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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 6 février 1863

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1862-1863)

(page 317) Présidence de (M. E. Vandenpeereboom, premier vice-président.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Moor procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. de Florisone, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

M. de Moor présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre :

« Le sieur Marchot, ancien vérificateur de première classe des douanes et combattant de 1830, demande à être admis au bénéfice de la loi accordant 10 années de services aux officiers qui, en qualité de volontaires, ont pris part aux combats de la révolution dans les quatre derniers mois de la révolution. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Boeckmans prie la Chambre de modifier l'article 9 de la loi du 30 mars 1861, instituant une caisse centrale de prévoyance pour les secrétaires communaux, dans ce sens que les pensions des participants seront liquidées à raison d'un trentième au lieu d'un soixantième de la moyenne du traitement qui a été assujetti à la retenue annuelle pendant les cinq dernières années. »

- Même renvoi.


M. le ministre de l’intérieur transmet à la Chambre 117 exemplaires du tome III du Bulletin du conseil supérieur de l’industrie e et du commerce.

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1863

Discussion du tableau des crédits

Chapitre IV. Frais de l’administration dans les arrondissements

Article 38

M. le président. - Nous sommes restés au chapitre V. Les amendements qui s'y rattachaient ont été ou rejetés ou retirés par leurs auteurs. La discussion est reprise sur ce chapitre, La parole est à M. Wasseige.

M. Wasseige. - Si j'en crois les indications contenues dans le rapport de la section centrale, à la page 51, l'augmentation de traitement proposée pour les commissaires d'arrondissement ne serait que de 5 p. c. du chiffre actuel de leur traitement. »

Messieurs, je ne suis point partisan à outrance des commissariats d'arrondissement ; j'ai voté hier contre le rétablissement de ceux qui ont été supprimés en 1849 ; je suis de ceux qui pensent qu'on pourrait peut-être en diminuer encore le nombre et supprimer même, sans inconvénient grave, les commissariats, d'arrondissement dans les chefs-lieux de province. Mais si on ne les supprime pas, si l'on décide qu'il y a lieu de maintenir ceux qui existent actuellement, au moins faut-il les laisser subsister honorablement. En un mot, on pourrait les supprimer, mais on ne doit pas les humilier.

Or, il est évident que l'augmentation proposée n'est nullement en rapport avec l'importance des fonctions des commissaires d'arrondissement, si l'on considère celle qui a été accordée déjà à certaines catégories de fonctionnaires auxquels ils auraient été assimilés jusqu'à présent, et quant à la position et quant au taux du traitement.

Ainsi, messieurs, avant les propositions d'augmentation des traitements, les commissaires d'arrondissement ont toujours été placés sur la même ligne que les procureurs du roi et les présidents des tribunaux du siège du commissariat d'arrondissement.

Les commissaires d'arrondissement appartenant à un arrondissement judiciaire où se trouve un tribunal de première instance de première classe, étaient également rangés dans la première classe et jouissaient du traitement des procureurs du roi et des présidents des tribunaux de première classe ; ceux de la seconde classe avaient le traitement des mêmes magistrats appartenant à la seconde ; et ainsi de suite. Or. messieurs, par suite de l'augmentation qui a été votée pour les membres de la magistrature, si celle qui est proposée pour les commissaires d'arrondissement restait fixée à 5 p. c., il y aurait, entre ces deux catégories de traitement, une différence énorme, et j'appelle sur ce fait toute l'attention de M. le ministre, Avant les propositions qui vous ont été soumises pour augmenter les traitements, ceux des procureurs du roi de première classe et des commissaires d'arrondissement étaient de 6,000 francs.

Par suite du vote de la Chambre, le traitement du procureur du roi de première classe est porté à 7,5;00 francs ; tandis que le commissaire d'arrondissement ne recevrait que 6,300 francs. Le premier jouit donc de 25 p. c. d'augmentation, tandis que le second n'aurait que 5 p. c. Il y a là une anomalie tellement flagrante, qu'elle ne peut être réelle, et j'aime à espérer que je suis victime d'une erreur de M. le rapporteur du budget.

Les fonctions de commissaire d'arrondissement sont des fonctions importantes ; elles demandent une grande indépendance et exigent une certaine représentation ; c'est ce que vous avez jugé toujours dans l'assimilation que vous avez faite. Sera-t-il juste dès lors de n'augmenter que de 5 p. c. les traitements de ces fonctionnaires alors qu'on augmente de 25 p. c. les traitements des procureurs du roi ? Encore une fois, cette anomalie est tellement choquante que je ne puis y croire, et j'attendrai sur ce point les explicitions de M. le ministre de l'intérieur.

J'ajouterai que la classification des commissariats d'arrondissement demanderait aussi une révision. Il y a longtemps déjà que cette classification a été arrêtée, et depuis lors, dans les centres industriels surtout, des changements notables, quant à la population, au nombre et à l'importance des affaires, se sont produits dont il faudrait tenir compte dans une classification nouvelle, et il me paraîtrait très opportun et très juste de revoir cette classification et d'y apporter les changements que les circonstances pourraient avoir rendus nécessaires.

Je me demande même s'il est juste et convenable de diviser en plusieurs classes les arrondissements.

Pour moi je suis assez d'avis que, dans les fonctions où il n'y a pas de. hiérarchie qui permette à celui qui en est revêtu d'augmenter et en position et en traitement comme dans les fonctions judiciaires, par exemple, dans ces fonctions où les titulaires ont les mêmes attributions, la même position, il n'y a pas de raisons de différences suffisantes dans ce fait que les titulaires habitent l'un dans la capitale, l'autre dans une ville de province, pour les diviser en différentes classes.

C'est une idée que je recommande à la bienveillante attention de M. le ministre de l'intérieur.

Puisque je m'occupe de classification, je ne laisserai pas passer sans protestation une idée émise par M. Dolez, que je regrette de ne pas voir à son banc, idée que je regarde comme n'étant pas heureuse.

D'après cet honorable collègue, il serait convenable de classer les députations permanentes, d'en faire différentes catégories. Si j'éprouve du doute, quant à l'utilité de la classification des commissaires d'arrondissement, j'ai une conviction profonde que ce serait une chose regrettable que la mise à exécution de l'idée de M. Dolez.

L'honorable membre, par un sentiment de bienveillance quelque peu exagéré pour la députation du Hainaut, se montre injuste à l’égard des autres députations permanentes.

Il nous a dit que l'étendue du territoire de la province de Hainaut, le chiffre de sa population, son sous-sol étaient des causes d'augmentation perpétuelle dans le nombre des affaires, ce qui faisait à la députation permanente une position exceptionnelle ; il a ajouté que ce collège tenait 102 séances par année. Eh bien, je ferai observer que ce nombre de séances n'est nullement extraordinaire. C'est la moyenne qu'atteignent presque toutes les députations permanentes.

Je puis dire, par exemple, que la députation de la province de Namur tient deux séances presque chaque semaine, ce qui se rapproche beaucoup du nombre des séances tenues par la députation du Hainaut. Mais indépendamment de ces considérations, voici ma manière de voir sur cette question ; toutes les députations ont la même juridiction, les mêmes pouvoirs ; les affaires qui leur sont soumises ont la même importance ; elles peuvent tout au plus différer par le nombre, encore cette différence est-elle bien moins grande qu'on ne pourrait le croire ; car si certaines députations ont à s'occuper des mines, d'autres ont à tra ter les affaires d'affouage, d'autres des wateringues, et tout compte fait, chaque députation se trouve avoir à peu près le même nombre d'affaires à examiner.

Mais ne serait-ce pas ravaler ces fonctions, les amoindrir considérablement, créer des rivalités de province à province, que de mesurer ainsi les traitements ? Cela serait mesquin et peu digne. Si cette idée était fondée, il faudrait en faire, à plus forte raison, l'application aux gouverneurs de province, aux greffiers. Qui de nous pense à faire des catégories de gouverneurs et de greffiers provinciaux ?

Je crois que cette idée ne trouverait guère de partisans dans cette enceinte.

Les raisons qui militent en faveur des gouverneurs, et des greffiers, leur position identique dans les provinces diverses, ces mêmes raisons militent également en faveur des députations.

Je recommande ces observations à M. le ministre ; si d'après ce qu'a dit M. Dolez, il doit se livrer à un nouveau travail sur les députations (page 318) permanentes, je le prie d'écarter l'idée émise par l'honorable membre que je combats. Si j'insiste autant, c'est que je redoute trop l'influence méritée dont jouit M. Dolez dans la Chambre pour laisser passer sans protestation tout ce qui émane de lui.

M. H. Dumortier. - Messieurs, une section a fait une observation que je n'ai pas trouvée reproduite dans le rapport de la section centrale. La Chambre et le gouvernement attachent une grande importance à la conservation des archives communales et provinciales. C'est pour atteindre ce but que des membres ont signalé, il y a quelques jours, l'utilité d'affecter un local réservé aux archives dans les maisons communales.

Il y a des dépôts d'archives qui sont exposées à des avaries et à la confusion, ce sont les dépôts confiés aux commissaires d'arrondissement.

Dans certains petits arrondissements, ces fonctionnaires ont une peine réelle à se procurer des habitations convenables. Il est temps de signaler cet état de choses à l'attention du gouvernement, et puis à chaque changement de commissaire toutes ces archives doivent être transportées dans un autre local.

J'ai trouvé de ces dépôts dans un état déplorable, et parfois des documents très importants ne se trouvaient pas à l'abri de l'humidité ou du feu.

En France, messieurs, il existe pour cet objet une pratique dont je ne connais pas fort bien les détails, mais que je crois pouvoir signaler à l'attention du gouvernement.

Il existe en France des locaux spéciaux pour les sous-préfets, soit qu'ils soient construits par le gouvernement, soit qu'ils le soient avec l'intervention volontaire des communes, auxquelles il est tenu compte de cette dépense.

Je n'ai pas de détails complets à cet égard, mais depuis longtemps des mesures ont été prises pour éviter les inconvénients que j'ai eu l'honneur de signaler. Je ne veux pas faire de ces courtes observations l'objet d'une proposition ; mais j'ai trouvé utile d'appeler sur ce point l'attention de M. le ministre de l'intérieur.

Projet de loi de naturalisation&

M. Crombez. - J'ai l'honneur de déposer sur bureau, au nom de la commission des naturalisations un projet de loi accordant la grande naturalisation au sieur Mayaudon.

- Le rapport sera imprimé et distribué, et mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1863

Discussion du tableau des crédits

Chapitre IV. Frais de l’administration dans les arrondissements

Article 38

.M. Dechamps. - Mon honorable ami, M. Wasseige, a soumis à la Chambre quelques observations judicieuses, auxquelles je me rallie complètement. Mais je pense, j'espère du moins, qu'il est dans l'erreur, relativement à l'augmentation de traitement qui concerne les commissaires d'arrondissement.

Si j'ai bien compris mon honorable ami, il croit que, d'après les tableaux qui nous ont été fournis, l'augmentation ne serait que de 5 p. c. pour les commissaires d'arrondissement.

Or, messieurs, dans la réponse faite à la section centrale par M. le ministre de l'intérieur, je trouve le passage suivant qui me paraît répondre, en principe du moins, à la demande que lui a adressée mon honorable ami, M. Wasseige.

M. le ministre de l'intérieur a dit dans une de ses réponses en parlant des employés provinciaux :

« Si pourtant la Chambre voulait, dès 1863, porter à plus de 5 p. c., à 10 p c. par exemple, le chiffre des augmentations, le gouvernement se rallierait volontiers à cette proposition ; mais il serait entendu que le crédit ne serait pas réparti uniformément au prorata des appointements, et que, sur la proposition des gouverneurs, les augmentations porteraient de préférence sur les traitements qui doivent tout d'abord être améliorés. »

Je trouve plus loin, dans le rapport de la section centrale, le passage suivant :

« M. le ministre de l'intérieur consentant de son côté à faire profiter les employés des gouvernements provinciaux intégralement, dès la première année, de l'augmentation de 10 p. c. les crédits pétitionnés aux neuf articles libellés« traitements des employés, » se trouveraient déterminés comme suit... »

Il s'agit ici des employés provinciaux, et l'on me fait remarquer autour de moi, que les commissaires d'arrondissement ne font pas partie de cette catégorie de fonctionnaires.

M. de Naeyer. - Pas du tout.

M. Hymans, rapporteur. - Je demande la parole.

.M. Dechamps. - Si je suis dans l'erreur, M. le ministre voudra bien me le dire ; mais je pense, comme mon ami M. Wasseige, que les commissaires d'arrondissement devraient être compris dans cette mesure, et c'est dans ce sens que j'appuie ses observations.

Mais si je suis dans l’erreur, en appliquant aux commissaires d'arrondissement les passages du rapport de la section centrale que je viens de lire, je ne crois pas être en erreur, en émettant la conviction que les commissaires d'arrondissement ne seront pas les seuls exclus du bénéfice de l'augmentation de 10 p. c. dont jouiront les fonctionnaires supérieurs et inférieurs de la province.

Je partage l'opinion de mon honorable ami, en ce qui concerne la classification des commissariats. Bien loin de croire à la nécessité d'introduire une classification différentielle à l'égard des députations permanentes, je pense qu'il faut faire cesser la classification admise pour les commissariats et adopter pour ceux-ci le principe de l'égalité admis par les gouverneurs et par les députations provinciales.

Messieurs, j'appelle l'attention de M. le ministre sur une anomalie qui est résultée de la réorganisation judiciaire. On ne l'a pas mise en harmonie avec la réorganisation administrative. Ainsi, il est de principe, d'après un règlement, je crois, déjà ancien, d'assimiler les commissaires d'arrondissement, comme rang hiérarchique, aux présidents de tribunaux et aux procureurs du roi. Eh bien, dans plusieurs arrondissements les tribunaux ayant été élevés de la troisième à la deuxième classe, les traitements des présidents et des procureurs du roi ont été élevés en proportion, et il en résulte, pour les commissaires d'arrondissement qui sont restés dans la troisième classe, une véritable déchéance politique.

Il y a, je pense, un intérêt gouvernemental à faire cesser cette discordance et à ramener l'harmonie outre la réorganisation judiciaire et la réorganisation administrative.

Je bornerai là mes observations.

M. Hymans, rapporteur. - L'honorable M. Dechamps a confondu le chapitre des administrations provinciales avec le chapitre des commissariats d'arrondissement. Le gouvernement a consenti à accorder une augmentation immédiate de 10 p. c. aux employés des administrations provinciales, à cause de leur position difficile, et il a consenti en même temps à inscrire au budget un crédit de 20,000 fr. pour l'augmentation des émoluments des commissaires.

Mais il n'a accordé qu'une augmentation de 5 p. c. pour l'exercice actuel, c'est-à-dire de 10 p. c. à l'avenir, aux gouverneurs de province, aux membres des députations permanentes, aux greffiers provinciaux et aux commissaires d'arrondissement.

Les commissaires d'arrondissement ne sont pas des employés provinciaux et ne sont pas compris dans le chapitre des administrations provinciales. Il y a un article spécial, et à moins que l'honorable M. Dechamps ne présente un amendement et n'en prouve la nécessité, je ne vois pas de raison, dans l'état actuel des choses, pour faire en faveur des commissaires d'arrondissement une exception qu'on n'a pas voulu faire l'autre jour pour les gouverneurs de province.

Je crois que l'honorable M. Wasseige s'est trompé également dans la réponse qu'il a adressée au discours de l'honorable M. Dolez.

L'honorable M. Dolez a dit qu'il serait peut-être utile de classer les députations permanentes d'après l'importance des provinces. Selon l’honorable préopinant, M. Dolez aurait été guidé en cela par son amour pour la province de Hainaut. Je ne sache pas que l'honorable M. Dolez soit décidé à l'avance à ne point ranger également dans la première classe la députation permanente de la province de Namur. Rien ne le prouve.

L'honorable membre ajoute que si l'on voulait classer les gouverneurs et les greffiers provinciaux, cela rencontrerait peu d'assentiment dans cette Chambre. Je crois, au contraire, que beaucoup de membres de cette assemblée seraient disposés à accepter une classification de ce genre. Cette idée a été émise par plusieurs membres de la section centrale, et nous espérons que M. le ministre voudra bien l'examiner à fond pour le prochain budget.

Je crois par ces explications avoir répondu aux observations des deux honorables membres qui viennent de prendre la parole.

M. de Naeyer. - Je pense que toutes ces observations, relatives à de nouvelles classifications, tendent à obtenir encore des augmentations de traitement. Voici ce qui va arriver. On veut plusieurs classes de gouverneurs. Eh bien, les gouverneurs qui seront à la dernière classé conserveront le traitement dont ils jouissent aujourd'hui et l'on élèvera le traitement des autres. Il en sera de même des députations permanentes. Voilà le résultat clair et net que l'on obtiendra. Pour les commissaires d'arrondissement, que fera-t-on ? On les mettra tous dans la première classe, c'est-à-dire qu'un grand nombre, les trois quarts au moins, recevront une augmentation considérable de traitement.

Messieurs, la classification actuelle des commissaires d'arrondissement, est-elle donc si dénuée de fondement ?

(page 319) Je crois que c'est la même chose que pour les tribunaux. Si vous n'admettez plus différentes classes de commissaires d'arrondissement, impossible de justifier la division des tribunaux en plusieurs classes ; or, personne, je pense, ne peut pousser l'amour de l'uniformité jusqu'à ce point-là. J'espère donc que l'honorable ministre ne donnera pas suite aux observations que j'ai cru devoir combattre, car elles tendent évidemment à grossir encore les dépenses publiques, qui sont déjà assez lourdes.

Je crois, messieurs, devoir aussi dire quelques mots sur les intentions exprimées par M. le ministre de l'intérieur à la section centrale, en ce qui concerne les employés des commissariats d'arrondissement.

Il me semble que ces intentions tendent à transformer ces employés en fonctionnaires de l'Etat. En effet, il s'agirait d'affecter spécialement au traitement de ces employés une partie de l'abonnement des commissaires d'arrondissement et de réserver au gouvernement la fixation du nombre et du traitement de ces employés. Que manquerait-il encore après cela pour que ces employés fussent transformés en fonctionnaires de l'Etat ?

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - La nomination.

M. de Naeyer. - Lorsque vous fixez le nombre des employés et que vous fixez leur traitement, on pourrait trouver assez peu logique que vous ne vous en réserviez pas la nomination.

Tout cela, messieurs, tend à bouleverser complètement l'économie du système actuel. Or, ce système a son bon côté, car il nous a empêchés d’avoir peut-être trois fois plus d'employés qu'il n'y en a aujourd’hui.

Le système actuel est un abonnement ; le commissaire d'arrondissement reçoit une somme fixé, moyennant laquelle il doit pourvoir à ses frais de bureau et au traitement de ses employés. Il prend ceux-ci en tel nombre qu'il juge convenable et leur donne la rémunération qu'il croit nécessaire. C'est lui, en effet, qui est le plus à même d'apprécier leur mérite et surtout les services qu'ils rendent, ce sont ses employés, et il en est absolument responsable.

Il en résulte que le nombre et la rémunération des employés sont réellement déterminés par les besoins du service, et aussi d'après le travail que le commissaire d'arrondissement veut bien s'imposer à lui-même. On a parlé d'un commissaire d'arrondissement qui fait un prélèvement sur son traitement personnel pour payer ses employés. Je demande ce qu'il y a là d'extraordinaire si ce commissaire d'arrondissement trouve plus convenable de faire travailler les autres que de travailler lui-même ?

Mais lorsqu'un commissaire d'arrondissement est très actif et très apte au travail, il fait lui-même une grande partie de la besogne, et la besogne n'en est que mieux faite.

C'est tout à la fois une économie pour le commissaire d'arrondissement et une bonne chose pour le service.

Je vous garantis d'avance, messieurs, que si ce système est changé, et si nous transformons en fonctionnaires de l'Etat les employés des commissariats d'arrondissement, le nombre en augmentera considérablement, et je n'ai pas besoin de développer les motifs de mes prévisions.

L'honorable ministre de l'intérieur m'a interrompu tout à l'heure pour me dire que la nomination serait laissée au commissaire d'arrondissement ; j'applaudis beaucoup à cette idée, il en résulte en réalité que ces employés continueront à être les employés du commissaire d'arrondissement et non les employés de l'Etat ; c'est le système actuel, qui doit être maintenu.

Mais si c'est le commissaire d'arrondissement qui nomme, il faut, pour être logique, qu'il détermine aussi quel doit être le nombre de ses employés et quelle est la partie de son abonnement qui doit être affectée à leur traitement. Le gouvernement ne doit pas s'immiscer dans les détails du ménage intérieur des commissariats, car de cette manière la responsabilité finirait par être déplacée.

On, a articulé souvent des plaintes sur le sort de ces employés ; ils ne sont pas fonctionnaires de l'Etat et par conséquent, dit-on, ils ne sont pas sûrs du lendemain ; mais en ce sens ils sont dans la même position que les employés de l’industrie, du commerce et des compagnies financières ; ils sont notamment dans la même position qu'une foule d'employés qui rendent aussi des services à l'Etat. Je citerai spécialement les employés des receveurs de l'enregistrement, les employés des receveurs des contributions, les employés des conservateurs des hypothèques ; ceux-là ne sont pas non plus sûrs du lendemain, en ce sens qu'ils ne sont pas fonctionnaires de l'Etat.

Mais il y a un moyen pour eux d'être sûrs du lendemain, c'est d'être capables, zélés et laborieux, c'est de se rendre indispensables.

Je suis certain qu'il a une foule d'employés de cette catégorie qui se trouvent dans ces conditions-là et qui, par la manière intelligente et dévouée dont ils remplissent leurs fonctions, se sont rendus nécessaires, au point que leurs supérieurs ne sont pas du tout tentés de se passer d'eux.

On nous dit encore que les employés des commissariats d'arrondissement sont dignes de bienveillance à un autre point de vue, parce qu'il leur est interdit de remplir certaines fonctions, celles surtout de secrétaires communaux ; mais une incompatibilité analogue frappe aussi les autres employés dont je viens de parler.

Qu'y a-t-il de si exorbitant, de si illogique dans ce fait ? Ceux qui ont accepté les fonctions connaissaient bien d'avance les conséquences qui devaient en résulter pour eux ; et cependant ils ont sollicité l'emploi dont il s'agit, ils l'ont accepté comme une position qui leur était relativement avantageuse.

Je reproduirai ici une observation très juste que faisait récemment l'honorable ministre des finances à l'égard des fonctionnaires publics et employés de l'Etat en général. A entendre certaines plaintes, on dirait qu'ils ont été condamnés à accepter la position dans laquelle ils se trouvent, et que c'est par une espèce de conscription qu'ils sont attachés au service de l'Etat. Mais il n'en est rien : c'est une position librement acceptée, et qui leur donne des avantages dont ils ne jouiraient probablement pas s'ils avaient suivi une autre carrière. Eh bien, cela s'applique encore aux employés qui nous occupent en ce moment. Il ne faut pas que l'on accrédite dans le pays cette idée radicalement fausse, que du moment qu'on est nommé fonctionnaire de l'Etat ou qu'on participe à un service public, on devient un être privilégié et affranchi des conditions ordinaires de la vie. Cela n'est pas et cela ne peut et ne doit pas être.

Je crois donc pouvoir attirer sur ce point l'attention la plus sérieuse de M. le ministre de l'intérieur ; il manifeste les meilleures intentions ; il veut réduire, autant que possible, les dépenses de l'Etat ; eh bien, je crois que la mise en pratique du système que je combats pourrait l'entraîner fort loin dans la voie des augmentations.

Je pense donc qu'il agira prudemment, en évitant tout contact avec ce système, c'est-à-dire, en évitant de s'immiscer dans les détails de l’organisation intérieure des bureaux des commissaires d'arrondissement ; cela doit être laissé à leurs soins, à leur sollicitude et à leur responsabilité.

M. De Lexhy. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour combattre l'opinion que vient d'exprimer l'honorable M. de Naeyer, au sujet des employés des commissariats d'arrondissement.

Vous connaissez tous la position précaire de ces employés : ils sont livrés entièrement au caprice et à l'arbitraire des commissaires d'arrondissement ; ils ne jouissent d'aucune indépendance. (Interruption.)

Ceux qui m'interrompent pourront me répondre. Je constate un fait notoire : ces employés sont abandonnés complètement au caprice des commissaires d'arrondissement.

Est-ce là une position tolérable pour des employés qui prennent part, en définitive,' à l'administration publique ? Car on ne peut contester que ces employés, par la nature de leurs fonctions, fassent partie de l'administration publique.

De plus, il leur est interdit d'accepter certaines fonctions auxquelles on a fait allusion tout à l'heure. Ainsi, vous les frappez d'incapacités d'un côté ; de l'autre, vous ne voulez pas leur reconnaître la qualité de fonctionnaire public, Est-ce bien logique ? Non évidemment. Il est de principe qu'il n'y a point de restriction spéciale sans un droit spécial d'autre part.

Vous leur donnez des émoluments qui ne sont, en définitive, que des traitements, dans l'acception la plus vraie du mot.

Ainsi donc, participation à l'administration publique, interdictions spéciales et traitement ; tout ce qui constitue la fonction publique. Et on oserait leur dénier ce caractère ; on devrait recourir à des arguties pour s'opposer à cet acte de justice et de logique.

Il faut non seulement bien rémunérer ces employés, il faut aussi et surtout leur assurer une position stable et les soumettre aux règles générales qui régissent tous les fonctionnaires publics.

Il faut en un mot ériger le fait en droit.

On parle de décentralisation : j'en suis partisan dans la mesure du rationnel : mais en décentralisant, en étendant, par conséquent, les attributions des communes, en augmentant leur autonomie, vous augmentez le besoin qu'elles ont d'être guidées et éclairées par les commissaires d’arrondissement.

De là accroissement de besogne pour les fonctionnaires et pour leurs employés.

Le rapport de la section centrale annonce que M. le ministre de l'intérieur a l'intention de diviser en classes les employés des commissariats et de leur donner respectivement 1,800, 1,500 et 1,200 francs.

J'applaudis à ces dispositions généreuses ; car je ne comprendrais pas (page 320) que l'on maintînt ces employés dans une position indigne de l'administration publique.

Mais, a dit l'honorable M. de Naeyer, pourquoi augmenter leur émolument et pourquoi vouloir leur reconnaître la qualité de fonctionnaire public, puisqu'ils savaient à quoi ils s'engageaient quand ils ont embrassé cette carrière ? Donc ils n'ont pas le droit de se plaindre.

Sans doute, messieurs, mais cet argument prouve évidemment trop et par conséquent ne prouve rien ; d'ailleurs il s'applique à tous les fonctionnaires publics. On eût pu l'opposer également aux membres de la magistrature ; eux aussi connaissaient le traitement attaché à chaque degré de la hiérarchie et cependant on n'a pas songé, et l'on a bien fait, à leur opposer cet argument.

D'un autre côté, si la reconnaissance du caractère de fonctionnaire public devrait occasionner une charge nouvelle pour le trésor public, je comprendrais qu'on hésitât ; mais il n'en est absolument rien, il s'agit simplement d'ériger le fait en droit et de donner satisfaction à ce qu'exigent la justice, l'équité et la logique.

J'espère donc que la Chambre ne se laissera pas entraîner par l'argumentation de l'honorable M. de Naeyer, et qu'au contraire elle engagera vivement M. le ministre de l'intérieur à faire droit à notre réclamation dans le projet de réforme administrative qu'il élabore en ce moment.

Puisque j'ai la parole, je demanderai la permission de présenter une autre observation relativement à une idée émise dans le rapport de la section centrale.

L'honorable M. Hymans exprime, dans son rapport, l'opinion qu'il y aurait lieu n'émanciper les communes de plus de 5,000 âmes, de les soustraire à l’action directe des commissaires d'arrondissement.

Cette idée est très bonne en principe ; mais elle ne serait pas praticable d'une manière générale, attendu qu’il y a des communes de 5,000 âmes et plus qui sont beaucoup moins bien administrées que telles autres communes d'une population, moindre. Il serait donc infiniment préférable d'abandonner au gouvernement l'appréciation de cette question de fait, car ce n'est que cela et nullement une question de principe.

Quant aux communes d'Ixelles, de Saint-Josse-ten-Noode et de Molenbeek-Saint-Jean notamment, dont a parlé l'honorable M. Guillery dans la dernière session, il est incontestable qu'elles devraient être soustraites à l'action du commissaire d'arrondissement, et qu'il y aurait lieu d'effacer de la loi provinciale cette distinction surannée de villes et de communes rurales, en ce qui concerne l'action des commissaires d'arrondissement.

Je bornerai là mes observations sur ce sujet.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - L'honorable M. Wasseige, si je l'ai bien compris, demande que le traitement des commissaires d'arrondissement soit augmenté au-delà du chiffre proposé par le gouvernement. Il estime qu'il faut assimiler les commissaires d'arrondissement aux procureurs du roi, quant au taux de leur traitement.

M. Wasseige. - J'ai dit qu’ils l'étaient avant les propositions d'augmentation générale des traitements.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - C'est cela et vous avez émis l'idée qu'il y aurait lieu de maintenir cette assimilation.

Messieurs, le gouvernement en fixant le chiffre de l'augmentation qu'il y a lieu d'accorder aux commissaires, a cru devoir suivre la règle générale admise pour tous les fonctionnaires de l'Etat, c'est-à-dire l'augmentation de ces traitements de 10 p. c. en moyenne, à répartir sur deux exercices.

Je dis en moyenne, parce que la répartition ne pourra pas se faire exactement dans la proportion de 10 p. c. pour chaque commissaire d'arrondissement ; les uns pourront obtenir une augmentation un peu plus forte que les autres, mais l'augmentation générale représente environ 10 p. c. de la totalité des traitements actuels. Cette observation, d'ailleurs, s'applique à toutes les catégories de fonctionnaires de mon département.

J'ai donc pensé qu'il n'y avait pas lieu d'augmenter de plus de 10 p. c. les traitements des commissaires ; la Chambre partagea cette opinion, elle l'a prouvé, en réduisant à ce taux, comme vient de le rappeler M. Hymans, les traitements des gouverneurs de province.

Quant à l'idée d'assimiler, en ce qui concerne les traitements, les commissaires d'arrondissement aux procureurs du roi, cette assimilation a existé autrefois, et je ne me refuse certainement pas à examiner cette question. Les uns sont les commissaires administratifs, les autres les commissaires judiciaires du gouvernement ; l'assimilation du traitement pourrait donc peut-être se justifier. Du reste, je le répète, c'est une question à examiner.

L'honorable M. Wasseige désire aussi que l'on révise la classification des commissariats d'arrondissement,

Cette classification, messieurs, a été arrêtée il y a peu d'années, en 1849 ; ce travail a été fait avec le plus grand soin ; et depuis lors, aucun fait assez sérieux ne s'est produit pour qu'il soit nécessaire de le modifier. Je pense donc que, sous ce rapport, il n'y a, quant à présent, rien à faire. On ne peut pas mettre en question chaque année, à l'occasion de la discussion du budget de l'intérieur, toute l'organisation des divers services rattachés à ce département et consacrés par des votes de la législature ; on ne doit pas surtout provoquer des modifications dont la nécessité ne serait démontrée par aucun fait nouveau.

Quant à la question de savoir s'il faut créer différentes classes de gouvernements provinciaux, de députations permanentes, etc., je partage la manière de voir de l'honorable M. Wasseige ; d'après moi, il n'y a pas lieu d'adopter une pareille classification ; il y aurait des inconvénients à importer ce système en Belgique ?

L'honorable M. H. Dumortier a signalé la nécessité de procurer aux commissaires des locaux pour y classer leurs archives et celles de leurs prédécesseurs ; cette nécessité a déjà attiré mon attention. Il est évident qu'un moment viendra où il faudra nécessairement prendre une décision à cet égard.

Depuis 1814, je ne parle pas de la période antérieure parce que les archives des anciens sous-préfets sont généralement placées dans les dépôts des anciennes sous-préfectures, depuis 1814, dis-je, les archives des commissariats ont suivi chaque commissaire nouveau dans la maison où il a établi ses bureaux.

La plupart de ces papiers sont aujourd'hui relégués dans des greniers ou dans des magasins, il faudra trier ces archives et en séparer des pièces administratives dénuées de toute importance, les lettres d'envoi, par exemple, qui n'offrent aucun caractère d'utilité. Quant aux pièces qui présentent un intérêt réel, il serait utile d'en former un ensemble qu'on pourrait déposer dans les locaux des archives provinciales ; elles iraient retrouver là leurs aînées les archives des châtellenies et autres administrations anciennes.

Ces archives trouveront donc là leur place naturelle. C'est dans ce sens qu'on a donné et qu'on donne encore des instructions.

L'honorable M. de Naeyer a blâmé la position que le gouvernement aurait l'intention de prendre en faveur des employés des commissariats d'arrondissement. Il pense qu'on ne peut pas transformer ces employés en fonctionnaires de l'Etat. Ce n'est pas dans un moment où nous cherchons par tous les moyens à diminuer le nombre des fonctionnaires publics qu'on peut songer à créer une nouvelle et considérable catégorie de fonctionnaires nouveaux. '

Pourtant il y a quelque chose à faire.

Ces employés, messieurs, rendent de très grands services, ils ne sont pas rétribués en général comme ils devraient l'être. Et pourquoi ? Parce que les émoluments alloués aux commissaires ne sont pas suffisants.

Chacun de nous sait qu'il y a dans les commissariats des employés qui touchent 50, 30 et même 20 francs par mois.

Il y a donc là aussi quelque chose à faire. Quand on augmente les traitements de tous les fonctionnaires de l'Etat, peut-on oublier de modestes petits employés ?

J'ai donc cru devoir faire à la section centrale, qui l'a admise, la proposition d'augmenter de 20,000 fr. les émoluments des commissaires, d'arrondissement ; plus tard on verra s'il faut faire plus.

Mais pour fixer le chiffre des émoluments, il est nécessaire d'adopter certaines bases ; de voir combien d’employés il faut dans tel commissariat et dans tel autre. Il est évident que tous les commissariats ne sont pas sur la même ligne. Dans les uns il y a plus de besogne que dans les autres ; la classification des commissariats constate ces différences et servira de base pour la répartition de la somme dont on a l'intention d'augmenter les émoluments actuels.

On indiquera aux commissaires dans quelle mesure ils peuvent augmenter les traitements de leurs employés, et aucun d'eux ne se refusera à leur remettre la somme qui leur est destinée.

De plus les employés des commissariats dans leurs vieux jours sont souvent dans une position très précaire ; on dira que les employés du commerce sont dans le même cas, et qu'avec un peu de prévoyance il pourraient s'affilier à une caisse d'assurance sur la vie et s'assurer une retraite.

Mais en général on est peu prévoyant, il y a donc là encore quelque chose à faire.

Je me suit demandé, messieurs, s'il n'était pas possible d'affilier ces employés à l'une des caisses existantes, d'y faire sur les fonds du trésor des versements à leur profit, comme cela existe pour les secrétaires communaux et les membres de l’enseignement urbain, par exemple. Il y (page 321) aurait là une sécurité pour ces employés sans grandes charges nouvelles pour l'Etat.

Voilà les idées que j'ai émises pour améliorer la position des employés des commissariats d'arrondissement. J'écouterai avec attention la discussion, et si l'on produit de nouvelles idées de nature à être acceptées j'en ferai mon profit.

M. Wasseige. - Je suis heureux de pouvoir constater tout d'abord que M. le ministre est d'accord avec moi quant au maintien de l'état de choses actuel pour les députations permanentes. Je suis heureux également de constater qu'il résulte des explications qu'il a bien voulu me donner que l'augmentation du traitement des commissaires d'arrondissement ne se bornera pas au chiffre de 5 p. c. porté au projet de budget ; mais que ce n'est qu'une première augmentation qui sera suivie d'une seconde de même importance et que les traitements seront en définitive augmentés de 10 p. c.

Cette augmentation est encore bien minime si on la compare à celle qui a été accordée à d'autres catégories de fonctionnaires, elle laisse encore les commissaires d'arrondissement dans une position d'infériorité très grande à l'égard de ceux à qui ils ont été assimilés jusqu'aujourd'hui, mais c'est toujours une amélioration en attendant mieux. Je constate surtout avec plaisir que cette augmentation ne sera pas divisée par partie égale entre tous les commissariats, mais que ceux de troisième classe, qui sont dans une position d'infériorité non méritée et souvent peu justifiée, recevront la plus forte pan de la somme à provenir de cette majoration globale. Je constate ce fait et j'en prends acte.

Je dirai aussi un mot sur la question des émoluments. C'est encore un remerciement que je dois adresser à M. le ministre, pour ce qu'il a dit sur cette question, à savoir que la somme destinée à augmenter le chiffre des émoluments ne se répartira pas également entre tous les arrondissements, qu'on aurait surtout égard à la besogne incombant à chacun d'eux.

A cette occasion je lui signalerai l'arrondissement de Dinant. C'est un des plus considérables, si pas le plus considérable du pays par le nombre de communes qu'il renferme et par l'étendue du territoire qui le compose. Il ne serait pas raisonnable qu'il reçût les mêmes émoluments que l'arrondissement de Bastogne, par exemple, qui est son voisin. Jusqu'à ce jour ces deux arrondissements ont reçu la même somme pour émolument, 2,350 francs je pense. Si vous divisez les émoluments que reçoit l'arrondissement de Bastogne par le nombre de communes qu'il renferme, vous aurez pour chaque commune un dividende de 78 francs, tandis que dans l'arrondissement de Dinant ce dividende ne sera que de 17 francs.

Vous comprenez que cette situation ne peut pas être maintenue, et puisque M. le ministre veut bien avoir égard à la besogne de chaque arrondissement...

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). -Suivant les classes.

M. Wasseige. - Si tous les arrondissements de même classe avaient les mêmes émoluments, il arriverait qu'un commissariat de peu d'étendue, de peu de population pourrait avoir la même somme qu'un autre plus étendu et d'une population plus considérable ; vous verriez se représenter des anomalies semblables à celles que j'ai citées, et ce serait là une raison pour réviser la classification. Mais si M. le ministre ne juge pas à propos de réviser la classification actuellement, j'espère qu'entre arrondissements de la même classe il aura égard, dans la répartition des émoluments, à l'étendue territoriale, à la population et au nombre de communes. J'ai signalé l'arrondissement de Dinant, parce qu'il est dans une position toute spéciale ; il est de troisième classe comme Bastogne, et il est aussi important à lui seul que trois arrondissements du Luxembourg. Si d'ailleurs les émoluments ne devaient pas varier suivant le travail, ce ne seraient plus des émoluments ; ce mot même indique un chiffre essentiellement variable selon la besogne et les circonstances.

M. Guillery. - Je viens recommander à M. le ministre de l'intérieur, qui voudra bien, j'espère, s'en occuper, la question qui concerne les faubourgs de Bruxelles. Il y a déjà longtemps que les autorités compétentes ont été consultées.

j'ai cité le rapport de l'honorable gouverneur qui vient de cesser ses fonctions, où il est dit que non seulement les communes suburbaines sont considérables, mais qu'elles sont beaucoup plus considérables que des villes qui ne sont pas soumises aux commissaires d'arrondissement.

Mais elles sont tellement près de l'administration provinciale que c'est véritablement une puérilité que de vouloir faire passer par le commissariat d'arrondissement des lettres qui arriveraient beaucoup plus vite au gouvernement provincial.

Je ne vois aucune difficulté à la solution de cette question,

Si les études longues et minutieuses sont tellement dans les traditions administratives qu'il en faille en toutes choses, les études sur ce point ont été déjà très longues.

II y a déjà assez longtemps que l'on en parle au conseil provincial, et à la Chambre on s'est occupé de la question, si cela peut s'appeler une question.

Il suffirait, me paraît-il, d'un projet de loi en un seul article qui déclarât que les communes environnant Bruxelles ne sont plus soumises aux commissaires D'arrondissement.

Je crois qu'il y aurait lieu d'étendre la mesure davantage.

Je crois, avec la section centrale, que toutes les communes qui ont une population de 5,000 âmes par exemple ne doivent pas être maintenues en état de tutelle et de minorité comme des communes rurales où la plupart du temps les administrations communales ne sont pas assez éclairées pour pouvoir se passer du contrôle du commissaire d'arrondissement.

Si cette mesure générale ne peut être prise par le gouvernement, si M. le ministre de l'intérieur ne croit pas pouvoir aller aussi loin que la section centrale, je demande au moins que les difficultés que l'on voit à la solution d'une question aussi générale n'empêchent pas d'apporter un remède à une situation qui dans les communes environnant Bruxelles amène de nombreuses et de vives réclamations.

Ces communes sont très importantes et très populeuses. Les affaires à y traiter sont nombreuses et considérables.

Le moindre retard, la moindre entrave a donc souvent des conséquences d'une très grande importance.

Lorsque le mal est grand, que le remède à y apporter est si facile, quand la bonne volonté est aussi grande qu'elle l'est, j'en suis convaincu, chez M. le ministre de l'intérieur au point de vue des réclamations qui lui sont adressées, il me semble que tout le monde doit être bientôt satisfait.

M. H. Dumortier. - Messieurs, je ne sais ce qui peut avoir engagé la section centrale à prendre pour point de départ le chiffre de 5,000 âmes.

Je pense qu'elle a perdu de vue que dans plusieurs de nos provinces il n’y a pas de communes de 5,000 âmes.

Dans les provinces de Namur, de Limbourg et de Luxembourg il n'y en a pas.

Ce serait donc une nouvelle classification à faire.

M. Sabatier. - C'est ce que l'on demande.

M. H. Dumortier. - Je crains qu'au lieu de simplifier l'administration par toutes ces distinctions et ces classifications des administrés et des administrateurs, vous ne finissiez par arriver à un résultat tout opposé.

Je crois que le chiffre de 5,000 âmes n'est indiqué que pour exemple. Quand on fait une réforme de ce genre, il est impossible de la restreindre à 3 ou 4 provinces.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Les honorables membres de cette Chambre qui ont lu les documents annexés au budget, et tous, je pense, les ont lus, auront pu voir que le gouvernement s'est occupé de la question qui a été soulevée dès l'année dernière par 1 honorable député de Bruxelles, M. Guillery. Mais l'examen de cette question, comme il arrive souvent en pareille circonstance, a fait surgir d'autres questions accessoires, et si de prime abord on a cru qu'il était extrêmement simple de déclarer par un petit projet de loi comme le demande l'honorable M. Guillery, que toute commune ayant une population supérieure à... sera soustraite à la juridiction des commissaires d’arrondissement, un examen plus approfondi a soulevé d'assez graves difficultés.

Los gouverneurs ont été consultés sur cette question ; il en est parmi eux qui sont d'avis que l'on peut soustraire à la juridiction des commissaires d'arrondissement toutes les communes ayant plus de 5,000 âmes, d'autres pensent qu'il y aurait danger à le faire. En effet chacun se place ici au point de vue de sa province.

Pour savoir si une commune pourrait bien s'administrer elle-même, il faut tenir compte de certaines circonstances toutes spéciales : par exemple une commune ayant une agglomération considérable est bien plus facile à administrer qu'une autre commune dont la population est disséminée sur une étendue de territoire considérable.

Le gouvernement doit donc examiner sérieusement cette question avant de pouvoir se prononcer.

Les faubourgs de Bruxelles, les communes suburbaines, sont, il est vrai, dans une situation exceptionnelle.

L'instruction qui a eu lieu à cet égard n'a pas modifié mon opinion.

Mais il s'élabore dans ce moment différents projets qui semblent (page 322) momentanément nécessiter la présence d'une espèce de lien entre ces différentes communes.

Ainsi, l'on s'occupe d'un travail extrêmement utile, de la codification des règlements de police de diverses communes environnant la capitale.

On désire établir l'uniformité dans cette réglementation.

Les délégués des différentes communes, sous la présidence de l'honorable bourgmestre de Bruxelles, se réunissent et s'occupent de ce travail. Il peut surgir de petites difficultés, il faut les vaincre, et c'est pour ce motif que l'on croit que le moment n'est pas venus hic et nunc de renoncer au concours des commissaires en fonctions.

Une question intéressant plusieurs de ces communes demande aussi un travail d'ensemble. Il y a des quartiers nouveaux à tracer sur le territoire de différentes de ces communes, des rues à percer, des alignements à donner, des nivellements à adopter.

Il faut souvent mettre d'accord les propriétaires de différentes communes et les communes elles-mêmes.

Mais tout cela n'est que transitoire, je le répète, et je crois qu'à une époque qui n'est pas éloignée on pourra soustraire les communes des environs de Bruxelles à la juridiction des commissaires d'arrondissement.

En tous cas, messieurs, il ne faut pas s'exagérer l’importance de la réforme qu'on préconise, même en l'étendant jusqu'à ses dernières limites.

Si l'on émancipait toutes les communes ayant une population de plus de 5,000 habitants, combien croyez-vous qu'il y en aurait ? 68 en y comprenant les faubourgs de Bruxelles ; du moins d'après la statistique faite il y a un ou deux ans, et comme l'a fait remarquer l'honorable M. Dumortier, il y a des provinces où il n'y a pas une seule commune comptant plus de 5,000 âmes.

M. de Naeyer. - Il y en a trois.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Dans six provinces seulement, il y a des communes au-dessus de 5,000 âmes dépopulation.

Vous voyez donc que cette soi-disant grande réforme n'a pas une bien grande importance et qu'en émancipant ces quelques communes on pourrait se créer des difficultés réelles, si l'on créait une règle trop générale.

Il y a du reste à examiner jusqu'à quel chiffre on peut aller, mais je crois qu'adopter celui de 5,000, ce serait s'exposer à des inconvénients sans avoir des résultats très sérieux en général.

M. Hymans, rapporteur. - Je désire faire observer à l'honorable M. Dumortier que ce n'est point par hasard ou par fantaisie que la section centrale a cru devoir fixer à 5,000 âmes le chiffre de la population des communes qu'elle voudrait voir soustraire à la juridiction des commissaires d'arrondissement. Le chiffre de 5,000 est celui de la loi provinciale.

M. de Naeyer. - C'est vrai.

M. Hymans, rapporteur. - C'est le chiffre fixé par l'article 132 de la loi.

M. le ministre de l'intérieur, de son côté, avait interrogé les gouverneurs des provinces sur la possibilité d'émanciper les communes de 10,000 âmes et au-dessous, en prenant pour minimum le chiffre de 5,000 habitants.

Ce chiffre était donc tout naturellement indiqué.

Maintenant il va de soi que dans les provinces où il n'y a pas de communes ayant une population de 5,000 âmes, on ne peut les émanciper. Là où il n'y a rien, le roi perd ses droits. Mais parce qu'il y a des provinces qui ne renferment pas des communes de 5,000 âmes, faut-il émanciper ipso facto les communes de 2,000 à 3,000 âmes ? Je suis de l'avis de M. le ministre de l'intérieur ; il y a des communes ayant une population même de plus de 5 000 âmes, qui ne devraient pas être émancipées. Il y en a comptant une population de 10,000 habitants, qui sont très mal administrées, et pour lesquelles la tutelle du commissaire d'arrondissement est souvent très utile.

Aussi des gouverneurs de province, dans les réponses qu'ils ont faites aux questions de M. le ministre, ont déclaré qu'il serait peut-être utile, en émancipant les communes de 5, 6 ou 10 mille âmes de la tutelle des commissaires d'arrondissement, de laisser dans ces communes une certaine autorité au commissaire sous le nom de commissaire royal, pour lui permettre dans certains cas de faire des vérifications, de constater des abus, d'intervenir entre les communes et le gouverneur.

Je crois donc qu'en fixant la limite de 5,000 habitants, en l'indiquant plutôt, nous n'avons rien déterminé, la section centrale a fait chose très sage et du reste, je le répète, elle a pris pour base le chiffre même fixé par la loi.

M. Guillery. - Je remercie beaucoup M. le ministre de l'intérieur de l'espoir qu'il a fait briller à nos yeux. Mais je crains de devoir espérer trop longtemps, surtout si nous devons attendre qu'il n'y ait plus de questions pendantes entre les différentes communes environnant Bruxelles.

Aujourd'hui il s'agit de la codification des règlements communaux, et de ce chef la présence d'un commissaire d'arrondissement serait nécessaire, du moins très utile, d'après M. le ministre.

Je crois que la présence du commissaire d'arrondissement peut sans doute avoir son prix, mais que ce n'est pas un motif pour retarder une mesure qui est très urgente et très importante.

Qu'est-ce que cette codification des règlements communaux ? Elle se fait par une réunion de bourgmestre présidée, si je ne me trompe, par l'honorable M. Liedts et ayant pour vice-président l'honorable bourgmestre de Bruxelles.

Evidemment cette réunion de bourgmestres est assez intelligente, est assez éclairée pour se passer du concours du commissaire d'arrondissement ; et si la présence de ce dernier paraissait indispensable, s'il était nécessaire d'avoir dans cette réunion un fonctionnaire ayant une grande expérience administrative, on pourrait le nommer de la commission sans que les communes vissent retarder le jour de leur émancipation.

Quant aux constructions qui se font dans les environs de Bruxelles, si le gouvernement attend qu'il ne s'en fisse plus, nous attendrons longtemps. Nous finirons par désespérer à force d'espérer. Les constructions augmenteront toujours dans les communes dont il s'agit, et M. le ministre n'ignore pas, sans doute, qu'un fonctionnaire public provincial sous le nom de commissaire voyer, a pour mission d'amener le règlement de ces questions d'alignement. Ce commissaire voyer est soumis directement au gouverneur, et non au commissaire d'arrondissement. Ainsi, de ce chef, il n'y a aucune espèce d'embarras à craindre ; le service de la voirie est parfaitement organisé et ne laisse rien à désirer.

Je me demande quel motif il peut y avoir, parce que les faubourgs de Bruxelles ne portent pas le nom de ville, à les soumettre à un commissaire d'arrondissement, alors que, parce que le nom de ville est inscrit sur de petites communes, de très petites communes, elles ne sont pas soumises au même fonctionnaire.

Des administrations communales qui sont très éclairées, des communes dans lesquelles résident les hommes les plus considérables, tels que des magistrats de la cour d'appel et de la cour de cassation, dont plusieurs font partie des conseils communaux, doivent-elles rester en état de minorité ? Evidemment cela n'est pas discutable, M. le ministre de l'intérieur n'a pas essayé un seul instant de le soutenir. Pourquoi alors retarder cette mesure ? Il suffit d'un simple projet en un article, qui ne soulèvera aucune espèce de discussion, qu'on pourra, celui-là, renvoyer à une commission spéciale, si la Chambre le désire, et qui ne donnera lieu qu'à un appel nominal. En vous le proposant, le gouvernement donnera une nouvelle preuve de la bienveillance qu'il n'a cessé de témoigner aux faubourgs comme à la capitale, et je suis persuadé qu'ils lui en seront très reconnaissants.

M. de Brouckere. - Je ne m'oppose en aucune manière à ce que le gouvernement examine la question de savoir si certaines communes rurales doivent être mises sur le rang des villes et placées sous l'administration et la direction de l'autorité provinciale. Je ne m'y oppose pas, surtout en ce qui regarde les communes qui touchent la ville de Bruxelles.

Mais je tiens à relever un peu le langage qu'on a tenu devant vous à propos de cette question. On vous parle d'émanciper les communes, de les soustraire à la juridiction des commissaires d'arrondissement, et l'on vous en parle comme s'il s'agissait d'un bienfait immense, d'un service signalé à rendre aux communes.

Messieurs, permettez-moi de faire remarquer que les commissaires d'arrondissement ont été créés beaucoup plus dans l'intérêt des communes que dans l'intérêt de l'administration centrale.

Que sont les commissaires d'arrondissement ? Mais ce sont les guides, les conseils des administrations communales. Chaque fois qu'une administration communale se trouve en présence d'un doute, d'un embarras, d'une difficulté, à qui s'adresse-t-elle ? Au commissaire d'arrondissement.

Le commissaire d'arrondissement répond par écrit et très souvent se rend sur les lieux, lève les difficultés, tire les administrations communales d'embarras. En cela il rend de très grands services. Où est donc ce grand bienfait à soustraire une commune à ce qu'on appelle l'autorité du commissaire d'arrondissement, comme s'il s'agissait d'un tyran au petit pied ? Je ne vois là, je dois le dire franchement, aucune espèce de bienfait.

Toutefois je reconnais que les commissaires d'arrondissement sont particulièrement utiles dans les communes où les administrations communales ne sont pas composées de gens très habitués aux affaires, et à coup (page 323) sûr cela n'est pas applicable à de très grandes localités comme le sont Molenbeek-Saint-Jean, Ixelles et St-Josse-ten-Noode, Cela me paraît de toute évidence. Je n'ai tenu qu'à une seule chose, c'est à montrer que la Chambre se tromperait, si elle croyait qu'elle rend un service signalé à une commune, en voulant ce qu'on appelle l'émanciper, la soustraire à l'autorité du commissaire d'arrondissement.

M. Guillery. - Si j'ai employé le mot « émancipation »...

M. de Brouckere. - Ce n'est pas vous seulement qui avez employé ce mot, c'est tout le monde.

M. Guillery. - Et je suis certain que les honorables collègues qui l'ont employé, l'ont employé comme moi. Nous l'avons employé parce que tout le monde l'a employé. Le rapport de la section centrale se sert très souvent de cette expression. Les fonctionnaires les plus haut placés, les gouverneurs, qui ont parlé de cette question, se sont servis du mot « émancipation », sans vouloir faire des Gessler des commissaires d'arrondissement.

Je suis parfaitement tranquille quant au sort des communes soumises à l'administration des commissaires d'arrondissement. Cependant il est d'un grand intérêt pour elles d'être affranchies, lorsque l'intervention du commissaire d'arrondissement devient inutile.

Oui, le commissaire d'arrondissement est un tuteur pour les communes incapables de s'administrer, mais il devient une entrave, lorsqu'il n'est plus utile ; il devient un circuit excessivement long, un obstacle à la correspondance directe entre le gouvernement provincial et l'administration communale.

Ainsi des administrations communales très importantes dans les communes avoisinant Bruxelles, qui n'auraient qu'à se rendre au gouvernement provincial, rue du Chêne, pour voir le gouverneur, ou le chef de division que la chose concerne, sont obligés de passer par le commissaire d'arrondissement ; il faut des correspondances, des rapports au gouverneur, c'est-à-dire que, quelque diligence qu'on y apporte, on doit perdre un temps considérable.

On empêche les administrations communales d'être en rapport direct avec ceux qui en définitive doivent statuer, c'est un très grand mal sans doute. Le commissaire d'arrondissement ne décide rien par lui-même et si l'autorité provinciale ne refuse que lorsque l'affaire est évidemment insoutenable, pour obtenir l'autorisation de plaider, il faut que la commune s'adresse au commissaire d'arrondissement, que le commissaire d'arrondissement fasse un rapport au gouverneur ; puis, après une nouvelle instruction, l'autorité provinciale statue ; la réponse est adressée au commissaire d'arrondissement.

Or messieurs, voici ce qui m'est arrivé, et ceci ne s'adresse pas au commissaire d'arrondissement de Bruxelles, c'est que du gouvernement provincial on m'annonçait : « L'autorisation est accordée ; vous n'avez plus qu'une chose à faire, c'est de retirer la lettre des griffes du commissaire d'arrondissement »

Je pourrais citer tel commissaire d'arrondissement qui garde pendant 5 mois des dépêches qu'il devrait envoyer immédiatement. Eh bien, lorsqu'on peut ne pas avoir cet intermédiaire, il vaut mieux avoir affaire à Dieu qu'a ses saints.

M. de Theux. - Il me semble qu'on pourrait beaucoup hâter l'instruction des affaires en chargeant les gouverneurs d'adresser directement aux administrations communales les résolutions définitives qui ont été prises et de donner en même temps avis au commissaire d'arrondissement pour son information. On éviterait ainsi la perte de temps qui résulte de l'envoi par le gouvernement provincial au commissaire d'arrondissement, et par le commissaire d'arrondissement à la commune. Ce serait là une mesure très simple et qui ne pourrait avoir que des résultats très utiles.

- La discussion du chapitre est close.

L'article 38 (traitement des commissaires d'arrondissement, 183,665 francs), est adopté.

Articles 39 à 41

« Art. 39. Emoluments pour frais de bureau : fr. 88,850. »

Le gouvernement, d'accord avec la section centrale, propose une augmentation de 20,000 fr. »

- Adopté.


« Art. 40. Frais de route et de tournées : fr. 20,000. »

- Adopté.


« Art. 41. Frais d'exploits relatifs aux appels interjetés d'office, en vertu de l'article 7 de la loi du 1er avril 1843 : fr. 500. »

- Adopté.

Chapitre VI. Milice

Articles 42 et 43

« Art. 42. Indemnités des membres des conseils de milice (qu'ils résident ou non au lieu où siège le conseil) et des secrétaires de ces conseils. Frais d'impression et de voyage pour la levée de la milice. Vacations des officiers de santé en matière de milice : fr. 63,000. »

- Adopté.


« Art. 43. Frais d'impression des listes alphabétiques ci des registres d'inscription ; frais de recours en cassation en matière de milice (loi du 18 juin 1849) : fr. 2,100. »

- Adopté.

Chapitre VII. Garde civique

Article 44

« Art. 44. Inspections générales, frais de tournées, d'impression et de fournitures de bureau, et commandants supérieurs : fr. 6,885. »

M. Van Humbeeck. - Messieurs, je tiens à présenter à M. le ministre de l'intérieur une simple observation.

Depuis trois ans on a parlé dans cette Chambre, à propos du budget de l'intérieur, de la nécessité d'organiser, dans les légions de la garde civique, des compagnies spéciales. Cette mesure a ses partisans, elle a ses adversaires, tout a été dit pour et contre ; je ne rentrerai pas dans cette discussion ; mais je tiens à faire observer à M. le ministre de l'intérieur que s'il veut apporter à cet égard une modification quelconque à l'organisation actuelle de la garde civique, il est temps de l'annoncer et de l'opérer. Nous touchons aux élections générales de la garde civique, il importe qu'elles aient lieu sous un régime destiné à durer et non pas sous un régime exposé à subir de nouvelles modifications au lendemain des élections mêmes.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - L'observation faite par l'honorable M. Van Humbeeck est parfaitement juste. Si l'on veut modifier, je ne dirai pas la loi sur la garde civique, mais certain détails d'exécution de cette loi, il faut le faire avant les prochaines élections.

Si l'on veut créer par exemple des compagnies composées spécialement d'hommes jeunes, il faut qu'elles soient organisées avant que les gardes soient convoqués pour nommer les officiers.

Du reste, la mesure à prendre à cet égard est simple : il s'agit d'autoriser les chefs de corps, dans certains cas, à placer les gardes les plus jeunes dans des compagnies déterminées et à imposer à ces compagnies certaines obligations spéciales ; cette mesure doit-elle faire éventuellement l'objet d'un arrêté ou d'une circulaire ? C'est ce qui reste à examiner. Mais il faut décider d'abord s'il est bon de séparer les gardes ayant un certain âge des gardes plus jeunes. Dans tous les cas, ces questions seront décidées avant les élections.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Articles 45 et 46

« Art. 45. Achat, entretien et réparation des armes et objets d'équipement, magasin central. Frais d'impression des états de signalement et des brevets d'officiers et acquisitions de théories, épinglettes, etc. : fr. 10,000.

« (Une somme de 4,185 francs pourra être transférée de l'article 44 à l'article 45.) »

- Adopté.


« Art. 46. Personnel du magasin central : fr. 3,200. »

- Adopté.

Chapitre VIII. Fêtes nationales

Articles 47 et 48

« Art. 47. Frais de célébration des fêtes nationales. Frais de restauration du mobilier du local des Augustins : fr. 40,000.

« Charge extraordinaire : fr. 9,135. »

- Adopté.


« Art. 48. Tir national : prix en argent, en armes, en objets d'orfèvrerie, etc. Tirs communaux : subsides pour la construction de cibles et l'encouragement des tirs en province : fr. 45,000. »

- Adopté.

Chapitre IX. Récompenses honorifiques et pécuniaires

Article 49

(page 324) « Art. 49. Médailles ou récompenses pécuniaires pour actes de dévouement, de courage et d'humanité ; impression et calligraphie des diplômes, frais de distribution, etc. : fr. 10,000. »

- Adopté.

Chapitre X. Légion d’honneur et croix de Fer

Article 50

« Art. 50. Pensions de 250 francs en faveur des légionnaires, des décorés de la croix de Fer peu favorisés de la fortune ; pensions de 250 francs aux blessés de septembre dont les droits auront été reconnus avant Je 1er novembre 1802 ; subsides à leurs veuves ou orphelins : fr. 200,000.

« La somme qui, par suite des décès survenant parmi les pensionnés, deviendra, pour chaque exercice, sans emploi, sur le crédit de 200,000 francs, sera affectée :

« 1° A desservir de nouvelles pensions ;

« 2° A porter à 125 francs les pensions des veuves ;

« 3° A augmenter les pensions des décorés de la croix de Fer et des blessés de septembre non décorés, jusqu'à ce qu'elles atteignent le chiffre maximum de 1,200 fr. ;

« 4° A augmenter les pensions des veuves de décorés de la croix de Fer et de blessés de septembre, proportionnellement à l'augmentation qui sera accordée aux décorés et blessés, jusqu'au chiffre maximum de 400 fr. »

M. Rodenbach. - Messieurs, je regrette infiniment que l'amendement présenté à la section centrale par l’honorable ministre de l'intérieur n'ait pas été accepté.

M. Sabatier. - Il n'a pas été repoussé.

M. Rodenbach. - Enfin, il n'a pas été accueilli.

On a annoncé dans le rapport que M. le ministre de l'intérieur a émis le vœu que le crédit soit augmenté de 25,000 fr. ; je regrette que ce vœu n'ait pas été pris en considération par la section centrale, parce qu'il y a encore un certain nombre de décorés de la croix de Fer qui sont dans une position peu heureuse, qui n'ont pas la pension et qui l'ont demandée.

Parmi ces hommes courageux à qui nous devons notre indépendance, il en est un, qu'on a dû naguère transporter dans un dépôt de mendicité, parce qu'il était dans un dénuement complet.

Il était père de quatre enfants, dont un aveugle.

Je demande si, dans un pays comme la Belgique, on peut laisser dans la misère des décorés de 1830. Ce serait indigne de la nation belge.

Au commencement de la révolution, le gouvernement n'a d'abord disposé pour ce service que de 22,000 francs ; aujourd'hui la somme dont il dispose est de 222,000 francs ; et cependant des décorés qui par leur position malheureuse devraient avoir la pension, n'ont aucune part des 222,000 francs.

Et comment cela ? Parce qu'on a fait jouir de la pension une foule de décorés à qui leur position personnelle ne rendait ce secours nullement nécessaire. On voit, par exemple, dans la liste des décorés jouissant de la pension, un grand nombre d'officiers supérieurs qui reçoivent de bons, appointements. Il y a d'autres décorés dans le civil qui ont obtenu la pension, jouissant d'une belle fortune, tandis que les quelques malheureux dont je parle n'ont pu obtenir la pension.

Si je présentais un amendement, je pense qu'il ne serait pas accueilli Mais je voudrais qu'on nommât une commission ; je sais que le vent n'est pas aux commissions ; mais ici une commission serait utile ; elle aurait pour mission d'examiner sérieusement les titres de ceux qui demandent la pension.

Je dois rendre justice à l'ancien ministre de l'intérieur, qui a eu toujours tant de bienveillance pour les hommes de la révolution, et je suis persuadé que son successeur en fera de même. Il en a déjà donné des preuves.

Messieurs, la répartition du crédit est mal faite ; je ne présenterai pas l'amendement, mais je me rallie à celui que va présenter mon honorable collègue et ami M. Dumortier pour écarter ceux qui sont âpres à la curée.

Avant tout il faut rendre justice à ceux qui nous ont donné notre nationalité, car sans les braves de 1830 nous ne siégerions pas dans cette enceinte.

M. Hymans, rapporteur. - L'honorable M. Rodenbach regrette que la section centrale n'ait pas accepté l'amendement qui, dit-il, lui a été présenté par M. le ministre de l'intérieur.

Messieurs, il n'y a pas eu, à proprement parler, d'amendement présenté. Voici quel est l'état de la question, et il est important que la Chambre le sache, avant de s'engager plus avant dans la discussion. Nous nous trouvons en présence d'un crédit de 200,000 francs qui devait être réparti en pensions de 250 francs, entre les décorés de la croix de Fer, peu favorisés de la fortune.

Depuis quelques années, des plaintes se sont produites dans les journaux ; on a prétendu, dans des pétitions adressées à la Chambre, que des décorés de la croix de Fer, très peu favorisés de la fortune, n'avaient pu obtenir la pension de 250 francs, tandis qu'elle avait été accordée à d'autres qui jouissaient d'un traitement sur le budget de l'Etat et qui n'avaient pas besoin, pour vivre, de ce secours qui ne devait être donné qu'aux malheureux.

La section centrale avant de se prononcer a dû s'enquérir de l'état réel des choses, et elle a demandé au gouvernement de lui communiquer la liste des décorés de la croix de Fer qui jouissent de la pension, et la liste de ceux qui, n'en jouissant pas, la réclament ou s'en passent.

Ces listes nous ont été communiquées ; elles ont été imprimées, mais elles ne contiennent que des noms propres sur lesquels il est assez difficile d'exercer un contrôle sérieux. Il y a des noms de personnes qui jouissent notoirement d'une certaine fortune ; il y a des noms de fonctionnaires qui touchent un traitement élevé ; puis une foule de noms inconnus.

Nous n'avons pas voulu, la Chambre en comprendra la raison, soumettre ces listes à une discussion publique.

Dans ces circonstances, M. le ministre de l'intérieur nous a déclaré que pour mettre un terme à toutes les réclamations qui se produisent, pour pouvoir donner la pension aux décorés qui n'en jouissent pas encore, pour pouvoir pensionner, en outre, les blessés dont les blessures sont constatées, il faudrait un crédit de 25,000 fr. ; il a dit à la section centrale : « Si vous voulez porter ce crédit au budget, je ne m'y opposerai pas. »

Il est tout naturel que M. le ministre de l'intérieur eût donné son adhésion à cette proposition si elle avait été faite par la section centrale mais c'était un moyen par trop commode de mettre un terme à des réclamations dont quelques-unes peuvent être très légitimes et de passer l’éponge sur des abus constatés.

De deux choses l'une : ou bien tous les décorés de la croix de Fer et tous les blessés de septembre dont les blessures sont constatées, ont droit à la pension, et alors il est nécessaire de voter le crédit de 25,000 fr., afin que justice puisse être faite à tout le monde ; ou bien il n'y a que les décorés nécessiteux qui y aient droit, et alors il faut rayer de la liste ceux qui touchent la pension sans en avoir besoin.

Placés devant ce dilemme, nous avons été arrêtés par une considération qui ne manquait pas d'importance : Nous nous sommes demandé si nous avions le droit de rayer du budget une pension peut être irrévocable. Quelques membres de la section centrale ont soutenu que la pension pouvait être supprimée, qu'elle était purement facultative, attendu qu'elle n'est pas inscrite au budget de la dette publique, et qu'elle figure simplement au budget annuel des dépenses.

Dans cette dernière hypothèse, il s'agirait de savoir si le nombre des radiations à opérer dans la liste pourrait rendre disponible une somme suffisante pour pensionner tous ceux qui demandent la pension avec des titres légitimes. Voilà la question. Il nous est impossible de la résoudre, sans avoir des renseignements positifs et précis sur la position des décorés pensionnés, et je crois qu'il est indispensable que M. le ministre de l'intérieur nous donne quelques explications avant le vote.

M. B. Dumortier. - Ainsi que vient de le dire M. le rapporteur, la question dont il s'agit a soulevé de vives réclamations dans le pays. Voici quelle était l'origine de ces réclamations.

Vous vous souviendrez qu'il y a quatre ans environ, sur la proposition de l'honorable M. Rogier, alors ministre de l'intérieur, le crédit pour les décorés de la croix de Fer a été porté à 200,000 francs pour être distribué en pensions de 250 francs à un certain nombre de décorés, et, en même temps, on a admis alors une réclamation qui nous avait été adressée et qui avait fait beaucoup de bruit, c'était celle de quelques blessés qui n'avaient point obtenu la décoration de la croix de Fer et qui prétendaient avoir les mêmes droits à une pension civique que les décorés eux-mêmes. Eh bien, c'est ce petit incident, c'est (page 325) cette annexion à la dotation budgétaire qui a été la cause de toutes les réclamations qui se sont produites.

Je demanderai donc à la Chambre la permission de lui exposer les faits.

La croix de Fer a été créée et décrétée sur l'avis de la commission des récompenses unie aux membres du gouvernement provisoire. Ces honorables membres se sont adonnés à ce travail laborieux qui n'a pas duré moins de trois ans ; ils ont examiné les titres de tous les réclamants, et ils ont pu faire un travail excessivement scrupuleux, car les événements de 1830 étaient encore récents.

Cependant, ce travail a laissé certaines imperfections comme toute œuvre humaine : quelques oublis réels ont été commis. Mais où en sommes-nous arrivés aujourd'hui ? Nous sommes arrivés à ce résultat que, depuis qu'une pension de 250 francs a été accordée aux blessés non décorés, le ministère a été accablé de sollicitations de tout genre : il s'est trouvé une foule de blessés dont personne n'avait jamais connu les blessures, et qui sont venus réclamer la pension attribuée aux décorés de la croix de Fer.

C'est ainsi que 150 pensions nouvelles ont été accordées à des blessés non décorés, dont les blessures n'ont pas été reconnues par le gouvernement provisoire, peut-être par oubli ou parce que leurs pièces n'avaient pas été trouvées régulières.

C'est l'introduction de ces 150 pensions nouvelles qui a été la cause de tout ce qui est arrivé.

En effet, depuis le jour où M. le ministre de l'intérieur a fait la proposition dont je viens de parler, en vue de faire chose utile pour les décorés de la croix de Fer, proposition que vous avez accueillie avec patriotisme, depuis ce moment, il est malheureusement vrai de le dire, jamais la pension accordée aux décorés n'a été pour eux plus illusoire.

Tous les excédants de crédit se sont trouvés absorbés par de prétendus blessés (je me sers à dessein du mot « prétendus »), tandis que de véritables décorés, de véritables combattants de 1830, les pères de la patrie étaient privés du bénéfice du traitement qui leur a été accordé par la loi.

Maintenant, messieurs, vous comprenez l'immense difficulté qu'il y a aujourd'hui après 32 ans, de constater des blessures qui remontent à notre révolution.

Comment cette constatation se fait-elle ? Au moyen de certificats ; mais qui est-ce qui prouve la validité de ces certificats ; qui est-ce qui prouve la réalité des blessures ? Vous voyez qu'on se lance dans l'inconnu quand on veut vérifier des faits de cette nature. Et cependant, c'est dans ces conditions, au milieu de ces incertitudes que 150 nouvelles pensions ont été accordées à des personnes dont la commission des récompenses du gouvernement provisoire n'avait pas entendu parler ou n'avait pas admis les réclamations.

Faut-il donc s'étonner que des certificats faux aient été produits ? Quant à moi, on me l'a affirmé. J'ai entendu dire que l'honorable M. Rogier avait été, sous ce rapport, dans certaines circonstances, d'une sévérité qui lui fait le plus grand honneur. II n'a point voulu que des certificats faux pussent faire obtenir des pensions, et il a fort bien fait en les repoussant.

Maintenant, on nous présente encore une liste supplémentaire de 45 blessés dont les pensions ne sont pas liquidées ; de sorte que nous arriverions ainsi à 200 pensions nouvelles accordées à des personnes dont la commission des récompenses, qui a siégé pendant trois années, n'a pas connu ou n'a pas admis les titres.

Là est l'abus, et il faut nécessairement y mettre un terme. Pour y arriver, je ne connais que ces deux moyens ; ou bien fixer un délai fatal au-delà duquel plus aucune réclamation ne sera accueillie ; ou bien instituer une commission qui aura pour devoir de se montrer excessivement sévère dans l'examen des titres qui pourraient encore être produits. Il ne faut pas que, pour une petite égratignure, dont on a oublié de parler pendant 30 ans, on obtienne une pension à charge du trésor public.

Pour ma part, je suis convaincu que des 150 pensions qui ont été accordées en dernier lieu, il y en a un tiers tout au plus qui fussent méritées. Je n'en veux pour preuve que certains faits que je connais personnellement. Ainsi j'ai connu des citoyens qui. en 1830, se sont bravement conduits, je le reconnais, mais qui n'ont reçu aucune blessure ; et cependant ils ont obtenu la pension affectée aux blessés de la révolution. C'est ainsi qu'une foule de pensions ont été accordées à des personnes qui ne le méritaient pas et qui ont causé par là un préjudice réel aux véritables ayants droit, aux décorés de la croix de Fer.

Aussi, messieurs, ai-je raison de dire que jamais la position de ceux-ci n'a été pire que depuis la mesure qui a été proposée par l'honorable M. Rogier et acceptée par la législature dans un but éminemment louable, je le reconnais.

Je crois que si M. le ministre de l'intérieur désire ne pas fixer de délai fatal à la production des titres à l'obtention de la pension, il ferait excessivement bien de choisir dans la Société des décorés de la croix de Fer, de la capitale, une commission de personnes qui viendraient, non pas lui imposer des lois, mais qui viendraient au moins l'éclairer sur la validité des titres ; dans la liste produite, je connais très peu de noms, mais j'en connais un dont on m'a assuré, de la manière la plus positive, qu'il n'a jamais été blessé et qui cependant, d'après les certificats, l'aurait été bien et dûment.

Il faut mettre fin à la collation de pensions à titre de blessés ou nommer une commission ; alors par le fait de l'extinction des décorés, il n'y aura plus de nécessiteux qui viendront réclamer sans pouvoir obtenir la pension à laquelle ils ont droit.

Je sais que dans le budget il y a une phrase ainsi conçue ; « Pensions de 250 fr. aux blessés dont les droits auront été reconnus avant le 1er novembre 1862. »

Il faut reconnaître que le temps donné pour faire valoir ses droits a été suffisant ; on a eu quatre ans pour cela ; il faut maintenant s'arrêter. Il est nécessaire de mettre un terme à cet abus. C'est de ne plus accorder de pensions à des blessés.

Si vous continuez à en accorder, ce serait un système nouveau. Je ne crois pas que la commission, dont le travail a duré trois années, aurait oublié de pensionner 200 blessés.

M. Allard. - Je partage l'avis de M. B. Dumortier, il est temps de mettre un terme à ces demandes de pension à titre de blessés de la révolution. La loi du 11 avril 1835 a accordé des pensions aux blessés de la révolution. L'article 9 porte :

« Ceux qui pourraient prétendre à une pension devront avoir formé leur demande dans le délai d'un an, à dater de la promulgation de la loi. »

Ils n'avaient donc que jusqu'en 1836 pour obtenir une pension à titre de blessés de la révolution.

Il est donc étonnant, comme disait l'honorable M. Dumortier, que maintenant une quantité de personnes se disant blessés de la révolution viennent réclamer une pension à ce titre. Un grand nombre de décorés de la croix de Fer viennent à titre de peu de fortune demander la pension de 250 fr. ; une chose que je ne comprends pas, c'est ce grand nombre de nécessiteux décorés de la croix de Fer.

Trois arrêtés royaux, en 1834 et 1835, ont accordé des croix de Fer ; le premier, celui du 25 septembre 1834, accorde 573 décorations, on l'a accordée à tous les blessés de la révolution. Ces 573 décorés étaient tous blessés. Il y avait parmi ces 573 décorés, 151 au service ; sur les 422 restant, 107 étaient pensionnés de la révolution ; 27 ont obtenu la croix de première classe, 80 celle de seconde classe ; les autres ont obtenu la croix parce qu'ils n'ont pas touché les 200 fr. qu'on devait donner à tous les blessés aux termes du décret du gouvernement provisoire ; de ceux-là, 72 ont eu la croix de première classe et 243 celle de seconde classe.

Parmi les 151 militaires décorés, 73 étaient officiers depuis le grade de major jusqu'à celui de sous-lieutenant.

Deux autres arrêtés royaux, en date du 2 avril 1835, ont accordé des décorations ; le premier, n°194, à 1,031 personnes, dont voici la position sociale ; vous vous étonnerez comme moi qu'il y ait tant de décorés nécessiteux :

1° Anciens membres du Congrès national : 127

2° Membres de la Chambre des représentants et du Sénat : 6

3° Ambassadeurs, gouverneurs, commissaires de district, inspecteurs généraux de diverses administrations, magistrats des cours de cassation et d'appel, directeurs du trésor, etc., etc. : 33

4° Directeurs des postes, receveurs des contributions, etc. : 37.

5° Généraux, colonels et autres officiers supérieurs : 43

6° Capitaines, lieutenants et sous-lieutenants : 235

7° Bourgmestres, colonels et autres officiers supérieurs de la garde civique : 15

8° Propriétaires, rentiers et sans profession : 37

9° Banquiers, négociants, fabricants : 83

10° Médecins, chirurgiens, pharmaciens : 55

11° Prêtres : 5

12° Docteurs en droit, notaires, hommes de lettres, imprimeurs : 76

13° Pensionnés de la révolution : 22

14° Petits employés de l'Etat et des communes : 55

15° Sous-officiers, caporaux et soldats : 87

16° Ouvriers, colporteurs, etc. : 117.

Total décorés : 1,051.

(page 326) Je crois que d'après la position sociale qu'occupaient ces 1,051 décorés j il n'y en a pas beaucoup auxquels on avait accordé des pensions ; ; il n'y avait alors comme nécessiteux que 117 ouvriers et 87 sous-officiers, caporaux et soldats.

Le deuxième arrêté, aussi du 2 avril 1835, n°194bis, accorde la décoration à 29 personnes ; de ces 29 décorés, il y avait 18 membres de la commission des récompenses, un membre du Congrès et un membre de la Chambre, neuf médecins, fonctionnaires, secrétaires d'ambassade, juges, etc.

Vous voyez encore là peu de personnes ayant besoin d'une pension de 250 francs.

Qu'avait fait le gouvernement provisoire ? Le 14 janvier 1831 il a pris un arrêté où il disait qu’il créait des marques de distinction pour les citoyens qui s'étaient dévoués pour le triomphe des libertés et de l'indépendance nationale (c'est ainsi qu'il a institué la croix de Fer), considérant, porte cet arrêté, qu'il est juste et nécessaire de perpétuer le souvenir des services qui ont assuré l'émancipation de la patrie et de récompenser le dévouement des citoyens qui ont tout exposé pour faire triompher la cause de la liberté ;

Considérant que le meilleur moyen de remplir les obligations déjà reconnues à cet égard est de charger l'honneur de les acquitter.

Quand on a créé la croix de Fer, c'est au budget du ministère de l'intérieur de 1835 qu'on a porté une somme de 30,000 fr. au chapitre XVII pour confection de médailles ou croix en fer, à décerner aux citoyens qui, avant l'inauguration du Roi, « ont été blessés ».

En accordant ce signe de l'honneur aux citoyens qui avaient concouru à l'affranchissement du pays, jamais l'idée n'est venue aux membres de la législature de leur accorder des pensions.

Ce n'est qu'en 1842 qu'on a autorisé le gouvernement à accorder des pensions de 100 fr. Au budget de 1840 on avait introduit un article pour les légionnaires ainsi conçu : Dotation en faveur des légionnaires et des veuves de légionnaires peu favorisés de la fortune, 60,000 fr.

Au budget de 1841 même libellé, même chiffre, et au budget de 1842 ou le modifie comme suit :

Dotation en faveur de légionnaires et de veuves de légionnaires peu favorisés de la fortune et pensions de 100 fr. par personne aux décorés de la croix de Fer « qui sont dans le besoin ou qui n'ont ni autre pension ni traitement quelconque » 60,000 francs ; même chiffre qu'aux budgets antérieurs.

Dotation en faveur des légionnaires et des veuves de légionnaires peu favorisés de la fortune et pensions de 100 francs par personne aux décorés de la croix de Fer qui sont dans le besoin ou qui n'ont ni autre pension, ni traitement quelconque de l'Etat, on maintient le chiffre de 60,000 fr.

En 1845, on porte le chiffre à 90,000 fr.

En 1853, on le porte à 100,000 fr.

En 1854, la pension de 100 fr. est élevée à 250 fr. et le chiffre de l'allocation est porté à 155,000 fr.

En 1857, il est élevé à 170,000 fr. et en 1861, il est porté à 200,000 francs.

Vous voyez, d'après l'intitulé du budget de 1842, que ces pensions de 100 fr.ne devaient être accordées qu'aux décorés qui sont dans le besoin, qui n'ont pas d'autre pension et qui ne touchent aucun traitement de l'Etat.

Eh bien, messieurs, consultez le tableau et vous trouverez des personnes qui touchent de très-gros traitements de l'Etat, des traitements de 5,000, 6,000 et de plus de 8,000 fr. Il y en a d'autres qui ont des pensions civiles et qui ont encore la pension de décoré de la croix de Fer. (Interruption.)

On dit qu'ils ont fait la révolution et que c'est aux décorés seuls que le pays doit la position dans laquelle il se trouve. Mais, messieurs, les décorés de la croix de Fer n'ont pas fait seuls la révolution.

Je reconnais que beaucoup de bons patriotes ont été décorés, ils ont eu raison de faire valoir leurs droits à cette distinction, mais beaucoup ont cru, je dois le dire, devoir s'abstenir, alors que des milliers de citoyens avaient fait autant que ces décorés.

Toutes les demandes qui nous arrivent après 32 ans de notre glorieuse révolution, pour obtenir des pensions et des croix de Fer, me font voir que certains membres du Congrès avaient raison, lorsque dans la séance du 28 mai 1851, le Congrès abolissait à l'unanimité, l'arrêté du gouvernement provisoire du 14 janvier, qui avait décrété l'Etoile de l'honneur. Ces messieurs disaient alors que cette décoration serait un brandon de discorde, que des milliers de Belges avaient bien mérité de la patrie, qu'il était impossible de les décorer tous.

En 1830 on a placé beaucoup de personnes qui s'étaient distinguées, les unes dans l'administration, les autres dans l'armée, et l'on a eu raison : elles s'étaient dévouées pour la patrie.

Je voudrais, puisqu'il y a 200,000 francs portés au budget, qu'on les appliquât en pensions de 250 francs à tous les décorés selon leur position. Mais que l’on ne vienne pas aujourd'hui créer de nouvelles catégories de pensionnés !

Il m'est arrivé aussi que des personnes sont venues me dire : J'ai été blessé à tel endroit, vous y étiez. J'ai répondu : Je ne me le rappelle pas. Je vous ai vu le jour de l'affaire de l'attaque du poste de la porte du Château et des casernes à Tournai, je vous ai vu le lendemain et le surlendemain et vous n'étiez pas blessé.

Un entre autres est venu me soutenir qu'il avait reçu un coup de baïonnette à l'attaque de la porte du Château où je me trouvais.

Eh bien, le fait est qu'il n'y avait pas là des baïonnettes.

Ceux que l'on combattait étaient des hussards qui ne se sont pas défendus, ils avaient des mousquetons, donc certes, il n'y avait pas de baïonnettes, et ils les avaient jetés hors-du corps de garde.

Cela est vraiment intolérable..

Que l'on accorde la pension de 250 fr. aux décorés de la croix de Fer les plus nécessiteux, et que plus tard on donne aux autres ce que les 200,000 fr. permettront de leur accorder, je le veux bien ; mais il me serait impossible de voter un chiffre nouveau.

D'abord, messieurs, les décorés de la croix de Fer ont été très satisfaits de ce que l'on a fait pour eux il y a quelques années.

J'ai ici sous la main le journal la Constitution du 30 septembre 1860 et j'y vois que dans le banquet du 23 septembre 1860 le président disait :

« Si nous savons aujourd'hui que la position des décorés de la croix de Fer, celle de leurs veuves et de leurs orphelins va être améliorée, s'ils trouvent enfin justice, oui mes frères, justice, dépassant même ce qu'ils eussent osé espérer ; c'est à le bienveillance royale qu'ils en sont redevables, etc. »

Ainsi ils ont trouvé alors que ce que l'on avait fait était satisfaisant. Puisque j'ai la parole, messieurs, je parlerai aussi des orphelins. J'avoue que je ne comprends pas les orphelins des décorés de la croix de Fer.

Pourquoi y aurait-il une distinction pour les enfants des décorés de la croix de Fer quand pour les enfants des blessés de la révolution qui ont été pensionnes la loi n'accorde la pension qu'aux enfants qui étaient procréés à l'époque où leurs pères ont été blessés.

Il me semble qu'il ne peut plus avoir des orphelins des décorés de la croix de Fer, puisque la décoration a été accordée en 1835.

Si l'on n'y met obstacle, dans 50 ou 60 ans nous aurons encore des orphelins de décorés ; qu'un décoré de 70 à 80 ans se remarie, à cet âge on a toujours des enfants,, et le pays aura encore bien longtemps à payer les dettes de la révolution.

M. le président. - Le bureau vient de recevoir un amendement ainsi conçu :

Je propose de remplacer le mot : « reconnus » par celui « liquidés. »

« (Signé) Barthélémy Dumortier. »

- L'amendement est appuyé, il fait partie de la discussion.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, je crois que pour bien faire comprendre la situation dans laquelle nous nous trouvons, il faut rappeler quelques-uns des antécédents. Je serai très bref, les orateurs qui ont parlé avant moi ayant déjà fait en partie l'historique de cette partie de nos fastes révolutionnaires.

Dès 1835, messieurs, le gouvernement accorda un nombre de pensions civiques assez considérable à des blessés de septembre 1830.

Ces pensions étaient de 300 francs et de 450 francs au maximum.

Aujourd'hui il existe encore 85 de ces pensionnés, et plusieurs de ces blessés qui se plaignent d'être totalement abandonnés touchent depuis 1835 cette pension de 365 fr., en général leurs plaintes sous ce rapport ne sont donc pas complètement fondées. Il y a quelques années des blessés et' des décorés de la croix de Fer adressèrent des réclamations au gouvernement et à la Chambre. Le gouvernement proposa successivement des crédits qui augmentèrent à diverses époques et qui arrivèrent enfin au chiffre total de 200,000 fr.

Dans ce chiffre, il est vrai, sont aussi comprises les pensions des légionnaires. Ces pensions s'élèvent aujourd'hui en totalité à une somme assez faible ; elles ne montent qu'à 17,560 francs.

On avait pensé, messieurs, que la somme de 200,000 francs serait plus que suffisante pour venir en aide à tous les décorés qui se trouvaient dans une position de fortune peu aisée, et l'on décida même que lorsqu'il n'y (page 327) aurait plus de demandes faites pour des décorés dans une position peu aisée, on augmenterait la pension de 250 fr., jusqu'à 1,200 fr. au maximum.

Mais surgit alors cet incident dont a parlé l'honorable M. Dumortier. Un certain nombre de blessés prétendirent qu'ils avaient été oubliés lors de la distribution de la croix de Fer, et la Chambre, voulant réparer cet oubli et récompenser aussi ces hommes qui avaient rendu des services à la révolution, décida que l'on pourrait accorder la pension de 250 fr. aux blessés de septembre aussi bien qu'aux décorés de la croix de Fer.

Là, messieurs, est toute la cause du mal signalé ; en augmentant le nombre des pensionnés éventuels, on n'a pas augmenté le crédit ; de là aussi de grandes difficultés. Il était facile de savoir si celui qui demandait la pension était ou non décoré, mais il était difficile, surtout après un laps de 30 ou 32 ans, de constater qui avait été réellement blessé dans les premiers mois de la révolution.

De là sont nés les inconvénients signalés par l'honorable M. Dumortier, il fallait juger sur pièces ; des certificats de toute nature ont été produits. La vérification de ces certificats était presque impossible. On put croire qu'on produisait des certificats de complaisance.

Dernièrement encore, un pétitionnaire produisit un certificat signé par une personne honorable. Mais quelque temps après, celui qui avait signé le premier certificat se présentait à son tour et produisait un certificat délivré par celui qui avait produit le premier ; n'y avait-il pas eu là-dedans un simple échange de bons procédés ?

La vérité est très difficile à discerner et nommez autant de commissions que vous voulez, vous ne parviendrez pas à connaître ceux qui ont été blessés en 1830 et ceux qui ne l'ont pas été.

Aujourd'hui 457 décorés reçoivent la pension de 250 francs, et parmi eux, 60 touchent en outre la pension civique dont j'ai parlé, soit 600 fr. D'autres reçoivent en outre encore un traitement de l'Etat, ou des secours sur le fonds spécial.

M. Rodenbach. - Pour blessures graves.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Pour blessures graves ou actions d'éclat particulières.

M. Rodenbach. - Ils le méritent bien.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Oui, mais il faut qu'il soit bien compris que le gouvernement n'a pas été ingrat. „

Ce n'est pas pour récriminer contre les blessés de 1830 que je dis cela Au contraire, je leur porte le plus vif intérêt. Mais l'on ne peut pas dire que le gouvernement a été ingrat pour les hommes qui ont fondé notre nationalité (Non ! non !)

On a critiqué vivement les admissions.

Le libellé de l'article portait que l'on pouvait admettre à la pension les décorés de la croix de Fer et les blessés de septembre peu favorisés de la fortune. Mais ici encore il est difficile de constater la position de fortune de certaines personnes.

Tout ce qui brille n'est pas or, on peut faire, passez-moi le mot, une certaine figure dans le monde et au fond s'imposer de grandes privations. Si l'on parcourait les dossiers qui se trouvent au département de l'intérieur, si l'on voyait les avis des gouverneurs, si surtout l'on examinait certaines lettres particulières confidentiellement écrites au ministre, l'on verrait qu'il est des cas où. le gouvernement pourrait en apparence être accusé de partialité, et cependant il répondait parfaitement à des sentiments d'humanité en accordant la pension.

Je vous dis cela après avoir examiné les dossiers, car personnellement je connais peu de décorés, et depuis que je suis entré au ministère, je n'ai donné que trois pensions à des décorés, et quatre à des blessés. Les trois décorés m'étaient recommandés par d'honorables collègues qui m'avaient donné des renseignements satisfaisants. Si l'on attaquait ces décisions, je suis persuadé qu'ils se lèveraient pour me défendre. Quant aux blessés, ce sont de malheureux pères de famille qui sont ou devraient être secourus par les bureaux de bienfaisance.

Ce que j'ai fait, je crois que mes honorables prédécesseurs l'ont fait comme moi, et si, dans certains cas, des noms de personnes un peu aisées se sont glissés sur la liste des pensionnés, c'est à leur insu.

Aujourd’hui, que nous demande-t-on ? D'éliminer de cette liste un certain nombre de noms. Cela me paraît impossible. J'ai fait faire un examen sérieux et je trouve très peu de noms à rayer, 10 ou 15 peut-être. Ce serait une futilité d'éliminer d'une liste comprenant tant de noms 10 ou 15 décorés de la croix de Fer, et cela pour économiser 2,500 à 3,750 fr.

D'un autre côté, il faut se demander s'il n'y a pas jusqu'à un certain point un droit acquis pour ceux qui ont obtenu cette pension. En général le pensionnaire de l'Etat considère sa pension comme une position acquise. Je sais bien que ces pensions ne sont pas inscrites sur le grand-livre de la dette publique. Mais elles sont accordées, et d'après moi il serait très difficile de les retirer sans motifs très graves, sauf certains cas cependant. Ainsi mon honorable prédécesseur, ayant déclaré dans cette enceinte qu'il ne refuserait la pension, dans les limites du budget, à aucune des personnes qui la demanderaient, l'honorable M. Rogier a cru devoir, à la suite de cette déclaration, admettre des officiers décorés de la croix de Fer.

C'est alors qu'on a admis tous les officiers dont on vient de parler jusqu'au grade de major inclusivement. Mais quand ces majors passent lieutenants-colonels, ils perdent leur pension. Cela vient d'arriver. Comme la pension n'avait été accordée aux officiers que jusqu'au grade de major, j'ai fait connaître à l'un d'eux promu au grade de lieutenant-colonel que la pension lui était retirée, et il n'a pas réclamé. Ce brave colonel a compris que la pension devait revenir d'abord à un de ses camarades moins heureux que lui.

Messieurs, si l'on voulait donner aujourd'hui la pension de 250 fr. à tous les décorés de la croix de Fer et de plus à certains blessés, il faudrait voter une somme de 103,000 fr. ; ce n'est pas là l'intention de la Chambre.

La proposition que vient de faire l'honorable M. B. Dumortier me semble de nature à permettre de donner, dans un temps rapproché la pension à tous les décorés de la croix de Fer qui en ont besoin. En examinant les listes qui ont été imprimées, le nombre des blessés est de 47 et celui des décorés qui ont demandé la pension, de 59.

Il suffit de jeter les yeux sur cette liste pour reconnaître qu'il en est parmi ces derniers un bon nombre qui peuvent attendre.

Si donc la Chambre vote la proposition de l'honorable M. B. Dumortier, de ne plus admettre à la pension aucun blessé nouveau, avant quelques mois, il y aura, je pense, sur le budget ordinaire, des fonds suffisants pour donner la pension aux décorés de la croix de Fer qui sont dans une position peu aisée.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je désire dire quelques mots pour expliquer de quelle manière on a procédé pour répartir la pension aux décorés de la croix de Fer et aux blessés.

Je crois que, par les discours qui ont été prononcés chaque année dans cette enceinte, on a éveillé beaucoup d'appétits ; en parlant constamment d'hommes de révolution qui se trouvent dans le besoin et qui ont été oubliés, on a fait naître chez beaucoup d'individus la pensée qu'en se mettant en avant comme combattant de 1830, ils obtiendraient une pension.

Voici le thème d'aujourd'hui : On pensionne les gens aisés et on néglige les autres.

Eh bien, je ne le crois pas bon dans cette circonstance, pas plus que dans d'autres où il a été mis en avant. Il n'est pas exact de dire que des malheureux décorés ne jouissent pas de la pension. Peut-être exceptionnellement il en est deux ou trois qui n'ont pas pu faire valoir leur droits en temps opportun ou qui, pour d'autres circonstances, n'ont pas été admis à la pension.

Mais ce n'est pas le grand nombre, c'est la très minime exception. Vous le voyez vous-même en parcourant la liste des demandes faites pour obtenir la pension de 250 francs et qui n'ont pu jusqu'ici être accueil ies. Je viens de la lire nom par nom et elle ne renferme pas 3 individus que l'on puisse considérer comme étant dans le besoin. Maintenant pourquoi ne les a-t-on pas admis ? Sans doute parce qu'ils n'ont pas fait leur demande en temps utile ou peut-être par quelque motif qui leur est personnel.

Il n'est donc par exact de dire ici encore qu'on a sacrifié les petits aux grands.

Tous ceux qui sont dans le besoin jouissent de la pension sauf deux ou trois ; eh bien, ceux-là vont nécessairement jouir de la pension dans le courant de l'année, car il y a eu, en 1862, 20 décès et il y a par conséquent 20 pensions ouvertes pour 1863.

Maintenant, comment a-t-on procédé ? Quand on a eu la certitude que tous les individus qui en avaient besoin jouissaient de la pension, on a dû, conformément aux déclarations faites dans cette Chambre, passer à une classe supérieure ; c'est ainsi que successivement, de degré en degré on est monté soit dans l'armée soit dans l'administration civile, à des positions plus élevées. Voilà comment des majors, par exemple, ont obtenu la pension après l'avoir attendue longtemps.

Je partage en grande partie l'opinion qui a été exprimée par l'honorable M. B. Dumortier en ce qui concerne les blessés. Le gouvernement a eu en quelque sorte la main forcée par les discours prononcés dans cette enceinte. (Interruption.)

(page 528) Vous parlez d'un individu qui est au dépôt de mendicité, savez-vous s'il n'y est point par sa faute ?

M. Sabatier. - Il n'y serait peut-être pas s'il avait la pension de 250 francs.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Il jouit, dit-on, de la pension civique. Ces questions se décident dans les vues les plus paternelles, le gouvernement n'a cessé depuis 30 ans d'y donner tous ses soins. Il ne faut donc pas l'accuser à la légère, ce sont des accusations tout à fait injustes et qui ont des conséquences fâcheuses.

Constatons, messieurs, que s'il y a encore aujourd'hui quelques décorés sans fortune qui ne sont pas pensionnés, c'est la très minime exception.

M. Rodenbach. - Il y en a quarante-cinq.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Parcourez la liste des 45, vous verrez que sauf 3 ou 4 tous sont dans une position aisée.

M. Rodenbach. - Il y en a qui ont 25,000 livres de rente.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Ne dites donc pas qu'il y en a 45 puisque dans les 45 il y en a au moins 40 qui sont dans une position aisée.

Cela dit, messieurs, je crois que lorsqu'on aura donné satisfaction au très petit nombre de ceux qui peuvent avoir plus de titres que d'autres, il sera juste de donner la pension de la Croix de Fer à ceux qui la demanderont sans s'arrêter à cette considération qu'ils ne sont pas dans le besoin.

C'est ce qui a été convenu, c'est la voie que j'ai suivie et je crois qu'on doit continuer à la suivre.

M. Hymans, rapporteur. - Je prends la parole pour déclarer que je me rallie à la proposition de l'honorable M. Dumortier qui a été acceptée par M. le ministre de l'intérieur, et je crois que mes honorables collègues de la section centrale s'y rallieront également. Je crois qu'en supprimant les blessés à venir, on supprimera une partie notable des abus. Il est au moins étrange que l'on vienne, après trente-deux ans, faire valoir des blessures auxquelles on n'avait pas songé auparavant. En ne donnant plus à l'avenir la pension aux blessés, on pourra la donner aux décorés de la croix de Fer qui n'en jouissent pas encore et M. le ministre de l'intérieur ayant exprimé l'espoir qu'on pourra ainsi donner, en 1863, la pension aux 57 décorés qui la demandent, je crois qu'il m'est permis de me déclarer satisfait.

J'ajouterai, messieurs, que l'impression de la liste annexée au rapport de la section centrale aura toujours un certain avantage ; on m'assure que déjà des pensionnés, ayant vu leurs noms publiés, ont déclaré qu'ils, renonçaient à la pension en faveur de confrères plus nécessiteux. Cet exemple portera peut-être ses fruits.

- L'amendement dé M. B. Dumortier est mis aux voix et adopté.

« Art. 59. Subsides au fonds spécial des blessés de septembre et à leurs familles : fr. 22,000. »

- Adopté.

La séance est levée à 4 heures 3/4.