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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 17 janvier 1863

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1862-1863)

(page 238) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart..

M. de Moor, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressée à la chambre

M. Thienpont, secrétaire., présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Laurent, ancien segrent, demande une pension et, en attendant, un secours. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Verheyen, ancien employé de l'octroi, demande une pension. »

- Même renvoi.


« Les employés au commissariat de l'arrondissement de Soignies demandent que la qualité de fonctionnaire de l'Etat leur soit accordée. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget de l'intérieur.


« Les sieurs Yante et Stevnot demandent que le projet de loi sur la milice change le mode de tirage au sort. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur Bochart demande une disposition portant que, dans certains cas, il y aura appel contre les peines infligées par les conseils de discipline de la garde civique. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Rey, blanchisseur de toiles à Ruysbroeck, présente des observations contre une demande tendante à obtenir la libre entrée pour les toiles écrues envoyées au blanchiment à l'étranger. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.

M. de Ruddere de Te Lokeren. - Je demande, en outre, que la commission soit priée de faire un prompt rapport.

- Adopté.

Projet de loi créant un inspecteur des corps de musée de l’armée et assimilant certains chefs de musique militaires aux sous-lieutenants et lieutenants

Rapport de la commission

M. Allard. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission qui a examiné le projet de loi tendant à la création d'un emploi d'inspecteur des corps de musique de l'armée et à l'assimilation des chefs de musique des régiments (infanterie) aux sous-lieutenants et aux lieutenants, après un certain nombre d'années de service.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi accordant un crédit au budget du ministère de l’intérieur, pour construction de maisons d'école

Discussion générale

M. Vander Donckt. - Messieurs, je ne prends la parole sur le projet de loi en discussion, que pour faire une remarque relative à son application.

Le gouvernement demande un million à la législature pour la construction de maisons d'école dans les communes rurales. Si j'examine l'état des finances du plus grand nombre de ces communes, je trouve qu'elles subissent en ce moment une surcharge extraordinaire à cause des frais que leur occasionnent les dépôts de mendicité.

Nous avons insisté à plusieurs reprises pour que la loi sur les dépôts de mendicité et sur le domicile de secours fût révisée, afin d'alléger les charges énormes qui pèsent sur les finances des communes rurales.

Messieurs, jusqu'ici nous n'avons rien obtenu qui tende vers ce but ; bien au contraire, le gouvernement nous demande un nouveau million ; cela va augmenter encore les charges déjà si lourdes qu'ont à supporter les communes rurales, car on exigera le concours des communes.

Qu'on ne se méprenne pas sur mes intentions ; toutes mes sympathies sont acquises à l'idée de propager l’instruction primaire.

Je prie la Chambre de ne pas interpréter mes paroles comme contraires à l'instruction primaire. Bien loin de là, c'est dans l'intérêt même de l'instruction primaire que je demande la parole. En effet, je dis que pour appliquer la loi sur l'instruction primaire dans toute son étendue, il faut nécessairement que nos communes rurales s'imposent de grands sacrifices.

Mais quand d'autre part le gouvernement ne fait rien pour soulager les budgets des communes, il est impossible de faire marcher ces deux affaires de front. D'un côté on laisse peser toutes les charges des dépôts de mendicité et du domicile de secours sur les budgets des communes et d'autre part on les surcharge d'un nouveau poids pour construction d'écoles.

Quant à ces dépôts de mendicité, quand on les examine avec calme, en reconnaît qu'ils n'ont pas répondu au but que le législateur s'est flatté d'atteindre. Il est impossible de les maintenir.

J'ai examiné cette affaire sous le rapport des grandes charges qui en résultent.

J'ai examiné attentivement le nouveau travail très remarquable de notre honorable collègue M. Henri Dumortier qui démontre dans des tableaux par des chiffres officiels que les budgets communaux des Flandres sont surchargés par les dépôts de mendicité et les domiciles de secours, à ce point qu'il ne leur reste rien pour les autres dépenses communales.

Savez-vous, messieurs, quelles sont les mesures vexatoires qu'adoptent les députations permanentes des conseils provinciaux, surtout la députation du conseil provincial du Brabant ? On supprime toutes les dépenses facultatives ; on y a jusqu'à supprimer les traitements des bourgmestres et des échevins afin de les forcer en recettes pour payer l'arriéré des dépôts de mendicité. Je ne sais sur quoi on se fonde pour en agir ainsi, car c'est une infraction à la loi communale.

Non seulement on est obligé de sévir contre les administrations communales qui sont dans l'impossibilité de satisfaire aux charges qui pèsent sur elles, mais aujourd'hui on voudrait leur imposer des charges nouvelles.

Au lieu d'entretenir ce dépôt de la Cambre, véritable repaire d'oisifs et de fainéants qui vont se réfugier là pour se soustraire aux rigueurs de l'hiver, on soulagerait considérablement les habitants de nos communes. Dans ce dépôt les détenus sont traités avec luxe et à grands frais, et pour prouver ce que j'avance, je citerai un passage de l'exposé de la province du Brabant, dans lequel l'on donne le menu des détenus de la Cambre.

On leur distribue le matin de la soupe, de la viande, du riz, du poivre et du sel ; à midi des pommes de terre, du pain blanc, du lard, du sel et du poivre.

(page 239) Dans nos communes, le pauvre campagnard ne voit pas de pain blanc dans toute l'année ; il n'est habitué qu'au pain noir ; dans une année il ne mange pas une seule fois de la viande non plus, et dans ce dépôt de fainéantise vous entretenez des mendiants, en leur donnant une nourriture plus substantielle que celle de nos ouvriers dans les campagnes.

C'est une chose intolérable, surtout mise en regard des charges qu'on impose aux finances des communes. Avant de pouvoir organiser l'enseignement primaire dans les communes, il est nécessaire de réviser les lois qui, aujourd'hui, appliquées avec sévérité ruinent complètement les budgets des communes rurales.

Vous comprenez, messieurs, que cet état de choses forme un contraste tel, que tout homme de bon sens doit se dire de deux choses l'une : ou qu'il faut débarrasser les finances des communes des charges qui les grèvent inutilement, ou qu'il faut cesser de leur imposer des charges nouvelles. Et c'est dans l'intérêt même du développement de l'instruction que je demande instamment qu'on laisse un peu plus de liberté aux communes, quant à la part attribuée dans le fonds communal créé par suite de la suppression des octrois. En réalité, ce ne sont pas les communes qui disposent de cette part, mais bien le gouvernement, qui ne la leur accorde qu'à des conditions onéreuses qu'il leur impose.

Que devient, avec un pareil système, la liberté communale ; que deviennent ces franchises communales que nous entendons si souvent vanter ? Je dis, messieurs, que c'est la substitution de l'action de l'autorité supérieure à l'initiative de l'autorité communale ; je dis que ce n'est que lorsqu'on aura renoncé à ce système, lorsqu'on aura renoncé à grever les communes outre mesure, qu'on pourra s'occuper sérieusement des mesures à prendre en faveur du développement de l'instruction primaire.

Quand il s'agit d'imposer des charges nouvelles aux communes, rien de si facile, rien n'arrête le gouvernement ; mais quand il s'agit de soulager leurs finances, on examine, on examine toujours et on ne trouve rien. J'ai dit.

M. de Haerne. - En demandant tout à l'heure la parole, je n'ai pas eu l'intention d'aborder la question au point de vue où l'a envisagée l'honorable préopinant. Cependant, puisqu'il a parlé des dépôts de mendicité dans leurs rapports avec les écoles à construire dans les communes, je dirai aussi un mot à ce sujet. Je reconnais avec l'honorable M. Vander Donck, qu'il y a, sans doute, quelque chose à faire quant aux dépôts de mendicité. Ceci a été répété à satiété dans cette Chambre depuis que j'ai l'honneur d'en faire partie. Mais je dois avouer que, d'après les opinions qui ont été émises, d'après les systèmes qui ont été prônés et d'après les résultats de ceux qui ont été essayés, je dois convenir que ce remède n'est pas facile à trouver.

Cependant, si je m'en rapporte à (a grande discussion qui a eu lieu quand il s'est agi de nos écoles de réforme, de Ruysselede et de Beernhem, je dirai qu'on a parlé alors d'un plan général ; il a été question de fonder, des dépôts de mendicité purement agricoles et de les assimiler aux écoles de réforme. Il a été question aussi de créer plusieurs dépôts agricoles pour toute la Belgique, à l'instar de ce qui s'est fait pour les écoles de réforme. Un projet de loi a été déposé sur cette importante question.

Ce projet, messieurs, me sourit, je dois en convenir et il me tarde de le voir soumis à la discussion. Mais je dois dire que le moment n'est pas venu de discuter à fond la question des dépôts de mendicité.

Je ferai sous ce rapport une seule observation relativement à la question qui nous occupe, et je dirai que, quelque soit le régime des dépôts de mendicité, ce n'est pas, pour moi, une raison de m'opposer au crédit qui est demandé pour l'augmentation et l'amélioration des écoles, même au point de vue des économies à faire, quant à la répression de la mendicité et à la diminution des frais du personnel placé dans les dépôts de mendicité ; car, messieurs, en bonne administration, dans un bon système financier, il faut aviser à l'avenir, et il est bien évident que, si vous avez des écoles partout et en grand nombre, vous posez un jalon dans la voie du progrès dans laquelle vous devez marcher, afin de diminuer plus tard la mendicité et le vagabondage et afin de réduire les frais qui incombent de ce chef aux communes.

C'est une question d'avenir, mais il est évident que l'on trouve dans la bonne organisation des écoles un remède à ce mal que nous déplorons et que l'honorable préopinant a très bien signalé.

Je le répète, messieurs, je n'avais pas demandé la parole pour m'occuper de cette question. J'avais l'intention de vous parler de l'éducation, particulièrement par rapport aux écoles destinées aux enfants du sexe.

M. Rodenbach. - Je demande la parole.

M. de Haerne. - Dans le rapport que nous avons sous les yeux et dont j'approuve presque toutes les idées parce qu'elles sont généreuses et généralement justes, il y a cependant une phrase qui pourrait être mal interprétée,

C'est celle où il est question des écoles de filles.

L'honorable rapporteur nous dit que les écoles de filles ont été les plus négligées. La statistique, en ce qui les concerne, attesterait des résultats beaucoup moins satisfaisants encore que celle qui se rapporte aux garçons.

J'avoue, messieurs, que lorsque l'on jette les yeux sur la statistique des écoles primaires proprement dites, il y a sans doute des lacunes dans les écoles de filles. Je vais même jusqu'à dire que l’assertion de l'honorable préopinant est fondée, en ce que le nombre des filles qui fréquentent ces écoles en Belgique est inférieur à celui des garçons.

Mais cette différence n'est pas telle, que l'on puisse dire que les statistiques attesteraient des résultats beaucoup moins satisfaisants pour les élèves du sexe.

Messieurs, si j'appuie sur cette nuance qui se présente entre la pensée de l'honorable rapporteur et la mienne, ce n'est pas pour critiquer ce qu'il a avancé, mais c'est pour prévenir une fausse interprétation, non seulement dans le pays, mais aussi et surtout à l'étranger, où la Belgique est souvent mal appréciée sous ce rapport. J'ose dire qu'elle a été calomniée et qu'il existe, dans certains documents publics d'autres pays une appréciation très fausse au sujet de l'éducation en Belgique, en ce qu'on ne la considère pas sous toutes ses faces.

Le dernier rapport fait en Angleterre par la commission instituée pour examiner l'état de l'instruction dans ce pays, en fait foi, car nous sommes signalés dans ce rapport comme nous trouvant dans un état de déplorable infériorité surtout vis-à-vis de la Hollande, dont on passe sous silence les désavantages, particulièrement en ce qui concerne l'éducation des filles. Cette éducation cependant est de la plus haute importance pour l'avenir des familles, confiées ayant tout aux soins maternels. La mère instruite instruit naturellement ses enfants dans le premier âge.

S'il y a des lacunes dans notre enseignement, il est bon aussi de faire voir jusqu'à quel point ces lacunes existent, afin qu'on ne les exagère pas et que l'on n'en tire pas des conclusions qui pourraient être défavorables à notre réputation à l'étranger et dans le pays.

Pour développer mes idées sur ce point, je dois entrer, messieurs, dans quelques détails de statistique, je dois faire quelques comparaisons entre le nombre des élèves qui fréquentent les écoles en Belgique, et celui que l'on trouve dans les écoles de certains pays étrangers.

J'ose dire que la différence entre le nombre des garçons et le nombre des filles qui fréquentent les écoles primaires, est beaucoup moindre en Belgique que dans la plupart des autres pays. Voilà ce que je tiens à vous démontrer. Je ne crains pas de dire que la supériorité de la Belgique sous ce rapport, doit être attribuée, en grande partie, aux personnes du sexe qui se dévouant chez nous à la noble profession de l’enseignement.

Messieurs, je donnerai d'abord à la Chambre la statistique officielle publiée dans le dernier rapport triennal relativement à l'année 1857.

Nos écoles primaires soumises à l'inspection et celles qui sont entièrement libres, avaient au 31 décembre 1857, d'après le rapport officiel que je viens de citer, une population totale de 511,096 élèves, dont 262,695 garçons et 248,401 filles ; donc 5,4 plus de garçons que de filles.

Cependant ce chiffre ne doit pas être pris dans toute son élévation quant à l'efficacité du système d'enseignement, parce qu'il y a, toujours d'après la statistique officielle, moins de filles que de garçons en âge d'école. Il faut donc faire une réduction de ce chef.

En effet, lorsque j’examine la statistique relative aux enfants en âge d'école, je trouve qu'il y a 2 3/10 p. c. plus de garçons que de filles en âge d'école. L'on ne peut vouloir quel e nombre des filles qui fréquentent les écoles soit égal à celui des garçons, lorsqu'il y a 2 3/10 p. c. moins de filles que de garçons en âge d’école. Il faut donc déduire ce chiffre du premier, et j'arrive ainsi à 5,1 p. c, plus de garçons que de filles dans la population de nos école» primaires.

Voilà la proportion résultant des deux chiffres officiels que je viens de citer.

Maintenant, pour vous faire voir que, sous ce rapport, nous sommes loin d'être inférieurs aux pays étrangers, que nous avons au contraire une supériorité sur eux, je vais avoir l'honneur de vous citer ce qui se passe dans deux pays, un pays où l'instruction primaire est peu développée et un autre pays où elle passe pour être avancée.

Je vais citer, pour l'Angleterre et la Hollande, les chiffres officiels correspondant à ceux que j'ai déjà cités pour la Belgique.

Voyons d’abord quelle est la différence entre les garçons et les tilles qui fréquentent l'école en Angleterre, d’après la statistique officielle de 1858, une année postérieure à celle à laquelle se rapporte la statistique belge que je viens de vous citer.

En Angleterre et dans le pays de Galles on comptait, en 1858,1,549,312 enfants dans les écoles primaires, dont 827,801 garçons et 721,511 filles.

(page 240) Il y a donc 12 p. c. plus de garçons que de filles, tandis qu'en Belgique en a le chiffre de 5 4/l0 p. c.

Je ne fais pas la déduction que j'ai faite fout à l'heure, quant au chiffre belge, parce que j'aurais dû la faire aussi pour l'Angleterre et que cela m'est impossible, n'ayant pas, pour ce dernier pays, le chiffre des enfants en âge d'école sous les yeux. Je prends donc le chiffre le plus élevé pour la Belgique et je le compare au chiffre corrélatif de l'Angleterre.

Ainsi, messieurs, il y a en Angleterre 12 p. c. plus de garçons que de filles tandis qu'en Belgique la différence n'est que de 5 4/10 p. c.

Dans les écoles protestantes de l'Angleterre et du pays de Galles on trouve 13 p. c. plus de garçons que de filles et, chose remarquable, dans les écoles catholiques la proportion est renversée : là il y a 7 p. c. plus de filles que de garçons, ce qui renforce ma thèse.

Il faut remarquer, messieurs, que parmi les écoles de filles en Angleterre on compte aussi certains ouvroirs que je ne veux pas faire entrer en ligne de compte parce que je ne suis pas officiellement renseigné sur le degré d'instruction de ces ouvroirs en Belgique et que je ne veux pas m'écarter des chiffres officiels.

Maintenant, messieurs, voyons la comparaison relative à la Hollande ; cette comparaison est encore plus en notre faveur, quant à la différence dont je viens de parler.

En Hollande la différence entre les garçons et les filles résulte des chiffres suivants.

Je prends les statistiques au 15 janvier 1857, telles que je les trouve dans le Staats-Courant.

On comptait à cette époque 406,329 enfants à l'école, dont 228,353 garçons et 177,969 filles.

Il y a donc 22 p. c. plus de garçons que de filles en Hollande où l'instruction passe pour être si développée, si avancée.

Si j'entre dans le détail des provinces, je trouve la confirmation de ce que j'ai avancé quant à la supériorité du nombre des institutrices, surtout des religieuses, sur celui des instituteurs. Si je prends les provinces où les écoles de filles sont tenues en partie de la même manière qu'en Belgique, je trouve que nous approchons de la proportion qui existe pour la Belgique. Ainsi dans le Brabant septentrional il y a 19 p. c. plus de garçons que de filles, tandis que la statistique générale donne une différence de 22 p. c. en faveur des garçons.

Il y a dans le Brabant septentrional un certain nombre d'écoles dirigées par des religieuses, ce sont des écoles privées qui ne sont pas reconnues par l'Etat, mais dont il est tenu compte quand on veut constater l'état de l'instruction et établir les statistiques relatives au nombre d'élèves qui reçoivent soit l'instruction privée, soit l'instruction publique. Les statistiques sont établies sur les mêmes bases qu'en Belgique.

Ces chiffres sont officiels, je les ai puisés dans le journal officiel, le Staats-Courant de 1860, Bijblad 61, à la page 107 et suivantes.

Ainsi, la différence entre le nombre des élèves des deux sexes est :

En Belgique, de 5 4/10 p. c.

En Angleterre, de 12 p. c.

En Hollande, de 22 p. c.

Sous ce rapport donc, c'est-à-dire quant à la différence entre les élèves des deux sexes, la Belgique l'emporte sur l'Angleterre de plus de 100 p. c. et sur la Hollande de 400 p. c.

Si, après cela, j'examine d'autres éléments d'appréciation pour me rendre compte d'une manière aussi juste que possible de l'état de l'instruction primaire en Belgique, je dois citer d'autres institutions presque toutes privées, les écoles d'adultes. J'avoue que dans les écoles du midi et du soir comme dans celles du dimanche, l'instruction n'est pas aussi développée que dans les écoles primaires. Cependant cet élément d'appréciation ne peut pas être perdu de vue ; et la preuve, c'est que le rapport triennal dont j'ai parlé en fait mention et donne le nombre des élèves de ces écoles.

Eh bien, messieurs, si j'examine l'état des écoles d'adultes en Belgique, je trouve des résultats qui sont tout à fait en faveur de l'éducation des filles, c'est-à-dire que le nombre des filles qui fréquentent ces établissements est de beaucoup supérieur à celui des garçons.

En voici la preuve : En 1857, d'après le rapport triennal, le nombre total des élèves qui fréquentaient les écoles d'adultes, était de 173,596 dont 71,143 garçons et 102,453 filles. Ainsi, 50 p. c. plus de filles que de garçons, dans les écoles d'adultes parmi lesquelles il faut compter surtout les écoles dominicales.

II se trouve 125,992 élèves fréquentant des écoles d'adultes entièrement libres qui ne reçoivent aucun subside. Ce qui fait ressortir encore plus que les chiffres mêmes le dévouement des institutrices de cette catégorie, relativement à celui des instituteurs, vu surtout que cet enseignement ne rapporte généralement rien à ceux qui le donnent.

En Angleterre, les écoles d'adultes, surtout celles du dimanche, sont extrêmement nombreuses, à tel point qu'elles comptent notablement plus d'élèves que les écoles primaires mêmes ; ce qui, je crois, ne se rencontre dans aucun autre pays, si ce n'est peut-être en Amérique.

Ici, encore une fois d'après les chiffres officiels que je vais tirer du rapport général publié par la commission d'enquête en Angleterre, je trouve que, dans ce pays, le nombre des filles dans ces écoles l'emporte sur celui des garçons. Le nombre total des élèves de cette catégorie était en 1858 de 2,388,397, tandis que dans les écoles primaires il n'y avait qu'un peu plus d'un million et demi d'élèves. Il y a donc 2,388,397 élèves dans les écoles du dimanche ; dont 1,178,100 garçons et 1,210,296 filles, soit donc 2 p. c. plus de filles que de garçons, tandis que dans nos écoles du dimanche, y compris les écoles du midi qui sont relativement très peu nombreuses, nous avons 30 p. c. plus de filles que de garçons.

En combinant les ouvroirs ou les écoles-manufactures où l'on donne l'instruction primaire, en les combinant, dis-je, avec les écoles du dimanche, et en rapprochant ce résultat de celui que j'ai signalé par rapport à l'infériorité du nombre des filles, comparé à celui des garçons dans les écoles primaires, on peut dire en général qu'en Belgique il y a autant de filles que de garçons qui reçoivent l'instruction. Car il faut nécessairement comparer ces divers résultats pour arriver à une appréciation générale qui soit exacte. Pour avoir l'égalité, il ne s'agit, en réalité, que de racheter une différence de 3 1/10 p. c.

Il est impossible de formuler en chiffres cette égalité entre les filles et les garçons, quant à l'enseignement d'institutions aussi différentes que le sont les écoles primaires et les écoles d'adultes ; mais il est impossible aussi d'établir le contraire, c'est-à-dire de prouver que cette égalité n'existe pas, vu la grande supériorité du nombre des filles dans les écoles du dimanche ; il faut dire aussi que le plus grand nombre des écoles-manufactures ou des ateliers sont fréquentées par des filles, qui y reçoivent une instruction suffisante, surtout si on la combine avec celle qui est donnée dans les écoles dominicales.

Ainsi, messieurs, je crois vous avoir prouvé que l'ensemble de ces statistiques comparatives est tout à fait en faveur de la Belgique. Je viens d'avoir l'honneur de vous dire dans quel but spécial j'ai mis en évidence ce fait ; c'est qu'on nous apprécie mal sous ce rapport, non seulement à l'étranger, mais même en Belgique.

Sans doute, je reconnais, avec l'honorable rapporteur, qu'il y a des lacunes réelles dans l'enseignement des filles, comme dans celui des garçons et que pour les combler nous devons réunir tous nos efforts le plus tôt possible.

Mais nous pouvons dire au moins que nous avons la supériorité sur les pays dont je viens de parler. J'aurais pu citer la plupart des autres pays ; mais je m'en suis abstenu : j'aurais dû faire beaucoup d'autres citations ; mais en les faisant, j'aurais craint de fatiguer la Chambre.

Je me borne à répéter que, quant à la différence qui existe entre les garçons et les filles dans les écoles élémentaires, la Belgique a une supériorité incontestable sur les autres pays.

J'ai voulu faire ressortir ce fait, malgré l'aridité des détails dans lesquels j'ai été forcé d'entrer et dont je demande pardon à la Chambre ; j'ai donné cette démonstration, d'abord, pour qu'on connaisse bien la vérité en Belgique et à l'étranger ; je l'ai fait surtout, je l'avoue, par un sentiment patriotique.

M. Van Overloop. - Dans un grand nombre de nos communes, il n'existe pas de local convenable pour les séances du conseil communal, pour le secrétariat ni pour la conservation des archives.

Là où des écoles doivent être construites, où des maisons d'instituteur doivent être édifiées, il me semble qu'on pourrait remédier en grande partie à l'inconvénient que je viens de signaler, en facilitant aux communes les moyens d'ajouter à ces bâtiments deux ou trois pièces qui seraient destinées, l'une aux séances du conseil communal, une autre au secrétariat et la troisième aux archives ; une seule pièce pourrait suffire, peut-être, pour le secrétariat et pour les archives.

Je sais que cela s'est fait dans plusieurs localités ; cela s'est fait entre autres dans l'arrondissement de Saint-Nicolas.

Dans plusieurs de nos communes, je le reconnais, la lacune que je signale a été comblée, mais je crois que le système que je préconise n'est pas généralement appliqué.

J'appelle donc l'attention du gouvernement sur cette lacune, et j'espère qu'il contribuera à la faire disparaître. Il est évident que l'annexion de deux ou trois pièces à un bâtiment à construire augmentera de fort peu la dépense, tout en produisant une grande utilité.

Ce qui m'a suggéré l'observation que je soumets à l'appréciation de la Chambre, c'est notamment une circulaire de M. le ministre de l'intérieur que j'ai trouvée dans le Moniteur d'hier.

(page 341) Cette circulaire recommande la création dans nos communes d'un Mémorial historique.

L'idée de cette création est due à M. Wambach, bourgmestre de la commune d'Esschene, commune peu importante du Brabant, puisqu'elle ne compte que 1,500 habitants. Cette idée me paraît extrêmement heureuse. Je félicite l'honorable ministre de l'intérieur d'avoir rendu hommage à l'initiative de l'honorable fonctionnaire qui l'a conçue, et j'espère que cet hommage encouragera d'autres bourgmestres à soumettre également au gouvernement les idées utiles qu'ils concevraient.

Je félicite aussi le gouvernement de n'avoir pas hésité à adopter l'idée de M. Wambach ; je l'en félicita d'autant plus, que la création d'un mémorial historique tel que celui que la circulaire recommande, aura pour effet de répandre dans notre pays la connaissance de nos anciennes institutions. Elle permettra la comparaison de ces institutions avec celles des pays voisins, et elle contribuera, par cette seule comparaison, à développer grandement l'esprit national dans notre pays. Aujourd'hui, messieurs, on étudie un peu trop l’histoire de la Belgique dans les auteurs étrangers ; quand nos anciennes chroniques seront mieux connues, on ne se permettra plus, par exemple, de traiter de brigands nos paysans, qui, en 1798, s'étaient soulevés contre la domination étrangère.

Je crois donc que l'idée est très bonne, et j'engage M. le ministre de l'intérieur à y persévérer, à la développer le plus possible ; combinée avec la création de cercles archéologiques tels que celui qui existe dans le pays de Waes, elle ne pourra produire que d'excellents résultats.

Mais j'ajoute qu'il faudrait encore venir en aide aux communes sous ce rapport. Dans la plupart de nos localités, il n'y a pas d'homme compétent pour apprécier les archives ; il serait donc utile que des personnes capables de lire et de comprendre les anciens documents, fussent désignées aux communes de bonne volonté. C'est, selon moi, l'unique moyen de constater ce que contiennent nos archives communales, parfois si curieuses, si intéressantes.

Ainsi, on a découvert, dans les archives de la commune dont j'ai l'honneur d'être le bourgmestre, un document extrêmement curieux au sujet de la milice, document dont je me propose même de faire usage quand le projet de loi sur la milice sera mis en discussion.

J'appelle donc l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur ce double objet : 1° utilité de faire examiner les archives de nos diverses communes par des hommes compétents, et 2° utilité, là où l'on bâtira des maisons d'école, des maisons d'instituteur, d'y annexer deux ou trois pièces destinées aux séances du conseil communal, au secrétariat et surtout au dépôt des archives.

M. Julliot. - Messieurs, quand le gouvernement se préoccupe de répandre l'instruction primaire sans emploi de la force, il respecte la liberté en même temps qu'il développe un des services sociaux les plus importants.

L'enseignement primaire est de première nécessité, il a l'avantage de ne déclasser personne. L'instruction primaire, au lieu d'éloigner des métiers et du travail manuel, aide à les développer et à les perfectionner.

Je ne confonds pas l'enseignement élémentaire avec l'enseignement moyen et supérieur ; ces derniers, quand ils sont trop répandus, déclassent beaucoup d'hommes et préparent une génération avec laquelle la société aura à compter plus tard, car, quand l'équilibre entre les produits matériels et les produits immatériels est rompu, la société souffre.

Je félicite donc M. le ministre de l'intérieur de son initiative, mais je me permettrai de faire une recommandation au gouvernement. En général on exige trop de dépenses dans les constructions d'école ; dans la plus petite commune on impose un bâtiment d'école avec demeure du prix de 12 à 15 mille francs, ailleurs 18, 20 et 25 mille francs forment le devis d'une école. On dépasse partout le strict nécessaire, j'en ai l'expérience dans la commune que j'administre et dans beaucoup d'autres. Nous pouvions nous contenter d'une dépense de 8 à 9 mille francs, on nous a conduits à 13,000 francs. Ces habitations sont suffisantes pour y dépenser 10 mille francs de rente, et on y loge un malheureux qui n'a pas dix fois cent francs à sa disposition.

Je sais qu'on dira que la commune doit lui faire un meilleur sort ; mais pour donner, la commune doit avoir et cela n'est pas le cas dans beaucoup de nos petites communes.

Quand un particulier bâtit, il y met de l'économie ; mais on dit que cela n'est pas digne d'un gouvernement et on entraîne la commune à s'endetter pour longtemps.

J'en dirai autant des presbytères ; ceux-là aussi sont souvent trop somptueux ; les habitants de ces belles demeures quasi gouvernementale» sont souvent de pauvres diables qui n'ont pas de quoi acheter le mobilier indispensable à de telles maisons.

On leur fait, aux uns comme aux autres, des caves à vin, quand souvent il n'ont pas de bière à suffisance.

J'engage le gouvernement à renoncer à l'habitude qu'il a, d'obliger les communes à dépasser le chiffre des dépenses qu'elles avaient consenties et il fera bien.

Je vote donc le projet en discussion.

M. Rodenbach. - Le premier orateur que nous avons entendu, l'honorable M. Vander Donckt, a parlé des dépôts de mendicité. Cette question, messieurs, a été bien souvent discutée dans cette enceinte ; pour ma part, depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette enceinte, je m'en suis fréquemment occupé. Quant à moi, j'ai toujours été d'avis, et je ne saurais trop insister sur ce point, qu'il ne faut chercher que dans l'agriculture le moyen de parer aux inconvénients qui sont inhérents à nos dépôts de mendicité.

On aura beau faire, on aura beau chercher, on en viendra toujours à devoir reconnaître qu'il faut ou bien les supprimer et en faire table rase et obliger chaque commune à entretenir ses vagabonds, ou bien les transformer en établissements purement agricoles.

Je trouve, du reste, dans mon propre arrondissement, le district de Roulers, un exemple frappant des avantages qu'offrent ce genre d'établissements : là, messieurs, il existe un hospice de vieillards auquel sont annexés quelques hectares de terre et où les pensionnaires sont entretenus moyennant seize centimes par jour. (Interruption.) Il suffit de se donner la peine d'aller voir pour constater l'exactitude de ce fait.

J'y trouve une nouvelle preuve, messieurs, de la supériorité des établissements agricoles ; et, je le répète, ou il faut faire table rase de ce qui existe, ou il faut se décider à ne créer que des établissements agricoles ; car, comme l'a fort bien dit M. l'honorable Vander Donckt, les dépôts de mendicité sont aujourd'hui la véritable ruine de nos communes rurales.

Je suis, messieurs, très grand partisan de l'instruction primaire comme de toute espèce d'instruction et je suis heureux de rappeler que nous avons beaucoup d'écoles libres et d'écoles subsidiées ; mais ce que je blâme, c'est que l'on fasse, sous prétexte de bâtiments d'école, de véritables maisons de campagne, dont la construction grève nos communes de charges énormes et qui les obèrent considérablement, car nos communes doivent généralement participer à ces dépenses pour un tiers, la province et le gouvernement pour une somme égale. Aussi, messieurs, qu'en résulte-t-il ? C'est que, dans nos Flandres notamment, les impôts personnels, les capitations sont énormes ; ils s'élèvent à plus de la moitié des impôts du gouvernement et il est tout à fait impossible de les diminuer. L'impôt est énorme, je le dis et le répète ; dans les pays voisins où l'on prétend qu'on paye plus d'impôt qu'en Belgique, en France notamment, on ne paye pas plus que dans les Flandres.

C'est une ruine pour nos provinces des deux Flandres, que les abonnements des rôles personnels. Si vous voulez qu'une commune qui n'est pas riche paye un tiers des dépenses pour constructions d'écoles, il sera impossible de les faire.

Comme je suis partisan des écoles et que je désire qu'on en établisse partout où cela est nécessaire, je suis d'avis que le gouvernement, au lieu d'accorder un tiers de la somme nécessaire, devrait accorder davantage à nos communes pauvres des Flandres. t

Ailleurs, dans le Luxembourg, qu'on prétend être si pauvre, on ne paye rien pour les impôts personnels et les abonnements ; les communes ont des biens, des revenus, tandis que nous, qu'on dit riches, nous n'avons rien, nous n'avons pas de revenus.

C'est la vérité, c'est un fait avéré que les communes des Flandres qu'on dit riches ont plus de pauvres, plus de misère que le Luxembourg. Je défie de démontrer le contraire.

Je répète en terminant que je ne voterai pas contre le million ; plus il y aura d'instruction, moins il y aura de misère ; je désire que dans les écoles on enseigne les langues étrangères surtout, la langue française.

Je suis certainement partisan de la langue nationale, mais je suis aussi partisan de l'enseignement de la langue française, parce que c'est une langue parlée par plus de 200 millions d'habitants ; l'anglais et le français sont les deux langues les plus parlées du monde ; quand il y aura des crises manufacturières, comme dans ce moment, nos ouvriers connaissant la langue de nos voisins pourront aller chercher de l'ouvrage chez eux. C'est d'une immense utilité. Un étranger qui ne connaît pas la langue du pays où il se trouve a infiniment de peine à gagner sa vie. J'appuierai donc de mon vote la demande d'un million.

Mais je prie M. le ministre de tenir bonne note de mon observation et de celles de l'honorable M. Vander Donckt, d'avoir égard à la situation des communes des Flandres qui ont tant de charges.

Qu'on fasse payer le tiers de la dépense aux communes qui n'ont pas de dettes et pas d'abonnements, pas d'impôt personnel, qu'on soit juste (page 242) envers nos communes des Flandres ; il ne faut pas écraser ceux qui souffrent.

Ce serait beaucoup pour la plupart de nos communes que de leur demander le cinquième de la dépense.

Le ministre ne répond rien, me fait-on observer. Il y a cependant des communes où l'on ne pourra rien payer. Quoique cela paraisse une plaisanterie de dire qu'on ne payera rien, je répète qu'il y a des communes où l'on ne pourra rien payer. M. le ministre qui est Flamand et excellent Flamand, doit connaître des communes tellement accablées de charges qu'elles ne pourront rien payer du tout.

Je voterai le million dans le sens que j'ai parlé.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je constate avec plaisir que le projet de loi n'est combattu par personne dans cette Chambre. Les honorables membres qui ont pris la parole ont présenté quelques observations, je me bornerai à leur répondre en peu de mots.

Je dirai d'abord à l'honorable M. Rodenbach que les espèces de reproches qu'il veut adresser au gouvernement, quant à la répartition des subsides pour construction d'écoles ne sont pas fondées ; les exemples cités par lui ne sont pas heureux. Quand il a comparé les quotités des subsides de l'Etat distribuées entre les diverses provinces, il aurait bien fait de ne pas comparer le Luxembourg avec la province qu'il habite, la Flandre occidentale. Une loi de 1859 a alloué un crédit d'un million pour construction d'écoles ; ce million a été réparti, et les communes de la Flandre occidentale ne sont intervenues dans les dépenses de construction que pour 38 pour cent, tandis que dans le Luxembourg les communes ont contribué à raison de 67 pour cent. J'aurais hésité peut-être à citer ces chiffres si ces actes avaient été posés par moi ; on aurait pu m'accuser de partialité. Mais comme l'honorable membre reproche au gouvernement d'avoir moins bien traité les Flandres que le Luxembourg, j'ai cru devoir dire ce qui a été fait par mon honorable prédécesseur.

L'honorable M. Rogier a reconnu en principe que les communes les plus pauvres doivent recevoir les subsides les plus élevés, et comme les communes du Luxembourg ont des biens, elles sont intervenues dans les dépenses de ce genre pour une plus forte part que les communes de Flandre. La Chambre vient de voir que ces règles ont été suivies. Quant à la répartition du nouveau crédit que la Chambre allouera sans doute, je me ferai un devoir de tenir compte de la situation financière des communes et de proportionner les subsides à leurs besoins.

Le gouvernement se trace une règle générale, et le déficit, après avoir été bien constaté, est couvert par la province et l'Etat. L'Etat intervient en règle générale dans le déficit pour trois cinquièmes et la province pour deux cinquièmes ; le gouvernement tâche autant que possible de ne pas dépasser la proportion du tiers de la dépense totale. Tels sont les principes admis.

L'honorable M. Vander Donckt a parlé des dépôts de mendicité, il me permettra de ne pas le suivre dans cette discussion qui trouvera sa place naturelle lors de la discussion du budget de la justice. Je voulais toutefois faire à ce sujet une simple observation, mais j'ai été devancé par l'honorable M. de Haerne. Cet honorable membre vous a dit avec raison que la création d'écoles aura pour effet sinon de faire disparaître plus tard les dépôts de mendicité, du moins de diminuer leur population ; plus il y aura en effet d'écoles, plus l'instruction se propagera ; plus il y aura d'instruction, moins il y aura de mendiants et de vagabonds et par conséquent moins il y aura de population dans les dépôts de mendicité, et moins aussi les communes auront de dépenses à supporter de ce chef.

L'honorable membre auquel je réponds a demandé que le gouvernement voulût bien s'abstenir de régler les dépenses communales ; c'est ce qu'il fait, il n'a pas le droit d'agir autrement ; quand il intervient dans la fixation de certaines dépenses communales, c'est pour assurer l'exécutinu des lois.

La loi porte que chaque commune doit avoir une école établie dam un local convenable ; il est donc du devoir du gouvernement de faire exécuter cette disposition, avec modération sans doute, mais néanmoins partout où le besoin s'en fait sentir.

Je ne pense pas qu'on puisse reprocher au gouvernement de n'avoir pas respecté la liberté des communes, et d'avoir imposé des dépenses non justifiées ; d'ailleurs, ce n'est pas le gouvernement qui intervient directement dans la fixation des budgets des communes ; il se borne en cette matière à contrôler les actes de l'autorité provinciale, de la députation permanente, actes posés dans les limites des attributions légales de ces collèges.

Messieurs, l'honorable chanoine de Haerne nous a donné des renseignements fort intéressants sur une question qui avait soulevé, paraît-il, quelques critiques, surtout à l'étranger.

Je ne le suivrai pas sur le terrain où il s'est placé, n'ayant pas sous les yeux les statistiques anglaises et françaises, maïs je remercie l'honorable membre d'avoir cherché à réhabiliter, pour autant que de besoin, notre pays aux yeux de l'étranger.

Je reconnais aussi avec lui qu'en Belgique on a fait beaucoup pour r’'nseignement due garçons et pour l'enseignement des filles, mais il est certain qu'il y a encore beaucoup à faire pour les enfants du sexe...

M. de Haerne. - J'ai encore dit quelque chose de plus.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Il y a une nuance entre votre opinion et la mienne, et je pense qu'il y a un peu plus à faire que vous ne le croyez.

C'est là un soin dont le département de l'intérieur s'occupera avec une véritable sollicitude.

L'honorable M. Julliot s'est plaint de ce qu'on exige pour la construction des locaux d'école, des dépenses très élevées ; il se plaint que l'on veuille construire, et pour les élèves et pour les maîtres, des espèces de palais, des édifices par trop splendides.

Messieurs, lorsqu'on fait un bâtiment d'école dans une commune, c'est pour ainsi dire un monument que l'on crée, non pas au point de vue de l'art, mais c'est un édifice d'utilité publique qui doit durer longtemps.

Les écoles communales doivent donc être, comme les églises, solidement construites, il faut qu'elles soient établies dans des conditions hygiéniques satisfaisantes ; il faut que l'école plaise à l'enfant et que non seulement il puisse y recevoir l'instruction, mais encore que sa santé ne souffre pas de la fréquentation de l'école.

D'un autre côté, il faut rendre aussi agréable que possible la demeure de l'instituteur.

Un pauvre instituteur ou une institutrice reléguée dans une commune, souvent isolée, doit trouver dans son intérieur tout l'agrément et, si je puis le dire, tout le confort qu'on peut lui donner.

Je crois donc que lorsque l'on construit une école dans une commune, il ne faut pas regarder à une petite dépense de plus ou de moins, il faut chercher à faire une chose convenable et durable.

Du reste le gouvernement ne se montre pas avare en pareille circonstance.

Il intervient, comme je l'ai déjà dit ; lorsque la commune ne peut supporter toute la dépense, le gouvernement se charge d'une part, et jusqu'ici je le constate avec plaisir, la Chambre n'a jamais refusé au gouvernement les fonds qu'il a demandés pour construise des écoles.

L'honorable M. Van Overloop a parlé d'une question qui a déjà été soulevée dans cette Chambre.

L'honorable membre a constaté avec raison que dans un grand nombre de communes, les locaux destinés à l'administration communale sont peu convenables.

En effet, les salles des délibérations, celles du secrétariat et des archives se trouvent souvent placées dans le voisinage d'un lieu où l'on tient un cabaret. Il y a d'autres locaux moins convenables encore peut-être.

Je crois que si l'on pouvait parvenir à créer dans toutes les communes un édifice spécial, une maison commune proprement dite, ce serait un très grand bien.

Mais je dois faire remarquer à l'honorable membre que le crédit aujourd'hui demandé pour la construction de bâtiments d'école serait bien insuffisant s'il devait être affecté en partie à la construction de maisons communales ; ce crédit serait même détourne ainsi de sa destination spéciale.

Cependant, lorsqu'il sera possible, dans les bâtiments qui seront construits, de réserver une ou plusieurs salles destinées aux réunions du conseil communal, au secrétariat et au dépôt des archives, l'on pourra intervenir, dans une certaine mesure, dans les dépenses qu'occasionneraient ces locaux, surtout quand ces salles, faisant partie d'une construction d'ensemble, n'auront qu'une influence très minime sur la dépense totale à faire.

Je pense que, sous ce rapport, l'honorable M. Van Overloop sera satisfait et que nous serons d'accord sur ce point.

Messieurs, l'honorable membre a bien voulu me féliciter à l'occasion d'une circulaire récente que j'ai envoyée aux gouverneurs. Ma conduite a été bien naturelle.

Une excellente idée a été émise par un honorable bourgmestre, je m'en suis emparé, car je prends le bon où je le trouve ; mais j'en ai fait connaître l'auteur, cui que suum ; si d'autres bourgmestres me communiquaient de bonnes idées, je serais heureux d'en profiter et de pouvoir les propager aussi.

Quant aux archives communales, les conseils donnés par l'honorable M. Van Overloop sont déjà en partie suivis, Lors de la discussion du dernier budget de l'intérieur, l'honorable M. Kervyn de Lettenhove avait (page 243) appelé l'attention du gouvernement sur ce point et j'ai eu la satisfaction de faire connaître aujourd'hui que plusieurs communes déjà s'occupent du classement de leurs archives ; quelques-unes de ces communes ont demandé des subsides au gouvernement, et ces subsides ont été accordés ; on leur a désigné aussi, autant que possible, des personnes ayant des connaissances spéciales pour opérer ce classement et ces personnes se sont prêtées très volontiers à rendre les services que l'on réclamait d'elles.

Je crois avoir répondu aux diverses observations présentées par les collègues qui ont pris la parole, il ne me reste qu'à prier la Chambre de vouloir bien voter le crédit pétitionné en attendant que je sois dans l'agréable nécessité de lui en demander d'autres.

M. Vander Donckt. - Messieurs, j'ai signalé à l'attention de M. le ministre le peu de liberté dont jouissent les conseils communaux dans le règlement de leurs finances.

L'honorable ministre me dit : Le gouvernement s'est abstenu, mais si le gouvernement s'abstient, il se cache derrière les députations permanentes qui viennent peser de tout leur poids sur les conseils communaux en les entravant constamment dans la liberté qui leur est garantie par la Constitution.

Je ne parle pas de mon propre mouvement, car dans plusieurs sections on a signalé cet inconvénient et l'on a demandée, surtout dans les sections pour le budget de l'intérieur, que l'on voulût bien laisser un peu plus de liberté aux administrations communales dans le règlement de leurs finances, tant au sujet de l'instruction et de la construction d'écoles que pour d'autres objets.

D'autre part, messieurs, l'honorable ministre nous dit : Il faut exécuter la loi sur l'instruction primaire ?

Je suis d'accord avec lui, mais toutes les lois se trouvent sur la même ligne ; et la loi communale, alors que les députations permanentes suppriment le traitement du bourgmestre et des échevins d'une commune, n'est certainement pas respectée.

Il y a là un véritable grief contre les députations permanentes et contre le gouvernement.

Ce n'est pas là la liberté qui existait en 1830 pour les administrations communales dans la réglementation de leurs dépenses. Cette liberté n'existe plus aujourd'hui ; elle existe d'autant moins, que le gouvernement n'accorde sa part d'intervention pécuniaire à une commune qu'à la condition de s'imposer tel ou tel sacrifice.

Messieurs, ce n'est pas la seule observation qu'il y ait à faire. Je signalerai particulièrement à l'attention de la Chambre le dépôt de mendicité de la Cambre qui se trouve aux portes de la ville de Bruxelles et pour lequel, à cause de sa situation le long de la nouvelle promenade, on a offert un million et demi pour en faire l'acquisition.

On y entretient une troupe de fainéants et un directeur au traitement de 4,500 francs, que l'on augmentera probablement encore par suite de l'augmentation générale des appointements de tous les employés de l'Etat.

Je n'insisterai pas plus longtemps sur les dépôts de mendicité ; je réserve mes observations ultérieures pour uns autre occasion qui est, du reste, prochaine.

Eh bien, messieurs, je vous demande si tout cela est logique, si tout cela peut se concilier avec les charges écrasantes que l'on impose aux conseils communaux. Je dis que cela n'est pas raisonnable et que, quand on veut imposer des charges aux communes, il faut d'autre part ménager leurs finances dans tout ce qu'il est humainement possible de faire.

On dit quand il s'agit d'imposer des charges pour l'instruction primaire : Il faut exécuter la loi. D'accord ; mais d'autre part on demande à cor et à cri la réforme de la loi sur les dépôts de mendicité, on la demande de toutes parts, on l'a réclamée dans des centaines de pétitions sur lesquelles j'ai eu l'honneur de vous faire rapport, et l'on ne fait rien ; on examine et l’on examine toujours et il n'en résulte aucune disposition pour soulager les finances des communes.

J'insiste donc particulièrement sur ce point : j'insiste pour qu'on laisse aux administrations communales un peu plus de liberté dans la direction de leurs affaires et surtout quant à leurs finances, ce qui constitue leur plus précieuse prérogative.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, l'honorable M. Vander Donckt a mêlé à cette discussion la question des dépôts de mendicité. Ce n'est évidemment pas le lieu de la traiter ici. Je dois cependant répondre quelques mots aux observations de l'honorable membre.

L'honorable membre se plaint de ce que l'on entretient à côté de la nouvelle promenade de très vastes bâtiments pour lesquels on aurait offert, dit-il, la somme d'un million et demi. Messieurs, je n'ai pas besoin de le dire à la Chambre, les dépôts de mendicité ne sont pas régis, ne sont pas administrés par le gouvernement, et il ne dépend pas de la volonté du gouvernement de faire disparaître le dépôt de mendicité de la Cambre. Si la chose dépendait de moi, je le déclare très nettement, j'accepterais très volontiers le million et demi qui a été offert pour ces bâtiments, et je trouverais ailleurs des établissements beaucoup plus convenables. Je trouverais le moyen de faire ce que disait l'honorable M. Rodenbach, des dépôts agricoles, que je regarde aussi comme très utiles. Mais le gouvernement a les mains liées.

Si la Chambre veut bien me prêter quelques moments d'attention, je lui communiquerai un fait qui s'est passé assez récemment et où j'ai cherché précisément à réaliser l'idée qui s'est produite à différentes reprises au sein de cette assemblée.

Les terrains appartenant à l'ancienne colonie de Merxplas ont été mis en vente il n'y a pas très longtemps. Lorsque j'en ai été informé, peut-être quatre ou cinq mois avant la vente, j'ai fait prendre tous les renseignements nécessaires ; j'ai fait lever des plans ; je me suis entouré de toutes les indications qui pouvaient être utiles aux administrations provinciales qui voudraient transformer leurs dépôts de mendicité, je me suis mis en rapport avec celles qui n'avaient pas de dépôts agricoles. Car vous savez que parmi nos dépôts, nous en avons deux, Reckheim et Hoogstraeten, qui sont des dépôts agricoles.

Eh bien, j'ai complètement et absolument échoué. Chacun désire garder son dépôt de mendicité à sa porte.

M. H. Dumortier. - C'est pour les villes où ils sont établis qu'on veut les maintenir.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je demande qu'on fasse retomber sur chacun la responsabilité qui lui incombe. Je proteste ici contre le reproche qu'on adresserait au gouvernement. Car le gouvernement fait tout ce qui dépend de lui pour avoir égard aux observations utiles qui lui sont faites par la Chambre. Ainsi, je reconnais qu'il serait très utile d'avoir des dépôts agricoles, je reconnais qu'il serait très utile d'établir ces dépôts dans des endroits très éloignés des populations qui doivent les fréquenter.

Je crois que plus vous éloignerez les dépôts de mendicité des grandes villes et même des localités, d'où proviennent ceux qui iront les peupler, plus vous diminuerez le nombre des individus qui entrent dans ces établissements. Plus vous les dépayserez, moins ils auront de tentation d'aller dans ces espèces d'auberges.

J'insiste sur ce point ; je suis parfaitement d'accord avec les honorables membres. Ces idées, je les toujours eues. Nous tentons de les réaliser ; j'ai encore essayé dans le cas que je viens de citer, et si j'avais pu prévoir que la question surgirait aujourd'hui, je me serais muni des lettres que j'ai reçues et des réponses que j'y ai faites : vous y verriez la preuve que le gouvernement fait tout ce qui défend de lui pour remédier à une situation qui pèse lourdement sur toutes les communes du pays.

Mais, je le dis à regret, le gouvernement n'est pas suffisamment secondé par les députations permanentes. Il se mêle aux idées des députations des prétentions locales. Chaque administration veut conserver son dépôt dans la province même, le régir à sa convenance, l'avoir sous les yeux. On perd de vue le grand but qu'il y a à atteindre.

Les reproches doivent donc tomber non pas sur le gouvernement, mais sur ceux qui sont chargés plus particulièrement d'administrer les dépôts de mendicité.

Quant à la question du domicile de secours, j'ai eu l'honneur de le dire il n'y a pas longtemps à la Chambre, j'ai écrit aux députations permanentes, pour hâter le travail que chacune d'elles doit présenter sur cette question. Je leur ai adressé des lettres de rappel.

J'attends avec impatience les réponses aux questions que j'ai posées, afin de pouvoir étudier cette matière et de soumettre des propositions à. la Chambre.

Je désire autant que qui que ce soit que cette affaire reçoive une solution. Nous ne reculons pas, mais tout le monde reconnaît que les difficultés qu'elle présente réclament les lumières des différents corps qui sont au moins aussi intéressés que le gouvernement lui-même dans cette question.

Si les députations nous donnent de bons renseignements, si l'on fait une loi même conforme à leurs idées, la responsabilité en sera d'autant moindre pour le gouvernement. Car, il faut le reconnaître, jusqu'à présent l'on n'a pas été très heureux dans ce qu'on a fait. L'on s'est beaucoup récrié contre la loi de 1818. Cette loi a été changée en 1845. J'ai relu, il n'y a pas longtemps, l'exposé des motifs, les rapports, les discussions qui ont eu lieu à la Chambre et au Sénat. Eh bien, la grande majorité avait approuvé les modifications qui ont été écrites dans la loi (page 244) actuelle. Et cependant cette loi était à peine publiée, que les réclamations ont surgi plus vives, plus nombreuses que jamais.

Ces précédents démontrent qu'il est nécessaire de s'entourer de tous les renseignements, d'agir avec une grande prudence, aujourd’hui qu'il s'agit d'apporter de nouveaux changements à la législation, d'introduire un nouveau régime.

Il ne dépendra pas de moi que j'aie ces documents le plus tôt possible et que la Chambre en soit saisie. Nous aviserons alors ensemble à remédier à une situation que tout le monde reconnaît être très grave, mais dans laquelle tout le monde aussi doit reconnaître qu'il n'est pas facile d'introduire des améliorations.

M. Magherman. - Je ne comptais pas intervenir dans cette discussion. Ma voix est acquise au projet qui nous occupe. Mais je ne puis laisser sans observation l'assertion trop absolue de M. le ministre de l'intérieur, assertion par laquelle il prétend que dans chaque commune il doit y avoir nécessairement une école communale. Il est vrai que ce principe est inscrit dans l'article premier de la loi, mais ce n'est pas sans tempérament ; l'article 2 porte que lorsqu'il est suffisamment pourvu aux besoins de l'instruction, la commune pourra être dispensée d'établir une école communale. Malgré cela, le gouvernement impose à toutes les communes l'obligation de construire une école communale.

Il en résulte un double inconvénient, c'est que les communes sont frappées de charges considérables et qu'elles ne jouissent pas de toute la liberté que la loi leur attribue.

J'engage donc le gouvernement à tenir compte dans la suite, non seulement de l'article premier, mais aussi des articles 2 et 3.

M. H. Dumortier. - Messieurs, je serai très bref.

Je n'éprouve aucune difficulté à constater que l'honorable ministre de la justice a de bonnes intentions quant à la réforme de ce système, réellement intolérable, des dépôts de mendicité. J'ai lu d'anciens discours dans lesquels l'honorable M. Tesch caractérisait de la manière la plus nette ces institutions de mendicité. Je me rappelle encore une phrase où il les appelait « un cloaque où grouillent la paresse et l'immoralité. »

Mais, messieurs, sans vouloir diriger tous les reproches contre le gouvernement, je crois que l'honorable ministre veut se disculper trop complètement de ne pas avoir présenté un projet depuis les quatre ou cinq ans qu'il est de nouveau au pouvoir. Je me rappelle le temps où l'honorable M. Tesch et l'honorable M. Moreau insistaient tous les ans pour avoir non pas des circulaires et des rapports - il y en a des montagnes - mais pour avoir un projet, et je me rappelle aussi que l’honorable M. Nothomb a répondu autrement que par des promesses, qu'il a répondu par la présentation d'un projet de loi très complet.

Ce projet a fait à deux reprises l'objet des délibérations les plus sérieuses des députations permanentes, et je demande si le gouvernement n'a pas aujourd'hui assez de renseignements sur cet objet, et s'il faut encore continuer à demander des rapports.

Nous ne reculons pas, dit l'honorable ministre ; mais je lui répondrai : Vous n'avancez pas non plus. Or, qui n'avance ni ne recule est stationnaire ; vous êtes donc stationnaire en cette matière.

Il y a un projet de loi, celui proposé par M. Nothomb, sur lequel les hommes les plus compétents et les députations permanentes ont donné leur avis et qu'ils ont approuvé ; pareil projet de loi n'a aucun caractère politique, et je ne crois pas qu'il puisse y avoir une grande différence entre l'appréciation qui en a été faite il y a peu de temps, et celle qui peut en être faite aujourd'hui. Pourquoi ne pas le produire devant la Chambre ? D'ailleurs, si le gouvernement ne se contente pas de ce projet, qu'il y introduise des modifications. Dans tous les cas, je demande que nous soyons saisis d'un projet le plus tôt possible.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable membre parle du projet de loi qui a été présenté par l’honorable M. Nothomb, mais je demande si ce projet touchait à l'une des questions qui ont été le plus souvent agitées c'est-à-dire la question du domicile de secours. (Interruption.) La question du domicile de secours est celle qui fait peser la charge la plus lourde sur les communes.

Il est bien certain que la question du domicile de secours domine en quelque sorte celle des dépôts de mendicité. Contre quoi les communes réclament-elles principalement ? Elles réclament principalement contre les charges dont elles sont grevées, et ces charges proviennent de la loi sur le domicile de secours. Vous auriez beau modifier le régime des dépôts de mendicité, par exemple, sous le rapport de la nourriture des détenus ,point qui a été indiqué tout à l'heure, du moment que vous laissez subsister la loi sur le domicile de secours, vous laissez subsister la charge des communes. Cette charge n'est pas seulement relative aux dépôts de mendicité, elle concerne aussi les hospices et les bureaux de bienfaisance et c'est toujours de la loi sur le domicile de secours que proviennent les charges des communes, c'est contre cette loi que se dirigent leurs réclamations. Les dépôts de mendicité ne sont mis en cause que comme étant l'instrument des dépenses qui frappent les communes.

Si demain vous déchargiez les communes de l'obligation de payer l'entretien de leurs reclus, aucune commune ne se préoccuperait plus des dépôts de mendicité. Il s'agit donc, avant tout, de savoir ce qu'il y a à faire relativement au domicile de secours. C'est sur ce point que j'ai itérativement appelé l'attention des députations permanentes, mais jusqu'à présent elles ne m'ont pas fait connaître leur manière de voir.

M. H. Dumortier. - Je constate avec peine, messieurs, qu'une cause si légitime et si bien élucidée par tous les administrateurs compétents se trouve constamment repoussée par des fins de non-recevoir et des moyens dilatoires, et surfont en rattachant à cet objet une autre question difficile à résoudre et qui n'y est réellement pas connexe, en ce sens que la solution de l'une de ces questions soit nécessairement et indéfiniment ajournée jusqu'au moment où l'on aura trouvé la solution complète et satisfaisante de l'autre.

Pour en finir avec cette manière d'agir, la section centrale a déclaré formellement l'année dernière dans son rapport sur le projet de budget du ministère de l'intérieur qu'il y a lieu de disjoindre ces deux affaires et de s'occuper sans retard de la réforme administrative des dépôts de mendicité.

La réforme à introduire dans les dépôts de mendicité porte sur deux ou trois points principaux :

1° La transformation du travail ; le travail moralisant, le travail productif à substituer au travail énervant et peu productif.

2° Le classement des détenus, de manière que les bons ne soient pas confondus avec les mauvais, les vieillards avec les enfants, les invalides avec les gens valides, le repris de justice, les grands criminels avec les malheureux honnêtes, que l'extrême misère jette momentanément dans ces réceptacles de dépravation.

3° Un autre point important, c'est la création sur des bases convenables de quartiers de correction.

Tous ces changements n'ont rien de commun avec le domicile de secours et peuvent être opérés avant qu'on réforme la loi sur le domicile de secours, dont je désire toutefois aussi la révision dans un bref délai.

Je ne puis donc accepter le moyen dilatoire présenté par M. le ministre de la justice, et sa déclaration qu'il a fait ce qui est possible pour arriver à la réalisation de la réforme des dépôts de mendicité.

M. le ministre de la justice dit que si l’on mettait à la charge de l'Etat toutes les dépenses relatives au domicile de secours, tout le monde se déclarerait satisfait !

Cet argument a le mérite ou le défaut d'être trop vrai, ce n'est pas là un moyen de résoudre la difficulté. Sans doute, si le gouvernement voulait libérer les communes de cette charge, on chanterait partout les louanges de M. le ministre de la justice. Mais l'honorable membre sait bien que pareille réforme n'est pas possible, et qu'elle ne se fera pas. Tout n'est pas la question.

Pour moi je tiens à bien constater avec les personnes les plus compétentes qui se sont occupées de cette matière, que l'ajournement, quel qu'il soit, de la révision de la législation sur le domicile de secours, n'est pas un obstacle à la réforme immédiate du régime des dépôts de mendicité. Je me borne pour le moment à cette constatation.

M. Guillery, rapporteur. - Messieurs, la section centrale félicite beaucoup le gouvernement de la présentation du projet de loi soumis à vos délibérations, et l'attitude de la Chambre montre quelle sympathie ce projet rencontre sur tous les bancs. Néanmoins, il est à désirer, et je crois que ce sera là encore un vœu unanime, il est à désirer que le projet de loi, comme les deux lois qui l'ont précédé, ne soit considéré que comme le commencement d'un grand œuvre, que comme une pierre d'attente pour l'édifice que nous voulons élever à l'enseignement du peuple.

Les besoins de l'enseignement primaire sont grands ; on n'a jamais osé regarder le mal en face ; on n'a jamais osé sonder la plaie et dire nettement ce qu'il y avait à faire pour la guérir.

En 1843, le gouvernement, se faisant une complète illusion, a cru qu'il suffirait de 8,501,000 fr. pour couvrir les frais de construction de maisons d'école dans toutes les communes qui en étaient dépourvues ; et il évaluait à 1,091 le nombre des locaux à construire.

Depuis, deux millions ont été successivement votés par la Chambre. Si vous ajoutez à cette somme la part pour laquelle les provinces et les communes ont contribué dans la dépense, vous arrivez au chiffre de près de sept millions.

De plus, les crédits ordinaires annuels ont été portés à 150,000 francs, (page 245) et aujourd'hui, les évaluations, si elles étaient complètes, dépasseraient de beaucoup celles qui ont été faites il y a 20 ans.

Une circulaire du ministre de l'intérieur a invité les gouverneurs des provinces à fournir les renseignements propres à constater quelles sont les sommes nécessaires à la construction de maisons d'école. Cette circulaire date du 25 mars 1859 ; il y aura donc bientôt 4 ans qu'elle est faite ; et, chose singulière ; elle est restée jusqu'aujourd'hui sans réponse.

Il y a évidemment dans les administrations provinciales, je ne dirai pas une négligence, mais une inertie vraiment extraordinaire. Laisser quatre ans sans examen, sans réponse, une des questions les plus importantes, les plus urgentes, c'est méconnaître complètement la principale mission qu'ont à remplir les gouverneurs.

Il est urgent que le gouvernement fasse constater par des études consciencieuses et approfondies quelles sont les sommes nécessaires à la construction de maisons d'école dans toutes les communes où il n'y eu a pas aujourd'hui, et dans toutes les communes où les locaux d'école sont tout à fait insuffisants.

Et à cet égard il est essentiel que M. le ministre de l'intérieur apporte une attention très vigilante à la manière dont se font les études, parce que dans certaines communes, dans certains arrondissements, peut-être dans certaines provinces, on considère comme maisons d'école des locaux qui en réalité n'en sont pas du tout, des locaux tout à fait impropres à l'usage auquel ils sont destinés.

Il faut donc que par une inspection très rigoureuse, et si le personnel ordinaire ne suffit point, par une inspection extraordinaire, le gouvernement constate quels sont les besoins réels de l'enseignement primaire, et lorsqu'on aura constaté ce qu'il y a à faire, il y aura à mettre la main à l'œuvre le plus tôt possible.

S'il faut un emprunt de 20 millions, s'il faut 30 millions, qu'on en fasse immédiatement le sacrifice. Parmi les dépenses urgentes qui peuvent figurer à nos budgets, il n'y en a pas une qui soit aussi urgente que celle-là ; il n'y a pas d'intérêt sur lequel il nous soit moins permis de nous endormir que sur l'instruction primaire. Il n'y a pas d'ennemi plus près de nous attaquer, plus dangereux, contre lequel il soit plus nécessaire d'élever des forteresses que l'ignorance.

En réalité, et ici j'avoue que je suis très gêné dans l'expression de ma pensée, parce que je trouve qu'il n'y a que des éloges à donner à l'administration, et qu'en particulier il n'y a que des éloges à donner à M. le ministre de l'intérieur actuellement en fonctions ; il est impossible de mettre plus de zèle, de vigilance et d'intelligence qu'il n'en met dans ce qui concerne spécialement l'enseignement primaire. Depuis qu'il est aux affaires nous avons vu fréquemment des arrêtés royaux ordonnant la construction de maisons d'école ; pour certains arrêtés, les maisons d'école dont la construction a été prescrite s'élève à 10 ou à 15.

De plus, nous avons vu, au Moniteur, il y a quelques jours, un règlement qui témoigne de toute la sollicitude de M. le ministre de l’intérieur pour tout ce qui regarde les intérêts précieux qui lui sont confiés.

Il n'y a donc que des éloges à donner à M. le ministre de l'intérieur ; il n'y a donc qu'à le prier de vouloir bien persévérer dans cette voie ; on ne peut que rendre justice à ses intentions, comme à son intelligente activité.

Mais après avoir fait la part des hommes, nous devons faire la part des choses ; voyons les faits, et nous nous convaincrons qu'en réalité on n'a rien fait depuis vingt ans. Oui, malgré le zèle le plus louable, peut-être à cause des difficultés financières, peut-être à cause de la répugnance qu'on éprouvait à constater l'étendue de la plaie à guérir, nous n'avons rien fait en réalité.

Quoi ! nous sommes une nation depuis trente-deux ans ; nous avons une loi sur l'instruction primaire, et aujourd'hui on n'en est pas même encore à savoir quelles sont les communes qui n'ont pas de maison d'école ou dont les locaux sont insuffisants, quelles sont les sommes nécessaires à la construction des locaux.

On disait, il y a 20 ans, qu'il fallait encore 8,501,000 fr. pour les besoins de ce genre auxquels il restait à pourvoir ; et aujourd'hui, d'après des indications vagues, auxquelles nous devons nous borner, dans le silence que MM. les gouverneurs gardent sur la circulaire ministérielle du 23 mars 1859 ; aujourd'hui, on peut dire qu'une somme beaucoup plus forte est nécessaire.

Si nous pouvons constater les progrès de l'instruction primaire, ces progrès ne sont pas ce qu'ils auraient pu être : la part de l'ignorance crasse, qui était de 43 p. c. en 1843, est de 31 p. c. en 1802. C'est un progrès, sans doute ; mais 31 p. c, c'est encore énorme ; 31 p. c, dans un pays libre, qui touche à la Prusse, où l'instruction primaire est générale, et où toute commune a son école et de magnifiques écoles, c'est une véritable honte pour la Belgique. Il vaut mieux, messieurs, regarder le mal en face ; il vaut mieux considérer le mal tel qu'il est ; il vaut mieux nous dire nos vérités à nous-mêmes que de persister dans de trompeuses et fâcheuses illusions.

Et, messieurs, veuillez le remarquer, ces 31 p. c., qui donnent la mesure de l'ignorance crasse, ne représentent pas le nombre de personnes qui n'ont pas reçu un enseignement primaire ; car ces 31 p. c. c'est le nombre de miliciens ne sachant ni lire ni écrire, m sachant rien de rien.

Mais, parmi les 69 p. c. restants, il y en a un grand nombre qui ne savent que lire, et comment ? IL y en a un très grand nombre qui ne savent que lire et écrire, et comment ?

Et quant à ceux qui ont reçu un enseignement primaire, c'est-à-dire qui savent lire, écrire et calculer, ils se réduisent à une très minime fraction. Je n'en ai pas le chiffre sous les yeux, mais il est constaté par les statistiques et je puis dire qu'il forme l'exception. De manière qu'en réalité l'enseignement primaire comme il se donne en Prusse, par exemple, l'enseignement primaire donnant au peuple ce que le peuple doit nécessairement savoir, cet enseignement est dans un état déplorable.

Il en résulte donc que, tout en rendant justice aux personnes et spécialement aux ministres qui, les premiers, sont venus demander un crédit d'un million pour construction d'écoles, qui, en second lieu, sont venus demander un second million, et qui en troisième lieu, ont sollicité et vont obtenir un troisième million dont la plus grande partie est déjà dépensée, ce dont je les félicite, et dont le reste sera dépensé dans le courant de l'année, comme je l'espère ; tout en rendant justice, dis-je, aux bonnes intentions, il faut bien reconnaître que ces bonnes intentions n'ont pas abouti jusqu'à présent à des résultats excessivement brillants, qu'on s'est fait illusion sur l'efficacité de l’organisation de l'enseignement primaire tel qu'il a été réglé par la loi de 1842 ; et qu'il faut absolument qu'on sorte de l'ornière où l'on se trouve.

Eh, messieurs, le gouvernement en possède le moyen ! Une circulaire du 18 octobre 1856, qui ne fait, du reste, que résumer l'état de la législation, informe les gouverneurs qu'il faut absolument que toutes les communes soient mises en demeure de satisfaire à leurs obligations en matière d'enseignement primaire.

Il y a donc plus de six ans que cette circulaire a été écrite ; et il n'y a vraiment pas de motif pour ne pas l'exécuter. Si elles ne peuvent pas les remplir, si elles s'y refusent, qu'il soit nommé, conformément à la loi, des commissaires spéciaux pour inscrire aux budgets des communes retardataires les allocations nécessaires. Si la commune n'est pas assez riche, si, réellement, elle ne peut pas subvenir aux dépenses de l'enseignement, que le gouvernement y pourvoie par des subsides ; son intervention devient alors nécessaire.

Mais après avoir exigé des communes l'accomplissement de leurs obligations, ce qui est possible et facile, que le gouvernement alors remplisse, lui, son devoir, et ce devoir c'est de satisfaire à tout ce qu'exige l'instruction primaire, c'est de faire que l’instruction primaire soit accessible à tout le monde. Nous n'avons pas le droit, nous société, nous Etat, de nr pas donner l'instruction primaire ; nous n'avons pas le droit de ne pas donner au peuple ce que nous pouvons lui donner de lumières parmi celles qui lui sont nécessaires.

S'il est une chose à l'égard de laquelle on soit impitoyable dans la société, dans l'application des lois, c'est l'ignorance. Chacun doit supporter les conséquences de l'ignorance ; nul n'est censé ignorer la loi, lorsqu'il s'agit de punitions ou de charges. Comment ces principes seraient-ils légitimes dans une société qui ne répandrait pas l'instruction par tous les moyens en son pouvoir ?

En attendant que l'on examine s'il est indispensable de décréter l'instruction obligatoire, rendons au moins l'enseignement accessible à tout le monde. Jusque-là, l'Etat et les communes, le pouvoir, en un mot, l'autorité, la Belgique sera en demeure de remplir une obligation qui pèse sur elle depuis trente-deux ans !

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Quand l'honorable préopinant nous dit : Vous devez, par tous les moyens en votre pouvoir, combattre l'ignorance partout et toujours, je suis parfaitement de son avis, je suivrai très volontiers les conseils qu'il me donne ; je continuerai donc très volontiers la marche qui a été suivie jusqu'à présent. Mais, lorsqu'il dit : Depuis 32 ans que nous constituons une nation, depuis vingt ans que la loi sur l'enseignement primaire fonctionne, rien n'a été fait, je crois que l'honorable membre n'est pas dans le vrai ; je crois même qu'il erre très sérieusement.

Lors de la discussion du budget de l'intérieur, il y a un an, j'ai eu l'honneur de faire connaître à la Chambre le chiffre des sacrifices que le gouvernement a faits pour améliorer l'état de l'instruction primaire depuis 1830 ; j'ai fait voir que ces sacrifices ont été croissants chaque (page 246) année, et je pense que, si l'on comparait les sommes qui figurent aux budgets de l'Etat, des provinces et des communes en Belgique et dans d'autres pays, on ne pourrait pas accuser notre Belgique d'être restée en arrière, en ce qui concerne les efforts faits pour développer cette branche de l'instruction publique.

Mais, parce qu'on a fait beaucoup, s'ensuit-il qu'il n'y ait plus rien à faire ? Evidemment non, je crois, avec l'honorable M. Guillery, qu'il est du devoir du gouvernement de persévérer hardiment dans la voie où il est entré depuis 1842 ; c'est-à-dire qu'il est de notre devoir de ne reculer devant aucun sacrifice du moment que le besoin en est constaté.

Mais, peut-on, messieurs, faire tout à la fois ? Voilà la question. Évidemment non. D'une part, on nous accuse, - c'est l'honorable M. Vander Donckt, - de vouloir peser trop lourdement sur les communes, pour les forcer à faire des dépenses ; de l'autre on accuse le gouvernement (je ne fais certes pas allusion à l'honorable préopinant qui, au contraire, a bien voulu nous adresser des éloges) ; on nous accuse, dis-je, de marcher trop lentement. Je crois, messieurs, que la vérité est entre ces deux ordres d'idées. Il faut en effet exercer sur les communes une légitime pression pour remédier immédiatement au mal quand il est constaté. Mais, quand d'un autre côté, il est possible d'attendre, de ne pas grever immédiatement une commune, il faut user aussi de quelque temporisation.

Il n'a pas été possible jusqu'ici, comme l'a très bien dit l'honorable député de Bruxelles, de constater exactement le chiffre des besoins réels de l'instruction primaire en ce qui concerne les bâtiments d'école ; et je crois même que cette constatation sera difficile pendant longtemps encore, car, tous les jours, il naît des besoins nouveaux ; tous les jours, comme l'a du reste reconnu encore l'honorable préopinant, tous les jours le besoin de construire de nouvelles maisons d'école se révèle.

Dans telle commune où, il y a quelques années, il n'y avait qu'une seule école, on a reconnu, depuis, la nécessité d'en construire une seconde, par exemple, dans un hameau dépendant de cette commune.

Ainsi, quand on fait une enquête nouvelle, on ne trouve plus les premières appréciations exactes et les besoins de l'instruction sont plus grands qu'on ne l'avait d'abord pensé. Ce n'est pas moi qui me plaindrai de ces nécessités croissantes ; mais il est difficile de les constater d'une manière bien certaine. Je ferai, du reste, tous mes efforts pour obtenir des gouverneurs les renseignements demandés par une circulaire déjà ancienne.

Je demande maintenant la permission de répondre un mot encore à l'honorable M. Vander Donckt. D'après lui, les communes pourraient se croire véritablement esclaves ; l'honorable membre allègue que le gouvernement veut se mêler de leurs affaires, régler directement ce qui concerne leurs finances ; cette accusation n'est pas fondée. Je fais appel au témoignage des membres de cette Chambre qui ont l'honneur d'être bourgmestres. Quand les députations, qui en ont le droit, interviennent dans la fixation des budgets des communes, le gouvernement laisse faire ces corps électifs ; et quand il y a appel, il examine s'il doit approuver ou annuler les décisions prises par ces collèges.

L'honorable M. Vander Donckt se trompe encore quand il dit que le fonds communal n'est mis à la disposition des communes qu'à certaines conditions. L'honorable membre confond le projet qui avait été présenté, avec la loi qui a été adoptée. En effet, quand le projet a été présenté, il a spécialement été dit que le fonds communal devait tout d'abord être affecté à couvrir des dépenses déterminées, à faire face aux frais de l'instruction primaire et de la construction d'écoles, mais par respect pour la liberté des conseils communaux, le gouvernement, d'accord avec la section centrale, a fait disparaître cette disposition. Aujourd'hui les communes peuvent disposer de la part qui leur revient du fonds communal en toute liberté, comme elles l'entendent.

Un dernier mot en réponse à l'honorable M. Magherman. Cet honorable collègue m'a rappelé l'article 2 de la loi de 1842 ; il s'agit là d'une question d'appréciation, celle de savoir dans quel cas il y a lieu de faire l'application de l'article premier de la loi.

Une discussion a eu lieu l'année dernière sur ce point, je crois qu'à cette heure avancée de la séance, il est inutile de la recommencer ; on trouverait d'ailleurs dans les Annales parlementaires tout ce qu'on peut dire sur la question, il est inutile de le reproduire en ce moment.

M. Guillery, rapporteur. - J'ai eu le tort de ne pas me faire comprendre. M. le ministre de l'intérieur a compris que j'avais dit qu'on n'avait rien fait depuis trente-deux ans et depuis vingt ans. En réponse, il me cite les dépenses pour l'instruction primaire que renferme l'un de ses discours prononcés dans la discussion du budget de l'intérieur de l’année dernière. C'est moi qui le premier ai commencé le développement de mon amendement par l'énumération jusqu'au dernier centime de tout ce qui avait été dépensé pour l'instruction primaire afin qu'on ne pût pas trouver une apparence de blâme dans ma proposition.

Cette année encore, j'ai énuméré jusqu'au dernier centime tout ce qui a été dépensé pour l'enseignement moyen, pour rendre justice à chacun. Ce que j'ai voulu dire, c'est qu'auprès de sa tâche, de la mission qu'il a à remplir, en matière d'instruction primaire, l'Etat, en réalité, n'a rien fait, quelque louables que soient les dépenses faites depuis vingt ou trente ans, il n'a rien fait auprès de ce qu'il y avait à faire.

Quand on constate 31 p. c. d'ignorance, on peut dire que le pays n'a pas satisfait à ses devoirs en matière d'enseignement.

Maintenant que les plus grands éloges soient adressés à ceux qui ont fait leurs efforts pour améliorer la situation, soit ; là n'est pas la question ; je suis le premier à reconnaître qu'on a fait énormément de progrès, que c'est beaucoup que d'être passé de 43 à 31 p. c. ; c'est en effet un très beau progrès ; mais après de ce qu'il y a à faire, ce n'est rien. La question est tellement importante, l'ennemi que nous avons à combattre est tellement près de nous, qu'il y a urgence.

En 31 ans, vous avez eu le temps d'élever une génération et de lui donner un enseignement complet ; si, il y a trente-deux ans, l'intérêt de l'enseignement primaire avait été mis en première ligne, si on n'avait pas considéré la dépense pour cet objet comme étant de second ordre, si la dépense militaire ne l'avait pas toujours primée, nous serions arrivés à un autre résultat. Je voudrais qu'on fit pour l'enseignement primaire ce qu'on a fait pour la défense militaire du pays.

Un jour on a trouvé qu'il serait nécessaire de construire une forteresse et que la construction de cette forteresse nécessiterait une dépense de...

On a fait un emprunt. Je voudrai qu'on constatât les besoins de l'enseignement primaire, qu'on présentât un projet de loi et qu'au besoin, on confiât à M. le ministre de la guerre, dont la parole éloquente exerce tant d'influence sur la Chambre, le soin de le faire triompher, afin que la dépense nécessaire soit promptement votée, et que nous soyons fortifiés contre notre plus grand ennemi.

- La discussion est close.

Vote des articles et vote sur l’ensemble

« Art. 1er. Un troisième crédit extraordinaire d'un million de francs (1,000,000 de francs) est ouvert au département de l'intérieur pour aider les communes à subvenir aux frais de construction et d'ameublement de maisons d'école. »

- Adopté.


« Art. 2. Ce crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires des exercices 1862 et suivants. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

66 membres répondent à l'appel.

65 répondent oui.

1 s'abstient.

En conséquence, la Chambre adopte. Le projet de loi sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui : MM. Tesch, Thienpont, Van Bockel, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Humbeeck, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Renynghe, Allard, Ansiau, Bara, Crombez, Debaets, de Baillet-Latour, de Boe, de Brouckere, Dechentinnes, de Decker, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Liedekerke, de Mérode, de Montpellier, de Moor, de Pitteurs-Hiegaerts, de Renesse, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, Devaux, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Kervyn de Volkaersbeke, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirson, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Tack et Vervoort.

M. le président. - M. de Naeyer est prié de faire connaître les motifs de son abstention.

M. de Naeyer. - Je me suis abstenu parce que le projet de loi me semble faire partie d'un ensemble de mesures qui tendent à paralyser la liberté de l'enseignement.

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - On a distribué, il y a déjà quelque temps, le projet de loi sur la milice.

Je demanderai à la Chambre s'il ne lui conviendrait pas de fixer un jour pour l'examen en sections de ce projet de loi, comme on le fait pour d'autres projets importants.

M. Allard et M. Goblet. - Mercredi.

(page 247) M. le président. - On doit s'occuper mercredi en sections d'un budget et de deux traités qui ont été récemment distribués.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Que l’on fixe alors jeudi. Le projet est d'une grande importance.

Si l'on veut qu'il soit discuté et voté dans la présente session, il ne faut pas perdre de temps.

M. le Bailly de Tilleghem. - Fixons jeudi.

M. Crombez. - Je demande aussi le renvoi de cet objet à jeudi. Mercredi nous devons terminer, dans notre section, l'examen du projet de loi sur les fondations de bourses.

M. Muller. - Je demanderai seulement que les heures soient fixées pour les sections, de manière qu'elles ne concordent pas avec d'autres heures fixées pour les sections centrales.

M. le président. - Je rappellerai à la Chambre qu'elle a décidé de siéger à une heure à partir de mercredi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il faudra revenir sur cette décision.

M. Allard. - On a en effet décidé que l'on se réunirait à 1 heure à partir de mercredi ; mais je ferai remarquer que nous n'avons que deux projets de loi à l'ordre du jour : le budget de la guerre et un petit projet de loi créant un inspecteur des musiques militaires et assimilant les chefs de musique aux lieutenants et sous-lieutenants d'infanterie.

Par conséquent je crois tout à fait inutile de nous réunir à 1 heure mercredi, puisque nous serions sans travaux.

M. le président. - Il y a un autre motif, c'est le travail des sections.

M. E. Vandenpeereboom. - Il est naturel que si nous n'avons rien à faire nous ne nous réunirons pas à 1 heure ; mais comme il y a encore des travaux, je maintiens ma proposition.

Nous pouvons décider selon les circonstances. Nous avons encore deux objets à l'ordre du jour et il nous en viendra de nouveaux mardi.

M. Guillery. - Je ferai remarquer à la Chambre que nous avons en section centrale de très grands travaux qui exigent de très longues séances et qui doivent absolument être terminés.

Il y a la section centrale pour le projet de loi sur la collation des grades universitaires qui doit avoir de longues séances ; puis la section centrale pour l'examen du budget de l'intérieur qui a encore, paraît-il, beaucoup à faire. Il y en a d'autres encore qu'il est inutile de citer.

Si, donc, nous devions siéger à 1 heure, il faudrait commencer le travail en section à 11 heures.

Or, de 11 à 5 c'est un peu long.

Il y aurait en outre des coïncidences dans les réunions de plusieurs sections centrales, ce qui amène de très grandes perturbations dans le service.

La discussion du budget de la guerre, s'il faut s'en rapporter aux apparences, ne sera pas longue, et nous pouvons, je pense, parfaitement commencer nos séances à deux heures.

M. le président. - Il est entendu que l'examen du projet de loi sur la milice commencera jeudi en sections.

Nous pouvons arrêter mardi les heures des séances.

M. B. Dumortier. - Je crois qu'il serait à désirer que les travaux des sections et de la Chambre ne portassent pas préjudice à l'examen en section centrale des budgets.

Il est à désirer que nous ayons le plus tôt possible les rapports sur le budget de la justice et sur le budget de l'intérieur et sur le budget des travaux publics, car il me semble que ce qu'il y a de plus urgent, c'est d'éviter les crédits provisoires.

Je demande donc que les sections centrales chargées de l'examen des budgets veuillent bien activer leur travail en ce qui concerne les budgets et que les sections ordinaires soient réunies un peu plus tôt afin de laisser aux sections centrales le temps de travailler.

J'ajouterai et c'est pour cela que j'ai pris la parole, qu'il me paraît impossible de finir la séance à 1 heure mercredi et les jours suivants, puisque l'on veut commencer jeudi en section l'examen du projet de loi sur la milice.

M. le président. - On peut statuer mercredi.

M. Moreau. - Je désire donner à la Chambre quelques renseignements sur les travaux des sections centrales que je suis chargé de présider.

La section centrale chargée de l'examen du budget de l'intérieur a tenu plusieurs séances très longues ; elle se réunira lundi à 10 heures et elle espère pouvoir terminer ce jour-là l'examen du budget.

Il restera alors le travail du rapporteur.

La section centrale chargée d'examiner le budget de la justice s'est réunie et a fait à M. le ministre de la justice diverses questions. J'ai reçu les réponses, aujourd'hui.

Elle se réunira probablement mercredi pour examiner ces réponses, nommer son rapporteur et terminer, s'il est possible, l'examen du budget.

Voilà où en sont les choses.

M. le président. - La section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur les fraudes électorales se réunira mercredi prochain.

- La séance est levée à 3 3/4 heures.