(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1862-1863)
(page 620) Présidence de (M. E. Vandenpeereboom, premier vice-président.
M. de Moor, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moor, secrétaire, présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Le sieur Théodore Van Dessel, demeurant à Ixelles, né à Anvers, demande à recouvrer la qualité de Belge qu'il a perdue en prenant du service à l'étranger. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Des propriétaires de terres, bois et bruyères dans l'arrondissement de Turnhout demandent la construction du canal d'Anvers à Turnhout par St-Job in 't Goor. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les gardes champêtres du canton de Péruwelz demandent un traitement ou une indemnité annuelle sur les fonds de l'Etat. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal d'Hillegem demande la réforme des cantons de milice et que cette commune fasse partie du canton de milice de Sottegem. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Thuin prient la Chambre de modifier l'article 23 de la loi sur les chemins vicinaux lorsqu'elle s'occupera des modifications aux article 14 et 18 de la même loi. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi modifiant les articles 14 et 18 de la loi sur les chemins vicinaux.
« Le sieur Durant prie la Chambre de s'occuper des pétitions des combattants de 1830 tendantes à obtenir la croix de Fer. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur les pétitions des combattants de 1830.
« Des négociants à Neuve-Eglise demandent l'établissement dans cette commune d'un bureau de distribution de postes en correspondance avec celui d'Ypres. »
M. Van Renynghe et M. de Florisone proposent le renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
- Adopté.
« Des habitants d'Anseghem demandent la rectification de la chaussée de Vive St-Eloi à Renaix, section d'Asseghem à Caster. »
- Même décision.
« Des habitants de Cruyshautem demandent que le chemin de fer à construire de Denderleeuw à Courtrai passe par Sottegcm, Nederzwalm-Hermelghem, Cruyshautem et se joigne, à Waereghem, à la voie de l'Etat de Gand à Courtrai. »
- Renvoi à la section centrale du projet de loi relatif à la concession de chemins de fer.
« Le conseil communal de Steenkerque demande que le chemin de fer de Hal à Ath suive la vallée de la Senne et aboutisse au côté méridional d'Enghien en passant par la commune de Hoves et te rapprochant de celle de Steenkerque. »
« Même demande du conseil communal de Marcq. »
M. Ansiau propose le renvoi de cette pétition à la section centrale du projet de loi relatif à la concession de chemins de fer.
- Adopté.
« Les membres du conseil communal de Lille-Saint-Hubert déclare adhérer à la pétition relative au tracé direct du chemin de fer d'Herenthals à Gladbach par Ruremonde. »
« Même adhésion d'habitants de Lille-Saint-Hubert et des membres du conseil communal de Caulille. »
- Même décision.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, j'aurai peu de chose à dire pour compléter les observations que j'ai eu l’honneur de présenter dans la dernière séance. Il me reste à répondre à quelques questions qui m'ont été adressées par d'honorables membres de cette Chambre.
Je tiens à leur fournir les indications qu'ils ont manifesté le désir d'avoir.
Je m'occuperai d'abord de certains points qui concernent la capitale.
En premier lieu se présente la question du raccordement des stations du Nord et du Midi. Je pense qu'à cet égard toutes les combinaisons imaginables ont été présentées. L'administration a fait faire des études ; des particuliers, de leur côté, ont pris l'initiative de certains projets et il est sorti de tout ce travail d'élaboration, je le répète, à peu près toutes les combinaisons possibles.
Ces combinaisons, messieurs, peuvent se classer en deux catégories : d'après les uns, il y aurait un raccordement à l'intérieur de la ville avec ou sans établissement de station centrale ; d'après les autres, le raccordement serait établi à l'extérieur de la ville.
A une autre époque, messieurs, j'ai déjà eu occasion de dire que, d'après moi, le raccordement à l'intérieur de la ville était une chose peu désirable pour la ville elle-même, la ville de Bruxelles étant un centre si important de population où presque partout il y a un mouvement si actif.
Le raccordement à l'intérieur entraînerait d'ailleurs une dépense véritablement inaccessible au trésor ; il est tel projet (et je pense qu'il n'en est guère d'autre dans cet ordre d'idées) dont la dépense serait de 12, 15, même 20 millions. Eh bien, messieurs, je ne pense pas que le gouvernement puisse venir solliciter des crédits si considérables pour faire une chose qui ne serait pas même bonne en soi.
Reste donc, messieurs, le raccordement à l'extérieur.
Le raccordement à l'extérieur doit passer presque inévitablement par Molenbeek-St-Jean. A l'extrémité de ce faubourg, on peut prendre deux directions : ou traverser le canal pour se raccorder à 1a station actuelle de l'Allée Verte, ou bien longer le canal. La ville de Bruxelles s'oppose au passage par l'Allée-Verte.
Force est donc de s'en tenir au raccordement à la ligne de Dendre-et-Waes, au pont de Laeken.
Ce dernier projet semble avoir seul des chances d'exécution. Je l'ai fait étudier d'une manière spéciale. Les études sont terminées. Il s'agit d'une dépense de 4 à 5 millions et demi.
Quelque élevé que soit ce chiffre, je regarde le raccordement dont il s'agit comme indispensable ; et quand les ressources du trésor le permettront, le gouvernement, à moins que, contre mon attente, il ne surgisse d'ici là une idée meilleure, demandera les fonds nécessaires pour l'exécution de ce projet qui, je le répète, paraît la combinaison la plus pratique de toutes celles qui ont été étudiées.
L'honorable M. Van Humbeeck m'a demandé quelques renseignements sur le tracé du chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain. Il a dit que le tracé qui a été proposé semblait dérouter beaucoup d'espérances que le chemin de fer direct avait fait naître.
Je ne sais de quelles espérances il s'agit. Je me bornerai à faire observer à l'honorable membre que le tracé qui a reçu mon approbation est le seul dont il ait été question pour la ligne directe de Bruxelles à Louvain, passait par Correnberg ; il n'en a pas été présenté de plus court.
La seule différence entre le tracé adopté et qui va être exécuté et le projet qui a servi de base à la loi dont la Chambre a été saisie, est celle-ci : c'est que d'après les plans dressés avant le projet de loi, ce chemin de fer côtoyait le chemin de fer actuel entre Bruxelles et Louvain, à la sortie de Bruxelles et à l’entrée de Louvain, respectivement, sur une longueur de 2,900 et de 1,800 mètres.
On a trouvé plus simple d'utiliser le chemin de fer existant de l'Etat sur ces longueurs que de construire à côté des sections de chemin de fer nouvelles. Donc économie d'argent sans allongement de parcours.
Messieurs, l'honorable M. Goblet a présenté l'autre jour un rapport sur les améliorations à apporter à la Senne, et il a conclu au renvoi de certaines pétitions au département des travaux publics.
Messieurs, il ne s'agit pas ici d'une dépense gouvernementale imputable sur le budget des travaux publies.
La Senne est un cours d'eau provincial ; de ce chef, la dépense à faire est une dépense provinciale.
(page 630) Si l'Etat était éventuellement appelé à intervenir, ce ne pourrait être que dans un intérêt d'assainissement ; j'admets ce motif d'intervention, eh bien, la dépense à résulter de cet assainissement ressortirait au département de l'intérieur.
Je demande donc que les pétitions soient renvoyées à ce département. Le résultat est le même ; mais nous sommes mieux dans la règle.
D'honorables membres ont parlé de diverses stations à établir à proximité de Bruxelles, notamment une station entre Vilvorde et Malines, une autre entre Jette et Ternath.
Je pense qu'il y a lieu, en effet, d'établir ces deux stations ; la chose peut être considérée comme décidée en principe. Il en est de même d'une troisième station, dont il est question depuis assez longtemps, à établir entre Soignies et Jurbise ; cette station, qui a été réclamée avec instance, notamment par les honoraires MM. Laubry et Carlier, semble également d'une importance incontestable pour les intérêts qui ont été invoqués.
L'honorable M. Vermeire a parlé d'une station à Grimberghe ; c'est une question, messieurs, qui, jusqu'à présent n'a pas été suffisamment étudiée pour que je puisse annoncer une solution.
Les honorables députés de Bruxelles se sont occupés enfin du droit de péage établi au pont de Laeken. Cette question soulève une objection qu'a faite immédiatement l'honorable M. Muller, qui a dit avec raison : Sans doute, il peut être désirable que ce péage disparaisse, qu'il soit racheté par l'Etat ; mais il en est de même de tous les péages.
Il en existe un grand nombre sur divers points du pays ; il serait extrêmement désirable, en effet, que l'Etat pût racheter ces péages et le public circuler librement sur les routes et sur les ponts où ils sont établis. Cela est évident, messieurs, mais il est évident aussi que ce rachat serait la source d'une dépense considérable.
La question est donc de savoir s'il se présente, pour le péage établi au pont de Laeken, des motifs spéciaux qui devraient engager le gouvernement à faire là une opération qu'il ne ferait pas ailleurs. S'il n'en existe pas, le gouvernement, en faisant droit à la réclamation dont je m'occupe, s'exposerait au reproche fondé d'avoir deux poids et deux mesures.
Mais, messieurs, ces motifs spéciaux, je ne les aperçois pas clairement.
Je sais seulement qu'il s'agit ici encore d'une dépense assez notable, puisque certainement elle ne resterait guère au-dessous d'une centaine de mille francs. L'honorable M. Van Humbeeck a dit : Il importe d'une part qu'il y ait une communication convenable entre les deux résidences royales, et d'autre part entre la capitale et l'église de Laeken.
Je crois aussi, messieurs, qu'une communication convenable doit exister entre ces divers points ; mais il existe, je pense, un projet par l'exécution duquel on satisferait beaucoup mieux que par la suppression du péage du pont de Laeken, au vœu des honorables membres.
Je parle de la construction projetée d'une rue formant le prolongement de l'avenue de l'église de Laeken jusqu'à l'extrémité de la rue des Palais au point qu'on nomme la place Liedts.
Or, je crois qu'un arrêté décrétant cette rue est soumis en ce moment même à la signature du Roi par M. le ministre de l'intérieur. Mais, veuillez remarquer que la construction de cette rue ne se ferait pas sans une large intervention de l'Etat. Dans cet état de choses, je me suis demandé s'il est juste que le gouvernement accumule ainsi les sacrifices pour établir une communication satisfaisante entre Laeken et la capitale. Je soumets ces observations à l'appréciation de la Chambre ; je n'ai pas de décision à prendre ni à indiquer.
L'honorable M. Magherman a réclamé le raccordement du chemin de fer de Gand à Eecloo à la station de l'Etat à Gand ; il a exprimé le désir de savoir quel pourrait être le motif du retard qu'éprouve l'exécution de ce raccordement si désirable.
Pour moi, messieurs, ce raccordement n'est pas seulement désirable ; il est tout à fait nécessaire et urgent.
Il est nécessaire et urgent dans l'intérêt de la compagnie et des populations desservies par la ligne d'Eecloo ; il est nécessaire et urgent dans l'intérêt même de l'Etat. Il est évident que, dans la situation actuelle, un transbordement étant inévitable entre la station de l'Etat et celle d'Eecloo, l'Etat lui-même ne transporte pas vers la ligne d'Eecloo tout ce qu'il y transporterait si la jonction était opérée.
Si rien n'a pas été fait cependant jusqu'aujourd'hui, c'est que des objections contre le mode de raccordement proposé par la compagnie concessionnaire ont été soulevées par le département de la guerre.
Je ferai tout ce qui dépendra de moi pour aplanir cette difficulté, Si je n'y réussis pas, je m'efforcerai de décider la compagnie à présenter un autre plan de raccordement.
Messieurs, l'honorable M. Tack a parlé de la canalisation de la Lys, des modifications à apporter à l'écluse de Harlebeke, des redressements à opérer à la rivière, de la nécessité de réduire les péages dont elle est frappée.
Je me bornerai à une réponse très courte, qui cependant, je crois, paraîtra suffisante à l'honorable membre. Je lui dirai qu'il y a encore trois écluses à modifier ou à améliorer sur la Lys, celles de Harlebeke, de Menin et de Comines.
Quant aux redressements, il entre dans les intentions du gouvernement d'en exécuter, mais dans la mesure seulement que permet l'écoulement des eaux, car on pourrait effectuer des redressements qui amèneraient de fortes inondations. Le gouvernement s'occupe également de la question des péages. Le département des travaux publics est en conférence à cet égard avec le département des finances.
L'honorable M. Dolez a entretenu la Chambre de l'utilité de supprimer le tunnel de Braine-le-Comte. Je ferai remarquer que la circulation telle qu'elle est organisée sur ce point, avec les précautions que prend l'administration, ne présente aucune espèce de danger.
Aucun convoi de voyageurs ou de marchandises, ne peut s'engager sous le tunnel qu'accompagné d'un pilote qui monte d'un côté du tunnel et descend de l'autre côté.
Comme il n'y a jamais qu'un pilote de service et qu'il ne peut remonter que quand le convoi a effectué son passage, il n'y a aucun risque que deux convois se rencontrent.
Quant au tunnel lui-même, il est dans d'excellentes conditions de construction, il n'y a aucun inconvénient à continuer à l'exploiter ; il ne peut dans certaines circonstances, en cas de déraillement par exemple, que devenir une cause de retard.
Pour le supprimer il faudrait consacrer une somme de plusieurs centaines de mille francs. Il y a deux raisons pour ne pas faire cette dépense aujourd'hui ; la première, c'est qu'il se présente des dépenses plus urgentes, celles qui concernent le parachèvement de notre chemin de fer.
Pour ne parler que d'un seul objet, l'achèvement de la station du Midi entre autres, ne doit-il pas précéder la suppression du tunnel de Braine-le-Comte ? La seconde raison c'est que, par suite de la construction des chemins de fer de Hal à Ath et de Braine-le-Comte à Gand, la circulation va être notablement diminuée par le tunnel en question.
Il y a donc lieu d'ajourner cette dépense, non seulement, parce qu'il y en a de plus urgentes à faire, mais parce qu'il faudra considérer, après la construction des deux chemins de fer dont je viens de parler, quelle est la situation définitive, par rapport au mouvement par le tunnel.
L'honorable M. Kervyn de Volkaersbeke a demandé si le département des travaux publics avait pris des mesures pour mettre la ville de Gand, pendant la construction de l'écluse de Deynze, à l'abri des eaux de la Lys infectées par le rouissage.
MM. H. Dumortier. - Par l'industrie.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Par l'industrie et par le rouissage. Une correspondance a déjà été échangée entre le département des travaux publics et le département de l'intérieur, à cet égard, sur l'initiative du premier. Voici quel est l'état des choses : Effectivement, pendant les travaux, les eaux de la Lys (n'insistons pas sur la cause de l'infection, que ce soit le rouissage, comme je le pense, ou l'industrie) devront forcément s'écouler par la ville de Gand, un batardeau empêchant l'écoulement par le canal de Schipdonck.
Or, un point important à noter, c'est que des dispositions ont été prises ; entre autres je citerai celle de l'adjudication faite dès l'année dernière, pour que l'entrepreneur pût préparer et apporter à pied d'œuvre tous les matériaux, afin que l'existence du batardeau ne se prolonge pas au-delà du 15 juin. Je me suis encore informé depuis la dernière séance si l'entrepreneur sera assez avancé dans ses travaux à l'époque fixée par le cahier des charges pour permettre l'écoulement des eaux par le canal de dérivation.
La réponse a été parfaitement affirmative. Il est donc certain que pour le 15 juin les eaux pourront reprendre leur cours par le canal de Schipdonck.
Qu'est-ce qui arrivera d'ici au 15 juin quant au rouissage ? La saison sera-t-elle sèche ou pluvieuse, les rouisseurs commenceront-ils leurs opérations tôt ou tard ? Je n'en sais rien.
Toujours est-il que si des inconvénients se présentant, ils ne pourront se prolonger au-delà du 15 juin et que dans tous les cas le gouvernement pourra prendre d'ici là les mesures nécessaires pour parer à ces inconvénients, s'il s'en manifeste.
(page 631) Je pense donc que l’on peut s'en reposer sur sa sollicitude. Il agira suivant ce que commanderont les circonstances.
L'honorable membre a parlé du pont de Hansbeke. Cette question est extrêmement simple.
L'honorable membre ne doit pas croire que j'ai rayé cette seule dépense de celles qui étaient proposées pour la formation du budget actuel.
Pour lui permettre de juger combien est grande la circonspection qui m'est imposée en fait de propositions de travaux, en fait de dépenses, à solliciter des Chambres, je lui dirai que le budget que nous discutons en ce moment suivant les propositions qui m'ont été soumises par la direction des ponts et chaussées et par celle du chemin de fer, était plus élevé de 1,500,000 à 1,700,000 fr. que le projet que j'ai déposé.
J'ai donc dû apporter aux propositions primitives des réductions dans cette proportion pour arriver à un chiffre raisonnable, à un chiffre qui n'offrît pas une augmentation trop grande sur les budgets antérieurs. C'est ainsi que j'ai dû pour le moment faire disparaître la dépense concernant le pont de Hansbeke, comme j'ai dû faire disparaître des dépenses même plus urgentes.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Ce n'est donc qu'un ajournement ?
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Ce n'est qu'un ajournement.
L'honorable membre a entretenu enfin la Chambre du traitement des conducteurs.
C'est une question que je traiterai à l'article 42, où elle trouvera mieux sa place.
Du reste, j'ai déjà annoncé que je n'accepte pas l'amendement de la section centrale en tant qu'il s'agisse d'élever encore le traitement projeté des conducteurs. Je proposerai toutefois de modifier l'allocation du budget pour les conducteurs, mais sur d'autres bases.
Messieurs, les honorables députés de Thielt et de Roulers, MM. de Muelenaere, Le Bailly et Rodenbach ont parlé des bureaux de postes et de télégraphe à ériger dans la Flandre occidentale. Je me bornerai à dire que si l'établissement de certains bureaux télégraphiques spécialement a souffert des retards dans la Flandre occidentale, la cause en est à la compagnie du chemin de fer de la Flandre.
Nous sommes enfin parvenus à un arrangement avec elle, et dans peu de jours une série de bureaux seront encore établis. Je citerai ceux de Thielt, Menin, Comines, Ingelmunster et Iseghem.
Un dernier mot : Il s'agit de la nouvelle station projetée à Tournai, au sujet de laquelle l'honorable M. Bara a désiré avoir quelques explications.
Il entre dans les vues du gouvernement de modifier la station de Tournai, de l'établir sur un terrain que laissera libre la démolition des fortifications de cette ville. Il s'agit de modifier en même temps la voie vers Jurbise, de façon à substituer une voie directe à celle qui conduit aujourd'hui à Tournai par un rebroussement.
Messieurs, cet établissement serait extrêmement désirable, mais il serait en même temps extrêmement coûteux.
Il y va d'une dépense qui monterait à près d'un million et demi de francs. L'honorable membre comprendra qu'il ne peut pas en être question dans le moment actuel.
(page 637) M. Sabatier. - Messieurs, j'espère que la Chambre reconnaîtra que je voulais plutôt éviter que rechercher une trop longue discussion en ce moment sur les points que j'ai traités dans la séance de vendredi.
A la vérité, messieurs, j'ai développé cette idée qu'en application des principes si féconds de libre concurrence affirmés par nos traités de commerce, le gouvernement devait laisser chacun profiter de sa position naturelle, non pas comme paraît l'entendre l'honorable M. Dolez, mais en révisant les péages dans le sens d'une plus grande uniformité.
Je prie l'honorable ministre des travaux publics de remarquer que je dis : Dans le sens d'une plus grande uniformité. C'est l'expression que j'ai employée dans mon dernier discours à différentes reprises et j'ai peine à m'expliquer comment l'honorable ministre a pu m'attribuer dès lors la pensée de venir défendre dans cette Chambre l'uniformité absolue que j'avais combattue dans la commission des péages. C'est là une erreur évidente.
Quoi qu'il en soit, pour donner un corps à mes observations et pour ne pas prolonger un débat sans issue, j'ai annoncé l'intention de déposer un projet de loi.
L'honorable ministre a paru désirer une discussion immédiate, je suis obligé de les suivre ; mais je le ferai en me restreignant le plus possible, sachant parfaitement que rien n'est plus ingrat que le rôle qui consiste à défendre des intérêts matériels.
Je m'attacherai surtout à répondre aux interpellations qu'il m'a adressées et j'espère prouver à la Chambre que, nonobstant toute l'habileté qu'a déployée l'honorable ministre dans la séance de samedi, rien n'est venu renverser les propositions que j'ai énoncées.
Avant tout, messieurs, je tiens à écarter une sorte de reproche qui m'a été adressé, que je me préoccuperais principalement d'un intérêt local. Je ne demande de privilège pour personne, et le jour où je viendrai en demander un pour Charleroi ou en réclamer le maintien, j'admettrai seulement alors qu'on vienne me reprocher de m'occuper d'intérêts de clocher. Je pose des principes. On me répond : canal de Charleroi. Je suis bien obligé d'employer le mot, et dans tous les cas je ferai remarquer à la Chambre que la province de Brabant, la province d'Anvers, les deux Flandres, Anvers, Bruxelles, Gand, Termonde, un grand nombre d'industriels du pays sont intéressés à ce que cette voie navigable desserve leurs transports dans de bonnes conditions.
L'intérêt local cesse et l'intérêt général grandit du moment qu'une voie de communication a pour point de départ un centre important de production. C'est précisément ce qui arrive à Charleroi. On y embarque des marchandises qui doivent être dirigées sur tout le pays, et c'est dans ce sens que je prétends que lorsque je parle canal de Charleroi, c'est encore un intérêt général que je viens défendre.
Messieurs, qu'a voulu prouver dans la séance de samedi l'honorable ministre des travaux publics ? Que, quant aux péages, il n'y a rien à faire en ce moment, qu'il n'y a aucune modification à y apporter, et que, quant au chemin de fer, il pense qu'on pourra modifier les tarifs dans le sens que j'ai indiqué, c'est-à-dire en absorbant ou en englobant les traités spéciaux dans les tarifs généraux.
Ce dernier point est fort important et je constate, puisque l'honorable ministre a dit qu'il le ferait dans l'avenir, qu'il ne l'a pas fait encore et que j'avais donc raison de lui demander d'améliorer, sous ce rapport, la marche du chemin de fer en ce qui concerne le transport des marchandises.
L'honorable ministre dit donc qu'il est d'accord avec moi, quand je demande le transport à prix réduit, que le gouvernement en a donné la preuve. J'ai interrompu l'honorable ministre en lui disant : Oui, en théorie ; et il m'a répondu : Ne vous bornez pas à des accusations vagues, précisez les faits, prouvez que nous n'avons pas fait notre devoir.
D'abord, messieurs, il ne s'agit pas d'accusations entre l'honorable ministre et moi ; le mot est impropre, il s'agit d'observations échangées, et je pense que nous pouvons rechercher l'un et l'autre ce qui peut être utile aux intérêts du pays, sans qu'il en puisse découler la moindre accusation.
L'honorable ministre m'a demandé quels étaient mes principes en matière de péages sur les voies navigables. Il a fait remarquer que je n'avais soufflé mot, c'est son expression, de deux faits importants : les travaux de la commission des péages dont j'ai fait partie, et la promesse d'élargissement du canal de Charleroi ;
Qu'en ce qui concerne les péages du canal de Charleroi j'avais naguère annoncé que les recettes seraient plus productives après l'abaissement des péages, et que le contraire était arrivé ; que le canal, loin d'avoir été remboursé deux ou trois fois, devait 3 millions ; enfin que je n'avais pas montré ma sagacité ordinaire en conseillant au gouvernement belge d’imiter ce qui s'est fait en France, c'est-à-dire d'abaisser tous les péages.
Messieurs, il y a dans tout ceci des choses que je n'ai ni dites ni faites ; mais il en est dont j'assumerai volontiers la responsabilité.
Le dernier point que je viens d'indiquer a été soulevé, non par moi, mais par l'honorable M. Moncheur. Je ne le vois pas à son banc, mais je crois pouvoir répondre pour cet honorable membre.
L'honorable ministre déclare que le gouvernement français en ne rachetant pas tous les canaux du Nord, ce qui veut dire en n'abaissant pas tous les péages au même niveau, a prouvé qu'il avait perdu de vue l'intérêt des consommateurs et qu'il s'était beaucoup plus préoccupé en cette circonstance de l'intérêt des producteurs français. Messieurs, le gouvernement français a eu effectivement le grand tort de ne pas exécuter en entier son programme économique, celui du 5 janvier 1860 ; il a eu tort de classer en deux catégories les consommateurs de charbon, ceux qui doivent s'approvisionner à Charleroi et ceux qui sont desservis par les canaux partant de Mons, en obligeant les premiers, par un écart inconcevable de logique, à acquitter des transports beaucoup plus élevés que les seconds.
Mais, si l'honorable ministre des travaux publics blâme le gouvernement français d'avoir agi de la sorte et s'il trouve que nous devons bien nous garder de l'imiter sous ce rapport, je ne parviens pas à m'expliquer qu'il trouve étrange ma proposition de faire cesser en Belgique ce même classement des consommateurs, et qu'il n'admette pas l'application que je veux faire du principe de la libre concurrence. L'argument de l'honorable ministre tourne donc contre lui, et je ne vois pas où ma sagacité aurait été mise en défaut.
En ce qui concerne le coût du canal de Charleroi, l'honorable ministre a présenté un argument qui a fait une certaine impression sur la Chambre ; il a dit : « Depuis longtemps on prétend que le canal a remboursé son capital ; j'en ai fait faire le compte et il en résulte que pour arriver une fois seulement au remboursement, il y aurait déficit de trois millions. » Or, comment a-t-on procédé pour arriver à cette conclusion inattendue ? Ce compte a été établi d'après les usages du commerce, c'est-à-dire que l'on a dressé, depuis le commencement de l'exploitation du canal, un compte courant et d'intérêts ; rien n'y manque ; nous avons le doit, l'avoir, et il se trouve que, selon l'expression consacrée, pour aligner les colonnes du compte créditeur et débiteur, il manque un solde débiteur de 3 millions.
Voilà comment on a procédé, et, veuillez le remarquer, c'est un compte d'intérêts composés que l'on a fait. Je n'ai pas vérifié ce travail, mais je ne m'en permettrai pas moins quelques observations. Vous avouerez d'abord, messieurs, que le commun des martyrs, en pareille occurrence, eût raisonné plus simplement ; se fût borné, pour apprécier les résultats, à additionner ce que le canal de Charleroi a rapporté, de diviser le total par le chiffre de coût du canal, et il aurait acquis la certitude que le prix coûtant a été remboursé plusieurs fois par le produit.
Mais, comme vous venez de le voir, ce n'est pas ainsi que le gouvernement opère. Il établit un compte courant et d'intérêt. Et je me demande, si cela est rationnel, pourquoi on ne le ferait pas pour les autres voies navigables ? On arriverait, je crois, à des résultats tout aussi inattendus.
M. Dolez. - On ne dit pas qu'elles ont remboursé trois fois leur capital.
M. Sabatier. - On ne juge bien que par comparaison ; faites-en une entre le canal de Charleroi et les autres voies navigables en usant du même procédé pour toutes. Vous dites que le canal est débiteur de trois millions ; eh bien, je suis convaincu que si vous établissiez le compte courant et d'intérêts des autres voies navigables depuis la date de leur mise en exploitation, vous trouveriez que le canal de Charleroi a, comparativement, donné des résultats exceptionnellement favorables, au-delà de tout ce que vous pouvez supposer, et que les autres travaux hydrauliques du pays seraient constituas en perte d'un milliard peut-être. Cette manière de présenter les choses, vous le voyez, fait arriver à des conséquences absurdes. Lorsque l'argument du déficit de 3 millions nous a été opposé, je me suis rappelé le problème du centime de Charlemagne ; on demande aux écoliers ce que serait devenu, en l'an de grâce 1860, un centime placé en l'an 800, date de la proclamation de Charlemagne comme empereur d'Occident, et on arrive à des chiffres tellement fabuleux qu'on a peine à y croire. Cet unique centime aurait produit de quoi fournir une rente de 100 milliards à plus de 40 millions d'individus. Que M. le ministre me permette de le lui dire, il prouve trop, et, par conséquent, il ne prouve rien.
J'arrive à un autre argument. L'honorable ministre dit : Vous avez (page 638) annonce qu'après l'abaissement des péages, les produits du canal seraient plus considérables qu'avant cet abaissement,
Messieurs, c'est là une erreur évidente. Nous avons déclaré qu'en vertu d'un principe économique irréfutable, le meilleur marché des choses amène une consommation plus grande, et j'ai soutenu que quand on aurait abaissé le péage de 40 p. c., il n'en résulterait pas une perte proportionnelle.
Eh bien, messieurs, je pourrais à mon tour dire à l'honorable ministre des travaux publics qu'il n'a soufflé mot de deux circonstances importantes : les recettes de 1862 et le fait de la concurrence que fait le chemin de fer de l'Etat au canal. En somme, les recettes au lieu de descendre à 700,000 francs, comme on le disait de toute part, se sont élevées en 1862 à 970,000 francs, auxquels il faut ajouter 100,000 francs enlevés par les chemins de fer ensuite des contrats particuliers passés avec quelques expéditeurs. Je considère comme très utile cette concurrence entre la voie ferrée et la voie navigable, mais encore ne faut-il pas omettre d'en indiquer les conséquences. L'année dernière donc il est avéré que la perte au lieu d'être de 700,000 francs n'a plus été que de 330,000 francs.
Ce résultat paraîtra d'autant plus rassurant que beaucoup de membres de cette Chambre ont hésité à voter en 1860 un dégrèvement de 60 p. c. par des considérations se rattachant à l'intérêt du trésor. Les pronostics fâcheux n'ont pas manqué alors, et je rappellerai à ce sujet l'opinion émise par l'honorable M. H. de Brouckere qui croyait très sincèrement avec d'autres membres de la commission des péages et je le répète avec un grand nombre de membres de la Chambre qui n'ont pas voté l’abaissement de 60 p. c, qui croyait, dis-je, qu'il y aurait eu perte pour le trésor équivalente au chiffre de l'abaissement. Voici ce que disait l'honorable membre :
« C'est une perte nette de 700,000 francs que subira le trésor. Quand vous aurez voté cette perte, vous croyez, ou plutôt on désire que vous croyiez que vous en récupérerez une partie, parce que la navigation deviendra plus active. Mais il n'en est rien. Le canal transporte à peu près autant de bateaux qu'il en peut transporter. Je regarde comme certains les renseignements qui ont été fournis à la commission des péages, par un homme extrêmement compétent et qui m'ont été confirmés depuis de différents côtés.
« La navigation du canal de Charleroi peut tout au plus s'augmenter d'un dixième dans l'état où est le canal aujourd'hui. »
Quanta moi, messieurs, j'ai dit en 1860 : « Comme gouvernement, vous devez abaisser le péage, par équité, et comme exploitant le canal vous devez en améliorer la navigation ; ce sera le moyen de récupérer la perte que subira le trésor. » Il est fort heureux que ces trois dernières années aient été pluvieuses, sans cela le gouvernement se fût trouvé en présence de grandes difficultés d'exploitation, et il ne saurait trop tôt s'occuper des travaux à exécuter pour que l'eau ne puisse jamais manquer au canal. Il verra grandir les recettes alors d'année en année dans de fortes proportions.
L'honorable ministre des travaux publics m'a fait remarquer que je n'avais pas tenu compte de deux faits très importants ; c'est-à-dire des travaux de la commission des péages, et de la promesse que le gouvernement a faite d'élargir le canal de Charleroi. M. le ministre des travaux publics voulait absolument que ce fût moi qui eusse proposé dans la commission l'uniformité absolue des péages ; j'ai fait un signe de dénégation, et il a fallu qu'un honorable collègue M. Muller, qui avait fait partie aussi de la commission, vînt rappeler que la proposition dont il s'agit émanait d'un fonctionnaire du département des travaux publics, pour que l'honorable ministre abandonnât son idée.
Le travail de la commission des péages a abouti à un dégrèvement de 40 p. c, mais ce résultat n'a pas satisfait tous les intérêts et la preuve c'est que le chiffre de 60 p. c. n'a été rejeté que par une voix de majorité ? Quoi d'étonnant que je ne croie pas devoir m'en rapporter exclusivement à ce travail.
J'ai indiqué à diverses reprises les écarts énormes qui existaient entre les péages de voies semblables ; mais je comprends fort bien que c'est en raison même de ces écarts que l'uniformité absolue n'est pas applicable. La commission des péages l'a si bien compris, qu'elle en a fait une sorte de question préalable et que, sauf l'auteur de la proposition d'une complète uniformité, tous les membres l'ont rejetée, parce que nous n'eussions pas impunément voulu relever certains péages au profit de certains autres.
Le système de la suppression totale des péages trouve parfois des défenseurs. Je le crois trop absolu, mais entre l'uniformité dans le sens le plus large du mot et la suppression, il y a un terme moyen à prendre, c'est de se rapprocher de l'uniformité. Un premier pas a été fait dans ce sens en 1860 ; je demande, en m'appuyant sur les principes mêmes du gouvernement, qu'un second pas soit tenté. Je demande qu'on fasse pour le canal de Charleroi ce qui a été fait pour le canal de Mons à Condé, pour le canal latéral à la Meuse et pour les canaux de la Campine.
Je ne suis pas même aussi radical, dans la révision que je voudrais voir introduite, que l'a été, il y a deux ans à peine, l'honorable ministre des travaux publics lui-même. Il s’étonne d'une demande de révision partielle des péages et en 1861 il admettait que ceux-ci disparaîtraient bientôt quoi qu'on fasse. L'opinion de l'honorable ministre en pareille matière est trop importante pour que je ne rappelle pas les termes mêmes dont il s'est servi alors.
L'honorable ministre défendait, dans la séance du 4 mai 1861, le gouvernement du reproche que lui faisait l'honorable M. Dechamps d'avoir donné la préférence à la canalisation de la Meuse sur l'élargissement du canal de Charleroi ; mais il donnait l'assurance que cet élargissement serait fait dans un avenir assez prochain.
Il ne croyait pas cependant, disait-il, se faire illusion sur les avantages qu'en retirerait le trésor.
Si l'honorable M. Dechamps n'était retenu chez lui par une indisposition, il viendrait corroborer ce que je rappelle ici ; du reste voici les paroles de l'honorable ministre :
« Il y a un motif très concluant pour que le canal de Charleroi ne produise pas dans l'avenir plus qu'il ne produit aujourd'hui ; c'est que, dans ma conviction du moins, on cherchera vainement à maintenir les péages sur les canaux.
« Les péages sur les canaux ont une tendance marquée à disparaître et vous aurez beau élargir le canal de Charleroi, d'ici à un certain nombre d'années, il n'y aura plus, suivant moi, de péages sur ce canal.
« Il n'est donc pas vrai que le canal de Charleroi doive, dans l'avenir être doublement, triplement productif. »
Voilà donc la doctrine que professait alors M. le ministre des travaux publics ; elle est beaucoup plus radicale que la mienne. J'avoue que l'idée de supprimer les péages sur toutes les voies navigables ne m'est jamais venue. (Interruption.)
Je félicite M. le ministre des travaux publics de ne pas avoir renoncé à cette excellente idée de dégrever un jour tous les péages. Mais je me demande comment il se fait qu'avec des opinions comme celles-là, M. le ministre des travaux publics ne nous dise pas : « Vous avez parfaitement raison de demander une réduction de péages sur le canal de Charleroi ; je comprends sans peine que vous vous appliquiez à obtenir pour le canal de Charleroi ce qui a été accordé pour d'autres voies navigables. » Eh bien, c'est précisément le contraire que fait en ce moment M. le ministre des travaux publics.
S'occupant de l'élargissement du canal de Charleroi, M. le ministre des travaux publics me dit : « Pourquoi demandez-vous un dégrèvement de péages, lorsque vous devriez vous rappeler que nous nous sommes engagés à faire élargir le canal de Charleroi. » Eh bien, la réponse est fort facile à faire. Je suppose le canal de Charleroi élargi demain par un coup de baguette. Je voudrais bien savoir quelle différence il y aurait entre ce canal et les autres canaux du pays. Il n'y en aurait aucune. Ce serait simplement la cessation d'une solution de continuité ; les bateaux de même tonnage pourraient naviguer partout, et dès lors il n'y aurait aucune raison pour nous imposer, sur ce canal, un péage plus élevé que sur les autres voies semblables.
Mais que va-t-il se passer ? M. le ministre des travaux publies espère qu'en 1864, dans un projet nouveau de travaux publics, il pourra proposer un premier crédit pour commercer l'élargissement du canal de Charleroi.
Il faudra préparer les plans, adjuger les travaux ; et on commencera l'exécution en 1865 ; et il faudra peut-être 10 ans avant que nous voyions la fin de cette œuvre de réparation. Cela nous mène jusqu'en 1875 ; et jusque-là il faudrait que le canal de Charleroi continuât à acquitter des droits plus élevés de 62 p. c. que les autres canaux, que du moins les canaux semblables du pays.
L'honorable ministre nous dit : « Vous nous accusez vaguement de n'avoir pas rempli notre devoir, citez des faits. »
Messieurs, je vous ai lu un passage du rapport de l’honorable M. Orts sur les devoirs du gouvernement en matière de transports, comme conséquence des traités de commerce.
M. le ministre des travaux publics répond à ce passage du rapport dans son exposé des motifs du projet de loi sur les travaux publics. Voici ce qu'il dit :
« Accorder des concessions, c'est se mettre spécialement en mesure de soutenir avec avantages la lutte industrielle qu'appelle de toutes parts l'introduction de plus en plus large du principe de la liberté des échanges. (page 639) Ce qu'il faut au producteur belge, ce qu'il demande avant tout, c’est de pouvoir travailler dans les meilleures conditions d'économie, et parmi ces conditions se distingue celle des transports à bas prix. »
Et plus loin :
« Les Chambres remarqueront d'ailleurs qu'aucune des lignes faisant l'objet de ce projet de loi ne nécessite l’intervention pécuniaire de l'Etat... »
Il me semble que j'avais quelque droit de dire ; Nous ne sommes d'accord qu'en théorie.
Est-ce que M. le ministre des travaux publics croit qu'en accordant par exemple des concessions au Luxembourg, on arrivera au but que nous devons atteindre et qui est de faciliter les transports, par le bon marché, vers nos cités industrielles ? Je ne le pense pas, et tous les membres de la Chambre qui représentent des intérêts industriels, partageront cet avis : il ne suffit pas de couvrir le pays de nouvelles concessions qui ne coûtent pas une obole à l'Etat ; il faut arriver à permettre la concurrence, qui est si féconde, on ne l'a que trop souvent répété. Sont-ce les armes que l'on avait promises aux producteurs ? Est-ce là la satisfaction qu'ils attendaient ? Je dis : Non, et je demande à M. le ministre des travaux publics comment, dans son esprit, il peut adapter, concilier la nécessité de la concurrence avec l'obstacle qu'il apporte à la révision des péages sur les chemins de fer. Si l'honorable ministre accomplit sa promesse de ramener à 5 ou 6 lieues le tarif à distance du 1er janvier 1861, il aura fait un pas qui répond précisément à l'observation que j'avais faite qu'il devait améliorer les tarifs, mais ce progrès est à réaliser.
Une amélioration très importante doit aussi résulter de l'exclusion à donner aux traités spéciaux et il faut les absorber dans des tarifs spéciaux.
M. le ministre nous dit qu'il a l'intention de le faire ; mais enfin cela n'est pas encore fait. Qu'attend-il pour introduire cette amélioration dans le tarif des chemins de fer ? Qu'attend-il pour faire jouir tout le monde à titre égal des traités spéciaux ? Un moment plus opportun ; il attend, dit-il, que la crise qui sévit encore vienne à cesser.
A cet égard l'honorable membre me permettra encore une observation. Il dit : Nous sommes en temps de crise, il ne servirait de rien d'abaisser les tarifs.
Sans doute, messieurs, nous le savons très bien ; la crise date de la désunion des Américains, elle s'est même aggravée depuis les événements dont la Pologne est le théâtre. Mais malgré cette situation, le trafic et le mouvement commercial ne vont-ils pas en grandissant ?
Il se trouve, messieurs, que, malgré les souffrances de bien des industries, le chemin de fer a produit 500,000 à 600,000 francs de plus en 1862 que l'année précédente. Je demande donc ce qu'attend le gouvernement, puisque, malgré des conditions aussi défavorables, la recette augmente dans une proportion très rassurante. Je dis que nous sommes seulement dans l'enfance de la production et par conséquent du trafic. Rappelez-vous donc que nous ne sommes en possession de la liberté du travail que depuis 70 ans et que ce n'est que depuis 30 ans que nos industries se sont développées. Comptez donc sur l'avenir !
Voyez à cet égard, messieurs, ce que nous enseigne la statistique ; voyez quelle est la moyenne quinquennale du mouvement commercial de la Belgique ; dans quelle proportion énorme augmentent l'exportation et l'importation des marchandises, De 1846 à 1850 ces deux articles donnent 686 millions, de 1851 à 1855 1,152 millions, de 1856 à 1860 1,740 millions et en 1861 1,810 millions.
Rappelez-vous, messieurs, qu'en 1834, lorsqu'on présenta à la Chambre la loi décrétant le principe de l'établissement des chemins de fer en Belgique, on faisait valoir un argument que l'on croyait irrésistible : les lignes projetées devaient avoir une étendue de 175 kilomètres et produire 1,475,000 francs.
Eh bien, nous sommes arrivés aujourd'hui à un produit de 9 millions de francs sur ces 175 kilomètres qui relient Anvers, Bruxelles et le Rhin.
Le trafic des marchandises n'était que de 1,800,000 tonnes en 1853, il s'est élevé en 1862 à 4,200,000 t. ou bien près, soit une augmentation annuelle de 13 p. c. ; et je dis qu'en présence de pareils faits M. le ministre ne doit pas craindre d'abaisser les tarifs, de ramener le tarif à la distance à un moins grand nombre de lieues et d'englober les traités spéciaux dans des tarifs spéciaux.
L'honorable ministre des travaux publics, je lui rends cette justice avec tous ceux qui suivent d'un œil attentif les questions d'intérêt matériel, est un très habile administrateur ; d'autres l'ont dit ici avant moi. Mais qu'il me permette de le lui dire : pour laisser, plus sûrement encore de longs souvenirs de son passage aux affaires, qu'il ne s'y tienne pas avec une si grande réserve aux anciennes conceptions, qu'il ne tienne pas en oubli le progrès industriel et l'aide puissante qu'attendent de lui les producteurs et les consommateurs, qu'il ne se borne pas à dire : J'ai donné des concessions qui ne coûtent pas une obole au trésor et je crois avoir répondu à ce que l'industrie a le droit d'exiger : des transports à bon marché.
Messieurs, j'aurais à traiter encore la question des contrats spéciaux ; mais j'ai parlé assez longuement déjà, et, si vous le permettez, je présenterai mes observations sur ce point quand nous discuterons les articles du chemin de fer.
(page 631) M. Bara. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi sur les fondations au profit de l’enseignement public en faveur de boursiers.
M. de Theux et M. Landeloos. - Quelles sont les conclusions ?
M. Bara. - L'adoption du projet de loi.
M. de Theux. - Sans modification ?
M. Bara. - Avec quelques modifications dont il serait trop long de donner, en ce moment, lecture à l'assemblée.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. le président. - Je reçois à l'instant la lettre suivante de M. Coomans :
« M. le président et cher collègue,
« Obligé de conduire immédiatement au midi de l'Europe deux de mes enfants dont la sauté est altérée et maladif moi-même, je prie la Chambre de m'accorder un congé de 20 à 30 jours.
« Veuillez, M. le président, être mon organe auprès d'elle et recevoir l'assurance de ma considération la plus distinguée.
« M. Coomans. »
- Ce congé est accordé.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le budget de l'intérieur pour l'exercice 1864. La Chambre se trouve ainsi maintenant saisie de tous les budgets.
- Ce budget sera imprimé et distribué.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je serai extrêmement court, car il me suffira de ramener le débat sur son véritable terrain, d'où l'honorable M. Sabatier l'a quelque peu fait dévier, pour réfuter complètement les objections qui m'ont été faites par l'honorable député de Charleroi.
De quoi s'agit-il, messieurs ? Est-ce que le gouvernement conteste, est-ce que je conteste, moi, que, dans l'intérêt de l'industrie, il faille abaisser les prix de transport ; qu'il faille mettre l'industrie dans les conditions de travail les meilleures, les plus économiques ? Non, messieurs, je ne conteste rien de cela. Mais ce que je conteste, c'est que le moyen le plus efficace de réaliser ce programme, de venir en aide à l'industrie en la mettant dans les meilleures conditions possibles, soit de priver l'Etat des ressources dont il a encore besoin pour faire des chemins de fer, des canaux et des routes. Voilà ma thèse.
Est-ce que cette thèse est raisonnable ; est-ce que, comme le prétend l'honorable M. Sabatier, cette thèse est en opposition avec les doctrines du gouvernement ? Mais je prétends, au contraire, qu'elle est tout à fait conforme aux doctrines du gouvernement ; et qu'elle est meilleure que le système préconisé par l'honorable membre ; et si j'avais à m'occuper de l’intérêt spécial qu'il défend avec tant de chaleur, je dirais qu'il n'est point habile dans la manière dont il défend cet intérêt, je dirais précisément que, pour cet intérêt spécial du canal de Charleroi, ce que le gouvernement se propose de faire et ce qu'il proposera à la Chambre de décréter dans un avenir prochain vaut infiniment mieux que ce qu'il demande.
M. Sabatier. - Je veux les deux.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Moi aussi, messieurs. Vous croyez contrarier mes vues en disant : Je veux les deux, et il se trouve au contraire que nous sommes parfaitement d'accord.
Je veux comme vous les deux choses, mais tandis que vous les voulez simultanément, moi je crois qu'il ne faut les faire ou plutôt qu'on ne peut les faire que successivement ; de sorte que, pour moi, tout se réduit à une question de priorité.
La question, pour cet intérêt spécial, est de savoir dans ma conviction s'il vaut mieux postposer l'élargissement du canal à la réduction de péages ou la réduction de péages à l'élargissement du canal. Eh bien, je dis qu'en posant la question ainsi, et il est impossible de la poser autrement, je dis que vous ne pouvez pas hésiter un seul instant à préférer l'élargissement à la réduction des péages, et cela par une raison fort simple, c'est que si vous obteniez d'abord la réduction des péages, il se pourrait fort bien que cette mesure compromît pour longtemps encore l'élargissement du canal ; tandis que si vous obtenez d'abord cet élargissement, vous serez, cet élargissement opéré, vis-à-vis du péage, exactement dans la même situation qu'aujourd'hui.
Est-ce que j'ai dit un seul mot d'où l'on puisse inférer que, dans ma pensée, dans celle de mes honorables collègues du cabinet, il n'y a aucune modification à apporter, dans l'avenir, au péage du canal de Charleroi. Une telle supposition serait évidemment contraire aux doctrines économiques du gouvernement ; et je crois pouvoir me dispenser de m'y arrêter davantage.
L'honorable membre m'a reproché d'avoir établi le compte courant en recettes et dépenses du canal de Charleroi. Mais, messieurs, pourquoi ai-je établi ce compte ? Est-ce pour le seul plaisir de l'établir ? Est-ce un argument dont j'ai pris l'initiative.
J'ai dit que le coût du canal n'était pas remboursé parce que vous avez, dit et répété qu’il était remboursé depuis longtemps. (Interruption.)
C'est parce qu'on l'a dit et qu'on l'a écrit, que je réponds que cela n'est pas exact. Ce que j'avance à cet égard, je l'avance comme défense, non.comme attaque.
C'est comme pour le déficit qui s'est manifesté depuis la réduction du péage ; j'ai constaté un fait que l'honorable M. Sabatier ait prétendu on non que le déficit serait de telle somme ou qu'il n'en existerait pas, peu importe. (Interruption.)
(page 632) La vérité est que vous avez soutenu que l'accroissement des transports compenserait la réduction des péages.
M. Sabatier. - A la longue.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Eh bien, il y a encore une diminution de près d'un demi-million de francs au bout de trois ans. L'accroissement du mouvement est donc loin de compenser la perte. Il y avait aussi accroissement avant la réduction des péages. Est-ce que l'honorable membre croit que je m'empare de cette considération pour lui adresser un reproche ? Encore une fois, je la produis à titre de défense.
L'honorable membre s'est borné, dit-il, à réclamer la réduction des péages â un centime. Je persiste à soutenir qu'en partant de ce principe on arriverait à la suppression totale du péage. Je demanderai pourquoi il se borne à demander une réduction à un centime. Parce que, dit-il, sur le canal de Mons à Coudé le péage n'est que de 1 centime. Mais veuillez remarquer que sur d'autres canaux il est moindre.
M. Sabatier. - Nous nous contentons de cela.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Si vous vous en contentez aujourd'hui, demain vous ne vous en contenterez plus. Et si vous vous en contentiez, d'autres à coup sûr vous dépasseraient bientôt dans leurs prétentions.
Messieurs, j'ai invoqué en faveur du gouvernement les concessions de 1,500 kilomètres de chemins de fer accordées depuis quatre ans. La belle affaire, dit l'honorable membre, cela ne vous coûte pas un centime. Tant mieux, comme dit à mes côtés l'honorable M. de Mérode. Mais croyez-vous que ces demandes de concessions ne datent que de l'avènement du cabinet ? Croyez-vous qu'avant cet avènement il n'y en eût pas un très grand nombre dormant dans les cartons du département ?
Pourquoi n'ont-elles pas abouti plus tôt ? Pourquoi sont-elles restées sans suite si longtemps ? Parce que nul autant que nous n'a encouragé les entreprises, cherché à les faciliter, à en assurer l'exécution. Parce que nul plus que nous ne comprend la nécessité de développer nos voies de transport. Laissez-nous au moins ce petit mérite.
Et quant aux canaux, ne coûtent-ils rien à l'Etat ? Particulièrement quant au canal de Charleroi, le gouvernement n'est-il pas disposé à faire de grands sacrifices pour en améliorer la navigation ? Y a-t-il un canal important que nous n'ayons cherché ou que nous ne cherchions à mettre dans de meilleures conditions ?
Messieurs, un dernier mot relativement au chemin de fer.
J'ai annoncé qu'une réforme était désirable et qu'elle était projetée ; j'ai ajouté que la réalisation de cette réforme était une question d'opportunité, que nous étions à une époque qui ne permettait pas d'espérer de voir un accroissement du mouvement compenser la réduction de l'unité du prix de transport ; que ces essais ne se tentaient pas dans une époque de crise industrielle.
Les faits, dit l'honorable membre, ont prouvé le contraire ; il prétend que la crise n'agit pas d'une manière aussi fâcheuse sur le mouvement du chemin de fer puisque l'exploitation de 1862 présente une augmentation de recettes sur l'exercice antérieur.
L'argument, quelque apparence de vérité qu'il ait, n'est pas fondé ; la vérité est qu'il y a en somme perte sur les marchandises depuis l'exercice 1861.Il y a même perte, je l'ai déjà constaté, sur des catégories d'articles qui ont joui d'une forte réduction, spécialement sur la deuxième classe du tarif n°5, le déficit du mouvement est venu s'ajouter au déficit provenant de la diminution du tarif. Ce qui a sauvé le résultat général de l'exploitation de 1862, c'est le mouvement des voyageurs qui s'est accru dans de fortes proportions. L'influence de la crise sur le mouvement des marchandises n'est donc pas douteuse.
Comment en serait-il autrement ?
Je citerai la ville de Gand. Je suppose que vous transportiez le charbon gratis vers ce grand centre de consommation ; en transporterez-vous plus ? Vous avez beau encourager l'industrie cotonnière par de pareils moyens, elle ne vous répondra pas ; elle n'a pas de débouchés en ce moment, donc la fabrication est forcément suspendue.
Ce n'est pas dans les circonstances que nous traversons, qu'on peut introduire une réforme importante, sans risque d'éprouver un échec, de compromettre le principe des réductions.
On a parlé des traités spéciaux. L'honorable membre a dit : Vous avez promis de les généraliser et vous les avez maintenus.
J'ai promis en effet de les absorber dans les tarifs spéciaux et j'ai commencé à le faire dès l'année dernière et je continue dans une assez large mesure dans le courant de cette année. Voici les chiffres. En 1861, il existait 157 traités. Il en a été supprimé 75 en 1862. Dans cette même année 1862, il en a été accordé 25 nouveaux, non par extension du principe des traités, mais par application à certains industriels des avantages accordés antérieurement â d'autres, par rapport auxquels les premiers se trouvaient dans des conditions analogues.
En d'autres termes, on a accordé à ces industriels le traitement favorisé dont d'autres jouissaient déjà, dans des conditions déterminées, et on l'a fait afin de sauvegarder le principe d'équité qui veut qu'une même règle préside aux mêmes situations. Quant au nombre total des traités, de 157 qu'il était fin 1861, il se trouve donc réduit à 105. Vous voyez que nous avons marché. Je compte prendre prochainement d'autres mesures qui feront disparaître encore un assez grand nombre de traités, et je pense que les traités restants pourront être supprimés en grande partie. Nous approchons donc du moment où la pratique des traités se réduira à des cas tout à fait exceptionnels.
M. de Brouckere. - Messieurs, toutes les années, à propos du budget des travaux publics et chaque fois que l'occasion s'en présente, les représentants du bassin de Charleroi font retentir cette assemblée de réclamations, de plaintes et de reproches.
A les entendre le gouvernement en matière de travaux publics n'a jamais rien fait et ne fait rien d'efficace pour le bassin de Charleroi ; ce bassin est négligé, oublié, maltraité. On ne s'occupe que des trois autres bassins du pays.
Messieurs, dans ces plaintes, dans ces réclamations et dans ces reproches, il y a une exagération extrême et j'ajouterai même qu'il y a souvent une très grande injustice.
Toutefois je ne blâme pas les honorables représentants de Charleroi de revenir si souvent à la charge, car je dois avouer que cela leur réussit assez bien.
A force de réclamer, à force de se plaindre, à force d'adresser des reproches au gouvernement, ils finissent toujours par obtenir ce qu'ils ont demandé.
Je l'ai démontré dans une autre occasion, il n'y a pas bien longtemps, si l'on dressait le bilan de ce qui a été fait pour chacun des bassins du Hainaut, on serait étonné de voir à quel point le bassin de Charleroi a été favorisé.
Je citerai un seul exemple et personne ne niera la vérité de ce que je vais dire.
On a fait, dans l'intérêt et dans l'unique intérêt du bassin de Charleroi, trois chemins de fer auxquels le gouvernement a accordé un minimum d'intérêt, et l'on n'en a pas fait un seul, dans ces conditions, pour le bassin de Mons.
Je dis donc que je recornais que MM. les représentants de Charleroi ont raison de demander beaucoup, de se plaindre beaucoup, de formuler beaucoup de reproches, puisque cela leur réussit si bien ; mais en quoi je trouve qu'ils ont tort, c'est de venir chaque fois mettre les autres bassins en cause.
Jamais un représentant de Charleroi ne demande quelque chose pour son arrondissement sans récriminer contre le bassin de Mons.
Autrefois c'était l’honorable M. Dechamps qui, trois ou quatre fois par session nous brodait son thème de prédilection : l'équilibre entre les bassins.
Aujourd'hui on ne parle plus d'équilibre.
M. Ch. Lebeau. - C'est vous qui le vouliez.
M. de Brouckere. - Nous avons toujours déclaré le contraire. Nous ne réclamons pas d'équilibre. Si nous l'avions réclamé, nous aurions bien mal réussi, car il a été sans cesse détruit en votre faveur.
M. Ch. Lebeau. - Nous verrons tout à l'heure.
M. de Brouckere. - Oui, nous verrons. Je dis (on me permettra cette expression) qu'il n'est pas de bon goût de mettra à tout propos en cause un arrondissement qui vous laisse parfaitement en repos et qui ne vous y met jamais. C'est toujours l'arrondissement de Charleroi qui est agressif. L'arrondissement de Mons ne l'est jamais ; il se défend quand on l'attaque ; il n'est que trop souvent mis dans le cas d'avoir à se défendre, car il est très souvent attaqué, mais jamais il n'est agressif.
Voyons, messieurs, quelles sont les prétentions de l'arrondissement de Charleroi en ce moment ?
Il demande cinq choses principales, sans parler des demandes accessoires.
Il réclame en premier lieu une nouvelle réduction de péage sur le canal de Charleroi ; il demande, en second lieu, l'élargissement des écluses du canal de Charleroi, ce qui constituera, soit dit en passant, une petite dépense de 15 à 20 millions.
M. Prévinaire. - Productive.
M. de Brouckere. - Je n'examine pas si elle sera productive mais je dis qu'elle sera de 15 à 20 millions. Les représentants de Charleroi demandent en troisième lieu, ils exigent (page 633) impérieusement que le gouvernement fasse de pressantes démarches auprès du gouvernement français pour obtenir le rachat, par loi, des péages sur les canaux français qui transportent la houille de Charleroi à Paris.
Ils demandent en quatrième lieu, veuillez remarquer ceci, s'il vous plaît, un prix de faveur pour le transport des houilles de Charleroi à Mons.
M. Ch. Lebeau. - Nous n'avons rien demandé de pareil.
M. de Brouckere. - Je répète, parce que ceci est très intéressant, que l'arrondissement de Charleroi demande à cor et à cri un prix de faveur pour le transport des houilles de Charleroi à Mons.
M. Sabatier. - Je n'ai pas demandé cela. Je le nie formellement.
M. de Brouckere. - Vous le niez ! Permettez, c'est un jeu de mots, et je vais vous l'expliquer. Je maintiens ce que j'ai dit, parce que c'est la vérité.
Vous avez entendu, messieurs, l'horreur que professe l'honorable M. Sabatier pour le prix de faveur ; il ne veut que les tarifs communs ; il ne veut d'avantage pour personne.
Voici comment il va vous expliquer tout à l'heure que ce n'est pas un prix de faveur qu'il sollicite. Il dit : Je demande un prix spécial pour le transport des houilles de Charleroi vers Mons, mais je consens à ce que vous puissiez transporter au même prix vos houilles de Mons à Charleroi.
Remarquez bien que Charleroi a un grand intérêt à transporter ses houilles à bon marché vers Mons, mais que Mons n'a pas le moindre intérêt à transporter à bon marché ses houilles vers Charleroi.
Voilà comment l'honorable M. Sabatier entend qu'il n'a pas demandé un prix de faveur. Vous ne détruirez pas ce fait, parce qu'il est rigoureusement exact.
Reste la cinquième demande.
Vous avez entendu, messieurs, les plaintes de l'honorable orateur qui a parlé samedi. Il trouve que c'est une injustice criante que Charleroi ne puisse pas transporter ses houilles à Gand au même prix que Mons.
Permettez-moi, messieurs, de reprendre ces divers points successivement ; je serai très court, bien qu’ils aient chacun leur importance et qu'ils prêtent à des développements pleins d'intérêt.
Il y a deux ans, au mois de février 1861, une loi a été publiée qui accorde au canal de Charleroi un dégrèvement de 40 p. c. Le gouvernement avait demandé que la réduction ne fût que de 25 p. c, mais dans cette Chambre on a tellement insisté que la majorité a accordé le maximum de ce qu'il était possible d'accorder en fait de réduction, 40 p. c.
Il y a donc de cela deux ans.
On m'a reproché samedi qu'à cette époque j'avais dit que les transports sur le canal n'augmenteraient probablement que dans la proportion d'un dixième.
M. Sabatier. - Je ne vous ai pas fait de reproche.
M. de Brouckere. - M. Sabatier, je dis cela sans susceptibilité. Vous avez parfaitement bien fait de rappeler que je m'étais trompé.
On a donc rappelé que j'avais dit que l'augmentation ne serait que d'un dixième. De combien a-t-elle été ? D'un sixième. Au lieu de transporter 600,000 tonnes sur le canal de Charleroi, je crois qu'on en a transporté 700,000. Le transport de 1861 a été de 702,000 tonnes, et en 1862, de 707,000 tonnes.
Donc je ne me suis pas trompé dans une bien forte proportion. Mais quoi qu'il en soit, comment pouvez-vous vous plaindre que je me sois trompé de cette manière ? Plus le canal transporte, mieux c'est pour vous. Quel a été le résultat de la réduction des péages sur le canal ? Vous avez transporté 100,000 tonnes de plus qu'avant.
Ainsi la réduction de 40 p. c. a eu pour le bassin de Charleroi ce résultat qu'il a expédié 100,000 tonnes de plus que les années précédentes.
Mais, dit-on, qu'est-ce que cela fait ? Ce canal, est un puits d'or. Ce canal produit ce que jamais aucune voie de transport n'a produit. Il a déjà fait rentrer au trésor deux fois le prix d'achat.
M. le ministre des travaux publics a vraiment rendu un service à la Chambre et au pays en leur apprenant quelle est la vérité sur toutes ces assertions plus que hasardées. Il y a des années qu'on nous répète continuellement : Le canal de Charleroi a produit deux ou trois fois le prix d'achat. Oui, et dans cent ans, il l'aura produit quatre, cinq et six fois. Cela est parfaitement vrai ; mais on oublie de faire le décompte des intérêts.
M. Prévinaire. - Et les routes ?
M. de Brouckere. - Je rétablis les faits. Il ne s'agit pas des routes.
Je dis que le canal de Charleroi a produit deux fois son prix d'achat, quand on ne tient pas compte des intérêts. Mais quand vous tenez compte des intérêts de 5 p. c, le canal de Charleroi reste débiteur de trois millions ! (Interruption.)
Il faut que la vérité soit connue. Je sais qu'il est de votre intérêt qu'elle ne le soit pas.
M. Ch. Lebeau. - Quelle est la conclusion ?
M. de Brouckere. - Je vous dirai plus tard la conclusion. Le canal de Charleroi, depuis qu'il a été acheté par le gouvernement, n'a pas produit 5 p. c. d'intérêt.
M. Ch. Lebeau. - Il a coûté 11 millions.
M. de Brouckere. - Je sais que l'honorable M. Sabatier nous a dit que le commun des martyrs établirait ses calculs autrement. Je ne sais pas de quels martyrs il a voulu parler. Mais je suis bien sûr que les exploitants, les industriels et les négociants de Charleroi ne sont pas dans le commun des martyrs dont l'honorable M. Sabatier a parlé et je suis certain que tous établissent leurs comptes précisément comme M. le ministre des travaux publics a établi le compte du canal de Charleroi.
Du reste, messieurs, si par une faiblesse incompréhensible on réduisait de nouveau aujourd'hui les péages du canal de Charleroi, savez-vous ce qui arriverait dans deux ans, en 1863 ? On demanderait une nouvelle réduction.
M. Sabatier. - Mais non.
M. de Brouckere. - Mais oui. Mais je consens à abandonner ce point de la discussion. M. le ministre des travaux publics a répondu d'une manière irréfutable que dans un moment où l'on s'occupe sérieusement de l'élargissement des écluses du canal de Charleroi, d'un travail qui doit coûter 15 à 20 millions, il était impossible de songer à réduire les péages de ce canal.
Cela tombe sous le sens et nous attendrons, pour nous occuper encore du canal de Charleroi, que M. le ministre nous propose le projet qu'il a annoncé.
Je passe au troisième point.
MM. les représentants de Charleroi demandent et exigent que le gouvernement fasse de pressantes et de nombreuses démarches pour obtenir le rachat par le gouvernement français des vites d'eau qui portent des houilles de Charleroi à Paris.
Je trouve cette demande parfaitement légitime ; mais, encore une fois, je ne trouve pas aussi irréprochable la manière dont les honorables membres étayent leur demande.
Pourquoi exige-t-on cela d'une manière aussi pressante ? Parce que, dit-on, le gouvernement français a racheté les voies navigables transportant les houilles de Mons à Paris et que ce rachat a rendu le bassin de Mons très prospère, tandis qu'il a causé un préjudice extrême au bassin de Charleroi.
Voilà la thèse que l'on défend.
Premièrement, je voudrais bien que les honorables membres m'indiquassent quels sont ces nombreux canaux, quelles sont ces nombreuses voies d'eau qui ont été rachetées par le gouvernement français. Ils auraient bien de la peine à le faire. La vérité est qu'il y a tel canal dont la concession était arrivée à son terme, et qu'ainsi le péage qui le grevait est tombé de lui-même. Si je suis bien informé, et je crois le renseignement très exact, le gouvernement français n'a racheté qu'une seule écluse, celle d'Ywuy.
M. Sabatier. - C'est une erreur.
M. de Brouckere. - Nous serons parfaitement d'accord sur l'effet de la réduction. Il est résulté de ce nouvel état de choses qu'on transporte a houille de Mons à Paris avec un écart de 97 centimes à l'avantage du bassin de Mons sur le bassin de Charleroi.
M. Sabatier. - Il y a 2 fr. 54 c.
M. de Brouckere. - L'écart est de 97 centimes.
M. Sabatier. - C'est une erreur.
M. de Brouckere. - Si vous voulez produire vos chiffres, je produirai les miens. Mais à moins qu'on ne m'y force, je demande à la Chambre de ne pas l'ennuyer en l'entretenant de chiffres et de tarifs. Je pose en fait que l'écart est de 97 centimes.
M. Sabatier. - Je pose en fait qu'il est de 2 fr. 54 centimes.
M. de Brouckere. - Permettez, je vais me montrer bien large et bien facile. Voulez-vous que l'écart soit de 5 fr. ? Cela m'est égal.
Savez-vous pourquoi cela m'est égal ? Je vais vous prouver par des chiffres que cet abaissement considérable des péages sur les voies de transport qui conduisent la houille de Mons à Paris, n'a pas augmenté l'expédition des houilles de Mons vers Paris, et je vous prouverai par d'autres chiffres, que, malgré cette réduction, le transport des houilles de Charleroi vers la France a augmenté.
(page 634) Le transport des houilles de Charleroi par la Sambre a été en 1858 de 571,821 tonnes, en 1859, de 606,508 tonnes, en 1860 de 625,802 tonnes, et 1861 de 614,326 tonnes et en 1862 de 631,204 tonnes.
C'est donc l'année 1862 qui a donné le chiffre le plus élevé depuis cinq ans.
Voilà comment Charleroi a perdu.
Le même bassin a expédié par Erquelinnes : En 1858 435,344 tonnes, en 1859 491,527 tonnes, en 1860 568,200 tonnes, en 1861 549,052 tonnes et en 1862 417,619 tonnes.
Voilà des chiffres, messieurs, qui démontrent que l'abaissement de péage sur les voies d'eau transportant les houilles de Mons à Paris, n'a causé aucun préjudice à l'arrondissement de Charleroi et que, bien au contraire, l'expédition des houilles de Charleroi vers la France a été croissant.
Remarquez, messieurs, que je n'ai mentionné que deux des voies de transport par lesquelles Charleroi expédie en France ; il en est encore 5 autres par lesquelles on expédie des quantités moindres ; je ne puis pas entrer dans ces détails.
Voici maintenant les chiffres des expéditions de Mons vers la France ; vous savez qu'elles se font via Condé : En 1858 923,492 tonnes, en 1859 930,643 tonnes, en 1860 964,729 tonnes, en 1861 (après la réduction) 966,896 tonnes et en 1862 919,099 tonnes.
Voilà un tableau qui démontre à toute évidence (et les chiffres sont incontestables) que la réduction dont je vous ai parlé n'a produit aucun effet quant à l'expédition des houilles de Mons, et que loin de faire tort aux houilles de Charleroi, l'exportation des houilles de Charleroi a été s'accroissant d'année en année.
Il y a, messieurs, une remarque particulière à faire, c'est qu'à Rouen, celle de toutes les villes de France où les houilles anglaises arrivent le plus facilement, les ventes de Charleroi ont augmenté dans une très forte proportion. (Interruption.) Vous chercherez à expliquer les chiffres, mais vous ne les nierez pas.
Eh bien, messieurs, voici les quantités que Charleroi a vendues à Rouen. En 1858 35,273 tonneaux, en 1859 49,565 tonneaux, en 1860 47,108 tonneaux et en 1861 52,103 tonneaux.
Le chiffre de 1861 est le plus élevé.
Au surplus, messieurs, il y a quelque chose de beaucoup plus positif encore que tout cela, c'est le chiffre du mouvement de la production totale de l'arrondissement de Charleroi comparé au chiffre de la production totale de l'arrondissement de Mons pendant ces dernières années.
Le chiffre de Charleroi a été : en 1857 de 2,666,934 tonnes, en 1858 de 2,864,814 tonneaux, en 1859 de 2,993,532 tonneaux, en 1860 de 3,515,505 tonneaux et en 1861 de 3,454,680 tonneaux.
Ainsi, messieurs, en cinq ans le chiffre s'est élevé de 2,666,934 tonnes à 3,454,680 tonnes.
Voici maintenant la production du bassin de Mons : en 1857 2,691,079 tonnes, en 1858 2,869,610 tonnes, en 1859 3,007,124 tonnes, en 1860 3,012,615 tonnes et en 1861 3,247,960 tonnes.
D'où il résulte qu'en 1857 la production du bassin de Charleroi était très inférieure à celle du bassin de Mons et qu'en 5 ans le bassin de Charleroi a non seulement atteint le chiffre de Mons, mais l'a dépassé de beaucoup.
Et voilà, messieurs, comme sont fondées toutes ces réclamations, tontes ces plaintes, tous ces reproches. Voilà surtout comme sont fondées les comparaisons que l'on fait toujours entre les deux bassins, pour démontrer que le bassin de Mons est dans la plus grande prospérité, qu'il est favorisé par le gouvernement, tandis que le bassin de Charleroi décline à vue d'œil et n'obtient rien de l'Etat. Tout cela s'est évanoui comme de la fumée.
Charleroi prospère et Mons reste à peu près dans un état de stagnation ; or, quand une industrie, dans les circonstances où nous sommes, est à l'état de stagnation, elle décline.
J'arrive maintenant au quatrième grief que produisent ou plutôt à la quatrième demande que font les honorables membres de Charleroi. (Interruption.) J'apprends avec plaisir qu'ils y ont renoncé. J'en dirai cependant deux mots.
Ils demandaient donc qu'il fût établi un prix spécial pour le transport des houilles de Charleroi vers Mons, bien entendu avec réciprocité.
Eh bien, nous disons que nous ne voulons pas de faveurs, pas de privilège, pas de tarif exceptionnel ; nous voulons le tarif commun.
Il est bon que la Chambre sache à quoi s'en tenir sur cette demande qu'on ose à peine exposer au grand jour.
Il est évident que Charleroi a intérêt à pouvoir transporter à bas prix ses houilles à Mons, pour prendre là le canal de Mons à Condé et introduire les houilles en France dans les mêmes conditions que les houilles de Mons.
Mais je voudrais bien qu'on me dît de quel droit on empêcherait Mons de profiter de ses avantages géographiques, comme on le disait tout à l’heure, de quel droit on en veut le partage tout en conservant les avantages que l'on a soi-même à l'exclusion des autres.
Charleroi a un marché spécial beaucoup plus favorable que celui de Mons. Cela ne lui suffit pas : Charleroi voudrait encore exploiter le marché de Mons sans rien lui donner en retour.
Nous disons à Charleroi : Exploitez votre marché qui est considérable, et laissez à Mons les avantages géographiques dont la nature l'a gratifié ; ne venez pas nous faire concurrence chez vous.
C'est une absurdité que cette demande-là ; je n'hésite pas à dire que si le gouvernement accueillait une pareille réclamation, je ne considérerais pas seulement cet acte comme une injustice, comme une iniquité ; je le considérerais comme une véritable spoliation, au détriment du bassin de Mons. J'ai trop de confiance dans l'esprit droit, honnête et juste de M. le ministre des travaux publics pour croire qu'il cède jamais à de pareilles prétentions, avec quelque insistance qu'elles soient soutenues.
Enfin, messieurs, on s'est plaint en termes assez amers de ce que les houilles de Charleroi n'arrivent pas à Gand à des prix aussi avantageux que ceux de Mons. Mais Charleroi voudrait-il, par exemple, approvisionner les environs de la ville de Mons elle-même ? Il faut vous donner tout, vous ne nous laisserez plus rien. (Interruption.)
Pardon, c'est extrêmement sérieux ce que je dis.. (Nouvelle interruption) ; l'honorable M. Sabatier l'a demandé de la manière la plus formelle ; il a dit ; « Voyez l'injustice : Mons envoie à Gand ses charbons à des prix plus avantageux que Charleroi.
Eh bien, messieurs, malgré cet écart favorable à Mons, savez-vous ce qui arrive ? Il y a quelques années, Charleroi n'envoyait pas de charbons à Gand ; et aujourd'hui Charleroi s'est mis en possession d'une grande partie du marché de cette grande ville. Mons s'y maintient, s'y défend avec une extrême difficulté, en dépit des avantages de position qu'elle a. Gand est devenu un débouché très important pour les houilles de Charleroi.
J'espère qu'on en finira une bonne fois de toutes ces récriminations ; nous n'avons voulu que nous défendre ; nous n'avons jamais été agressifs ; nous n'avons jamais reproché à d'autres localités les avantages qu'on leur faisait, ni la prospérité dont elles jouissaient ; je demande seulement qu'on nous laisse exploiter à Mons les modestes avantages que nous avons conservés.
Au surplus nous désirons sincèrement que le bassin de Charleroi prospère ; je croyais après ce qui s'était passé, dans une occasion récente, qu'il n'aurait plus été question de comparer les deux bassins ; je croyais que chacun aurait tâché de :s tirer d'affaire le mieux possible, mais sans vouloir toujours empiéter aux dépens de l'autre.
Il est un point sur lequel, je crois, les députés de Charleroi seront d'accord avec nous : ce sera pour appuyer les observations de l'honorable M. Moncheur, tant sur le canal de Gand à Ostende que sur le canal de Gand à Terneuzen, il y a là un avantage pour les bâtiments venant du dehors et entrant en Belgique. Cela a paru peu logique à l'honorable M. Moncheur, et je pense que nous partagerons, tous, son avis et que nous serons tous d'accord pour reconnaître qu'il faut là un tarif uniforme en montant comme en descendant.
(page 639) M. Ch. Lebeau. - Messieurs, le gouvernement vient de rencontrer un défenseur inattendu dans l'honorable M. de Brouckere ; l'honorable membre a plaidé la cause du gouvernement, en même temps que la question de rivalité entre le bassin de Mons et celui de Charleroi ; il a dit que s'il était forcé d'attaquer le bassin de Charleroi, c'est uniquement parce qu'il devait défendre celui de Mons contre les attaques dont il avait été l'objet.
Mais, messieurs, avons-nous attaqué le bassin de Mons, avons-nous demandé qu'on grevât ce bassin d'un droit quelconque ? Non ; or parce que nous ne voulons pas d'une surtaxe sur le canal de Charleroi, on prétend que nous attaquons le bassin de Mons. Vous dites que vous n'êtes pas les défenseurs de l'équilibre des bassins ; mais vous n'êtes que cela ; seulement, vous n'osez le soutenir ouvertement, parce que cette prétention ne serait plus prise au sérieux aujourd'hui que les principes de la libre concurrence sont proclamés et appliqués partout.
Il faut, dites-vous, laisser jouir chacun de ces avantages géographiques naturels. Eh bien, c'est ce que nous demandons ; seulement nous ne voulons pas qu'on surtaxe nos canaux.
Messieurs, je crois qu'il faut en finir une bonne fois avec la question des péages sur le canal de Charleroi.
Pour réduire cette question à sa plus simple expression, je demanderais volontiers à l'honorable M. de Brouckere, comme je l'ai demandé à M. le ministre des travaux publics de nous dire pourquoi le canal de Charleroi est frappé d'un droit d'un centime 62/100 par tonne et par kilomètre, tandis qu'on ne paye qu'un centime par tonne et par kilomètre sur les canaux de Mons. Qu'on me justifie pourquoi cette différence ?
M. H. de Brouckere. - Voulez-vous que je vous le dise ?
M. Ch. Lebeau. - Permettez. D'après les uns, le péage sur un canal doit avoir pour base l'intérêt du capital employée la construction les frais d'entretien et l'amortissement du capital. D'après les autres on ne doit avoir égard qu'au service rendu par le canal à ceux qui en usent. Or, quel devrait être le péage du canal de Charleroi d'après le premier système ?
Le capital n'était plus aujourd'hui que de 3 millions, d'après ce que nous a dit M. le ministre, on devrait payer, d'abord, à titre d'intérêt 150,000 francs ; ensuite pour frais d'entretien et d'exploitation environ 50,000 fr. et pour l'amortissement une somme égale, soit ensemble 250,000 fr. Or, le canal rapporte un million ; donc, d'après ce système, il supporte un péage trois fois plus élevé qu'il ne devrait l'être.
Maintenant, que devrait-on payer d'après le second système, c'est-à-dire si on prenait pour base du péage le service rendu ? Le service rendu ici est une espèce de location. Or, quelle est l'étendue de ce service ? Messieurs, tout le monde sait que le canal de Charleroi est dans de très mauvaises conditions de navigation, et cela est tellement vrai que le gouvernement est intentionné d'y dépenser 15 à 20 millions pour le mettre dans les mêmes conditions que les canaux du bassin de Mons, qui sont dans de bonnes conditions.
M. Dolez. - On a grand tort.
M. Ch. Lebeau. - Selon vous, c'est possible ; mais les intéressés du bassin de Charleroi savent fort bien ce qu'ils font quand ils demandent l'élargissement du canal, et je vous prie de ne point vous constituer leur défenseur malgré eux. Je dis donc que le canal est dans de mauvaises conditions et cela est reconnu par le gouvernement.
M. Dolez. - On est parvenu à le faire croire au gouvernement, mais il a tort.
M. Ch. Lebeau. - Le gouvernement n'a pas tort, et sous ce rapport il est d'accord avec tout le monde, aussi bien avec les producteurs du bassin de Charleroi qu'avec les consommateurs qu'il approvisionne.
Je me demande donc si le service rendu peut expliquer pourquoi le (page 610) péage est plus élevé sur le canal de Charleroi que sur des canaux à grande section servant aux transports de produits identiques.
Mais, messieurs, qui donc soutiendra que le service rendu est plus grand sur un canal où l'on ne peut naviguer qu'avec des bateaux de 70 tonnes que sur un canal qui permet la navigation aux bateaux de 250 tonnes ? Mais ce serait l'inverse qui devrait avoir lieu, car la navigation est plus difficile et plus coûteuse sur un canal à petite section que sur un canal à grande section.
En effet, est ce que le bateau de 70 tonneaux n'exige pas un batelier comme un tonneau de 250 tonneaux ; est ce que les frais de halage ne sont pas à peu près les mêmes pour l'un que pour l'autre bateau ?
Donc, le service rendu est moins grand sur le canal de Charleroi où on navigue avec des bateaux de 70 tonneaux, que sur les canaux à grande section où cette navigation se fait avec des bateaux de 250 tonneaux ; et la meilleure preuve que j'en puisse donner, c'est, je le répète, que le gouvernement se dispose à faire une dépense considérable pour réparer ce vice de construction, en mettant le canal de Charleroi à grande section comme les autres canaux du pays.
Ainsi donc, messieurs, de quelque manière que l'on calcule pour établir rationnellement le taux du péage sur le canal de Charleroi, il est de toute évidence que ce péage est trop élevé.
Maintenant on nous a reproché d'avoir dit que le canal de Charleroi avait par le péage remboursé deux ou trois fois le prix d'acquisition, ce qui ne serait pas exact.
M. Dolez. - D'après le commun des martyrs.
M. Ch. Lebeau. - Comme vous dites. C'est en 1839, je pense, que le gouvernement a racheté la concession de ce canal.
La compagnie concessionnaire qui l'avait exploité jusqu'alors y avait établi des péages exorbitants, tellement qu'ils devaient en 32 ans, durée de la concession, rembourser les frais de premier établissement, les intérêts, frais d'entretien et bénéfices de construction. Ces péages étaient tellement élevés que, malgré les réductions qu'ils ont subies, ils sont encore aujourd'hui plus élevés que sur tous les autres canaux.
Cependant on prétend que le canal n'a pas remboursé ses frais d'acquisition, capital et intérêts, qu'il est encore débiteur d'environ 3 millions. Mais je demanderais volontiers, en admettant que cela fût, si les autres canaux ont remboursé leurs frais de premier établissement ; s'ils ne les ont pas remboursés, et il en est même qui couvrent à peine leurs frais d'entretien, je demanderai pourquoi les péages y sont cependant moins élevés que ceux du canal de Charleroi ?
Messieurs, s’il s'agit ici d'une question d'appréciation, et tout à la fois d'équité et de justice. Il faut nécessairement qu'on décide une bonne fois pourquoi on paye un centime sur un canal, un demi-centime sur un autre, un dixième sur un autre encore et à côté de cela un centime 62/100 sur le canal de Charleroi. Oui, je demande instamment qu'on justifie ce péage de 1 62/100 centimes sur un canal où ne peuvent naviguer que des bateaux de 70 tonneaux, tandis que sur des canaux à grande section, d'une navigation facile et moins coûteuse, on ne paye qu'un centime et moins par tonne et par kilomètre.
On prétend, messieurs, que Charleroi a grand tort de se plaindre ; on va, dit-on, élargir notre canal, et non contents de cela vous réclamez encore une seconde faveur. Messieurs, je dis qu'aucune des deux mesures que nous réclamons ne constituera, en réalité, une faveur. En effet, quand on élargira le canal, que fera-t-on ? Mais on ne fera pas réparer un vice de construction absolument comme le feraient l'architecte et l'entrepreneur qui auraient mal construit un édifice. Le gouvernement ne fait pas autre chose dans cette circonstance ; il ne fait que réparer une faute commis lors de la construction du canal. Je ne comprends donc pas comment on pourrait donner à cela le nom de faveur, car je suppose que le canal de Charleroi n'existe pas et qu'il s'agisse de le construire, à qui viendrait-il à l'esprit de le faire tel qu'il est ? Evidemment on le construirait à grandes sections et, certes en agissant ainsi, on ne prétendrait pas que l'on accorde une double faveur.
Maintenant, est-on mieux fondé à prétendre que la réduction des péages constituerait une faveur ? Pas davantage, messieurs, et ce n'est pas à ce titre que nous réclamons. Nous disons que non seulement il faut réduire les péages sur tous les canaux et sur tous les chemins de fer ; mais qu'abstraction faite de cette considération, il y a lieu de réduire spécialement les péages du canal de Charleroi parce qu'ils sont plus élevés que ceux de tous les autres canaux, tandis qu’ils devraient être moins élevés, puisque le service rendu est moindre. Ce que nous demandons n'est donc qu'un acte de justice ; rien de plus.
L'honorable M. Dolez a fait entrevoir la possibilité de prolonger le canal de Charleroi jusqu'à Mons. Eh bien, je lui demanderai si, dans l'hypothèse où cette jonction serait opérée, on oserait établir deux droite différents, un de I fr. 62 c. sur la section de Bruxelles à Charleroi ou de Charleroi à Mons et un autre d'un centime seulement sur la section de Mons à la frontière française.
M. de Brouckere. - Nous ne voulons pas de privilège.
M. Ch. Lebeau. - Alors vous devez consentir à l'uniformité des péages sur tous les canaux.
M. de Brouckere. - Pas du tout.
M. Ch. Lebeau. - Et pourquoi cela ?
M. de Brouckere. - On vous l'a déjà dit ; les conditions ne sont pas les mêmes.
M. Ch. Lebeau. - Mais c'est une erreur que je viens de démontrer. Je dis donc que dans l'hypothèse posée par l'honorable M. Dolez., vous n'oseriez pas réclamer des péages différentiels.
Ainsi, quand nous venons réclamer l'abaissement des péages du canal de Charleroi, en attendant l'élargissement, ce n'est que la conséquence du système soutenu par le gouvernement, que le péage doit être fixé en raison du service rendu.
Evidemment, quand le canal sera élargi, qu'il sera à grande section comme les autres canaux, on n'élèvera pas les péages ; or, si vous ne les élevez pas quand il sera à grande section, et qu'ainsi il rendra de plus grands services, comment voulez-vous les maintenir à un taux plus élevé dans l'état défectueux et d'infériorité où il se trouve aujourd'hui ? Tout cela ne résiste pas à un examen sérieux.
Je passe légèrement sur les autres points traités par l'honorable M. de Brouckere, car ils ne se rattachent pas à la question dont il s'agît.
On vous a parlé du rachat des canaux français sur la ligne de Charleroi à Paris ; bien que nous n'en ayons pas dit un mot, nous voulons bien en parler puisque vous le désirez.
Le gouvernement français à la suite du traité de commerce avec l'Angleterre a racheté les canaux sur la ligne de Mons à Paris et on a abaissé les péages d'une manière considérable ; le bassin de Mons a profité de cet avantage que le gouvernement voulait faire aux producteurs français du Pas-de-Calais, et cela est si vrai que le fret de Mons à Paris a été de 4 fr. 56 c. moins élevé que celui de Charleroi à Paris, quoiqu'il n'y ait qu'une différence de parcours de 6,700 mètres entre les deux lignes ; l'écart est moindre aujourd’hui ; mais pourquoi cette différence ? C'est parce que les droits sont plus élevés sur la ligne de Charleroi quoique la navigation soit plus difficile et plus coûteuse que sur le canal de Mons à Condé. En effet, pour naviguer sur la Sambre de Charleroi vers Paris, il faut remonter la rivière, et cela coûte plus de frais de halage que sur un canal artificiel.
Je viens de parler de la Sambre, et je dois faire remarquer qu'ici encore Charleroi n'est pas plus heureux, car le péage sur la Sambre est encore de un dixième plus élevé, quoique la navigation soit plus difficile que sur le canal de Mons à Condé, comme je viens de le dire. Or, qu'on nous explique encore quel est le motif de cette surtaxe d'un dixième ; nos adversaires ne le pourraient pas.
On a parlé des expéditions de charbon de Charleroi vers Paris et on les a comparées à celles de Mons ; je n'ai pas les tableaux sous la main ; je ne puis pas vérifier si l'honorable M. de Brouckere est on n'est pas dans l'erreur, mais je crois qu'il y a erreur.
Quant à la production, on dit que dans le bassin de Charleroi elle a augmenté, ce qui n'a pas eu lieu à Mons. Mais on oublie que ce bassin a reçu depuis longtemps tout son développement et qu'il n'a plus à gagner sous ce rapport. Celui de Charleroi, au contraire, a été un des derniers à se développer.
Une foule de concessions sont restées inexploitées pendant longtemps ; aujourd'hui elles sont mises en exploitation et elles se développent, voilà pourquoi la production augmente au fur et à mesure de ce développement ; mais ce qui n'augmente pas à Charleroi, ce sont les bénéfices. Si l'honorable membre avait poussé ses investigations plus loin, il aurait trouvé que l'écart entre le prix de revient et le prix de vente était moindre dans le bassin de Charleroi que dans celui de Mons, et que dans celui-ci le bénéfice est double. Mais vous vous en êtes bien gardé.
M. de Brouckere. - Je le nie, bien loin de le dire.
M. Ch. Lebeau. - Mais les tableaux statistiques sont là pour prouver ce que j'avance.
Je le répète, la question n'est pas de savoir combien on expédie, en admettant que vos données fussent exactes, mais de savoir combien les exploitations rapportent comme bénéfices. Or, en moyenne les houillères de Charleroi ne rapportent pas, en ce moment, plus de 2 p. c, car il en est qui sont en perte.
Quant au prix spécial dont a parlé l'honorable M. de Brouckere pour (page 641) les transports de charbons de Charleroi vers Mons, l'honorable membre est encore dans l'erreur. Les péages sur les canaux français qui sont le prolongement de la Sambre belge vers Paris, sont très élevés. Ces canaux appartiennent à deux compagnies anonymes dont les principaux actionnaires sont en même temps actionnaires dans les chemins de fer qui sont en concurrence avec les canaux, de sorte qu'on maintient les prix sur les deux voies de transport à peu près au même taux.
Nous avons insisté pour qu'on tâchât, au moyen de négociations, d'obtenir le rachat des canaux la ligne Charleroi comme cela a eu lieu sur la ligne de Mons. Ce n'est que par une négociation qu'on peut l'obtenir.
Si le gouvernement français le fait, ce sera dans l'intérêt des consommateurs français qui se trouvent sur cette ligne de navigation et qui supportent un droit plus élevé que si les canaux étaient rachetés et les péages abaissés, comme cela a eu lieu pour les autres canaux français. Or, en attendant que cet abaissement se fît, nous avons demandé à pouvoir transporter à prix réduit nos charbons par la voie du canal de Mons à Condé, mais en transit et non pour aller prendre le marché de Mons ; car on ne jouirait de la réduction que pour autant que les charbons seraient expédiés au-delà de la Fère, point où la ligne de Mons est commune avec celle de Charleroi vers Paris. Voilà les faits tels qu'ils sont.
On voit que l'honorable membre était encore là mal renseigné ; nous ne demandons pas de pouvoir vendre sur le marché de Mons, mais de pouvoir expédier vers Paris et Rouen par la voie de Mons. Si on avait fait droit à cette demande, on n'aurait pas nui aux intérêts de cette localité et c'eût été un acte de justice fait au bassin de Charleroi, qui n'a pas été plus heureux dans ces circonstances que dans d'autres.
Je crois devoir borner ici mes observations, me réservant d'y revenir plus tard.
(page 635) M. Pirmez. - Messieurs, j'ai demandé la parole pendant que l'honorable M. de Brouckere parlait, ignorant que mon collègue de Charleroi, M. Lebeau, fût inscrit. Je n'aurais qu'à répéter une partie de ces arguments ; si ces arguments n'ont pas satisfait nos collègues de Mons, ils répondront peut-être à M. Lebeau, je me réserve alors de prendre la parole.
M. Julliot. - Dans la querelle entre le canal de Mons et le canal de Charleroi, je ne prendrai parti pour l'un ni pour l'autre.
Les prétentions de ces bassins sont égales et visent au même but. Des faveurs, rien que des faveurs, on ne se fait pas d'autres reproches.
Les appétits de ceux qui les représentent sont d'une égale vivacité.
MM. les représentants de Mons se taisent quand ils ont tous ce qu'ils désirent.
MM. les représentants de Charleroi, aidés de ceux de Bruxelles, demandent, à chaque occasion, un abaissement du péage ; alors ceux de Mons se réveillent. Et quand cette querelle de métier devient sérieuse, et que le gouvernement est débordé, comme je l'ai vu deux fois, la querelle se termine sur le dos de ceux qui n'ont pas de canaux.
Solon moi, les uns ni les autres ne payent assez. Car ce qu'on paye en moins sur les canaux, il faut le demander en plus à l'impôt.
Il ne peut s'agir d'égaliser les péages, car il est des canaux qui, dans ces condiions, ne donneraient rien.
Il n'est pas plus question de savoir si tel canal s'est remboursé.
Un canal est un domaine de l'Etat, qu'il peut vendre quand il veut.
C'est un instrument de travail que le gouvernement loue à ceux qui sont à portée s'en servir, et si l'Etat ne peut pas l'utiliser d'une manière complète, s'il ne sait l'administrer en bon père de famille et faire produire à son domaine tout ce qu'il peut donner, il doit le vendre et le confier en des mains plus habiles que la sienne.
Il faut donc chercher pour chaque canal le critérium du plus grand revenu et alors le gouvernement fait son devoir.
Si la querelle engagée continue, je prédis que vente s'ensuivra, et j'engage le gouvernement, en attendant, à résister aux exigences des uns et des autres. Il aura la satisfaction d'avoir rempli son devoir envers les contribuables. Car le jour où les grands intérêts s'entendront, nous serions gouvernés par une oligarchie charbonnière, gouvernement auquel je ne tiens pas, pour ma part. On nous ferait payer cher la denrée.
M. Dolez. - Je me demande s'il y a lieu de continuer le débat ; s'il y a une proposition, je me déclare prêt à la combattre, et à répondre au discours de l'honorable M. Lebeau.
Mais, si aucune proposition n'est faite, il est inutile de continuer une discussion sur une matière que chacun de nous connaît à merveille.
Cette question a déjà été agitée tant de fois devant elle, qu'il est probable que tous les membres de la Chambre en connaissent autant que nous tous les éléments. J'éprouve moi-même une fatigue profonde à revenir chaque année défendre avec mes collègues de la députation de Mons, - nos commettants et non pas mes appétits comme le disait tout à l'heure l'honorable M. Julliot - contre de nouvelles attaques.
Puisque j'ai rappelé ce mot d'appétit, notre honorable collègue me permettra de répondre à sa plaisanterie par une observation sérieuse ; aucun des membres de la députation de Mons ne défend un intérêt personnel en combattant les prétentions de Charleroi.
Je puis même ajouter qu'au moins deux membres de la députation montoise ont intérêt à la réduction du péage sur le canal de Charleroi. Moi qui combats cette réduction depuis quinze ans, j'aurais personnellement intérêt à la voir accueillir. Cela ne m'empêche pas de combattre une prétention que je ne crois pas juste. En agissant ainsi, je remplis un devoir auquel je ne faillirai pas.
L'honorable M. Lebeau me permettra de répondre deux mots à l'interpellation qu'il nous adressait tout à l'heure, à mes collègues de Mons et à moi.
Mais expliquez-nous donc, disait-il, comment il y a sur les canaux de Mons des péages moins élevés que ceux du canal de Charleroi.
J'ai déjà répondu à cette question et vous n'avez pas relevé ma réponse. Vous ne la relèverez même pas, parce qu'elle est sans réplique.
Mais je vais vous la répéter en vous priant de ne plus l'oublier désormais, les péages des canaux montois ont été l'objet d'une réduction qui représente la compensation donnée par la Chambre, donnée par la loi, de l'oubli dans lequel notre arrondissement a été laissé dans toutes nos lois de travaux publics.
Car il faut bien que je le redise, depuis 1830, excepté le chemin de fer de l'Etat, le gouvernement, en fait de travaux publics, n'a rien fait pour l'arrondissement de Mons. Depuis 1830, on a toujours été, sous ce rapport, injuste envers cet arrondissement. Cela est si vrai, que l'an dernier votre collègue de Charleroi, l'honorable M. Dechamps, se montrant en cela plus juste que vous, M. Lebeau, tout en produisant pour son arrondissement des plaintes non fondées, proclamait qu'il était en Belgique un arrondissement qui avait le droit de se plaindre entre tous et que c'était celui de Mons.
C'est du reste ce que vous ne pouvez nier.
Cessez donc de venir prétendre que l'industrie montoise est l'objet de faveurs, et rappelez-vous que le taux actuel des péages des canaux dont elle se sert, rappelle, en même temps qu'elle compense dans certaine mesure, l'oubli dans lequel cet arrondissement a toujours été laissé dans la création des grands travaux exécutés aux frais de l'Etat.
Je regrette, messieurs, que les observations qui m'ont été faites m'aient forcé à rappeler ce que, par un sentiment patriotique, que je place au-dessus de tout autre sentiment, j'ai toujours cherché à oublier moi-même et à faire oublier par mes commettants.
M. Orts. - Messieurs, j'avais demandé la parole pour entrer dans l'ordre d'idées où est entré l'honorable M. Dolez.
Je crois qu'il est impossible de continuer cette discussion maintenant et qu'elle trouvera mieux sa place lorsque paraîtra le projet de loi qu'a annoncé l'honorable M. Sabatier et qui contiendra une question de principe applicable à tous les canaux, ce qui permettra de discuter en même temps la question relative au canal de Charleroi de manière à la faire mieux comprendre par le pays.
M. Sabatier. - Je déposerai ce projet de loi dans le but de faire cesser une discussion qui est sans issue possible aujourd'hui,
- La séance est levée à 5 heures.