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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 25 novembre 1862

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1862-1863)

(page 37) Présidence de (M. E. Vandenpeereboom, premier vice-président.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Moor, secrétaire, procède à l'appel nominal à 3 heures et un quart.

M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor, secrétaire, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le conseil communal de Leysele réclame l'intervention de la Chambre pour que cette commune soit rétablie sous la dépendance du bureau postal de Furnes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Dubois demande que les dispositions relatives au mariage des employés de la douane soient abolies ou modifiées. »

- Même renvoi.


« Le sieur Van Waning Boit demande une enquête sur les moyens qui ont été employés pour le démissionner de ses fonctions de pasteur de l'église protestante d'Anvers. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Hautem se plaint du préjudice qu'éprouve cette commune depuis qu'elle dépend du nouveau bureau de poste établi à Alveringhem et propose des moyens pour y remédier. »

« Même pétition du conseil communal d'Isenberghe. »

- Même renvoi.


« D'anciens employés des taxes municipales de la ville de Namur demandent un traitement d'attente. »

- Même renvoi.


« Le sieur Van Cotthem, combattant de la révolution, demande une pension pour services rendus en 1830. »

- Même renvoi.


« Le sieur Ghiot, combattant de septembre, demande la pension dont jouissent les décorés de la croix de Fer. »

- Même renvoi.


« Le sieur Delesalle demande de pouvoir développer devant une commission un système pour la sécurité postale. »

- Même renvoi.


« Le sieur Honoré Buisine demande que la naturalisation ordinaire lui soit accordée avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Les greffiers des justices de paix de l'arrondissement de Bruges demandent que le projet de loi sur l'organisation judiciaire leur accorde pour traitement les deux tiers entre leurs émoluments et ceux des juges de paix et leur maintienne le droit de faire les ventes mobilières. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi.


« Le conseil communal de Waltwilder demande qu'il soit porté, au budget de l'intérieur, un crédit spécial pour subsidier les travaux d'entretien de la voirie vicinale et que le gouvernement organise une surveillance spéciale pour cet objet. »

« Même demande des conseils communaux de Martenslinde, Bilsen, Grandspauwen, Looz, Gellick. »

- Renvoi à la commission centrale chargée d'examiner le budget de l'intérieur.


« M. le ministre de la justice transmet avec les pièces de l'instruction, 7 demandes de naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« M. Coomans, retenu chez lui par la maladie grave de sa femme, demande un congé de quelques jours. »

« M. Henri Dumortier, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »

« M. David, retenu chez lui par des affaires importantes, demande un congé de trois semaines. »

- Ces congés sont accordés.


« M. le recteur de l'Université de Liège adresse à la Chambre cent dix-huit exemplaires du discours inaugural qu'il a prononcé à la séance de réouverture solennelle des cours de cette Université. »

- Dépôt à la bibliothèque et distribution.


« M. Edouard Sève adresse à la Chambre le troisième et dernier volume de son ouvrage sur les contrées du Nord. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Motion d’ordre

M. Hymans. - Messieurs, j'ai en main le rapport fait au nom de la commission des pétitions sur la requête du conseil communal d'Anvers, relative au port d'armes des militaires hors le temps de service. Il est probable que lorsque le rapport sera déposé dans la forme usitée pour les rapports de pétitions, on en demandera l'impression, ne fût-ce qu'à cause des documents émanés du département de la guerre, qui y sont annexés ; de cette manière la discussion devra être ajournée.

Je demande, dans l'intérêt de la marche de nos débats, que la Chambre veuille bien autoriser le dépôt du rapport et en ordonner l'impression et la distribution, dans la forme usitée pour tous les rapports des sections centrales et des commissions, puis mettre cet objet à la suite de l'ordre du jour.

M. Loos. - Je viens appuyer la proposition de l'honorable M. Hymans. Je désire être présent quand cette affaire sera traitée, et c'est généralement le vendredi qu'on fait les rapports de pétitions, or le vendredi il m'est souvent très difficile et quelquefois impossible d'assister à la séance. Je demanderai donc que la Chambre veuille bien décider qu'elle fixera ultérieurement un jour pour la discussion.

- Les propositions faites par MM. Hymans et Loos sont mises aux voix et adoptées.

Projet de loi allouant un crédit au budget du ministère de l’intérieur, en vue de travaux publics dans les localités atteintes par la crise cotonnière

Discussion générale

M. Magherman. - Messieurs, je crois qu'il est inutile d'insister longuement pour démontrer l'opportunité du projet de loi en discussion.

La situation de la ville de Gand a depuis longtemps préoccupé le pays, et dans toutes les provinces il y a eu des marques non équivoques de sympathie pour la population ouvrière de cette grande cité industrielle et manufacturière. Certainement, la ville de Gand devra avoir sa large part dans les fonds mis à la disposition du gouvernement, mais je prie M. le ministre de ne pas perdre de vue que d'autres centres, relativement très importants, se trouvent également dans une situation critique. J'appelle surtout son attention sur la situation de la ville de Renaix, que je connais particulièrement, et qui fait partie de l'arrondissement administratif auquel je dois l'honneur de siéger dans cette enceinte.

Les fabriques de cette ville ont une population considérable de tisserands attachés à l'industrie cotonnière. Ces tisserands sont actuellement sans occupation, par suite de l'absence de la matière première. Jusqu'ici les populations dont je parle se sont livrées plus ou moins aux travaux de la campagne ; ces travaux leur offraient une ressource précieuse. II est vrai qu'un grand nombre de ces tisserands se sont expatriés ; mais beaucoup d'entre eux, qui sont chefs de famille, ont laissé dans le pays femmes et enfants. Ce sont autant de personnes qui tombent à la charge de la bienfaisance publique. J'espère que la ville de Renaix ne sera pas oubliée dans la répartition du fonds que le gouvernement va avoir à sa disposition.

Je prie M. le ministre de l'intérieur de s'entourer de tous les renseignements, pour qu'une juste distribution se fasse du crédit de 500,000 fr. ; qu'aucune des localités qui souffrent par suite de la crise industrielle du coton ne soit exclue. Malgré l'étendue de ses besoins, il ne faut pas que tout le crédit soit alloué à la seule ville de Gand.

Il ne faut pas que le gouvernement, pour faire cette répartition, se préoccupe de craintes de tumultes qui peuvent surgir dans les grands centres de population. A la vérité il est d'une bonne politique de prévenir les manifestations tumultueuses, mais les populations paisibles, les populations moins concentrées et dont on n'a pas à craindre de semblables écarts ne doivent pas être sacrifiées. J'appelle sur ce point toute l'attention de M. le ministre de l'intérieur et j'espère qu'il fera une répartition très équitable du crédit de 500,000 fr.

M. Vander Donckt. - Messieurs, je viens appuyer de tous mes (page 38) moyens les observations que l'honorable M. Magherman vient de présenter au sujet des populations de Renaix et de ses environs.

Je ne sais jusqu'à quel point le crédit proposé par le gouvernement suffira pour venir en aide à tant et de si grandes misères qui règnent aujourd'hui dans différentes localités par suite de la disette du coton, mais il est certain que la ville de Renaix est une de celles qui travaillent le plus dans cette partie, eu égard à sa population. Les villes d'Audenarde et de Saint-Nicolas se trouvent dans le même cas.

Evidemment ce n'est pas pour la seule ville de Gand, comme on l'a dit, que la somme de 500,000 fr. nous est demandée, mais c'est bien pour que toutes les localités qui travaillent le coton puissent en avoir leur part. Or, évidemment la ville de Renaix se trouve au premier rang ; je le répète, la population de cette localité qui travaille le coton est très considérable ; elle est généralement indigente, et le bureau de bienfaisance ne dispose que de ressources très restreintes. Par conséquent la ville de Renaix mérite à tous égards l'attention de l'honorable ministre de l'intérieur, à qui je recommande spécialement ces populations intéressantes.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Le projet qui vous est soumis, messieurs, n'a pas besoin, je crois, d'être défendu ; présenté par l'honorable M. Jamar, le rapport répond suffisamment aux objections qui ont été faites en section centrale. Je ne prends donc la parole que pour répondre quelques mots aux honorables MM. Magherman et Vander Donckt.

La Chambre pourra remarquer que le crédit n'est pas demandé pour venir en aide à une seule ville. L'intervention de l'Etat est assurée indistinctement à toutes les localités où sévit la crise cotonnière. Mais il est bien entendu que cette intervention sera proportionnée aux besoins.

Ainsi, la ville de Gand, qui a été plus particulièrement éprouvée, ne recevra sans doute pas le crédit entier ; cette ville qui est le centre de l'industrie cotonnière et où sévit plus particulièrement la misère, obtiendra une grande part des 500,000 francs demandés. Mais on n'oubliera ni Saint-Nicolas, ni Renaix, ni aucune autre localité se trouvant dans la même situation que la ville de Gand.

Cependant, on ne doit se méprendre ni sur la portée du projet de loi ni sur le mode de distribution des subsides. Ce serait, en effet, une erreur de croire, comme semble le penser l'honorable M. Magherman, que l'Etat donnera aux communes une certaine somme pour être distribuée en secours, en aumônes, par exemple, à des familles qui seraient privées de leurs chefs. L'honorable M. Magherman a appelé l'attention du gouvernement sur la position des familles dont les chefs, ouvriers tisserands, ont quitté Renaix pour aller travailler ailleurs. Le crédit de 500,000 francs n'est pas destiné à donner des secours à ces familles, l'Etat n'interviendra que pour stimuler autant que possible le zèle des administrations communales qui voudraient entreprendre des travaux publics ; déjà la ville de Gand a présenté un projet qui permettra d'occuper un grand nombre de bras dans cette localité ; j'attendrai les projets qui pourront être également soumis par les villes de Renaix, Saint-Nicolas ou d'autres localités ; et s'ils sont de nature à être approuvés, je me ferai un devoir d'accorder des subsides à ces administrations communales.

M. Magherman. - En signalant à M. le ministre de l'intérieur la situation de la ville de Renaix et spécialement ce qui concerne le fait de l'émigration de plusieurs chefs de famille, je n'ai nullement eu l'intention de demander que des secours fussent alloués directement aux bureaux de bienfaisance pour être distribués aux familles nécessiteuses. L'exposé des motifs et le rapport de la section centrale m'ont parfaitement appris que le crédit de 500,000 fr. est destiné à favoriser l'exécution de travaux publics.

Mais si la ville de Renaix reçoit sa juste part dans le fonds destiné à être converti en travail, il en résulte que les ouvriers valides devront recevoir moins du bureau de bienfaisance et que celui-ci pourra consacrer une plus forte partie de ses ressources à soulager les familles privées de leurs chefs. Voilà le sens des paroles que j'ai prononcées, mais je n'ai nullement voulu engager le gouvernement à entrer dans la voie funeste des secours directs distribués aux indigents.

M. J. Jouret. - Je n'avais nulle intention de prendre la parole dans cette discussion ; mais, en entendant M. le ministre de l'intérieur dire aux honorables MM. Magherman et Vander Donckt que les populations ouvrières d'Audenarde et de Renaix ne seraient pas oubliées dans la distribution du subside en discussion, j'ai pensé qu'il était nécessaire que je vinsse, à mon tour, le prier de ne pas oublier les populations ouvrières de la ville industrielle de Braine-le-Comte qui est dans une position tout aussi malheureuse que celles des villes d'Audenarde et de Renaix. J’espère que M. le ministre de l'intérieur n'oubliera pas plus la ville de Braine-le-Comte que les autres localités du pays éprouvées par la crise industrielle qui sévit actuellement.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je tiendrai compte des observations présentées par M. J. Jouret ; les intéressantes populations de Braine-le-Comte ne seront pas plus oubliées que celles de Renaix et de Saint-Nicolas. J'attendrai que les administrations communales m'adressent des demandes.

-La discussion est close.

Vote de l’article unique et vote sur l’ensemble

Il est procédé à l'appel nominal sur l'article unique du projet ainsi conçu :

« Article unique. Il est ouvert au département de l'intérieur un crédit spécial de cinq cent mille francs (fr. 500,000), pour aider à l'exécution de travaux publics d'utilité communale, dans les localités atteintes par la crise de l'industrie cotonnière.

« Ce crédit sera prélevé sur les ressources ordinaires de l'Etat. »

Voici le résultat de l'appel :

69 membres répondent à l'appel.

65 répondent oui.

4 répondent non.

La Chambre adopte ; le projet de loi sera transmis au Sénat.

Ont répondu non : MM. Frison, Julliot, Pirmez et Sabatier.

Ont répondu oui : MM. Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Volxem, Vilain XIIII, Bara, Carlier-Dautrebande, Crombez, Cumont, de Baillet-Latour, de Boe, de Breyne, de Brouckere, de Decker, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Mérode, de Montpellier, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Renesse, de Ridder, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Terbecq, de Theux, de Vrière, Dolez, B. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Loos, Magherman, Moncheur, Muller, Orban, Pirson, Rodenbach, Rogier, Tesch, Van Bockel, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van de Woestyne et E. Vandenpeereboom.

Motion d’ordre

M. Goblet. - Je désirerais obtenir de M. le ministre des finances quelques explications sur des faits posés par des employés de son administration, faits qui, jusqu'à preuve contraire, me paraissent avoir une gravité réelle. Un colis de livres venant de l'Allemagne, adressé à une des principales librairies de cette ville, la maison Verbouckhoven, Lacroix, etc., a été détaché d'un colis principal et retenu préventivement à la douane. Je désirerais savoir de quel droit l'administration et par suite de quelles instructions les employés se fondent pour en agir de la sorte.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il existe des instructions, qui remontent, je pense, à 1853, - je n'ai pas eu le temps de vérifier la date, bien que les journaux se soient occupés du fait dont il s'agit - et qui prescrivent aux agents de la douane d'avertir leurs chefs lorsqu'on présente à l'importation des objets dont l'introduction pourrait présenter quelques inconvénients pour le pays, ou même constituer des crimes ou délits.

Je crois que des mesures analogues existent à peu près partout.

Il y a quelque temps un colis fut présenté en douane ; il contenait des livres qui, m'a-t-on dit, étaient des livres obscènes. Ce colis était adressé à un libraire de cette ville.

On s'est rendu chez le libraire pour s'assurer si en effet ce colis lui était destiné, et s'il avait commandé ces livres.

Ce libraire, d'après les renseignements qui m'ont été transmis, a répondu qu'il n'avait point commandé de pareils livres, qu'il n'entendait pas les recevoir et qu'il était reconnaissant de l'avis qu'on lui donnait.

En conséquence, le colis a été réexpédié vers la Prusse.

Depuis lors, un colis de livres de même nature, si ce ne sont les mêmes, a été présenté à la douane, cette fois à l'adresse d'un autre libraire.

Les employés, remplissant leur devoir, ont donné information du fait au destinataire. Celui-ci ayant formellement réclamé la marchandise, les livres lui ont été délivrés.

Voilà, messieurs, tout ce qui s'est passé.

Je ne pense pas qu'il y ait là quelque chose à incriminer.

M. Goblet. - Messieurs, avant d'entrer dans la discussion de droit, je commencerai par rectifier le fait qui termine l'exposé de M. le ministre des finances.

(page 39) Voici une lettre du libraire, écrite ce matin à 10 heures et dans laquelle il déclare qu'il n'a reçu aucune réponse à sa première lettre envoyée il y a plusieurs jours et qu'il n'a pas encore aujourd'hui reçu le colis.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Maintenant ?

M. Goblet. - Oui ce matin. Le colis était encore à l'entrepôt où il se trouve depuis le samedi 13. Malgré ses réclamations formelles, on n'a pas daigné lui répondre. Cette réclamation est conçue en ces termes :

« M. le directeur de la douane,

« Nous sommes bien surpris du refus de vos subordonnés de nous délivrer le colis qui se trouve à l'Entrepôt pour nous. Nous ne sachions pas qu'il existe en Belgique un texte de loi qui confère aux employés de la douane le droit exorbitant d'empêcher l'importation de livres publiés à l'étranger, quels qu'ils soient. Le ministère public a seul le droit de poursuivre les livres qui portent atteinte à la morale publique, et seulement lorsque ces livres ont été exposés en vente.

« Nous venons donc vous prier, M. le directeur, de vouloir nous faire délivrer le colis qui nous est adressé, vous déclarant que si l'administration à la douane persiste dans son refus, nous l'en rendons responsable et nous nous pourvoirons devant l'autorité compétente.

« Nous vous prions d'agréer, M. le directeur, l'expression de notre parfaite considération.

« Signé : A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie.

« P. S. En maintenant notre droit absolu à la délivrance du colis dont s'agit ci-dessus et dont le prix a été payé anticipativement à l'expéditeur, nous voulons, en même temps que sauvegarder nos intérêts pécuniaires, affermir et faire reconnaître un principe incontestable de notre droit public.

« Signé : A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie. »

Messieurs, je ne sais pas quels sont ces livres. Je n'en connais pas le titre, le libraire lui-même n'a fait qu'exécuter une commission venue de l'étranger, mais je pose en fait que l'administration, en vertu d'une circulaire quelconque, n'a pas le droit d'expulser un livre, quel qu'il soit.

On me dit qu'en vertu de certaines instructions, on prend connaissance des livres introduits en Belgique, mais messieurs, c'est là la censure rétablie sous une forme détournée.

Vous recevez des livres et vous n'attendez même pas l'avis de celui à qui ils sont expédiés pour les réexporter, car lorsque les employés du libraire se sont présentés à l'Entrepôt pour avoir le colis, il était déjà replombé et prêt à partir par le convoi de quatre heures. Le destinataire n'a pas été mis en possession de son envoi, qu'on lui enlevait à son insu.

Y avait-il délit ? Non, attendu que je ne connais pas de loi qui défende et punisse l'introduction de livres en Belgique. Le gouvernement n'a pas à s'immiscer dans l'introduction de livres à quelque titre qu'elle se fasse. Si un libraire reçoit des livres obscènes et s'il les met en vente, s'il les colporte, le ministère public poursuivra et le fera condamner, aux termes de la loi. Mais l'administration n'a rien à y voir.

Je dis que si, au nom de la morale publique que vous n'êtes pas chargés de défendre, vous excluez un livre, vous pourrez en exclure d'autres au nom de la religion, au nom de la politique, au nom de la philosophie, et c'est là un droit qui ne vous appartient pas.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On n'exclut pas le livre.

M. Goblet. - Vous n'excluez pas le livre, mais vous le renvoyez, et de quel droit ? C'est une mesure préventive, car si vous ne punissez pas le libraire qui n'a pas reçu le livre, vous punissez le livre en le renvoyant. Et lorsque le Congrès a pris ce décret fondamental sur la presse, si célèbre, si libéral, n'a-t-il pas voulu protéger la presse contre toute espèce de vexation ? Il l'a dit formellement ; il ne s'est pas contenté d'à peu près.

Toute loi, toute disposition qui gêne la libre manifestation des opinions et des doctrines par la voie de la parole, de l'enseignement, de la presse, a été formellement abolie ; et je ne comprends pas qu'on puisse, après cela, par une circulaire ministérielle, entraver la liberté de la presse. Car c'est ici évidemment une entrave mise à la liberté de la presse. Il est évident que vous vous faites juge du livre sur lequel cette entrave est jetée.

On prétend que le libraire a été averti et que son colis lui a été remis. Il n'en est rien ; ce colis est à la douane, malgré la protestation du libraire auquel il n'a pas été répondu le moins du monde.

Il est évident que la censure étant supprimée en Belgique, aucune prohibition de ce genre ne peut être rétablie dans notre système douanier. Le gouvernement n'avait pas le droit d'arrêter un seul instant ce colis et il n'avait pas à en connaître le contenu.

Déclarer maintenant qu'on est disposé à rendre le colis, n'en établit pas plus le bien-fondé de l'obstacle mis par la douane à la livraison. C'est là, je le répète, un acte contraire à la liberté de la presse, et de ce que l'on reconnaisse que l'on doive revenir sur ses pas, cela ne prouve pas que l'administration ait le droit de s'engager dans cette voie. La circulaire de 1855 n'est donc pas légitimée pour moi, elle est évidemment contraire à nos principes de liberté de la presse.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il paraît que le siège de l'honorable préopinant était fait, et qu'il ne veut rien y changer. Mais je ne vois pas qui il attaque, ni qui il peut avoir raison d'attaquer. Je ne sais à qui s'adresse la défense des principes que vous venez d'entendre.

Je viens de dire à l'honorable membre que, du moment où le libraire auquel les livres étaient destinés avait réclamé, ordre avait été donné de les lui délivrer.

Le gouvernement ne prétend pas empêcher la circulation des livres ; il ne prétend pas exercer une censure préventive ; il n'élève aucune des prétentions que combat l'honorable préopinant.

Si je venais prétendre que le gouvernement a le droit d'empêcher la circulation de certains ouvrages, qu'il aie droit, lorsqu'il rencontre à la douane des livres, même obscènes, de les saisir, l'honorable membre me répondrait avec raison : Non, vous ne le pouvez pas ; vous n'avez, vous douane, aucune espèce de qualité pour procéder ainsi. Si ces livres sont mis en vente, la police agira, le ministère public exercera des poursuites. Tout cela est parfaitement vrai ; mais cela ne s'applique pas le moins du monde à la situation qui se présente. Je déclare que du moment où le libraire a réclamé, ordre a été donné de lui délivrer les livres, et je ne conteste aucun des principes que l'honorable membre défend ; il devrait donc se tenir pour satisfait.

Reste un fait. L'honorable membre dit qu'il tient à la main une lettre écrite ce matin par le destinataire, dans laquelle il déclare qu'à l'heure où il écrit, les livres ne lui ont pas encore été remis. Je ne sais si cette allégation est exacte, mais je me permets d'en douter.

Il y a, je crois, trois ou quatre jours que ce fait s'est présenté. J'ai reçu du directeur des douanes à Bruxelles la lettre d'avis, au moment où je me rendais à la Chambre ; le lendemain matin, ordre a été donné par moi-même, au directeur général, de faire délivrer le colis ,et je crois qu'il doit y avoir erreur de la part de l'honorable membre, car pour autant que ma mémoire me serve, la lettre dont il vient de donner lecture est la même que celle qui avait été adressée au directeur de la douane.

M. Goblet. - J'ai une autre lettre, mais je ne l'ai pas lue pour ne pas allonger outre mesure le débat.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Maintenant a-t-on retardé la remise du colis ? Je l'ignore ; mais il n'y avait aucune espèce de raison de le faire. Ordre a été donné de le délivrer, il doit être délivré. Je verrai pour quel motif il ne l'a pas été.

M. Goblet. - Je suis heureux des explications données par l'honorable ministre des finances et je suis surtout heureux de voir que la mesure prise par l'administration est peut-être le résultat d'une erreur, mais qu'elle ne peut en aucun cas être attribuée à une volonté arrêtée d'appliquer un règlement inconstitutionnel. Quant au fait, voici une lettre écrite de Bruxelles le 25 septembre à 10 heures du matin et qui se termine ainsi :

« Nous attendons en vain le résultat de notre réclamation (25 novembre, 10 heures du matin) ; à cette heure, le colis ne nous a pas encore été délivré, aucune réponse officielle n'a fait droit à notre protestation. L'acte arbitraire subsiste donc. »

Vous voyez donc, M. le ministre, que si vous étiez parfaitement en droit de dire que le retard ne provenait pas de vous, je suis parfaitement en droit de demander pourquoi le colis n'a pas encore été remis.

Projets de loi de naturalisation

M. de Brouckere dépose 21 projets de lois de naturalisation.

Projet de loi autorisant le gouvernement à contracter certains marchés pour une période de 5 ans

Rapport de la section centrale

M. Jamar dépose le rapport de la section centrale sur le projet de loi autorisant les ministres à contracter pour 5 ans pour la fourniture des impressions.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et les met à la suite de l'ordre du jour.

Projets de loi de naturalisation

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ayant pour objet d'accorder la naturalisation ordinaire au sieur Salamé. Il est ainsi conçu :

« Vu la demande du sieur Michel Salamé, vice-consul de Belgique à (page 40) Damiette (Egypte), né en l’année 1800, à Rosette (Egypte), tendante à obtenir la naturalisation ordinaire ;

«Attendu que les formalités prescrites par les articles 7 et 8 de la loi du 27 septembre 1835 ont été observées ;

« Attendu qu'il y a lieu de dispenser le pétitionnaire des obligations imposées par l'article 5, en tant qu'il concerne la résidence, les articles 10 et 11 de la même loi et l'art,icle4 de la loi du 15 février 1844.

« Les Chambres ont adopté et Nous sanctionnons ce qui suit :

« Art. 1er. La naturalisation ordinaire est accordée au sieur Michel Salamé. »

- Adopté.

« Art. 2. La déclaration d'acceptation de cette naturalisation aura lieu dans le délai de six mois, par devant le consul général de Belgique à Alexandrie, qui est chargé d'en dresser procès-verbal sur les registres du consulat général et d'en transmettre expédition à Notre ministre de la justice. »

- Adopté.

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté, à l'unanimité des 70 membres présents.

Ce sont : MM. Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Volxem, Vilain XIIII, Ansiau, Carlier-Dautrebande, Crombez, Cumont, de Baillet-Latour, de Boe, de Breyne, de Brouckere, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Mérode, de Montpellier, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Renesse, de Ridder, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Terbecq, de Theux, de Vrière, Dolez, B. Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Loos, Magherman, Moncheur, Muller, Nothomb, Orban, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Thibaut, Van Bockel, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van de Woestyne et E. Vandenpeereboom.


M. le président. - Voici le rapport sur la demande en naturalisation du sieur Constant Bostoen :

« Messieurs,

« Le sieur Bostoen est né à Winckel-Saint-Éloy le 1er août 1841, a pris du service en France le 20 mars 1860, à l'âge de dix-huit ans. Il conste de son congé définitif qu'il a quitté ce service le 22 février 1862, c'est-à-dire avant même qu'il eût atteint sa majorité, qu'il n'accomplira qu'au mois d'août prochain.

« Incapable, au moment de son engagement, à raison de sa minorité, de poser aucun acte qui pût compromettre ses droits civils, il avait même rétracté son engagement au service étranger, par son retour dans sa patrie avant sa majorité.

« Votre commission, messieurs, mue par les mêmes motifs qui l'ont déterminée à vous proposer l'ordre du jour sur les pétitions des sieurs Baudoux et Taquin (n°163), a l'honneur de vous proposer également de passer à l'ordre du jour sur la pétition du sieur Bostoen, attendu qu'il n'a pas perdu la qualité de Belge. »

- Les conclusions de ce rapport sont mises aux voix et adoptées.

Prise en compte de demandes en naturalisations

Vote pour la prise en considération de la demande de grande naturalisation du sieur Charles-Adolphe-Narcisse Mayaudon

Nombre de votants, 60

Boules blanches, 51

Boules noires, 9.

En conséquence, la demande est prise en considération. Elle sera transmise au Sénat.


Vote sur la prise en considération de la demande de grande naturalisation du sieur Charles-Louis Defruyt

Nombre de votants, 59

Boules blanches, 58

Boules noires, 1

En conséquence, la demande est prise en considération. Elle sera transmise au Sénat.

- La Chambre décide qu'elle se réunira demain en séance publique à 3 heures.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.