(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1862-1863)
(page 197) (Présidence de M. Vervoort.)
M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
Il fait lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moor, secrétaire, présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Jean-Baptiste Tison, demeurant à Ixelles, né à Marchiennes (France), demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le sieur Pire demande son élargissement du dépôt de mendicité de Mons. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Delhaye, garde-pêche à Maeseyck, demande d'être compris au nombre des employés de l’Etat qui recevront une augmentation de traitement. »
- Même renvoi.
« Le sieur Van Hassel demande que les bourses d'études fondées par son parent, le curé Descault, puissent être affectées aux cours suivis par son fils à l'école spéciale d'industrie et des mines du Hainaut. »
M. Carlier. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur les bourses d'études.
- Adopté.
« Les sieurs Bayet, journaliers à Lierre, demandent qu'il soit ordonné une enquête sur des faits se rattachant à la gestion de l'ancien receveur de la commune et à l'administration du collège échevinal. »
- Même renvoi.
« Le sieur Sneyers prie la Chambre de statuer sur sa demande tendante à obtenir le prix d'une pièce de terre qu'il a vendue en 1850. »
- Même renvoi.
« Le sieur Meulemans prie la Chambre de statuer sur sa demande ayant pour objet une pension civique ou une gratification annuelle. »
- Même renvoi.
« Le sieur Ranwet appelle l'attention de la Chambre sur une usurpation de terrain au cimetière de Cour-sur-Heure. »
- Même renvoi.
« Le sieur Villes demande que le service journalier de la malle-poste de Furnes à Alveringhem soit mis en adjudication publique. »
M. de Smedt. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.
- Adopté.
« Le sieur Waltier, blessé de la révolution, demande la croix de Fer et la pension de 250 fr. dont jouissent les blessés. »
- Même renvoi.
« Le sieur Tyteca, officier de la gendarmerie, demande une augmentation de pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Schoulz, greffier de la justice de paix du canton de Louveignez, prie la Chambre de réviser le tarif du 16 février 1807. »
- Même renvoi.
«. Les huissiers porteurs de contrainte du canton de Couvin demandent qu'il leur soit accordé un traitement fixe. »
M. de Baillet-Latour. - Je demande que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport sur cette pétition.
- Adopté.
« Le sieur Mertens, domestique à Houdeng-Aimeries, demande un congé pour son fils Charles, milicien de la classe de 1861. »
- Même renvoi.
« Les membres de l'administration de la wateringue du nord de Furnes demandent qu'il soit pris des mesures pour faire combler les excavations qui se trouvent le long du chemin de fer de Lichtervelde à Furnes. »
- Même renvoi.
« Le sieur Donnay prie la Chambre de revenir sur la décision qu'elle a prise au sujet de sa demande tendante à obtenir une récompense honorifique pour services rendus en 1831. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Flamion, Thiry et autres propriétaires de parcelles de terrain incorporées dans la route de raccordement de la station de Marbehan à la route provinciale d'Arlon, réclament l'intervention de la Chambre, pour être indemnisés des biens dont ils ont été expropriés. »
- Même renvoi.
« Le sieur Byl, greffier de la justice de paix du canton de Grammont, présente des observations sur les traitements proposés par le projet de loi, pour les juges de paix et leurs greffiers, et demande que le projet de loi sur l'organisation judiciaire conserve aux greffiers actuellement en fonctions la faculté de faire des ventes mobilières à terme. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi et renvoi à la commission de ce projet de loi.
« Le sieur Paulin demande une loi autorisant les juges de paix qui ne siègent pas au chef-lieu d'un arrondissement judiciaire à légaliser les signatures des notaires et des officiers de l'état civil de leur canton. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Vanden Abeele demande qu'il soit accordé une indemnité aux officiers de cavalerie qui doivent changer leur équipement par suite de la transformation de leurs régiments. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de la guerre.
« Le sieur Sablon, juge de paix du canton de Jodoigne, présente des observations au sujet de sa réclamation relative au projet de loi qui augmente les traitements des membres de l'ordre judiciaire. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Le sieur Dermans, juge de paix à Liège, ancien juge au tribunal de Tongres, demande à jouir de l'augmentation de traitement qui sera accordée à ce tribunal. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« L'administration communale de Blankenberghe demande l'établissement d'un second service de malle-poste entre Bruges et cette ville. »
- Renvoi à la section centrale du budget des travaux publics.
« Le chef de bureau et les employés du commissariat de l'arrondissement de Bruxelles prient la Chambre de les assimiler aux employés des administrations provinciales et d'augmenter, pour l'exercice 1863, l'allocation relative aux frais de bureau des commissariats d'arrondissement. »
« Même demande des employés du commissariat de l'arrondissement de Malines.»
- Renvoi à la section centrale du budget de l'intérieur.
« Le sieur Wadeleux prie la Chambre de retirer aux greffiers des justices de paix la faculté de procéder à des ventes de meubles. »
- Renvoi à la commission du projet de loi sur l'organisation judiciaire.
« Le conseil communal de Peer demande que la concession d'un chemin de fer d'Anvers vers Düsseldorf soit accordée au sieur Bouquié-Lefebvre ou à ceux qui offriront le plus de garantie d'exécution. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« L'administration communale de Bocholt demande que le gouvernement accorde la concession d'un chemin de fer d'Anvers vers Düsseldorf. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Leysele réclame l'intervention de la Chambre pour récupérer les relations postales de cette commune avec le bureau de Furnes. »
- Même renvoi.
« Le sieur Renier-Henri Dautzenberg, sergent au 2ème régiment de chasseurs à pied, né à Bruxelles, demande d'être admis à faire la déclaration prescrite par l'article 9 du code civil. »
- Même renvoi.
« Les juges de paix de l'arrondissement de Verviers demandent que le traitement des juges de paix soit porté à 3,000 francs ou gradué par période décennale de services. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif aux traitements des membres de l’ordre judiciaire.
« Les membres de l'administration communale de Dour demandent la construction du canal de Jemmapes à Ath. »
« Même demande des membres de l'administration communale de Pâturage, Jemmapes, Frameries, Wasmes, La Bouverie, Elouges Cuesmes. »
- Renvoi à la section centrale du budget des travaux publics.
(page 198) « Le sieur Frédéricx, ancien sous-officier, demande une augmentation de pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les sieurs Yde, de Lava et autres membres d'une société flamande, à Deynze, proposent des modifications au projet de loi relatif aux jurys d'examen pour la collation des grades académiques. »
« Même demande des sieurs Hendrickx, de Groote, Goffin, Vanderslaeten et autres membres d'une société flamande, à Hofstade, Meulestede et Louvain. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Les sieurs Dewynter, Menedore et autres membres d'une société flamande, à Bruges déclarent appuyer les modifications au projet de loi sur les jurys d'examen pour la collation des grades académiques, qui sont demandées par les membres d'une société flamande à Gand. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Suxy demandent que le projet de loi sur l'organisation judiciaire contienne une disposition qui charge les juges de paix de la légalisation des signatures. »
- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi.
« Les greffiers des justices de paix de l'arrondissement de Huy prient la Chambre de les assimiler, quant au traitement, aux commis greffiers des tribunaux de troisième classe. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif aux traitements des membres de l'ordre judiciaire.
« Le sieur De Ghelcke, juge de paix à Poperinghe, demande que les émoluments des juges de paix soient compris dans leur traitement, qui se composerait de 1,800 fr. fixes et de la somme nécessaire pour élever les émoluments au minimum de 1,700 fr. »
- Même décision.
« Le sieur Remy, juge de paix à Beveren, demande que le traitement des juges de paix soit fixé à 3,000 fr. ; qu'après dix années de service il soit porté à 3,500 fr., après vingt années à 3,600 fr., et qu'après trente années il soit égal au traitement qui sera accordé aux juges des tribunaux de troisième classe. »
- Même décision.
« Les huissiers de l'arrondissement de Liège présentent des observations sur le projet de loi d'organisation judiciaire et demandent un traitement pour le service des audiences et la révision du tarif de leurs émoluments. »
- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi.
« Les expéditionnaires du gouvernement provincial du Luxembourg demandent la fixation d'un minimum de traitement pour tous les expéditionnaires. »
- Renvoi à la section centrale du budget de l'intérieur.
« Les conseils communaux de Sichem, Sussen et Bolré demandent qu'il soit porté au budget de l'intérieur un crédit spécial pour subsidier les travaux d'entretien de la voirie vicinale et que le gouvernement organise une surveillance spéciale pour cet objet. »
« Même demande des conseils communaux de Millen et Herderen. »
- Même renvoi.
« Les chefs de bureau et employés du commissariat de l'arrondissement de Dinant prient la Chambre d'améliorer leur position. »
« Même demande des chefs de bureau et employés des commissariats d'arrondissement de Philippeville, Namur, Liège et du sieur de Vlaminck. »
M. de Baillet-Latour. - Je demande que ces pétitions soient renvoyées à la section centrale du budget de l'intérieur.
- Adopté.
« Les chefs et sous-chefs de bureau du commissariat de l'arrondissement de Turnhout prient la Chambre d'augmenter de 20 p. c. le crédit pour frais de bureau des commissaires d'arrondissement. »
- Même renvoi.
« Le chef de bureau et les employés du commissariat de l'arrondissement de Nivelles prient la Chambre d'améliorer leur position et d'augmenter, au budget de 1863, l'allocation pour frais de bureau des commissaires d'arrondissement. »
« Même demande du chef de bureau et des employés des commissariats d'arrondissement de Bastogne, Ath, Neufchâteau, Thuin, Marche, Hasselt, Anvers, Mons, Audenarde, Courtrai, Arlon. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Hasselt prie la Chambre de voter un crédit destiné à venir en aide aux communes qui se distingueront par le bon entretien de leurs chemins vicinaux. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Velm prie la Chambre de voter un crédit pour aider les communes à supporter les frais d'entretien des chemins empierrés et pavés. »
- Même renvoi.
« Par dépêche du 23 décembre 1862, M. le ministre de l'intérieur transmet des explications sur la réclamation d'apprêteurs sur tissus à Mouscron et à Courtrai, au sujet des faveurs accordées par le gouvernement à un établissement industriel qui leur fait concurrence. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
« Par dépêche du 23 décembre 1862, M. le ministre de la guerre transmet des explications sur la pétition du sieur De Jongh, tendante à faire libérer son fils du service militaire pour lequel il le croit désigné à tort. »
- Même décision.
« M. le ministre des finances adresse à la Chambre le rapport annuel sur la situation de la caisse générale de retraite au 1er janvier 1862. »
- Impression et distribution.
« M. le ministre de la justice informe la Chambre que le sieur Eugène Suttor a déclaré renoncer, pour le moment, à sa demande de naturalisation ordinaire. »
- Pris pour notification.
« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, quatre demandes de naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Par dépêche du 9 janvier, M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre 118 exemplaires de l'Annuaire de l'Observatoire royal de Bruxelles pour l'année 1863. »
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
« Par dépêche du 31 décembre, M. le ministre de la justice adresse à la Chambre un exemplaire du cahier contenant les circulaires de son département pendant l'année 1861. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« Le collège des bourgmestre et échevins de la ville de Gand adresse à la Chambre deux exemplaires du rapport sur l'administration et la situation des affaires de la ville de Gand en 1861. »
- Même décision.
« Par messages en date du 20 décembre 1862, 1e Sénat informe la Chambre :
« 1° Qu'il a pris en considération la demande de grande naturalisation du sieur Charles-Adolphe-Narcisse Mayaudon, demeurant à Saint-Hubert ;
« 2° Qu'il a adopté le projet de loi conférant la naturalisation ordinaire au sieur Michel Salamé, vice-consul de Belgique à Damiette (Egypte).
« 3° Qu'il a donné son adhésion aux projets de loi :
« Qui ouvre des crédits provisoires à valoir sur les budgets des dépenses de l'exercice 1863 ;
« Fixant le contingent de l'armée pour 1863 ;
« Qui abroge le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi du 28 décembre 1848 relatif à la fixation du traitement du commissaire des monnaies ;
« Contenant le budget des dotations pour l'exercice 1863. »
- Pris pour notification.
« M. Loos, retenu par une indisposition, demande un congé. »
- Ce congé est accordé.
Il est procédé au tirage au sort des sections du mois de janvier.
M. E. Vandenpeereboom (pour une motion d’ordre). - Messieurs, en tenant compte des élections et de nos vacances de Pâques, nous n'avons plus guère que trois mois et demi de session et cependant nous avons encore cinq budgets à voter et d'autres projets qui nous sont présentés.
Je propose à la Chambre qu'à commencer de la semaine prochaine il soit décidé que jusqu'à ce que tous les budgets soient votés, sauf à statuer ultérieurement, nos séances commenceront, les mercredis, jeudis vendredis et samedis à une heure ; je ne propose pas le mardi parce que c'est le jour de rentrée.
Je ne pense pas que cette proposition puisse rencontrée d'obstacle. Elle nous permettra de vider notre arriéré et je crois qu'en faisant ainsi, nous répondrons à la légitime attente du pays.
- La proposition de M. E. Vandenpeereboom est adoptée.
(page 195) M. le président. - Nous sommes arrivés au paragraphe 5 du tableau : « justices de paix. »
« Juges de paix : fr. 2,400.
« Greffiers : fr. 1,200. »
M. Nothomb a proposé les chiffres de 3,000 et de 1,500 francs.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, vous savez que le gouvernement a proposé de porter le traitement des juges de paix à 2,400 fr. Par cette proposition, il élevait ce traitement dans des proportions plus grandes que celles qu'il avait appliquées aux autres traitements de la magistrature. L'augmentation correspond en effet à 33 p. c.
Le gouvernement croyait avoir satisfait à tout ce qu'exigeaient et la position des juges de paix et les besoins du service.
II croit, messieurs, que ce traitement est suffisant pour engager des hommes convenables, sous tous les rapports, à rechercher ces fonctions.
Cependant, au sein de cette Chambre. on semble désirer que ces propositions soient encore élevées, et des amendements ont été déposés à cet effet. L'un de ces amendements porte le traitement des juges de paix à 3,000 fr., sans y comprendre les émoluments, c'est-à-dire que les juges de paix recevraient de 1'Etat un traitement de 3,000 fr. et que, de plus, ils recevraient, comme aujourd'hui, des émoluments pour différents actes qui, d'après les tarifs, doivent être payés séparément.
Un autre amendement, celui de l'honorable M. Van Humbeeck, tend à porter le traitement des juges de paix à 3,000 francs, y compris les émoluments ; c'est-à-dire que le traitement normal resterait fixé à 2,400 fr., mais que chaque fois que les émoluments ne s'élèveraient pas à 600 fr., le gouvernement allouerait un supplément égal à la différence entre cette somme et leur chiffe réel.
J'ai combattu le premier de ces amendements et je l'ai fait pour deux raisons : la première, c'est que dans sa généralité, il comprend des juges de paix dont les émoluments sont très élevés et pour lesquels, assurément, un traitement fixe de 2,400 francs me semble être suffisant. Des juges de paix dont les émoluments s'élèvent à 3,000 ou 4,000 francs se trouveront déjà avec ce traitement dans une position égale et même supérieure à celle des juges de première instance.
En second lieu, cet amendement imposerait au trésor une charge beaucoup trop lourde. Il a pour résultat de grever le trésor d'une somme de plus de 180,000 francs, ce qui porterait l'augmentation demandée pour les juges de paix et leurs greffiers à environ 400,000 francs, soit 6 p. c. du traitement actuel.
Quant à l'amendement de l'honorable Van Humbeeck, je crois pouvoir m'y rallier, parce qu'il n'a pas les inconvénients de celui dont je viens de parler. L'amendement de l'honorable M. Van Humbeeck a pour but d'augmenter le traitement des juges de paix jusqu'à concurrence de 3,000 francs, y compris les émoluments.
On améliore ainsi la position de ceux qui reçoivent le moins, de ceux pour lesquels on peut soutenir que le traitement n'est pas suffisant, sans grever cependant le trésor d'une somme aussi importante que le fait l'amendement de l'honorable M. Nothomb, de plusieurs autres collègues et, en présence des sacrifices que le projet de loi impose au trésor public pour la magistrature, je crois que, pour ne pas compromettre la popularité de la mesure que nous discutons, nous devons nous garder de toute espèce d'exagération.
Je proposerai seulement pour cet amendement une autre rédaction qui laisse intact le système de l'honorable membre. Je propose comme amendement à l'article premier : « Néanmoins dans les cantons où le produit annuel des émoluments n'atteindrait pas 600 francs, le traitement du juge de paix sera augmenté de la somme nécessaire pour compléter ce chiffre.
« Dans le cas où le traitement du greffier n'atteindrait pas 1,500 fr., émoluments compris, il sera augmenté jusqu'à concurrence de cette somme. »
Comme disposition se rattachant à cet amendement, j'aurai l'honneur de soumettre à la Chambre un article nouveau qui a pour objet d'autoriser le gouvernement à régler les émoluments des juges de paix et des greffiers.
D'après les tarifs de 1807, les juges de paix, quant aux émoluments, sont divisés en quatre classes : la première classe reçoit, à titre d'émoluments et par vacation, une somme de 5 francs ; la deuxième classe, 4 fr. 50 c. ; la troisième classe, 5 fr. 75 c. et la quatrième classe, 2 fr. 50 c.
A plusieurs reprises déjà on s'est élevé contre cette classification qui, pour la quatrième classe surtout, donne des émoluments trop faibles.
Je demanderai donc à la Chambre l'autorisation de modifier les tarifs et de les mettre en harmonie avec notre organisation actuelle.
L'article nouveau serait ainsi conçu :
« Art. 4 (nouveau). Le gouvernement est autorisé à régler la taxe des émoluments des juges de paix et de leurs greffiers, et à apporter les modifications nécessaires aux décrets du 16 février 1807. »
Ce sont, messieurs, les seules observations que j'aie à présenter pour le moment.
La section centrale a proposé un article 5, que je demanderai également à la Chambre d'amender, à raison des difficultés pratiques que pourrait produire l'admission de cet article tel qu'il est présenté.
Ce n'est qu'un changement de rédaction qui ne touche pas au système que la proposition de la section centrale tend à consacrer.
M. Nothomb. - Messieurs, je crois devoir, en ce qui me concerne du moins, maintenir l'amendement que j'ai proposé de concert avec quelques honorables collègues ; la Chambre voudra donc bien me permettre de répondre quelques mots aux observations de M. le ministre de la justice.
M. le ministre s'est de nouveau appuyé sur l'augmentation de 33 p. c. qui, d'après le projet, serait accordée aux juges de paix, et selon lui, cette augmentation très considérable est tout ce que raisonnablement ces magistrats peuvent demander.
Mais il ne s'agit pas de savoir si l'augmentation est de 33 p. c., il faut se demander quel a été le point de départ, et si le traitement qu'il s'agit d'améliorer était en lui-même déjà un traitement sérieux, en rapport avec les fonctions qu'il rémunérait. Or, nous soutenons que le traitement actuel des juges de paix, qui est de 1,800 fr. et celui des greffiers que l'on propose maintenant d'augmenter de 33 p. c, étaient absolument insuffisants, presque dérisoires, au-dessous de tout ce qui doit être et qu'on ne peut pas leur opposer commis une espèce de question préalable.
Si l'augmentation proposée pour d'autres traitements n'est pas aussi considérable, c'est que ces traitements sont déjà actuellement fixés à un taux raisonnable ; on s'explique ainsi parfaitement que ces traitements peuvent n'être augmentés que de 10 et de 15 p. c, tandis qu'en augmentant, même de 33 p. c, les traitements des juges de paix, ils resteraient, au moins pour le plus grand nombre, encore insuffisants. Cet argument, déjà, plusieurs fois invoqué par M. le ministre, est donc sans valeur aucune.
M. le ministre nous dit, ensuite : Mais si l'amendement est adopté, si le traitement des juges de paix est porté d'emblée à 3,000 francs, voyez quelle position vous faites à quelques-uns d'entre eux, à ceux qui jouissent actuellement de 2,000, 3,0J0 et jusqu'à 4,000 francs d'émoluments ?
A mon tour je demanderai, messieurs : Combien y a-t-il de juges de paix qui soient dans ce cas ? C'est à peine si l'on en trouverait 3 ou 4.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Non ! non ! il y en a bien plus.
M. Nothomb. - Mettons le double, et encore faudra-t-il supposer que tous le juges de paix des grandes villes sont dans la même position ; or, personnes n'ignore que les émoluments attachés aux différentes justices de paix sont très variables et que ceux qui s'élèvent à 4,000 francs constituent une très minime exception.
Mais enfin admettons qu'il y ait huit juges de paix sur les 207 que nous avons, qui, dans les grandes villes, gagneront, traitement et émoluments réunis,60,000 à 7,000 fr ; eh bien, je prétends que cela n'est pas trop ; je soutiens que le juge de paix dans une grande ville comme Bruxelles, Liège, Gand, Anvers, doit avoir un traitement au moins égal à celui du juge du tribunal. Or, à ce magistrat nous allouons un traitement de 6,000 francs,
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Nulle part.
M. Nothomb. - N’est-ce pas 6,000 fr. que vous accordez aux juges de première classe ? J'admets que le juge de paix du siège d'un tribunal de première classe ait 6,000 ou 7,000 fr., et je répète que ce n'est pas exagéré. J'ajoute que l'importance du juge de paix dans une de nos grandes villes dépasse celle du juge du tribunal de première instance.
Je dis que, à tous égards, son action sociale, son influence judiciaire, son efficacité comme instrument de justice est plus considérable que celle du juge, simple fraction du tribunal auquel il appartient.
Je n'ai pas besoin d'insister sur ce point ; il tombe sous le sens.
Le juge de paix d'une grande ville, par le nombre de services qu'il rend, par la multiplicité des affaires qui lui incombent, doit avoir, à mon sens, une position au moins égale, si pas supérieure à celle du juge du tribunal.
Enfin, messieurs, veuillez bien le remarquer, si les juges de paix des grandes villes touchent plus d'émoluments que les autres, en fin de compte ces émoluments ne sont que la rémunération de services rendus, de travaux accomplis, de nombreuses fatigues. En outre, ils sont astreints à certains frais, d'où il suit que ce n'est pas 2,000, 3,000 francs nefs d’émoluments qu'ils reçoivent ; mais, qu'en déduisant ces frais, il est bien douteux qu'on arrive, pour les juges de paix des grandes villes, au traitement des juges des tribunaux de première classe, ce traitement ne fut-il pas même de 6,000 francs.
Je pense donc que la comparaison que M. le ministre vient de nous opposer sert plutôt notre amendement qu'elle ne l’entame.
J'arrive maintenant à l'amendement de M. Van Humbeeck ; je l'apprécierai en quelques mots. M. le ministre déclare s'y rallier. Quand cet amendement a été présenté, j'ai déclaré avec une hésitation fort naturelle à une première et rapide lecture qu'il me semblait soulever des difficultés d'exécution et créer des positions inégales, qui ne seraient pas conformes aux principes de justice distributive. La réflexion m'a confirmé dans cette première impression. Voici le résultat auquel on aboutirait : on donnerait aux juges de paix dont la moyenne des émoluments est inférieure à 600 francs, le complément de cette somme pour porter leur traitement à 3,000 fr.
Ce sera sans doute une position très favorable que l'on fera aux juges de paix dont les émoluments ne s'élèvent qu'à 100, 200 ou 300 fr. Mais il n'en sera pas de même pour ceux dont les émoluments s'élèvent aujourd'hui à 700 ou 800 fr., ils n'auront pas trois mille francs, ils seront dans une position inégale, inférieure, car les 700 ou 800 fr. d'émoluments qu'ils reçoivent pour les vacations qu'ils font à la campagne, ils ne les reçoivent pas d'une manière nette ; ils sont obligés de faire des dépenses considérables qu'on peut évaluer tout au moins à 50 p. c. de ce qui leur est nominalement alloué. De sorte, par exemple, que des émoluments qui seraient indiqués à 800 fr. se réduisent, déduction faite des frais de voiture et d'auberge, à 400 fr. tout au plus. Ceux-là cependant n'auront rien, d'après l'amendement de l'honorable M. Van Humbeeck ; ils seront donc dans une position inférieure, car ils n'auront en définitive que 2,500 à 2,800 fr.
Ainsi il est clair dans ce système que ceux d'entre les juges dont les émoluments sont de 700 à 800 fr. n'obtiendront pas 3,000 fr., tandis que vous assureriez cette somme à ceux dont les émoluments ne s'élèveraient qu'à 200 ou 300 francs. Cette proposition manque donc de la première condition de toute disposition législative : elle pèche par la base : elle est injuste, elle crée une inégalité que rien ne légitimerait. Ce motif seul suffit à me faire repousser le système de l'honorable M. Van Humbeeck ; d’autres raisons encore s'y opposent ; je les indiquerai si la discussion se prolonge. Je persiste dans l'amendement que j'ai présenté.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, quand l'honorable Nothomb disait que nous donnions aux juges des tribunaux de première classe 6 mille francs, je faisais observer qu'il commettait une erreur. En effet leur traitement n'est pas de 6 mille francs, mais de 5,000 francs. Or il arrivera, si l'on adopte l'amendement de M. Nothomb, qu'à Bruxelles comme dans bien d'autres grandes villes, la position des juges de paix sera supérieure à celle des juges des tribunaux. Il y a des juges de paix de campagne dont la position sera plus favorable que celle des juges des villes chefs-lieux de l'arrondissement où se trouvent les juges de paix.
- Un membre. - Cela existe déjà.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Si cela existe déjà, c'est exceptionnellement, et vous tendez à faire de cette exception une règle générale. Il ne faut pas croire que les juges de paix dont les émoluments s’élèvent à plus de mille francs soient peu nombreux, le nombre est de 47.
Vous voyez qu'il y a dans cette catégorie plus de juges de paix qui reçoivent des émoluments élevés que l'honorable M. Nothomb ne semble le dire ; sous ce rapport, son amendement créerait de singulières anomalies dans les traitements de la magistrature.
L'honorable M. Nothomb, jusqu'à présent, a prétendu qu'il fallait assurer aux juges de paix un minimum qui leur permît de se procurer les choses les plus nécessaires à la vie.
C’est de là que l’on est parti. Nous acceptons ce système, et c’est pour cela que nous nous rallions à l’amendement de M. Van Humbeeck, et que nous repoussons ce qu’il y a d’exagéré dans celui de l’honorable M. Nothomb.
L'honorable membre nous dit : Mais il y a des juges de paix dont les émoluments sont tels, qu'ils auront à peu près 3.000 francs ; il y en a qui auront des émoluments supérieurs. Il faudra en déduire les frais et ceux-ci seront dans une position moins favorable que ceux qui n'atteignent pas le chiffre de trois mille francs.
Mais, messieurs, ces frais sont très peu importants. Il suffît de voir le tableau pour être convaincu qu'il n'y a, de ce chef, qu'une réduction très minime à faire dans les émoluments.
Il est, du reste, impossible d'établir la balance d'une manière rigoureusement exacte.
Il suffit, me semble-t-il, que l'on propose une chose raisonnable, pour que la Chambre l'accepte.
M. de Theux. - Messieurs, M. le ministre de la justice propose de laisser au gouvernement le droit de modifier les émoluments des juges de paix.
Je ne crois pas, messieurs, que cela se puisse faire. Les traitements de l'ordre judiciaire doivent, aux termes de la Constitution, être fixés par la loi. Il n'est donc pas possible d'abandonner au gouvernement la taxation des émoluments, qui font nécessairement partie du traitement, et les mêmes motifs qui ont déterminé le Congrès à prescrire que les traitements soient fixés par la loi, doivent nous déterminer à exiger aussi que les émoluments soient fixés par la loi en matière judiciaire.
Je crois, messieurs, que cela n'est pas contestable.
Je ferai remarquer en outre que M. le ministre de la justice a annoncé clairement l'intention d'augmenter les émoluments dans les petites localités qui sont généralement les moins aisées et de faire coïncider cette augmentation avec l'augmentation du traitement des juges de paix.
Ce serait rendre les juges de paix inaccessibles à ceux qui en ont le plus besoin, parce qu'ils ont trop peu de fortune pour s'adresser aux tribunaux de première instance.
Quant à moi je repousserai positivement la proposition de laisser au gouvernement le droit de fixer les émoluments des juges de paix.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'objection que fait l'honorable comte de Theux est tant soit peu tardive, car à différentes reprises on a donné au gouvernement le droit de modifier le tarif de 1807 qui règle les émoluments non seulement pour les juges de paix mais aussi pour les tribunaux, pour les greffiers et pour les avoués.
M. de Theux. - C'est autre chose.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il ne s'agit pas seulement des officiers ministériels, mais des tarifs pour les émoluments des juges de paix entre autres. Il y a même une loi qui donne au gouvernement le droit de fixer ces émoluments et en publiant cette loi, il pourrait se dispenser de proposer l'article que je viens de soumettre à la Chambre. C'est la loi de 1849. Elle donne au gouvernement le droit formel de modifier les tarifs et de fixer les émoluments des juges de paix.
Je dirai à la Chambre pourquoi je ne fais pas usage de ce droit. Je ne publie pas cette loi en ce qui concerne les juges de paix, parce que, dans l’esprit de cette loi, il devrait y avoir, en ce qui concerne les émoluments, une seule classe de juges de paix et que, jusqu'à présent, je ne suis pas suffisamment convaincu que cette mesure puisse se réaliser. Je ne crois pas pouvoir, en ce moment, mettre tous les juges de paix sur la même ligne pour les émoluments.
L'on ne prétendra pas que l'on, n'a pas, à cette époque, entendu comprendre dans la loi les émoluments des juges de paix. Car cela est indiqué parfaitement dans l'exposé des motifs, en même temps que l'idée de ne faire qu'une seule classe. C'est l'honorable M. de Haussy qui a présenté la loi et c'est dans cet esprit qu'elle a été votée. L'on n'y a trouvé rien d'inconstitutionnel et l'on a pensé avec raison que les émoluments étaient autre chose que le traitement. Mais la question des émoluments se discute tous les jours. Jamais ils n'ont été considérés comme étant compris dans la disposition constitutionnelle qui déclare que les traitements de la magistrature doivent être fixés par la loi. Quel but a voulu atteindre la Constitution ? Evidemment, elle a voulu mettre les traitements de la magistrature à l'abri de l'action du gouvernement. Or, les émoluments ne dépendent pas du gouvernement ; ils dépendent de circonstances qui lui sont complètement étrangères et sur lesquelles il ne peut agir.
C'est une délégation que le gouvernement demande, et je crois que constitutionnellement la Chambre peut parfaitement bien l'accorder.
Je persiste donc dans l'amendement que j'ai proposé. Je crois que c'est le moment de l'introduire, parce que nous sommes en quelque sorte dans un régime transitoire. La loi sur l'organisation judiciaire est déposée. Nous pourrons voir, d'ici à la discussion de cette loi, comme fonctionnera le nouveau système, et nous serons à même de prendre une mesure définitive en ce qui concerne les juges de paix. Nous saurons à combien se montent les émoluments ; nous verrons s'il faut les maintenir, s'il faut les faire percevoir par l'Etat, s'il faut augmenter le traitement des juges de paix, dans le cas où on les supprimerait. Nous pourrons statuer en connaissance de cause.
M. de Theux. - Quoi qu'en ait dit M. le ministre de la justice, je (page 201) crois qu'il est bien dans l'esprit de la Constitution que les émoluments des juges de paix ne restent pas variables, que l'on ne peut pas donner au gouvernement le droit de modifier, comme il l'entendra, ces émoluments.
Il est évident que les mêmes raisons existent pour les émoluments que pour le traitement. Peu importe que la somme totale des émoluments dépende du nombre d'affaires dont les juges de paix auront à s'occuper. Toujours est-il que par ce tarif le gouvernement peut ou diminuer la position de certains juges de paix ou augmenter la position financière d'autres juges de paix. Eh bien, je dis que cela n'est conforme ni au texte ni à l'esprit de la Constitution..
Je dirai d'ailleurs que le gouvernement ayant saisi la Chambre d'un projet d'organisation judiciaire, il n'y a aucun motif pour introduire, dans cette loi de circonstance et toute temporaire, une disposition de cette nature. Quant à moi, je ne la voterai certainement pas.
M. Nothomb. - Si l'article nouveau que propose M. le ministre de la justice est voté, j'ignore naturellement quel usage il entend en faire. Mais s'il devait être d'augmenter les vacations dans les cantons ruraux, je déclare que je verrais avec regret une pareille disposition. La justice est déjà assez chère pour qu'on s'abstienne de la rendre plus onéreuse encore.
Porter, par exemple, les vacations de 2 fr. 50 c., taux actuel, à 3 fr. 50 c. et au-delà serait singulièrement aggraver la position des justiciables, de ceux surtout que leur humble condition empêche déjà aujourd'hui d'aborder la justice ; c'est à la rendre moins coûteuse qu'il faut viser, et je proteste d'avance contre toute élévation du tarif en matière de vacations.
M. Ch. Lebeau. - J'ai signé l'amendement qui a été développé par l'honorable M. Nothomb et qui porte à 3,000 fr. les traitements des juges de paix. M. le ministre de la justice combat cet amendement et se rallie à celui présenté par l'honorable M. Van Humbeeck. Mais M. le ministre de la justice a ajouté qu'il se proposait de modifier le tarif des émoluments.
Il ne nous a pas dit dans quel sens il se proposait d'apporter des modifications à ce tarif. Je suppose que ces modifications auront pour but d'augmenter le chiffre des émoluments.
Je désire également savoir, et je prie M. le ministre de la justice de s'expliquer sur ce point, quel sera à peu près le chiffre des augmentations Car, avant de nous prononcer sur l'amendement de l'honorable M. Van Humbeeck qui n'est pas en harmonie parfaite avec le nôtre, nous désirons savoir, dans le cas où cet amendement serait adopté, quelle sera la position des juges de paix.
Nous croyons que le traitement des juges de paix est insuffisant et c'est pourquoi nous avons signé l'amendement qui porte ce traitement à 3,000 francs. Mais l'amendement est muet sur les émoluments ; il ne modifie en rien la position des juges de paix quant au chiffre des émoluments.
Je suppose que par suite des modifications dont a parlé M. le ministre de la justice, le chiffre des émoluments sera augmenté ; il est probable qu'il se propose de supprimer une ou deux classes de juges de paix, de manière qu'alors le traitement des juges de paix sera en réalité augmenté de l'accroissement même du casuel ou des émoluments.
Or, je le répète, je désire donc savoir dans quel sens M. le ministre de la justice entend modifier le tarif.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je n'ai pas jusqu'à présent de résolution arrêtée quant à la modification des tarifs. Mais comme je l'ai dit tantôt, elle aura pour objet de diminuer le nombre des classes et non pas de diminuer les émoluments ; mais elle les augmentera plutôt et, par conséquent, elle produira encore une amélioration dans la position des juges de paix. C'est dans ce sens que j'ai parlé de la modification du tarif.
Elle aura, d'un autre côté, pour objet de faire disparaître des difficultés d'application qui se rencontrent aujourd'hui. Ainsi c'est une difficulté à peu près journalière dans les justices de paix de savoir quand les juges ont droit à des émoluments pour les descentes de lieu et à combien doit s'élever leur vacation de ce chef. Cela doit être réglé.
M. Tack. - Il ne s'agit pas seulement, dans l'amendement de l'honorable M. Van Humbeeck, du traitement et des émoluments des juges de paix, mais encore du traitement et des émoluments des greffiers.
L'amendement de l'honorable M. Van Humbeeck ne me semble pas satisfaire aux réclamations qu'ont fait valoir les greffiers des justices de paix. En effet, ils ne recevront, en général, qu'une augmentation de 300 fr., alors que d'autres fonctionnaires qui sont à peu près sur la même ligne reçoivent une augmentation autrement importante.
Ainsi, comme me le fait observer en ce moment l'honorable M. Ch. Lebeau, les commis greffiers des tribunaux de première instance de troisième classe obtiennent une augmentation de traitement de 1,000 fr., tandis que les greffiers des justices de paix ne jouiront que d'une majoration de 300 fr., ce qui fait que la différence entre les traitements de ces deux catégories de fonctionnaires est de 1,400 fr.
Sous l'empire de la loi de 1845, actuellement en vigueur, la différence était loin d'être aussi considérable, et cependant c'est plutôt le travail des greffiers des justices de paix que celui des commis greffiers de première instance qui est devenu plus lourd, à la suite de la promulgation successive de diverses lois que vous connaissez.
Je n'hésite pas à le dire, la position respective de ces fonctionnaires n'est pas établie d'une manière convenable. Les commis greffiers n'ont pas à faire des dépenses plus grandes que celles qui incombent aux greffiers des justices de paix dont le siège est au chef-lieu d'arrondissement. Ce n'est point que je veuille prétendre que le traitement des commis greffiers est trop élevé ; au contraire, il est telle localité où il ne l'est pas assez. Je citerai entre autres Courtrai. Le tribunal de première instance de Courtrai, l’honorable ministre de la justice vous le disait dans une de nos dernières séances, est le premier en ordre utile pour passer de la troisième à la deuxième classe, et, soit dit en passant, si je n'ai pas insisté jusqu'à présent pour que cette mesure fût prise immédiatement, comme l'honorable M. Vanden Branden de Reeth l'a fait pour le tribunal de Malines, c'est parce que je savais bien que M. le ministre de de la justice n'y aurait pas consenti à propos de la loi transitoire que nous discutons ; à cet égard je ne puis donc que me borner à faire des réserves que j'invoquerai lors de la discussion de la loi sur l’organisation judiciaire.
Eh bien, messieurs, à Courtrai, où la vie est très chère, où les loyers sont aussi élevés que dans les grandes villes, plus élevés même qu'à Gand, par exemple, il est évident que le traitement du greffier de la justice de paix devrait être fixé à un chiffre supérieur à celui qui résulterait et de la loi et de l'amendement de M. Van Humbeeck.
L'observation que l'honorable M. Nothomb vient de faire, quant aux juges de paix, s'applique également aux greffiers. Ainsi celui dont les émoluments ne s'élèvent qu'à une centaine de francs recevra un supplément suffisant pour parfaire le chiffre de 1,500 francs alloué à titre de traitement, tandis que celui dont les émoluments s'élèvent à 375 francs et qui est assujetti à une besogne plus rude et plus épineuse ne sera pas, en somme, rétribué davantage.
Il y a là une atteinte évidente à la justice distributive.
Maintenant, messieurs, je n'aime pas non plus l'immixtion du gouvernement dans l'appréciation des émoluments des juges de paix et des greffiers. Remarquons qu'il ne s'agit pas ici de fixation d'émoluments par voie de disposition générale, mais d'appréciation des émoluments mérités dans chaque cas particulier, par des fonctionnaires déterminés ; ce qui est différent ; or, je soutiens que les chiffres de la statistique fournie par le gouvernement sont loin d'être exacts ; plus d'un greffier est resté de beaucoup au-dessous de la vérité, parce que plus d'un tenait à contribuer le moins possible à la caisse des veuves et orphelins. M. le ministre de la justice a-t-il un moyen de contrôler l'exactitude de ces statistiques ? Je me permets d'en douter ; d'où la conclusion que les fonctionnaires qui sont sincères dans leurs déclarations seront victimes de leur bonne foi, et que l'avantage sera en général pour ceux qui auront dissimulé leurs émoluments.
J'ai la conviction que les greffiers des justices de paix, s'ils avaient voix au conseil, préféreraient le statu quo à l'amendement de l'honorable M. Van Humbeeck, et je crois pouvoir affirmer qu'ils verraient avec la plus vive répugnance le gouvernement intervenir dans l'appréciation de leurs émoluments.
Pour mon compte, je ne puis donc me rallier à cet amendement ; je voterai pour celui de l'honorable M. Nothomb, qui seul leur donne, ainsi qu'à MM. les juges de paix, la satisfaction à laquelle ils ont droit.
M. de Renesse. - D'après le projet de loi soumis à nos délibérations, tous les membres de la magistrature judiciaire vont recevoir une certaine augmentation de leur traitement ; il n'y aurait qu'une exception en défaveur d'un juge de paix de la ville de Liège, qui a été, pendant de longues années, juge au tribunal de Tongres. Par la loi du 15 juin 1849, le nombre des juges de ce tribunal a été diminué de trois membres, dont dort 2 juges out été mis, à leur demande, au traitement de disponibilité, et le troisième juge fut nommé juge de paix à Liège, en conservant, toutefois, son traitement de juge de tribunal de première instance de deuxième classe.
D'après le projet de loi, ce juge, se trouvant dans une position tout exceptionnelle, ne devrait recevoir aucune augmentation de traitement ; il y aurait donc cette anomalie, que le juge en disponibilité recevrait une certaine augmentation, tandis que le juge de paix, ancien juge à un (page 202) tribunal de première instance, rendant, tous les jours, des services à la chose publique, en sa qualité de juge de paix, ne doit recevoir aucune amélioration de position ; ce serait le seul magistrat judiciaire du pays qui ne recevrait aucune augmentation de traitement. Je crois que ce ne serait ni juste ni équitable ; il me paraît que ce juge de paix doit recevoir une augmentation, ainsi que les autres membres de l'ordre judiciaire, et surtout aussi bien que les juges des tribunaux, actuellement en disponibilité.
M. Van Overloop. - Messieurs, je ne puis pas admettre le système de l'honorable ministre de la justice, qui consisterait à améliorer le sort des juges de paix au moyen de l'augmentation du tarif ; ce serait améliorer la position des juges de paix, au détriment des malheureux, au détriment des masses, de ceux qui, sans être indigents, sont loin d'être dans l'aisance.
Le tarif est déjà assez élevé, pour ne pas dire trop élevé. Que de frais n'entraînent pas l'apposition des scellés, les conseils de famille, etc. !
L'honorable ministre de la justice revient toujours sur cette idée que, d'après son projet, le traitement des juges de paix serait augmenté de 33 p. c ; mais il oublie une chose essentielle, c'est qu'il a pris pour point de départ le traitement fixe seulement, au lieu de combiner le traitement fixe avec les émoluments ; ce n'est, en effet, que de cette manière que l'on peut apprécier l'importance des augmentations proposées.
Or, si l'on combine le traitement fixe avec les émoluments, on reste bien au-dessous des 33 p. c. dont parle l'honorable ministre.
Quant à la charge qui serait imposée au trésor par l'amendement de mon honorable ami M. Nothomb et de quelques-uns de ses collègues, au nombre desquels je me trouve, il dépend de M. le ministre de la justice de faire disparaître cette charge : le nombre des juges de paix peut être très facilement diminué.
Il est bien des localités où il y a deux juges de paix, tandis qu'un seul suffirait. Je comprends qu'il faille deux juges de paix à Bruxelles, à Gand, à Anvers, mais en est-il de même à Courtrai, à Malines, à Ypres, etc. ? il y a des justices de paix à la campagne que l'on pourrait évidemment supprimer, en attribuant leur ressort aux cantons voisins. On arriverait ainsi à ce résultat, que l'augmentation de traitement accordée aux juges de paix serait extrêmement peu sensible pour le trésor public. La mesure serait d'autant plus facile à réaliser que les voies des communication se développent tous les jours.
On voudrait ne statuer définitivement sur le sort des juges de paix que lors de la discussion du projet de loi sur l'organisation judiciaire ; mais pourquoi ce délai à propos des juges de paix, alors qu'on a voté immédiatement l'adjonction d'une nouvelle chambre au tribunal de Louvain ! Si je suis bien informé, les avoués de Louvain, qui sont au nombre de douze, réclament en disait qu'ils n'ont pas assez d'affaires et qu'il faudrait réduire leur nombre à huit. Et cependant on s'est empressé de créer une nouvelle chambre au tribunal de Louvain, par le motif que les affaires étaient trop nombreuses.
Pourquoi donc, lorsqu'il s'agit des fonctionnaires les moins rétribués de l'ordre judiciaire, pourquoi veut-on différer l'amélioration de leur position jusqu'au jour, bien éloigné peut-être, où l'on discutera la loi sur l'organisation judiciaire ?
C'est la position des fonctionnaires les moins bien rétribués qui doit nous préoccuper en premier lieu, et cependant c'est par les fonctionnaires les plus haut placés que l'on commence. Chaque fois qu'il s'est agi dans cette enceinte de l'augmentation du traitement des fonctionnaires, c'est surtout aux petits que la Chambre a manifesté sa sympathie. Je voterai donc pour l'amendement que j'ai signé avec mon honorable ami, M. Nothomb, et d'autres honorables collègues.
M. Julliot. - Messieurs, j'ai déposé un amendement que j'ai développé avant les vacances, et qui s'adresse à toute la magistrature ; il a pour objet de n'accorder les augmentations que nous discutons aux titulaires nouveaux qu'après cinq ans de service ; il indique qu'il faudrait une gradation d'après les années de service. J'espère qu'un jour ce système sera étudié avec soin et pratiqué. C'est l'encouragement unique à donner à ceux qui restent pendant de longues années dans l'exercice des mêmes fonctions. Toutefois, comme mon amendement compliquerait singulièrement la discussion de la loi, je déclare le retirer. J'ai indiqué le principe, cela suffit, et je pense qu'il fera son chemin.
M. Van Humbeeck. - Messieurs, l'amendement présenté, au début de la séance, par l'honorable ministre de la justice, ne diffère du mien que pour la forme, sauf un point ; je viens me rallier à cet amendement, mais je désire faire une simple réserve, quant au point unique sur lequel mon système diffère au fond de celui de M. le ministre de la justice.
D'après mon amendement, tous les suppléments de traitements qui devraient être attribués aux juges de paix pour porter le total du traitement et du casuel à la somme de 3,000 francs, devraient être calculés sur une base fixe, sur la moyenne des années 1860 et 1861.
D'après l'amendement de l'honorable ministre de la justice, le calcul devrait être révisé chaque année. Je crois que, comme système définitif, mon amendement valait mieux, surtout dans un système où le casuel serait maintenu ; mon amendement maintenait le seul mais immense avantage que le casuel semble avoir, celui d'encourager le juge de paix à s'occuper d'affaires extra-judiciaires, d'affaires pour lesquelles il possède une certaine initiative, d'affaires dont il peut se saisir d'office.
Mais M. le ministre de la justice nous dit qu'il n'a pas dans le moment les éléments nécessaires pour calculer cette moyenne immédiatement et pour donner par conséquent une base fixe aux calculs des suppléments de traitement, système que j'aurais voulu voir consacrer ; force m'est ainsi d'admettre comme moyen terme temporaire, le système que le gouvernement nous a proposé.
Messieurs, je tenais à signaler cette différence des deux rédactions et à faire une réserve ; cette réserve faite, je déclare de nouveau me rallier à l'amendement de M. le ministre de la justice.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, ainsi que vient de le dire l'honorable M. Van Humbeeck, je ne puis accepter comme base du calcul les années 1860 et 1861, parce que je ne puis pas me fier complètement aux statistiques qui m'ont été fournies : j'ai dit, au début de la discussion, que je n'étais pas sûr de l'exactitude des chiffres qu'elles présentent.
Je répondrai brièvement à l'honorable M. Tack au sujet des greffiers. Nous proposons d'élever leur traitement à 1,000 francs. Eh bien, je prends les émoluments des deux greffiers de Courtrai, déduction faite des frais, et je trouve, que l'un des greffiers a 1,357 fr. et que l'autre a 1,146 fr. ; de sorte que leur traitement va être égal à celui d'un commis greffier. Nous restons dès lors dans les proportions.
De plus, il ne faut pas perdre de vue que les greffiers ont d'autres affaires ; ils peuvent faire des ventes ; et, de ce chef, ils ont des émoluments qui ne se trouvent pas dans le tableau et qui leur procurent un revenu considérable.
L'honorable M. Van Overloop s'est élevé contre l'augmentation des émoluments ; il dit qu'on va faire supporter cette augmentation par les pauvres. Mais l'honorable membre devrait savoir que les pauvres sont parfaitement exempts du payement.
M. Van Overloop. - Je ne fais pas allusion aux indigents.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, veuillez remarquer qu'il y a aujourd'hui quatre tarifs différents. Les tarifs renferment les vacations d'immeubles. Eh bien, à Bruxelles, pour une vacation d'immeubles, les pauvres payent 5 francs, tandis qu'ils payent 2 fr. 50 c. dans un autre canton de justice de paix.
Pourquoi, au point de vue où se place l'honorable M. Van Overloop, pourquoi cette différence ? Ce sont ces inégalités qu'il s'agit de faire disparaître. C'est pour cela que le gouvernement demande à la Chambre l'autorisation de réviser les tarifs.
Messieurs, l'honorable M. Van Overloop vous a parlé de la nouvelle chambre civile qu'on a créée au tribunal de Louvain, sans attendre le vote de la loi d'organisation judiciaire.
Je ferai observer que lorsque j'ai proposé à la Chambre la mesure relative au tribunal de Louvain, j'ai proposé en même temps d'augmenter le personnel des tribunaux de Termonde, de Dinant, d'autres tribunaux encore. Ces tribunaux avaient une foule d'affaires correctionnelles ; le personnel était insuffisant ; c'est seulement après des réclamations réitérées de l'autorité judiciaire et de membres de cette Chambre, et à mon corps défendant, je puis le dire, que j'ai proposé la création d'une chambre nouvelle pour divers tribunaux.
Si j'ai tardé à faire cette proposition, c'a été uniquement dans l'intérêt du trésor public ; mais, quand les nécessités de la justice se sont révélées avec une évidence irrésistible, j'ai dû m'exécuter ; mais à cette époque, il n'avait encore été présenté aucun projet de loi sur l'organisation judiciaire. Si alors nous avions été aussi près de la discussion de ce projet de loi que nous le sommes aujourd'hui, il est probable que je n'aurais pas proposé une augmentation du personnel.
Un mot de réponse maintenant à ce qu'a dit l'honorable M. de Renesse. Voici quelle est la situation du magistrat dont il a entretenu la Chambre. Un des juges du tribunal de Tongres (dont le personnel dépassait le nombre déterminé par la loi) a demandé la place de juge de paix à Liège.
Sa demande a été accueillie et, conformément à la loi, il a été envoyé (page 203) comme juge de paix à Liège avec son traitement de juge. Il a donc aujourd'hui un traitement double de celui des autres juges de paix : il a 3,500 francs de traitement fixe, plus les émoluments. Faut-il faire profiter ce juge de paix de l'augmentation qui sera accordée aux juges de deuxième classe ?
Cette question ne se rattache pas directement à la loi que nous discutons actuellement. Si la Chambre veut faire profiter ce magistrat de l'augmentation accordée aux juges de deuxième classe, il faudra qu'une allocation soit portée au budget.
M. De Fré. - Il sera question de cela lors de la discussion du budget de la justice.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est évident. Quant à moi, messieurs, j'ai pensé que le magistrat dont il s'agit n'étant plus juge et ayant un traitement qui sera encore supérieur à celui que la loi a fixé, il ne devait pas être compris dans cette loi.
C'est ce que la Chambre aura à examiner quand elle discutera le budget de la justice.
M. Wasseige. - Je suis disposé à voter en faveur de l'amendement proposé par l'honorable M. Nothomb, parce que je crois réellement que le traitement de 3,000 fr. qu'il tend à faire allouer aux juges de paix n'est pas trop élevé, eu égard à l'importance des fonctions que ces magistrats remplissent, parce qu'en effet ce traitement joint aux émoluments ne s'élèvera guère, en moyenne, qu'à 3,500 francs. Que si quelques-uns des juges de paix jouissent d'un traitement supérieur, ils sont en très petit nombre, et, dans tous les cas, les émoluments qu'ils touchent ne sont que les rémunérations des services plus nombreux qu'ils sont appelés à rendre.
Cette situation, du reste, existe déjà ; de sorte que l'argument qu'oppose M. le ministre de la justice à l'honorable M. Nothomb et qui consiste à dire que quelques juges de paix auraient des traitements plus élevés que ceux des juges des tribunaux de première instance, cet argument ne prouve absolument rien, puisqu'il s'applique aussi bien à la situation actuelle qu'à celle qu'il s'agit de créer.
Le traitement que nous proposons, et surtout le mode de perception, est le seul digne des honorables magistrats auxquels il est destiné.
Quant à l'amendement de l'honorable M. Van Humbeeck, j'y trouve trois inconvénients graves, et c’est pour cette raison que je ne puis l'adopter quant à présent.
D'abord, cet amendement n'améliore la position que pour environ 90 juges de paix sur 205 ; c'est-à-dire que les deux cinquièmes seulement des juges de paix seraient augmentés, et ce seraient précisément les juges de paix qui ont le moins de besogne, qui appartiennent aux cantons les moins considérables, et où il est le plus facile de satisfaire aux exigences de la vie. Quant aux autres juges de paix, ils seraient exactement dans la même position que celle qui leur est faite par le projet du gouvernement. Voilà un premier inconvénient.
Le second inconvénient, c'est que la mise en pratique du système de l'honorable M. Van Humbeeck et de M. le ministre de la justice exigerait que chaque année on calculât par sous et deniers, d'une manière toute spéciale, le montant des émolument de chaque juge de paix ; pour pouvoir s'assurer chaque fois si ces émoluments atteignent le chiffre de 600 fr. et dans quelle limite il y a lieu d'y subvenir pour parfaire la somme de 3,000 francs.
Sans cela, le chiffre des émoluments étant essentiellement variable de sa nature, si le gouvernement procédait par moyennes, il s'exposerait à commettre les anomalies les plus choquantes, à accorder, par exemple, à certains juges de paix plus de 3,000 fr., tandis que d'autres n'obtiendraient pas cette somme, quoique y ayant plus de droit que les premiers. Il faudrait donc que le gouvernement contrôlât tous les actes des juges de paix et des greffiers et il faudrait pour cela établir une surveillance dont le caractère inquisitorial et fiscal compromettrait la dignité des magistrats qui y seraient soumis.
Voici maintenant un troisième inconvénient, le plus grave à mon avis. Il concerne la juridiction gracieuse, cette juridiction spontanée que le zèle du magistrat peut étendre ou restreindre. Ne craignez-vous pas, messieurs, que votre système l'atteigne particulièrement en ce sens que les juges de paix qui seraient assurés de n'atteindre jamais le chiffre de 600 francs d'émoluments sentiraient leur zèle se refroidir à défaut du stimulant qui les excite aujourd'hui ? Et remarquez, messieurs, que cette juridiction gracieuse s'exerce le plus souvent en faveur de mineurs, d'absents, de gens en un mot qui n'ont pour les défendre et pour représenter leurs intérêts que le zèle de cette catégorie de magistrats. C'est donc à stimuler ce zèle, bien plus qu'à l'étouffer que nous devons nous appliquer ; or, le système de l'honorable M. Van Humbeeck produirait un résultat tout à fait contraire ; car le juge de paix, certain de voir en tous cas ses émoluments portés à 600 fr., ne se donnerait pas la moindre peine pour les augmenter ;c'est le système du minimum d'intérêt pour les compagnies industrielles ; ce système est mauvais, c'est pourquoi je le combats.
Ainsi, messieurs, voilà trois inconvénients bien caractérisés : d'abord l'amendement de l'honorable M. Van Humbeeck n'augmente que les traitements des juges de paix qui ont le moins à faire, et qui ont le moins de besoins ; il oblige, sous peine d'être injuste, le gouvernement de se livrer à une surveillance inquisitoriale et fiscale qui nuirait à la considération des magistrats ; enfin, il pourrait avoir pour effet de refroidir le zèle des magistrats, dans une partie importante de leurs attributions, tandis que tous nos efforts doivent tendre à le stimuler. Aucun de ces inconvénients n'existe dans le système de l'honorable M. Nothomb ; voilà pourquoi je suis disposé à le voter, et pourquoi j'engage mes honorables collègues à y donner également leur appui.
M. Julliot. - II est convenu que la question concernant le juge de paix de Liège dont il s'agit est réservée jusqu'à la discussion du budget de la justice. Cependant, je désire ajouter un mot à ce qu'a dit l'honorable M. de Renesse. L'arrêté qui a nommé le magistrat dont il s'agit, juge de paix à Liège, porte littéralement qu'il conservera le traitement attaché aux fonctions de juge au tribunal de Tongres.
Je demande si, dans le cas où le traitement des juges du tribunal de Tongres aurait été diminué, on eût conservé à 3,500 fr. celui du juge de paix de Liège. Evidemment non. Dès lors, il me paraît rationnel de traiter ce magistrat comme les autres juges de ce tribunal ; il est resté pour le traitement juge à Tongres, on ne pouvait le renvoyer de ce tribunal sans son consentement ; il était de trop et le trésor a gagné à le voir nommer juge de paix. Ce que nous demandons n'est ni une faveur, ni de la bienveillance, c'est la reconnaissance d'un droit acquis, incontestable : je dis donc : Exécutez franchement l'article 3 de cet arrêté et tout est dit.
C'est pour le gouvernement un devoir auquel il ne peut loyalement échapper.
- Plusieurs membres. - Aux voix ! Aux voix !
M. Guillery. - Il est bien entendu que la question soulevée par l'honorable M. de Renesse est réservée.
- Plusieurs voix. - Oui ! oui !
M. le président. - Je mets donc aux voix l'amendement de M. Nothomb qui propose de porter le traitement des juges de paix à 3,000 francs et celui des greffiers à 1,500 francs.
M. Wasseige. - L'appel nominal.
- Il est procédé au vote par appel nominal.
En voici le résultat :
81 membres répondent à l'appel.
40 membres répondent non.
41 membres répondent oui.
En conséquence, la Chambre adopte.
Ont répondu non : MM. A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van de Woestyne, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Allard, Bara, Ch. Carlier, Carlier-M. Van Humbeeck, rapporteur, Coppens, Crombez, Cumont, de Brouckere, De Fré, de Naeyer, de Renesse, de Rongé, de Vrière, Dolez, B. Dumortier, Frère-Orban, Grandgagnage, Grosfils, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Kervyn de Lettenhove, Magherman, Mor.au, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Rogier, Tesch et Vervoort.
Ont répondu oui : MM. Thienpont, Van Bockel, Vanden Branden de Reeth, Van Overloop, Van Renynghe, Wasseige, Ansiau, Beeckman, de Baillet-Latour, Dechentinnes, de Decker, de Lexhy, de Mérode, de Montpellier, de Moor, de Muelenaere, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, H. Dumortier, d'Ursel, Goblet, Guillery, Julliot, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, Mercier, Moncheur, Notelteirs, Nothomb, Rodenbach, Royer de Behr, Sabatier, Snoy et Tack.
M. le président. - Nous arrivons au tableau littera D des tribunaux de première instance.
« Première classe : Tribunaux d’Anvers, de Bruxelles, de Gand et de Liège.
(page 204) « Deuxième classe. Tribunaux d'Arlon, de Bruges, de Charleroi, de Dinant, de Louvain, de Mons, de Namur, de Termonde, de Tongres, de Tournai et de Verviers.
« Troisième classe. Tribunaux d’Audenaerde, de Courtrai, de Furnes, de Hasselt, de Huy, de Malines, de Marche, de Neufchâteau, de Nivelles, de Turnhout et d’Ypres. »
- Ce tableau est mis aux voix et adopté.
« Art. 1er. Les traitements des membres de la cour de cassation, des cours d'appel, des tribunaux de première instance, des justices de paix, ainsi que des greffiers des tribunaux de commerce, sont fixes conformément au tableau joint à la présente loi. »
-- Adopté.
« Art. 2. Les tribunaux de première instance sont divisés en trois classes, comme l'indique le tableau B ci-annexé.
« Néanmoins, les magistrats qui passent à une classe supérieure recevront une augmentation de traitement comme s'ils appartenaient déjà à cette classe antérieurement à la présente loi. »
- Adopté.
« Art. 3. La loi du budget déterminera la quotité annuelle de l'augmentation résultant de l’article premier. »
- Adopté.
« Art. 4. La fixation des traitements établis par la présente loi sera revisée par la loi d'organisation judiciaire. »
- Adopté.
« Art. 5. Le gouvernement est autorisé à prendre des mesures pour que les émoluments alloués aux juges et à leurs greffiers soient perçus, sans frais pour l'Etat, par l'intermédiaire des receveurs de l'enregistrement. »
M. De Fré. - Je propose d'ajouter après le mot : « juge », celui-ci : « de paix ».
- Cette proposition est adoptée.
L'article 5, ainsi modifié, est adopté.
M. le président. - Des pétitions ont été adressées, à la section centrale ; elle propose de les renvoyer à la commission chargée de l'examen du projet de loi sur l'organisation judiciaire.
- Ce renvoi est ordonné.
M. le président. - A quel jour la Chambre veut elle fixer le second vote ?
- Plusieurs voix. - A jeudi, à jeudi.
- Le second vote du projet de loi sur les traitements de l'ordre judiciaire est fixé à jeudi.
M. B. Dumortier. - Messieurs, vous venez de voter, préparatoirement, une loi qui augmente considérablement les traitements d'un ordre de fonctionnaires publics. Je demanderai, puisqu'on se propose d'augmenter les traitements de tous les fonctionnaires de l'Etat, s’il est vrai que dans beaucoup de nos villes on se propose aussi de faire des augmentations, non plus de traitement, mais d'impôts sur les petits employés du commerce et du notariat.
Je demanderai si c'est ainsi qu'en veut se procurer les moyens de payer les augmentations accordées aux fonctionnaires de l'État, en frappant d'un impôt les malheureux qui travaillent dans les établissements privés, afin de grossir les traitements de ceux qui travaillent pour le compte de l'Etat. J'ai entendu dire que dans plusieurs provinces des fonctionnaires de l'administration des finances s'occupent de patentes à établir sur les employés du commerce et du notariat, qui depuis la révolution n'ont été soumis à aucun impôt.
On parle de l'augmentation du prix des denrées de première nécessité, pour améliorer la position des fonctionnaires publics. Est-il logique, en présence de l'énoncé d'un pareil principe, de vouloir établir une augmentation d'impôt sur une des classes les plus malheureuses, les plus infimes de la société.
Je demanderai à M. le ministre si c'est d'après ses ordres que le travail que je signale se fait dans plusieurs arrondissements du Hainaut ; je ne parle que de ceux-là, car j'ignore si la même chose se passe dans les autres parties du pays.
Puisqu'il s'agit d'augmenter le traitement des fonctionnaires jusqu'à concurrence de 25 p. c, je demanderai si le gouvernement, conséquent avec ses principes, n'a pas l'intention d'améliorer la position des rentiers de l'Etat. Ce sont des personnes très honorables qui prêtent leurs fonds à l'Etat dont la position sans eux serait en souffrance.
Or, si je suis bien informé, tandis que vous augmentez les traitements des fonctionnaires publics, il serait question de réduire la rente, de la porter de 4 1/2 à 4 p. c., de manière à frapper sur les rentiers de l'Etat.
Je demande si c'est là une opération logique. Si c'est ainsi que l'on prétend augmenter certains traitements en frappant sur ceux qui ne participent pas, qui ne sont pas assis à la table du budget de l'Etat.
Je dis, pour mon compte, qu'il faut de la justice distributive et que si vous trouvez que l'accroissement des besoins est tel que vous deviez augmenter les traitements de 25 p. c., au lieu de réduire la rente de 4 1/2 à 4 p. c., la logique exigerait que vous la portiez à 5 p. c. afin qu'ils participent aux bienfaits dont vous voulez gratifier les citoyens. (Interruption.)
Je m'explique parfaitement les rires qui éclatent dans l'assemblée, mais je fais cette interpellation, je présente ces observations à la Chambre pour montrer combien la conduite du gouvernement est déplorable lorsque, d'une part, il propose des augmentations considérables de traitement pour les fonctionnaires publics et que, d'autre part, on propose des augmentations inverses pour ceux qui ne sont pas employés de l'Etat, de manière à faire participer tout le monde aux augmentations, les uns en recevant, les autres en payant.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je ne comprends pas bien la portée du discours que vient de prononcer l'honorable M. Dumortier. Il nous assure qu'on est en train de frapper des impôts sur une catégorie de citoyens qui sont dans une position extrêmement malheureuse, et qu'une pareille manière d'agir contrastera singulièrement avec les propositions dont le gouvernement vient de saisir les Chambres, afin de faire augmenter les traitements des fonctionnaires publics, dans une proportion très notable, selon l'honorable membre, quoique pas assez notable encore, à ce qu'il paraît, selon l'appréciation, d'un grand nombre de ses amis.
Messieurs, je ne sache pas que le gouvernement ait le pouvoir de décréter des impôts, et d'en frapper aucune catégorie de citoyens ; je sais seulement qu'il a le devoir d'exécuter les lois, sans pouvoir se soustraire non plus à ce devoir en faveur de personne.
L’honorable M. Dumortier veut-il soutenir qu'il ne faut pas exécuter les lois, qu'il faut accorder des exemptions, des modérations d'impôt. Ce serait assez étrange de la part de l'honorable membre, car ce serait, cette fois, une belle et bonne violation de la Constitution. Ou la loi existe, ou elle n'existe pas. Voilà toute la question.
S'il y a une loi, comment l'honorable M. Dumortier veut-il qu'on ne l'exécute pas ? Et s'il n'y a pas de loi, comment le gouvernement pourrait-il percevoir un impôt quelconque à charge des particuliers ? Tel est le dilemme dans lequel se trouvé renfermé l'honorable M. Dumortier, et dont il lui sera sans doute difficile de sortir.
Je raisonne ici d'une manière abstraite, car je n'ai connaissance d'aucun fait positif. J'ai bien lu dans un journal, le Courrier de l'Escaut, je crois, qu'on avait entamé une espèce de persécution à l'égard de certains petits employés ; mais je ne sache pas qu'il y ait eu des réclamations et je n'ai nul souvenir d'avoir donné une instruction quelconque à ce sujet. Jusqu'à ce que l'honorable M, Dumortier ait précisé les griefs qu'il s'est chargé de dénoncer à la Chambre, je suis donc obligé de m'en tenir à ces généralités de principe, et de dire que si la loi existe elle doit être exécutée ou rapportée, et que si elle n'existe pas, le gouvernement ne peut rien faire dans le sens des prétendues persécutions dont parle, l'honorable membre.
L'honorable M. Dumortier a ajouté que le gouvernement ferait bien d'augmenter le revenu de rentiers de l'Etat, au lieu de songer à le réduire pour faire profiter ses agents des bénéfices de cette réduction.
(page 205) Mais, messieurs, j'ai à peine besoin de le faire remarquer, si la nécessité d'opérer une conversion de la rente vient à se révéler, c'est la Chambre qui aura à la prononcer. L'honorable M. Dumortier devrait savoir que le gouvernement n'a pas le pouvoir d'agir, en cette matière, sans l'intervention des Chambres, et qu'il est parfaitement impuissant à prendre seul une disposition quelconque à l'égard de la rente. Ce serait la législature qui statuerait sur les propositions que le gouvernement aurait éventuellement à lui soumettre sur ce point. Mais je dirai à l’honorable M. Dumortier, que, quant au principe même de la question, il ne devrait pas ignorer non plus qu'il n'est pas au pouvoir du gouvernement de régler le taux de l'intérêt des capitaux. Ce taux s'établit par l'état du marché. Si les capitaux sont abondants, naturellement l'intérêt va se réduisant ; si les capitaux sont chers, l'intérêt en est d'autant plus élevé. Il ne dépendrait donc pas du gouvernement de faire que la rente produisît aux rentiers un revenu supérieur au taux normal du loyer des capitaux, si l'état du marché ne coïncidait pas avec l'acte qu'il prendrait dans ce but ; car, en pareil cas, beaucoup d'offres se présenteraient pour acquérir la rente, et, malgré le sacrifice que se serait imposé l'Etat, le taux de l'intérêt serait ramené dans la même proportion qu'auparavant.
Je suis en quelque sorte confus d'avoir à donner ces explications à l'honorable membre ; il me semble que s'il avait réfléchi aux règles d'après lesquelles s'établit le taux d'intérêt des capitaux placés en fonds publics, il se fût abstenu de présenter, sur un pareil sujet, les observations auxquelles je viens de répondre, et dont, réellement, je ne puis concevoir le but.
M. Rodenbach. - Messieurs, je suis très porté à croire que le Courrier de l'Escaut est dans l'erreur, car depuis 1832 il n'a jamais été question d'imposer les clercs de notaire et les commis de commerce.
Jamais on n'a interprété la loi de manière à faire payer ces classes presque infimes de la société.
Il y a cependant des contrôleurs qui ont trop de zèle. Il est possible que ceux-là interprètent la loi dans le sens de faire payer, mais comme l'a dit l'honorable ministre des finances, jusqu'à présent il n'y a encore aucune réclamation ; mais, messieurs, je me méfie des interprétations de certains agents excessivement favorables aux mesures fiscales pour plaire au pouvoir et pour obtenir de l'avancement.
Nous en avons un exemple dans la Flandre.
Il y avait une instruction relativement à la fabrication de la dentelle donnée par M. le ministre des finances, conformément à la loi.
Eh bien, messieurs, dans une localité où l'instruction de M. le ministre des finances avait été ponctuellement suivie pour une école dentellière, on a en quelque sorte anéanti cette école.
M. Allard. - A quoi peuvent aboutir toutes ces interpellations ?
M. Rodenbach. - On l'a désorganisée et elle a cessé d'exister par suite d'une interprétation, comme cela est arrivé ailleurs encore.
On n'a pas voulu plaider parce qu'on ne plaide pas gratuitement, parce que la justice est excessivement chère.
Je crois que l'on doit toujours interpréter les lois d'une manière juste, mais l'extrême justice est injustice.
M. B. Dumortier. - Messieurs, en réponse à l'interpellation que j'avais eu l’honneur de lui adresser, M. le ministre des finances me dit : ou la loi existe ou elle n'existe pas.
Il me demande si mon intention est d'empêcher l'exécution de la loi. Ce serait alors, dit-il, une violation de la Constitution.
Certes, ce n'est point moi qui demanderai jamais au gouvernement de ne point exécuter les lois, mais, dans mon opinion, toutes les lois doivent être expliquées par l'usage qui en a été fait.
Or, depuis plus de 30 ans les petits employés du notariat et du commerce n'ont pas été soumis à la patente. J'en conclus que la loi ne l'exigeait pas, car s'il en était autrement, ce serait dire que tous les ministres qui se sont succédé depuis 30 ans, y compris l'honorable M. Frère lui-même, ont violé continuellement la loi et qu'aujourd'hui seulement on s'est trouvé subitement éclairé.
Je dis, pour mon compte, que de pareilles choses sont regrettables, que dans le moment où vous augmentez les traitements de l'ordre judiciaire d'une façon aussi considérable, dans le moment où vous parlez d'augmenter tous les gros traitements de la Belgique, venir frapper les petits employés du commerce, venir frapper les petits employés du notariat, c'est faire croire au pays que vous voulez puiser dans la poche des pauvres pour donner à ceux qui sont riches. Je dis qu'un pareil système est un système qui ne saurait être assez condamné et qui n'aura jamais l'assentiment du pays.
Ces augmentations de traitement, messieurs, que sont-elles ? Comment ! En 1848, lorsque l'honorable ministre des finances est entré aux affaires, il était arrivé avec de grandes idées d'économie et il voulait vous proposer alors, non pas des augmentations, mais des réductions dans les traitements. Je me rappelle ce que vous disait alors l’honorable M. Delfosse ; il disait à la Chambre de 1848 : Vous êtes animés d'un beau mouvement d'économie ; mais profitez du moment ; car quand vous serez ici de quelques années, vous suivrez la loi d'impulsion législative et vous détruirez ce que vous avez fait.
Eh bien, cette prédiction s'accomplit aujourd'hui ; nous voulons supprimer le régime d'économie, et quand nous voulons supprimer le régime d'économie, que fait-on ? On veut augmenter les dépenses et frapper les petits d'un autre côté. Voilà sur quoi j'ai voulu avoir des explications. Je suis heureux d'apprendre que M. le ministre des finances n'a pas donné d'instructions de ce chef. Cependant je sais que, dans la plupart des provinces, des instructions sont données par les directeurs aux contrôleurs de diverses localités pour frapper les petits contribuables dont je parle. Or, dans le pays l'on se dit, et l'on a raison, que frapper les petits lorsqu'on augmente les gros, c'est faire un acte de mauvaise administration, c'est faire un acte qui répugne à la conscience publique.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, depuis quelque temps, j'entends reproduire cette singulière allégation, que les faits assurément ne justifient en aucune façon : On augmente les gros traitements, mais on n'a nul souci des petits employés, que l'on sacrifie complètement. Cela paraît être devenu de mode. Cependant, messieurs, nous avons mis sous les yeux de la Chambre le chiffre des augmentations de traitement qui ont été proposées, et chacun a pu se convaincre que, tandis que ces augmentations étaient de 10 p. c. sur ce qu'on appelle les gros traitements (je parle du budget des finances qui a été voté), les traitements inférieurs étaient augmentés dans des proportions beaucoup plus fortes.
C'est ce que constate, à toute évidence, le tableau comparatif des traitements anciens et des traitements nouveaux, que j'ai remis à la section centrale chargée de l'examen de mon budget. La section centrale n'ayant pu le faire imprimer, j'en ai fait distribuer des exemplaires autographiés à tous les membres de cette Chambre. Ce tableau indiquait, par chaque catégorie de traitement, le montant de l'augmentation et le tantième pour cent que représente cette augmentation, par rapport au traitement ancien. Ces rapprochements démontrent d'une façon incontestable qu'il est absolument faux de prétendre, comme certaines personnes le font aujourd'hui, que l'on augmente les gros traitements dans une proportion plus large que les traitements inférieurs. La vérité est, tout au contraire, que ce sont précisément les traitements des employés inférieurs qui ont été augmentés d'une manière plus notable, et de beaucoup plus notable, que ceux des fonctionnaires supérieurs.
Il faut donc que l'on cesse de répéter une assertion aussi manifestement contraire à la vérité ; elle ne peut avoir qu'un seul résultat, fort déplorable assurément : c'est de soulever, dans les populations et dans l'administration même, des passions mauvaises et des sentiments d'envie, dont les germes ne sont malheureusement que trop développés au cœur de l'homme. Il serait beaucoup plus digne, beaucoup plus sage de chercher plutôt à les réfréner, à les modérer, qu'à les exciter ; ce n'est pas surtout des bancs de ceux qui s'appellent conservateurs, que de pareilles excitations devraient partir.
Lorsque nous aurons à discuter les autres budgets, nous montrerons quelle est en réalité la situation faite aux diverses catégories d'employés dans l'Etat, et nous prouverons que, relativement aux situations correspondantes dans la société, la position de ce que vous appelez les petits employés, est incomparablement meilleure que celle des autres citoyens qui, à raison de leur intelligence et de leur aptitude, peuvent leur être comparés. Nous aurons à donner à cet égard des indications qui seront de nature à satisfaire complètement la Chambre et qui, je n'en doute pas, auront pour effet de faire cesser, d'une part des excitations dangereuses, d'autre part des plaintes, qui ne sont que la conséquence de ces excitations, mais qui, assurément, ne sont pas fondées.
L'honorable M Dumortier vient de vous dire que le gouvernement semble avoir changé de système ; qu'en 1848, il était entré résolument, largement dans la voie des économies, tandis qu'aujourd'hui, revenant sur ce qu'il a fait, il veut augmenter les traitements des agents de l'Etat, qu'il avait alors pris à tâche de réduire.
Messieurs, en 1848, des économies ont été faites et devaient être faites. Mais ces économies, comment ont-elles été opérées ? A entendre l'honorable M. Dumortier, c'est par voie de réduction des traitements que l'on a réalisées.
Eh bien, l'honorable M. Dumortier se trompe complètement. A la vérité, quelques traitements considérés comme trop élevés ont été réduits et (page 206) ramenés à des taux plus conformes avec les positions auxquelles ils étaient attachés ; mais l'économie qui en est résultée a été fort insignifiante. Quant aux économies réellement importantes que nous avons obtenues, elles ont eu des sources bien différentes. Loin de les chercher dans une diminution de la rémunération des services publics, je rappellerai qu'en 1848 même, au moment où j'opérais, dans l'administration des finances qui m'était confiée, des économies très notables, j'augmentais dans une certaine mesure les traitements de plusieurs catégories de fonctionnaires.
Mais de ce que l'on aurait même dit, à raison de circonstances toutes spéciales, suivre telle voie, opérer telles réformes, faire telles économies en 1848, s'en suivrait-il qu'en 1862, à 14 années de distance, l'on ne serait pas autorisé à réviser les traitements des fonctionnaires publics ? Messieurs, personne assurément ne soutiendra qu'une telle solidarité doive rattacher le présent au passé. A-t-on, au surplus, produit une objection contrôle principe même de l'augmentation des traitements ? Quand nous avons saisi la Chambre de la question, personne ne s'est levé pour combattre ce principe. L'honorable M. de Naeyer lui-même, qui cependant s'est placé au rang de ceux qui ont le plus particulièrement critiqué les augmentations de traitements, n'a pas attaqué le principe de cette augmentation ; l'honorable M. de Naeyer l'a parfaitement admis.
Il a contesté certaines bases que le gouvernement a cru devoir admettre, les proportions dans lesquelles on augmentait certains traitements ; mais l'on peut dire que l'on a été unanime dans la Chambre pour admettre le principe de l'augmentation.
Or, à mesure que nous avançons dans l'examen des dispositions proposées pour en amener la mise en pratique, que rencontrons-nous ? Est-ce une opposition de la part de la Chambre pour arrêter le gouvernement dans ses propositions d'augmentation ?
Mais tout au contraire ; la Chambre veut entraîner le gouvernement au-delà des limites qu'il s'est tracées. C'est le monde constitutionnel renversé ; c'est maintenant le gouvernement qui est obligé de combattre l'entraînement de la Chambre dans le sens des augmentations des dépenses.
Et l'honorable M. Dumortier prend la parole pour accuser le gouvernement d'engager le pays dans une voie qu'il considère comme fâcheuse ! Mais c'est à ses propres amis qu'il doit adresser ses observations ; c'est à eux qu'il doit recommander la modération et la prévoyance en faveur des intérêts du trésor public ; c'est à eux qu'il doit donner le conseil d'aider le gouvernement à résister aux tendances qui se manifestent.
Messieurs, je dois, à cette occasion, faire une déclaration à la Chambre : c'est que je crains, si l'on continue à procéder comme on le fait, que nous ne soyons obligés de proposer l'ajournement de toute nouvelle augmentation de traitement ; car si l'on excède certaines limites, si l'on va jusqu'à compromettre la situation des finances, nous prendrons très résolument la position que notre devoir envers le pays nous impose et nous serons forcés, en acquit de ce devoir, de nous arrêter dans la voie où nous nous étions engagés avec les intentions les plus généreuses pour les serviteurs de l'Etat, générosité que nous n'entendons pas cependant pousser jusqu'à une prodigalité compromettante pour les finances du pays.
Messieurs, je regrette presque d'avoir été entraîné à cette discussion par les observations de l'honorable M. Dumortier. Je reviens donc au point de départ de la présente discussion. Je répète à l'honorable membre que je ne connais aucun fait précis de la nature de ceux auxquels il a fait allusion. Par conséquent nous discutons dans le vague ; nous ne savons si on réclame contre une disposition juste, légale, ou si, au contraire, les réclamations de quelques particuliers qui croiraient avoir à se plaindre, sont fondées. Je répète ce que déjà j'ai eu l'occasion de dire bien souvent : ce n'est pas au gouvernement à agir en pareille circonstance ; ce sont les députations permanentes qui sont appelées à statuer sur les réclamations en matière d'impôt. Il vaut donc mieux se pourvoir devant ses juges compétents, que de faire appel à la publicité, lorsqu'on ne possède pas les éléments nécessaires pour asseoir un jugement raisonné.
M. B. Dumortier. - M. le ministre des finances vient de me dire qu'il ne connaît point les faits dont j'ai eu l'honneur de l'entretenir. Je le remercie de cette déclaration et je suis convaincu que quand ces faits seront parvenus à sa connaissance, il n’hésitera pas à arrêter ces demandes d'impôts nouveaux que l'on voudrait faire peser sur les petits employés du commerce et du notariat ; il fera cesser ainsi les clameurs si légitimes que les faits dont il s'agit ont provoquées. Dès lors mon interpellation n'aura pas été sans utilité.
L'honorable ministre des finances a dit que mes observations tendaient à exciter les mauvaises passions, en mettant les petits en opposition avec les grands ; je n'ai fait que reproduire à cette tribune les rapprochements que tout le monde fait dans le pays, entre les augmentations des gros traitements, d'une part, et les augmentations d'impôts, d'autre part. Je sais parfaitement que l'honorable ministre des finances a agi pour son département avec un grand esprit de justice, et j'ai voté avec empressement les propositions qu'il nous a soumises, mais, malheureusement, son exemple n'a pas été suivi par ses collègues.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si ! si.
M. B. Dumortier. - Vous avez proposé des augmentations de 10 p. c. tandis que pour l'ordre judiciaire on propose des augmentations de 25, de 30 et dans certains cas de 60 p. c.
Dans le ministère de M. Frère, ce sont les petits traitements qui ont été augmentés, tandis que dans d'autres ministères on augmente les gros traitements.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Qu'est-ce que c'est qu'un petit traitement ?
M. B. Dumortier. - C'est un traitement de moins de 1,000 francs. Voilà les traitements que la Chambre aurait voulu voir augmenter.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai qu'un seul mot à répondre à l'honorable M. Dumortier. Il dirige ses attaques contre M. le ministre de la justice, qui a, prétend-il, proposé des augmentation de traitement trop considérables, et qui n'a pas suivi le système admis dans d'autres départements. J'ai déjà eu l'honneur de faire remarquer à la Chambre qu'il n'y a pas d'assimilation possible entre les fonctionnaires d'un département, d'une administration centrale, et les membres de la magistrature. Mais pour réfuter complètement l'assertion de l'honorable M. Dumortier, il suffit de citer le vote qui vient d'être émis par la Chambre et auquel nous n'avons pu nous associer.
L'honorable M. Dumortier trouve que M. le ministre de la justice fait trop ; la Chambre vient de décider qu'il ne fait pas assez. M. le ministre de la justice avait proposé d'augmenter certains traitements de 33 p. c. ; la Chambre vient de doubler cette augmentation en la portant à près de 67 p. c. La Chambre a donc condamné formellement l'opinion soutenue par l'honorable M. Dumortier.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je n'ai qu'une seule observation à faire, c'est que pour l'administration centrale du département de la justice, j'ai absolument adopté les mêmes bases que le département des finances.
J'ai donc lieu d'être surpris que l'honorable M. Dumortier vienne prétendre que j'ai augmenté les traitements supérieurs dans une forte proportion et négligé les petits traitements.
Je le répète, j'ai appliqué à mon département les mesures qui ont été prises pour celui des finances.
M. le président. - Il vient d'être déposé un amendement à la loi concernant les traitements de la magistrature militaire. Cet amendement sera imprimé et distribué. Il est ainsi conçu :
« Je propose de modifier le tableau annexé au projet de loi comme suit :
Tableau, etc. (Comme au projet.)
« § 1er. (Comme au projet.)
« § 2. Conseils de guerre.
« Première classe.
« Auditeurs militaires d'Anvers, Bruxelles, Gand, Liège et Mons, au lieu de 6,000 francs, 7,000 francs.
« Seconde classe.,
« Auditeurs militaires d'autres résidences, au lieu de 5,000 francs, 6,000 francs.
« Ch. Carlier. »
- La séance est levée à 4 heures trois quarts.