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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 16 mars 1864

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1863-1864)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 365) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à (rois heures et un quart.

M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Bernard-Dieu, propriétaire à Pâturages, réclame l'intervention de la Chambre pour que les dégradations causées à sa propriété par l'exploitation des travaux souterrains d'une société houillère soient réparées et qu'on lui paye la moins-value de son habitation. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« L'administration communale de Volkeghem prie la Chambre d'accorder aux sieurs Gillon et Peeters-Baertsoen. la concession d'un chemin de fer d'Anvers à Tournai vers Douai. »

« Même demande des administrations communales d'Elseghem, de Waerloos et de Hove. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi autorisant cette concession.


« Le conseil communal de Mopertingen demande la construction d'une route de Tongres à Mopertingen. »

M. de Renesse. - Messieurs, plusieurs pétitions relatives au même objet ont été renvoyées à la commission, avec demande d'un prompt rapport. Je prie la Chambre de prendre la même décision pour la requête de Mopertingen.

- Cette proposition est adoptée.


« Les membres du conseil communal de Beerst demandent que le chemin de fer projeté d'Ostende à Armentières passe par Dixmude. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi concernant ce chemin de fer.


« Des habitants de Castre prient la Chambre d'accorder aux sieurs de Haulleville et Wergifosse la concession d'un chemin de fer d'Anvers à Saint-Vith par Braine et Namur. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Le sieur Mertens demande que le nouveau tarif pour les transports par le chemin de fer classe les bois de la Campine dans la même catégorie que les charbons et les minerais. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les habitants de Villers-la-Tour se plaignent d'abus dans le mode de sépulture et prient la Chambre d'aviser aux mesures nécessaires pour les faire cesser. »

- Même renvoi.


« Des membres du conseil communal de Vesqueville prient la Chambre de maintenir la loi en vigueur sur le mode d'inhumation. »

- Même renvoi.


« M. le directeur de la Banque de Belgique adresse à la Chambre 120 exemplaires du compte rendu des opérations de cet établissement pendant l'exercice 1863. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


« M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre 118 exemplaires du tome XVI du Bulletin du conseil supérieur d'agriculture. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


« M. Wasseige, rappelé à Namur par la maladie très grave de son beau-père, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.


« M. J. Jouret, retenu par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Projet de loi autorisant un transfert au budget du ministère de la guerre

Rapport de la section centrale

M. Allard dépose le rapport de la section centrale qui a été chargée de l'examen du projet de loi autorisant un transfert au budget de la guerre pour 1863.

Projet de loi accordant un crédit pour le service des bateaux à vapeur entre Ostende en Douvres

Rapport de la section centrale

M. Van Iseghem dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet d'un crédit de 718,437 fr. 50 c, pour le service des bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et les met à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi accordant des crédits provisoires à divers ministères

Dépôt

MPVµ. - Messieurs, une résolution prise à l'unanimité par la Chambre, le 3 mars, a chargé le bureau de présenter nu projet de loi ayant pour objet d'accorder des crédits provisoires à divers départements ministériels.

Nous avons l'honneur de proposer la formule suivante :

« Léopold, Roi des Belges,

« A tous présents et à venir, Salut.

« Les Chambres ont adopté et Nous sanctionnons ce qui suit :

« Art. 1er. De nouveaux crédits provisoires, à valoir sur les budgets de 1864, sont accordés, savoir :

« Au département de la justice : fr. 2,800,000.

« Au département des affaires étrangères : fr. 500,000.

« Au département de l'intérieur : fr. 1,800,000.

« Au département des travaux publics : fr. 5,425,000. »

« Art. 2. Les augmentations de traitements prévus dans les projets de budgets de ces départements, pour l'exercice 1864, pourront être accordées avec jouissance du 1er janvier 1864.

« Bruxelles, le mars 1864. »

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet de loi et le met à la suite de l'ordre du jour.

Rapports sur des pétitions

M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Poederlé, le 28 novembre 1863, le sieur Janssen, maçon à Poederlé, ayant conservé la qualité de Hollandais, demande que son fils Pierre-Jean, qui a été incorporé dans l'armée belge comme milicien de la levée de14863, soit renvoyé dans ses foyers.

D'après les dispositions de l'article 2 de la loi du 8 mars 1847, les étrangers appartenant à un pays où les Belges ne sont pas astreints au service militaire, sont exempts du service de la milice en Belgique.

Il conste d'un extrait du registre de l'état civil de Poederlé, dûment légalisé, joint au dossier, que le fils du sieur Janssen est né à Poelerlé, le 20 août 1843, d'un père hollandais ; le pétitionnaire prétend que l'article15 de la loi hollandaise du 19 août 1861 exempte de tout service militaire les citoyens hollandais en Belgique. La commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de la pétition à M, le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée du camp de Beverloo, le 15 décembre 1863, le sieur Lecrenier, soldat au 12ème régiment de ligne, détaché aux fortifications d'Anvers, se plaint d'une punition qui lui est infligée.

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée du 5 décembre 1863, des commerçants à Dour, Elouges, Athis, Fayt, Erquennes demandent que, les mardi et vendredi, il soit établi à l'endroit dit le Radieau, sur le territoire de Fayt-le-Franc, un bureau de perception des droits de douane, à l'entrée en Belgique.

Conclusions : Renvoi à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition d'Eecloo, sans date, le conseil communal d'Eeeloo prie la Chambre d'accorder au sieur Frédéric De Perre, la concession d'un chemin de fer d'Ostende à Anvers par Eccloo.

Conclusions : Renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition de Louvain, sans date, le sieur Gayer se plaint d'une punition arbitraire qui lui aurait été infligée.

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Liège, le 13 décembre 1863, le sieur Elskens, ancien gendarme, congédié pour infirmité contractée par le fait du service, demande un secours.

Conclusions : Renvoi à M. le ministre de la guerre.

- Adopté.


(page 366) M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée d'Ingelmunster, le 14 décembre 1863, des cabaretiers à Ingelmunster se plaignent que le garde champêtre de cette commune tient un cabaret et un débit de boissons distillées.

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Baeveghem, le 28 décembre 1805, des habitants de Baeveghem réclament l'intervention de la Chambre pour faire annuler les élections qui ont eu lieu dans cette commune le 27 octobre 1863.

Les habitants de Baeveghem réclament l'intervention de la Chambre pour faire annuler les élections qui ont eu lieu dans cette commune le 27 octobre 1863. Ils fondent cette réclamation sur ce que la majorité du conseil communal de cette localité avait admis, sur la liste des électeurs, un certain nombre de contribuables qui, pour compléter leur cens électoral, s'étaient munis de patentes commerciales ou industrielles ; elle avait, par contre, rejeté plusieurs demandes d'inscription de contribuables, se présentant, les uns dans les mêmes conditions, les autres dans des conditions meilleures. Appel contre ces inscriptions ou refus d'admission ayant été interjeté, l'instruction démontra que la plupart de ces patentables ne possédaient pas les bases d'impôt et se trouvaient, à ce titre, indûment admis sur la liste électorale. Elle démontra également que, parmi les postulants, il s'en trouvait qui avaient été injustement écartés.

La députation fut néanmoins hors d'état d'ordonner tant la radiation des uns que l'inscription des autres, par le motif que l'appel dut être déclaré non-recevable, la notification de celui-ci ayant dû être faite conformément h la jurisprudence de la cour de cassation de Belgique, non par l'entremise d'un garde champêtre, comme cela se rencontre dans l'espèce, mais par le ministère d'un huissier.

Les élections eurent lieu. Une réclamation en nullité de celles-ci, renouvelant les griefs déjà formulés, fut envoyée à la députation de la Flandre orientale, qui valida les élections.

Cette décision étant passée en force de chose jugée et toutes voies légales étant épuisées aux fins d'annulation, votre commission a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour sur cette pétition.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Warneton, le 27 décembre 1863, le sieur Molhans, facteur rural à Warneton, prie la Chambre de lui faire obtenir le maximum de traitement accordé à son grade.

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Rendeux, le 20 décembre 1863, des membres du conseil communal de Rendeux présentent des observations contre la nomination d'un instituteur communal.

Les membres du conseil communal de Rendeux n'ayant pu se mettre d'accord dans le délai légal sur la nomination d'un instituteur communal, le gouvernement, conformément aux dispositions de l'article 12 de la loi sur l'enseignement primaire, y a pourvu d'office. Cette nomination se trouvant faite d'après les conditions formelles de la loi, votre commission a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour sur cette pétition.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition de Bruxelles, sans date, le sieur Tulpinck réclame l'intervention de la Chambre pour qu'il soit rendu compte d'une succession revenant à sa famille.

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée d'Ardoye, le 6 décembre 1863, le sieur Lambrecht, ouvrier à Ardoye, se plaint d'avoir été expulsé de son habitation, pour s'être refusé à faire une fausse déclaration.

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Gand en décembre 1863, la dame Lucie Seconde prie la Chambre de lui faire obtenir ce qui lui revient dans la succession de ses parents.

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Molenbeek, le 14 décembre 1863, le sieur Janssens demande que les prix courants des négociants puissent être affranchis à prix réduit sans être mis sous bande.

Conclusions : Renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Bruxelles, le 4 janvier 1864, le comte Edgard Duval de Beaulieu prie la Chambre de décider que les décisions de la députation permanente sont sujettes à cassation et à révision et que nul ne peut être condamné par elles sans avoir été entendu.

Les questions soulevées par le pétitionnaire ayant donné lieu, lors de la discussion récente du projet d'adresse, à un débat incidentel, ensuite duquel M. le ministre de l'intérieur a pris l'engagement d'y porter un sérieux examen, la commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à ce haut fonctionnaire.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Quaregnon, le 27 décembre 1863, le sieur Bievelez réclame l'intervention de la Chambre pour rentrer en jouissance de sa propriété.

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Gand, le 30 décembre 1863, le sieur Desmet, ancien volontaire de 1830, demande une pension sur le fonds spécial.

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Van Humbeeck, rapporteur. - Par pétition datée de Rupelmonde, le 1er janvier 1864, des pêcheurs de Rupelmonde demandent le retrait de l'arrêté royal du 10 novembre 1863 relatif à la pêche dans l'Escaut et dans le Rupel ou qu'on leur accorde une indemnité.

Les pétitionnaires attribuent à l'arrêté en question les conséquences les plus désastreuses. Leurs allégations sont-elles conformes à la réalité des faits ? C'est ce qu'il a été impossible à la commission de vérifier. Elle doit donc se borner à appeler sur la requête l'attention du gouvernement ; à cet effet, elle propose le renvoi à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Van Overloopµ. - Messieurs, j'appuie la proposition de la commission des pétitions ; je crois pouvoir recommander à la bienveillance particulière du gouvernement, la demande des pêcheurs de Rupelmonde. Depuis de longues années, ces pêcheurs ont contracté, dit-on, l'habitude de prendre le poisson dans l'Escaut et le Rupel avec une espèce de filets qu'on appelle, si je ne me trompe, Krabbers.

Le 10 novembre 1863, a paru un arrêté royal qui leur interdit l’usage de ces filets dans l'Escaut et le Rupel, à partir du 1er janvier 1864. Ainsi ces pauvres pêcheurs ont été brusquement privés de leurs moyens d'existence, sans qu'il y ait eu une période de transition.

Je crois que le gouvernement aurait pu, sans le moinder inconvénient, avertir les pêcheurs de Rupelmonde, au moins un an avant de prendre l'arrêté royal, que l'usage des filets dont il s'agit serait supprimé. Je pense donc qu'il y a lieu de revenir sur la mesure en ce sens.

J'appelle de nouveau l'attention sérieuse du gouvernement sur la pétition de ces pauvres gens, et j'espère qu'il pourra faire quelque chose dans l'intérêt de ces pêcheurs.

Je viens de signaler un moyen propre à atteindre ce but ; ce moyen me paraît le plus convenable : c'est de décider que l'arrêté royal contre lequel les pêcheurs réclament ne sera exécutoire qu'à partir de l'année 1865 ; de cette manière, les pêcheurs de Rupelmonde pourront employer leurs filets au moins pendant l'année 1864 ; ils pourront donner une autre direction à leur activité si, malgré leurs observations, le gouvernement estime que la mesure prise par l'arrêté du 10 novembre 1863 doit être appliquée dans l'intérêt public. Enfin, messieurs, dans ce cas, la prorogation de la mise à exécution de l'arrêté royal concilierait les intérêts du public avec ceux des pauvres pêcheurs de Rupelmonde. Ce serait un acte de véritable justice.

M. Verwilghen. - Messieurs, je crois qu'il y a lieu de modifier légèrement les conclusions de la commission des pétitions. Elle propose le renvoi de la pétition à M. le ministre des affaires étrangères. Mais la signataire de l'arrêté royal contre lequel les pêcheurs de Rupelmonde réclament n'est pas M. le ministre des affaires étrangères, c'est M. le ministre des finances.

- Plusieurs voix. - Qu'on renvoie la pétition aux deux ministres.

M. Verwilghen. - Je n'y trouve, pour ma part, aucun inconvénient.

Si l'on examine attentivement la demande des pétitionnaires, on se convaincra sans peine, selon moi, qu'il y a lieu de revenir sur l'arrêté du 10 novembre dernier.

En effet, grâce au règlement général de 1843 qui régit la matière, le gouvernement est armé de moyens efficaces pour atteindre le but qu'il s'est proposé. Ce but consiste à prévenir la destruction du frai, ainsi que des poissons qui n'ont pas atteint un développement normal. Or, aux termes du règlement de 1843, le frai extrait de l'eau par les filets doit être immédiatement rejeté dans la rivière, et il en est de même des poissons qui ont moins de 16 ou de 15 centimètres, suivant les espèces.

Si donc les agents préposés par le gouvernement à la surveillance de la pêche, s'acquittent convenablement de leurs fonctions et font (page 367) preuve d'une vigilance active et incessante, on obtiendra parfaitement, ce me semble, le résultat que le gouvernement a eu en vue dans l’arrêté royal du 10 novembre 1863.

Cette mesure a été extrêmement désastreuse dans ses effets, parce qu'elle a empêché qu'un grand nombre de pauvres pêcheurs (la pétition parle de plus de 200 malheureux) de se livrer à la pêche pendant toute la période d'hiver ; leurs instruments de travail se trouvant tout à coup, et sans avertissement préalable, frappés d'une prohibition absolue, ils se sont vus condamnés à une inaction qui a produit la perturbation la plus fâcheuse dars leurs moyens d'existence.

Le gouvernement aurait agi sagement en les prévenant quelque temps à l'avance ; il aurait dû s'inspirer de la disposition favorable, bienveillante et vraiment libérale qui se trouve dans le règlement de 1843 et qui permet aux pêcheurs d'employer encore, pendant plus de deux ans, les filets et engins de pêche qu'ils avaient eu leur possession, au moment de la mise en vigueur dudit règlement.

Dans la présente occurrence au contraire, l'arrêté a été pris le 10 novembre et n'a paru au Moniteur que le 9 décembre suivant. Il a donc été complètement impossible aux pétitionnaires de prendre leurs précautions à l'avance contre les effets désastreux de la mesure qui les a si rudement frappés.

Je recommande donc la pétition à la bienveillante attention de MM. les ministres des affaires étrangères et des finances.

M. Rodenbach. - Je partage l'opinion de l'honorable préopinant. Cependant je ne puis pas admettre qu'on permette la destruction du frai ; cela se fait cependant pour le poisson de mer. Il paraît que sur nos côtes le frai sert de nourriture aux animaux immondes. Je sais bien qu'on pourra me répondre que, grâce à la pisciculture, petits poissons deviendront grands et qu'on réparera facilement, au moyen du procédé de reproduction, le tort causé par la pêche maritime. Je ferai remarquer que si l'on réglemente la pêche dans le Rupel, il faut la réglementer également sur les bords de la mer ; une administration publique ne doit pas avoir deux poids et deux mesures.

Au surplus, je reconnais qu'il serait juste d'accorder un certain délai pour la mise en vigueur de mesures du genre de celles adoptées pour le Rupel ; c'est ainsi que l'on a procédé à l'égard des meuniers quand il fut question de la suppression des balances romaines (interruption) ; c'est encore un précédent, comme on le fait remarquer à côté de moi, en ce qui concerne l'adoption de la nouvelle tenue des officiers.

Je ne cite pas ces exemples à titre d'analogie, mais pour prouver qu'il est toujours équitable d'accorder un délai raisonnable aux personnes qu'une mesure décrétée nouvellement doit atteindre dans leurs intérêts.

MpVµ. - Quelqu'un s'oppose-t-il au double renvoi à MM. les ministres des affaires étrangères et des finances ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je ne suis pas intervenu dans cette affaire.

MpVµ. - Je ne puis pas changer les propositions qui sont faites.

M. Verwilghen. - Je reviens à mon idée première et demande que cette pétition soit renvoyée à M. le ministre des finances, puisque c'est lui qui a pris l'arrêté.

- Le renvoi à M. le ministre des finances est ordonné.


M. Van Humbeeck, rapporteur. - Par pétition de Bruxelles, le 11 novembre 1863, le sieur Hauteville demande une loi autorisant les juges de paix des cantons en dehors des chefs-lieux d'arrondissements judiciaires, à légaliser, concurremment avec les présidents des tribunaux, les signatures des officiers de l'état civil et des notaires résidant dans ces cantons.

L'idée du pétitionnaire a été examinée par la Chambre dans une séance précédente ; elle a paru pratique et procurerait des facilités aux justiciables.

La commission propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice.

- Adopté.


M. Van Humbeeck, rapporteur. - Par pétition datée de Malines, le 6 décembre 1863, le sieur Stuyck, lieutenant de cavalerie en non activité, réclame l'intervention de la Chambre pour être entendu devant la cour militaire sur les faits qui ont provoqué sa mise en non activité.

On comprend peu la réclamation du pétitionnaire.

La loi du 12 juin 1836, fixant la position des officiers de l'armée, porte à l'article 2 :

« Le grade est distinct de l'emploi. Le Roi confite l’emploi du grade et le retire... »

Elle porte à l’article 6:

« La non activité est la position de l'officier hors cadre et sans emploi... »

Il en résulte que la mise en non activité n'est autre chose que le retrait de l'emploi, mesure essentiellement distincte de la déchéance du grade, qui fait l'objet d'une autre loi de la même date.

Le pétitionnaire voudrait ainsi faire contrôler par le pouvoir judiciaire un acte du pouvoir exécutif agissant dans le cercle de ses attributions. De tels actes ne sont soumis à d'autre contrôle qu'à celui des Chambres législatives. Si le pétitionnaire croît que la mesure prise envers lui est abusive et peut engager la responsabilité ministérielle, qu'il produise ses griefs devant la Chambre ; celle-ci examinera. Mais il ne fait rien de pareil et sur la demande, telle qu'elle est formulée, la commission ne peut que proposer l'ordre du jour.

M. Hayezµ. - Je demande à soumettre à la Chambre quelques observations relativement à la pétition du lieutenant Stuyck.

La commission propose l'ordre du jour, c'est-à-dire, si je ne me trompe, l’ajournement indéfini.

J'ai déjà eu l'honneur de vous exposer que le mode de mise à la non-activité des officiers laisse beaucoup trop de latitude au ministre de la guerre qui, par un simple arrêté, décide de l'avenir de tout officier.

Or, messieurs, un ministre, quel qu'il soit, quelles que soient les bonnes intentions dont il est animé, ne peut tout voir par lui-même ; il doit nécessairement avoir recours à l'avis de subordonnés, et il ne serait pas étonnant qu'il y eût parfois de la partialité dans les rapports. Dans cet état de choses, ne vous semble-t-il pas désirable qu'il soit donné aux officiers la satisfaction que tout Belge peut réclamer, celle d'obtenir des juges en position d'apprécier, avec toute garantie d'impartialité, s'il y a lieu ou non d'appliquer à un officier la plus grande peine qui puisse l'atteindre ?

Je vous l'ai déjà dit, messieurs, l'officier mis en non-activité perd la moitié de ses appointements, ses droits à l'avancement, et tout le temps qu'il reste dans cette position n'est compté que pour moitié dans la supputation de ses années de services, lors de sa mise à la pension.

Si l'officier a des chevaux, il doit les vendre ; il doit en racheter, en rentrant en activité, et l'on sait ce qu'il en coûte aujourd'hui.

J'ajouterai que, depuis l'application si large de la mise en non-activité cette punition a reçu une aggravation que le vœu de la Ici ne comportait pas. Cette aggravation, qui consiste à assigner une résidence à l'officier puni, est très grande, car, dans beaucoup de circonstances, si l'officier avait la faculté de se choisir un domicile, il pourrait se retirer dans sa famille et y vivre honorablement avec les ressources plus que modiques de la demi-solde.

Messieurs, les débats qui eurent lieu, lors de la discussion de la loi sur la position des officiers adoptée en 1836, furent très animés, vous ne l'ignorez pas ; et plusieurs orateurs ont déclaré que le code qui régissait l'armée devait être refondu entièrement, comme n'étant plus d'accord avec nos institutions. Je n'abuserai pas les moments de la Chambre en rappelant ces débats quelque instructifs qu'ils soient ; je me bornerai à quelques citations pleines d'actualité.

L'honorable M. Dumortier disait en parlant du projet de loi soumis à la Chambre ;

« Le but de la loi est d'empêcher les officiers de manifester leur opinion sur les abus qu'ils voient commettre, et même, s'ils veulent faire connaître les abus à un membre de la Chambre, ils seront obligés de se cacher.

« On veut transformer l'armée belge en un corps, servile exécuteur des volontés du pouvoir exécutif ; un corps qui n'a pas de patrie, qui ne tient qu'à la volonté qu'il reçoit ; et un mot une armée de janissaires.

« On veut qu'elle voie les abus les plus criants sans manifester son opinion ; on veut empêcher les officiers de se plaindre aux membres de la représentation nationale. »

Et lorsque arriva la discussion sur l'article 6 de cette loi, article qui donne au ministre le pouvoir exorbitant de mettre un officier en non activité, pour un temps illimité, sans énoncer le motif de la punition autrement que par ces mots : « Par mesure d'ordre », et sans donner à la victime le droit de se défendre, l'honorable M. de Brouckere s'exprima ainsi :

« Prenez donc garde de donner la faculté de mettre un officier en non activité, parce qu'il aurait déplu à son chef. »

L'honorable M. Gendebien disait ;

« Je veux protester contre cette jurisprudence exorbitante ; c'est la seule ressource qui me reste contre le débordement d'arbitraire qui menace toutes nos libertés. Je ne sais comment on peut priver un officier de son état, sans règle, sans garantie aucune contre l'arbitraire, Est-ce que (page 368) les officiers ne méritent pas qu'on leur conserve leurs droits comme la Constitution les garantit aux autres citoyens ?

« On veut en faire des parias ou des instruments aveugles du despotisme. »

Une dernière citation, messieurs ; voici ce que disait l'honorable M. Seron :

« Ne faisons pas de nos soldats des automates, ne les condamnons pas au mutisme, ne les dégradons pas ; c'est quand ils perdent le sentiment de leur dignité qu'ils cessent d'être citoyens et que les libertés publiques sont en danger ; c'est alors que ces nouveaux prétoriens deviennent un instrument d'oppression pour le pays, daignons que, sous le prétexte de l'ordre et de la discipline, on ne les accoutume insensiblement à une obéissance trop aveugle, trop opposée aux principes de nos institutions libres et qui les dispose à soutenir les usurpations et la tyrannie du pouvoir exécutif dont la tendance naturelle, irrésistible, est de se mettre au-dessus des lois. Non, je sens parfaitement la nécessité d'une discipline bien entendue, mais le militaire ne doit jamais être esclave. »

J'ai cru, messieurs, devoir vous rappeler une partie de ce qui a été dit en 1836 contre la loi qui existe aujourd'hui, pour vous pénétrer de la nécessité qu'il y a d'y apporter, le plus tôt possible, des modifications équitables. J'espère et je désire que l'initiative de ces modifications vienne du gouvernement et qu'en attendant qu'il les présente à l’examen de la législature, il fasse droit aux réclamations qui s'élèvent aujourd'hui.

En définitive, l'officier est coupable ou il est innocent ; dans le premier cas l'honorable ministre de la guerre a tout intérêt à prouver qu'il n'a pas outre-passé ses pouvoirs ; dans le second, je suis persuadé qu'il saisira avec plaisir l'occasion qui lui est offerte de faire acte de justice.

En conséquence je demande que la pétition du sieur Stuyck soit l'objet d'un nouvel examen et envoyée à M. le ministre de la guerre pour avis et renseignements.

M. Van Humbeeck, rapporteur. - Messieurs, l'honorable M. Hayez se trompe entièrement sur le but de la pétition qui nous a été envoyée. Le pétitionnaire se borne à dire : « J'ai été mis en non-activité, je demande à être entendu devant la cour militaire sur les motifs qui ont fait prendre cette mesure à mon égard. » J'ai écrit à l'auditeur militaire lui demandant à être entendu devant la cour.

L'auditeur militaire m'a répondu qu'il ne pouvait pas donner suite à ma demande. Je viens m'adresser à la Chambre, je lui demande à son tour son intervention pour être entendu devant la cour. La pétition tend ainsi à obtenir une mesure individuelle qui ne s'appliquerait qu'au pétitionnaire. Cette mesure devrait être au moins autorisée par une loi quelconque, bien certainement la loi sur la mise en non-activité des officiers ne l'autorise point ; le Roi confère et retire les emplois d'officiers. Donc la mise en non-activité, qui est un retrait d'emploi, est un acte du pouvoir exécutif qui ne peut être apprécié et surtout défait par le pouvoir judiciaire.

Si le pétitionnaire s'était plaint d'une mesure abusive, s'il avait prétendu que le ministre avait mésusé de son droit, nous aurions examiné, nous aurions apprécié s'il y avait lieu d'infliger au ministre un blâme ; nous n'aurions pas proposé l'ordre du jour.

Si le pétitionnaire sollicitait une révision de la loi, ce serait encore une demande méritant un sérieux examen. Mais il veut non pas obtenir une mesure générale, mais obtenir qu'on fasse, pour lui seul, une chose qui n'est autorisée par aucune loi.

L'honorable M. Hayez paraît croire que le pétitionnaire apporte ici des considérations tendantes à faire réviser la législation.

Si la pétition contenait quelque chose de pareil, comme je l'ai déjà dit, nous ne proposerions pas l'ordre du jour, ce serait une requête à examiner sérieusement.

Mais ce que le sieur Stuyek demande, nous ne pouvons jpas le faire ; il veut une disposition isolée, s'appliquant à lui seul.

Il reproche à l'auditeur militaire de n'avoir pas pris à son égard une mesure que la loi n'autorise pas.

Les considérations présentées par l'honorable membre, bien que méritant de fixer l'attention, ne peuvent pas avoir pour résultat de changer le texte de la pétition ; elle ne peuvent s'y substituer.

M. Hayezµ. - J'espère que les observations que j'ai eu l'honneur de présenter engageront M. le ministre de la guerre à voir de nouveau l'affaire qui a amené la mise en non activité du lieutenant Stuyck et qu'il reviendra, s'il y a lieu, sur la décision prise.

- L'ordre du jour est mis aux voix et prononcé.


M. Van Humbeeck, rapporteur. - Par pétition sans date, des propriétaires et habitants de Bruxelles, se plaignant de l'insalubrité de la Senne, demandent qu'il soit pris des mesures pour faire disparaître les dangers permanents qui résultent de l'état de cette rivière.

L'année dernière, lors de la discussion du budget des travaux publics, une pétition de même nature a été adressée à la Chambre. La question est plutôt communale et provinciale que gouvernementale ; mais un grand nombre de communes et deux provinces devant coopérer aune solution, si on veut que celle-ci porte à la fois sur le danger de l'Insalubrité et sur celui des inondations, la double intervention du ministère de l'intérieur et de celui des travaux publics peut être d'une haute utilité. Nous proposons donc à la Chambre de s'arrêter cette année à la même décision qu'elle a prise l'an dernier, et de renvoyer la pétition à MM. les ministres de l'intérieur et des travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Van Humbeeck, rapporteur. - Par pétition datée de Ragnies, le 14 mars 1863, les membres de l'administration communale de Ragnies demandent une modification à l'article 7 de la loi du 18 mars 1843.

Les pétitionnaires estiment que la disposition visée par eux et qui, dans certaines conditions, exempte du droit de barrière les établissements industriels, n'a plus de raison d'être, en présence de l'état florissant de nos usines et que l'exercice de ce privilège cause à l'Etat, aux province et surtout aux communes, un préjudice considérable.

La commission n'entend pas appuyer la réclamation, en tant qu'elle conduirait à une extension de la perception du droit de barrière, ce qui rendrait plus difficile encore la suppression ultérieure de ce droit.

Mais le privilège des établissements industriels ne pourrait-il pas être justement compensé par une taxe directe à établir ? Le produit de cette taxe ne pourrait-il pas constituer le premier élément d'un fonds, qui viendrait remplacer le produit des barrières ?

Une commission des pétitions ne peut pas trancher des questions aussi graves : mais il est de son devoir de les signaler à l'attention du gouvernement.

Nous proposons le renvoi à M. le ministre des finances.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Van Humbeeck, rapporteur. - Par pétition datée de Courtrai, le 11 mars 1863, les notaires de l'arrondissement de Courtrai demandent que les ventes publiques d'immeubles appartiennent exclusivement aux notaires.

Les pétitionnaires s'émeuvent beaucoup d'un arrêt de la cour de cassation, du 25 novembre 1862, cassant un arrêt de la cour d'appel de Gand, d'après lequel les agents d'affaires, en procédant à des ventes publiques d’immeubles, commettaient le délit d’immixtion dans les fonctions notariales et tombaient sous le coup de l'article 258 du Code pénal.

D'après eux, la cour de cassation a constaté à regret que le législateur a négligé d'inscrire dans la loi que les ventes publiques d'immeubles appartiennent exclusivement aux notaires. Ils nous prient de combler cette lacune.

La question est sérieuse et mérite d'être examinée. Mais l'intervention de la législature est-elle dès à présent nécessaire ? L'arrêt cité fera-t-il désormais jurisprudence ? Ne pourrait-on pas se borner à laisser aux parquets toute liberté d'agir, comme avant l'arrêt du 25 novembre, et de provoquer ainsi des décisions nouvelles sur la question ? Peut-être la jurisprudence, eu se modifiant, ferait disparaître, elle-même les inconvénients sur lesquels se fonde la requête. Et si le résultat était autre, alors viendrait pour le législateur le moment d'agir.

La commission propose le renvoi à M. le ministre de la justice.

M. Tack. - La question que soulèvent les pétitionnaires est extrêmement sérieuse, comme vient de le dire l'honorable rapporteur de votre commission elle est très controversée surtout ; depuis le dernier arrêt de la cour de cassation qui a donné gain de cause aux agents d'affaires qui ont, en qualité de mandataires, l'habitude de procéder aux ventes immobilières. La cour avait à juger, comme toujours, selon la loi et non de la loi.

La cour s'est demandé s'il existait, oui on non, un texte formel en vertu duquel le droit que réclament les notaires leur est dévolu, et en l'absence d'un texte précis, elle s'est refusée à faire l'application de l'article 258 du Code pénal qui punit le délit d'immixtion dans les fonctions publiques ou le fait d'avoir posé un acte inhérent à ces fonctions, ce qui est la même chose.

Elle s'est appuyée encore sur la liberté des contrats et sur la liberté de la propriété. C'est ce qui a déterminé sa décision. Mais la question qui nous est soumise est celle de savoir s'il convient de mettre des restrictions à la faculté de vendre publiquement des immeubles soit que les propriétaires veuillent, ce qui n'arrive guère, agir par eux-mêmes, soit qu'ils aient recours au ministère d'un agent d’affaires à qui ils donnent pouvoir de les représenter.

Les notaires soutiennent que si la doctrine de la Cour de cassation (page 369) devait prévaloir, elle deviendrait fatale au notariat. Ils font observer, messieurs, que de temps immémorial la pratique a toujours été identique ; que les mœurs et les traditions du notariat sont en leur faveur ; que l'esprit de la loi sur le notariat leur est également favorable. Ils ajoutent que si la doctrine de la Cour de cassation doit l'emporter, il en résulterait que les fonctions d'agent d'affaires acquerraient plus d'importance et deviendraient plus lucratives que les fonctions de notaire.

L'observation semble péremptoire. Le notaire est forcément restreint dans sa compétence par les limites de son ressort.

Vous le savez, le notaire de canton ne peut instrumenter en dehors de son canton. Le notaire d'arrondissement n'est plus compétent en dehors du ressort de son arrondissement ; et le notaire de cour d'appel voit sa compétence expirer aux limites du ressort de la cour d'appel. L'agent d'affaires, lui, pourrait, disent les pétitionnaires, procéder à des ventes immobilières dans tout un ressort de cour d'appel et même dans tout le pays.

M. de Theuxµ. - Et le notaire aussi.

M. Tack. - En effet, le notaire pourrait aussi agir, en dehors de son ressort, comme agent d'affaires ou plutôt comme simple mandataire, non point comme officier public, chargé de donner l'authenticité à un contrat ; mais de cette manière ne porterait-il pas atteinte à sa dignité, ne jouerait-il pas ici un rôle subordonné qu'il ne peut convenablement accepter ?

La commission, messieurs, est d'avis que le moment n'est pas venu de trancher la question.

En effet, la jurisprudence n'est pas fixée. Il y a un arrêt de la cour de cassation contraire à un arrêt de la cour d'appel de Gand et, d'un autre côté, un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles qui admet la jurisprudence de la cour de cassation.

Je crois, avec la commission, qu'il n'est pas opportun de délibérer sur cette question et qu'il vaut mieux attendre que de nouvelles décisions soient prises.

Si, dans la suite, la jurisprudence de la cour de cassation devenait définitive, il serait temps alors de consulter la Chambre pour qu'elle avisât.

Pour le moment, il suffit que les parquets restent libres d'agir comme ils l'entendent sur la matière et que le gouvernement s'abstienne d'intervenir et de se prononcer dans un sens ou dans l'autre.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.


M. Van Humbeeck, rapporteur. - Par pétition datée de Bruges, le 10 décembre 1863, les sieurs Otto de Nieulant, D'Hauw et autres membres du premier comice agricole de la Flandre occidentale, demandent que lors de la révision de la loi abolissant les octrois, la Chambre se prononce contre l'impôt sur les vidanges.

L'attention du gouvernement a déjà été appelée sur cette question par le conseil provincial de la Flandre occidentale.

Par lettre du 6 juillet 1863, le comice agricole du premier district de Bruges avait prié le conseil provincial d'émettre un vœu conforme à la demande que les pétitionnaires adressent aujourd'hui à la Chambre (Moniteur, p. 3382). Cette lettre donna lieu au dépôt de la proposition suivante, sur laquelle rapport fut présenté le 14 juillet (Moniteur, p. 3610).

« Le conseil voulant donner satisfaction aux justes réclamations que le comice du premier district agricole de Bruges lui a adressées, contre l'existence du droit de sortie établi dans la ville de Bruges, sur les matières à vidanges, émet le vœu auprès du gouvernement d'obtenir l'abolition de cet impôt qui pèse principalement sur l'agriculture.

« Le conseil provincial nourrit l'espoir que cette suppression pourra être décrétée lors de la révision de la loi sur l'abolition des droits d'octroi, sans blesser l'intérêt financier des villes qui maintiennent cette taxe comme source de revenus. »

Cette proposition fut adoptée le 17 juillet par 33 voix contre 6 (Moniteur, p. 3615).

M. le gouverneur appuya la proposition. « De cette manière, disait-il, le gouvernement sera amené à examiner si l'on ne pourrait pas assimiler aux droits d'octroi proprement dits et supprimés, les taxes communales qui, jusqu'ici, n'ont pas été envisagées comme droits d'octroi ; cet examen aura lieu en 1864 ; les intéressés seront entendus, et dès lors, il y aura eu une instruction régulière. »

En présence de ces précédents, la commission, sans examiner au fond le mérite des réclamations soulevées, non plus que la possibilité d'y faire droit, considérant tellement que le gouvernement est déjà saisi de la question, propose le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances.

M. Declercqµ. - Messieurs, je demande, au lieu du renvoi à M. le ministre des finances, le renvoi à la commission permanente d'agriculture et d'industrie.

M. Mullerµ. - J'aurais conçu que, lorsque cette pétition arriva à la Chambre, on en eût demandé le renvoi à la commission d'industrie. Mais elle a été renvoyée à la commission des pétitions qui vous fait un rapport. Vous ne pouvez renvoyer ce rapport d'une commission à une autre commission. La commission des pétitions vous propose le renvoi à M. le ministre des finances C'est à cette conclusion que nous devons nous arrêter.

M. de Naeyer. - Je crois que, il y a peu de jours, nous avons renvoyé à une section centrale une pétition sur laquelle la commission des pétitions avait fait rapport,

M. Mullerµ. - C'est différent.

M. de Naeyer. - C'est par suite du rapport qui nous est fait, que nous constatons que cette pétition a une très grande importance au point de vue agricole, et je ne vois pas quel inconvénient il y aurait à la renvoyer à une commission chargée spécialement d'examiner les questions se rattachant à ce genre d'intérêts.

M. Mullerµ. - La commission des pétitions a fait un rapport qui conclut au renvoi à M. le ministre des finances. Le ministre sera saisi de la question. Mais ce n'est pas très obligeant pour la commission des pétitions de proposer le renvoi à une autre commission.

MfFOµ. - Qui ne pourra pas présenter d'autres conclusions.

M. de Naeyer. - Il y a des précédents. Je vous en ai cité un, l'on pouvait dire aussi qu'il n'était pas obligeant pour la commission des pétitions de demander le renvoi à une section centrale.

Mais je ne vois rien de désobligeant là dedans. La commission des pétitions est chargée d'examiner les pétitions en général. Mais lorsque les pétitions ont un caractère particulier, qu'y a-t-il de désobligeant à demander le renvoi à une commission chargée spécialement d'examiner ces sortes de questions ? C’est en quelque sorte le cas de dire : in toto jure generi per speciem derogatur.

M. Van Humbeeck, rapporteur - Il est évident que nous avons plus d'une fois renvoyé à des sections centrales ou à des commissions spéciales des pétitions qui avaient déjà passé à la commission des pétitions ; mais c'était que ces pétitions se rapportaient à des projets soumis dans le moment à l'examen de ces sections centrales ou de ces commissions. C'était pour éviter deux rapports sur le même objet.

Je comprendrais parfaitement (je mets de côté tout esprit d'amour-propre) que l'on renvoyât une pétition sur laquelle la commission des pétitions n'a pu faire qu'un rapport incomplet, à une commission plus compétente.

Mais je doute que ce soit ici le cas. Il s'agit d'une pétition concernant l'agriculture. Or, il n'y a pas de commission chargée d'examiner spécialement ces sortes de questions.

M. de Naeyer. - Pardon !

M. Van Humbeeck. - Je sais bien que nous avons une commission, nommée commission d'industrie et d'agriculture. Mais on n'a qu'à lire les noms qui composent cette commission, pour reconnaître que l'élément industriel y domine.

Messieurs, quel pourrait être le résultat du renvoi à la commission permanente d'industrie ? Je ne crois pas que, dans la pensée de l'honorable M. Declercq et de l’honorable M. de Naeyer, il doive surgir de cet examen un projet de loi. Ce qui en sortira, sera le renvoi au gouvernement avec des motifs et des conclusions peut-être mieux développées que ceux que la commission des pétitions a pu présenter. Or, ce but pratique pour vous faire obtenir un renvoi à la commission d'industrie est parfaitement atteint dès à présent si vous adoptez les conclusions de la commission des pétitions.

M. Rodenbach. - Je crois que les deux opinions pourraient être satisfaites par le renvoi à M. le ministre des finances avec demande d'explications.

On saura ainsi à quoi s'en tenir sur les intentions du gouvernement.

Cette question qui s'est présentée aussi à Anvers où les vidanges étaient frappées d'un droit, mérite l'attention sérieuse du gouvernement, et je suis persuadé que M. le ministre des finances examinera en se préoccupant surtout des intérêts de l'agriculture, si l'on doit supprimer ce droit de sortie. Quant à moi, je crois qu'on doit le supprimer ; mais la commission ne pourra demander que le renvoi à M. le ministre des finances. Je demande donc le renvoi à M. le ministre des finances avec demande d'explications,

M. de Theuxµ. - On pourrait concilier tous les intérêts en ordonnant le double renvoi à M. le ministre des finances et à M. le ministre de l'intérieur, qui est spécialement chargé des intérêts de l'agriculture.

M. Van Humbeeck, rapporteur. - Je me rallie à la proposition de M. de Theux.

(page 370) MpVµ. - M. Declercq, insistez-vous, en présence de la proposition de M. de Theux ?

M. Declercqµ. - Non, M. le président.

-Le renvoi à MM. les ministres des finances et de l'intérieur est mis aux voix et adopté.


M. Van Humbeeck, rapporteur. - Par pétition sans date, des propriétaires et fermiers à Xhendremael demandent que l'arrêté du 10 novembre 1845, relatif aux livrets d'ouvriers, soit rendu applicable aux ouvriers des campagnes et aux maîtres qui les emploient.

Même demande de propriétaires et fermiers à Houtain-Saint-Siméon, Roclenge et Wonck.

L'an dernier, M. le ministre de l'intérieur, lors de la discussion de son budget, émettait l'opinion qu'il n'y avait pas lieu d'étendre aux ouvriers agricoles la législation des livrets établis en matière industrielle. Cette réglementation, selon lui, imposerait aux ouvriers agricoles une gêne, sans produire de résultats utiles.

L'honorable M. Vermeire partageait cet avis ; d'après lui, l'obligation du livret imposé à l'ouvrier n'est pas en harmonie avec nos lois constitutionnelles, avec nos principes d'égalité. Mais il faisait remarquer que le livret peut être considéré sous un autre point de vue, qu'il peut être regardé comme rendant témoignage des travaux de l'ouvrier. A ce point de vue, le livret lui paraissait devoir être maintenu, mais comme facultatif seulement.

Or, il est évident que le livret, rendu facultatif, pourrait être étendu sans inconvénient aux travailleurs agricoles. L'idée de l'honorable M. Vermeire mérite de ne pas être perdue de vue.

La commission propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Van Humbeeck, rapporteur. - Par pétition datée d'Anvers, le 16 novembre 1863, des habitants d'Anvers demandent la révision de la loi sur les conseils de prud'hommes.

Les diverses pétitions relatives à cet objet sont conçues dans les mêmes termes ; c’est la même pétition en divers exemplaires.

Les pétitionnaires critiquent la loi organique du 7 février 1859.

Ils y signalent trois disposition inconstitutionnelles, d'après eux, et trois autres auxquelles ils reprochent d'être marquées du sceau d'une évidente iniquité.

L'article 4 est inconstitutionnel, disent-ils, en ce qu'il n'accorde le droit électoral qu'aux ouvriers munis de livrets.

Cette observation se rattache à la question traitée à propos de la pétition précédente. Il est évident qua si l'obligation du livret est en contradiction avec l'esprit général de nos institutions, l'article en question devra être modifié, une fois que le livret sera devenu purement facultatif.

L'article 9 est inconstitutionnel, disent les pétitionnaires, en ce qu'il confère l'éligibilité aux seuls électeurs pour les conseils de prud'hommes et exige encore que ceux-ci soient âgés de trente ans pour pouvoir être élus.

Evidemment le reproche d'inconstitutionnalité est ici sans fondement ; mais, abstraction faite de la question constitutionnels, on peut reprocher à cette disposition d'être trop restrictive.

Les pétitionnaires trouvent l'article 7 inconstitutionnel, parce qu'il se sert du mot « notables » ; mais l'article n'emploie ce terme qu'en se référant à une législation préexistante. On a voulu empêcher que des chefs d'industrie reconnus notables pour les élections aux tribunaux consulaires fussent exclus des listes électorales pour les conseils de prud'hommes. Qu'il faille changer les conditions de l'élection pour les tribunaux consulaires, nous le voulons bien ; mais cette question est étrangère à la révision sollicitée par les pétitionnaires ; il n'en demeure pas moins vrai qu'aussi longtemps que le code de commerce régira l'élection des juges commerciaux, l'article 7 critiqué aura un but utile : il empêchera une contradiction de se produire.

Après les griefs d'inconstitutionnalité, voyons quelles iniquités on relève dans la même loi.

D'après l'article 30, la voix du président est prépondérant. Flagrante injustice, disent les pétitionnaires. A la rigueur, on peut dire avec eux que tout privilège rompt les rapports d'égalité et peut s'appeler une injustice.

Mais ne sacrifions pas trop aux mots et tâchons d'examiner les choses à un point de vue pratique. Nous ne voyons que deux moyens d'empêcher Je recours à une voix présidentielle prépondérante :

Ou faire siéger les prud'hommes en nombre impair ;

Ou établir une procédure en partage de juges devant les conseils.

Le premier moyen est inadmissible. Il y a deux éléments dans les conseils ; le nombre impair donnerait toujours la prépondérance à l'un des deux ; l'injustice qui ne se manifeste maintenant que dans le cas exceptionnel d'un partage de voix, serait alors permanente.

Le second moyen engendrerait des lenteurs, qui feraient perdre à la juridiction des conseils de prud'hommes à peu près tous les avantages qu'elle peut présenter.

Les pétitionnaires critiquent aussi l'article 42, qui permet aux prud'hommes d'appliquer une amende de 53 francs, « sans préjudice aux poursuites devant les tribunaux ordinaires. » Quoiqu'on puisse répondre, en principe, que l'application d'une peine disciplinaire n'empêche jamais l'application d'une peine de droit commun pour le même fait, il est certain qu'en fait cette double pénalité peut avoir pour les ouvriers des conséquences graves, et que sous ce rapport, comme sous d'autres, la pétition mérite un sérieux examen.

Les pétitionnaires se plaignent aussi de ce que les élections, comme les audiences des prud’hommes, se tiennent les jours ouvrables, tandis que les élections de la garde civique se font le dimanche. En ce qui concerne les élections, on pourrait assez facilement, croyons-nous, faire droit à la réclamation ; pour les audiences, ce serait plus difficile.

La conclusion principale de la requête est de faire conférer l'électoral et l'éligibilité à tout ouvrier âgé de 25 ans, sachant lire et écrire.

Nous sommes disposés à envisager favorablement cette partie de la réclamation.

L'ouvrier arrivera tôt ou tard à la vie politique en Belgique, comme il y est arrivé ailleurs. Il faut empêcher qu'il n'y arrive prématurément et sans préparation. Toute mesure qui peut dès à présent initier dans certaines limites l'ouvrier au maniement des affaires et l'éclairer sur ses propres intérêts, doit être acceptée, si on ne signale point, pour la combattre, des raisons graves, que nous n'apercevons pas jusqu'ici à propos de la matière qui nous occupe.

Les pétitionnaires terminent en demandant, pour toutes les lois, la promulgation d'un texte flamand officiel.

La commission propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur,

-- Adopté.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.