu’il prend dans cette Chambre. Or, l’une et l’autre hypothèse seraient injustes. M. le ministre des travaux publics est trop intelligent et trop loyal pour ne pas tenir compte des engagements qu’il prend ou pour n’en pas saisir la portée.
Je dois ajouter, au sujet de cet incident, que l’arrêté ministériel n’a pas de sens, qu’il était complètement inutile s’il fallait en borner l’interprétation au sens qu’y donne l’honorable M. Bara, qui, du reste, a fait de bonnes observations à ce sujet. Je fais remarquer, avec l’honorable M. Hymans et avec tous les économistes raisonnables, que la propriété du gouvernement peut être reproduite au moins par les Belges.
En conséquence, je crois qu’il ce qu’il y aurait à faire, ce serait de rapporter cet arrêté.
M. Hymans. - Il est contraire à la loi.
M. Coomans. - Cela conforme d’autant plus mon observation.
M. B. Dumortier. - Je regrette de ne pas pouvoir être de l’opinion de mon honorable ami qui vient de se rasseoir et des honorables préopinants qui l’ont précédé ; et, loin de critiquer l’arrêté qui a été pris par M. le ministre de l’intérieur, je n’ai qu’à lui adresser des éloges et de très grands éloges pour avoir pris cet arrêté.
Dans un musée, il y a deux sortes de tableaux ; il y a les tableaux (page 373) anciens et il y a les tableaux modernes, d’artistes vivants. Que l’on copie en entier les tableaux anciens pour se former et pour en faire pareils des tableaux de commerce, rien de mieux. Mais quant aux tableaux modernes, quant au tableaux d’artistes vivants, permettre qu’on en fasse des copies pour les propager à l'étranger, c'est là faculté qu’on accorde dans aucun autre musée.
M. Hymans. – Cela existe partout.
M. B. Dumortier. - Nulle part. On peut copier des fragments de tableaux, des têtes, des mains, etc., mais jamais on ne permet do copier complètement des tableaux originaux.
M. Hymans. C'est commettre un faux que de faire payer une copie pour original.
M. B. Dumortier. - Eh bien, ce qui se fait ici du malin au soir ; et si l’honorable membre connaissait toutes les ruses, toutes les manigances qui se pratiquent en pareille matière, il saurait que ces copies sont la plupart du temps, commandées par des marchands de tableaux qui ne craignent pas de les envoyer à l'étranger et de les y vendre comme originaux. Eh b:en, je ne puis pas permettre, moi artiste, que mon talent soit ainsi discrédité l'étranger par de mauvaises copies de mon œuvre.
Cela n’est pas possible. Si vous admettez un pareil système, jamais vous n’aurez un musée en Belgique, car aucun grand artiste, aucun artiste éminent ne consentira à vendre une de ses œuvres à l'Etat pour en voir envoyer sous son nom à l'étranger de mauvaises copies faites par le premier venu.
M. le ministre a fait une excellente chose en prenant l'arrêté dont il s’agit, c’est la Jase fondamentale d'un musée moderne. J'attache la plus grande importance à la création d'un musée de ce genre, c’est indispensable pour l'avenir de l'art en Belgique.
Jamais l’art flamande n’a été aussi brillant qu’aujourd'hui. A la grande époque de Rubens on peut compter quatre ou artistes éminents ; leur gloire a été très grande, elle ne sera jamais égalée, mais on ne comptait guère que quatre ou cinq artistes éminents ; aujourd'hui nous en comptons un grand nombre ; si un jour on veut comparer les écoles, il faudra aller chercher les œuvres des artistes modernes dans tous les pays du monde, excepté en Belgique.
Il faut donc créer un musée moderne et si vous voulez que nos artistes contribuent à sa formation, il faut les mettre à l'abri d'une misérable exploitation. Le devoir du gouvernement est de protéger les œuvres de nos grands hommes ; ce serait compromettre leur honneur et la représentation du pays que de laisser jeter dans la circulation de misérables copies en leur nom.
Je félicite donc M. le ministre de l'arrêté qu'il a pris, je l'aurais engagé à le prendre s’il ne l'avait pas fait, aussi est-ce avec plaisir que je viens le défendre comme une excellente mesure prise en faveur de l’art en Belgique.
Il m’inquiète peut s’il nuit au commerce de quelques mauvais rapins, c’est aux grands artistes que je m’intéresse, cet arrêté pourra mécontenter des faiseurs de copies et de pastiches, mais j’aime mieux entraver le commerce que de compromettre l’honneur de notre école.
M. Bara. - L'honorable M. B. Dumortier est sorti de la question. Que veut-il ? qu’on défende de copier les tableaux modernes dans leur grandeur naturelle. (Interruption) C'est ce que M. Dumortier a dit et il a ajouté : pour qu'on n'exploite pas le talent des auteurs. Mais, sous le règlement modifié, la commission pouvait parfaitement interdire la copie des tableaux modernes dans les mêmes dimensions que les originaux. On avait donc le droit d'empêcher de copier en grandeur naturelle les tableaux appartenant au gouvernement.
L’arrêté de ce jour vient dire ; Il faut l'autorisation des artistes. Il y a ure question de propriété que l'honorable M. Dumortier n'a pas touchée et qui est, avant toute autre, en discussion. Quand un tableau est vendu au gouvernement, sans réserve relativement à la reproduction, le gouvernement qui a acheté l’œuvre peut dire : On ne pourra pas le reproduire sans ma permission ; mais le gouvernement, propriétaire du tableau, ne peut pas dire : Il faut se munir de l’autorisation de l’auteur qui a cédé tous ses droits.
On peut expliquer l’arrêté ministériel en ce sens que le ministre a voulu prévenir les artistes qui copient les tableaux modernes, que quand il y a des œuvres dont les auteurs se sont réservé le droit de copie, il faut, pour les reproduire, obtenir leur autorisation ; mais il ne peut s’agir des tableaux dont le gouvernement a acquis le droit de reproduction.
Si l’honorable ministre de l’intérieur avait voulu faire cela, il aurait contrevenu à la loi, il aurait aliéné une propriété de l’Etat ; il aurait donné à des auteurs des droits auxquels ils auraient renoncé. L’arrêté qu’il a porté serait illégale. Je ne sais pas même si, au point de vue de l’art, on doit faire de pareils cadeaux aux artistes.
L'honorable M. Dumortier dit qu'il ne veut pas que l'on discrédite par de mauvaises copies le talent des artistes. Mais il y a à considérer les progrès de l'art, le droit qu'ont les jeunes gens d'aller dans les musées étudier les tableaux.
Les musées sont faits non pas avant tout pour perpétuer la gloire des peintres, mais pour former des artistes, pour préparer des talents nouveaux.
L'honorable M. Dumortier se place toujours au point de vue de l’amour-propre personnel des artistes. Mais ce qui est bien plus important, c'est l'avenir de l'art.
Cet avenir sera bien plus favorisé par le droit d'étudier et copier les tableaux, que par des prohibitions rigoureuses, bien entendu sous certaines conditions pour empêcher les fraudes et les duperies. pour empêcher que des croûtes soient vendues pour des tableaux de Rubens et de Van Dyck, comme cela est arrivé à beaucoup de gens. que je connais, qui ont été victimes de ces sortes de brocantages. (Interruption.)
Mais le gouvernement ne doit pas prendre 4es mesures telles, que les jeunes peintres ne puissent plus se livrer à l'étude des maitres vivants. C'est pourquoi j'interprète l'arrêté du gouvernement dans ce sens qu'on ne peut, sans l'autorisation des auteurs, faire la reproduction des œuvres d’art dont les auteurs se sont réservé le droit de reproduction, mais qu'on peut reproduire tous les autres appartenant l'Etat avec l'approbation du gouvernement ct sous des conditions qu'il jugera convenables pour empêcher les abus et la fraude. Si l'arrêté du ministre pouvait avoir un autre sens, il serait illégal.
M. Hymans. - Messieurs, je suis aussi ennemi que l'honorable M. Dumortier de l'exploitation des artistes et de tous les genres dc fraudes en fait d’art comme en fait de littérature. Mais cette exploitation que l'honorable M. Dumortier repousse ne se pratique pas seulement dans les musées, elle se fait surtout dans les ateliers, et quand un marchand se livre à ces pratiques, dont l’honorable M. Dumortier me reprochait tout à l'heure de ne pas connaitre tontes les malices, quand il veut faire reproduire à un certain nombre d'exemplaires une œuvre remarquable, il commence par s'en rendre propriétaire et il en expédie ensuite un certain nombre de copies bonnes ou mauvaises à l'étranger.
C'est là un faux qui tombe sous le coup de la loi pénale.
M. Pirmez. - Non !
M. Hymans. - L'honorable M. Pirmez n'admet pas qu'un pareil acte soit un faux. Je connais son opinion à ce sujet, parce que l’honorable M. Pirmez s'est opposé à ce qu'un article, punissant ces délits, fût inséré dans le nouveau Code pénal.
Mais je discute avec le gouvernement, qui avait inscrit dans son projet de loi sur la propriété artistique des principes tout à fait différents de ceux qu'il veut faire prévaloir par son arrêté de ce matin.
Le gouvernement, par son projet de 1860, voulait punir de la peine la plus sévère les faux commis en matière d’art. C'est même à cause de l'extension scandaleuse qu'avaient prise de pareils abus que les artistes de tous les pays avaient demandé une loi sur la matière.
Mais à coté du droit des artistes, on faisait respecter les droits de l'Etat et ceux du domaine public, et je trouve étrange que l'on vienne aujourd’hui, par un simple arrêté ministériel, réduire à néant tous les principes que l'on avait fait valoir avec grand éclat dans cette Chambre, dans le pays et à l’étranger.
Messieurs, tout se résume en ceci :
Il s'agit de l'intérêt de l'art et non de l'intérêt des artistes, et quand l’honorable M. Dumortier parle de l'intérêt des artistes, il parle de l'intérêt de quelques grands artistes. Mais est-ce que cet intérêt n’est pas sauvegardé? Est-ce que Gallait en vendant à l’Etat le tableau de l'Abdication de Charles-Quint ne s’est pas réservé le droit de reproduction, et ce droit n'est-il pas respecté ?
Mais si M. Gallait avait cédé son œuvre à l'Etat en pleine propriété, s’il n’avait pas réservé le droit de reproduction pour lui, ou ses héritiers, ou ses ayants droit, celle œuvre serait dans le domaine public sans que l’artiste ait aucun doit à exercer sur elle.
L’honorable M. Dumortier dit que les musés ne sont pas établis pour les rapins. Qu'est-ce que cela signifie ? Tout grand artiste commence par être un rapin.
Je n’envisage ici que l’intérêt de l’art, que l’intérêt des études, et je dis que les musées sont institués dans l’intérêt des études. Ils sont établis aux frais de l’Etat ; les tableaux qui s’y trouvent sont payés par l’Etat, avec les deniers des contribuables, et dès lors, à moins que l’Etat n’ait pu obtenir une réduction sur le prix d’achat d’une œuvre en laissant à (page 374) l'artiste le droit de l'exploiter à son profit, il faut que tout le monde ait le droit d'en faire des reproductions.
C'est en cela que l'Etat diffère des particuliers. Le particulier qui achète un tableau n'achète que le tableau ; l'artiste, de plein droit, conserve le pouvoir de l'exploiter à son profit. Mais quand l'Etat achète, il achète pour le public, il n'achète pas pour lui-même, et à moins de stipulations formelles de la part du vendeur, le tableau que le gouvernement place dans un musée ne peut plus retomber sous l'action de son auteur.
Encore une fois, si M. le ministre de l'intérieur n'accepte pas l'interprétation de l'honorable M. Bara, je crois qu'il n'a qu'une chose à faire, c'est de retirer son arrêté, qui est de nature à causer un très vif et très légitime mécontentement parmi tous ceux qui s'intéressent l'art, tandis qu'il ne satisfera qu'un petit nombre de privilégiés.
En le retirant, M. le ministre posera un acte logique et prudent. Car s'il était appelé à soutenir le projet de loi sur la propriété littéraire qui figure encore à l'ordre du jour de la Chambre, il lui serait impossible d'en défendre les dispositions qui sont diamétralement contraires au principe sur lequel repose l'arrêté que je critique.
M. B. Dumortier. - Les honorables préopinants MM. Bara et Hymans me font l'effet de ne pas connaître ce qui se pratique en matière d'acquisition de tableaux modernes.
Quand un artiste vend un tableau à qui que ce soit (je parle des artistes de renom), ce tableau est toujours vendu à la condition qu'on ne pourra le reproduire ni par la peinture, ni par la gravure sans l'autorisation de l’artiste.
C'est dans les usages : c'est la condition tacite ou écrite de toutes les ventes semblables.
M. Hymans. – Jamais.
M. B. Dumortier. - Toujours. J'affirme que c'est toujours ainsi. Quand un grand artiste vend un tableau, il se réserve, par le fait seul et le prix des copies qui pourraient en être faites, et le prix du dessin de la gravure, si la gravure en est faite. C'est la règle commune, c'est la règle générale.
Pour arriver à votre résultat, je retournerai la question et je dis qu'il faudrait que l'Etat commandât à un artiste un tableau avec stipulation expresse que ce tableau pourra être reproduit, pour que l'on pût prendre des copies. Mais je répète que jamais un grand artiste n'admettra une semblable stipulation.
M. Hymans. - Vous ne connaissez pas le premier mot de la question.
M. B. Dumortier -Je ne connais pas le premier mot de question ! Sans doute, il y a un de nous qui ne connait pas la question, mais je crois que c'est l'honorable membre qui vient de prononcer ces paroles. Je n'avais pas voulu le dire, parce que ce n'est pas poli, mais je crois que l'honorable M. Hymans ne connaît pas le premier mot de la question.
- Un membre. - Vous le lui aviez dit.
M. B. Dumortier. - Je ne l'ai pas dit en ces termes. Je me suis servi d une périphrase polie et non d'un terme impoli. Je laisse le monopole de ces expressions à d'autres.
Je dis donc que toutes les fois qu'un grand artiste vend un tableau, c'est avec la condition qui n'est pas toujours écrite, mais qui est toujours sous-entendue, que ce tableau ne sera pas reproduit.
L'honorable préopinant vient de parler de mon honorable et illustre concitoyen, M. Gallait. Eh bien, savez-vous qu'a fait M. Gallait? A une exposition de Spa, un tableau qu'il avait vendu s'est trouvé reproduit, et M. Gallait a fait détruire cette copie, parce qu'il ne voulait pas que son nom fût amoindri.
M. Hymans. - Le tableau lui appartenait.
M. B. Dumortier. - Il ne lui appartenait pas, il appartenait à M. De Cové-Villiers, qui en avait fait prendre une copie ; M. Gallait a fait détruire cette copie, et il a eu raison.
Je doute fort que dans l'acquisition faite par I’Etat du tableau de I’Abdication de Charles-Quint, le gouvernement ait stipulé par écrit que le tableau ne serait pas copié. Mais, dans toute opération de ce genre, il est entendu que l’artiste ne fournit son tableau qu'à la condition que ce tableau ne sera pas reproduit dans son entier.
Est-ce à dire que l'art ait à en souffrir ? Nullement. On ne devient pas artiste en copiant des tableaux entiers de maîtres, mais en en créant. Ce que font les élèves, c'est copier des parties de tableaux, là une tête, ici une main, ailleurs deux ou trois figures, mais non un tableau dans son entier.
Ceux qui se livrent à la copie des tableaux entiers sont des copistes qui font métier de cela et marchandise de leurs copies, et ceux-là n'excitent pas du tout mes sympathies à côté des grands artistes que nous devons protéger contre de pareilles déprédations, contre le pillage organisé sous le patronage de l'Etat. Car remarquez-le, ce ne sont pas les tableaux sans valeur dont on fait les copies ; ce ne sont pas des tableaux de second ou de troisième ordre ; ce sont toujours les tableaux des plus grands artistes, parce qu'en faisant passer ces copies pour des originaux, on en retire plus d'argent.
Eh bien, je dis qu’un pareil abus ne peut être toléré par le gouvernement. Que le gouvernement tolère et permette la reproduction des tableaux anciens, c'est parfaitement bien ; et c’est par la reproduction des tableaux anciens bien plus que par la reproduction des tableaux modernes que se forme l'artiste. Mais quant à la reproduction intégrale de tableaux modernes, c'est ce qui n'est permis dans aucun pays, et pas plus à Paris qu'ici.
Dans aucun des pays qui possèdent des musées modernes, le gouvernement ne permet la reproduction intégrale des œuvres des artistes vivants, il permet seulement la reproduction de parties de tableaux. Et il doit en être ainsi dans l'intérêt même de l'Etat. L’Etat doit aussi conserver l'intégrité de sa propriété.. On parle de propriété ; mais pensez-vous que la propriété de l'Etat sera sauvegardée, lorsque l’on multipliera les copies des tableaux qui sont dans ses musées et que des doutes s’élèveront plus tard sur le point de savoir où est l’original ?
Je dis donc que M. le ministre de l'intérieur a parfaitement raison de prendre cet arrêté, qui est tout à fait dans l'intérêt de l’art, et dans l’intérêt de notre école ; je le félicite de cet arrêté, parce que c’est une excellente mesure à laquelle tous les grands artistes applaudiront.
Si les fabricants de copies sont contrariés, je m’en préoccupe fort peu et je serais étonné que des voix s'élevassent ici en leur faveur, alors que les véritables artistes, et surtout ceux dont on a copié les œuvres, ne peuvent qu’applaudir à cette mesure. (Interruption.)
Estce que, par hasard, l’art consiste dans les copistes ? L’art ne consiste pas dans les praticiens, il consiste dans ceux qui inventent et qui créent.
Le génie créateur, le génie de l'école, voilà ce qui est digne de vos sympathies, voilà ce que vous devez encourager.
Et ici, messieurs, je dirai à l’honorable membre qu'il ne sait pas ce que c’est qu’un rapin. Les rapins sont ceux qui font métier e marchandise de ces copies, ce sont ceux qu'on appelle des « croûtons. » Or, ce n'est pas en faveur des croûtons que nous devons élever la voix, c'est en faveur des hommes de génie qui font la gloire de la Belgique.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). – Messieurs, je ne répondrai pas à l’accusation de l’honorable M. Coomans, qui prétend que je ne lis pas les arrêtés que je signe.
M. Coomans. - J'ai parlé de cet arrêté—ci.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je ne sais pas comment M. Coomans juge les ministres, mais à l’entendre, on croirait les ministres capables de tous les méfaits et de toutes les absurdités. Je déclare, messieurs, que je lis attentivement tous les arrêtés que je signe et tous les actes que je soumets à la signature de Sa Majesté.
Ceci posé, je dirai un mot en réponse aux observations de l’honorable M. Hymans. Je crois que la Chambre n’a pas l’intention de discuter en ce moment le grand principe de la propriété artistique et littéraire. Je dirai seulement que des abus graves, des vols ont été commis au Musée et que malgré toutes les mesures prises, malgré les règlements qui ont été adoptes, on n'est point parvenu à y mettre un terme. J’ai voulu autant qu'il était en moi faire cesser ce que je considère comme une chose immorale sur tous les points de vue.
Je suis convaincu que les jeunes gens qui voudraient copier des tableaux dans l'intérêt de leur instruction voudront parfaitement obtenir le consentement de l'artiste, et au besoin la commission directrice interviendrait officieusement.
Enfin, messieurs, si l'arrêté que j'ai pris présentait des inconvénients pratiques, et s'il donnait lieu à des abus, mon successeur pourra Ie modifier, surtout s'il trouve un autre moyen de prévenir les actes indélicats et les vols que je viens d’indiquer.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Messieurs, avant mon entrée en séance, l'honorable M. Coomans a trouvé convenable de m'indiquer nominativement ou comme ne comprenant pas les pièces que j’ai signées... (Interruption) Je tiens en main la sténographie.
M. Coomans. - Je n'ai pas dit que vous ne compreniez pas, j’ai dit, au contraire, que vous compreniez parfaitement, que c'était pour cela que je disais que vous n’aviez pas lu cette pièce. C’est un éloge, au lieu d’un blâme.
(page 375) M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Voici ce que la sténographie rapporte :
« Je crois pouvoir m'exprimer de la sorte, attendu que j'ai acquis la conviction que M. le ministre des travaux publics ne lit pas non plus régulièrement toutes les pièces qu'il signe. »
Reste donc, donc, messieurs, la supposition qui se traduit en reproche direct, que je ne lis pas certaines pièces que je signe.
M. Coomans. - Celle)ci.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Eh bien, M. Coomans, je vais prouver que vous êtes dans l'erreur et que s’il est quelqu'un qui ne lit pas les pièces qui lui sont soumises, c’est 1'honorable M. Coomans.
On a distribué, il y a deux jours, le cahier des charges du chemin de fer d’Ostende vers Armentières et j'y lis, en effet, la clause incriminée par l'honorable M. Coomans ct qui est ainsi conçue :
« Le matériel de la compagnie devra avoir été confectionné en Belgique sauf le cas où Je gouvernement autoriserait expressément les concessionnaires à le faire venir de l'étranger. »
Mais je ferai remarquer, messieurs, que le contrat subséquent, distribué aujourd'hui même et qui est relatif à la concession d'Anvers à Douai, ne renferme plus cette clause. Comment se fait-il qu'elle figure dans un contrat ct qu'elle ne figure pas dans l'autre? Comment se fait-il que dans un cas je me sois conformé à mes doctrines économiques et que dans l’autre je m'en sois écarté ?
La chose est excessivement simple, c'est que l'un de ces contrats est antérieur à ma déclaration et que l'autre y est postérieur. D'où je conclus que l'honorable M. Coomans ne lit pas pièces qu'on lui envoie. Je dis que s'il ne veut pas les lire, comme c'est son droit, il devrait s'abstenir, au moins, de lancer des accusations qu'elles démentent.
M. Coomans. - On me fait observer, M. le président, que j'ai demandé la parole, ct puisqu'on y tient, je dirai deux mots.
J'ai eu raison de dire qu'une clause reconnue absurde par l'honorable ministre se trouve dans un document qui nous a été remis l'autre jour. C’est le fait que j'ai allégué ; je n'ai pas parlé d'autre chose.
M. le ministre des travaux publics prétend maintenant que dans les concessions subséquentes on n'a pas reproduit cette clause, il a bien fait.
M. le ministre me fait ensuite observer que l'absurdité qu'il a signée, il l'a signée avant la déclaration qu'il a faite. J'avoue que je n'avais pas cette date présente à l'esprit. Je ne sais pas au juste quand l'honorable ministre nous a dit qu’il était absurde de forcer les concessionnaires à acheter un matériel confectionné par des Belges. Cette date, je le répète, est sortie de mon esprit. L’essentiel était que nous nous missions tous d’accord sur ce point, qu'il faut laisser une grande liberté aux concessionnaires.
MpVµ. - La discussion générale est ouverte.
M. de Florisone. - Messieurs, je viens appuyer le projet de loi soumis à vos délibérations. La nouvelle ligne d'Ostende à la frontière française, qu'il s'agit aujourd'hui de concéder, est réclamée avec instance par une grande partie de la Flandre occidentale. Vous n'avez pas oublié, messieurs, les nombreuses pétitions qui furent adressées à la Chambre par les localités intéressées, lors de la discussion des concessions de chemins de fer en 1863. Toutes ces requêtes signalaient une regrettable lacune dans le système des chemins de fer de la Flandre occidentale. Le projet d’Armentières à Ostende satisfait aux vœux de ces populations sans aucune charge pour le trésor. Je remercie le gouvernement de l’empressement qu'Il a mis à nous le présenter.
Je me bornerai, messieurs, à vous signaler les principaux motifs qui militent en faveur de cette voie ferrée. Quarante-trois villes et communes sont aujourd'hui privées de communication ou n'ont qu'une communication insuffisante avec le réseau national.
La nouvelle ligne les relie toutes à ce réseau, elle met Ypres et son arrondissement en relation directe avec le chef-lieu de la province ; elle raccourcit d'environ un tiers le parcours entre Roulers et Ostende ; elle rapproche cette dernière ville de Courtrai; elle passe au milieu d'un pays fertile, riche et peuplé, de façon à créer une facilité nouvelle pour les exportations de l'industrie et de l'agriculture flamande vers l'Angleterre par le port d'Ostende, et vers le nord de la France par Armentières ; elle unit les concessions belges aux lignes françaises. L'embranchement de Comines est destiné à activer les transactions commerciales entre les villes industrielles d'Armentières, Warneton, Wervieq, Comines, Menin et Courtrai.
La simple inspection de la carte démontre à l’évidence l'utilité de la ligne d'Armentières à Ostende pour le centre de la Flandre qui se trouve jusqu'ici en arrière du reste du pays au point de vue des voies ferrées. La concession actuelle et celle de la d'Ypres à Roulers, son complément naturel, mettront les arrondissements d'Ypres et de Roulers au rang des localités les plus favorisées de la Belgique, sous le rapport des voies ferrées.
En présence, messieurs, de l'accueil favorable que le projet du gouvernement a trouvé au sein des sections, qui toutes l'ont adopté sans opposition ; en présence de l'adhésion unanime de la section centrale, il me semble inutile d’ajouter d'autres considérations, et je finis en priant la Chambre de sanctionner par son vote cette nouvelle extension de notre railway national.
M. de Conninckµ. Messieurs, un grand nombre de conseils communaux de l'arrondissement de Dixmude ont adressé des pétition à la Chambre , pour demander que le chemin de fer d'Armentières à Ostende passe par Woumen, Merchem, Dixmude et Couckelaere, suivant le tracé pointillé sur la carte, qui nous a été remise, il y a quelques jours.
En appuyant ces pétitions, je n'ai nullement l'intention de combattre le projet de chemin de fer d'Ostende à Armentières par Thourout, chemin de fer qui doit faciliter les communications entre Ypres et Bruges, entre Ostende, Roulers et Courtrai.
Je demanderai seulement à M. le ministre des travaux publics, s'il n'y aurait pas moyen d'engager les concessionnaires à exécuter en même temps le chemin de fer d'Ostende à Ypres par Dixmude. Il y a, en faveur de l'exécution immédiate de ce dernier tracé, beaucoup de bonnes raisons.
D'abord, c'est la voie directe d'Ostende vers le Nord de la France. Un
coup d’œil jeté sur la carte suffira pour vous en convaincre. On éviterait le détour par Thourout, économie de temps et de frais de transport ; par conséquent augmentation de trafic.
S'il a une grande utilité à relier directement Ostende au Nord de la France, comme le dit l'honorable ministre des travaux publics dans son exposé des motifs, pourquoi, au lieu de suivre la ligne droite, c'est-à-dire la plus courte, fait-on faire au tracé un crochet ? On méconnait ainsi la principale utilité de ce chemin de fer en l'allongeant de 12 kilomètres au moins et en augmentant la durée du trajet.
Nous avons aussi intérêt, messieurs, à doter certaines parties agricoles du pays de voies ferrées, afin de les tirer de leur position d'infériorité, sous le rapport de la facilité de leurs relations commerciales, et de faire jouir de nombreuses populations de ces moyens de transports rapides et économiques, qui sont pour l'agriculture et le commerce de précieux éléments de prospérité.
L'arrondissement de Dixmude, que j'ai l'honneur de représenter, et qui a droit à toute la bienveillance da gouvernement, exporte actuellement de nombreuses productions agricoles tels, que bois, lin, farines, beurre et bétail.
M. Vermeireµ. - Le beurre.
M. de Conninckµ. - Surtout le beurre, non seulement vers la France, mais surtout vers l'Angleterre.
Du reste, cette ligne passerait, d'un bout à l'autre, par les contrées agricoles les plus riches et les plus populeuses de la Flandre. Je me permettrai d'attirer l'attention de la Chambre sur la grande utilité de cette nouvelle voie ferrée, utilité reconnue par MM. Marchal et Herla, puisqu'ils ont demandé la préférence dans le cas ou le gouvernement serait autorisé à concéder la ligne par Dixmude.
J'espère que les instances des nombreuses populations de l'arrondissement de Dixmude, auprès du gouvernement et des concessionnaires, aboutiront à l'obtention de l'objet de leur demande.
M. Van Iseghem. - Messieurs, je ne viens pas combattre l'utilité de la ligne que vient de présenter l'honorable député de Dixmude. Mais je ferai observer que ce que nous devons obtenir avant tout, c'est l'exécution de la ligne principale, pour laquelle il y a des concessionnaires, et qui doit profiter aux localités les plus importantes de la Flandre occidentale.
D'après ce que les concessionnaires m'ont assuré, la partie du capital nécessaire pour commencer les travaux, c'est-à-dire 3 millions, se trouvent déjà souscrits ; des intérêts extrêmement sérieux sont engagés ; on déposera le cautionnement supplémentaire de 400,000 fr. dès que la loi sera promulguée.
Je crois que si le gouvernement forçait les concessionnaires à exécuter (page 376) immédiatement la ligne de Dixmude, cela pourrait nuire à l'exécution de la ligne principale.
M. de Conninckµ. – Pourquoi ?
M. Van Iseghem. - Parce qu'en ce moment la ligne d'Ostende à Armentières par Thourout présente beaucoup plus de ressources que par Dixmude. Par Dixmude, il n'y a qu'une population de 12,000 habitants ; par Thourout, il y a à desservir une population de 25,000 habitants.
Dans le parcours de la ligne principale, il y a des communes importantes, Ghistelles, Eerneghem, Ichtegem, Staden Langemarcq qui font un commerce d'exportation considérable et qui ont le droit d'avoir un chemin de fer pour lequel une concession est donnée provisoirement ; or, en forçant de faire les deux lignes, elles courraient le risque de n'avoir pas une semblable voie de communication.
II y a encore à observer que les concessionnaires attendent un grand trafic des localités qui seront reliées entre elles de la province de Flandre occidentale et que le transit vers la France, bien que d'une certaine importance, ne peut pas faire vivre seul un chemin de fer.
Maintenant, en ce qui concerne la ligne principale, je crois inutile, pour défendre le projet de loi, d'abuser des moments de la Chambre.
M. Tack. - Messieurs, je comprends parfaitement l'insistance que met l'honorable député de Dixmude à patronner la construction d'un chemin de fer partant d'Ostende, passant par Dixmude, aboutissant à Ypres, de là se prolongeant à Armentières, ct continué ensuite, pour atteindre le centre même de lu France ; je comprends, dis-je, cette insistance ; je comprends qu'il fasse des efforts pour que ce résultat soit obtenu.
D'un autre côté, je le félicite de ne pas insister sur la substitution du tracé qu'il préconise à celui qui a été proposé par les demandeurs en concession et qui est adopté par le gouvernement ; cette substitution a été réclamée dans les pétitions qui nous ont été adressées par le conseil communal de Dixmude et par les conseils communaux d'autres localités.
C'est contre cette idée que l'honorable M. Van Iseghem vient de protester.
S'il est vrai de dire que le tracé par Dixmude est la ligne la plus droite, par conséquent la plus courte pour arriver à la frontière française, il est vrai de dire que ce n'est pas essentiellement au point de vue des intérêts français que nous devons considérer la construction du chemin de fer dont il s'agit.
Si la ligne a un caractère international, nous devons cependant, avant tout, nous en préoccuper au point de vue belge.
Or, je pense que si nous nous plaçons sur ce le tracé par Dixmude ne satisfait pas entièrement aux besoins dont nous devons, avant tout, nous préoccuper.
Or, il s'agit tout d'abord de relier la ville d'Ypres et son arrondissement, ainsi que d'autres parties de la Flandre occidentale, au chef-lieu le la province. Sous ce rapport, la ligne vers Dixmude n'atteint nullement le but. La ligne allant dans la direction de Roulers y répond en partie ; mais la direction d'Ypres vers Thourout y satisfait éminemment.
D'autre part, il s'agit encore de mettre la partie sud-ouest de la Flandre occidentale en rapport direct avec Ostende. Or la ligne projetée met Ostende en rapport direct avec tout l'arrondissement de Courtrai, avec l'arrondissement de Roulers, avec Thourout, avec le Hainaut, tout spécialement avec la ligne de Tournai, et même avec tout le bassin de Mons.
Si jamais nos charbons doivent être exportés par mer, on empruntera la ligne partant de Tournai, par Courtrai, Roulers et Thourout. Cela est même vrai pour les charbons du Centre et pour ceux de Charleroi qu’on transportera jusqu'à Courtrai, par le chemin de fer de Braine-le-Comte, auquel on ne tardera pas de mettre la main à l'œuvre.
La ligne projetée répond donc, en grande partie au moins, à l'intérêt international qu'a signalé l'honorable M. de Conninck, puis à l'intérêt du midi de la Flandre occidentale, et particulièrement des arrondissements d'Ypres et de Courtrai.
Exiger des demandeurs en concession qu'ils modifient leur tracé dans le sens indiqué par le conseil communal de Dixmude, aurait peut-être pour résultat de faire péricliter l'exécution du projet. C'est à quoi l'honorable M. de Conninck ne voudrait pas sans doute aboutir.
Messieurs, est-ce à dire que la ligne dont l'honorable membre demande l'exécution, n'a pas d'utilité ?
Je suis loin de le prétendre ; au contraire, je soutiens que la ligne de Dixmude est une bonne et excellente ligne ; elle est le complément de la ligne dont nous nous occupons ; elle fait en quelque sorte partie inhérente du réseau que se propose de construire la société Marchal el Herls, aussi suis-je convaincu qu'elle se fera.l C'est une question d'avenir, ou plutôt de priorité, pas autre chose, et il est évident, selon moi, que les demandeurs en concessions de la ligne d’Ypres par Thourout vers Ostende seront les premiers à solliciter la concession de la ligne laquelle s'intéresse particulièrement l’honorable M. de Conninck.
Ils ont même à cet égard fait stipuler une préférence en leur faveur dans le cahier des charges. Mais on comprend qu'il est de leur intérêt de ne pas tout entreprendre la fois ; plus tard ils s'occuperont de la ligne directe entre Ostende et la frontière française, ligne qui est destinée à devenir une grande voie de transit qui, partant d'Ostende et traversant la Flandre occidentale, ira aboutir aux districts industriels du département du Nord et pénétrer jusqu'au centre de la France, par Lens et par Amiens.
Je crois donc que l'honorable député de Dixmude peut avoir tous ses apaisements à cet égard ; il doit lui suffire d'avoir fait la réserve qu’il vient de présenter la Chambre, et je ne doute pas que la ligne dont il s’'agit ne s'exécute dans un avenir très rapproché. Trop de précipitation à la réclamer pourrait y nuire ; mieux vaut attendre que les concessionnaires aient eu le temps de se reconnaitre, quant à la grande ligne qui fait l'objet principal de leur demande de concession.
Je termine par ure dernière observation relative une autre question.
L'honorable M. Van Iseghem vient de demander les concessionnaires soient mis en demeure d'exécuter tout d'abord la ligne principale. J’ai lu attentivement le projet de loi, je l'ai combiné avec le cahier des charges et il est résulté pour moi de ce rapprochement que les engagements que la compagnie concessionnaire a contractés quant à l’embranchement de Comines vers Warneton sont les mêmes que pour la ligne principale, que l'une ne peut pas s'exécuter sans l'autre. Il n'y a ici nulle distinction à faire.
Je ne crois pas m'être trompé sous ce rapport ; si cependant le contraire était vrai, je demanderais à M. le ministre des travaux publics de vouloir bien s'expliquer, mais je prendrai son silence pour une adhésion à ma manière de voir.
M. Van Overloopµ. - Aux termes de l'article 2 du cahier des charges, le tracé définitif de la ligne de chemin de fer de Lokeren à Selzaete doit être soumis à l'approbation du gouvernement.
J'espère que le gouvernement veillera à ce que cette ligne passe aussi près que possible du centre de la commune d'Exaerde, qui renferme une population de 4,750 habitants.
A partir de point, elle devrait, paraît-il, être dirigée de façon à donner une satisfaction égale à la commune de Wachlebeke, qui renferme une population de 4,300 habitants , à celle de Moerbeke, dont la population est de 4,600 habitants.
Pour atteindre ce but, on pourrait se diriger d'Exaerde vers l'agglomération de Moerbeke et de là vers l'agglomération de Wachtebeke, ou se diriger d'Exaerde vers un point intermédiaire entre Moerbeke et Wachtebeke, point qui devrait se trouver à distance à peu près égale de ces deux communes, parce qu'elles méritent l'une et l'autre d'être traitées sur un pied de parfaite égalité.
Je ne me prononce en faveur d'aucune de ces directions de préférence à l’autre ; je me borne à insister pour que les deux localités soient traitées d'une manière égale.
J'ai encore une observation à faire. Je vois dal)S le rapport de la section centrale que la première section a demandé à connaitre l'opinion du gouvernement sur la concession sollicitée d'une ligne d'Eecloo à Anvers ; mais je ne trouve aucune réponse à cette question dans le rapport. J’en conclus que l'honorable rapporteur a omis de poser la question au gouvernement, ou bien qu'il a oublié de nous faire connaitre la réponse de celui-ci.
Je demanderai donc à l'honorable rapporteur de la section centrale qu’il veuille bien nous faire connaitre l'opinion du gouvernement sur cette question ; et si la question n'a pas été soumise au gouvernement, je prie M. le ministre des travaux publics de nous faire connaître sa manière de voir sur cet objet.
Je désire savoir, notamment, si le gouvernement ne pourrait pas accorder actuellement la concession demandée d'un chemin de fer d'Eecloo à Anvers.
Si je suis bien informé, cette affaire est instruite. L'octroi de cette concession serait un nouveau sujet de reconnaissance de la part du pays de Waes envers M. le ministre des travaux publics. Nous lui devons déjà la concession du chemin de fer de Malines à Terneuzen, celle de Termonde à Saint-Nicolas, et nous lui devrons bientôt celle de Lokeren à Terneuzen par Selzaete ; nous serions heureux de pouvoir remercier également M. le ministre des travaux publics de nous avoir accordé la ligne d’Eecloo à Anvers à travers le pays de Waes.
Je le prierai cependant, pour le cas où il accorderait la concession de cette dernière ligne, de ne pas perdre de vie les intérêts de la ville de Saint-Nicolas, centre important d’industrie dont il conviendrai que la ligne se rapprochât dans l’intérêt même des concessionnaires.
M. Van Iseghem. - L'honorable M. Tack m'a mat compris ; quand j’ai demandé à M. le ministre des travaux publics que les concessionnaires fussent tenus d'exécuter la ligne principale, je n'ai nullement entendu qu’ils fussent dispensés de remplir toutes les obligations de leur cahier des charges.
Je désire évidemment que toutes les clauses de la concession soient exécutées, mais il importe, selon moi, que les concessionnaires commencent tout d’abord par les lignes dont ils ont obtenu la concession, y compris l’embranchement sur Comines, avant de songer à l'exécution de la ligne dont ils ont seulement la priorité.
Je profite de cette occasion pour ajouter que d'après des renseignements que j’ai obtenus, il est très probable que les concessionnaires obtiendront également en France la concession d'une ligne d'Armentières à Lens qui serait la ligne la plus courte entre Ostende et Paris.
Du moment qu'ils auront obtenu cette concession ils s'empresseront alors de demander la concession définitive de la ligne d'Ostende à Ypres par Dixmude.
C’est donc une garantie nouvelle pour l'honorable M. de Conninck que son désir sera accompli.
Mais, en attendant, il convient que les concessionnaires ne soient pas contrariés dès le début de leur entreprise.
Comme l’honorable M. Overloop vient dc recommander spécialement une commune, je me permettrai de recommander également à l’honorable ministre la commune d’Ichteghem, qui a une population de 4,000 habitants et qui a droit une station sur son territoire et aussi près que possible du centre.
M. Coomans. - Je respecte trop profondément la Chambre pour ne pas considérer comme un devoir de prouver la parfaite exactitude des faits que j'ai l'honneur de porter devant elle.
M. le ministre des travaux publics vient de m'accuser de n'avoir pas lu ou tout au tout au moins d'avoir très mal lu les piètes qu'il a fait distribuer à la Chambre ; et ce reproche, que j'ai facilement accepté, il l'a fondé sur ce que j’aurais commis une confusion de dates.
J'aurais accusé à tort M. le ministre des travaux publics d'avoir signé le cahier des charges et la convention dont nous nous occupons en ce moment après avoir fait la déclaration que j'ai rappelée tantôt au sujet de l'obligation imposée aux compagnies concessionnaires de faire confectionner leur matériel en Belgique.
J'ai accepté assez facilement cette explication de l'honorable ministre, parce qu’il m'a habitué à croire à l'exactitude de ses allégations, et je me suis borné à dire qu'en effet je n'avais pas fait attention aux dates. Mais ce fait, je viens de le vérifier et il en résulte que j'avais parfaitement raison et que c'est M. le ministre des travaux publics qui avait parfaitement tort.
Il a signé la convention plusieurs mois après la déclaration qu'il nous a fait le plaisir de nous faire au sujet de la condition relative au matériel des compagnies concessionnaires. Ainsi mes plaintes restent debout.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Je ne comprends pas.
M. Coomans. - Vous avez signé le 17 juin 1863 la convention qui nous est actuellement soumise, convention qui reproduit l'obligation de n'employer que du matériel confectionné en Belgique, sans autorisation contraire et expresse du gouvernement.
Or, la promesse que vous nous aviez faite de ne plus stipuler cette clause sévère est antérieure à la signature de la convention, elle y est antérieure de plusieurs mois. (Interruption.)
C'est contraire à vos souvenirs, je n'en doute pas, mais conforme à la vérité. (Interruption.)
Je prie M. le ministre de m'indiquer dans quelle séance il aurait qualifié d'absurdité la clause dont il s'agit.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - J'en appelle à vos souvenirs.
M. Coomans. - D'après mes souvenirs, c'est dans l'hiver de 1863, que j'ai eu l'honneur de provoquer la bonne déclaration que vous avez faote.
C'est une bagatelle, dit-on ; c'est aussi une question de loyauté, et en cette matière, il n'y a pas de bagatelle.
MpVµ. - M. Coomans, vous rentrez dans un incident clos.
M. Coomans. - Je suis dans le cœur de la question, je m'occupe de l'article 2 de la convention qui nous est soumise.
MpVµ. - Mais vous rentrez dans l'incident dont on s'est occupé tout à l'heure.
M. Coomans. - Oui, mais en te rattachant à l'article 2 de la convention que nous discutons.
MpVµ. – Soit, mais rester dans l’objet en discussion qui est le cahier des charges.
M. Coomans. - Votre intention, M. le président ; est très louable, je le reconnais, c’est d’alléger le débat, mais vous n'atteignez pas votre but.
Je maintiens donc ma première allégation. Ai-je voulu par là faire un crime à l'honorable ministre ? Assurément non ; j'ai fait cette observation pour répondre au reproche d’injustice que m'ont adressé des interrupteurs, quand j'ai émis la pensée que nous avouons tous que la besogne des ministres est si grande et si compliquée que, malgré tout leur bon vouloir, il est impossible de lire tout ce qu'ils sont obligés de signer. Ce que je dis est aussi clair que le so!eil.
C'est à la décharge de l'honorable ministre que j'ai fait cette remarque, car il ne pouvait pas entrer dans ma pensée qu'il pût ne pas regarder comme sérieuse la déclaration qu'il nous avait faite.
Quant au projet, je n'ai rien à dire ; je le voterais comme j'ai voté et voterai tous les chemins de fer qui nous seront proposés parce que je trouve que nous n'en avons pas assez et que nous n'en aurons jamais trop en Belgique.
M. Kervyn de Lettenhove. - Je viens appuyer les observations présentées par l'honorable M. Yan Overloop en recommandant à mon tour la bienveillante attention du gouvernement sur le chemin d'Anvers à Ostende par Eecloo et Selzaete. Cette demande en concession a été appuyée par la députation permanente de la Flandre occidentale, les conseils communaux de Bruges, d'0stende et d'Eeeloo et les chambres de commerce d'Anvers de Bruges et d'Ostende.
Il suffit de jeter les yeux sur la carte générale des chemins de fer de la Belgique pour s'assurer que lorsque 'a ligne d'Anvers à Dusseldorf sera construite, la voie ferrée d'Anvers par Eecloo présentera la communication la plus directe entre Ostende et tout le Nord de l'Allemagne.
J'ajouterai que les demandeurs en concession offrent toute garantie, car ils sont les mêmes que ceux qui ont obtenu la concession de Lokeren à Selzaete.
Je crois que leur capital est formé et qu'ils sont prêts à déposer le cautionnement.
Je recommande donc au gouvernement cette demande en concession, et j'espère qu'elle pourra être soumise à l'approbation de la Chambre dans le cours de cette session.
M. de Kerchoveµ. - Je répondrai à l'honorable M. Van Overloop que la section centrale, après avoir dépouillé les procès-verbaux des différentes sections, n’a pas cru nécessaire de demander au gouvernement. des renseignements au sujet du chemin de fer d'Eecloo vers Anvers, cette ligne ne pouvant en rien être préjudiciable au chemin de fer de Lokeren à Selzaete.
Seulement elle a demandé au gouvernement quelles étaient ses intentions quant au chemin de fer de Roulers à Eecloo. En ce qui concerne le tracé du chemin de fer d'Ostende vers Armentières, des deux tracés, celui du projet lui a paru le plus conforme aux intérêts généraux du pays ; c'est pourquoi elle l'a admis.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Puisque I’honorable M. Coomans est revenu sur l'incident qui a occupé tantôt la Chambre, je demande la permission d'en dire encore un mot à mon tour.
Je ne me rappelle pas la date de la déclaration que j'ai faite relativement à la fourniture du matériel des compagnies , mais je me rappelle une circonstance de la manière la plus précise, c'est qu'immédiatement après avoir fait cette déclaration, j'ai donné l'ordre dans les bureaux de modifier le cahier des charges-type des concessions.
Le ministre n'a certainement pas le temps de refaire tous les cahiers des charges qu’il est appelé à signer. Il se borne à revoir les conventions pour les clauses spéciales qu'il faut y insérer ; pour le reste, c'est le même cahier des charges qui sert dans toutes les occasions et qui a été successivement amélioré.
Je me rappelle donc parfaitement qu'aussitôt après la séance où j'ai fait la déclaration dont il s'agit, j'ai donné dés instructions en conséquence et on peut le vérifier en examinant le premier contrat qui a suivi. Je ne sais si la convention ou le contrat qui nous occupe est antérieur à ma déclaration, mais je dois le supposer, et je ferai d’ailleurs remarquer (page 378) que quelquefois un contrat se signe quelque temps après avoir été formulé, par suite d'une cause de retard ou d'autre, par exemple, le dépôt tardif du cautionnement.
J'abandonne ce point pour m'occuper du projet de loi en discussion.
Quant à la première question soulevée, relativement au chemin de fer d'Ostende à je dirai d'abord que si l'on voulait substituer un autre tracé à celui qui est proposé, on ne le pourrait pas.
Le gouvernement est lié par les contrats qu'il fait, comme les particuliers.
J'ai demandé aux concessionnaires de cette ligne s'ils consentiraient à modifier le tracé indiqué au cahier des charges conformément aux observations adressées la Chambre, ils s'y sont formellement refusés, ils m'ont indiqué les motifs de leur refus ; je les crois plausibles, mais ils ne le seraient pas, qu'on ne pourrait pas changer le tracé. La Chambre devrait rejeter la convention. Nous sommes d'accord sur un point, les honorables préopinants et moi. Tout ce que nous pouvons désirer, tout ce que nous pouvons réclamer, tout ce que nous devons poursuivre, c'est que les deux lignes se fassent.
Eh bien, messieurs, je déclare qu'il est dans l'intention des concessionnaires de faire les lignes, seulement ils subordonnent la demande définitive de concession en et la construction de la seconde ligne à une condition parfaitement raisonnable, comme vous allez le reconnaitre, à la condition qu'ils obtiennent au préalable en France la concession de la section d'Armentières à Lens, ce qui établirait en effet une relation directe entre Ostende et Paris.
Ils ont actuellement déposé la demande de concession de cette section près du gouvernement français, et ils poursuivent cette demande.
La concession leur étant accordée, ou étant accordée à la compagnie du Nord, par exemple, la ligne directe d'Ostende à Armentières sera immédiatement commencée.
Ainsi, messieurs, nous pouvons espérer que ces deux lignes se feront, et c'est le but que nous devons tous poursuivre.
Messieurs, on a fait quelques observations touchant le tracé des lignes faisant l'objet demandées. Il sera tenu note de ces observations.
Il va de soi que je ne puis y répondre aujourd'hui. Ce sont des affaires qui s'instruisent et sur lesquelles il me faut des rapports et des enquêtes complètes avant que je puisse me prononcer.
En ce qui concerne la concession de la ligne d'Eecloo à Anvers, je dois déclarer qu'à première vue je n'y ai point d'objections. En général - je dis en général, parce que ce mot implique une réserve que je crois devoir faire - plus il y a de chemins de fer, mieux cela vaut. Quelquefois cependant on peut être amené à refuser certaines concessions et cela dans l’intérêt même du pays.
Je m'explique ; si l'on voulait établir une ligne parfaitement parallèle à une ligne déjà existante, il en résulterait certainement quelque bien pour les populations traversées, mais il en résulterait aussi Ce grand mal que les capitalistes qui ont contribué faire la première ligne se trouveraient frustrés. Or, s'il n'y avait pas pour les lignes existantes une sécurité quelconque, les capitaux s'éloigneraient des entreprises de chemins de fer et l'intérêt public se trouverait frappé et frappé gravement.
Je reviens à la ligne d'Eecloo Anvers et je répète que je n'y vois pas d'objections. Cependant ce n'est pas une affaire définitivement instruite. Si donc une proposition était produite, je devrais m'opposer à ce que l'autorisation d'accorder la concession de cette ligne fût insérée dans le projet de loi.
La Chambre sait comment le gouvernement a agi dans ces derniers temps. Il n'a pas demandé d'autorisation de concéder là où il n'y avait pas de convention signée au préalable et de cautionnement versé, et j'ai pu m'assurer par l'expérience qu'il n'y a de meilleur système et que pour bien faire il faut y rester rigoureusement fidèle. Pour ces motifs, messieurs, je m'opposerais ce que le projet de loi fût modifié dans le sens de l'insertion de nouvelles concessions.
M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, il n'a pas été dans ma pensée de demander l'adjonction d'un nouvel article au projet de loi qui nous est soumis. Je me suis borné à appeler l'attention de M. le ministre sur un projet qui me paraît mériter la sollicitude du gouvernement, et je le remercie de l'examen auquel il voudra bien se livrer.
- La discussion est close.
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à concéder :
« 1° Un chemin de fer d'Ostende à la frontière de France dans la direction d'Armentières, aux clauses et conditions de la convention et du cahier des charges du 17 juin 1863 ;
« 2° Un chemin de fer de Lokeren à Selzaete, aux clauses et conditions de la convention et du cahier des charges du 17 octobre 1863. »
- Adopté.
« Art. 2. La société du chemin de fer Liégeois-Limbourgeois pourra, avec l'approbation du gouvernement, faire cession partielle ou totale de l'exploitation de son réseau actuel et des prolongements qui lui seraient accordés. Les conventions relatives cette cession seront enregistrées au droit fixe de fr. 1-70.
- Adopté.
Il est procédé l'appel nominal.
78 membres y prennent part.
Tous ont répondu oui.
En conséquence, la Chambre adopte.
Le projet de loi sera transmis au Sénat.
Ont voté :
MM. le Bailly de Tilleghem, Ch. Lebeau, J. Lebeau, le Hardy de Beaulieu, Magherman, Mascart, Moreau. Mouton, Muller, Orban, Pirson, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Sabatier, Tack, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen, Visart, Allard, Bara, Bouvier, Braconier, Coomans, Coppens, David, Debaets, de Baillet-Latour, de Brouckere, Declercq, de Conninck, de Decker, de Florisone, de Haerne, de Kerchove, Delaet, Lexhy, de Macar, de Mérode, de Montpellier, de Moor, de Naeyer, de Renesse, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, d'Hane-Steenhuyse, B. Dumortier, d’Ursel, Faignart, Frison, Grandgagnage, Grosfils, Hayez, Hymans, Janssens Jacquemyns, Jamar, M. Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Lange et E. Vandenpeereboom.
Personne ne demande la parole, la discussion est close.
« Art. 1er. L'article 18 (Dépenses d'administration de l'école militaire) du budget de la guerre, pour l'exercice 1863, est diminué de mille cent francs.
« Cette somme sera portée en augmentation à l’article 17 (Etat-major, corps enseignant et solde des élèves de l'école militaire) du même budget.é
- Adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
- Adopté,
« Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
73 membres prennent part au vote.
71 votent pour le projet de loi.
2 votent contre.
En conséquence, le projet de loi est. adopté.
Il sera transmis au Sénat.
Ont voté l'adoption : MM. Le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, J. Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Magherman. Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Pirson, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Sabatier, Tack, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen, Visart, Allard, Bara, Bouvier, Braconier, Coppens, Debaets, de Baillet-La tour, de Brouckere, Declercq, de Conninck, de Florisone, de Haerne, Kerchove, Delaet, De Lexhy, de Macar, de Mérode, de Montpellier, de Naeyer, de Renesse, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, Desmet, de Terbecq, de Theux, d'Hane-Steenhuyse, B. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Hayez, Hymans, Janssens, Jacquemyns, Jamar, M. Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Lange et E. Vandenpeereboom.
Ont voté le rejet :
MM. Coomans et Jacobs.
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la Chambre passe à la délibération sur les articles.
« Art. 1er. Il est ouvert au département des affaires étrangères un crédit spécial de sept cent dix-huit mille quatre cents trente-sept francs cinquante centimes (714,437 fr. 50 c.) pour les dépenses suivantes :
« a. Achat de deux steamers et de deux chaudières : fr. 518,437 50.
« b. Location des steamers anglais, solde de leurs équipages matériel et entretien, en 1863 : fr. 170,000.
« c. Réparations extraordinaires au steamer Belgique : fr. 30,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Ce crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires de l'exercice 1864. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
72 membrez prennent part au vote.
63 votent l'adoption.
9 votent le rejet.
En conséquence le projet de loi est adopté ; il sera transmis au Sénat.
Ont voté l'adoption :
MM. le Bailly de Tilleghem, J. Lebeau, le Hardy de Beaulieu, Magherman, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Pirson, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Sabatier, Tack, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Renynghe, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen, Visart, Allard, Bara, Bouvier-EvenepoeI, Braconier, Coppens, David, de Baillet-Latour, de Brouckere, Declercq, de Conninck, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delaet, De Lexhy, de Macar, de Renesse, de Riddere de Te Lokeren, de Terbecq, de Theux, d'Hane-Steenhuyse, d'UrseI, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Grosfils, Hymans, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, M. Jouret, Lange et Ern. Vandenpeereboom.
Ont voté le rejet :
MM. Vander Donckt, Van Overloop, Coomans, Debaets, de Montpellier, de Naeyer, Faignart, Janssens et Julliot.
- La séance est levé à quatre heures trois quarts.