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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 1 mars 1864

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1863-1864)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 291) M. de Moor, secrétaire, procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.


Pièces adressées à la chambre

M. de Moorµ présente présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Sapart Wiame demande que les cuirs en poil exotiques secs et salés soient reportés à la seconde classe dans le tarif pour le transport des marchandises par le chemin de fer de l'Etat. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Pol prie la Chambre de statuer sur sa demande tendante à obtenir une récompense nationale pour un travail relatif à l'agriculture. »

- Même renvoi.


« Des habitants d'Opont prient la Chambre de passer à l'ordre du jour sur les pétitions ayant pour objet de régler le mode de sépulture. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Wigny et Ziane, président et secrétaire du syndicat du marché aux grains de la ville de Liège demandent la réforme et la réduction des tarifs du chemin de fer de l'Etat. »

- Même renvoi.

« Le sieur Tobbach demande son élargissement du dépôt de mendicité de la Cambre. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Bruxelles proposent des mesures en faveur des étrangers. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Couvin déclare protester contre la pétition d'habitants de cette commune, relative à la police des cimetières. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Vance présentent des observations concernant un projet de loi sur les inhumations. »

« Mêmes observations d'habitants d'Ethe. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Poelcapelle demandent que le hameau de Langemarck soit érigé en commune distincte. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Bruxelles demandent une loi qui proclame l'indivisibilité des cimetières, et qui déclare que la commune a la police des cimetières. »

- Même renvoi.


« Le sieur Jacques Feith, tourneur en bois à Bruxelles, né dans cette ville, demande la naturalisation. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Etienne-Léon Lesueur, sous-officier au 6ème régiment de ligne, né à Amsterdam (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire.

- Même renvoi.


« Le sieur François Dewîtte, demeurant à Bruxelles, demande à recouvrer la qualité de Belge qu'il a perdue en prenant du service militaire à l'étranger. »

- Même renvoi.


« Le sieur Pierre-Joseph Bremen, sous-instituteur à Aubel, né à Kerkraede (partie cédée du Limbourg), demande la naturalisation. »

- Même renvoi.


« Le sieur J. Berry, marchand vitrier et sous-lieutenant des pompiers à Herstal, né à Roverido (Suisse), demande la grande naturalisation. »

- Même renvoi.


« Le sieur Philippe Weidmann, teinturier à Verviers, né à Borcette (Prusse) demande la naturalisation ordinaire. »

- Même renvoi.


« Par dépêche, en date du 27 janvier, M. le ministre de la guerre transmet des explications sur la pétition du sieur Colson, tendante à obtenir une pension. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« L'administration communale de Jehay-Bodegnée demande que le projet de loi modifiant l'article 23 de la loi sur les chemins vicinaux, comprenne une disposition qui permette de vérifier le poids des voitures chargées pour compte des établissements industriels. »

« Même demande des administrations communales de Fize-Fontaine, Aineffe, Verlaine, Chapon-Seraing. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur Touwers prie la Chambre de voter au budget de la justice le crédit nécessaire pour que les traitements des secrétaires des parquets soient portés au taux de ceux des commis-greffiers près des cours et tribunaux. »

« Même demande des sieurs Sterpenich, Blondiaux, Calliau, Gheude, Roumy. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de la justice.


« Des membres du comice agricole des 1er et 2ème districts de l'arrondissement d'Anvers demandent une diminution des droit, sur les bières, les sucres et les eaux-de-vie indigènes. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Les sieurs d'Andrimont, Piercot et autres membres du comité des charbonnages liégeois demandent la suppression des droits d'entrée qui frappent les poutres de sapin employées comme bois de soutènement dans les galeries de mines et la réduction des prix de transport sut les chemins de fer de l'Etat. »

- Même renvoi.


« Le sieur Demulier, ancien sous-officier, demande l'intervention de la Chambre pour obtenir une place au chemin de fer de l'Etat. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants d'Anvers demandent la révision de la loi sur les conseils de prud’hommes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

« Des habitants de Pailhe demandent une loi qui règle le mode de sépulture. »

« Même demande d'habitants de Ramelot, Walsbeek, Badange, Zele, Marckeghem, Grembergen, Vierset, Marienbourg, Hollebeke, Wanzele, Xhendremael, Swevezeele, Lubbeek, Waudrez, Louvain. »

- Même renvoi.


« Le sieur Donnay prie la Chambre de statuer sur sa demande tendante à obtenir une récompense honorifique pour services rendus au pays. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La veuve Weber prie la Chambre de lui faire obtenir le payement d'un salaire pour services à la station du chemin da fer à Liège. »

- Même renvoi.


« Le sieur Bourdeaux, pharmacien à Kain, demande une loi qui règle le débit des médicaments. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Ninove demandent l'abrogation de la loi sur les étrangers. »

« Même demande d'habitants de Grammont et d'Alost. »

M. Coomans. - Je proposerai à la Chambre de demander un prompt rapport sur la pétition dont on vient de donner l'analyse.

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Le conseil communal de Tongres demande la construction d'une route pavée ou empierrée de Tongres à Mopertingen. »

« Même demande du conseil communal de Grand-Spauwen. »

M. de Renesse. - Messieurs, par pétition du 3 février, le conseil communal de Tongres s'adresse à la Chambre pour demander la continuation d'une route de Tongres à Mopertingen, où elle se rattacherait à la route de l'Etat de Hasselt à Maestricht.

L'utilité de cette nouvelle voie de communication à décréter, pour relier plus directement les nombreuses communes du nord-est du Limbourg aux marchés si importants des villes de Tongres et de Liége, a déjà été démontrée à plusieurs reprises, tant au conseil provincial du Limbourg que même à la Chambre, lorsque au commencement de la session actuelle un prompt rapport a été fait, à ma demande, par la commission des pétitions, sur des pétitions de plusieurs communes de l'arrondissement de Tongres, réclamant avec instance la construction de cette route ; elle serait, en outre, un affluent très notable pour plusieurs stations des chemins de fer liégeois-limbourgeois, et de Hasselt à Maestricht, et sous ce rapport la grande utilité de cette voie de communication ne pourrait être contestée.

J'ai donc l'honneur, en appuyant la demande du conseil communal de la ville de Tongres, de proposer le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport, ainsi que la (page 292) Chambre a bien voulu l'ordonner à l'égard d'autres pétitions relatives au même objet.

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal de Cheratte présentent des observations au sujet des pétitions tendantes ù faire régler le mode de sépulture.

« Mêmes observations des membres du conseil communal de Falmagne, Raucourt, Merbes-le-Château et d'habitants de cette commune. »

- Même renvoi.


« Des propriétaires et fermiers de la commune d'Hermée demandent que les dispositions de l'arrêté royal du 10 novembre 1845, relatif au livret des ouvriers de fabrique ou d'ateliers, soient étendues aux ouvriers des campagnes et aux maîtres qui les emploient. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Bael demande une loi dans l'intérêt de la langue flamande. »

« Même demande des conseils communaux de Herent, Thildonck, Pellenberg, Wemmel, Strombeek-Oever, Thielt, des sieurs Dierick, Heremans et autres membres de sociétés littéraires à Iteghem et à Gand, d'habitants de Gand, Lauthem-Saint-Martin, Bruges. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Des habitants d'Heusies demandent une diminution des droits d'accise sur la bière indigène. »

« Même demande d'habitants de Bruxelles, Haecht, Saint-Génois, Vossem. »

- Renvoi à la commission d'industrie.


« Le sieur Maréchal-Delperdange présente des observations sur les demandes ayant pour objet une réduction de droit d'accise sur les bières et propose d'établir la perception des droits sur le poids des matières employées suivant la déclaration et de faire payer un droit de huit francs par 100 kilogrammes de farine. »

- Renvoi à la commission d'industrie.


« Des habitants d'Ixelles prient la Chambre d'adopter le projet de loi relatif à l'incorporation de l'avenue de la Cambre au territoire de la capitale. »

« Le sieur Duhot présente des observations sur les amendements de la section centrale à ce projet de loi. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Par dépêche du 29 février, M. le ministre de l'intérieur transmet des explications sur la nomination d'un membre du bureau de bienfaisance de la commune d'Asper, contre laquelle ont réclamé des membres du conseil communal. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« M. le ministre des travaux publics soumet des amendements au budget de son département pour l'exercice 1864. »

- Impression, distribution et renvoi aux sections.


« L'administration communale d'Ixelles présente des observations contre la pétition demandant l'incorporation de l'avenue de la Cambre au territoire de la capitale. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à cette incorporation.


« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièce de l'instruction, 10 demandes de naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Par 20 messages en date du 23 janvier 1864, le Sénat informe la Chambre qu'il a pris en considération autant de demandes de naturalisation ordinaire. »

- Pris pour notification.


« Par messages en date du 28 janvier 1864, le Sénat informe la Chambre qu’il a donné son adhésion aux projets de loi :

« 1° Contenant le budget de la dette publique pour l'exercice 1864.

« 2° Contenant le budget des dotations pour l'exercice 1864.

« 3° Contenant le budget du ministère des finances pour l'exercice 1864.

« 4° Contenant le budget du ministère de la guerre pour l'exercice 1864.

« 5° Relatif à la substitution en matière de milice.

« 6° Conférant la grande naturalisation au sieur Pierre Gelhausen, gendarme à pied à Arlon.

« 7° Conférant la grande naturalisation au sieur Joseph Antoine Spring, professeur ordinaire et recteur de l'université de Liège. »

- Pris pour notification.


« Il est fait hommage à la Chambre.

« 1° Par le sieur Balinfante, junior, chef de bureau au ministère des finances à la Haye, d'un exemplaire d'un résumé de l'histoire populaire de S. M. Léopold Ier Roi des Belges.

« 2° Par le sieur Hoyois de plusieurs exemplaires d'un mémoire sur le projet d'un chemin de fer de Binche à Lessines passant par Roeulx et Soignies, dont il demande la concession ;

« 3° Par la société générale pour favoriser l'industrie nationale de 116 exemplaires du compte rendu des opérations de la société pendant l'année 1863 ;

« 4° Par M. le baron Cogels, ancien membre de la Chambre des représentants, de 120 exemplaires d'une brochure intitulée : la Banque nationale et son privilège.

« 5° Par M. le gouverneur de la Banque nationale de 120 exemplaires du compte rendu des opérations de la Banque, pendant l'année 1863. »

- Distribution et dépôt à la bibliothèque.


« Par message du 26 janvier le Sénat informe la Chambre qu'il a prononcé l'ordre du jour sur la demande de naturalisation ordinaire du sieur Jean Van Hogdonck. »

- Pris pour information.

Communication du gouvernement

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, le 14 janvier dernier, le ministère a remis sa démission entre les mains du Roi.

En présence d'une majorité réduite à deux ou trois voix dans la Chambre des représentants, et d'une opposition formée d'éléments divers mais systématiquement unis pour le combattre, le cabinet avait constaté que la force lui manquait pour continuer efficacement la gestion des affaires du pays.

Prenant en considération les motifs de cette détermination, le Roi s'occupa, sans retard, des moyens de remplacer le cabinet démissionnaire, et fit les tentatives les plus sérieuses pour atteindre ce but. Sa Majesté appela successivement auprès d'elle, MM. de Brouckere et Pirmez, MM. Dechamps et de Theux ; puis, d'après les suggestions de ces deux derniers, des ouvertures furent faites au prince de Ligne, président du Sénat, à M. Faider, ancien ministre de la justice, à M. le gouverneur de la province du Brabant et à M. Nothomb, ancien ministre de l'intérieur et actuellement notre ministre à Berlin.

En suite des réponses déclinatoires de ces divers personnages, des rapports s'établirent de nouveau entre la Couronne et les deux chefs de l'opposition parlementaire que j'ai cités plus haut, et ceux-ci, par des motifs qu'ils auront sans doute à cœur de faire connaître, déclarèrent définitivement, le 30 janvier, qu'ils remettaient leurs pouvoirs entre les mains de Sa Majesté, pouvoirs qui leur avaient été conférés d'une manière générale et sans condition.

Le lendemain, le Roi me fit l'honneur de m'informer que les efforts qu'il avait tentés pour constituer une administration nouvelle étant demeurés sans résultat, il ne lui restait qu'à inviter les ministres démissionnaires à continuer la gestion des affaires.

Je rapportai à mes collègues les paroles de Sa Majesté, qui nous furent confirmées par une dépêche écrite en son nom le 3 février.

Après avoir délibéré sur la notification qui leur était faite, les ministres écrivirent, le 6 février, à Sa Majesté qu'ils appréciaient les difficultés qui résultaient pour la Couronne des refus successifs qu'Elle avait rencontrés ; que, toutefois, ils priaient respectueusement le Roi de considérer de son côté les embarras qui entravaient leur marche et les mettaient dans la nécessité de maintenir leurs démissions.

Ils demandaient donc avec instance à Sa Majesté de faire de nouveaux efforts pour arriver à la constitution d'une administration nouvelle.

Jusqu'ici nous n'avons pas reçu de réponse de la part du Roi.

Telle est, messieurs, la situation telle qu'elle se présente aujourd'hui tels sont les motifs pour lesquels les ministres, qui avaient déposé leurs démissions le 14 janvier, se trouvent encore sur leur banc le 1er mars pour reprendre avec vous les travaux parlementaires les plus urgents.

A l'époque où la Chambre s'est ajournée, quatre budgets restaient encore à voter. Ce retard dans le vote des budgets ne présentait pas de grave inconvénient, attendu que des crédits provisoires assuraient la marche de l'administration. Mais le moment approche où ces crédits vont être épuisés, et il est devenu indispensable que les Chambres pourvoient aux besoins du service public, lequel ne peut se trouver suspendu par la division des partis. Nous venons en conséquence demander à la Chambre de faire face à cette nécessité constitutionnelle.

Quant aux circonstances qui ont empêché la formation d'une administration nouvelle, la Chambre comprendra que nous ne prenions pas l'initiative d'explications qui incombent naturellement à ceux qui ont joué un rôle dans les incidents postérieurs à notre démission.

(page 293° M. H. de Brouckereµ. - Messieurs, je croirais manquer de déférence envers la Chambre, si je ne venais satisfaire, en ce qui me concerne, à l'espèce d’interpellation que M. le ministre des affaires étrangères vient de formuler.

J'aurais préféré, je l’avoue sincèrement, j'aurais préféré garder le silence comme je l'ai fait dans d'autres occasions analogues, et cela par plusieurs motifs.

D'abord je ne vois pas la grande utilité qu'on pourra retirer des explications auxquelles on me convie, et je doute qu'elles aient pour résultat de simplifier, d'améliorer la position difficile dans laquelle nous nous trouvons.

Ensuite, j'aime peu à me mettre en scène, j'aime peu à occuper la Chambre de faits qui me sont personnels.

Enfin, dans les explications auxquelles je vais forcément me livrer, il y a toujours un côté très délicat, car il est impossible de les donner sans y faire intervenir un pouvoir irresponsable que nous devons toujours respecter, que nous ne pouvons jamais blâmer, et qu'il convient d'éviter autant qu'on le peut de livrer aux discussions publiques.

Quoi qu'il en soit, je vais m'exécuter ; je tâcherai d'être succinct et clair et surtout de ne point sortir de la réserve que me commandent les convenances.

C'est, comme on vient de vous le dire, messieurs, le 14 janvier que le cabinet a remis sa démission entre les mains du Roi.

Mandé au palais à la suite de cette démission, j'y ai reçu l'offre de me charger de la composition d'une nouvelle administration. Mais quel que fût mon regret de ne pouvoir point entrer dans les vues de l'auguste personnage qui me faisait cette offre, j'ai dû la décliner et je l'ai déclinée sans la moindre hésitation.

Avec autant de bienveillance pour les ministres démissionnaires que pour moi-même, on a répandu le bruit que j'avais subi leur pression. On m'avait vu, disait-on, fréquemment entrer chez M. le ministre des finances particulièrement et l'on avait même vu un personnage que nous estimons tous et qui, par sa position, joue un rôle dans les crises ministérielles, on l'avait vu m'attendre rue du Nord pour s'entretenir avec moi immédiatement après ma conférence avec M. le ministre des finances.

Eh bien, je m'en vais faire justice de ces bruits si bienveillants. Je déclare formellement de la manière la plus nette qu'avant les deux entrevues que j'ai eu l'honneur d'avoir avec le chef de l'Etat, et dont j'aurai à vous rendre compte, je n'ai échangé un seul mot avec aucun des ministres ; et je vais plus loin, je ne me rappelle pas avoir mis le pied dans le cabinet de M. le ministre des finances, depuis l'ouverture de la session.

Vous voyez ce qu'il y a de fondé dans ces bruits que l'on a non seulement répétés, mais en partie imprimés dans plusieurs journaux.

Après m'avoir entendu, vous jugerez au surplus, messieurs, si toute pression et tout conseil n'étaient pas superflus pour m'indiquer la conduite que j'avais à tenir.

Le ministère se retire, non devant un échec parlementaire, non devant une dislocation du parti qui l'appuyait ni devant une défection qui se serait manifestée dans ses rangs. Il se retire uniquement parce que, à la suite des élections qui ont eu lieu dans ces derniers temps, le parti libéral s'est trouvé tellement amoindri qu'il ne peut plus être considéré comme constituant une majorité.

Libéral moi-même, ayant soutenu le ministère depuis son entrée aux affaires jusqu'aujourd'hui, quelle eut été ma position si j'avais accepté sa succession ?

De deux choses l'une, ou j'aurais annoncé l'intention de suivre la même voie que lui, et alors ma position était la même que la sienne. Je rencontrais les mêmes adversaires, les mêmes difficultés, les mêmes embarras. Il n'y avait que les hommes seuls changés ; les uns auraient trouvé qu'ils y perdaient, les autres qu'ils n'y gagnaient rien.

Pour que je me fusse cru possible, possible, je répète le mot, c'est-à-dire pour que je crusse qu'il y avait lieu à délibérer pour moi, il eût fallu que j'eusse reconnu chez mes amis politiques le désir qu'un nouveau cabinet libéral, succédant au cabinet actuel, modifiât plus ou moins sensiblement la politique suivie par ce dernier. Or, messieurs, le contraire est évident pour tout le monde.

Jamais l'opinion libérale n'a été ni plus unie ni plus compacte qu'elle ne l'a été dans ces derniers temps. Jamais elle n'a plus unanimement, plus constamment, plus sympathiquement soutenu un ministère qu'elle n'a fait le cabinet démissionnaire.

Je sais qu'il ne manque pas de gens qui pensent, malgré l'exactitude de ce que je viens de dire, que j'aurais pu accepter la direction des affaires en faisant connaître ma résolution d'écarter toute discussion irritante. Mais en supposant que cette position me convint, il fallait encore deux choses : il fallait d'abord que je trouvasse dans les Chambres des collègues qui fussent dans les mêmes dispositions que moi ; il fallait, en second lieu, que ces dispositions fussent acceptées, ratifiées par le parti libéral dont, je tiens à le dire bien formellement en cette occasion, dont je ne me séparerai jamais ; eh bien, messieurs, je n'hésite pas à vous le dire, les deux choses que je viens de vous indiquer étaient irréalisables.

On m'a souvent objecté et l'on m'objectera peut-être encore 1852. Ceux qui me font cette objection, ou bien n'ont pas conservé la mémoire des faits, ou bien n'y ont pas mûrement réfléchi, sinon ils se seraient aperçus qu'il n'y a que bien peu d'analogie entre 1852 et 1864. En 1852, le cabinet se retirait devant un vote de la Chambre, il se retirait devant la défection d'un certain nombre de membres appartenant au parti qui le soutenait, et, je puis le dire, devant une espèce de dislocation de la majorité. En 1852, le ministère se retirait devant de graves difficultés extérieures.

J'étais à cette époque en mission. J'avais momentanément quitté la carrière parlementaire, j'étais étranger à toutes les discussions qui avaient eu lieu dans les Chambres pendant les trois années précédentes. J'avais donc toute liberté d'action.

Enfin, messieurs, en 1852 les membres du parti libéral et tout particulièrement les membres du cabinet démissionnaire insistaient vivement auprès de moi pour que je consentisse à me charger de la situation et me promettaient leur appui le plus sympathique.

Y a-t-il rien de semblable aujourd'hui ? Rien absolument rien. Je vous l'ai dit, le cabinet n'a subi aucun échec parlementaire ; il n'y a ni dislocation ni défection dans les rangs de la gauche, qui est plus unie, plus compacte qu'elle ne l'a jamais été.

Notre situation, vis-à-vis des gouvernements étrangers n'est pas seulement rassurante ; elle est on ne peut pas plus satisfaisante depuis les traités récemment conclus avec ces gouvernements et particulièrement depuis la convention internationale relative à l'abrogation du péage sur l'Escaut, convention qui a été accueillie par les applaudissements de tout le pays. (Interruption.) Sauf, dit-on, des Anversois, c'est probablement parce que la question de l'Escaut n'intéresse pas les Anversois.

M. Delaetµ. - C'est probablement parce qu'ils voient un peu plus, clair.

M. de Brouckere. - Je reprends.

Au rebours de 1852, j'ai été associé à toutes les discussions qui ont surgi dans cette enceinte pendant ces dernières années, et j'y ai même quelquefois pris une part assez active.

Enfin l'opinion libérale ne m'engage pas, comme en 1852, à me charger du pouvoir, je crois même qu'elle me le verrait accepter avec un véritable déplaisir et qu'on regarderait mon acceptation presque comme une espèce de défection ; j'ajouterai même que, si je vois bien, il y a plus de disposition dans les rangs de la gauche à pousser le cabinet en avant qu'à ralentir sa marche.

Malgré toutes ces raisons, quelques personnes très bienveillantes, je le reconnais, ont vivement insisté auprès de moi ; elles m'ont dit : « Si vous entrez en apportant un programme modéré, malgré toutes les raisons que vous venez de donner, vous pouvez compter sur l'appui de la droite et sur celui d'une fraction de la gauche. »

On me l'a dit, on me l'a écrit plusieurs fois : « Vous pouvez compter sur l'appui de la droite et d'une fraction de la gauche ; cela vous constituera une majorité suffisante. »

Ainsi, pour mon début, j'aurais mis la scission et la désunion dans les rangs de mes amis, dent le plus grand nombre seraient immédiatement devenus mes adversaires. Et puis, je me serais livré à la discrétion et à la merci de ceux qui sont mes adversaires naturels et qui bien certainement - ils auraient eu raison de le faire - m'auraient fait payer chèrement mon imprudence et mon aveuglement.

Belle position pour un homme politique de se brouiller avec ses amis, d'abdiquer sa dignité et de compromettre son honneur ! Si cela convient à d'autres, je déclare que, quant à moi, j'éprouve une invincible répugnance à me mettre dans une semblable position et je ne m'y mettrai pas ; toutefois, continuons cet examen jusqu'au bout et voyons ce qui me serait arrivé en supposant que j'eusse eu l'aveuglement ou la faiblesse d'accepter la position que je viens de dépeindre.

Quel eût été mon premier devoir en m'asseyant au banc ministériel ? D'aller défendre au Sénat le projet de loi sur les bourses, projet qui a mécontenté, froissé, heurté, indigné la droite plus qu'aucun autre projet ; j'aurais dû aller le défendre, puisque je l'ai voté dans cette Chambre.

Je l'ai volé silencieusement, cela est vrai ; je l'ai voté sans enthousiasme, (page 294) je le reconnais ; mais enfin je l'ai voté ; je ne me serais pas donné un démenti, et j'aurais défendu ce projet de loi au Sénat, en m'opposant énergiquement à tout amendement qui en eût dénaturé ou sensiblement altéré le sens. Qu'eût-on dit, à droite, de ma conduite ?

Ce n'est pas tout :; La Chambre a voté un article du Code pénal destiné à réprimer les abus de la chaire.

Cet article, vous vous en souvenez, messieurs, a été vivement et unanimement combattu par tous les membres de la droite qui n'y voyaient rien moins qu'un attentat à la liberté des cultes.

Eh bien, messieurs, je vous l'avoue sincèrement, je serais allé le défendre au Sénat et je l'eusse défendu au Sénat avec la plus entière conviction. Pensez-vous, je vous le demande, je le demande aux membres de la droite eux-mêmes, pensez-vous que ceux-ci eussent conservé la moindre sympathie pour moi et n'eussent-ils pas tous dit : Mais nous n'avons rien gagné au change ; autant valait conserver le ministère précèdent !

Continuons encore : personne n'ignore que, dans le moment même où nous discutons ici, on agite le pays à l'occasion de la législation sur les cimetières et sur les inhumations. Des pétitions se signent partout et vont nous arriver. Il faudra que le gouvernement se prononce. Quant à moi, personnellement, j'aurai peut-être un jour l'occasion de le dire d'une manière plus nette, plus explicite, je ne vois pas l'impossibilité d'admettre certains tempéraments sur cette matière ; mus dans aucun cas, je n'admettrai dans leur entier les prétentions formées par le parti catholique et particulièrement par le clergé. Nouvelle cause de mécontentement de la part des membres de la droite contre moi.

Evidemment, messieurs, vous le voyez, il était impossible, à moins que j'eusse perdu toute espèce de raison et toute espèce de prévoyance, il était impossible que j'acceptasse le pouvoir dans de pareilles conditions.

Cependant, messieurs, j'ai prié instamment la Couronne de ne pas s'en tenir à mon appréciation ; je l'ai suppliée d'entendre un autre membre pris dans les rangs de la gauche et je lui ai tout naturellement indiqué un de nos honorables et de nos éminents collègues qui, dans quelques circonstances et surtout à l'occasion des élections de Bruges, n'avait voté ni avec le ministère, ni avec les membres de la gauche. Ce membre a été appelé et je ne pense pas qu'il m'ait contredit, sauf peut-être en quelques points secondaires et pour des considérations personnelles de bienveillance.

J'ai été rappelé au palais et je n'ai pas hésité à émettre l'opinion qu'il y avait lieu d'offrir le pouvoir aux membres de la droite et de maintenir l'offre lors même qu'ils mettraient pour condition à leur acceptation, la dissolution de la Chambre.

Quelques-uns, je le sais, m'ont blâmé de ce conseil ; j'en prends toute la responsabilité, et vous venez de l'entendre, messieurs, de la bouche de M. le ministre des affaires étrangères qui l'a déclaré officiellement, des membres de la droite ont été appelés : le pouvoir leur a été offert et le consentement n'eût pas été refusé à la dissolution.

Je suis étonné que les membres de la droite aient décliné une pareille offre, eux qui nous ont si souvent répété qu'ils étaient seuls les véritables représentants du pays et seuls les défenseurs de l'opinion nationale parmi nous.

Je suppose qu'ils ont eu de bonnes raisons pour agir comme ils l'ont fait.

J'attends avec impatience les explications qu'ils voudront bien donner à la Chambre, comme je viens de donner les miennes avec autant de clarté et de netteté que je l'ai pu.

J'espère au surplus, messieurs, que ces explications trouveront grâce devant vous.

- Plusieurs voix à gauche. - Vous avez très bien fait.

M, de Brouckereµ. - Dans tous les cas, j'aurai la satisfaction de n'avoir en rien consulté mon intérêt personnel et de n'avoir pris pour guide que ma conscience seule.

M. Pirmez. - Messieurs, c'est une règle des gouvernements constitutionnels que l'opposition qui a renversé un ministère a le droit d'obtenir les honneurs du pouvoir et l'obligation d'en accepter le fardeau.

J'ai fait partie de la majorité qui a soutenu le cabinet démissionnaire ; je n'avais ainsi à sa chute ni le droit à la récompense, ni le devoir de subir les charges de la victoire.

Aussi quand le Roi m'a fait l'honneur de me mander au palais, étais-je libre des obligations que la vacature d'un ministère peut imposer.

La situation était assez difficile pour qu'on n'en courût pas les dangers sans y être forcé par un impérieux devoir.

M. de Brouckere vous en a détaillé toutes les phases ; ce que cette situation eût été pour lui, elle l'eût été pour moi.

Je ne le cacherai pas cependant, j'aurais vu avec bonheur le pouvoir demeurer aux mains du parti libéral qui s'il n'est plus guère majorité, n'est pas encore minorité ; et si parmi les membres de la gauche il s'en était trouvé qui voulussent affronter les périls de la situation, ils auraient été accompagnés da tous nos vœux.

Je crois, en effet, que le respect de sa propre dignité oblige les hommes à être difficiles sur la conservation des portefeuilles ministériels, mais il est permis aux partis de ne les abandonner à leurs adversaires que lorsqu'ils y sont contraints. Il vaut mieux demeurer dans la forteresse du pouvoir en s'y tenant sur la défensive, que d'en sortir pour essayer d'y rentrer bientôt par un glorieux assaut.

Mais si cette tâche ardue était peut-être impossible pour tous, elle l'était certainement pour moi.

J'ai, messieurs, la ferme conviction qu'il faut toujours dans les débats faire ce que l'on croit bon et juste, dût-on pour cela se séparer de ceux avec qui on a l'habitude de marcher. Je considère cette obligation, non seulement comme un devoir envers soi-même, mais surtout comme un devoir envers ses amis.

On doit la vérité à tous, surtout à son parti, et ce n'est qu'en résistant aux entraînements que l'on croit erronés et qui sont d'autant plus forts que leurs mobiles sont plus élevés et plus purs, qu'on peut lui éviter de cruels mécomptes.

Mais je me hâte de le dire, ces actes d'isolement, non seulement ne peuvent jamais être faits dans l'espoir d'un avantage personnel, mais il ne faut pas même que leur résultât fasse déteindre un soupçon sur les motifs qui les a dictés. On doit subir les dénigrements qui les accompagnent sans en attendre ni en accepter d'autre récompense que celle de la satisfaction du devoir accompli, satisfaction qui fort heureusement augmente à raison de la répugnance qu'on a eue à vaincre pour accomplir le devoir.

Dans quelques circonstances, fort rares sans doute, notamment dans un vote récent, je ne suis séparé de mes amis. Or quelque opinion que je cherche à me faire de moi-même, je suis bien forcé de reconnaître que si moi, l'un des plus jeunes membres de cette assemblée, j'ai été désigné comme pouvant remplir une des positions les plus éminentes du pays, je le dois surtout au vote que je rappelle.

Quelle eût été dès lors la conséquence de l'acceptation par moi de cette position ?

Je paraissais récolter les fruits d'une prudence trop prévoyante ; j'amoindrissais ma considération personnelle de tout ce que je pouvais gagner en réputation d'habileté ; et celle ci m'enlevait précisément ce qu'il faut pour gouverner, l'autorité morale que n'a jamais l'adresse, mais toujours la droiture.

Je le rappelle en terminant, je n'avais pas de devoir politique de participer à la formation d'un cabinet, je ne m'en suis pas chargé, je n'avais un devoir à remplir qu'envers moi-même, il est accompli.

.M. Dechamps. - Messieurs, la Chambre attend sans doute aussi de moi les explications que M. le ministre des affaires étrangères vient de provoquer. (Interruption.) Je ne vous fais pas un reproche en disant que vous avez provoqué des explications sur la part que j'ai été appelé à prendre dans les négociations que la crise ministérielle a fait naître. Je tâcherai d'imiter la sobriété, la clarté et la convenance de langage dont m'ont donné l'exemple les orateurs que vous venez d'entendre.

Je tiens avant tout à dégager ma personnalité dans ce débat. La Chambre n'a pas oublié sans doute que lors de la discussion politique de l'adresse, répondant à une sorte d'interpellation que m'adressait l'honorable M. Rogier, j'ai déclaré que je n'avais nulle intention d'accepter en ce moment le pouvoir.

Dès les premiers jours de la crise ministérielle j'ai fait connaître à mes amis politiques que des motifs de santé m'interdiraient de faire actuellement partie d'un ministère.

Cette déclaration je l'ai renouvelée au Roi, quand Sa Majesté me fit l’honneur de m'appeler et de me confier la mission de composer une administration nouvelle.

Mais comme j'avais parfaitement compris que le Roi voulait s'adresser moins à un homme qu'à une opinion, je priai Sa Majesté, dont je ne faisais du reste que devancer le désir et la pensée, d'appeler 1 honorable chef de la droite, mon ami M. le comte de Theux.

M. la comte de Theux et moi, après avoir consulté nos amis politiques, avons apporté au Roi la même appréciation et les mêmes conseils.

La Chambre me permettra de les résumer ici.

Nous avons pensé que dans les circonstances où nous étions, la droite conservatrice ne devait pas accepter le pouvoir ; d'abord parce que nous (page 295) n'avions pas la majorité, et qu'à nos yeux nous avions moins le devoir, nous minorité, d'accepter le pouvoir, que la majorité n'avait le devoir de le conserver.

Notre second motif était que nous ne pensions pas devoir porter la responsabilité d'une situation que nous n'avions pas faite, et d'une crise ministérielle provoquée par l'annulation des élections de Bruges que nous avions tâché d'empêcher par tous nos efforts.

Notre troisième motif - et c'est le plus important, celui qui a dicté surtout notre détermination, - c'est que nous pensions que la situation indiquait clairement des combinaisons ministérielles intermédiaires entre les partis militants, un ministère de trêve politique qui aurait eu pour mission principale de présider aux affaires du pays jusqu'aux élections de 1865, alors que le pays électoral aurait pu faire entendre sa voix légale, faire connaître sa volonté souveraine d'une manière régulière, normale, pacifique et constitutionnelle.

Nous avons cru, messieurs, qu'un ministère ayant ce but et ce caractère était plus en rapport avec la situation parlementaire actuelle, avec l'équilibre des forces établi entre les partis, avec le vœu électoral lui-même si hautement manifesté par le sentiment profond du pays qui exige avant tout le calme, aussi bien au point de vue extérieur qu'au point de vue intérieur.

Ce ministère à nos yeux aurait eu cet avantage décisif d'écarter la dissolution des Chambres, à laquelle un ministère d'opinion aurait probablement dû recourir.

Note conseil était donc qu'un tel ministère se formât, et notre concours lui était naturellement acquis.

La Chambre comprendra parfaitement que notre refus était la conséquence nécessaire, logique, inévitable de notre conseil. Notre acceptation, en effet, eût rendu impossible, dès le jour même, la conseil que nous donnions à la Couronne.

Cependant, messieurs, nous avons fait une réserve pour une hypothèse qui devait être prévue, celle du maintien du ministère démissionnaire, après que toutes les combinaisons que nous avions conseillées eussent échoué. Nous avions prié Sa Majetsé, si nous nous trouvions en présence de cette hypothèse, de nous permettre d'aviser.

Plus tard lorsque les négociations engagées avec plusieurs hommes politiques n'eurent pas abouti, l'honorable comte de Theux et moi avons de nouveau été appelés et consultés.

Avant de parler, nous avions le droit et le devoir de connaître exactement les faits et la situation tout entière.

Il est résulté pour l'honorable comte de Theux et pour moi, de l'ensemble de ces faits et de cette situation et de l'appréciation que nous-mêmes nous en faisions, il est résulté la conviction que nous ne nous trouvions pas en présence de la réserve que nous avions faite et de l'hypothèse que nous avions prévue, c'est-à-dire du maintien du ministère et de l'impossibilité de constituer un ministère de trêve politique.

Nous n'avions donc pas, messieurs, autre chose à faire qu'à maintenir notre première appréciation, notre premier refus, notre réserve et nos conseils.

- Plusieurs voix à gauche. - Quelle réserve ? Nous ne comprenons pas ?

.M. Dechamps. - Vous ne comprenez pas ? Je croyais cependant avoir été parfaitement clair.

Nous disions au Roi, nous conseillions un ministère neutre, non politique, de trêve politique ; voilà notre conseil.

Notre refus est la conséquence inévitable et nécessaire de ce conseil. Cela est-il clair ?

Mais nous faisions une réserve pour le cas où cette combinaison échouerait, où nous nous trouverions en présence du maintien définitif du ministère aux affaires. Dans ce cas nous aurions avisé.

Voilà notre réserve.

- Une voix à gauche. - Avisez.

.M. Dechamps. - La seconde fois que nous avons été consultés, j'ai dit qu'après nous être enquis - ce qui était notre devoir et notre droit - de la situation et des faits, il est résulté pour l'honorable comte de Theux et pour moi la conviction que nous n'étions pas en présence de la réserve que nous avions faite. Comprenez-vous ?

- Une voix à gauche. - Non.

.M. Dechamps. – J’en suis fâché ; cela me paraît pourtant clair. Nous avions eu la conviction, par la connaissance des faits que nous avions eu à apprécier, que la combinaison du ministère de trêve n'était pas impossible

- Plusieurs voix à gauche. - Ah ! ah !

.M. Dechamps. - C'est-à-dire que nous ne nous trouvions pas devant la nécessité du maintien du ministère actuel aux affaires, ce qui est la même chose.

Veuillez, je vous prie, ne pas autant m'interrompre ; vous me comprendrez mieux et je me fatiguerai moins.

Je dois ajouter, pour que cette explication soit complète, que n'ayant pu accepter le pouvoir, je n'ai pas eu à débattre les conditions de notre acceptation, Cependant je dois déclarer, en toute franchise, que j'ai compris que par cela seul que le pouvoir était offert à la minorité, la dissolution parlementaire lui était implicitement offerte.

Mais, je le répète, n'ayant pas accepté, je n'ai eu à discuter ni cette condition, ni aucune autre condition de programme politique.

Cependant, messieurs, en dehors de la négociation officielle, je n'ai pas laissé ignorer au Roi que le jour où la droite conservatrice devrait accepter légitimement le pouvoir, dans les conditions qui lui conviendraient, que ce jour-là elle ne pourrait le faire, de l'avis presque unanime, je pense, de mes amis politiques, qu'à deux conditions : la première, d'apporter elle-même le programme de trêve politique et de modération qu'elle conseillait aux autres de pratiquer ; la seconde, d'apporter un programme de réformes économiques et libérales dans le sens d'une plus grande décentralisation et dans les limites d'une prudence nécessaire, afin d'aider au développement de nos libres institutions et d'aider à la transformation des partis, qui est, à mes yeux, la première, la principale condition de notre sécurité dans l'avenir.

- A droite. - Très bien !

.M. Dechamps. - Voilà, messieurs, les explications que j'avais à fournir à la Chambre sur la part d'intervention que j'ai été appelé à prendre dans la crise ministérielle. Permettez-moi encore de la résumer en quelques mots en finissant.

L'honorable comte de Theux et moi, n'acceptant pas le pouvoir pour nous-mêmes par des motifs personnels, nous avions réservé les droits de l'opinion conservatrice, et je viens de vous le prouver, nous les avons complètement réservés.

Nous avons refusé le pouvoir, dans les circonstances où nous étions, parce que notre refus pouvait seul rendre possible un ministère de trêve politique que nous avions conseillé au Roi de former. Notre refus, comme je l'ai dit tout à l'heure, était la conséquence même de notre conseil.

Ce ministère de trêve politique, nous l'avons cru possible ; nous le croyons possible encore ; mais si l'impossibilité de le constituer était constatée et déclarée, si mes amis politiques se trouvaient en présence de notre réserve et de l'hypothèse prévue par nous, c'est-à-dire du maintien au pouvoir de la politique actuelle, de l'impossibilité reconnue des combinaisons que nous avons conseillées, mes amis politiques auraient à peser les devoirs... (Interruption), mes amis politiques auraient à peser les devoirs que cette situation leur imposerait et que leur conviction et l'amour du pays leur commanderaient de remplir. (Interruption.)

M. de Theuxµ. - Messieurs, mes explications seront très courtes.

M. le ministre des affaires étrangères est dans l'erreur lorsqu'il dit que la mission de composer un cabinet m'a été offerte. Nous n'avons pas été aussi loin que cela dans l'entretien que j'ai eu l'honneur d'avoir avec Sa Majesté. Dès le début de cet entretien, je n'ai pas hésité à déclarer au Roi que dans mon opinion il devait faire tous ses efforts pour constituer ce qu'on nomme communément un ministère d'affaires, amenant une trêve dans les discussions politiques et attendant l'époque normale du renouvellement de la moitié de la Chambre. C'était pour moi une conviction dans l'intérêt de la royauté et dans l'intérêt du pays.

L'honorable ministre des affaires étrangères a constaté que la gauche était réduite à une très faible majorité. Il a ajouté qu'il se trouvait en présence d'une opposition qui combattait systématiquement le cabinet.

Messieurs, ceci demande une explication.

Si M. le ministre a voulu dire qu'il s'est trouvé en présence d'une opposition qui défendait énergiquement et systématiquement ses droits, sa liberté, il a eu parfaitement raison, et jamais, pour quelque motif que ce soi, .ni moi ni, j’espère, aucun de mes amis ne désertera cette position.

Messieurs, nous avons été en présence d'un cabinet agressif. Je l'ai prouvé par deux faits qui appartiennent à la session actuelle : le premier, c'est l'annulation des élections de Bruges ; le second, c'est la rédaction et la discussion du projet d'adresse, discussion qui a révélé les intentions du cabinet de continuer et de pousser jusqu'à la fin le système d'agression dont nous avions à nous plaindre.

Messieurs, dans mon opinion, un ministère d'affaires était justifié par deux considérations. La première, je l'ai déjà exposée, c'était l'avantage pour le pays d'apporter une trêve, une halte dans les discussions (page 296) politiques. La seconde, c'est que dans cette situation où les deux fractions de la chambre sont à peu près eu équilibre, il était difficile d'accepter le pouvoir sans prévoir une dissolution de la Chambre, peut-être même des deux Chambres, soit immédiate, soit à une époque rapprochée.

Or, messieurs, je pense que le pays ayant été consulté par le renouvellement par moitié des deux Chambres, le moment était mal choisi de prononcer une dissolution de la Chambre et de faire un nouvel appel au corps électoral. Je pense que lorsque le Congrès national a limité a quatre années la durée des fonctions de la Chambre des représentants, et lorsqu'il a introduit l'élection pou le Sénat et le renouvellement par moitié de cette assemblée tous les quatre ans, fait exorbitant qui n'existe pour ainsi dire dans aucun autre pays, le Congrès a voulu que la volonté du pays se manifestât le plus pacifiquement possible au renouvellement ordinaire et que la Constitution a elle-même déterminé.

Je pense que la dissolution fréquente des deux Chambres ou de l'une d'elles, aurait pour objet, et peut-être même plus tôt qu'on ne pense, d'énerver le corps électoral, soit en lui inspirant le dégoût de ces luttes violentes et fréquentes, soit en le passionnant outre mesure, et que dans l'un comme dans l'autre cas, ce système de dissolution des Chambres, lorsque la nécessité n'en était pas absolue, conduirait peut-être à la domination des partis ; et la domination prolongée des partis dans notre libre Belgique serait antipathique au pays, serait évidemment contraire à l'esprit de notre Constitution.

Ne perdons pas de vue que déjà les passions sont très surexcitées, qu'elles viennent de l'être par le renouvellement des conseils communaux, que ce renouvellement a lieu tous les trois ans, que le renouvellement des conseils provinciaux a lieu tous les deux ans. Toutes ces instituions sont précieuses ; mais plus elles le sont, plus nous devons leur conserver leur caractère et ne pas les faire dégénérer en luttes exclusivement politiques et passionnées au point de vue des partis.

Messieurs, on a supposé que nous avions craint les conséquences d'une dissolution parlementaire.

Eh bien, je n'hésite pas à déclarer, comme je l'ai déjà déclaré, que, dans mon opinion, la dissolution de la Chambre eût amené pour la droite une majorité suffisante pour gouverner. Certainement dans cette opinion, si j'avais consulté exclusivement l'esprit de parti, j'aurais conseillé l'acceptation du pouvoir et la dissolution. Mais telle n'était pas ma manière de voir.

Je crois, messieurs, qu'un parti doit savoir attendre et qu'il n'y avait point péril en la demeure. Je pense que si le renouvellement de la Chambre se fait à l'époque normale, en 1865, la droite aura acquis une majorité suffisante pour gouverner régulièrement.

Si, cependant, messieurs, les circonstances étaient telles que la lutte passionnée sur la politique intérieure dut continuer dans les mêmes proportions, si une dissolution de la Chambre était inévitable, par suite du refus ultérieur des combinaisons qui pourront surgir dans le courant de l'année, oh alors, messieurs, dans cette situation, je n'hésiterais pas à conseiller à mes amis politiques de se charger du fardeau du pouvoir.

Quant à moi, messieurs, je vous ai dit dans la discussion politique que je crois avoir payé mon tribut à mon pays par une longue participation au pouvoir, à laquelle s'ajoutent encore les fatigues de la vie parlementaires, depuis l'ouverture du Congrès national jusqu'à présent, sans aucune interruption.

Quoique bien décidé à consacrer au service de mon pays les forces qui me restent encore, je ne pense pas que l'on puisse blâmer la résolution que j'ai prise, alors même que le pouvoir m'eût été positivement et nominativement offert dans les circonstances actuelles.

Ce n'est pas à dire que s'il se présentait une circonstance telle que, personnellement, je fusse dans le cas de rendre au pays un service émanent, je ne lui consacrerais pas jusqu'au dernier souffle de ma vie.

Ces mêmes sentiments messieurs, je les avais exprimées en 1856 et le Roi a bien voulu les approuver. Dès le début je m'étais expliqué dans le sens d'un ministère d'affaires et dès lors il était inutile de m'offrir la mission de composer un cabinet.

Une chose, messieurs, qui est digne de remarque, c'est que depuis l'ouverture de la crise ministérielle le pays est resté parfaitement calme. Quelle est la signification de cette situation ? C'est que le pays ne désire pas les luttes internes.

Sa Majesté, messieurs, reste dans la plénitude de l'exercice de sa prérogative ; ce sera à elle d'aviser à la situation.

MM. les ministres auront également à voir quel parti ultérieur ils auront à prendre. Quant à moi, messieurs, les conseils que j'ai donnés, les opinions que j'ai émise sont parfaitement consciencieuses, dégagées de toute espèce d'esprit de parti, d'intérêt de parti, je les ai émises au point de vue de l'intérêt du pays tel que je le comprenais.

Je crois, messieurs, avoir maintenant répondu à la demande d'explications qui nous a été adressée.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). – Messieurs, la Chambre vient d'entendre les explications qui lui étaient dues par les divers membres de cette assemblée qui ont été appelés auprès du Roi pour parvenir à remplacer le cabinet démissionnaire. Je ne puis partager l'opinion émise par l'honorable M. de Brouckere que de pareilles explications présenteraient des inconvénients ; je crois que le pays et la Chambre ont le droit et qu'il leur est utile d'être éclairés sur !es circonstances qui ont pu paralyser la prérogative de la Couronne.

Rien, d'ailleurs, de plus inoffensif, de plus constitutionnel, que ces explications échangées au sein de cette Chambre, entre les ministres démissionnaires et ceux qui avaient été appelés à les remplacer.

Je dirai peu de mots des explications dans lesquelles est entré l'honorable M. de Brouckere ; ses amis politiques les apprécient ; il n'a pas cru devoir accepter le pouvoir ; il a dit pourquoi : le cabinet actuel, il ne le combattait pas, il l'appuyait et il n'avait pas, dès lors, de motifs pour le remplacer.

Mais, messieurs, si l'on a apprécié les raisons de l'honorable membre de la gauche, si pour lui, il n'y avait point d'obligation de remplacer le ministère, je ne puis en dire autant des membres de l'opposition ; leur devoir était de remplacer le ministère qu'ils combattaient.

Et, messieurs, comment le pays croira-t-il au langage de l'opposition, comment pourra-t-il s'expliquer sa conduite ? Chaque jour, pendant des années, le cabinet a été accusé de violer toutes les lois constitutionnelles, de suivre une politique contraire à toutes les traditions, à tous les sentiments du pays, de blesser le pays dans ses institutions comme dans sa conscience. Le ministère a été signalé comme un ministère fatal.

II y a deux mois à peine, on le sommait de quitter ces bancs. On invoquait sa dignité ; sa dignité lui ordonnait d'abandonner le pouvoir. Le ministère se retire ; il donne cette satisfaction à l'opposition. La Couronne appelle les membres qui, je pense, sont proclamés et reconnus par tous comme les chefs de l'opposition, ceux qui dans les derniers temps surtout, avaient pris le rôle le plus agressif vis-à-vis du ministère, et ces messieurs refusent.

Personne cependant ne reprochera à la Couronne de ne pas avoir offert à l'opposition toutes les facilités qu'elle pouvait réclamer pour arriver à la possession du pouvoir.

Rien n'a été refusé aux chefs de l'opposition ; rien n'a été exigé d'eux. On ne me démentira pas sur cette double assertion : rien ne leur a été imposé ; rien ne leur a été refusé.

Les diverses combinaisons qui ont été successivement essayées et qui ont avorté, à partir de la mission des honorables MM. de Brouckere et Pirmez, ont été indiquées par les honorables membres de la droite, par l'honorable M. Dechamps et par l'honorable M. de Theux. Ont-ils épuisé toutes les combinaisons, eux qui viennent nous préconiser les ministères d'affaires, les ministères mixtes, les ministères de trêve, comme on les appelle actuellement, ont-ils épuisé toutes les combinaisons ? Ce parti modéré, ce parti national ne renferme-t-il pas dans ses rangs six hommes capables de donner au pays une administration digne de lui, une administration qui le satisfasse enfin ?

Le parti conservateur, ce parti essentiellement conciliant, cette droite conservatrice et modérée ne renferme-t-elle pas dans son sein six hommes conciliants, modérés, capables de procurer au pays les bienfaits de cette politique dont il a si soif ? Je ne sais pour quels motifs les honorables membres n'ont pas désigné dans le sein même de la droite ce phénix qu'ils ne rencontraient pas ailleurs. Ce n'est pas mon affaire, c'est la leur ; ils s'en expliqueront peut-être.

Ils ont indiqué, en dehors de la Chambre, des hommes dont la plupart avaient déjà fait leurs preuves dans les affaires publiques et dont la mission eût été de composer un ministère de trêve. Ces hommes n'ont pas accepté cette mission, ils n'avaient pas travaillé pendant six ans à renverser le cabinet ; il n'y avait donc pour eux aucune espèce d'obligation de prendre le pouvoir et ils l'ont refusé. Mais, pour les membres de l'opposition, l'accepter c'était leur devoir essentiel, un devoir, le dirai-je ? de loyauté politique.

Ah ! il ne suffit pas de se proclamer à chaque instant le parti des hommes modérés, le parti conservateur ; il ne faudrait pas faire mentir ce nom que vous usurpez. Si vous êtes le parti de la conservation, alors agissez envers le gouvernement comme agissent ailleurs les conservateurs ; et si vous ne parvenez pas à remplacer le ministère que vous combattez, alors n'entravez pas sa marche par une opposition tracassière, de détails, et de chicanes ; non pas que le parti conservateur doive lui donner (page 297) son concours dans une question politique ; oh ! non, il abdiquerait alors sa dignité ; mais ce que tout gouvernement a droit d'exiger de l’opposition, c'est au moins de n'être pas arrêté dans sa marche journalière, de ne pas être contrarié, traqué sur chaque question de détail. Voilà la conduite que l'opposition n'a pas tenue.

Messieurs, l'honorable M. Dechamps nous avait annoncé l'intention d'être très clair et très net dans ses explicitions ; je l'ai écouté très attentivement ; il a été écouté aussi avec beaucoup de plaisir et d'attention par mes amis de la gauche.

Mais il est un point de son discours que décidément nous n'avons pas compris et qui a besoin de nouvelles élucidations.

L'honorable membre nous a parlé d'une certaine réserve, d'une éventualité qui, venant à se réaliser, pourrait... engager la droite... à aviser de nouveau ; il a dit que, dans certains hypothèse, il se pourrait... on verrait... Cela n'est pas clair du tout.

L'honorable M. de Theux a été, lui, un peu plus précis sur ce point. Nous allons voir si je l'ai bien compris. Voici donc ce qu'on vient dire aux ministres démissionnaires et à la gauche :

Nous avons épuisé toutes les combinaisons, nous n'avons pu aboutir à rien. Mais patience ; d'ici à quelque temps, à quelques mois, quelque beau jour arrivera, quelque circonstance favorable se produira qui pourrait bien nous permettre de ressaisir le pouvoir que nous abandonnons aujourd'hui ; et alors, pénétrés du sentiment de nos devoirs vis-à-vis du Roi et du pays, nous n'hésiterons pas à faire le sacrifice de nos intérêts, de nos goûts personnels et de notre existence tout entière ; l'honorable M. de Theux l'a dit.

Eh bien, je ne sais pas si ce système conviendra à la gauche. Je ne sais pas non plus jusqu'à quel point il conviendra à la couronne de tenir le pouvoir à la disposition de ceux à qui il conviendra après l'avoir refusé de le prendre dans un temps plus ou moins rapproché. Nous avons, quant à nous, trop de respect pour la prérogative royale pour admettre un seul instant la position qu'on veut lui faire.

Il ne s'agit pas de se réunir en conseil de guerre une fois par semaine, par mois ou par trimestre pour délibérer sur la convenance de prendre ou de ne pas prendre le pouvoir.

Cela serait du régime parlementaire tout nouveau. Lorsque le pouvoir est vacant, il faut le prendre ; et lorsqu'on est pénétré de la pensée qu'un ministère est fatal au pays, il faut à tout prix et sans retard remplacer ce ministère et ne pas venir invoquer des considérations toutes secondaires et que le pays ne comprendra pas.

Mais, dit-on, à quoi bon se presser ? Où est le mal ? Où est le danger ? Le pays jouit d'un calme remarquable, a dit l'honorable M. de Theux.

Mais, messieurs, si nous avions peut-être dans la situation quelque chose à dire en notre faveur, que pourrions-nous conclure de ce mot ? Le pays est calme ! Le ministère est encore à son banc. Ce ministère violent, ce ministère fatal continue d'administrer. Est-ce que par hasard le pays aurait trouvé du calme depuis qu'on lui a notifié l’impuissance du parti catholique à prendre le pouvoir ? On serait tenté de le croire, Car rien jusqu'à présent n'est changé. Le ministère a été chargé par le Roi de continuer la gestion des affaires ; il continue son rôle ; rien n'est changé pour le pays, et le pays est calme.

Je laisse au pays à tirer lui-même la conclusion de ce fait qui est constaté par l’honorable M. de Theux.

Tandis que l'on nous poursuit à outrance et sans relâche comme un ministère agressif, comme un ministère hostile au culte catholique, on fait montre, d'autre part, d'un grand esprit de conciliation, on a horreur de la guerre, on veut la paix, on veut une trêve ; il n'est pas d’homme plus modéré, plus conciliant que l'honorable M. Dechamps.

Et, si je suis bien informé, je vais vous donner un exemple de la grande modération de l'honorable M. Dechamps, et sur ce point, peut-être, voudra-t-il bien confirmer l'éloge que je vais faire de lui.

Nous sommes restés, - on a bien voulu ne pas contesté ce point, - nous sommes restés complètement étrangers à tous les incidents de ces diverses négociations qui ont duré plus d'un mois : ni de près, ni de loin, nous n'avons eu aucun rapport avec les hommes qui ont été appelés par Sa Majesté. Mais depuis il nous est revenu que M. Dechamps poussait si loin l'esprit de modération à un moment donné des négociations, qu'il eût fait bon marché, - écoutez bien ceci, - qu'il eût fait bon marché de l'horrible, déplorable, détestable loi des bourses d'études. (Interruption.)

Il nous est revenu que M. Dechamps, dans son désir de voir le ministère actuel remplacé par un autre ministère de son goût, aurait dit : « La loi sur les bourses d'études n'est pas une difficulté radicale ; la loi sera votée ou ne sera pas votée par le Sénat ; ne faites pas de l'adoption de la loi des bourses d'études par le Sénat une question de cabinet ; laissez faire le Sénat.

L'honorable M. Dechamps avait donc pris son parti sur la loi des bourses d'études ; et si cette loi eût été votée par le Sénat, ce vote n'eût pas été un arrêt de mort pour le ministère qui nous eût remplacés.

J'espère que voilà de la modération !

M. Bouvierµ. - Et cela est clair, cela ! (Interruption.)

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Mais, messieurs, si je rends hommage à la grandissime modération de l'honorable M. Dechamps dans cette circonstance, je me demande si son opinion eût été partagée par tous ses amis politiques ou même par quelques-uns seulement de ses amis.

S'il en était ainsi, messieurs, j'y verrais, dans la situation actuelle, le plus heureux symptôme ; je verrais avec une véritable satisfaction s'approcher ce moment de paix et de trêve, dont vous nous parliez tout à l'heure. Vous nous recommandez constamment la modération ; vous prêchez sur tous les tous la paix ! la paix ! Eh bien, messieurs, cherchez donc en vous-mêmes des éléments modérés ; montrez dans vos rangs ces sentiments de conciliation qui, selon vous, sont seuls capables de réaliser cet idéal que vous poursuivez et dont je souhaite autant que vous la réalisation.

C'est, messieurs, par ce vœu que je terminerai ma réponse aux membres de la droite.

L'honorable M. de Theux a bien voulu dire au commencement de son discours, qu'il n'avait pas reçu la mission de composer un cabinet. Les faits que j'ai apportés devant la Chambre eut été puisés : 1° dans une conversation que j'ai eu l'honneur d'avoir avec Sa Majesté ; 2° dans une lettre que le cabinet a reçue de sa part à la suite de cet entretien. Je ne pense pas que l'honorable M. de Theux prétende qu'il n'a pas été chargé de la formation d'un cabinet, de concert avec son ami M. Dechamps.

M. de Theuxµ. - Je demande la parole.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - On ne lui a pas fait l'offre de former un cabinet ? (Interruption.) Mais alors qu'allez-vous donc faire au palais ?

- Voix à droite. - Ah ! ah ! (Interruption.)

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Riez encore un instant, messieurs, vous ne rirez plus longtemps.

L honorable M. de Theux n'a pas été chargé de la mission de former un cabinet ? Mais l'honorable Dechamps a reçu cette mission et il s'est mis en rapport avec l'honorable M. de Theux qui a été également reçu par le Roi. Qui donc a conseillé au Roi les diverses combinaisons qui ont échoué ? Voyons répondez. (Interruptions.)

Est-ce M. Dechamps sel et non pas M. de Theux qui a déclaré qu'il ne voulait pas accepter la mission qui lui a été offerte et qui a remis les pouvoirs qu'il avait reçus ? Répondez donc oui ou non.

Comment avez-vous pu refuser un pouvoir qui ne vous aurait pas été offert ?

Au surplus, si le pouvoir n'a pas été offert à M. de Theux, il est temps encore.

- Voix à droite. - Ah ! ah ! (Interruption.)

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Mais, messieurs, cela est une véritable puérilité. L'honorable M. de Theux ne peut sérieusement soutenir qu'il n'a pas reçu avec M. Dechamps la mission de composer un nouveau ministère.

Nous sommes, messieurs, en tout ceci de la plus entière bonne foi ; j'ai dit la source où mes renseignements ont été puisés et je tiens comme parfaitement exact tout ce j'ai eu l'honneur de dire devant la Chambre.

M. de Theuxµ (pour un fait personnel). - Je maintiens l'exactitude de ce que j'ai eu l'honneur de dire à la Chambre. Autre chose est de s'entrctenir avec le Roi d'une situation et de lui communiquer ses impressions personnelles, autre chose est de recevoir la mission de former un cabinet. Eh bien, messieurs, cette mission ne m'a pas été offerte. Elle me fut offerte en 1856 et je la déclinai, et, pour donner satisfaction, à M. le ministre des affaires étrangères, j'ajouterai que si, dans les circonstances actuelles, le Roi m'avait offert cette mission, je l'eusse également déclinée pour les mêmes motifs que je l'ai déclinée en l856.

Telle n'a pas été ma position dans ces derniers temps ; je ne puis donc pas revendiquer un honneur qui ne m'a pas été offert. J'ignore quelles ont pu être les intentions de Sa Majesté à mon égard ; il est possible que si je ne m'étais pas prononcé dès le principe pour la formation d'un cabinet d'affaires, Sa Majesté m'eût ultérieurement engagé à accepter le pouvoir : il se peut que telles aient été les intentions de Sa Majesté, mais il n'en a pas été question,

(page 301) .M. Dechamps. - Je répondrai un mot d'abord à une espèce d'interpellation que m'a adressée l'honorable .M. Rogier. Il a, permettez-moi de le dire, cherché à caricaturer les explications calmes et sérieuses que j'ai données à la Chambre. Il est descendu à des on-dit, à de petits incidents, pour chercher à m'embarrasser. Je ne lui permettrai pas de déplacer ainsi le débat actuel, auquel il faut conserver un caractère sérieux.

L honorable ministre des affaires étrangères vient de dire qu'il est resté étranger aux négociations entamées avec les personnes appelées par Sa Majesté, et puis parlant de ma modération avec une certaine ironie, il lui est revenu, dit-il, quo j'avais poussé cette modération jusqu'au point de faire très bon marché de cette question des bourses d'études qui avait amené de si vives discussions dans le parlement ; il a insinué que j'avais émis l'opinion près du Roi...

- Plusieurs voix. - Pas près du Roi.

M. Dechamps. - ... que j'avais émis l'opinion que ce n'était pas une difficulté insurmontable.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je n'ai pas dit près du Roi !

.M. Dechamps. - Soit ; il ne s'agit donc pas d'une conversation officielle, et alors de quel droit en parlez-vous à cette tribune ?

Vous avez fait allusion à une condition de concours, relative aux bourses d'études, que nous aurions posé dans le cas où un cabinet aurait été formé par M. de Brouckere et vous m'avez demandé si j'étais autorisé par mes amis à produire cette opinion.

Je déclare que dans toute la négociation je n'ai pas dit un mot que je n'aie été autorisé à dite par mes amis politiques.

J'ajoute, relativement à l'allusion que M. le ministre des affaires a faite tout à l'heure, qu'il s'agit d'un fait relatif à une négociation qui n'a pas abouti, et que dès lors il n'a aucun droit de m'interroger et que j'ai le droit de ne rien lui répondre.

Je puis vous demander pourquoi vous êtes au banc ministériel. Vous pouvez me demander pourquoi nous avons refusé de nous y asseoir. Cela est parfaitement légitime. Mais ce qui ne l'est pas, c'est de me demander compte d'un on-dit qui vous est revenu, dites-vous, quoique vous soyez resté étranger à ces négociations, et qui concerne une négociation avec un homme politique qui a refusé d'accepter le pouvoir. Cette négociation n'ayant pas abouti, je n'ai absolument rien à vous répondre.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je maintiens ce que j'ai dit, je le tiens de bonne source.

.M. Dechamps. - Quelle est cette source ? Vous êtes, dites-vous, resté étranger à ces négociations. Je ne discute pas des cancans politiques.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Ce ne sont pas des cancans politiques.

.M. Dechamps. - Je refuse de vous répondre. Vous n'aurez de ma part aucune explication sur un fait resté en dehors de la négociation qui me concerne directement ; vous n'avez aucun droit de me la demander. (Interruption.) .

Cet incident étant vidé, je vais aborder les considérations plus générales dans lesquelles M. le ministre est entré tout à l'heure.

Il nous a reproché de manquer à notre premier devoir comme opposition en ne prenant pas le pouvoir quand le pouvoir est abandonné par nos adversaires. Nous devons prendre le pouvoir, dit-il, parce que nous sommes responsables de la situation. C'est sous les coups de notre opposition systématique, tracassière et violente que le ministère est tombé ; nous sommes les vainqueurs de la lutte, c’est à nous de gouverner.

Voilà l'accusation. Avant d'y répondre, permettez-moi de m’étonner. On oublie que, dans la discussion récente de l'adresse, nos adversaires nous tenaient un langage diamétralement opposé. On prétendait que nous n'avions pas le droit d'aspirer au pouvoir, parce que nous étions minorité.

On ajoutait que nous n'étions qu'une minorité factice, formée d’éléments hétérogènes, réunis par des accidents non politiques, à Gand par la crise cotonnière, à Anvers par la question des forteresses que nous avions exploitée ; cette majorité factice, nous disait-on, se dissoudrait le lendemain du jour où nous serions au pouvoir ; nous n'avions pas le droit de prétendre au pouvoir qui n'appartenait pas à une minorité aussi précaire !

Tel était le langage de tous nos adversaires.

Voici celui que nous tenait M. Rogier :

« Pour le moment, nous ne pouvons pas encore faire à l’opposition le plaisir de nous retirer. Et, d'ailleurs, nous quitterions aujourd'hui nos places, qui viendrait nous remplacer ? L'honorable chef de la droite, M. de Theux, nous a dit l'autre jour que, quant à lui, il ne voulait pas du pouvoir. M. Dechamps nous faisait entendre la même chose. Mais enfin, je suppose à nos adversaires le courage nécessaire pour accepter le fardeau du pouvoir, l'opposition a-t-elle la majorité ? La nôtre n’est pas grande, mais la majorité de l'opposition où est-elle ? »

L'honorable M. Orts, rapporteur de la commission d'adresse, allait beaucoup plus loin. Il nous menaçait, nous minorité factice, d'être précipités du pouvoir le lendemain du jour où nous aurions eu la témérité d'y monter. Voici ses paroles :

« J'ai le droit de dire, malgré vous, contre vous, qu'un ministère pareil à celui qui a sauvé en 1848 le pays de la révolution, tient encore aujourd'hui dignement le pouvoir, que ni vous ni vos amis ne pourriez accepter la tâche de gouverner à sa place.

« J'ai le droit d'affirmer que si, par un accident parlementaire quelconque, vous arriviez au pouvoir, la réprobation publique vous en précipiterait plus vite que son indifférence ne vous aurait permis d'y monter. »

Ainsi, hier dans les débats politiques de l'adresse, nous n'étions qu'une minorité factice, n'ayant aucun droit d'aspirer au pouvoir, incapable de l'accepter, ne pouvant y arriver que par accident et à charge d'en être précipités le lendemain.

Aujourd'hui on nous convie, on nous oblige, on nous force à prendre le pouvoir ; nous sommes des impuissants et des factieux si nous hésitons ; nous sommes les victorieux, les puissants et les forts ; il ne nous reste qu’à prendre le pouvoir, à monter au Capitole et à rendre grâces aux dieux ! (Interruption.)

N'avais-je pas raison, messieurs, de m'étonner de la contradiction de ce langage, et ne puis-je pas en soupçonner la sincérité ?

Nous sommes, dites-vous, responsables de la situation. Lorsque l'opposition triomphe et renverse un ministère, elle doit prendre sa place.

Oui, quand cette opposition est devenue majorité. Sans doute, il peut arriver des circonstances exceptionnelles où une minorité peut être appelée à prendre le pouvoir, mas quand une opposition est minorité, elle n'a pas le devoir d'accepter le pouvoir ; elle peut le faire, elle n'y est pas tenue constitutionnellement.

Nous vous avons discutés, nous vous avons énergiquement combattus ; nous nous sommes défendus contre les attaques continuelles que vous dirigiez contre nos intérêts religieux ; est-ce une raison d'être obligés de prendre le pouvoir, dans les conditions difficiles où une minorité se trouve, avant l'heure légitime où nous serions devenus une majorité ?

Est-ce nous qui, au début de la session, lorsque vous pouviez encore garder le pouvoir dans certaines conditions difficiles, je le reconnais, Est-ce nous qui avons proposé l'enquête de Bastogne ? Est-ce nous qui avons fait adopter l'annulation arbitraire des élections de Bruges, qui avons rédigé et voté cette adresse belliqueuse, encourageant le ministère qui n'avait plus que six voix da majorité, à poursuivre sa politique agressive que le pays avait condamnée ?

Messieurs, la crise ministérielle, d'où est-elle née ?

Vous le savez tous comme moi. L'honorable M. de Brouckere l'a dit tout à l'heure. Le ministère n'est pas tombé sur un vote parlementaire provoqué par nous ; il est tombé sur un échec électoral dû à l'annulation des élections de Bruges provoquée par vous.

MfFOµ. - Nous sommes vaincus.

.M. Dechamps. - Le fait qui a produit la crise ministérielle, l'annulation des élections de Bruges, est votre fait et non le nôtre.

MfFOµ. - Soit !

M. Bouvierµ. - Nous sommes morts, enterrez-nous !

.M. Dechamps. - Messieurs, j'examine ici la question de savoir qui, par la conduite que nous avons tenue l'un et l'autre, a la responsabilité de la situation, de la crise ministérielle. Je cherche à prouver que c'est à vous, à votre politique qu'elle est due, avant la crise ministérielle. Mais depuis la crise, voyons si vous n'êtes pas responsables encore des difficultés dans lesquelles nous sommes en ce montant.

Quelle a été votre conduite, quelle a été la nôtre ?

Nous avons tout fait pour amener une solution de la crise ministérielle, dans le sens que nous concitoyens favorables aux intérêts généraux du pays.

Nous avons conseillé un ministère de trêve politique, à l’aide duquel on aurait pu éviter la dissolution et l’agitation électorale.

Nous aurions prêté notre concours à tout ministère da modération politique et d'impartialité administrative. Nous avons sérieusement, loyalement tout fait pour que ce ministère se constituât.

Qui la empêché ? Messieurs, on vient de le dire encore tout à l'heure et nous le savions d'avance.

Pendant les débats de l'adresse, on nous a dit qu'il n'y avait plus qu'un (page 302) ministère libéral possible, celui qui était aux affaires ; on donnait ainsi d'avance le mot d’ordre aux refus apportés par les hommes politiques de la gauche.

L'honorable M. de Brouckere, dans les explications pleines de franchise et de loyauté qu'il a données tout à l'heure, nous a fait connaître les motifs de la conduite qu'il a tenue. « En 1852, a-t-il dit, la situation était tout autre. Alors mes amis politiques m'engageaient à prendre le pouvoir, mais aujourd’hui en 1864, si j'avais pris le pouvoir, j'aurais été désavoué par eux ; on aurait dit que je commettais une défection. Je n'aurais trouvé dans la gauche aucun appui suffisant, et j'aurais dû vivre de l'appui précaire de la droite. »

Je comprends ces raisons et la conduite de l'honorable membre, mais j’en infère ceci, c'est qu'il a refusé à cause du défaut de concours qu'il aurait rencontré chez ses amis, et presque par crainte du concours que nous lui aurions donné.

Il est évident que si un ministère intermédiaire avait pu se former, et que le mot d'ordre, dont je parle, n'eût pas été donné, ce ministère aurait trouvé une majorité suffisante dans les Chambres actuelles, la dissolution était évitée et les difficultés de la situation avaient disparu. Qui donc a tout empêché ? C'est vous, vous qui avez tout fait pour détruire cette combinaison. Nous avons aujourd'hui l'aveu public.

M. H. de Brouckereµ. - Quel aveu avez-vous ?

.M. Dechamps. - Que c'est la majorité actuelle qui, par son refus de concours à tout autre ministère qu'au ministère actuel, a empêché la réalisation des conseils que nous avions donnés.

M. H. de Brouckereµ. - Je n'ai demandé le concours de personne.

.M. Dechamps. - La droite a-t-elle refusé le pouvoir, en principe, d'une manière absolue, par peur ou par impuissance ?

Evidemment non. Nous avons voulu faire prévaloir une politique qui avait l'assentiment d'une grande fraction de l'opinion. Nous avons cru avec une partie considérable de la presse libérale elle-même, la plus considérable si l'on tient compte de l'étendue de sa publicité, nous avons cru avec l'opinion dans ses plus claires manifestations, avec le sentiment réel et profond du pays qui demande le calme, que si vous ne pouviez plus garder le pouvoir parce que vous n'aviez pas une majorité suffisante, nous pouvions moins le prendre encore. Nous avons cru que le ministère que cette situation indiquait, était un ministère non politique, présidant, jusqu'en 1865, à un armistice entre les partis. C'est ce que la majorité du pays voulait avec nous ; c'est ce que vous n'avez pas voulu. Et c'est nous qui sommes des factieux !

MfFOµ. - Formez-le dans vos rangs, ce ministère.

.M. Dechamps. - C'est vous qui avez voulu tout empêcher. C'est vous qui avez voulu la continuation de la guerre dans laquelle se résume toute votre politique.

Le jour où votre politique a été condamnée, lorsque le pays vous a enlevé la majorité parlementaire, vous n'avez plus eu qu'un seul souci et une seule préoccupation, c'était de forcer la droite à prendre le pouvoir et à dissoudre les Chambres. (Interruption.)

Vous vouliez nous faire servir d'instruments à vos calculs, vous comptiez que la dissolution retournerait contre la main qui la ferait.

Votre but, c'est que la lutte entre les partis continue, sur le terrain des questions libérales et catholiques. Le calme et la trêve vous font peur ; il vous faut la dissolution par vous ou par nous, l'agitation politique que cette dissolution doit faire naître et dont vous espérez, à tort, selon moi, profiter.

Nous avons poursuivi une politique contraire, celle de la pacification, de l'apaisement politique ; nous avons cherché à éviter au pays le trouble d'une dissolution qu'on peut, selon nous, écarter. C'est pour cela que nous avons conseillé un ministère de transaction ; c'est pour cela que vous n'en voulez pas.

J'ai dit, messieurs, que notre refus était une conséquence de ce conseil et aussi longtemps qu'un ministère de transaction, un ministère non politique, un ministère de trêve est possible, et nous croyons qu'il est encore possible en ce moment, nous avons le devoir de rester sur le terrain que nous avons choisi, de persister dans la politique que nous avons adoptée.

Mais, je le répète, si ces solutions sont déclarées impossibles, si ces combinaisons, que nous regardons comme désirables, viennent complètement à échouer, eh bien, alors, je le déclare, ces devoirs dont je parlais tout à l'heure et que l'honorable M. Rogier a cherché à ridiculiser, la droite saura les remplir.

- Plusieurs membres de la droite et de la gauche. - Très bien ! A la bonne heure.

.M. Dechamps. - On a trouvé peu claires les explications que je donnais tout à l’heure. Je commence à croire qu'on les a trouvées beaucoup trop claires et qu'on a fermé les oreilles pour ne pas les comprendre.

Je déclare, au nom de mes amis politiques, que nous avons tout fait, que nous ferons tous les efforts que le patriotisme réclame de nous pour amener la solution que nous considérons comme la plus désirable, non pas au point de vue du calcul des partis, mais au point de vue de l'intérêt général.

Nous sommes en présence d'éventualités que toute l'Europe regarde avec inquiétude ; personne, ni vous ni moi, ne peut prévoir à quels événements nous allons assister peut-être demain, et à quels périls la Belgique pourra être exposée. Je dis qu'en présence d'une situation pareille nous avons obéi à un devoir patriotique, à des vues supérieures aux calculs de parti, en donnant à la Royauté les conseils désintéressés et modérés que l'intérêt du pays nous a dictés.

Mais si nos efforts échouent dans ces tentatives de conciliation, nous en laisserons la responsabilité à ceux qui les auront fait avorter ; mes amis, en acceptant le devoir que la situation leur imposera, auront la conscience à l'aise, et le pays comprendra et appréciera leur conduite et leur dévouement. (Interruption.)

Messieurs, je n'ai plus qu'une observation à faire.

Le but principal que nous voulions atteindre pendant toute la crise ministérielle, c'était d'épargner au pays une dissolution parlementaire, si elle pouvait être évitée.

Messieurs, je le comprends parfaitement, la dissolution est un moyen prévu par la Constitution et auquel il faut avoir recours lorsque tous les autres moyens échappent. Mais dans un pays surtout où les élections sont pour ainsi dire permanentes, élections des Chambres, élections provinciales et communales, dans un pays d'élections comme le nôtre, il faut que les dissolutions parlementaires soient rares, le plus rares possible. Je crois que nous serons tous d'accord sur ce point. Il ne faut pas non plus que 1a dissolution parlementaire, que cette prérogative, donnée à la royauté dans un but d'intérêt public, devienne un instrument de parti au profit d'un parti, pour assurer la domination de l'un des partis sur l'autre.

Mais avant tout, il faut que la dissolution parlementaire réponde à deux conditions : elle doit être une nécessité, il faut qu'elle aboutisse à un résultat politique.

Voilà les deux conditions qui la rendent justifiable : Nécessité et résultat.

Je vous disais, messieurs, dans la discussion de l'adresse, que la situation difficile dans laquelle nous étions, était celle-ci : Impossibilité pour le cabinet de garder le pouvoir avec la majorité insuffisante qu'il possède. Impossible pour l'opposition d'y arriver, parce qu'elle était minorité. Dissolution peut-être sans résultat.

Voilà, messieurs, la gravité de la situation que je vous signale encore à vous, mes adversaires, comme à mes amis politiques. Que vous fassiez la dissolution ou que nous la fassions nous-mêmes, je vous le demande, avons-nous la certitude morale que cette dissolution produira un résultat politique tel, que nous sortions des difficultés dans lesquelles nous nous trouvons.

Voilà la question sérieuse qui est posée devant le pays.

Messieurs, je crois que la dissolution parlementaire, faite dans des conditions d'impartialité, nous donnera la majorité dans la Chambre. C'est notre appréciation et notre conviction. Mais cette majorité sera-t-elle assez forte, assez considérable pour que la droite puisse gouverner dans des conditions sérieuses et durables ? Nous l'espérons. Mais évidemment l'incertitude plane sur la réponse à faire à cette question.

Eh bien, messieurs, il ne s'agit pas ici de partis, il s'agit du pays entier et de son avenir ; je dis que s'il arrivait qu'après une dissolution parlementaire faite par n'importe quelle main, que nous fussions dans la même position parlementaire où nous sommes, sans majorité décisive pour l'une ou pour l'autre des deux opinions, il n'y aurait plus aucun remède à la situation, tous les moyens constitutionnels seraient épuisés.

Cela n'est-il pas vrai ? Et si la situation est telle, la droite avait le devoir, non pas d'hésiter, elle n'a pas hésité un seul instant, mais de donner les conseils qu'elle a donnés à la Couronne et de dire : En présence de l'équilibre des partis, eu présence d'une dissolution sans résultat peut-être, en présence des difficultés graves qui peuvent surgir demain, nous donnons à la Royauté le conseil sage, patriotique et prudent de former une administration intermédiaire, un ministère de trêve qui pourrait nous conduire jusqu'aux élections de 1865, alors que le pays aurait fait connaître sa volonté d'une manière régulière et constitutionnelle. (Interruption.)

(page 303) Monsieur Bara, vous riez de cela !

M. Bara. - C'est une tactique.

.M. Dechamps. - Je ne vous permets pas de rire ; vous pouvez me répondre, mais vous n'avez pas le droit de rire lorsque j'émets des considérations aussi sérieuses.

M. Bara. - Je vous réponds par 1852 et par 1854.

.M. Dechamps. - J'explique la conduite de la droite ; je dis que cette conduite a été modérée, sage et patriotique.

Sans doute vous désirez que la droite prenne le pouvoir avec la dissolution. Vous espérez dans l'agitation électorale du pays dont vous croyez profiter.

MfFOµ. - Le pays est avec vous !

.M. Dechamps. - Oui, il est avec nous, mais il demande au gouvernement le calme et non l'agitation politique. Nous avons cherché à. déjouer vos calculs politiques pendant la crise ; nous les déjouerons, j'espère, le lendemain. Je vous déclare que si la droite prend le pouvoir, elle le prendra à deux conditions, deux conditions sur lesquelles nous sommes, je pense, tous d'accord. La première, c'est que nous apporterons nous-même au pays le programme de trêve politique, au point de vue de nos anciennes luttes, que nous avons conseillé aux autres de pratiquer et de suivre. Nous éviterons les mesures qui vous ramèneraient sur le terrain de ces luttes. Mais nous vous apporterons en même temps un programme de réformes économiques et libérales, que probablement vous trouverez trop libérales pour vous. Mais alors nous dirons au pays : Nous avons tout fait pour éviter la dissolution ; on a tout empêché. Toutes les solutions de transaction et de modération ont été refusées et rendues impossibles par nos adversaires.

Nous croyons encore n'être pas devant l'éventualité prévue de l'acceptation du pouvoir par la droite conservatrice, puisque nous sommes en présence d'un ministère démissionnaire ; mais si cette éventualité se présente, mes amis vous apporteront ce programme tout à la fois de modération et de progrès.

Ils demanderont aux hommes modérés de la gauche un concours pour une politique de trêve et pour des actes libéraux. (Interruption.) Ils vous demanderont d'attendre ces actes. Mais s'ils rencontrent devant eux une majorité hostile, compacte, systématique, ils diront au pays : La dissolution, ce n'est pas nous qui en sommes responsables ; nous avons voulu l'éviter, ce sont nos adversaires qui l'ont voulu.

Cet appel au pays se ferait sur ce programme modéré et libéral. J'ai confiance dans le bon sens du pays qui comprendra où sont ceux qui veulent le progrès dans le calme, dans la pacification des esprits, dans la raison publique et ceux qui veulent fonder leur politique sur les passions politiques et sur les divisions des partis rendues irrémédiables.

(page 298) M. Orts. - Messieurs, j'ai demandé la parole quand j'ai entendu, à deux reprises, les orateurs de la droite prétendre mettre la gauche en contradiction ; opposant son langage d'aujourd'hui au langage qu’elle a tenu dans la discussion de l'adresse.

A propos de l'adresse, l'arrivée au pouvoir de la droite a été discutée. A gauche des orateurs - et j'en étais - ont dit à la droite : Votre entrée au pouvoir serait une conquête éphémère ; vous n'avez pas, pour vous consolider, le sentiment du pays ; l'esprit de progrès n'est pas avec vous, vous n'avez pas pour vous la conscience publique.

Nous avons ajouté que si l'indifférence de l'opinion vous permettait de saisir le pouvoir, une fois le pouvoir entre vos mains, la réprobation du pays vous l'arracherait pus vite que son indifférence nec vous l'avait laissé prendre.

Vous vous armez aujourd'hui de ces paroles pour nous mettre en contradiction, parce que le 1er mars 1864 nous vous convions à monter au Capitole. Première question : est-ce que, par hasard, vous accepteriez enfin comme vrai le langage que nous tenions dans la discussion de l'adresse ? Conviendriez-vous que la réprobation publique vous précipiterait immédiatement du pouvoir si votre audace s'aventurait à le saisir ? Si vous n'en convenez pas, à quoi bon l'observation que vous faites ?

Si vous croyez, au contraire, que nous nous trompions en disant : Ministres, vous tomberiez sous la réprobation publique ! mais prenez donc ce pouvoir. Vous n'osez pas le faire ? Vous convenez donc que nous disions vrai dans la discussion de l'adresse.

Ne parlez plus de contradiction, il n'y en a pas. Oui je crois encore aujourd'hui, tout en vous reprochant de ne pas prendre le pouvoir qui vous est offert, je crois fermement que le pays n'est pas avec vous ; oui ! je crois que l'opinion publique se retirera de vous le lendemain du jour où vous serez aux affaires, et c'est parce que je le crois, parce que je désire une expérience solennelle, décisive, que je vous excite à accepter. Et comme je veux l'expérience décisive, j'entends vous faire la partie belle.

Je désire que si le pays est consulté par la voie de la dissolution, ici je parle uniquement en mon nom personnel, je désire que la dissolution soit faite par vous et non par nous.

Et ne dites plus que ce n'est pas le devoir de l'opposition, lorsque, sans être encore majorité parlementaire, ses efforts ont rendu impossible le gouvernement de la majorité numérique, que ce n'est pas son devoir d'accepter les rênes du gouvernement qu'on lui offre.

Vous avez un exemple éclatant contre vous. La pratique des institutions constitutionnelles par vos adversaires a donné un démenti complet à votre théorie.

En 1857, votre ministère est tombé, lui aussi, sans échec parlementaire. Il possédait incontestablement la majorité dans les deux Chambres. L'opposition minorité a pris le pouvoir sans hésiter. Pourquoi ? Parce qu'en 1857 l'opposition libérale, quoique minorité, ne redoutait point une dissolution.

Elle savait que derrière elle était le pays, l'opinion publique. Pourquoi n'imitez-vous point notre exemple ? Pourquoi, en 1864, ne prenez-vous pas le pouvoir qu'on vous offre aux conditions où nous l'avons accepté ? Pourquoi ? Vous ne le direz pas ; mais je le dis. Parce que vous savez que l'opinion publique peut s'égarer un instant, mais que du jour où elle vous connaîtra, l'opinion publique vous laissera tomber, que dis-je ? elle vous renversera.

Voilà la différence entre les situations et la différence entre les partis.

Vous nous parlez maintenait d'éventualités sur lesquelles vous ne vous êtes point expliqués ; vous nous parlez de conseils de modération et de trêve que vous avez donnés et qui n'ont point été suivis ; vous parlez de ministère pris en dehors des partis, et que la situation de l'opinion publique appelle. Vous vous trompez. Si vous ne vous trompiez point, je ne comprendrais pas pourquoi vous reculez devant la tâche que vous conseillez à d'autres d'entreprendre.

Pourquoi donc, vous, chez qui la conviction ne répugne pas aux ministères de « trêve », aux ministères « d'affaires », pourquoi ne formez-vous pas un ministère de cette nuance dans vos rangs, dans vos rangs si disciplinés ? Pourquoi voulez-vous des hommes extra-parlementaires n'ayant ici ni amis ni soutiens ? Ayez donc le courage de vos conseils.

Prêtez six hommes sur vos bancs ; ils seront au moins sûrs d'avoir 6 voix dans la Chambre pour appuyer la combinaison, tandis qu'un ministère de cette espèce, pris au-dehors du parlement ou sur les bancs de la gauche, serait totalement sars appui.

M. Coomans. - Il aurait 6 voix aussi.

M. Orts. - Non, il n'aurait pas 6 voix pris sur les bancs de la gauche, parce que 6 membres de la gauche devraient se représenter devant les électeurs, et qu'après avoir accepté un pareil mandat, la conscience publique ne permettrait pas à ces transfuges de siéger sur ces bancs.

Maintenant je reviens à vos éventualités, et je désire ici, M. Dechamps, une explication précise, nonobstant le caractère plus clair, j'en conviens, de votre péroraison de tout à l'heure, comparée à votre premier discours.

Qu'est-ce que votre réserve ? qu'est-ce au fond cette espèce de menace mystérieuse que vous laissez planer sur la tête du ministère actuel et de la majorité qui l'appuie ? Vous dites qu'on ne vous a pas laissé prévoir, que vous n'avez pas prévu comme éventualité le maintien du ministère actuel à défaut de combinaison réalisée pour le remplacer.

Dois-je comprendre que si le ministère actuel reste ce qu'il était avant la crise, maintenant quoique démissionnaire son programme et son drapeau, vous allez demain accepter ce pouvoir que vous avez décliné il y a quelques semaines ? Est-ce là ce que vous voulez dire ? Je n'ai peut-être pas le droit d’exiger de vous une réponse, quoique, cependant, nous soyons ici au moment des explications.

Mais si vous ne répondez pas, je poserai la question ailleurs et en d'autres termes ; et j'espère obtenir de mes amis une réponse qui me dispensera d'attendre la vôtre.

Si pourtant j'ai deviné le mot de votre énigme, je me permets une observation. Vous êtes disposés à prendre maintenant le pouvoir, parce que le cabinet ancien se retrouve au banc ministériel, tel qu'il était avant la crise ; comment donc se fait-il que vous ayez attendu jusqu'aujourd'hui pour user de votre réserve ? Les explications de M. le ministre des affaires étrangères vous ont appris les premières que le rêve des ministères de trêve, de transaction, de conciliation, comme vous voudrez les appeler ; que ce rêve s'est évanoui, qu'il n'appartient plus aux réalités ; vous saviez cela depuis le jour où il a été certain, notoire, que le ministère actuel, faute de combinaisons susceptibles de le remplacer, reviendrait siéger sur son banc, tel qu'il était avant la crise : pourquoi n'avez-vous pas usé de votre réserve, il y a quelques semaines ?

Est-ce que par hasard vous ne vous seriez mis d'accord sur cette réserve qu'hier au soir ?

Maintenant, voici la question que je crois devoir adresser à mes amis politiques et qui, je le répète, me dispensera d'une explication venant de mes honorables adversaires. Je ne doute pas de la réponse du cabinet, le doute serait presque une injure ; mais faute d'obtenir directement à droite les explications que je désire, il faut bien que je tâche d'en provoquer de la part de mes amis ; elles forceront peut-être mes adversaires à en donner eux-mêmes.

Je demande donc au cabinet : Doit-on espérer sur les bancs de la droite, doit-on craindre sur les nôtres, que les ministres qui ne sont pas remplacés, viennent ici pour faire prévaloir, fût-ce même pendant une période de transition, une politique autre que celle à laquelle la gauche a donné son adhésion nette et unanime dans l'adresse en réponse au discours du trône ? La droite peut-elle espérer, la gauche doit-elle craindre que le ministère, cédant à la force des choses, aux exigences de la situation, consente à remplir le misérable rôle de ministère incolore, de ministère de trêve que la droite préconise ?

Pouvons-nous craindre que ce ministère ne soit ici qu'un ministère d'affaires ; c'est-à-dire, venant faire les affaires de la droite, au lieu de faire les affaires de l'opinion libérale ? Car c'est là le ministère d'affaires que veut la droite ; vous voulez, messieurs, faire faire vos affaires par les mains de vos adversaires, vous ne voulez pas les faire faire par les mains de vos amis !

Je suis convaincu que le cabinet démissionnaire me répondra de la manière la plus nette et la plus satisfaisante, et que si le ministère est revenu siéger à son banc, c'est avec son drapeau, le drapeau de la gauche en mains, et sans avoir le moins du monde l'idée de l'abaisser devant le drapeau de la droite.

L'honorable M. de Brouckere, un des hommes les plus considérables de l'opinion libérale, qui a été mêlé activement, je dirai presque glorieusement, à tous les grands débats parlementaires depuis 1830, qui a été, comme l'honorable M. de Theux, membre du Congrès ; l'honorable M. de Brouckere disait tout à l'heure que l'opinion libérale n'avait jamais été plus compacte, plus ferme, plus unie qu'aujourd'hui ; il disait vrai ; et cet honorable membre ajoutait une observation non moins vraie et bien digne d'être méditée par vous, lorsqu'elle vient d'un homme aussi modéré que l'honorable membre ; il ajoutait que si sur les bancs de la gauche, et surtout dans les rangs du parti libéral extra-parlementaire, on exprimait, non pas un reproche, mais un regret, c'était de ne pas voir le ministère et la gauche parlementaire marcher en avant dans la voie libérale d'un pas plus ferme et plus accéléré,

M. de Brouckere avait raison.

(page 299) Dans de pareilles circonstances, je le répète à la droite, n'espérez pas que nos amis soient ici pour faire vos affaires et que, comme je le disais tout à l'heure, le drapeau libéral s'abaisse devant le vôtre.

Dans une situation pareille, M. Dechamps, est-ce que l'heure d'aviser n'est pas arrivée pour vous ? Est-ce que l'heure d'user du bénéfice de vos réserves n'est pas venue ? Ah ! soyez-en bien convaincus, si après une déclaration nette de vos adversaires que ce qu'ils ont été, ils le sont, ils le resteront, vous ne preniez pas le pouvoir, j'aurai eu raison de dire dans la discussion de l'adresse et j'aurai raison de vous répéter aujourd’hui avec tous mes amis : Vous avez peur de la dissolution, même faite de vos propres mains ! vous vous défiez de l'opinion publique ! vous craignez la réprobation du pays !

- La séance est levée à 5 heures.