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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 16 mai 1863

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1862-1863)

(page 967) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à midi et un quart.

M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont, secrétaire., présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des directeurs de sociétés métallurgiques demandent que le traité de commerce entre la Prusse et la Belgique stipule l'abolition immédiate du droit de sortie sur les minerais de zinc. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du traité de commerce avec la Prusse.


« M. le ministre de la justice transmet à la Chambre copie d'un rapport de M. le procureur général à Gand concernant la dénonciation à charge du notaire de Brouckere. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« Par divers messages du 15 mai, le Sénat informe la Chambre des représentants qu'il a adopté les projets de loi suivants :

« 1° Exemption des droits de douane sur les marchandises détruites par l'incendie de l'entrepôt Saint-Félix, à Anvers ;

« 2° Crédit extraordinaire de 100,000 francs pour couvrir les frais de l'exposition des beaux-arts, en 1863 ;

« 3° Modifications aux articles 14 et 28 de la loi du 10 avril 1841, sur les chemins vicinaux. »

- Pris pour notification.


« M. Kervyn de Volkaersbeke, empêché par le décès d'un de ses parents, s'excuse de ne pouvoir pas assister à la séance. »

- Pris pour information.

Projet de loi allouant un crédit supplémentaire au budget du ministère de l’intérieur

Rapport de la section centrale

Projets de loi relatifs à l’arrangement commercial conclu avec l’Espagne et au traité conclu avec l’Italie

Rapports des sections centrales

M. Vander Donckt présente un rapport sur le projet de loi qui alloue un crédit supplémentaire de 117,000 francs au département de l'intérieur, pour l'exercice 1862.

M. de Boe présente un rapport sur l'arrangement commercial conclu entre la Belgique et l'Espagne.

M. de Gottal dépose un rapport sur le traité conclu avec l'Italie.

- Ces rapports seront imprimés et distribués ; les projets de loi qu'ils concernent seront portés à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi sur les fondations de bourses

Discussion des articles

Dispositions transitoires

Article 49

M. le président. - La discussion est reprise sur les amendements de MM. le ministre de la justice et Nothomb.

M. Wasseige. - Nous avons pu parfaitement comprendre qu'hier M. le ministre de la justice et l’honorable rapporteur de la section centrale ne se soient point trouvés en mesure de répondre au remarquable discours prononcé par mon honorable ami M. Tack. Mais, après 24 heures de réflexion, ce silence ne s'expliquerait plus. Si cependant M. le ministre continue à s'y renfermer, nous ne pouvons pas l'obliger à parler ; mais alors nous pourrons constater et prendre acte de ce fait que son silence est la confirmation complète de la manière dont l'honorable M. Tack a interprété les conséquences des articles 1 et 47, à savoir que toutes les congrégations pour l'enseignement des filles, qui jouissent depuis longtemps de la personnification civile, toutes les congrégations hospitalières sont supprimées par le projet de loi et réunies aux établissements communaux.

Il est bon que la position soit nette et claire ; il est bon que ceux qui sont d'avis d'appuyer de leur vote les articles 1 et 47 sachent à quoi ils s'engagent ; il est bon que ceux qui sont décidés, comme moi, à voter contre la rétroactivité, sachent à quoi l'adoption de l'amendement de mon honorable ami M. Nothomb obviera.

Je répète donc que si M. le ministre s'obstine à ne pas répondre au discours de l'honorable M. Tack, nous prendrons acte que c'est la confirmation complète de toutes les conséquences énoncées par cet honorable membre, et que la question se trouve nettement posée entre la conservation et la suppression des établissements des ursulines, et de tous les établissements religieux qui depuis si longtemps, et sans la moindre réclamation, donnent aux jeunes filles du peuple une instruction religieuse, si propre à en faire de bonnes mères de famille.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je m'étonne, messieurs, que les membres de la droite insistent si vivement pour que le ministre leur donne une réponse.

Depuis le commencement de cette discussion, les ministres ont plusieurs fois répondu aux questions qui leur ont été adressées, et l’on ne tient aucun compte de leurs réponses, ou agit comme s'ils n'avaient point pris la parole.

On continue à reproduire des questions qui ont été posées et auxquelles les ministres ont donné les solutions qu'ils croyaient devoir y donner.

Bien que j'aie déjà deux fois répondu à l'honorable M. Tack et à l'honorable M. de Haerne, l'honorable M. Tack trouve bon de répéter la question qu'il m'avait faite et qui porte, non pas sur les principes, mais' sur l'application qui peut être faite de la loi.

C'est là, messieurs, un genre de discussion que je ne puis admettre pour le projet de loi qui nous est soumis.

Je l'ai repoussé aussi souvent que j'ai eu l'honneur de discuter des lois devant vous ; et notamment lorsqu'il s'est agi du Code pénal. Alors aussi l'on me disait à chaque instant : Si tel cas se présente, quelle solution lui donnerez-vous ? J'ai dit alors et je dis encore aujourd'hui que le ministre ne peut pas donner un avis comme un bureau de consultation ; qu'il ne peut improviser des décisions séance tenante, qu'il ne peut donner une solution à toutes les questions que l'on trouve bon de lui faire.

Je le répète, la loi pose des principes ; elle en laisse l'application, dans certains cas au gouvernement, dans d'autres cas aux tribunaux.

En ce qui concerne la demande qui m'est faite, je m’en étais expliqué très clairement avant que l'honorable M. Tack m'eût interpellé et je trouvais parfaitement inutile de m'en expliquer de nouveau. J'ai dit à l'honorable M. Tack : De deux choses l'une ; en fait de fondations pour l'enseignement ou bien les établissements ont été légalement investis ; les donations ont été faites et acceptées conformément à la loi et alors le projet n'y touchera pas, ou bien c'est illégalement que ces établissements ont été autorisés à accepter, et dans ce cas nous n'entendons pas légaliser ce qui a été fait ; nous n'entendons pas faire le contraire de ce que nous avons soutenu depuis dix ans.

On nous demande aujourd'hui de consacrer la jurisprudence qu'il a plu à la droite de soutenir toujours et de renoncer au système que nous avons défendu. Nous ne le pouvons pas. Nous consacrons la jurisprudence que nous avons soutenue et il me semble que l'on ne peut nous demander autre chose.

Que disons-nous dans l'amendement qui a été présenté ? Nous disons que les fondations rattachées à des établissements incompétents, c'est-à-dire à des établissement qui ont été illégalement investis, doivent être gérées par ceux auxquels le service appartiendra.

Voilà les véritables principes.

Maintenant, dans l'application, nous aurons à examiner chaque cas qui se présentera, nous aurons à l'examiner sous notre responsabilité et sous eè contrôle des Chambres.

Je ne comprends pas qu'on veuille me forcer à m'expliquer sur chaque cas particulier qu'on me propose, me faire dire ce que je déciderai pour telle fondation, ce que je déciderai pour telle autre. Il peut exister des fondations parfaitement légales ; nous n'y toucherons pas. Il y en a d'autres qui ne le sont pas. Eh bien, elles seront rendues au service de l'enseignement public.

A ce propos, on parle toujours de confiscation, de rétroactivité, de spoliation, absolument comme s'il s'agissait de propriété privée. On veut que nous répondions. Mais dois-je donc à chaque instant rentrer dans la discussion, prouver qu'il ne s'agit pas de la propriété privée, qu'il s'agit de propriétés affectées à un service public, et que nous ne détournons pas le moins du monde ces propriétés du service auquel elles sont affectées ?

Et, si nous maintenons la destination qui a été donnée à ces propriétés, si nous continuons à les appliquer au même service, je demande qui a été dépouillé ?

On dépouille quelqu'un d'une chose qui lui appartient. Mais quelqu'un pourrait-il soutenir que les propriétés affectées au service de l'enseignement sont sa propriété à lui, qu'elles lui ont été données à titre (page 968) personnel ? On ne peut les détenir qu'à titre d'administrateur et si ce titre a été conféré sans droit, la loi reste toujours maîtresse de transférer l'administration au représentant légal du service de l’enseignement.

Je ne puis pas donner d'autres explications. On aura beau m'interpeler, je ne puis donner d'autre réponse.

Ces fondations constituent un établissement public avec une affectation à un service public. Nous maintenons l'affectation et nous confions la gestion à l'administration qui a le service dans ses attributions.

Voilà, messieurs, tout ce que je puis dire.

M. de Theux. -- Messieurs, l'amendement que M. le ministre de la justice a déposé hier, est, selon moi, un pas de plus dans la voie de l'intolérance, dans la voie de l'usurpation des fondations.

En effet, il pouvait résulter des doutes de tout ce qui avait été dit dans les séances précédentes. Le ministre ne s'en expliquait pas clairement ; mais hier il a fallu de toute force emporter en quelque sorte d'assaut les institutions qui ont produit et qui produisent encore tant de bien.

Messieurs, il est vraiment inconcevable qu'alors que le gouvernement a admis par la loi interprétative de 1859 le maintien des administrateurs spéciaux pour les établissements charitables, alors qu'il soutenait que ces établissements étaient illégaux, que la loi avait été mal appliquée ; et cependant le vote unanime du Sénat, le vote unanime de la Chambre, l'adhésion du gouvernement consacrent l’état de choses existant et qui avait été créé de bonne foi.

Le plus simple bon sens indiquait qu'il fallait procéder de même ici, d'autant plus qu'il s'agit d'établissements bien plus anciens encore, créés sous l'Empire, sous le gouvernement des Pays-Bas, sous l'empire de notre Constitution et de notre loi communale, par les ministres qui se sont succédé jusqu'à l'époque de la politique nouvelle, mais je dirai malheureuse pour le pays.

Eh bien, messieurs, tout cela doit être renversé aujourd'hui. Hier, on nous le disait.

Mais l'amendement que j'ai présenté avec l'honorable M. Nothomb donne la consécration à tout établissement qui pourrait avoir été fait illégalement.

Eh bien, messieurs, c'est là le but que nous poursuivons. C'est un but utile, louable. A notre amendement, M. le ministre en oppose un autre. Il donne au gouvernement, en vertu de la loi, le droit de confisquer tout cela au profit des communes et des provinces. On nous disait : Les tribunaux n'ont pas admis la personnification de deux ou trois établissements pour des questions dont ils ont été saisis ; mais, comme je l'ai fait observer dans la séance précédente, dans ce cas il ne s'agissait que des droits de ces héritiers vis-à-vis de ces établissements ; mais les tribunaux n'ont jamais eu à prononcer sur l'existence des établissements vis-à-vis du gouvernement.

C'est un cas tout différent, complètement différent.

Est -ce que M. le ministre de la justice va s'emparer de modestes demeures, de quelques petites propriétés qui ont été léguées à ces établissements, pour les attribuer à la commune ?

Va-t-il d'une administration essentiellement pieuse et chrétienne, faite une administration dans un sens peut-être tout opposé, suivant l'esprit qui dominera dans l'administration communale ?

Est-ce là, messieurs, un procédé gouvernemental ? Jamais il ne pourra l'être.

Comment ! en Angleterre, pendant cette longue proscription de tous les cultes autres que le culte anglican, il s'était fait une foule de fondations.

Le gouvernement anglais, qui les trouvait illégales, les a tolérés cependant, parce qu'il était plus tolérant que la loi. Mais lorsque la liberté des cultes a été proclamée en Angleterre, le parlement anglais a adopté un bill par lequel les fondations faites au profit des cultes dissidents en vue de charité ou d'enseignement, ont été validées avec effet rétroactif, et le parlement statua de plus que dans les cas douteux, là où l'exécution littérale de l'acte ne pouvait plus être poursuivie, le gouvernement ferait exécuter ces fondations suivant la religion que le fondateur professait. Et ici c'est précisément parce que la religion du fondateur est connue, parce que c’est la religion catholique, parce que c'est un sentiment pieux, c'est précisément pour cela qu'on veut confisquer les établissements au profit de l'opinion libérale. Eh bien, messieurs, c'est là une manière d'agir qui n'est pas d'un gouvernement vraiment libéral, qui n'est pas d'un gouvernement national.

Et c'est sous l'empire d'une Constitution qui a consacré toutes les libertés qu'on vient ressusciter cette misérable question de tracasseries religieuses et rentrer en plein dans la voie funeste que le gouvernement des Pays-Bas a suivie pendant plusieurs années. Et cela s'appelle de l'intelligence gouvernementale !

Et ces établissements quel mal ont-ils fait ? N'ont-ils pas le droit de demander au gouvernement, à la législature : Pourquoi nous persécutez-vous ? Est-ce à raison des bienfaits que nous avons répandus pendant un temps plus ou moins considérable parmi les populations qui avaient besoin d'instruction ?

Non seulement nous les avons instruites, mais nous avons formé le cœur et l'intelligence des jeunes gens et des jeunes filles ; nous nous sommes efforcés d'en faire de bons citoyens et de bonnes mères de famille. Les populations fréquentent avec empressement nos établissements ; les administrations communales n'ont jamais articulé aucune plainte contre nous ; vos inspecteurs de l'enseignement primaire et de l'enseignement moyen n'ont jamais eu aucun reproche à nous faire.

Pourquoi donc ces persécutions ? Nous ne pouvons les comprendre, si ce n'est au nom de l'opposition à notre culte ; sinon vous béniriez les fondateurs et s'il y avait quelque chose d'irrégulier au point de vue de la légalité des établissements, vous diriez : La bonne foi du gouvernement, le bien public, les services rendus par ces établissements exigent que leurs droits soient consacrés, bien qu'on ne permette plus d'en créer de nouveaux.

N'est-ce pas assez de disposer pour le présent et pour l'avenir de tous les budgets, de toute la fortune publique, faut-il encore confisquer ce petit patrimoine de la religion catholique qui, après tout, vous a civilisés vous-mêmes ?

M. Tack. - Messieurs, j'ai peu de chose à répondre à M. le ministre de la justice qui refuse de rencontrer les observations que j'ai présentées. L'honorable, ministre me reproche cependant de parler de confiscation, de propriété privée et de rétroactivité ; je ne me suis servi ni de l'un ni de l'autre de ces termes, j'ai eu soin de les éviter.

Je me suis borné à soutenir que votre loi est l'antithèse de la loi de 1859 et qu'elle innove profondément quant au passé. Tant qu'on ne m'aura pas démontré le contraire, j'aurai le droit d'avancer, comme je l'a fait hier, que vous introduisez dans la loi votre jurisprudence dont nous contestons le fondement ; que vous convertissez en disposition législative cette jurisprudence sous le prétexte spécieux qu'elle a été consacrée précédemment par l'article 23 de la loi sur l'enseignement. C'est un moyen adroit d'empêcher les tribunaux de statuer sur votre doctrine, de la soustraire à leur juridiction. Voilà sur quoi on évite de s'expliquer catégoriquement.

L'amendement de M. Nothomb a pour but, dit-on, de faire renaître le système de la loi de 1857, de la loi qu'on a qualifiée de loi des couvents. Non, messieurs ; ce que nous voulons, c'est de reproduire la disposition que vous avez vous-mêmes votée en 1859 sur la proposition de M. Forgeur.

L'amendement de l'honorable M. Nothomb ne s'applique qu'au passé, qu'il maintient tout entier. Votre article 47 embrasse le passé qu'il modifie et statue pour l'avenir dans le sens de vos principes. Est-ce se montrer trop exigeant que de vous demander de respecter les actes ratifiés par les nôtres dans le passé, en nous engageant de notre côté à respecter aussi ceux que vous avez vous-mêmes posés autrefois tout en vous abandonnant l'avenir. En refusant d'adhérer à une pareille proposition, vous déclarez ne vouloir faire aucune concession.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, deux mots de réponse à l'honorable M. Tack.

L'honorable membre prétend que nous voulons faire consacrer notre jurisprudence par la loi. C'est là encore une erreur.

Est-ce que nous déclarons d'une manière absolue que les fondations faites, par exemple, en faveur de certains établissements seront nécessairement transférées à l'administration quia le service de l'enseignement dans ses attributions ? Nous disons que ce sont les fondations rattachées à des administrations incompétentes qui seront remises aux administrations légales.

Et bien, le cas échéant, qui décidera si l'établissement est compétent ou ne l'est pas ? Ce sont les tribunaux et dès lors comment peut-on prétendre que nous touchons à des droits acquis ? S'il pouvait y avoir des droits acquis en pareille matière, ce ne pourrait jamais être qu'au profit d'établissements compétents qu'autant que l'administration ait été investie conformément à la loi. Si l'établissement était incompétent, évidemment il n'y a de droits acquis, à aucun point de vue.

En deux mots, si les établissements étaient compétents, on les laisse investis des fondations en faveur de l'enseignement qu'ils ont acceptées ; que si, au contraire, ils étaient incompétents, il n'est que juste que ces fondations soient administrées par ceux auxquels elles auraient dû être attribuées dès le principe.

(page 969) L'honorable comte de Theux vous a parlé de fondations religieuses d'esprit religieux auquel on vient faire la guerre ; il ne s'agit pas de fondations faites à tel ou tel culte, il n'y a pas lieu de citer l'Angleterre qui aurait reconnu pour le culte catholique des fondations qui n'étaient tolérées qu'en faveur du culte protestant ; il ne s'agit pas de dépouiller qui que ce soit, il ne s’agit que d'une question d’administration, nous rendons simplement l'administration à ceux qui auraient dû l'avoir.

Un mot quant à la question de rétroactivité, en matière de bourses d'études ; je ne comprends pas que M. de Theux vienne encore combattre le système que le gouvernement propose.

Il a toujours soutenu qu'il n'existait pas une seule fondation eu vertu de laquelle on puisse forcer un élève à aller étudier à Louvain.

M. de Theux. - Sauf les clauses expresses.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Vous avez dit qu'il n'y avait pas une seule fondation reconnue en Belgique.

M. de Theux. - Je n'ai jamais dit cela !

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Ce mot « jamais » est de trop ! je vais l'établir devant la Chambre.

Quand on discutait en 1835 la loi sur l'enseignement supérieur, il y avait des membres qui étaient grands partisans du maintien d'une université à Louvain, et une des raisons qu'ils donnaient à l'appui de cette opinion était précisément l'existence de dotations qui existaient près de cette université.

Voici ce que disait au Sénat dans la séance du 23 septembre 1835, l'honorable M. de Haussy :

« Enfin il est une autre observation, messieurs, sur laquelle je désire attirer votre attention, et qu'on semble avoir perdue de vue. Il s'agit des dotations de l'ancienne université de Louvain. Si j'en crois des personnes à même d'être bien informées, l'importance de ces dotations s'élèverait à 100,000 francs de revenu ; quelques-uns même les portent à 200,000 francs. Certes, la conservation de ces revenus ne devrait pas être négligée par le gouvernement ; en mettant l'université à Louvain, l'Etat s'enrichirait de cette somme (M. le ministre de l'intérieur fait un signe négatif et demande la parole), ou bien elle serviraitàa apporter des améliorations à l'enseignement universitaire. »

Et voici comment l'honorable comte de Theux répondait. J'appelle sur cette réponse l'attention de la Chambre ; elle est-la condamnation la plus formelle, la plus absolue de tout ce que la droite a soutenu dans ce débat :

« M. de Theux, ministre de l'intérieur. - ... Mais, a dit un honorable membre, vous ne remarquez point que l'université de Louvain a été dotée de sommes immenses et qu'en maintenant le siège de l'université en cette ville, vous lui assurez un revenu de 200,000 fr.

« M. de Haussy. - J'ai dit 100,000 fr., mais il y a dos personnes qui croient que ces sommes s'élèvent à 200,000 fr.

« M. de Theux, ministre de l'intérieur. - Le chiffre au reste importe peu ; je vais prouver qu'il n'en est rien.

« Les revenus de l'ancienne université de Louvain ont été incorporés dans les revenus généraux de l'Etat, sous l'empire français. Les biens de l'université ont été tous vendus, il ne lui en reste rien. Ses seuls revenus actuels consistent donc en la fondation de bourses. Or je puis assurer qu'il n'y a aucune fondation de bourses, reconnue par le gouvernement, qui oblige les titulaires, ceux qui en jouissent, à faire leurs études à Louvain, plutôt qu'ailleurs ; on a au contraire stipulé cette condition expresse, quant aux universités et quant aux collèges, que les titulaires pourraient étudier indistinctement dans l'une ou. l'autre université. De telle manière qu'il est vrai de dire en quelque sorte que l'université de Louvain n'a pas un centime de revenu. »

M. de Moor. - Qui parlait ainsi ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable M. de Theux, à la séance du Sénat du 23 septembre 1835, répondant à M. de Haussy.

Et l'honorable M. de Theux insistait, en ce qui concerne la liberté du boursier ; il ajoutait :

« J'ajouterai que les bourses fondées à l'université de Louvain sont bien loin de monter à la somme dont on a parlé ; je crois pouvoir assurer qu'elle n'excède pas 80,000 francs. Elles ont subi des pertes considérables, mais, je le répète, les titulaires de ces bourses peuvent faire leurs études dans telle université qu'ils jugent à propos de même que les titulaires des autres bourses. »

M. de Theux. - Je demande la parole.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Ainsi, à cette époque du 23 septembre 1835, M.de Theux, affirmait d'une manière formelle qu'il n'y avait pas dans le pays une seule fondation reconnue par le gouvernement qui pût forcer les élèves à aller étudier plutôt dans une université que dans une autre, et que les stipulions les plus expresses ne pouvaient sous ce rapport leur enlever leur liberté pleine et entière. Or, aujourd'hui que voulons-nous faire ? Mais précisément ce que l'honorable M. de Theux déclarait en 1835.

Est-ce qu'aujourd'hui ces principes sont changés ? Est-ce que, à l'époque où l'on supprimait cette université, on ne déclarait qu'il y avait liberté pleine et entière que sous réserve de revenir sur cette déclaration le jour où l'université de l'Etat à Louvain serait remplacée par l'université catholique ?

Je crois, messieurs, qu'aptes une pareille déclaration on est mal venu à prétendre que nous voulons dépouiller qui que ce soit et que nous faisons de la rétroactivité pour spolier des établissements privés. L'honorable comte de Theux l'a au surplus déclaré, l'université de Louvain n'a pas un centime de revenu. De quoi donc pouvons-nous la dépouiller ?

Je crois donc, messieurs, qu'il n'y a pas le moindre doute qu'en proposant le système que nous avons soumis aux délibérations de la Chambre, nous sommes restés fidèles aux principes qui ont toujours été soutenus et par l'opinion libérale et, à une autre époque, par l'honorable M. de Theux lui-même.

M. de Theux (pour un fait personnel.) - Il y a peu de jours, lorsque j'invoquais la circulaire de l'honorable M. Rogier, du 31 mars 1833, et que je disais que cette circulaire faisait néanmoins une réserve pour le cas exceptionnel où une clause expresse de l'acte de fondation désignerait le lieu d'études, M. le ministre de la justice niait carrément que cela se trouvait dans la circulaire.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je demande la parole.

M. de Theux. - Mais, messieurs, lorsqu'en 1857 je citais à l'honorable M. Tesch, alors membre de l'opposition, les lois françaises et que je lui prouvais, de la manière la plus évidente, que les lois sur la confiscation des bourses ou leur réunion à l'administration des hospices n'avaient jamais été publiées en Belgique, attendu que la Belgique, à cette époque, n'était pas réunie à la France, l'honorable M. Tesch niait carrément aussi.

Je lui ai dit alors : Mais effacez donc les dates des diverses lois françaises, et aussi longtemps que vous ne les aurez pas effacées, tout ce que j'ai avancé restera vrai.

Aujourd'hui l'honorable M. Tesch nous dit que par la loi actuellement en discussion il propose de faire exactement ce que, dans la discussion de 1835, devant le Sénat, j'assurais exister. Or, l'honorable M. Tesch oublie un seul fait, mais ce fait est capital ; c'est que par son projet actuel il confisque l'administration et la collation, qui sont le grand point en discussion et que, dans la discussion de 1835, il n'était nullement question de cela au Sénat.

M. de Haussy lui-même parlait dans le même sens à cette époque ; il n'y avait personne alors d'opinion assez avancée dans les deux Chambres pour avouer de telles intentions.

Voilà, messieurs, pour le principal.

Mats arrivons maintenant au cas spécial.

J'ai dit, en 1835, que je ne connaissais point une seule fondation reconnue par le gouvernement, qui obligeât à fréquenter un établissement déterminé, Louvain en particulier ; et effectivement je n'en connaissais pas à cette époque. Mais je n'ai jamais dit que, s'il existait tel ou tel acte particulier qui renfermât une clause expresse à cet égard, il fallait les supprimer de par la loi. J'aurais compris le contraire de ce que l'honorable M. Rogier avait dit en 1833, et certes vous ne me prêterez pas l'intention de vouloir être moins libéral, quant aux fondations de cette nature, que mon prédécesseur, l'honorable M. Rogier ; il serait évidemment absurde de me prêter cette intention.

Depuis, la circulaire de l'honorable M. Rogier a été confirmée par divers avis du comité des bourses, composé d'éminents jurisconsultes, et dont le personnel a été souvent changé.

Mais j'ai reproduit dans la discussion générale ce fait que lorsque l'honorable membre prétendait que la bourse dont on réclamait le rétablissement devait appartenir uniquement aux étudiants de Louvain, je m'y suis opposé.

J'ai dit que je ne pouvais pas admettre cette prétention ; qu'en vertu du principe de la liberté, les étudiants devaient pouvoir étudier dans l'établissement de leur choix.

Est-ce que je prétends le contraire aujourd'hui ? Nullement, messieurs, mais je maintien .que quand il y a une clause spéciale désignant l'établissement où les études doivent se faire, dans ce cas tout à fait exceptionnel, il ne nous appartient pas de changer l'acte de fondation.

J'ai parlé en règle générale, d'après l'ancien principe de droit (page 970) de minimum non curat praetor ; et il ne me paraît pas qu'il fût possible de procéder autrement dans une grande discussion comme celle-là ; l'on disait que l'université de Louvain allait jouir de 100,000 à 200,000 fr. de revenus ; eh bien, j'ai dit qu'il n'en était rien alors, comme je dis qu'il n'en est rien non plus aujourd'hui.

J'ai dit que les biens de l'ancienne université de Louvain, en tant que biens patrimoniaux de l'université telle qu'elle existe aujourd'hui, je les maintiens encore ; mais je n'ai jamais étendu cela aux bourses, attribuées aux collateurs spéciaux suivant les actes de fondation et aux termes de l'arrêté de 1823.

Ainsi, tout cela s'explique parfaitement. Mais si je voulais fouiller dans les anciens discours de M. le ministre de la justice, si habile à détourner l'attention de la Chambre et du pays du véritable point de la discussion pour s'arrêter à des pointes d'aiguilles ; si je voulais procéder ainsi, messieurs, maïs je mettrais M. le ministre de la justice en contradiction constante avec lui-même.

Mais ce n'est pas ainsi que l'on discute devant un parlement ; on prend les arguments dans leur ensemble, dans leur grandeur, et l'on ne s'applique pas à chercher une aiguille dans une botte de foin, si je puis me servir de cette expression vulgaire.

Mais ce n'est pas ainsi que l'entend M. le minière de la justice ; dans tout le cours de cette discussion il s'est constamment appliqué à détourner l'attention des grands principes qui sont ici en cause. Voilà sa manière de discuter ; celle-là n'a jamais été la mienne.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Le discours de l'honorable M. de Theux vient de prouver une fois de plus qu'il est parfaitement inutile que le ministre de la justice palie, car ainsi que je le disais tout à l'heure, on ne tient jamais compte des paroles qu'il prononce, ni des arguments qu'il présente. L'honorable M. de Theux vient de me dire que je n'avais jamais osé traiter la question à son véritable point de vue. C'est un reproche que j'ai, à bien plus juste titre, le droit de faire à la droite. J'ai évidemment abordé très franchement la question de principe. Ce qui domine cette discussion, c'est la question de savoir ce que c'est qu'une fondation. Est-ce un établissement public ? Quelle est la nature des fonctions qu'exercent les administrateurs ? Qu'est-ce qu'une mainmorte ? A quel titre agit le fondateur ?J Dans quels cas y a-t-il effet rétroactif ? Quels sont les droits des pouvoirs publics sur les fondations ?

Voilà, je crois, les questions de principe que j'ai examinées, et j'ai le droit de dire qu'on ne m'a pas répondu, et qu'on a toujours passé à côté de ces questions.

Et au cas actuel, quel est le point qui a été principalement traité par la droite ? C'est le point de savoir si les boursiers auront le droit de faire leurs études partout où ils le voudront. Ce point est évidemment compris dans le débat. Je cite l'opinion que l'honorable M. de Theux a manifestée en 1835 : il proclamait alors les mêmes principes que nous. Or, si les élèves ont le droit d'aller faire leurs études partout où ils le veulent, comment peut-on prétendre que nous dépouillons l'université de, Louvain, que nous méconnaissons la volonté du fondateur, que nous portons atteinte à leurs intentions ?

L'honorable M. de Theux dit ensuite : Quand je vous ai lu dernièrement la circulaire de l'honorable M'. Rogier et quand je vous disais qu'il s'en était référé à la volonté des fondateurs, vous avez nié carrément. C'est de la part de l'honorable comte de Theux une erreur complète. J'ai donné moi-même lecture de cette circulaire, je l'ai insérée en entier dans mon discours.

Que fait l'honorable M. de Theux ? Il prend dans la circulaire de l'honorable M. Rogier une phrase générale et il laisse de côté la phrase suivante qui l'expliquait et qui révélait l'opinion de l'honorable M. Rogier quant à l'université de Louvain dont il s'occupait.

M. de Theux. - Que chacun la lise et l'on saura ce qu'il en est.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Certainement que chacun la lise. Il s'agissait de bourses affectées à l'université de Louvain, et l'honorable M. Rogier disait :

« Dans ce cas la règle fondamentale est que l'on doit observer scrupuleusement la volonté dn fondateur ou s'y conformer par équivalent, autant que possible, lorsque des changements, amenés par le temps ou les révolutions, sont survenus. »

Voilà la phrase que vous invoquez, je l'ai lue. Maintenant, voyons l'explication qui suit immédiatement et que vous vous abstenez soigneusement de citer.

« Ainsi, par exemple, lorsque le fondateur a désigné l'université de Louvain, le boursier peut être autorisé à suivre les cours des universités de Gand ou de Liège, s'il le préfère, parce qu'il est présumable que s'il eût existé trois universités au lieu d'une seule, à l'époque où le fondateur vivait, il aurait étende sa disposition aux trois universités du pays, et que, d'ailleurs, l'ancienne université de Louvain ayant été supprimée, elle est remplacée maintenant par les trois nouvelles. »

Voilà la phrase spéciale relative à l'université de Louvain, et l'on a bien soin de ne jamais en faire mention. On fait ici ce qui a été fait dans la presse. Ou a produit le commencement de la phrase et l'on a supprimé la fin, où l'honorable M. Rogier expliquait ses intentions, où il disait comment il entendait qu'on pourrait faire respecter la volonté des fondateurs en laissant toute liberté au boursier qui avait le droit de choisir Gand, Liège et les autres universités existantes à cette époque.

L'honorable M. de Theux nous a entretenus de la discussion de 1857. Je ne retire pas un mot de ce que j'ai dit dans ce débat. L'honorable comte de Theux a invoqué une loi, j'en ai invoqué une autre. Si j'avais pu prévoir les reproches de cette nature, j'aurais repris les discussions qui ont eu lieu à cette époque et j'aurais montré à l'honorable M. de Theux que les lois dont j'ai parlé ont été publiées en Belgique.

M. B. Dumortier. - J'admire beaucoup avec quel talent l'honorable M. Tesch détourne le débat. (Interruption.) De quoi s'agissait-il tout à l'heure ?

Il s'agissait non pas des bourses d’études, dont nous avons parlé beaucoup, mais de la question des écoles.

Eh bien, l'honorable M. Tesch n'ayant rien à répondre ou ne voulant rien répondre, se rejette sur la question des bourses d'études, dit à l'honorable comte de Theux : Vous avez dit telle chose à telle époque ; l'honorable M. Rogier n'a pas dit telle chose à telle époque. Il détourne la question.

Eh bien, moi, je rentre dans la question.

J'ai déjà fait remarquer à la Chambre toute la portée de l'article 47 du projet du gouvernement, au point de vue des écoles existantes. Cet article porte :

« Dans un délai qui ne pourra excéder un an à partir de la publication de la présente loi, la gestion des biens de toutes les fondations d'enseignement ayant une administration distincte, ou rattachés à des établissements incompétents, sera par arrêté royal pris sur l'avis de la députation permanente de la province et des administrations intéressées, remise aux administrations compétentes d'après la présente loi pour régir des fondations semblables, en appliquant, s'il y a lieu, les dispositions des articles 32 et 33 ci-dessus. »

Ainsi, que l'honorable M. Tesch ne vienne pas nous dire qu'il n'y a ici qu'une distinction entre les établissements compétents et les établissements incompétents. Il s'agit ici de « toutes les fondations d'enseignement » quelles qu'elles soient. Elles seront toutes, par le fait de l'article en discussion, confisquées au profit de la commune.

Les arguments présentés par M. le ministre, ses réticences n'existent point dans la loi. Il n'y a point là de distinction : » Toutes les fondations d'enseignement. » Maintenant quelles sont ces fondations d'enseignement ? Recourez aux articles de la loi auxquels s'en réfère l'article, et vous verrez que dans le chapitre premier, il s'agit des fondations en faveur de l'enseignement public, que par l'article premier, les libéralités en faveur de l'instruction primaire sont réputées faites à la commune, que par l'article 7, les libéralités en faveur de l'enseignement moyen ou de l'enseignement public, et que les libéralités, sans indication ni désignation, sont réputées faites au profit de l'Etat.

Ainsi toutes les écoles fondées, toutes les fondations d'enseignement aujourd'hui autorisées par arrêté royal, si elles s'appliquent à l'instruction primaire, seront confisquées au profit de la commune, si elles s'appliquent à l'enseignement moyen, elles seront confisquées au profit de l'Etat.

Voilà ce qui est évident, voilà ce qui est clair comme la lumière du jour. Par conséquent la loi vient rapporter tous les arrêtés royaux existants ; la loi annule d'un trait de plume tous les arrêtés impériaux et royaux octroyés depuis le commencement de ce siècle à des établissements d'instruction, et elle attribue la gestion des biens, l'administration, c'est-à-dire la propriété pleine et entière à la commune si c'est l'instruction primaire, à l'Etat si c'est l'enseignement moyen.

Maintenant quelles sont ces écoles ? Pour l'instruction primaire, des écoles de pauvres filles donnant l'instruction aux pauvres enfants dans la localité ; pour l'instruction moyenne, ce sont des collèges de femmes, des institutions d'enseignement moyen destinées à la femme, des établissements pieux où les mères de famille envoient leurs demoiselles. C'est là ce que vous confisquez par la loi. Remarquez-le bien ; quand j'ai posé ces principes, les ministres n'ont pas contesté, ils n'ont pas osé nier ; ils ont toujours prétendu que c'étaient là des établissements incompétents ; et pourquoi ? Parce que dans ces établissements il y a des pensionnaires ; (page 971) et de là il conclut qu'il y a incompétence. Voilà l'argument ministériel, l'autorisation a été donnée à tel établissement par arrêté royal à donner l'instruction aux enfants pauvres ; il ne s'est pas borné à donner l'instruction aux enfants pauvres, il y a adjoint un pensionnat, il est incapable de posséder, je m'empare de tous ses biens, j'exclus les religieuses, j'exclus les enfants des écoles.

Voilà le principe et les conséquences. J'appelle l'attention de la Chambre sur cette mesure, qui est une mesure révolutionnaire, digne de Joseph II et de 93.

Vous aurez beau secouer la tête, c'est là la portée de l'acte que le gouvernement vous convie à poser.

J'ai vu dans ma jeunesse le gouvernement des Pays-Bas expulser de ma ville natale les frères de la doctrine chrétienne d'un établissement fondé par la piété et la charité de trois hommes de la ville de Tournai.

En vertu de votre loi, je vais voir expulser toutes les religieuses qui donnent l'éducation des filles dans la Belgique pourvu qu'elles aient reçu la personnification civile. Car des établissements existent en vertu du principe de l'association, ceux-là on ne peut pas y toucher ; un autre, pour avoir une garantie, s'est adressé à l'empereur, au roi Guillaume, du roi, n'importe à qui, a demandé la personnification civile et l'a obtenue.

Violant la foi qu'on a eue dans le gouvernement, vous lui enlevez ses biens et vous les attribuez à la commune.

C'est un acte de la plus flagrante iniquité ; tout mon sang se révolte en présence d'un pareil acte. Quand vous vous serez emparés des biens, vous croyez que les religieuses continueront à donner l'instruction à vos enfants ? Non ! non ! Elles sortiront de l'école où la main impure du gouvernement aura été introduite, elles partiront emmenant vos filles. Voilà la position que vous leur aurez faite.

Et vous ne reculez pas devant ce tableau dont je vous présente une page, de ces religieuses, de ces saintes filles abandonnant leur maison dont vous vous serez emparés, et s'éloignant la croix en tête et suivies de leurs élèves !!

Je demande à la gauche d'être réfléchie dans son examen, de ne se décider qu'après avoir bien mesuré la portée de l'acte qu'elle va poser ; une pareille question prime de beaucoup toutes les autres. Jamais principe aussi révoltant n'a été introduit dans les lois les plus réactionnaires, jamais on n'a été jusqu'à s'emparer du bien d'autrui.

Pour assurer l'expulsion de ces saintes filles, de ces anges de vertu, vous les empêchez d'aller jusqu'à la cour, devant les tribunaux.

Les tribunaux n'ont pas à examiner la constitutionnalité des lois, ils doivent appliquer les lois sans examiner par qui elles ont été faites ; vous leur enlevez même le recours devant les tribunaux. Vous avez beau dire qu'il s'agit d'établissement d'enseignement ; vous n'aviez pas fait assez, il vous a fallu aller jusqu'aux simples hospitalières ; aussi arrivez-vous en même temps, avec un amendement, pour frapper les hospitalières qui donnent l'enseignement aux enfants pauvres, afin de vous emparer de leurs revenus, de leurs biens ; c'est une épée avec laquelle vous frappez tous les établissements de femmes, tous les établissements religieux qui font l'éducation des jeunes filles, sans lesquels la société belge n'existerait pas un instant.

De pareilles choses crient vengeance au ciel ! Il est impossible de rien imaginer de plus contraire à la Constitution que la mesure que vous voulez faire adopter par la Chambre ; si elle était admise, il n'y aurait plus qu'à s'envelopper dans son manteau et à dire : Finis Volontae!

M. Bara, rapporteur. - Je crois nécessaire d'apporter un peu de lumière dans ce débat pour dissiper la grande émotion à laquelle je vois en proie mon honorable concitoyen M. Dumortier. Je vais lui répondre de la manière la plus claire, et je puis l'assurer qu'il n'y a dans la loi rien de ce qu'il y trouve ; ses frayeurs sont chimériques. Que fait le projet de loi ? Modifie-t-il la législation existante ?

M. B. Dumortier. - Oui !

M. Bara, rapporteur. - Vous dites oui ; moi je dis non. Rapporteur de la section centrale, je dis non ; l’honorable ministre de la justice, auteur du projet de loi, dit non ; vous dites oui, mais si ceux qui ont préparé et étudié le projet de loi dans tous ses détails disent non, vous votez sous le bénéfice de nos déclarations.

M. B. Dumortier. - Il s'agit de savoir comment vous entendez la législation ancienne.

M. Bara, rapporteur. - Ce que vous voulez est contraire à la législation existante, ce que vous voulez, c'est égarer le pays. Que veulent MM. Dumortier et de Theux ? Ils veulent une chose : faire entrer, dans la loi que nous faisons, le projet de loi de 1857 de M. Nothomb.

C'est ce que nous ne voulons pas, ce que nous ne pouvons pas vouloir. (Interruption.) Vous protestez ! Mais vous protesterez après moi ; entendez les arguments que je vais vous présenter, sinon vous vous exposerez à vous livrer encore à toutes les exagérations que vous venez de faire entendre. (Interruption de M. Dumortier.) Je n'ai pas votre poitrine.

Eh bien, messieurs, il faut relire l'article 47 du projet de loi :

« Dans un délai qui ne pourra excéder un an, à partir de la publication de la présente loi, la gestion des biens de toutes les fondations d'enseignement ayant une administration distincte, ou rattachés à des établissements incompétents, sera par arrêté royal pris sur l'avis de la députation permanente de la province et des administrations intéressées, remise aux administrations compétentes d'après la présente loi pour régir des fondations semblables, en appliquant, s'il y a lieu, les dispositions des articles 32 et 33 ci-dessus. »

Quelles sont les hypothèses prévues par cette loi ?

D'abord les fondations d'enseignement ayant des administrations distinctes.

M. B. Dumortier. - Elles en ont toutes.

M. Bara, rapporteur. - L'honorable M. Dumortier dit : Toutes les congrégations vont disparaître ; tous les établissements particuliers vont être supprimés. Eh bien, veuillez me citer un établissement d'instruction ayant une administration distincte légale.

M. B. Dumortier. - Toutes dans notre pays.

M. Bara. - Un instant. Il ne s'agit pas de dire : une administration distincte quelconque. Car en définitive il faut que cette administration soit légale. Je ne reconnais pas, quant à moi, d'administration publique quand elle n'est pas légale. Si les administrations sont légales, elles sont maintenues.

M. B. Dumortier. - Mettez-le dans la loi.

M. Bara, rapporteur. - Cela est dans la loi, puisque la loi ne change rien. Voulez-vous que nous ajoutions le mot « légale » ? Cela ne me ferait rien ; mais cela serait ridicule, attendu qu'il n'y a pas d'administration lorsqu'elle n'est pas légale.

Ainsi donc les mots : « ayant une administration distincte », signifient ayant une administration légale distincte.

Mais vous prétendez que nous devons légaliser parce que nous faisons ici toutes les illégalités qui ont été commises par les régimes précédents en matière de fondations d'hospitalières et autres. C'est ce que nous ne pouvons pas faire. Nous ne voulons pas innover ; nous voulons laisser le passé intact. Nous voulons laisser ces questions à l'appréciation des tribunaux. Et que prétendez-vous faire avec votre système de 1857 ? Vous prétendez passer l'éponge sur le passé et sur toutes les illégalités qui ont été commises.

Je le répète, nous ne pouvons consentir à cela. Que pouvez-vous demander ? C'est de laisser le passé intact ; c'est de laisser la législation ancienne dans tout son état. Nous le laissons ; nous ne touchons en rien à cette législation ancienne.

Maintenant il est vrai qu'il existe des fondations d'enseignement illégales. Ainsi je cite un exemple ; et je me demande si l'honorable M. Dumortier voudra maintenir une pareille administration.

Par arrêté du 29 décembre 1844, le séminaire de Malines a été autorisé à accepter une donation lui faite par la douairière Baré de Comogne d'une maison avec dépendance, à la condition d'en laisser la jouissance aux frères des écoles chrétiennes ou à toute autre communauté de religieuses enseignantes, au choix de l'archevêque.

Eh bien, l'honorable M. Dumortier dit : Voilà une administration distincte. Il y a des petits frères ; il y a le séminaire qui administre les fonds ; donc il faut la maintenir. Mais cet arrêté, discutez-le ; prouvez-nous qu'il est légal ; prouvez-nous que le ministre qui a signé cet arrêté a posé un acte en conformité de la loi. Vous n'oseriez pas le soutenir !

L'honorable M. Tack disait tout à l'heure : C'est votre jurisprudence à vous que vous voulez introduire dans la loi, mais ce n'est pas la jurisprudence du pays. Qui est chargé de fixer la jurisprudence ? Ce sont les cours et les tribunaux. Or, les cours et les tribunaux sont parfaitement de notre avis et ils sont contraires au vôtre. (Interruption.) Non ? Vous allez voir ; ce ne sera pas long. Je prends le dernier arrêt de la cour de cassation. Il a été rendu le 14 mai 1859. Le roi Guillaume avait accordé aux sœurs de Wez-Velvain, fixées dans l'arrondissement qu'habite l'honorable M. Dumortier, dans l'arrondissement de Tournai, la personnification civile. Cette maison tenait un établissement d'aliénés ; elle avait de plus une école gratuite pour les tilles.

Contre qui plaidait-elle ? L'honorable M. de Theux disait tantôt que l'on avait vu surgir des procès entre les particuliers et les administrateurs des fondations, mais qu'on n'en avait jamais vu entre le gouvernement et ces administrateurs, C'est une erreur complète.

(page 972) L'arrêt a été rendu en cause de l'Etat belge lui-même, le ministre des finances. Le gouvernement venait déclarer que la maison de Wez n'avait pas la personnification civile et comment s'explique la cour de cassation ? vous allez le voir :

« Attendu que les congrégations religieuses qui peuvent être instituées avec jouissance des droits civils sur le pied du décret du 18 février 1809, sont exclusivement celles qui tout désignées, à l'article premier de ce décret, de la manière suivante : Les congrégations ou maisons hospitalières de femmes, savoir : celles dont l'institution a pour but de desservir les hospices de notre empire, d'y servir les infirmes, les malades, les enfants abandonnés ou de parler aux pauvres des soins, des secours, des remèdes à domicile ;

« Attendu que ce texte ne s'applique qu'aux congrégations vouées au service, au soulagement des pauvres ; que cela est certain et expressément dit quant à celles qui portent des soins, des secours, des remèdes à domicile ; que la même chose est également certaine à l'égard des congrégations vouées au service des infirmes, des malades et des enfants abandonnés, puisque le décret exige expressément qu'elles soient hospitalières et qu'elles se livrent à ce service dans les hospices de l'empire ; que cette double condition implique nécessairement leur consécration au service au soulagement des pauvres ; qu'en effet, d'une part, la qualité d'hospitalières suppose, dans les personnes qui la méritent, une mission de charité purement gratuite ; que c'est parce que ces sortes de religieuses ont pour objet de leur institut le soulagement des pauvres que le nom d'hospitalières leur a été donné ; que d'ailleurs l'exposé des motifs de ce décret définit ce qu'il faut entendre par congrégations hospitalières en disant que : le seul but de leur règle est de donner aux pauvres tout leur temps et l'abnégation de tout autre intérêt que celui des pauvres ; que d'autre part, dans le sens grammatical et usuel des mots : les hospices ou les hôpitaux sont des maisons de charité établies pour recevoir, traiter et nourrir gratuitement les pauvres infirmes ou malades, et les enfants abandonnés qui sont aussi des pauvres, puisque par le fait, ils sont dépourvus des moyens d'existence et incapables de s'en procurer ; qu'au surplus, d'après les lois des 16 vendémiaire an V, 16 messidor an VII et autres dispositions concernant ce que le décret précité appelle : les hospices de notre empire, ces hospices sont essentiellement ouverts aux indigents. »

Ainsi, messieurs, vous le voyez d'après ce qui précède, l'empereur et le roi Guillaume n'ont pu accorder la personnification civile qu'à des sœurs hospitalières, qu'à des sœurs vouées au soulagement des pauvres à domicile ou dans les hôpitaux. Il faut que le but de leur institution soit de porter des secours aux pauvres à domicile ou dans les hôpitaux.

Eh bien, que voulez-vous faire ? Vous voulez faire déclarer par la Chambre dans une loi qu'on va reformer le décret de 1809, et que l'on va rendre légaux tous les actes illégalement posés. Cela n'est pas possible ; vous ne pouvez avoir de pareilles prétentions, dans une loi sur les fondations de bourses d'études et au profit de l’enseignement publie.

Nous maintenons le décret de 1809.

Il y a plus : il n'y a pas seulement que ces maisons et femmes dont parle l'honorable M. Dumortier, mais il y a encore d'autres fondations d'enseignement qui sont aux mains d'administrations incompétentes ; ainsi il y a des séminaires qui sont chargés de fondations d'enseignement, il y a des fabriques d'églises, il y a des bureaux de bienfaisance, l'archevêque de Malines aussi, je crois, est chargé d'une fondation d'enseignement.

Prétendez-vous que toutes ces administrations sont compétentes ? Vous le prétendez ? Mais alors vous le plaiderez devant les tribunaux.

Vous disiez tout à l'heure : ces administrations n'auront pas le droit de plaider. Elles l'auront parfaitement, parce que la loi ne décide rien quant à cela. Par conséquent, lorsque le gouvernement, par arrêté royal, voudra leur enlever leurs biens, ces prétendues administrations légales s'y opposeront. Elles diront : la loi actuelle n'ayant rien changé aux principes des lois existantes, j'ai le droit d'avoir mon administration distincte ; donc je ne dois pas être réunie à la commune ou à telle ou telle autre administration.

Vous devez donc, sous le bénéfice des explications que nous vous donnons et qui sont celles du gouvernement, accepter la loi. Vous ne devez pas crier à la spoliation. Dans l'espèce, c'est vous qui spoliez. (Interruption.) Vous allez le voir tout de suite.

Je suppose qu'un particulier s'empare d'un bien de l'Etat. Viendrez-vous prétendre qu'il en est propriétaire, parce qu'il s'en est emparé ? Evidemment non. Eh bien, une administration incompétente s'est emparée d'un bien affecté à un service public. N'cst-il pas loyal, n'est-il pas légal de faire retourner ce bien à l'administration à laquelle il appartient et de l'affecter de nouveau à ce service public ?

Mais vous voulez faire consacrer toutes les illégalités qui ont été commises. Mais c'est vous qui allez contre tous les principes de l'honnêteté publique. (Interruption.)

Je vous dis ceci : les couvents, les hospices, les bureaux de bienfaisance, les séminaires qui sont en possession de fondations d'enseignement, sont des tiers sans compétence, sans aucun titre ni droit ; ils se sont emparés de ces biens par l'inattention du pouvoir exécutif ; eh bien, nous voulons les leur faire rendre et vous prétendez que nous sommes des spoliateurs du bien d'autrui. Il suffira donc de se mettre en possession d'un bien quelconque pour en être propriétaire, voilà votre théorie.

L'honorable M. de Theux nous oppose la loi de 1859, et cette loi a déjà joué un grand rôle dans la discussion. Mais, messieurs, c'est une matière toute difféicnte ; dans la loi de 1859 on a fait une concession, je l'admets ; pour ma part, je ne l'aurais pas votée, mais enfin elle a été faite.

Mais, je le répète, la matière était toute différente : qu'est-ce qu'une fondation en matière d'enseignement ? Mais c'est l'enseignement public donné par des corps spéciaux. L'enseignement par voie de fondation n'est pas un enseignement privé.

C'est un enseignement public, car ces administrations spéciales des fondations, ce sont des délégués de la nation.

Eh bien, vous avez déclaré formellement par la loi de 1842 que pas un centime ne pourrait être dépensé pour l'enseignement public sans entraîner le contrôle de la commune, des inspecteurs cantonaux et provinciaux et du gouvernement ?

Ainsi on a monopolisé en 1842 aux mains de la commune et de l'Etat, l'enseignement primaire. Aujourd'hui, que voulez-vous faire ?

Vous voulez créer, à côté de cet enseignement, un enseignement par fondations. Mais cela n'est pas possible, c'est contraire à toute votre loi de 1842. Vous êtes en contradiction manifeste avec ce principe que vous défendiez alors, qu'il ne pouvait pas y avoir un centime dépensé pour une école, sans que cette école tombât sous le régime de la loi.

Ensuite, messieurs, en 1859 il s’agissait de fort peu d'établissements, tandis qu'il s'agit aujourd'hui d'établissements qui sont aux mains des fabriques d'église, aux mains des séminaires, aux mains des bureaux de bienfaisance et qui sont mal dirigés parce que les fabriques d'église, les bureaux de bienfaisance, etc., ne sont pas aptes à donner l'enseignement.

Or, nous ne pouvons pas sacrifier les principes d'une bonne administration au plaisir de maintenir les établissements dont il s'agit.

Nous faisons observer les vrais principes, lorsque, d'après la législation existante, nous disons que les fabriques d'église, les séminaires, les bureaux de bienfaisance ne sont pas capables pour diriger des établissements d'instruction. Nous le disons, remarquez-le, non par la loi actuelle, mais par la législation existante, qui reste intacte et que vous pourrez discuter devant les tribunaux comme vous l'entendrez.

.Vous devez vous contenter de cette déclaration, et si vous ne vous en contentez pas, c'est que vous voulez faire dire à la loi autre chose, c'est que vous voulez faire sanctionner les actes illégaux qui ont été posés dans le passé. Or, c'est ce que la majorité libérale ne vous accordera jamais, car vous ne pouvez pas obtenir aujourd’hui ce que vous n'avez pas obtenu en 1857.

M. Nothomb. - Messieurs, nous assistons à une discussion vraiment singulière : quand nous vous reprochons de porter la main sur toutes les corporations religieuses qui donnnt légalement l'instruction, vous nous répondez : Allez devant les tribunaux. Et à l'instant même vous retirez cette espèce de concession par les propres termes de votre amendement qui vous permettront d'absorber, à votre gré, toutes les fondations qui sont rattachées à un établissement incompétent. (Interruption.)

C'est cependant comme cela, et puisque vous m'interrompez, j'insiste. Quand nous vous disons : Ces corporations ont, de par la loi, qualité pour enseigner, vous nous répliquez : Prenez votre recours devant le pouvoir judiciaire ; et de suite, sans désemparer, vous inscrivez dans votre loi un article qui déclare ces corporations incompétentes. En même temps que vous leur dites d'aller revendiquer leur droit devant les tribunaux, vous avez ce droit, vous proclamez sur tous les toits, l'honorable ministre comme l'honorable rapporteur, leur incompétence pour donner l'enseignement ! Que voulez-vous dès lors que fassent les tribunaux ? (page 973) Vous préjugez vous-même la question. Non, non, votre prétendue concession n'est pas sérieuse, elle n'est qu'illusoire, et ce que vous donnez d'une main, vous le retirez de l'autre. Cela est clair comme le jour.

C’est votre procédé habituel. Ainsi de la liberté d'enseignement en général. Quand nous signalons vos empiétements, vos tendances au monopole, vous nous répondez : De quoi vous plaignez-vous, la Constitution ne vous donne-t-elle pas cette liberté ? Mais en même temps vous nous mettez dans l'impossibilité d'en faire usage, vous nous prenez l'air et les aliments et vous nous dites : Vivez.

Maintenant je veux sortir des généralités et rentrer dans les choses pratiques ; j'espère que M. le ministre de la justice et M. le rapporteur voudront bien répondre aux deux questions que je vais avoir l'honneur de leur adresser.

J’entends parler des congrégations hospitalières, c'est d'elles principalement que je me préoccupe, c'est en vue de ces corporations respectables à tant de titres, que j'ai rectifié surtout mon amendement. Or donc, je demande d'abord à M. le ministre de vouloir bien nous dire s'il admet que les sœurs hospitalières peuvent donner l'enseignement gratuit. Ensuite je demande si elles peuvent être autorisées à. donner accessoirement un enseignement rétribué ?

J'insiste pour que M. le ministre veuille bien me répondre, car tout dépend de là. Il nous faut, pour pouvoir nous prononcer en connaissance de cause, savoir si vous déniez au décret de 1S89, relatif aux sœurs hospitalières, le caractère et les effets que tous les gouvernements lui ont attribués depuis qu'il existe. J’attends votre réponse.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je n'ai pas de réponse à donner à cette question. (Interruption). Et je déclare que ce n'est pas à moi de la décider. (Interruption.) Est-ce que la loi décide quels sont les établissements compétents et quels sont les établissements incompétent- ?

L'honorable M. Nothomb nous dit : « Ce que vous donnez d'une main vous le retirez de l'autre. » C'est une erreur, nous mettons dans la loi que les fondations rattachées à des établissements incompétents seront restituées au service légal de l'enseignement, mais nous ne disons pas quels sont les établissements incompétents.

Je regarde, moi, comme étant incompétent un établissement de sœurs hospitalières, qui donne accessoirement un enseignement rétribué. Je suis d'accord en cela avec la jurisprudence ; mais que demain la jurisprudence vienne à changer, dans ce cas ce ne sera plus un établissement incompétent.

Si la jurisprudence actuelle se maintient, j'aurai beau dire aujourd'hui à M. Nothomb : « Un établissement de sœurs hospitalières peut donner accessoirement un enseignement rétribué, ce n’est pas un établissement incompétent. » Mes paroles n'auraient aucune autorité.

Mon opinion n'est pas la loi et les tribunaux pourraient n'y avoir aucun égard. Si nous inscrivions nos opinions dans la loi, je comprendrais que M. Nothomb vînt dire que nous retirons d'une main ce que nous donnons de l'autre ; mais je ne fais pas passer mon opinion dont la loi et les tribunaux resteront maîtres de décider si les congrégations peuvent donner un enseignement gratuit et accessoirement un enseignement rétribué.

M. Nothomb. - Messieurs, cette réponse de M. le ministre de la justice ne résout pas du tout la question que j'ai eu l'honneur de lui adresser. (Interruption.) Permettez ; vous introduisez ici une disposition basée sur l'incompétence de certains établissements à donner l’enseignement et nous vous demandons si les corporations hospitalières sont compétentes ou non. Vous n'osez pas répondre. Cependant de votre réponse dépend le sort qui leur sera fait. S'il résulte de cette réponse qu'elles sont compétentes pour donner l'enseignement gratuit et même accessoirement rétribué, elles échapperont à toute espèce de poursuites.

Je ne comprends vraiment pas que M. le ministre ne consente pas à se prononcer sur une pareille question ; il est impossible qu'il n'ait pas une opinion arrêtée sur ce point, qui est capital... (Interruption.)

Je vous demande quel est votre sentiment sur la capacité des sœurs hospitalières pour se livrer à l'enseignement. Si vous leur reconnaissez cette capacité, si par là vous les soustrayez à l'action de votre article 47 que nous discutons, elles seront à l'abri d'une foule de tracasseries que nous voulons leur épargner. Elles continueront paisiblement leur admirable œuvre. L'intérêt public le commande et le respect dont le monde entier entoure cette généreuse institution trouvera certainement de l’écho dans cette Chambre. Si au contraire la réponse de M. Je ministre est négative ou seulement évasive, les sœurs de la charité seront exposées à des vexations qui troubleront leur sainte mission et qu'il serait indigne de la Belgique de leur infliger.

Mais puisque M. le ministre s'obstine à ne pas répondre catégoriquement à ma question, je répondrai pour lui par tout ce qui s'est passé depuis 1809. Je ne veux pas, messieurs, vous fatiguer et je n'en ai plus le temps ; je pourrais entretenir la Chambre de cette question pendant une heure, il n'en est pas de plus connue ; nous l'avons jadis discutée à satiété. Je la résume, et je me borne à rappeler que lorsque Portalis a soumis à l'empereur Napoléon le décret de 1809, il a positivement déclaré, dans son rapport, que l'enseignement gratuit est un des objets essentiels de l'institution des sœurs hospitalières.

C'est la déclaration de l'homme illustre qui a conçu le décret, c'est ce que l'empereur a approuvé, et c'est ce que depuis lors le gouvernement impérial a fait dans plus de 200 décrets qui ont autorisé des corporations hospitalières, avec la faculté de donner l'enseignement gratuit et même rétribué. Le roi Guillaume a pris au-delà de 70 arrêtés dans ce sens, el le gouvernement national, depuis 1830, au-delà de 40.

C'est la pratique suivie par tous les ministres depuis 1830 jusqu'en 1847, n'importe le parti politique auquel ils appartinssent. C'a été l'opinion de M. Ernst comme de M. Lebeau, de M. Liedts comme de M. Leclercq, et c'est enfin celle de l'honorable M. Rogier. (Interruption. )

Pourquoi m'interrompre ? J'allais prouver ce que je dis : En 1850, l'honorable ministre des affaires étrangères a soutenu cette opinion contre son collègue d'alors du département de la justice qui déniait aux sœurs hospitalières la capacité d'enseigner.

J'ai produit la correspondance dans le temps. Elle est imprimée dans nos discussions de 1857. L'honorable M. Rogier, en 1850, a revendiqué énergiquement pour les sœurs de charité le droit de donner l'instruction gratuite ; j'affirme que l'honorable ministre l'a soutenu et signé !

Voulez-vous une autre opinion ? c'est celle de l'honorable M. Leclercq, énoncée dans un acte solennel, dans un rapport au Roi, qu'il adressait en 1841, étant ministre de la justice, afin d'autoriser une corporation hospitalière à accepter une fondation pour l'enseignement.

Voici ce que disait M. Leclercq : ceci est important ; la Chambre et le pays tout entier attachent une juste et considérable valeur à l'autorité de M. le procureur général près la cour de cassation.

M. Leclercq ne s'enfermait pas dans les nuages où se complaît M. le ministre de la justice actuel et s'expliquait fort clairement.

Jugez-en plutôt :

« Le gouvernement français, et le gouvernement des Pays-Bas et le gouvernement de V. M. ont successivement reconnu et autorisé des congrégations religieuses ayant pour objet l'instruction publique ou le soulagement des malades.

« Le décret du 18 février 1809 veut que les statuts de ces sortes de congrégations soient soumis à l'approbation du chef de l'Etat.

« Il existe dans la commune d'Anseghem, Flandre occidentale, une association dite des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, dont le but principal, d'après les statuts qu'elle soumet à la sanction de V. M., est de tenir un hospice, d'y soigner des vieillards et des vieilles femmes infirmes, ainsi que d'autres nécessiteux, et d'y élever des orphelins et des enfants abandonnées ; de donner gratuitement l'instruction et d'apprendre à travailler aux enfants pauvres de la commune ; de tenir une école rétribuée, et un pensionnat de jeunes filles pour l’enseignement des langues flamande et française, de la lecture, de l'écriture, de l'arithmétique, etc., et des ouvrages de main.

« Le double but, si philanthropique et si utile de cette institution répond tout à fait au vœu de loi.

« Les différents articles de ces statuts n'ont rien de contraire aux lois et ils sont la reproduction des clauses ordinaires des statuts d'autres associations qui V. M. a déjà approuvées.

« Par l'article 7, les sœurs attribuent à leur association les bâtiments et terrains qui actuellement leur servent d'habitation et de jardin, et qui sont évalués à 12,000 francs.

« Elles y affectent de même les meubles et autres objets qui s'y trouvent actuellement. Elles veulent toutefois que, si leur association venait un jour à être supprimée, les meubles et immeubles qui lui appartiendraient deviennent la propriété du bureau de bienfaisance d'Anseghem, à la charge de continuer leur but de charité et à la condition de payer, à la concurrence, toutefois, du revenu acquis, des pensions aux religieuses alors existantes.

« Les avis de l'administration locale, de Mgr l'évêque du diocèse et de la députation du conseil provincial sont tous favorables à la demande des sœurs hospitalières.

« Je pense aussi qu'il y a lieu de l'accueillir et j'ai, en conséquence, l'honneur de soumettre à l'approbation de V. M., le projet d'arrêté ci-joint. »,

Tel était le langage de l'honorable ancien ministre ; il est impossible d'affirmer d'une manière plus nette la compétence des hospitalières.

(page 974) Tout à l'heure j'ai parlé des arrêtés royaux pris dans ce sens ; il y en a une quantité. Je citerai par exemple un arrêté du 13 mai 1840, contresigné Liedts, qui autorise la communauté des sœurs de Waerschoot à donner :

1° L'instruction gratuite aux enfants pauvres ;

2° A tenir une école pour les enfants de la bourgeoisie moyennant une légère rétribution.

Je rappellerai un arrêté du 3 juin 1840, du même ministre, l'honorable M. Liedts, qui autorise les sœurs de Ghistelles à tenir un pensionnat de jeunes filles.

Je pourrais étendre cette énumération, mais ceci suffit à montrer que M. Liedts n'avait pas de doutes sur la compétence des sœurs hospitalières.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Cela a été condamné par les tribunaux.

M. Nothomb. - Cela n'a pas été condamné par les tribunaux ; vous donnez à l'arrêt de la cour de cassation du 11 mars 1848 une portée qu'il n'a pas ; c'a été une question spéciale ; il s'agissait des sœurs de Sainte-Marie qui ne sont pas des hospitalières ; et nous nous occupons ici des hospitalières particulièrement ; il n'y a qu'un seul arrêt, et il n'a trait, je le répète, qu'à un point spécial. La question au fond n'est pas jugée...

Et puisque vous m'interrompez, M. le ministre, je vous dirai que je m'étonne grandement de votre respect subit pour les décisions de la cour de cassation. Je me souviens du temps où la cour de. cassation a condamné solennellement votre doctrine en matière de charité ; vous avez méprisé cette décision, et du coup vous l'avez brisée, ainsi que la loi communale ; voilà comment vous pratiquez le respect envers la chose solennellement jugée !

Et aujourd'hui vous l'invoquez sur un point spécial, isolé, dans une question qui n'a pas été tranchée. Mais montrez-moi donc un arrêt qui décide que les sœurs hospitalières n'ont pas qualité pour instruire les enfants pauvres !

J'en appelle de vous à l'honorable M. Rogier, votre collègue ; il protestera avec moi, j'en suis convaincu ; j'ai son opinion de 1850 sous les yeux et l'honorable membre tiendra à cœur de s'associer à nous pour protéger ces sœurs hospitalières que l'univers entoure de sa vénération et de sa reconnaissance !

A quoi bon discuter davantage ? Je constate, en terminant, le silence de M. le ministre de la justice et j'ai le droit de dire que sa loi est obscure, ambiguë, et qu'elle cache un piège.

M. Pirmez. - Messieurs, je ne veux pas m'engager dans le fond même de la question dont je ne connais pas tous les détails ; mais il me paraît assez facile d'aplanir la difficulté qu'on signale et de répondre au désir qui est exprimé des deux côtés de la Chambre.

L'honorable M. Nothomb ne veut pas qu'on préjuge par la loi que certains établissements n'ont pas d'existence légale ; d'un autre côté, l'honorable M. Bara veut maintenir entière la législation actuelle.

Dès lors, je ne comprends vraiment pas pourquoi nous discutons et pourquoi nous avons un article à voler. En rejetant la proposition faite par nos honorables collègues de la droite, nous éviterons de consacrer des dispositions dont la validité est au moins douteuse, d'arrêtés royaux dont la légalité est au moins contestable. D'un autre côté, en refusant de voter la disposition proposée par le gouvernement et la section centrale, nous éviterons d'encourir le reproche de vouloir influencer, dans le sens de la nullité de ces actes, la décision des tribunaux.

Il me semble donc qu'en ne portant aucune disposition sur cette matière nous laisserons intactes toutes ces questions, et en laissant comme on semble unanime à le vouloir, la solution aux tribunaux.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cela n'est pas possible.

M. Pirmez. - Si les arrêtés qui ont été pris sont illégaux, le gouvernement pourra en faire disparaître les effets ; si, au contraire, ils sont légaux, ils conserveront toute leur force.

Celte solution est évidemment la plus sage, puisque nous n'encourons ni le reproche de faire de la rétroactivité, ni celui de donner l'existence à ce qui ne serait pas légal.

Je recommande, du reste, d'autant plus, ce système que je ne crois pas que la Chambre soit disposée à entrer dans un examen approfondi de cette question qui surgit d'une manière tout à fait inopinée, ni à se livrer à l'étude d'arrêts dont la discussion prolongerait nécessairement pendant plusieurs jours encore ce débat déjà trop long.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne puis pas me rallier à la proposition de l'honorable M. Pirmez et, je crois que quelques mots suffiront pour prouver qu'elle n'est pas admissible.

L'article 47 s'occupe de deux choses : des fondations de bourses et des fondations d'enseignement, si vous supprimez la disposition de l'article 47, les fondations de bourses resteront dans la situation où elles sont aujourd'hui.

II faut une disposition pour les attribuer à l'administration qui est organisée par le projet et c'est précisément le but de l'article 47. Quant aux fondations d'enseignement, nous sauvegardons tous les droits, en introduisant dans l'article les mots « administrations incompétentes », et notre déclaration à cet égard doit évidemment suffire, puisque nous laissons à l'appréciation des tribunaux toutes les questions que l'on vient de soulever.

On nous demande de décider ces questions. Nous ne le pouvons pas ; notre déclaration sauvegarde tous les droits en présence du texte de la loi, qui ne remet aux administrations de l'enseignement que les fondations gérées aujourd'hui par des administrations incompétentes. La déclaration que nous faisons à cet égard doit suffire, nous ne portons aucune atteinte aux fondations, gérées aujourd’hui par des administrations véritablement compétentes.

M. B. Dumortier. - Mais vous confisquez les autres.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Nous ne confisquons rien du tout, puisque je laisse tout au service pour lequel les fondations ont été faites.

Ainsi, pour rendre ma pensée bien claire, je suppose que les tribunaux admettent ce système, que le décret de 1809 permet d'accorder la personnification civile à des congrégations religieuses exclusivement pour l'enseignement gratuit, ou à des congrégations qui donnent accessoirement un enseignement payant, il en résultera que les sœurs hospitalières ne seront pas des administrations incompétentes.

Que voulez-vous de plus ? Je sauvegarde tous les droits. Mais je ne puis pas, moi, décider cette question. Car si je venais dire, par exemple, avec l'honorable M. Nothomb, que les sœurs hospitalières ont le droit non seulement de donner l'instruction primaire gratuite, mais encore de donner un enseignement payant ; quelle serait la valeur de ma déclaration ?

Elle n'empêcherait pas les tribunaux de décider que les sœurs hospitalières sont incompétentes et qu'elles n'ont pas la personnification civile pour un semblable objet. Qu'on nous permette donc de ne rien décider et de nous borner à nous réserver les moyens de rentrer dans la légalité ; nous ne demandons pas autre chose.

M. Bara, rapporteur. - Je crois que l'honorable M. Pirmez n'a pas saisi complètement le but de l'article en discussion ; car il ne suffit pas de décider ce qui arrivera des fondations d'enseignement rattachées à des établissements incompétents ; il faut encore les donner à quelqu'un, et c'est précisément ce que fait la loi. Actuellement les communes ne sont pas compétentes ; il faut donc bien dire que ces administrations appartiendront aux communes. De sorte que si cela ne te trouvait pas dans la loi, il y aurait une lacune, on ne saurait à qui ces fondations appartiendraient.

Mais il y a un moyen de satisfaire tout le monde ; c'est d'ajouter aux mots : « établissements compétents », ceux-ci : « d'après les lois existantes ». De cette façon la question restera complètement entière ; elle se décidera d'après les lois existantes. Si les hospitalières ont, comme le prétend l'honorable M. Nothomb, le droit de conserver leur administration distincte, elles la conserveront.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il n'est plus possible de dire d'après les lois existantes, attendu que cela pourrait s'appliquer aussi aux fondations de bourses.

M. Bara, rapporteur. - Evidemment, l'article devrait être remanié. L'addition que je propose est, je le reconnais moi-même, sans utilité en présence des déclarations faites à la Chambre. Du moment qu'on déclare laisser les lois existantes intactes, il est évident que par administrations incompétentes il s'agit d'une incompétence d'après les lois existantes. L'honorable M. Nothomb peut donc être parfaitement rassuré.

Si les hospitalières prétendent avoir l'institution civile d'après le décret de 1809, eh bien, elles conserveront leur administration particulière. Mais que veut l'honorable M. Nothomb ? Il veut faire déclarer par M. le ministre de la justice que toutes les hospitalières ont été instituées conformément au décret de 1809, et il dit : Que M. le ministre fasse. cette déclaration, et les hospitalières ne seront plus inquiétées.

C'est une erreur, messieurs ; l'opinion de M. le ministre de la justice n'aurait qu'une valeur de doctrine, et le ministre qui lui succéderait pourrait parfaitement interpréter le décret dans un sens différent.

Il n'y a donc ici qu'un simple malentendu. Nous ne changeons pas le décret de 1809 et dès lors nous pouvons tous voter l'amendement.

(page 975) M. B. Dumortier. - J'avoue que je ne comprends rien à cette manière d'argumenter. Quand mon honorable ami M. Nothomb demanda une explication au ministre, on dit : A quoi bon ? Ma réponse n'aurait que la valeur d'une doctrine personnelle, et quand il s'agit de la loi, M. le ministre nous dit : Fiez-vous à mes explications. Mais ces explications sont-elles autre chose que l'expression d'une doctrine personnelle ? Nous ne vivons pas sous un régime explicatif, mais sous un régime représentatif, et la loi doit être claire et précise pour tout le monde.

Or, dans tout ceci, qu'est-ce qui me frappe ? C'est que M. le ministre et M. le rapporteur ne cessent d'argumenter du décret de 1809 en donnant à ce décret une portée qui leur est particulière et en écartant tous les faits qui se sont produits depuis la chute de l'empire.

Oui, des fondations ont été faites sous l'empire du décret de 1809 ; niais les arrêtés du roi Guillaume n'ont pas été pris, eux, en vertu du décret de 1809, mais en vertu du pouvoir absolu que lui avait conféré la loi fondamentale en matière de bienfaisance ; et ces arrêtés sont d'une légalité incontestable.

Maintenant que fait-on ? Eh bien, je me demande, quand j'entends poser cette question : De ce qu'un établissement quelconque est constitué en personne civile pour donner l'instruction aux pauvres, a-t-il le droit oui ou non de donner l'instruction rétribuée ? Non, dites-vous ? Je demande si nous vivons sous le régime de 1830. Quoi ! parce que j'ai reçu la personnification civile et que j'exécute la condition qui y est mise, je serais privé de tous les droits donnés aux Belges par le titre II de la Constitution !

Je suis constitué personne civile pour donner l'instruction aux pauvres. J'ai une école de pauvres ; mais parce que je suis personne civile, je suis privé des droits consacrés par la Constitution, je n'ai plus le droit de faire ce que tous les Belges ont le droit de faire. Vous ne pouvez pas priver les personnes civiles des droits dont tout le monde jouit, dont on ne peut être privé que quand on a perdu ses droits civils. Quiconque n'a pas perdu ses droits civils a le droit de les exercer. On ne peut pas lui Imposer d'incompétence, je ne comprendrais pas que les tribunaux décidassent que des personnes qui n'ont pas perdu leurs droits civils fussent privées de l'exercice des droits constitutionnels. Quand j'ai obtenu la personnification civile, dès l'instant que je donne l'instruction aux pauvres je remplis la condition mise à l'octroi de la personnification, je jouis en dehors de cela de tous les droits dont tout citoyen jouit ; on ne peut pas m'enlever les droits de citoyen ; vous voulez considérer les droits de citoyen comme enlevés parce qu'on a eu la personnification civile.

C'est en partant de ce principe que l'honorable membre dit qu'une fabrique d'église, un hospice, un établissement de bienfaisance est incapable pour gérer un établissement d'instruction. Cela n'est écrit nulle part dans la Constitution.

Du moment que la Constitution a dit : L'instruction est libre, vous ne pouvez pas empêcher les citoyens d'exercer ce droit.

On vient dire que dans la loi sur l'instruction primaire, nous avons monopolisé cet enseignement entre les mains de l'Etat et de la commune ; c'est inexact, car la commune ne doit établir d'école qu'autant qu'il n'existe pas d'école privée ; seulement si cette école est adoptée ou subsidiée, elle est soumise à l'inspection.

L'Etat n'a pas le droit de lui faire rendre des comptes, d'entrer dans son domaine intérieur. Par la loi qu'allez-vous faire ? Toutes écoles du clergé, dirigées par les séminaires, les évêchés, les fabriques d'église, vous allez vous emparer de leurs biens, les confisquer.

Vous le voyez, c'est une loi de confiscation que vous faites, cependant la confiscation est interdite par la Constitution, la Constitution l'interdit formellement..

Une fois que vous aurez confisqué les biens des fondations, vous n'aurez qu'un pas à faire pour confisquer les biens de tout le monde.

Je dis que nous sommes en droit de dire et de répéter que la loi que vous présentez est une loi malhonnête qui porte atteinte à la moralité du pays.

M. Pirmez. - Voici la différence que je trouve entre l'article dont il s'agit et la législation actuelle.

Je crains de voir surgir des difficultés que n'aperçoit pas le gouvernement.

On nous dit que l'on décidera seulement que les administrations incompétentes pour donner l'instruction cesseront d'administrer les fondations. Ce n'est pas exact, l'article porte que les biens seront attribués.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Remis à la commune.

M. Pirmez. - Sont remis aux administrations organisées d'après la loi. Je demande si les tiers ne pourront pas venir réclamer ces biens en se fondant sur l'illégalité des établissements qui possèdent les biens.

La loi n'aura-t-elle pas ainsi pour effet d'attribuer à ces administrations des biens qui devraient revenir à des tiers ? S'il en est ainsi, vous faites un changement considérable ; il serait possible que les héritiers du fondateur eussent des droits à réclamer les biens administrés par des établissements incompétents.

Dans ce cas, les biens retourneraient à la famille au lieu d'aller à une administration publique. Pour moi, qui suis peu sympathique aux fondations, je regretterai d'en perpétuer aux dépens des droits des familles.

Vous dites que les héritiers resteront dans leurs droits. S'il en est ainsi, cet article ne signifie rien. On signale cette disposition comme un abus monstrueux, comme une violation des conditions du legs, comme une violation des droits acquis, pourquoi vous exposer à ces reproches si votre article ne signifie rien ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il signifie quelque chose en ce qu'il attribue l'administration des biens à ceux à qui elle appartient.

M. Pirmez. - De deux choses l'une, ou l'article change quelque chose à la législation et alors il a une portée différente de celle que lui donne l'honorable rapporteur, et il est dangereux ; ou il ne change rien et alors il est inutile.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Le dilemme n'est pas exact ; personne ne dit que l'article ne change rien, mais je prétends que le projet ne change que sous le rapport de l'administration, du mode de gestion, mais qu'il ne change rien vis-à-vis des tiers. A part l'administration, les différentes fondations de bourses resteront ce qu'elles sont. Il n'y aura de changement que dans l'ordre administratif ; les droits des tiers sont maintenus, les biens seront attribués aux administrations compétentes et leur seront remis avec les obligations dont ils ont grevés ; on pourra exercer contre les fondations tous les droits qu'on aurait pu faire valoir contre elles, alors qu'elles étaient gérées par les anciennes administrations. Si l'honorable membre le désire, on peut ajouter : « sous réserve des droits des tiers. »

Voulez-vous mettre à la fin de l'article : « sous réserve des droits des tiers » ?

Ces mots seront entendus en ce sens que les individus qui auraient pu attaquer ces fondations, parce qu'elles auraient été faites à une personne incapable, pourraient encore les attaquer aujourd'hui alors même qu'elles auraient été remises aux services incompétents.

M. Pirmez. - Je crois que vous avez oublié dans la nouvelle rédaction les mots « bourses d'études. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - En effet, il faut ajouter les mots « ou des bourses d'études ».

M. Vilain XIIII. -- Je désire faire une question à M. le ministre de la justice et au rapporteur de la section centrale.

Un arrêté illégal peut-il avoir des effets quelconques ?

L'honorable M. Bara nous a dit tout à l'heure que l'arrêté de 1841, par lequel on accepte une donation de madame de Baré de Comogne à l'archevêque de Malines pour les petits frères de la doctrine chrétienne, à Malines, était illégal. Soit !

Eh bien, si cet arrêté est illégal en notre faveur, pourrait-il être légal contre nous ? C'est-à-dire, pouvez-vous, après nous avoir prouvé qu'il ne peut être accepté ou qu'il a été indûment accepté en notre faveur, dire : Nous l'acceptons pour la commune de Malines ?

M. Bara, rapporteur. - Non !

M. Vilain XIIII. - Bien. Sans cela, la confiance que les citoyens auraient eue dans le gouvernement eût été un piège. On aurait tout simplement dépouillé les familles trop confiantes.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, il est toujours très difficile de répondre aux questions que l'on pose de cette manière.

On demande : Un arrêté illégal peut-il produire des effets quelconques ? Distinguons l'ordre administratif et l'ordre des intérêts purement privés.

Il se peut très bien qu'une institution soit valablement faite au fond, qu'elle dépouille les héritiers, et qu'en même temps l'arrêté qui autorise l'acceptation soit illégal, dans ce sens qu'il n'a pas respecté la spécialité des services. (Interruption.)

Evidemment, il peut être illégal sous ce rapport. Cela dépend tout à fait des termes des institutions.

Ainsi je suppose qu'un acte institue clairement les pauvres d'une commune pour des secours à domicile et que l'on ait fait accepter la libéralité par la commission des hospices.

(page 976) Il est évident que les héritiers ne pourront venir réclamer, parce que le bureau de bienfaisance est là pour représenter los pauvres.

L'arrêté serait donc illégal en ce qu'il a attribué aux hospices une gestion qui appartenait au bureau de bienfaisance. Il n'y a là qu'une illégalité au point de vue administratif. Mais les héritiers ne pourront réclamer parce que la volonté du testateur aurait été manifestement de donner pour des secours aux pauvres à domicile.

Voilà la distinction qu'il faut faire.

M. Bara, rapporteur. - Je me permets d'expliquer le non que j'ai répondu à l'honorable M. Vilain XIIII.

Quand j'ai dit non, j'entends que le testateur et ses héritiers auront les mêmes droits contre l'administration publique que ceux qu'ils avaient contre l'administration incompétente.

Si par exemple un legs ou une donation a été faite à une administration qui ne pouvait pas être instituée et que l'Etat ou la commune s'en s'empare, vous pourrez, si l'Etat ou,1a commune n'a pas cette branche d'administration dans son service, contester le droit de l'Etat ou de la commune,

Ainsi, si dans le cas qui vient d'être cité, ce n'est pas le séminaire mais réellement l'école des petits frères de la doctrine chrétienne de Malines, vous pourrez plaider contre l'Etat, et si votre prétention est fondée, le legs deviendra caduc ; mais si le legs est fait pour l'enseignement primaire sans désignation d'établissement privé, alors c'est à la commune qui a été instituée à accepter.

C'est une question qui du reste ne pourra être tranchée que devant les tribunaux. Je ne fais qu'émettre en fait une opinion personnelle que l'étude des faits particuliers de chaque espèce peut modifier.

M. Vilain XIIII. - Alors les fondateurs ont été mystifiés par arrêté royal.

- Plusieurs membres. - Aux voix !

- La discussion est close.

M. Nothomb. - Je constate que nous restons de plus en plus dans les ténèbres. Nous sommes devant une question de principe. Je prends un exemple et le puise dans cet arrêté de l'honorable M. Leclercq, qui a autorisé une congrégation hospitalière à donner l'enseignement même rétribué.

Je suppose qu'une libéralité a été accordée à la congrégation hospitalière dûment autorisée à jouir de tous les droits d'une personne civile. Je suppose encore qu'en vertu de votre système l'arrêté soit annulé et l'incompétence de la congrégation reconnue. Qu'arrivera-t-il ? Vous allez déposséder les congrégations hospitalières régulièrement investies des biens légués ou donnés. A qui donnerez-vous ces biens ? Sera-ce à la famille, à la commune, sera-ce au bureau de bienfaisance ?

Vous voyez bien que vous annulez la volonté des donateurs.

Non seulement vous méconnaissez leurs intentions, mais vous détruisez la fondation dans sa base.

Non seulement vous faites de la réaction, non seulement vous touchez aux droits acquis, mais vous refaites les testaments ou les contrats.

Les transactions qui se sont faites pendant plus de 30 ans, de bonne foi, entre les congrégations hospitalières et des tiers sous la garantie des lois et de la foi publique, en vertu des autorisations royales, les aliénations, les acquisitions, qu'en déciderez-vous ? Comment ferez-vous le partage des biens ?

Vous toucherez aux droits des tiers et vous vous engagez dans une voie insoluble ; quoi que vous fassiez, votre loi restera violente dans son but et astucieuse dans sa forme.


M. le président. - Voici l'amendement de M. Nothomb :

« Les fondations d'enseignement ou de bourses reconnues, soit en vertu des arrêtés-lois du 26 décembre 1818, 2 décembre 1823 et 12 février 1829, soit en vertu d'autres dispositions législatives antérieurement à la publication de la présente loi, continueront à être administrées conformément aux actes d'autorisation, sauf au gouvernement à prescrire, s'il y a lieu, par arrêté royal, les mesures propres à assurer le contrôle de la gestion des biens donnés ou légués et leur conservation. »

Il est procédé à l'appel nominal.

En voici le résultat :

Nombre de votants, 110.

Ont répondu oui, 46.

Ont répondu non, 64.

En conséquence la Chambre n'adopte pas.

Ont voté l'adoption : MM. Dechamps, de Decker, de Haerne, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode, de Montpellier, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, B. Dumortier, Henri Dumortier, d'Ursel, Faignart, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Moncheur, Notelteirs, Nothomb, Rodenbach, Royer de Behr, Schollaert, Snoy, Tack, Thibaut, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van de Woestyne, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Beeckman, Coomans et Coppens.

Ont voté le rejet : MM. de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Lexhy, Ferdinand de Macar, de Moor, de Paul, de Renesse, de Ridder, de Rongé, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Laubry, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Prévinaire, Rogier, Sabatier, Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Volxem, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Ch. Carlier, Crombez, Cumont, David, de Baillet-Latour et Vervoort.


M. le président. - Je mets aux voix l'article 47 proposé par le gouvernement.

- Plusieurs membres : La division !

M. le président. - La division étant demandée, je mets aux voix l'article en ce qui touche les fondations d'enseignement.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal !

- Il est procédé au vote, par appel nominal, sur cette partie de l'article.

Nombre des votants, 110.

Ont répondu oui, 64.

Ont répondu non. 46.

En conséquence cette partie de l'article est adoptée.


M. le président. - Je mets aux voix l'article en ce qui concerne les bourses.

- L'appel nominal est de nouveau demandé.

Il est procédé au vote par appel nominal sur cette partie de l'article.

110 membres y prennent part.

64 répondent oui.

46 répondent non.

En conséquence, cette partie de l'article est adoptée. (Les membres qui ont pris part à ces deux votes sont les mêmes que ceux qui ont pris part au premier. Ceux qui avaient répondu oui au premier appel, ont répondu non aux deux derniers, et ceux qui avaient répondu non au premier appel ont répondu oui aux deux derniers.)

Article 48

M. le président. - Nous passons à l'article 48.

M. Wasseige. - D'après ce qui avait été convenu hier, je pensé que c'est l'amendement que j'ai présenté avec l'honorable M. Vin Overloop qui doit maintenant être mis en discussion.

M. le président. - Les articles 48 et suivants sont la conséquence de celui qui vient d'être voté.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - On pourrait achever les dispositions transitoires et reprendre ensuite les deux questions qui restent à voter.

M. de Theux. - Il faut suivre l'ordre de la loi. Cela peut avoir de l'influence sur les votes subséquents.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je crois qu'il faudrait commencer par l'article 38, c'est à cet article que se rapporte le premier des amendements, celui de l'honorable M. Orts.

M. Wasseige. - L'amendement que j'ai signé avec l'honorable M. Van Overloop a pour objet de faire considérer toute condition non acceptée comme entraînant la nullité de la disposition principale ; l'amendement de l'honorable M. Orts tend, au contraire, à faire considérer comme non écrites les conditions que la loi n'admet pas. Ces deux amendements sont donc jusqu'à un certain point opposés ; le nôtre est radical, absolu, il doit donc avoir la priorité, et je demande que la discussion s'ouvre d'abord sur cet amendement.

Chapitre III. Dispositions générales

Article nouveau

M. le président - La discussion est ouverte sur l'amendement de MM. Van Overloop et Wasseige.

M. Wasseige. - Messieurs, en ma qualité de cosignataire de l'amendement, je crois devoir le justifier par quelques considérations générales. Je serai très bref, la Chambre ayant hâte d'en finir.

Quant au passé, messieurs, tout vient d'être consommé par le vote que la Chambre a émis tout à l'heure. La spoliation est complète pour ce qui concerne les anciennes bourses et les anciennes fondations. Notre amendement a pour objet de soustraire à la rapacité du gouvernement (page 977) quelques débris des libéralités qui pourraient être faites pour l'avenir.

Vous le savez, messieurs, le grand grief qui a toujours été articulé contre la jurisprudence introduite par M. de Haussy dans les questions de bienfaisance, c'est l'annulation des conditions considérées comme contraires à la loi et la confiscation des libéralités, détournées ainsi de leur véritable but. On a dit souvent, et avec vérité ; L'administration s'est arrogé le droit de refaire les testaments à sa guise, c'est contre cette prétention que notre amendement veut réagir.

Vous le savez, messieurs, d'après la jurisprudence adoptée, en supposant qu'un legs soit fait en faveur d'une institution avec administration spéciale et quoiqu'il soit bien démontré que l'intention du testateur ait été soit de faire administrer le legs par une personne qui a sa confiance, soit qu'il ait été fait en faveur de l'enseignement libre ou religieux, on supprime la condition et l'on s'empare du legs pour le donner à la commune, à la province, à l'Etat.

En d'autres termes c'est l'application de l'article 900 du Code civil dans toute sa rigueur, que consacre le projet de loi.

Or, messieurs, l'article 900 du Code civil est une dérogation aux principes généraux sur la matière. Le principe général est, en effet, que celui qui fait une donation entre-vifs ou testamentaire est libre d'y poser telles conditions qu'il juge convenir.

Il pourrait ne pas faire la libéralité ; à plus forte raison peut-il la faire conditionnellement, et dès lors le sort de la fondation se trouve étroitement lié à la condition elle-même.

Ces principes existent pour les donations à titre onéreux dans l'article 1172 du Code civil et il a fallu une disposition spéciale pour y déroger. Cet article 900 du Code civil est, dans sa généralité, une innovation ; il consacre un principe qui n'existait pas dans le droit romain ou qui, du moins, n'y existait que pour les testaments, et encore ce principe était-il fortement combattu par une grande partie des jurisconsultes de l'époque ; mais ce qui est certain, c'est qu'il ne s'appliquait nullement aux donations entre-vifs.

C'est la législation intermédiaire qui a étendu ce principe, par les lois de 1791 et par les lois de brumaire et de nivôse an II, mais il suffit de vous faire connaître la motion d'ordre sur laquelle fut votée la loi du 5 septembre 1791, pour vous faire comprendre que c'était une mesure politique bien plus qu'une disposition de droit civil. Voici, en effet, comment est conçue cette motion d'ordre :

« C'est le moyen, disait-on, d'arrêter les effets malheureux de l'intolérance civile et religieuse ; c'est le besoin de poser de justes bornes aux préjugés et au despotisme de quelques citoyens, qui, ne pouvant se plier aux principes de l'égalité politique et de la tolérance religieuse, proscrivent d'avance, par des actes protégés par la loi, l'exercice de fonctions publiques, l'union de leurs enfants avec des femmes qu'ils appellent roturières ou avec des personnes qui exercent un autre culte religieux ou qui ont une autre opinion politique. »

Vous le voyez, messieurs, le but de cette nouvelle législation était tout politique. Il était tellement politique que les lois de brumaire et de ventôse an II avaient même, comme celle que nous discutons, décrété l'effet rétroactif des dispositions qu'elles consacraient. Il est vrai de dire, toutefois, que cet effet rétroactif fut abrogé dès l'an III.

On agissait exactement comme aujourd'hui, on acceptait la donation et on effaçait la condition.

La disposition même aggravée a passé dans le code avec cette empreinte et, ne nous le dissimulons pas, l'article 900 du code est encore une disposition purement politique.

C'est l'application rigoureuse et souvent arbitraire de cet article qui a donné lieu aux abus les plus graves. C'est à l'aide de cet article que, dans un très grand nombre de cas on s'empare des libéralités tout en rejetant les conditions auxquelles elles sont subordonnées et qui très souvent sont la cause déterminante de la libéralité elle-même.

C'est pour empêcher autant que possible ces abus de se renouveler que mon honorable ami M. Van Overloop et moi nous avons présenté notre amendement.

Les conditions dont il s'agit dans l'article 900 ne sont pas ces conditions impossibles comme de « toucher le ciel de la main, de boire toute l'eau de la mer, » exemples cités par les jurisconsultes romains, mais dans la plupart des cas, ce sont des conditions dont l'illégalité n'est pas clairement apparente.

Eh bien, messieurs, s'autoriser d'un doute sur la portée d'une loi pour accepter une donation en refusant la condition à laquelle elle est subordonnée, je dis que c'est subtiliser la bienfaisance, que c'est abuser de la bonne foi, Ce n'est pas ce que vous pouvez vouloir, et en demandant que dans ce cas la donation soit entièrement nulle comme la condition, je crois que nous nous conformons à l'équité la plus vulgaire.

D'ailleurs, messieurs, l'adoption de notre proposition aura pour effet, dans bien des cas, de faire rentrer les libéralités dans le patrimoine des familles, et c'est ce que vous devez désirer comme nous.

Nos adversaires de la gauche se sont plaints souvent de l'extension d« la mainmorte ; ils ont vu là un grand danger.

On a dit dans le temps que si l'on admettait nos prétentions, une grande partie des propriétés en Belgique deviendraient mainmortables et sortiraient du commerce.

Or, par notre amendement nous demandons précisément qu'on restreigne cette faculté de mainmortes, au bénéfice des familles ; car remarquez-le bien, si le système des conditions non écrites était suivi, les biens aux mains soit des communes, soit des provinces, soit de l'Etat, sortiraient du commerce et deviendraient des biens de mainmorte ; tandis que d'après notre amendement, ces biens feront retour aux familles ; les familles ne seront pas spoliées, plus de captation à craindre, plus d'influence à redouter, et cela doit plaire surtout à vous, messieurs de la gauche, qui êtes si disposés à voir toujours des captations ou des influences illégitimes dans toutes les dispositions envers l'église ou les institutions religieuses.

Voici, messieurs, l'argument principal qu'on emploie pour justifier la disposition de l'article 900 du Code civil : c'est que la cause prédominante, c'est la volonté libérale du disposant, sa volonté désintéressée, libre, spontanée de conférer un bienfait, tandis que les conditions qu'il y ajoute ne sont qu'accessoires dans la pensée, sans que la libéralité y soit subordonnée.

De là je tire au moins la conséquence que lorsqu'il ressort des circonstances du fait que le disposant a subordonné sa libéralité à la condition qu'il y a mise, l'article 900 du Code civil n'est pas applicable.

C'est l'opinion de la plupart des auteurs ; c'est l'opinion de M. Toui-lier ; c'est l'opinion de M. Demolombe ; je désirerais savoir si c'est aussi l'opinion de M. le ministre de la justice.

Je suppose une donation faite en ces termes :

« Je désire me conformer aux lois de mon pays, et dans la supposition que ces lois me le permettent, je lègue une somme de 10,000 fr. à la commune de.....à la condition que cette somme sera employée en faveur de l'instruction primaire à donner par les frères de la doctrine chrétienne. »

Je demande à M. le ministre de la justice si, dans cette hypothèse, il déclarerait la condition et le legs nuls, ou bien s'il accepterait le legs pour la commune en déclarant la condition non écrite. M. le ministre ne répondra pas, c'est son habitude, chaque fois qu'il se trouve embarrassé, ou qu'il craint de faire connaître son opinion.

Je comprends qu'on peut toujours avoir recours aux tribunaux ; mais ce recours aux tribunaux est une chose dispendieuse et qu'on redoute. Ce serait, dans tous les cas, une série de procès que notre amendement aurait pour résultat de prévenir.

Je demande donc avec mon honorable ami, M. Van Overloop, qu'en ce qui concerne les donations entre-vifs et testamentaires faites en faveur de l'instruction primaire, on supprime la règle inscrite dans l'article 900 du Code civil, c'est-à-dire que l'on déclare que chaque fois qu'une condition sera considérée comme contraire à la loi ou à l'ordre public, la disposition elle-même sera caduque.

M. Pirmez. - Messieurs, je pense que l'article 900 du Code civil doit être modifié ; mais il me paraît difficile de faire cette modification dans la loi actuelle. En effet, l'article 900 ne s'applique pas seulement aux fondations en faveur de l'instruction ; il s'applique à toute autre espèce de fondation, notamment aux fondations de charité ; il s'applique surtout aux legs ordinaires, c'est à-dire aux actes purement privés.

Il serait donc convenable de modifier l'article 900 d'une manière générale, de manière à n'avoir pas une disposition législative concernant les fondations de bourses, et une autre disposition législative sur les autres matières.

Il me paraît donc qu'il serait sage de ne pas introduire dans la loi actuelle une disposition modifiant l'article 900 du Code civil, mais de laisser les choses absolument intactes ; de manière qu'après la mise en vigueur de la loi en discussion, on reste sous l'empire de l'article 900, tel qu'il existe, tout en nous réservant de modifier, à la session prochaine, l'article 900 dans sa généralité ; par là toutes les fondations et toutes les dispositions testamentaires seraient soumises uniformément aux mêmes principes.

Messieurs, pour qu'il en soit ainsi, il faut éviter qu'aucune des dispositions de la loi en discussion ne paraisse se rapporter plutôt à l'article 900 du Code civil, tel qu'il existe, qu'à l'article 900, tel qu'il sera modifié, Or, (page 978) l’amendement de l'honorable M. Orts entraîne, à cet égard, un préjugé ; il paraît supposer que l'obligation imposée au boursier de fréquenter les cours d'un établissement déterminé, sera réputée non écrite. Je proposerai de rédiger l'amendement de manière à laisser complètement intact le point de savoir si cette clause sera réputée non écrite ou si elle entraînera la nullité de la disposition. Voici la modification que je propose :

« Le boursier a la faculté de fréquenter un établissement public ou privé à son choix, sans que cette faculté puisse être restreinte par l'acte de fondation. »

Cette modification prouvera à elle seule que toutes les opinions restent entières sur la question soulevée par MM. Van Overloop et Wasseige.

- L'amendement est appuyé.

M. Van Overloop. - Messieurs, notre amendement n'a pas été combattu, et je crois qu'il serait difficile de le combattre. En effet, il tend à consacrer un principe déjà admis par la législation prussienne, par la législation autrichienne, par la législation bavaroise et par la législation sarde. C'est de plus, selon nous, un amendement de bon sens, un amendement d'honnêteté publique.

On dit que notre amendement ne se rattache pas au projet en discussion.

Je pense, au contraire, que l'article 900 du Code civil et notre amendement se lient étroitement au projet de loi.

L'honorable M. Pirmez est entièrement d'accord avec nous sur la nécessité de modifier l'article 900 du Code civil ; mais il propose hic et nunc, si je puis m'exprimer ainsi, une fin de non-recevoir ; il dit que l'article 900 du Code civil s'appliquant à une foule de dispositions, aux legs et donations en matière de bienfaisance comme aux legs et donations en matière d'enseignement, il convient de l'examiner à part, d'en faire l'objet d'un projet de loi spécial applicable à toutes les dispositions de libéralité.

Il est vrai que l'article 900 est applicable aux legs et donations en matière de bienfaisance, mais est-ce là un motif pour maintenir les abus qu'il consacre en matière de donations et de legs en faveur de l'enseignement ?

D'ailleurs, il y a un précédent. J'invoque ici l'arrêté de M. le ministre de la justice lui-même. Lorsque, en 1854, M. Tesch, au nom de la section centrale, présenta à la Chambre le rapport relatif au projet de loi sur les dons et legs, un article du projet statuait que, « dans les dons ou legs charitables, les conditions contraires aux lois, immorales ou impossibles, seraient réputées non écrites, et qu'elles ne vicieraient la libéralité que si le testateur ou donateur avait fait dépendre de cette clause l'existence de la disposition. »

Eh bien, là aussi il s'agissait de l'article 900 du Code civil. C'était une loi spéciale relative à la bienfaisance. On n'hésita pas cependant à modifier l'article 900 dans le sens de l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer avec l'honorable M. Wasseige.

Pourquoi donc repousserait-on aujourd'hui cet amendement, sous prétexte qu'il faut modifier l'article 900 d'une manière générale ? Rien ne s'oppose à ce que vous consacriez le principe dans le projet en discussion. Car, remarquez qu'un projet de loi, modifiant l'art.icle900 dans sa généralité, peut n'être pas présenté de sitôt, peut-être renvoyé aux calendes grecques.

Veuillez, messieurs, réfléchir aux conséquences que peut avoir le rejet de notre amendement.

Je lis dans le projet :

« Art. 52. Les dispositions de la présente loi sont applicables à toutes les libéralités ou fondations au profit de l'enseignement public, ou pour la création de nouvelles bourses, dont l'acceptation n'aura pas été autorisée avant sa mise en vigueur. »

Qu'arrivera-t-il si vous n'admettez pas mon amendement ? Toutes les libéralités en faveur de l'enseignement dont l'acceptation n'aura pas été autorisée avant la mise en vigueur de la présente loi, tomberont sous son application.

Que fera le gouvernement ? Il dira : « J'applique l'opinion de M. de Haussy, je regarde telle condition comme illégale et partant non écrite, je supprime la condition et je prends l'argent. »

Prenons pour exemple le legs de M. Verhaegen. Si vous ne modifiez pas l'article 900 du Code civil dans le sens de notre amendement, que peut-il arriver ?

On dira que les communes, compétentes pour donner l’enseignement primaire, ne peuvent pas se livrer à l'enseignement supérieur, que la condition apposée au legs de M. Verhaegen est contraire aux lois, et doit être réfutée non écrit, et, en conséquence, on autorisera peut-être la commune de Bruxelles à accepter le bénéfice du legs, tout en supprimant la charge qui fait un tout indivisible avec la libéralité.

Au surplus, nous ne demandons que ce que tous les commentateurs progressifs du Code civil demandent, c'est-à-dire la modification de l'article 900.

Nous ne demandons que l'extension de ce que le Code civil décide en matière de substitutions.

La substitution n'est, en réalité, qu'une condition attachée à une libéralité. Je lègue à Pierre un capital de.....à charge de substitution au profit de Paul.

Or, que dit, dans ce cas, le Code civil ? Il dit que la disposition entière est nulle.

Eh bien, pourquoi n'annulerait-on pas en entier les dispositions au profit de mainmortes qui renfermeraient des conditions contraires aux lois ?

Nous nous plaçons au point de vue de l'intérêt des familles, nous demandons l'annulation de toute la disposition, nous demandons que la libéralité reste à la famille si les conditions que le testateur y a attachées ne peuvent pas être exécutées. C'est que pour nous la disposition forma un tout indivisible.

Nous admettons, sinon comme certain, au moins comme probable, que le testateur n'aurait pas fait la libéralité s'il avait su qu'on n'aurait pas exécuté les conditions y attachées ; nous admettons que, dans ce cas, il aurait préféré sa famille à une mainmorte.

Considérer la condition comme non écrite et garder la libéralité, ce n'est pas, veuillez-le remarquer, punir le contrevenant à la loi, c'est punir sa famille.

Je ne pense pas, en conséquence, qu'on puisse ne pas adopter l'amendement que nous avons présenté.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il s'agit d'une disposition de droit commun ; si elle doit être modifiée, il faut qu'elle le soit pour toutes les donations et tous les testaments ; vous ne pouvez pas la laisser subsister à l'égard d'une catégorie de dons et de legs, si vous la supprimez pour les autres.

Je n'ai pas à m'expliquer sur la modification qu'il y a lieu d'apporter au Code civil ; mais quant aux donations, je crois que l'article 900 doit être modifié.

Cependant le principe qu'il consacre n'est pas aussi exorbitant qu'on veut bien le dire. La législation sarde l'a admis pour les donations entre-vifs. La législation autrichienne fait une distinction quant aux donations. Les Deux-Siciles ne l'ont pas admis, non plus que le canton de Vaud.

Le but de la loi est de maintenir cette disposition qui repose, à entendre l'honorable membre, sur un principe condamné par tous les commentateurs.

Ce n'est pas l'opinion de Troplong ni de Demolombe, mais je crois qu'il n'y a pas lieu de discuter plus longtemps cette question ; si l'article 900 doit être modifié, il doit l'être aussi bien à l'égard des particuliers qu'à l'égard des établissements d'enseignement. Si on le modifiait dans une loi spéciale, il arriverait que les donations faites en faveur des particuliers et des bureaux de bienfaisance seraient régies par une autre disposition que les donations faites au profit de l'instruction primaire.

On ne doit pas craindre de voir renvoyer la question aux calendes grecques, car chaque membre de cette Chambre a le droit d'initiative et peut en user.

MM. Pirmez et Van Overloop peuvent saisir la Chambre d'un projet de loi.

M. Wasseige a dit que l'amendement aurait pour but de faire revenir aux familles les biens qui auraient été donnés aux établissements de mainmorte ; mais par substitution on pourrait les faire arriver à des personnes étrangères à la famille ; ce serait le mode de captation le plus général ; on dirait : A défaut de l'établissement au profit duquel le legs est fail, le bien reviendra à tel individu. C'est pour ce motif qu'en 1854 la commission avait proposé une autre disposition destinée à parer aux inconvénients dont je viens de parler.

M. Van Overloop a cité mon opinion en cette matière. C'est à tort. M. Orts faisait partie de la même commission, il doit savoir que je n'ai pas été de l'avis de la majorité sur l'article 900. J'ai défendu les idées que je défends ici. Dans le rapport de la commission, il est dit à quel nombre de voix la disposition a été adoptée. Je faisais partie de la minorité.

M. de Theux. - J'ai une question à adresser à M. le ministre de la justice. Cet amendement a toujours pour objet de lier le donateur alors que les conditions insérées dans l'acte ne sont pas adoptées. Si un donateur venait à mourir avant que le gouvernement ait statué, la (page 979) donation serait-elle acceptée et la condition supprimée ? En matière de donation, cela ne peut pas être. M, le ministre a reconnu qu'il serait déloyal d'accepter une donation sans les conditions, à moins que le donateur n'ait consenti à les supprimer.

Je demande si, après l'acte passé dans les délais prescrits par la nouvelle loi, la donation pourrait être acceptée et la condition supprimée dans le cas où le donateur viendrait à mourir avant qu'une décision fût prise.

Il y a beaucoup d'actes de donation dans les archives du département de la justice, on pourrait attendre pour prendre une décision que le donateur vînt à mourir et alors le gouvernement dirait : J'accepte la donation et je n'admets pas la condition. Il ne faut pas que cela soit possible. Il faut alors stipuler par la loi un délai très court, endéans lequel le gouvernement sera tenu de statuer. Sans cela, c'est un véritable piège tendu au donateur.

Nous avons des donations qui sont dans les archives du département de la justice depuis un grand nombre d'années, et dont les auteurs sont morts depuis longtemps. Acceptera-t-on maintenant ces donations en répudiant les clauses qui y ont été attachées ? Cela ne me paraît pas possible. Si donc, on ne veut pas adopter l'amendement de MM. Van Overloop et Wasseige, il faut au moins qu'on insère cette clause que les donations ne seront valides que par l'assentiment du donateur.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable M. de Theux est dans l'erreur lorsqu'il prétend qu'il y a au département de la justice une masse de donations sur lesquelles il n'a pas été statué et qui ont été faites par des personnes qui sont mortes. Je ne pense pas qu'il y en ait une seule, et je déclare à l'honorable M. de Theux qu'aucune donation dont les auteurs seraient morts ne sera jamais autorisée par moi, si les conditions auxquelles elle a été faite exigent des modifications. cette déclaration est bien nette, bien précise. L'honorable M. de Theux est-il satisfait ? J'ai lieu de le croire.

- Voix nombreuses. - Aux voix ! la clôture !

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

Il est procédé à l'appel nominal sur l'amendement de MM. Van Overloop et Wasseige.

108 membres y prennent part.

45 membres votent pour.

57 membres votent contre.

6 membres s'abstiennent.

En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.

Ont voté pour : MM. Dechamps, de Decker, de Haerne, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode, de Montpellier, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, de Terbecq, de Theux, B. Dumortier, H. Dumortier, d’Ursel, Faignart, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Magherman| Mercier, Moncheur, Notelteirs, Rodenbach, Royer de Behr, Schollaert, Snoy, Tack, Thibaut, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Vande Woestyne, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Beeckman, Coomans et Coppens.

Ont voté contre : MM. de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Lexhy, de Macar, de Moor, de Paul, de Renesse, de Ridder, de Rongé, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Lange, C. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Pirson, Prévinaire, Rogier, Sabatier, Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Volxem, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Carlier, Crombez, Cumont, David, de Baillet-Latour et Vervoort.

Se sont abstenus : MM. Guillery, Laubry, Nélis, Orts, Pirmez et de Boe.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés d'en faire connaître les motifs.

M. Guillery. - Je n'ai pas voulu voter contre l'amendement, que j'approuve en principe, sauf quelques modifications, et je pense, comme l'honorable M. Pirmez, que l'article 900 du Code civil doit être révisé dans son entier, qu'il y aurait injustice à le réviser pour certaines choses et à le laisser complètement en vigueur pour ce qui concerne les particuliers. D'un autre côté, en adoptant cet amendement j'aurais craint de m'associer à un blâme contre l'application faite par le gouvernement de l'article 900 du Code civil ; tandis que, d'après moi, cette application est saine et doit être approuvée.

M. Laubry et M. Nélis déclarent s'être abstenus pour les mêmes motifs.

M. Orts. - Je me suis abstenu, parce que je suis partisan du principe consacré d'une manière très large, selon moi, par l'amendement de M. Van Overloop. J'admets la réforme de l'article 900 du Code civil, mais dans les limites qu'avait fixées la section centrale de 1854.

M. Pirmez. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que l'honorable M. Orts.

M. de Boe. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que l'honorable préopinant.

Chapitre II. Fondations au profit de boursiers

Article 38

M. le président. - Nous reprenons l'article 38, ainsi conçu :

« Le boursier a la faculté de fréquenter un établissement public ou privé, à moins que le fondateur n'ait stipulé qu'il devra suivre les cours d'un établissement organisé par la loi.

« Toutefois, le boursier ne pourra opter qu'entre les établissements du pays.

« Le gouvernement pourra, sur la demande de la famille et après avoir pris l'avis de la commission administrative, autoriser les études à l'étranger. »

M. Orts propose de remplacer les deux premiers paragraphes parla disposition suivante :

« Le boursier a la faculté de fréquenter un établissement public ou privé du pays à son choix.

« Toute clause contraire aux actes de fondation est réputée non écrite.

« § 3 (comme au projet.) »

La section centrale adopte cet amendement mais elle en modifie la rédaction dans les termes suivants :

« Quelles que soient les stipulations de l'acte de fondation, le boursier a la faculté de fréquenter un établissement public ou privé à son choix. »

Les autres paragraphes de l'article 38 sont maintenus.

M. Pirmez se rallie au premier paragraphe proposé par M. Orts et remplace le paragraphe 2 par ces mots ajoutés au premier paragraphe : « sans que cette faculté puisse être restreinte par l'acte de fondation. »

Enfin vient l’amendement de M. de Theux qui est ainsi conçu :

« Quelles que soient les dispositions contraires, l'étudiant jouissant à ce titre soit d'une bourse, soit d'une faveur quelconque résultant d'actes de fondations, de budgets de l'Etat, de la province, de la commune, ou de tout autre établissement public, a la faculté de fréquenter un établissement public ou privé à son choix.

« Ces bourses et ces avantages seront conférés par les commissions provinciales, à moins qu'un autre mode de collation ne soit déterminé par des lois spéciales ; dans ce dernier cas, la liberté de l'étudiant restera néanmoins entière.

« Il n'est point dérogé, par la présente loi, aux dispositions en vigueur pour les écoles normales primaires ou d'enseignement moyen. »

MM. Orts et Bara déclarent se rallier à l'amendement da M. Pirmez.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je m'y rallie également ; mais s'il est adopté il faut nécessairement maintenir les deux derniers paragraphes de l'article 38 du projet.

M. Orts. - C'est entendu.

M. de Theux. - Je modifie mon amendement en retranchant les premiers mots : « quelles que soient les dispositions contraires ».

La Chambre, par son vote, a centralisé toutes les fondations et les administrations de bourses et elle a établi des commissions provinciales pour les collations. Je crois avoir suffisamment démontré dans la discussion générale toutes les fâcheuses conséquences de ces dispositions quant aux anciennes fondations ; je me dispenserai de les rappeler. Mais je crois que la Chambre ayant centralisé les fondations des bourses anciennes dans les mains des commissions provinciales, il y a des motifs bien plus puissants encore pour centraliser dans ses mains les bourses fondées par les provinces ou les communes pour des établissements publics qui se fondent à deniers communs.

Je n'entends déroger en rien à la loi sur l'enseignement supérieur qui a établi des bourses à la collation spéciale des jurys d'examen, ni de la loi sur l'enseignement primaire qui a établi des bourses pour l'enseignement normal, ni de la loi sur l'enseignement moyen qui a établi des bourses pour l'enseignement normal, mais pour tous les autres cas, je pense que les bourses doivent être conférées par une seule et même commission, par la commission provinciale.

J'ajouterai à l'appui de mon amendement qu'en France toutes les bourses doivent être conférées par voie de concours. Je crois qu'il serait impossible d'adopter ce mode pour les bourses attribuées à (page 980) l'enseignement moyen, par exemple, mais il n'y a aucune espèce de difficulté à admettre la collation des bourses par la commission provinciale déjà chargée de la collation des bourses de fondation.

Je n'en dirai pas davantage. Cela saute aux yeux. C'est une question d'équité et je propose la mesure afin que. dans l'exécution de la loi, il y ait uniformité. Si vous ne l'adoptez pas, vous aurez deux poids et deux mesures. Certaines bourses seront conférées par les administrations communales, d'autres par les administrations provinciales, tandis que les bourses fondées par des particuliers seront conférées par les commissions provinciales.

Cet ordre de choses me paraît incompatible avec une bonne administration et avec les principes de justice.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, l'honorable M. de Theux me semble toujours confondre deux choses tout à fait différentes, à savoir : ce qui constitue une fondation et ce qui est un acte spontané de la liberté.

De quoi nous occupons-nous dans la présente loi ? De régler l'administration des fondations.

Et que fait l'honorable M. de Theux ? Il veut faire tomber sous l'application de la loi ce qui constitue bien plutôt des subsides donnés par les provinces et les communes que des bourses, mais ce qui, dans aucun cas, n'est une fondation.

Où le législateur puise-t-il le droit de régler ce qui a rapport aux fondations ? Dans la nature même de la fondation, qui est un établissement d'utilité publique.

Les individus qui gèrent les fondations sont des employés de l'administration, ce sont des délégués de l'autorité publique ; le législateur a le droit et le devoir de tracer des règles pour la gestion des biens qui sont tombés en mainmorte, de biens qui ne sont plus dans les mains des fondateurs, mais qui sont passés dans le domaine public avec une affectation spéciale.

Est-ce que les bourses d'études, les subsides que donnent les communes sont dans le même cas ? Sont-ce des fondations ? Evidemment non ! Il ne s'agit pas là de biens tombés en mainmorte, de biens qui ne sont plus dans les mains de leurs propriétaires primitifs. Il s'agit d'un subside qui passe directement des mains de celui qui donne dans les mains de celui qui reçoit. Il n'y a pas là de solution de continuité, si je puis m'exprimer ainsi.

La province, la commune sont propriétaires de la somme donnée jusqu'au moment où elles en gratifient le boursier.

Mais il en est tout autrement quand il s'agit de fondations. Il y a là des biens amortis, il y a là une administration spéciale, une gestion particulière à laquelle il faut tracer des règles.

J'ai une autre observation à vous présenter.

Qu'avez-vous fait par votre loi ? Vous avez réservé aux fondateurs le droit de désigner des collateurs dans leur famille. Que faites-vous à l'égard de la commune, vous qui n'avez cessé de parler de liberté communale ? Vous ne voulez pas que la commune confère directement ses bourses.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La crainte de la liberté.

M. de Naeyer. - Les parents ont le droit de conférer les bourses, mais en laissant la liberté au boursier.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Que dit l'amendement de l'honorable M. de Theux ?

« Ces bourses et ces avantages seront conférés par la commission provinciale. » C'est-à-dire que ce n'est plus la province ni la commune qui conférera la bourse, mais elle devra remettre à une administration intermédiaire les subsides qu'elle a votés en faveur des jeunes gens qui se destinent aux études.

Voilà ce que vous faites alors que vous avez admis pour le fondateur le droit de conférer les bourses et de désigner des collateurs dans sa famille.

Vous nous avez reproché de porter atteinte à la liberté communale et vous ne voulez pas même laisser à la commune ce que vous réservez par notre loi aux fondateurs alors qu'il n'y a en définitive ici rien à gérer, qu'il n'y a pas de personne morale intermédiaire.

Je prie la Chambre de ne pas perdre de vue que la commune, que la province ont la propriété de ces subsides jusqu'au moment où elles les donnent, tout comme s'il s'agissait d'un particulier.

Il n'y a pas de fondation, et je dis que sous ce rapport l'amendement ne se rapporte pas à la loi. Il n'y a là qu'un subside.

C'est l’éternelle confusion que vous faites entre la liberté et les fondations.

Certes, lorsqu'un individu demande l'intervention de la puissance sociale pour assurer la perpétuité à son œuvre, il y a des conditions à tracer ; mais lorsqu'on ne demande rien aux pouvoirs publics, il n'y a pas lieu pour eux d'intervenir, et dans le cas qui nous occupe, vous n'avez pas plus de droit vis-à-vis de la commune que vous n'en avez vis-à-vis d'un particulier.

Si ce droit devait être réglementé, ce ne devrait pas être dans la loi des fondations. Il faudrait modifier la loi communale et indiquer comment et à quelles conditions la commune peut donner ses subsides, car, je le répète, il n'y a pas ici de fondation.

Je demande donc le rejet de l'amendement de l'honorable M.de Theux et l'adoption de celui de l'honorable M. Orts, modifié par l'honorable, M, Pirmez.

M. Orts. - Messieurs, j'ai demandé la parole parce que je veux expliquer la portée de mon amendement.

Il y a évidemment, entre l'honorable M. de Theux et moi, un malentendu.

Je suis parfaitement d'accord en principe avec l'honorable M. de Theux. Je veux la liberté du boursier en matière de bourse. Par conséquent, mon amendement a, à l'égard de la commune, de la province, de l'Etat, ce principe-ci :

Lorsque l'Etat, lorsque la commune, lorsque la province fonderont des bourses, le boursier qui en profitera, aura la même liberté dans le choix de l'établissement que si la bourse avait été fondée par un particulier ; mais je n'admets pas que des affectations budgétaires des provinces ou des communes constituent des bourses, attendu qu'il n'y a pas là de fondation.

Cela est de la dernière évidence, car la commune qui porte à son budget une somme pour en faire jouir ce qu'on appelle improprement ici des boursiers, peut l'année suivante retirer ce subside, cette libéralité. Elle est maîtresse de son budget. Tandis que du moment qu'une fondation est créée il ne dépend plus de personne d'empêcher que le produit de cette fondation ne soit affecté à des études. Il y a donc une différence capitale.

Maintenant la différence que je fais, je la fais de la manière la plus désintéressé. Car remarquez que la ville de Bruxelles ne donne pas de ce genre de bourses à des jeunes gens, que l'université de Bruxelles ne jouit pas de bourses de ce genre. La ville de Bruxelles donne un subside à l'université ; elle ne donne rien aux étudiants. La province de Brabant agit de même. La seule ville qui soit menacée par l'amendement de l'honorable M. de Theux, c'est la ville de Gand, et j'en avertis MM. les députés de Gand. Ainsi la mesure frappe une commune, frappe une province isolée dans notre pays.

J'ajouterai que le but que l'honorable M. de Theux se propose ne sera pas atteint. Je suppose que la mesure qu'il propose soit inscrite dans la loi, qu'arrivera-t-il ? C'est que le lendemain les budgets des provinces et des communes verront biffer les subsides qui y figurent. Il me semble que si la province de Flandre orientale fait un sacrifice, c'est pour l'université de Gand ; de même que si la ville de Louvain accordait un subside, ce serait évidemment pour l'université de Louvain qu'elle ferait ce sacrifice. Mais du jour où l'on ne pourra plus agir ainsi, on no portera plus aucune somme au budget.

Mais je crois qu'on ne peut pas plus empêcher une province ou une ville de donner une somme à un établissement que l'on ne peut empêcher l'honorable comte de Theux de donner une somme de sa poche à un jeune homme, à condition qu'il aille faire ses études à l'université de Louvain. Je veux que cela reste permis aux provinces et aux communes.

Maintenant, comme conseiller communal, comme conseiller provincial, et comme membre de la Chambre, je déclare qu'après le vote de la loi des fondations, je considérerais comme une chose parfaitement inutile que de mettre encore un sou avec une destination semblable, a un budget quelconque. Du moment que toutes les bourses qui existent par suite des fondations pourront être accordées en laissant aux boursiers le choix de l'établissement, tous les établissements d'enseignement supérieur trouveront de quoi être alimentés suffisamment, et les budgets seront complètement déchargés d'obligations de ce genre. C'est ce que j'espère, et je promets qu'au prochain budget de l'intérieur je présenterai un amendement dans ce sens, en ce qui concerne le subside consacré à des bourses pour l'enseignement supérieur.

M. de Theux. - Vous vous rappelez que la loi de 1835 sur l'enseignement supérieur a stipulé que les 60 bourses créées aux frais de l'Etat seraient données par les jurys d'examen. Vous savez qu'en vue d'alimenter la population des universités de l'Etat, plus tard, en 1850, (page 981) on a stipulé dans une loi nouvelle que ces bourses seraient affectées exclusivement aux universités de l'Etat.

Plus tard, en 1859, on a modifié la loi de 1850, et on en est revenu au principe de 1835, qui est véritablement le seul système convenable dans un pays où l'enseignement est libre, c'est-à-dire dans un pays où la position de tous doit être égale. Or si, par deux lois, vous avez stipulé que les bourses conférées sur le budget de l'Etat pourraient être accordées à tous les aspirants, sans distinction d'établissement, il me semble que les mêmes motifs existent pour toutes les bourses conférées sur les budgets des provinces et des communes.

On me dit : Vous portez atteinte à la liberté provinciale et à la liberté communale. En aucune manière.

Il a été reconnu sans contradiction qu'aux termes de la Constitution ces enseignements font partie de l'enseignement public, et doivent être réglés par la loi.

Nous sommes donc parfaitement en droit de décider par la loi que les bourses sur les budgets des provinces et des communes seront conférées soit au concours, soit par les commissions provinciales, mode auquel vous venez de donner la préférence. Je vous ai cité l'exemple de la loi de 1848, en France, qui statue que toutes les bourses sur les budgets de l'Etat, des départements et des communes sont conférées au concours.

Mais ici tranchons le mot ; disons ceci : Vous avez voulu mettre dans le patrimoine commun les aspirants de bourses et les divers établissements ; en supprimant les anciens collateurs, vous avez espéré que les nouveaux collateurs favoriseraient de préférence les établissements de Bruxelles, de Gand et de Liège.

Je doute beaucoup que Gand et Liège profitent de cette nouvelle loi. Mais enfin cela a été ainsi ; tel a été votre but. Eh bien, nous demandons par contré qu'on ne vienne pas par une voie indirecte, avec de l'argent, acheter des chalands pour les autres universités, pour les universités de Gand, de Liège, de Bruxelles, peu m'importe. Je ne veux pas que par des subsides provinciaux ou communaux on achète des chalands.

Voilà le but net et précis de mon amendement.

Si vous avez reconnu la capacité des commissions provinciales pour les bourses des fondations qui ne sont pas votre patrimoine, à plus forte raison devez-vous la reconnaître pour des bourses qui sont formées des derniers de l'Etat, de la province ou de la commune, c'est-à-dire des deniers de toutes les opinions. Laissez donc toutes les opinions profiter des deniers communs et supprimez ces affectations spéciales. Admettez donc que les bourses seront conférées par une seule et même commission, la commission provinciale.

Sans doute, il est à présumer que, dans la province de Flandre orientale, la commission provinciale aura quelques égards pour les étudiants habitant la province. Il en sera de même dans les autres provinces où des bourses de cette nature existeront. Mais soyez conséquents avec vous-mêmes. Ayant admis un principe, appliquez-le franchement. Je demande, que vous n'ayez pas deux poids et deux mesures.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'ai un mot à dire : c'est que la disposition que propose l'honorable M. de Theux serait inconstitutionnelle.

M. de Theux. - Du tout.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Vous voulez faire gérer ce qui appartient à la province et à la commune par une administration spéciale. Les sommes que la commune donne sortent de ses mains pour entrer dans les mains des boursiers sans intermédiaire. Vous voulez faire gérer un fonds qui est un fonds communal, qui n'est pas une fondation, qui appartient à la commune, par une administration qui lui est étrangère. Je dis que cela est parfaitement inconstitutionnel.

- La discussion est close.

L'amendement de M. de Theux est mis aux voix par appel nominal,

107 membres prennent part au vote.

44 votent pour l'amendement.

63 votent contre.

En conséquence l'amendement n'est pas adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Dechamps, de Decker, de Haerne, de Liedekerke, de Mérode, de Montpellier, de Muelenaere, de Naeyer, Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de te Lokeren, de Terbecq, de Theux, B. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Mercier, Moncheur, Notelteirs, Nothomb, Rodenbach, Royer de Behr, Schollaert, Snoy, Tack, Thibaut, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Beeckman, Coomans et Coppens.

Ont voté le rejet : MM. de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Lexhy, de Macar, de Moor, de Paul, de Renesse, de Ridder, de Rongé, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Laubry, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Prévinaire, Rogier, Sabatier, Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Van de Woestyne, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Volxem, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Ch. Carlier, Crombez, Cumont, David, de Baillet-Latour et Vervoort.

M. le président. - Pour réduire à deux paragraphes l'article que nous allons voter, je propose de modifier la rédaction de l'amendement de M. Pirmez comme suit :

« Le boursier a la faculté de fréquenter un établissement public ou privé du pays à son choix, sans que cette faculté puisse être restreinte par l'acte de fondation. »

Il suffira alors d'y ajouter le troisième paragraphe de l'article du projet de loi.

- L'article, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.

Dispositions transitoires

Article 48 (devenu article 50)

« Art. 48. Les dispositions du précédent article ne font point obstacle à l'exercice du droit que les actes constitutifs réservent aux fondateurs ou à leurs parents dans les limites de la présente loi. »

M. B. Dumortier. - Messieurs, je voudrais bien savoir comment le gouvernement entend régler certaines fondations de Tournai qui sont constituées comme ceci : « Les parents du fondateur ont le droit de présentation ou plutôt le droit de nomination, mais l'agréation est laissée au chapitre. » Est-ce que le gouvernement entend enlever à ces familles le droit de nommer des candidats ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je1 l'ai dit plus de dix fois, je ne puis pas donner des consultations sur des dispositions que je n'ai pas vues.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 49 (devenu article 51)

« Art. 49. Le droit de collation des anciennes bourses est maintenu au profit des parents des fondateurs.

« En cas de désignation d'autres collateurs, ou si les clauses relatives à la collation ne sont plus susceptibles d'exécution par suite de l'absence des parents, la collation appartiendra aux administrations légales déterminées par la présente loi.

« Si un ou plusieurs des parents désignés font défaut, ils seront remplacés par un ou plusieurs membres de la commission provinciale à désigner par celle-ci.

« S'il s'agit d'études théologiques à faire dans un séminaire, les défaillants seront remplacés par un ou plusieurs membres du bureau administratif de cet établissement, que le bureau désignera.

« Le même mode sera suivi pour remplacer les collateurs étrangers à la famille, appelés par l'acte de fondation à concourir à la collation avec des parents. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Dans le dernier paragraphe, on pourrait dire : « les actes de fondation », au lieu de : « l'acte de fondation ».

- L'article, ainsi modifié, est adopté.

Article 50

« Art. 50. Les dispositions des articles 32 et 33 seront applicables aux anciennes bourses. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Cet article peut être supprimé, parce que, d'après l'amendement que j'ai proposé, il se trouve compris dans l'article 47.

Article 51 (devenu article 52)

« Art. 51. Les établissements publics qui posséderaient des biens grevés de charges, au profit de l'enseignement public, ou en faveur de fondations de bourses, conserveront la régie de ces biens, sous l'obligation de mettre à la disposition des diverses administrations compétentes, d'après la présente loi, les revenus affectés à l'une ou à l'autre branche de l'enseignement public ou à des bourses.

« En cas de contestation entre les établissements coïntéressés, il sera statué par le Roi, sur l'avis de la députation permanente, sauf recours en justice réglée. »

M. B. Dumortier. - Je désirerais encore avoir une explication sur cet article. Il y a peu d'hospices qui n'aient des orphelinats dans lesquels on donne l'instruction, est-ce que ces établissements vont disparaître ? (Interruption.) En vertu de votre article, vous allez confisquer l'enseignement des orphelinats, ce serait violer la loi que de ne pas l'exécuter (page 982) ainsi. (Interruption.) Je sais que mes questions sont très indiscrètes, mais je trouve que nous avons déjà assez de confiscations. On voudrait confisquer la Belgique entière au profit d'un parti.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je n'ai nullement l'intention de défendre qu'on donne l'enseignement primaire dans les orphelinats. L'enseignement dans les orphelinats sera maintenu et l'article 9 au projet en est la preuve la plus manifeste. Il le consacre expressément.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 52 (devenu article 53

« Art. 52. Les dispositions de la présente loi sont applicables à toutes les libéralités ou fondations au profit de l'enseignement public, ou pour la création de nouvelles bourses, dont l'acceptation n'aura pas été autorisée avant sa mise en vigueur. »

M. Guillery. - Messieurs, il résulterait de cet article que les libéralités faites avant la promulgation de la loi, les legs faits avant la promulgation de la loi et dont les auteurs seraient décédés, mais sur lesquels le Roi n'aurait pas encore statué, devraient être régis par la loi nouvelle. Il me semble qu'il y aurait là une véritable rétroactivité, parce que les testaments doivent être interprétés d'après la législation en vigueur à l'époque où le testateur est décédé.

Je comprends, messieurs, que pour tout ce qui concerne l'administration, la loi nouvelle puisse régir les faits antérieurs ; mais ici il y aurait peut-être lieu d'introduire une disposition analogue à celle qui a été proposée ailleurs par M. le ministre de la justice et d'ajouter « sauf les droits des tiers. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne fais pas de difficulté à admettre cet amendement. Nulle part le projet n'a voulu porter atteinte aux droit des tiers. Seulement il est bien entendu que chaque fois qu'il n'y a pas de réclamations fondées de la part de tiers, la fondation sera autorisée et administrée conformément à la présente loi.

- L'article modifié, comme le propose l'honorable M. Guillery, est mis aux voix et adopté.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Nous sommes arrivés à la fin du projet de loi, A quel jour la Chambre veut-elle fixer le second vote ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - On pourrait le fixer à mardi à 2 heures.

M. Wasseige. - La Chambre verrait elle quelque inconvénient à passer immédiatement au second vote ? Les opinions sont formées, personne, je pense, n'a l'intention de recommencer la discussion, ni la prétention de changer les convictions ; le second vote n'est pour ainsi dire qu'une formalité, jamais nous ne serons plus nombreux, et jamais l'occasion ne sera plus solennelle pour que chacun de nous puisse prendre, aux yeux du pays, sa part de responsabilité dans cette importante matière. (Oui ! oui !)

M. B. Dumortier. - Il me paraît impossible d'adopter la proposition de mon honorable ami, M. Wasseige. Aux termes de l'article 45 du règlement, lorsque des amendements ont été adoptés, le vote sur l'ensemble a lieu dans une autre séance que celle où les derniers articles du projet de loi ont été votés. Il doit s'écouler au moins un jour entre ces deux séances.

Je m'oppose à ce que le second vote ait lieu aujourd'hui.

M. Wasseige. - Messieurs, je maintiens ma proposition. Il me paraît qu'un article du règlement, tel que celui dont il s'agit en ce moment, peut toujours être changé lorsque la Chambre en manifeste la volonté.

M. le président. - Lorsque tout le monde est d'accord et qu'aucun membre de la Chambre ne fait de l'opposition, on peut passer immédiatement au second vote ; dans le cas contraire, le second vote doit être remis à un autre jour.

M. Van Overloop. - J'engage mon honorable ami M. B. Dumortier à ne pas persister dans son opposition.

M. B. Dumortier. - J'y persiste.

M. Van Overloop. - Mais je ne puis admettre l'interprétation donnée au règlement par mon honorable ami, M. Wasseige. Le règlement est la sauvegarde des minorités ; dès qu'un membre demande l'exécution du règlement, il doit être exécuté.

M. Guillery. - Messieurs, je tiens à constater que, d'après l'honorable M. Wasseige, la loi sur les fondations de bourses d'études est de la plus grande urgence, puisqu'il demande que la Chambre procède immédiatement au second vote. Mais j'avoue que je suis de l'avis de l'honorable M. Dumortier, quant à l'interprétation de l’article 45 ; je crois que lorsqu'un seul membre s'oppose à ce que le vote définitif ait lieu immédiatement, la Chambre doit nécessairement remettre le second vote à un autre jour. Du reste, quelque urgente, quelque équitable, quelque heureuse que soit la loi dont nous venons de terminer le premier vote, il peut être utile de réfléchir encore pendant un ou deux jours sur les questions qu'elle soulève.

- Des membres. - Le second vote à mardi !

M. Wasseige. - Messieurs, je n'ai pas entendu interpréter le règlement autrement que comme on vient de le faire. Quand j'ai dit que la Chambre pouvait changer un article du règlement, tel que celui dont il s'agit, c'est uniquement dans le cas où tout le monde serait d'accord ; mais dès qu'il y a de l'opposition, je suis également d'avis que l'on doit fixera un autre jour le second vote. On a dit avec raison que le règlement est la sauvegarde de la minorité. Or, je suis dans la minorité ; j'ai donc tout intérêt à ce que le règlement soit exécuté, et je me garderais bien de chercher à lui ôter sa force obligatoire.

M. le président. - Comme l'ordre du jour est très chargé, je propose à la Chambre de se réunir lundi en séance publique..

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, il y a deux propositions distinctes ; la première est celle relative au second vote du projet de loi ; la seconde est celle relative à la question de savoir si la Chambre se réunira oui ou non lundi. On peut décider qu'on ne s'occupera du second vote de la loi que mardi, et décider en même temps qu'il y aura séance lundi.

Je demande qu'on mette d'abord aux voix la question de savoir si le second vote de la loi aura lieu mardi à deux heures ; la Chambre décidera ensuite si elle se réunira lundi.

- La Chambre consultée fixe à mardi prochain à 2 heures le vote définitif de la loi sur les fondations en faveur de l'enseignement public ou au profit de boursiers.

M. Allard. - Avant que la Chambre se prononce sur la question de savoir s'il y aura séance lundi, il est désirable qu'on s'entende sur l'ordre du jour de cette séance.

Le premier objet qui figure dans les bulletins de convocation, c'est la loi sur les concessions de chemins de fer. Evidemment la Chambre ne peut pas s'occuper de ce projet lundi, M. le ministre des travaux publics étant retenu au Sénat par la discussion de son budget. Je crois que la Chambre pourrait discuter lundi les crédits supplémentaires, les traités conclus avec la Prusse, sans entamer ce jour-là la discussion du projet de loi sur les travaux publics. (Assentiment.)

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - J'appuie la proposition de l'honorable M. Allard, de mettre à l'ordre du jour de lundi la discussion des projets de loi concernant la convention littéraire ainsi que le traité de navigation et l'arrangement commercial conclus avec la Prusse.

Maintenant j'appelle l'attention de la Chambre sur l'urgence des divers projets de loi que j'ai déposés dans une séance précédente. L'exposé des motifs a été distribué pour la convention principale, c'est-à-dire pour celle qui est relative au rachat du péage de l'Escaut.

Il faudrait, dès maintenant, fixer le jour où la Chambre examinera ces projets de loi dans les sections.

- Des membres. - Mardi !

- D'autres membres. - Mercredi !

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Evidemment mercredi c'est trop tard.

- La Chambre, consultée, décide qu'elle se réunira lundi prochain en séance publique à deux heures ; qu'elle ne s'occupera pas dans cette séance du projet de loi sur les concessions de chemins de fer ; et que mardi, avant la séance publique, elle se réunira en sections pour l'examen des projets de loi dont a parlé M. le ministre des affaires étrangères.

Proposition de loi

Dépôt

M. le président. - On vient de déposer une proposition de loi qui porte dix signatures, elle sera communiquée aux sections pour savoir si elles en autorisent la lecture.

Projet de loi portant le budget des dépenses pour ordre de l’exercice 1864

Rapport de la section centrale

M. Orban. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le budget des dépenses pour ordre pour l'exercice 1864.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

La séance est levée à 4 heures et un quart.