(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)
(page 1613) Présidence de (M. E. Vandenpeereboom, premier vice-président.
M. de Moor, secrétaire, procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. Thienpont, secrétaire., donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moor, secrétaire, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Baudoux présente des observations à l'appui de sa demande tendante à recouvrer la qualité de Belge. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Le sieur Wery, greffier de la justice de paix du canton de Fléron, déclare adhérer aux observations de ses collègues de l'arrondissement de Namur sur le projet de loi relatif à l'organisation judiciaire.
- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi.
« Le sieur Merganck demande que le projet de loi sur l'organisation judiciaire porte le traitement des secrétaires de parquet des tribunaux de première instance au taux de ceux des commis greffiers attachés à ces tribunaux.
« Même demande des sieurs Cailliau et Sterpenich. »
- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi sur l'organisation judiciaire.
« Le conseil communal de Heppen prie la Chambre d'accorder au sieur Missallc-Vifquin, la garantie d'un minimum d'intérêt de 4 p. c. sur un capital de 5,330,000 francs, pour la construction d'un chemin de fer de Hasselt à la frontière hollandaise. »
« Même demande des conseils communaux de Beverloo, Lommel, Stockroy.»
- Renvoi à la commission des pétitions.
« MM. de Renesse, Van Overloop et Orban, obligés de s'absenter, demandent des congés. »
- Accordé.
M. de Bronckart. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau divers rapports sur des demandes de naturalisation ordinaire.
- Ces demandes seront portées sur un prochain feuilleton.
M. Jamar (pour une motion d’ordre). - Messieurs, nous avons depuis fort longtemps à l'ordre du jour un assez grand nombre de projets de loi de naturalisation ordinaire qui n'ont pu être examinés jusqu'à ce jour par la Chambre, les prompts rapports absorbant généralement toute la séance du vendredi.
Je pense qu'il serait convenable que la Chambre consentît à intervertir son ordre du jour et à commencer par voter les projets de naturalisation.
- Plusieurs membres. - Non ! non !
- D'autres membres. - Appuyé !
M. Jamar. - Puisqu'il y a opposition, je n'insiste pas.
(page 1621) M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Courtrai, le 12 juin 18G2, les sieurs Soudan-Vercruysse, Durieu, Devos et Debboudt-Bzck réclament contre la conduite tenue par le bourgmestre de Kerkhove (arrondissement de Courtrai), lors de la confection des listes électorales de cette commune.
Par pétition datée de Gand, le 24 avril 1802, des habitants de Gand appellent l'attention de la Chambre sur des faits qui ont été constatés dans cette ville, à l'occasion de la révision des listes électorales, et prient la Chambre d'aviser aux moyens d'assurer la pratique sincère et loyale de nos institutions constitutionnelles.
Messieurs, ces deux pétitions ayant toutes deux pour objet le redressement d'irrégularités qui se sont glissées dans la confection des listes électorales à Courtrai et à Gand, elles sont comprises dans un même rapport.
Il paraît que dans la première pétition il y a eu d'abord réclamation de plusieurs électeurs, et surtout d'un sieur de Mullié, de Courtrai, contre la confection des listes électorales dans la commune de Kerkhove. Il y a eu même des exploits par huissier signifiés au bourgmestre, qui paraît n'avoir eu aucun égard ni donné, aucune suite aux réclamations des pétitionnaires.
Messieurs, votre commission n'a pas pu examiner le bien fondé et l'exactitude de toutes ces réclamations.
Mais il paraît cependant que la conduite de M. le bourgmestre n'a pas été des plus régulières dans cette affaire puisqu'il a refusé toute espèce de satisfaction et qu'il a refusé de statuer et même de rendre les pièces à l'appui que les pétitionnaires avaient jointes à leurs réclamations.
Votre commission, dans cette occurrence, vous propose le renvoi de ces pétitions à M. le ministre de l'intérieur.
Quant à la pétition de Gand, messieurs, elle a été imprimée et distribuée à tous les honorables membres de cette Chambre, qui ont pu prendre communication de son contenu.
Une pétition identique a été présentée au Sénat.
La commission du Sénat a examiné déjà cette pétition ; elle en a fait l'objet d'un rapport présenté dans la séance du 6 mai dernier, mais le Sénat n'a pas encore statué sur les conclusions proposées par sa commission qui tend au renvoi à M. le ministre des finances.
- Quelques membres. - De l'intérieur.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Non, je comprends que les honorables membres qui m'interrompent n'ont pas lu le rapport du Sénat inséré aux Annales parlementaires ; il conclut au renvoi à M. le ministre des finances, attendu que les griefs articulés sont principalement dirigés contre les receveurs, les contrôleurs et autres agents des contributions, à qui l'on reproche d'avoir commis des erreurs dans les renseignements qui ont servi de base à la confection des listes électorales. On leur reproche surtout d'avoir contribué ainsi à la radiation de certains électeurs, qui payaient le cens voulu et qui, pour les années antérieures, se trouvaient portés sur les listes électorales.
La commission, messieurs, vous propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
M. le président. - La parole est à M. H. Dumortier sur la première des pétitions.
(page 1613) M. H. Dumortier. - Les faits qui sont relatés dans cette pétition, me sont personnellement connus, ils ne manquent pas d'une certaine gravité, puisqu'ils touchent à une de nos lois organiques, la loi électorale. Je me permettrai donc de faire connaître ces faits à la Chambre et je le ferai de manière à éviter que ce débat ne prenne un caractère irritant. Il ne s'agit pas, d'ailleurs, d'une question de parti, mais d'une question de justice, de loyauté.
Messieurs, il est de notoriété publique dans le canton d'Avelghem que la liste électorale de la commune de Kerkhove contient un certain nombre d'électeurs indûment inscrits.
Cet état de choses durait déjà depuis plusieurs années lorsque, au mois de mai dernier, à l'époque de la révision des listes électorales, on a cru devoir réclamer à ce sujet. M. Dumulié a adressé à l'administration communale de Kerkhove dix réclamations, selon moi, parfaitement motivées, régulières dans la forme, et auxquelles étaient jointes toutes les pièces sur lesquelles il s'appuyait pour démontrer que quelques personnes n'ont pas le droit de figurer sur la liste électorale de cette commune.
Je ne m'explique pas comment M. le bourgmestre de Kerkhove s'est cru autorisé, non pas seulement à repousser ces réclamations, mais à refuser avec persistance d'y donner aucune suite, et de restituer au réclamant les documents produits, afin qu'il pût se pourvoir en appel auprès de la députation permanente.
Tous ces faits sont authentiquement consignés dans des exploits d'huissier dont copies sont jointes à la pétition.
Lorsque le délai, endéans lequel le collège échevinal aurait dû statuer, était à peu près écoulé, on s'est rendu chez M. le bourgmestre de Kerkhove (homme parfaitement honorable, au reste), pour lui demander d« nouveau s'il lui plairait de faire statuer sur ces réclamations ; et, en tout cas, s'il voulait restituer les pièces justificatives.
M. le bourgmestre s'est constamment borné à répondre qu'il ne s'occupait pas de cette affaire, qu'il n'avait pas de réponse à donner, que le collège échevinal ne statuerait pas, qu'il n'avait pas de pièces à restituer, etc., etc.
Est-ce là, je le demande, une conduite à tenir par des administrateurs qui comprennent l'importance et la dignité du mandat dont ils sont investis ?
Dans cette situation, il ne restait plus au réclamant qu'une chose à faire, c'était de se pourvoir en appel quand même ; c'est ce qu'il a fait. La députation est saisie de ces réclamations.
Ces faits ont paru graves à M. le ministre de l'intérieur, et dès qu'il lui en a été donné connaissance, je lui rends cette justice, il a immédiatement donné ordre à M. le commissaire d'arrondissement de faire une espèce d'enquête pour établir la vérité des faits énoncés.
Le bourgmestre de Kerkhove n'a pas trouvé d'autre moyen d'excuser une conduite inexcusable qu'en donnant les raisons pitoyables que je vais indiquer : il a dit qu'il n'avait pas restitué les pièces, parce que l'huissier qui les demandait n'avait pas offert une décharge du récépissé que lui-même avait donné. Or, l'honorable rapporteur a lu les exploits de l'huissier, où il est formellement dit qu'il offrait de délivrer au bourgmestre un récépissé en due forme. Quant à la question de savoir pourquoi le collège échevinal avait refusé de statuer, le bourgmestre a prétendu que le réclamant n'avait pas fait signifier aux électeurs inscrits, qu'il demandait la radiation de leur nom à l'autorité communale. Vous savez tous, messieurs, et le bourgmestre de Kerkhove aussi, qu'aux termes formels de l'article 12 de la loi électorale, il ne peut être question de signification à faire que pour l'instance en appel auprès de la députation permanente, et on comprend fort bien qu'alors le réclamant soit obligé d'avertir l'intéressé pour qu'il puisse préparer ses moyens de défense, s'il le juge utile. Ce moyen d'excuse n'est donc pas sérieux.
Voilà, messieurs, en substance, toute cette affaire.
Je ne veux pas faire ici de récrimination ; mais nous manquerions à tous nos devoirs si nous laissions mettre nos commettants hors la loi, sans protester contre de pareils dénis de justice ; cela ne s'est jamais vu sous aucun ministère. J'ai assez de confiance dans la loyauté de M. le ministre de l'intérieur pour être convaincu qu'ils ne seront pas tolérés aujourd'hui.
Je pourrais invoquer ici l'application de l'article 56 de la loi communale et demander la suspension du bourgmestre. On a appliqué cet article dans des cas moins graves.
Je ne veux pas aller jusque-là. Il me suffit d'avoir exposé ces faits devant le grand juge qui est la Chambre et l'opinion publique et de les voir désapprouver par M. le ministre et par la législature. Le reste nous importe peu.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Comme vient de le dire l'honorable M. Henri Dumortier, toutes les questions qui touchent au droit électoral, c'est-à-dire à la base de notre régime constitutionnel, sont des questions importantes, et parfois très délicates. Quand des questions (page 1614) semblables sont soulevées, je les examine sans esprit de parti et sans acception de personne.
Les faits qui font l'objet de la pétition m'ont été signalés et je n'ai pas attendu qu'une réclamation fût envoyée à la Chambre pour demander des renseignements sur cette affaire ; j'ai fait immédiatement une espèce d'enquête administrative.
Voici, messieurs, ce qui s'est passé : je laisse de côté les circonstances locales.
Une réclamation a été adressée à l'administration communale de Kerkhove contre l'inscription de dix ou douze personnes sur les listes électorales ; cette réclamation a été faille en temps utile.
Comme, quelque temps après avoir remis les pièces au secrétariat communal, ils ne recevaient pas de réponse, les réclamants ont demandé quelle suite on avait donné à leur réclamation ; le bourgmestre aurait répondu qu'on n'avait pas encore statué ou même qu'on ne statuerait pas.
Plus tard, les réclamants, désirant se pourvoir en appel devant la députation permanente, ont redemandé les pièces fournies à l'appui de leur réclamation, et l'administration communale de Kerkhove a refusé de les leur remettre.
J'ai demandé des renseignements sur ces faits. Voici les explications qui m'ont été données. J'aurai ensuite l'honneur de faire connaître à la Chambre mon appréciation sur cette réponse.
Le bourgmestre n'a pas cru devoir soumettre la réclamation à l'administration communale à cause d'un prétendu vice de forme qu'on vous a déjà indiqué ; il n'a pas appelé le collège à statuer, parce que les réclamants n'auraient pas notifié aux intéressés les motifs de leur réclamation.
En second lieu, on aurait refusé de restituer les pièces, lorsqu'on les demandait, même par exploit d'huissier, parce que les personnes venant réclamer ces pièces et l'huissier lui-même n'étaient pas porteurs du récépissé que le bourgmestre avait délivré aux réclamants, lorsqu'ils avaient déposé lesdites pièces.
Un troisième point m'avait été signalé : la liste électorale de Kerkhove, disait-on, avait été remise tardivement au commissariat d'arrondissement de Courtrai.
A ce grief l'administration communale a répondu qu'elle avait admis trois nouveaux électeurs sur la liste et qu'elle croyait qu'aux termes de la loi, elle devait afficher la liste pendant dix jours encore à l'effet de connaître s'il n'y avait pas de réclamations contre ces nouveaux inscrits.
L'administration communale de Kerkhove s'est, dans mon opinion, trompée en plusieurs points.
Elle ne pouvait pas se dispenser de statuer sur les réclamation dont il s'agit, parce qu'on n'avait pas notifié aux intéressés l'objet même de ces réclamations. On l'a déjà fait observer, cette notification ne doit être faite qu'en degré d'appel ; l'administration communale de Kerkhove était donc dans l'erreur.
D'un autre côté, il me semble qu'au moins en équité et en bonne administration, on doit toujours statuer, c'est-à-dire que l'on doit prendra une décision quelconque. On ne peut se borner à dire : Je n'examine pas votre demande, parce qu'il y a un vice de forme ; il y a toujours lieu de prendre une résolution. Ainsi le commandent les devoirs administratifs.
Quant à la restitution des pièces, il est fâcheux qu'on n'ait pas pu remettre à l'administration communale de Kerkhove le récépissé de ces pièces. Mais ce n'était pas là un motif pour refuser ces documents, surtout en présence d'une signification par huissier, qui couvrait parfaitement la responsabilité de l'administration. On aurait donc dû restituer ces documents.
Sur le troisième point, messieurs, c'est-à-dire, sur la question de savoir si l'on a déposé au commissariat d'arrondissement, en temps opportun, les listes électorales, je ne crois pas qu'il y ait là un grief sérieux.
Toutes les personnes qui se sont occupées d'administration savent qu'il est à peu près impossible, lorsqu'il y a quelques réclamations, de déposer les listes électorales au commissariat d'arrondissement à l'époque fixée par la loi.
Les réclamants disent que le 12 mai les listes électorales n'étaient pas encore déposées au commissariat d'arrondissement de Courtrai, mais veuillez le remarquer, messieurs, c'est seulement du 1er au 15 avril que les administrations communales doivent s'occuper de la révision des listes électorales. Ces listes ont été affichées, cette année, le 20 ; on avait 10 jours pour réclamer ; ce n'était donc que le 6 mai que les listes pouvaient être closes ; il fallait ensuite le temps nécessaire pour faire le travail matériel... Mais il semble qu'on n'attache pas une grande importance à cette partie de la réclamation ; je passe donc outre.
Enfin, messieurs, on reproche à l'administration de Kerkhove de ne pas avoir fait connaître sa décision aux réclamants.
Ce reproche n'est pas fondé, car cette administration n'avait pas à communiquer la décision qu'elle aurait prise.
Aux termes de la loi, les collèges échevinaux ne doivent pas notifier leurs décisions en pareille matière aux réclamants ; ils doivent seulement notifier la radiation à ceux qui en sont l'objet.
Deux faits seulement constituent donc des griefs réels.
Quant au premier, l'administration communale de Kerkhove a mal interprété la loi. Quant au second, il était de son devoir de rendre les pièces. J'ai déjà fait connaître à cette administration mon opinion à cet égard.
Mais une autre question m'avait préoccupé, messieurs, c'est celle de savoir si une administration communale agissant comme l'a fait celle de Kerkhove pouvait empêcher les intéressés de se pourvoir en temps utile en appel auprès de la députation permanente. Je ne le pense pas.
Dans le cas actuel, malgré les irrégularités qu'ils signalent, les réclamants ont pu interjeter appel, et ils l'ont fait. Il suffit, en effet, lorsqu'on n'a pas les pièces, d'adresser à la députation l'exploit d'huissier par lequel on les a réclamées. C'est alors à la députation permanente à prendre les mesures nécessaires pour pouvoir statuer en parfaite connaissance de cause.
M. Tack. - Messieurs, comme vous le voyez, l'honorable ministre de l'intérieur est d'accord avec les pétitionnaires sur les faits qui ont motivé l'envoi de leur requête.
Il est évident que l'administration communale de Kerkhove a eu tort sous un double rapport d'après M. le ministre de l'intérieur, sous un quadruple rapport d'après moi.
D'abord quant à l'objection tirée par M. le bourgmestre de Kerkhove d'un vice de forme, en ce sens que les réclamants n'auraient pas notifié aux intéressés leur réclamation adressée à l'administration communale, cette objection-là n'est pas sérieuse ; car la loi n'exige pas une pareille notification, l'honorable ministre le reconnaît lui-même. Mais vient la question de la restitution des pièces. Les réclamants, dit M. le ministre, auraient dû offrir à M. le bourgmestre de Kerkhove la restitution de son récépissé.
Or, messieurs, cela ne se fait jamais et cela n'est pas même possible et n'était surtout pas possible dans le présent cas ; je ferai remarquer que le récépissé délivré par l'honorable bourgmestre de Kerkhove figurait sur le pied de l'original de l'exploit signifié à l'administration communale de Kerkhove.
Comment voulez-vous que les réclamants eussent pu se dessaisir de cet exploit ? Ils ne le pouvaient en aucune hypothèse, puisque, en cas d'appel, cette pièce était pour eux la preuve que toutes les formalités avaient été régulièrement remplies en première instance. M. le bourgmestre de Kerkhove s'est constamment retranché derrière une seule considération : Rendez-moi mon récépissé, a-t-il dit, et je vous restituerai les documents que vous me réclamez.
Savez-vous ce que M. le bourgmestre de Kerkhove avait le droit d'exiger ? Un récépissé de la main de l'huissier ou des réclamants constatant la restitution des pièces, or, ce récépissé lui a été offert, ainsi que cela conste de l'exploit de l'huissier. Donc ici encore M. le bourgmestre de Kerkhove s'est trompé.
Quant à la communication des décisions de l'administration communale, j'ai peine à croire qu'elle ne devait pas être faite ; comment voulez-vous que le réclamant justifie son appel s'il ne connaît pas la décision du premier juge et les motifs sur lesquels elle est fondée ?
Il est vrai que la loi électorale ne le dit pas ; mais la logique le proclame. Au moins les réclamants avaient-ils le droit de savoir officiellement quelle décision était intervenue.
Comme les listes électorales n'ont pas été affichées une seconde fois, qu'elles n'avaient pas été déposées au commissariat d'arrondissement, ce moyen d'investigation leur a fait défaut et ils n'ont pas pu savoir officiellement si leur requête avait été accueillie, oui ou non.
Ainsi, ils sont restés dans le doute au moment où les délais d'appel étaient sur le point d'expirer. Donc les pétitionnaires n'ont pas tort de se plaindre qu'on ne leur ait pas fait connaître la décision qui avait été portée.
Du reste, c'est à quoi ils attachent le moins d'importance ; ils croient avoir conservé leur droit d'appel, et c'est aussi la pensée de M. le ministre.
Ce dont ils se plaignent surtout, c'est qu'on se soit refusé à statuer, et comme l'a dit M. le ministre de l'intérieur, c'est là une espèce de déni de justice ; car enfin, comme il l'a fait remarquer, on devait prendre une décision quelconque, déclarer qu'il y avait ou qu'il n'y avait pas lieu à (page 1615) accueillir la réclamation ; et puis quand les réclamants sont allés demander la restitution des pièces, et s'enquérir de la décision de l'autorité communale, il ne fallait pas les éconduire avec un laisser aller et un sans-gne trop commode, en leur disant qu'on n'avait pas même voulu s'occuper de leur réclamation.
M. Muller. - Je désire demander un renseignement aux honorables préopinants : A-t-on adressé une plainte à la députation permanente sur le refus de décision ?
M. Tack. - Oui.
M. Muller. - Si la députation a reçu une plainte, elle a dû enjoindre au conseil communal ou au collège échevinal, s'il s'agit des listes générales, de statuer sur la réclamation.
M. Tack. - Messieurs, on s'est pourvu en appel auprès de la députation permanente ; et je crois que la députation a mis l'administration communale en demeure de lui faire parvenir les documents que celle-ci détenait illégalement. (Interruption.)
Je pense que la députation permanente peut encore utilement intervenir. II y a un article de la loi qui porte que tout individu indûment omis, rayé, ou autrement lésé a le droit de se pourvoir en appel. Donc l'appel doit être possible ; il ne peut dépendre d'une administration communale de l'empêcher en refusant de statuer. D'après l'honorable M. Muller, la députation permanente pourrait encore, en ce moment, obliger l'autorité communale de Kerkhove à prendre une décision. Je ne veux pas me prononcer sur ce point, mais j'avoue qu'il serait singulier que la députation permanente décide en appel sur une question qui n'existe pas.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, je n'ai qu'une simple observation à faire en réponse à l'honorable M. Muller.
La réclamation qui nous occupe est en appel devant la députation permanente ; et cet appel a été régulièrement introduit.
Je ne pense pas que la députation doive exiger de l'administration communale de Kerkhove, une décision formelle ; cette décision résulte de la formation même des listes.
Si l'administration communale de Kerkhove a maintenu sur les listes les personnes contre lesquelles on réclamait, il est évident qu'elle n'a pas admis la réclamation. Si elle les a rayées, elle est censée au contraire l'avoir admise.
Si donc j'ai parlé tantôt d'une décision à prendre par les administrations communales sur les réclamations qu'on leur adresse, je me suis placé bien plus au point de vue des convenances administratives qu'à celui de la légalité rigoureuse, car, en droit strict, on ne doit pas prendre de décision formelle.
On prend en fait une décision en maintenant ou en rayant les individus. Je maintiens toutefois qu'il est plus convenable d'acter cette décision sur le registre des délibérations du collège des bourgmestre et échevins.
Mais les administrations communales des grandes villes peuvent-elles inscrire sur les registres toutes les décisions qu'elles prennent en pareille matière ? J'en doute.
La décision résulte de l'inscription ou de la radiation.
Dans l'espèce, il pourra évidemment être rendu justice aux réclamants, s'il y a lieu.
La faculté d'appeler n'a pu être entravée par le dépôt tardif des listes au commissariat d'arrondissement.
Le délai de 10 jours ne commence à courir que de l'époque de ce dépôt.
M. B. Dumortier. - Messieurs, ce n'est pas de cette pétition-ci que je désire entretenir la Chambre, mais de celle qui suit.
M. le président. - M. Dumortier, nous nous occupons en ce moment de la pétition de Kerkhove. Vous aurez la parole quand nous arriverons à celle de Gand.
M. B. Dumortier. - M. le président, les deux pétitions sont réunies dans le rapport. J'ai par conséquent le droit de parler maintenant, à moins que vous ne fassiez la division.
M. le président. - Nous faisons la division et je vous inscris sur la pétition datée de Gand.
M. B. Dumortier. - Nous sommes d'accord.
- La discussion est close sur la première pétition.
Les conclusions du rapport sont adoptées.
M. le président. - La discussion est ouverte sur la pétition datée de Gand.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Des habitants de Gand appellent l'attention de la Chambre sur des faits qui ont été constatés dans cette ville à l'occasion de la révision des listes électorales.
La commission conclut au renvoi de la pétition à M. le ministre des finances.
M. B. Dumortier. - Messieurs, la pétition dont il s'agit maintenant et qui figure en second lieu dans le rapport qui vient de vous être fait, est relative à un ordre de plaintes complètement différente.
Tout à l'heure il s'agissait d'une administration communale qui refusait d'exécuter la loi électorale en ce qui la concerne. Maintenant il s'agit de l'action des agents financiers dans la création des listes électorales.
Cela appartient donc à un ordre d'idées complètement différent.
Ce n'est plus l'autorité administrative, c'est l'autorité financière qui est ici mise en cause.
Voici, messieurs, le sommaire de cette pétition.
On se plaint que dans le district de Gand, les agents financiers retranchent quelque chose à certains électeurs dont la cote est supérieure au chiffre prescrit par la Constitution et par la loi électorale pour devenir électeur. Ils retranchent donc quelques francs à ces personnes de manière à les faire tomber des listes électorales alors que ces électeurs ont déclaré qu'ils voulaient payer la même contribution.-
Ainsi un homme reçoit la feuille sur laquelle il doit inscrire la somme pour laquelle il consent à être imposé, je suppose qu'il a payé 44 fr. c'est-à-dire un chiffre supérieur au sens électoral. Il inscrit sur sa cote qu'il veut être imposé comme l'année précédente. Vous savez que la loi l'y autorise. Il use de son droit en agissant de la sorte.
Que fait l'administration des finances ? Au lieu de l'imposer comme l'année précédente, elle réduit sa cote de 1 fr., de 1 fr. 50, de manière à la rendre inférieure au cens électoral, et par conséquent à le faire tomber de la liste.
Il y a là deux choses ; d'abord, un abus en ce sens qu'on réduit l'impôt d'une personne qui doit le payer et qui y consent. C'est un préjudice pour le trésor public.
Ensuite il y a abus très grave au sujet de la loi électorale puisque les administrateurs des finances en agissant de la sorte dressent des listes électorales.
On signale encore, messieurs, un autre genre d'abus, celui de la falsification de noms propres de personnes qui font leur déclaration.
Une personne est portée sur les listes sous le nom de Pierre un tel, et au lieu de l'y laisser sous ce nom on l'inscrit sous le nom de Jean un tel et dès lors elle cesse d'être électeur.
Voilà des abus d'une gravité extrême et qui sont signalés pour la première fois à cette Chambre.
Déjà j'avais entendu parler de ces abus à plusieurs reprises. J'ai entendu citer un grand nombre de faits et je suis heureux que la Chambre soit enfin saisie de cette question.
Comme l'a dit fort bien tout à l'heure M. le ministre de l'intérieur, tout ce qui touche à la formation des listes électorale, doit être traité de la manière la plus sérieuse, avec les plus grands égards pour toutes les opinions.
Or, s'il se trouve que les agents du fisc, que les inspecteurs des contributions peuvent ainsi modifier la contribution des électeurs censitaires s'ils peuvent retrancher à l'un, ajouter à l'autre, créer des électeurs de leur opinion et en supprimer de l'opinion contraire, il vaudrait mieux supprimer les élections en Belgique ou bien laisser MM. les financiers se constituer les grands électeurs du pays.
Rien ne serait plus facile avec un pareil système que de supprimer en Belgique les luttes de partis sur lesquelles repose tout gouvernement constitutionnel.
Je suis convaincu que M. le ministre des finances ignore ces faits et je les signale à sa sérieuse attention.
La pétition n'est point vague. Elle signale une série de faits. Il importe que la Chambre sache s'ils sont vrais ou non.
J'appuie donc les conclusions de la commission des pétitions, qui demande le renvoi à M. le ministre des finances, et comme M. le ministre est dans l'impossibilité de répondre maintenant sur ces faits, je demanderai qu'on ajoute : avec demande d'explication.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable M. Dumortier se trompe quand il suppose que je ne suis pas en mesure de donner des explications sur les faits dénoncés dans la pétition.
Dès que ces faits ont été signalés à mon attention, je me suis empressé de demander des explications, et je crois qu'elles sont de telle nature, que la Chambre reconnaîtra bientôt l'erreur, pour ne pas dire plus, des pétitionnaires.
(page 1616) Je m'étonne d'abord que l'honorable membre, qui appuie cette pétition, n'ait pas lu certain rapport qui a été fait au Sénat le 8 mai de cette année, sur cette même pétition.
M. B. Dumortier. - Nous ne lisons pas les documents publiés par une autre assemblée.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je m'en aperçois. Mais comme il s'agit d'une pétition qui a été adressée aux deux Chambres, et comme il avait été présenté déjà un rapport au Sénat sur cette affaire, je croyais que vous aviez lu toutes les pièces du procès.
Messieurs, ce rapport, fait dans l'ignorance des faits, sans examen spécial, sans enquête pour constater s'ils étaient exacts ou erronés, mais dans lequel on se borne à discuter les allégations mêmes des pétitionnaires, ce rapport a démontré très clairement, sur le premier fait, relatif à un sieur Passyn, que les pétitionnaires se trompaient en droit et en fait, en imputant un grief quelconque à l'administration des finances, qui n'a absolument rien à voir dans cette affaire.
Les pétitionnaires raisonnaient comme vient de le faire l'honorable M. Dumortier ; ils supposaient qu'il dépendait de l'administration des finances, des grands financiers, comme les qualifie l'honorable membre, de faire des électeurs et d'en supprimer à leur gré.
En formulant les griefs imputés à cette administration, quant au sieur Passyn, on ne s'est pas aperçu que ce ne sont pas les agents des finances, mais les répartiteurs, c'est-à-dire les agents de la commune, qui ont à statuer sur les faits rapportés par la pétition ; et que, par conséquent, le grand grief supposé, à raison duquel on accuse l'administration des finances d'intervenir dans les élections et d'employer des manœuvres frauduleuses pour supprimer des électeurs, est complètement inadmissible.
Le rapport fait au Sénat le dit en termes exprès :
« Passyn, imposé en 1860 et 1861, comme débitant de boissons, comme charpentier et comme boutiquier, ne l'est plus en 1862 que comme débitant de boissons et boutiquier, et la patente de débitant de boissons, qui était en 1861 de 30 francs, n'est plus que de 20 francs en 1862.
« Par suite de cette diminution de 10 francs, et de la suppression de 3 fr. 74 c. comme charpentier travaillant avec un ouvrier, le sieur Passyn, qui payait en 1861 45 fr. 40 c, n'en paye plus que 31 fr. 66 c. cette année.
« Les pétitionnaires appellent cette diminution un dégrèvement opéré en dépit des déclarations du contribuable : mais les pétitionnaires ignorent que si, en règle générale, la déclaration des patentables est prise pour base, il est obligatoire pour les répartiteurs et contrôleurs de s'en écarter, toutes les fois qu'ils jugent que la notoriété publique donne lieu à des doutes sur l'exactitude des déclarations, d'après les règles établies par la loi (article 22 de la loi du 21 mai 1819).
« Il n'est pas inutile non plus de faire remarquer qu'en accusant l'administration des finances de se rendre, par le système qu'on lui attribue, maîtresse absolue des élections, on commet une erreur capitale, du moins en ce qui concerne Passyn, car ce n'est pas l'administration des finances, ce sont les répartiteurs qui l'ont sublevé de la patente de charpentier travaillant avec un ouvrier, et eux seuls avaient ce droit. »
Remarquez-le bien, messieurs, tout ce raisonnement était fait dans la supposition que l'une des allégations était exacte, c'est-à-dire que, contrairement à la déclaration signée par le contribuable, on l'avait classé autrement qu'il ne devait l'être d'après cette déclaration. Eh bien, cette allégation est matériellement inexacte. J'ai réclamé des renseignements, et voici ce qui résulte de l'enquête :
« Il est inexact de dire que c'est par le fait des agents chargés de la classification des patentables, que le sieur Edouard Passyn n'a plus été imposé, en 1862, comme charpentier. Il résulte en effet de sa propre déclaration, entièrement écrite de sa main, que ce contribuable, qui avait déclaré en 1861, exercer la profession de charpentier avec un ouvrier, a pour l'année courante déclaré exercer cette même profession sans ouvrier. Dès lors l'exemption stipulée par l'article premier de la loi du 22 janvier i849 lui devenait applicable.
« Quant à la diminution qu'a subie sa cotisation comme débitant en détail de boissons alcooliques, il est à remarquer que le débit du sieur Passyn, qui n'a jamais eu d'importance, a encore diminué par suite de son transfert dans une autre maison. Il appartient d'ailleurs au collège des répartiteurs et au contrôleur des contributions de déterminer la classification des débitants dont il s'agit, suivant leurs connaissances locales et les renseignements dont ils s'entourent, et je certifie que, dans ce cas particulier du sieur Passyn, aucune divergence d'opinion ne s'est élevée au sujet de la cotisation à lui assigner. »
Ainsi, le fait allégué est matériellement inexact ; et, fût-il vrai, on en a tiré de fausses et d'absurdes conséquences, car, s'il existait réellement tel qu'on l'a inexactement rapporté, il n'en pourrait résulter en aucune façon que le département des finances eût pu être incriminé en ce qui concerne le fait en lui-même, pas plus qu'en ce qui concerne ses résultats possibles au point de vue de la formation des listes électorales. Je répète que la cotisation d'un patentable est le fait des répartiteurs, qui ne sont pas les agents du département des finances, mais ceux de la commune. La loi l'a voulu ainsi, pour donner aux contribuables une garantie contre tout arbitraire.
Maintenant, la commission du Sénat a fait observer, en outre, à propos de ce fait, qu'on dénonçait comme une prétendue illégalité, comme une prétendue manœuvre électorale, résultant de ce qu'on aurait réduit la patente ou le droit le débit que devait payer cet individu d'un autre chef, en vue de le priver de son droit électoral, cette commission, dis-je, fait remarquer qu'une telle accusation ne peut se soutenir.
En effet, il est établi, par les propres allégations de l'intéressé, que cette réduction était inutile pour lui faire perdre son droit électoral ; la seule réduction résultant de sa propre déclaration suffisait pour amener ce résultat. D'où il suit qu'on aurait ainsi commis une illégalité en frustrant le trésor d'un impôt qui eût dû lui revenir, et cela sans résultat, sans influence possible au point de vue électoral, qui fait l'unique objet de la plainte des pétitionnaires.
Voilà pour le premier fait.
Un second fait a été dénoncé ; il est relatif à un sieur Rousseau.
A propos du sieur Adolphe Rousseau, le rapport du Sénat porte ce qui suit :
« Nous estimons que l'administration des finances a commis une erreur en portant au nom de Rousseau, Jean-Baptiste, la contribution personnelle dont la déclaration avait été faite au nom d'Adolphe Rousseau et sœurs ; mais, jusqu'à preuve du contraire, nous ne pouvons admettre que ce fait a été posé méchamment et dans le but de faire rayer le sieur Rousseau de la liste électorale ; car ce dernier était en droit de réclamer sa réintégration sur la liste, en prouvant qu'il possédait les bases du cens électoral en vertu de sa patente et de sa contribution personnelle. Or, les réclamants prétendent qu'il possédait ces bases. En cas de rejet de sa demande par le collège échevinal, il pouvait s'adresser à la députation permanente, et en cas de nouvel échec de ce côté, à la cour de cassation.
« Nous croyons devoir insister sur ce point.
« La substitution du prénom du père à celui du fils, toute blâmable qu'elle puisse être, si elle a été faite dans une intention malveillante, ce qui n'est pas établi, ne pouvait enlever au fils ses droits électoraux, s'il les possédait, car l'erreur dans le rôle ne peut priver un citoyen du droit électoral. »
Voici maintenant les renseignements qui ont été fournis sur les faits, dans l'enquête que j'ai ordonnée :
« En ce qui concerne le sieur Adolphe Rousseau, qui, d'après la pétition, a été indûment rayé du rôle de la contribution personnelle, voici les faits :
« Le sieur Jean-Baptiste Rousseau, père, habitait la maison située rue Haute, n°10, avec ses deux demoiselles et son fils Adolphe prénommé, et il y est décédé, il y a quelques semaines. Cette maison était sa propriété. Par un acte de bail authentique, cité dans la pétition ci-jointe et qui a été communiqué par le fils Rousseau, le père avait donné en location à ses deux filles, le 2 janvier 1855, la maison dont il s'agit, en s'y réservant une chambre pour son usage personnel. Une clause de cet acte de bail porte, il est vrai :
« Les preneuses (les demoiselles Catherine et Pauline Rousseau) ne pourront céder leur droit au présent bail, ni sous-louer, eu tout ou en partie, sauf à leur frère Adolphe, etc. »
«Mais le prénommé Adolphe Rousseau, qui, pour engager à remplacer au rôle le nom de son père Jean-Baptiste par le sien et celui de ses sœurs, avait exhibé l'acte de bail dont il est question plus haut, n'a pas produit de pièce quelconque constatant que ses sœurs lui avaient cédé leur droit de location, d'où résulte que si c'est à tort que le père, à titre de propriétaire occupant, a été porté au rôle, ce sont les deux demoiselles Rousseau, et dans aucun cas le fils Adolphe, qui devaient y figurer, puisqu'elles sont les locataires principales (paragraphe 20 de l'instruction insérée au Recueil administratif, sous le n°505). »
M. Coomans. - Mais on a fait figurer le père.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oui, on a fait figurer le père ; mais la réclamation émanant du fils en est-elle plus fondée ?
M. Coomans. - Mais il y a toujours eu erreur quant au père.
(page 1617) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La question n'est pas là. Nous ne nous occupons pas de la question de savoir si le père avait ou n'avait pas le droit de figurer sur la liste des électeurs. Nous nous occupons uniquement de la réclamation du sieur Rousseau fils. Avait-il le droit de figurer sur la liste ? Là est toute la question.
Il résulte du passage de l'enquête que je viens de lire, que pas un acte n'établit que ses sœurs lui auraient conféré leurs droits. Mais, dans tous les cas, c'était à lui de produire les pièces nécessaires pour être inscrit régulièrement. Il n'y a là aucun grief imputable à l'administration des finances, et la réclamation n'est donc pas admissible.
Enfin, quant au troisième fait, voici ce que contient le rapport du Sénat :
« Une partie de nos observations relatives au sieur Rousseau s'applique aux sieurs Baetens et Engelbeen. L'erreur dans le rôle ne pouvant priver ces citoyens du droit électoral, il était facile aux intéressés d'expliquer l'erreur, d'établir leurs droits, s'ils les possédaient, et en cas de rejet de la demande de l'un tendante à être maintenu sur la liste, en cas de rejet de celle de l'autre tendante à y être porté, la voie d'appel leur était légalement ouverte.
« Nous concevons l'impossibilité pour un collège échevinal de porter d'office sur la liste électorale des citoyens, lorsque les rôles ne donnent pas exactement les noms et prénoms des contribuables. Mais nous ne concevons pas la négligence des citoyens à ne pas faire valoir ce qu'ils croient leurs droits, en temps utile, et de la manière prescrite par les lois. En l'absence de ces formalités, on peut supposer de l'indifférence chez ceux qui n'ont jamais exercé leurs droits, comme chez ceux qui en ont été déchus, à moins que leur silence ne soit considéré comme une approbation des décisions prises à leur égard par l'autorité communale.
« Quoi qu'il en soit, les erreurs, même involontaires, commises par les receveurs des contributions, ont pu jusqu'à un certain point motiver les plaintes des pétitionnaires ; aussi, votre commission vous propose-t-elle le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances, mais en vous faisant cette proposition, votre commission déclare qu'elle n'a rien vu dans les pièces produites qui fût de nature à justifier l'exagération des plaintes formulées. »
Voici l'explication donnée à cet égard par le rapport que je me suis fait fournir :
« Enfin, quant aux points de la réclamation concernant les erreurs de nom et de prénom, les faits signalés par la pétition sont exacts ; mais il serait souverainement injuste d'attribuer ces altérations à un désir d'enlever à qui que ce soit son droit électoral ; d'ailleurs, les parties lésées ont toujours la faculté de faire redresser les erreurs de l'espèce, en s'adressant à l'autorité communale et à la députation permanente. Des erreurs de ce genre sont presque inévitables, et sont dues, dans la plupart des cas, à l'impossibilité où se trouve le commis chargé de porter au rôle les noms des contribuables, de déchiffrer la signature et les initiales des prénoms de ceux-ci. D'ailleurs il est assez étrange que ni l'un ni l'autre de ces réclamants n'aient rétabli, l'un son véritable nom et l'autre son vrai prénom, en tête des déclarations qui leur ont été remises. »
Voilà donc, messieurs, à quoi se réduit l'affaire. Ce dernier fait est le résultat d'une erreur presque inévitable, on le comprend, dans la confection des rôles ; mais ce n'est certainement pas, comme on le prétend, une erreur qui met l'électeur à la merci de l'administration des finances. Celui qui se trouve lésé peut aisément faire rectifier l'erreur, d'abord par sa propre déclaration, puis par sa réclamation auprès de l'autorité communale, et enfin par son pourvoi devant la députation,
Il est impossible de voir, dans trois ou quatre faits isolés, se rapportant à un corps électoral composé de cinq à six mille électeurs, la pensée, de la part de l'administration des finances, de vouloir porter atteinte au droit électoral. C'est ce que le rapport du Sénat fait remarquer ; on n'a pas attaché la moindre importance aux faits qui étaient dénoncés. Jo crois qu'après ces explications, la Chambre peut ordonner le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.
M. le président. - Vous proposez le dépôt au bureau des renseignements ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai donné mes explications, je ne saurais en donner d'autres.
(page 1621) M. Vander Donckt, rapporteur. - Je ne reviendrai pas sur les premiers points, sur lesquels M. le ministre des finances a donné des explications qui tout au moins soulèvent des doutes ; mais quant au troisième et au quatrième cas relatifs au sieur Baetens qui, par erreur, s'est trouvé, sur les registres du receveur des contributions fournis à l'administration sous le nom de Pierre Baetens, l'erreur est manifeste. Il en est de même du quatrième cas relatif au sieur Engelbeen Auguste qui occupe la place d'aumônier à Gand.
Ils étaient électeurs les années antérieures et sur l'erreur d'un prénom tous deux ont été rayés de la liste. C'est tellement vrai que la commission du Sénat en est convenue dans son rapport ; elle a soigneusement examiné l'affaire. Voici ce qu'elle dit : Quoi qu'il en soit, des erreurs même involontaires commises par les receveurs des contributions ont pu jusqu'à certain point motiver les plaint s des pétitionnaires.
Il y a eu erreur, je n'accuserai pas les auteurs d'avoir agi volontairement ou méchamment. J'admets l'erreur involontaire, mais au moins il y a eu négligence.
Elle existe pour les deux électeurs que je viens de citer ; avec un peu de bon vouloir, on aurait su que le curé Baetens était électeur, comme il l'était en 1861 et les années précédentes où il a figuré sur les listes sous le nom de Jean-Baptiste Baetens et non sous le nom de Pierre Baetens.
Quant à Engelberg, c'est la même chose ; il a figuré sur la liste des électeurs de Gand comme habitant de Gand ou aumônier, il est connu non seulement de toute la ville, mais particulièrement de l'administration qui lui paye trimestriellement comme au curé la pension ou les émoluments qui leur reviennent.
Avec un peu de bonne volonté on aurait pu redresser ces erreurs. Ces erreurs, en effet, sont si manifestes, que la commission du Sénat n'a pas pu les dissimuler, quelque impartialité qu'elle ait mise dans son examen ; deux erreurs de nom ont privé deux électeurs du droit que la Constitution leur confère.
Je propose donc et j'insiste pour le renvoi à M. le ministre de ces pétitions.
(page 1617) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Voyez quel est l'objet de la pétition. On dénonce une manœuvre commise dans la ville de Gand, et qui ne tend à rien moins qu'à rendre l'administration des finances maîtresse absolue des élections à tous les degrés, etc.
Suivent les faits que vous connaissez.
Y a-t-il quelqu'un qui pusse soutenir sérieusement, après les explications que je viens de donner, qu'il y a eu manœuvre ? Le premier fait est matériellement faux, je l'ai prouvé, et fût-il vrai, les inductions qu'on en tire seraient inexactes. Quant au deuxième, j'ai démontré que celui qui se plaignait de n'avoir pas été inscrit sur la liste électorale, n'a pas justifié de son droit par pièces régulières. Quant au troisième cas, il y a eu erreur, mais rien de plus. Or, on voudra sans doute bien reconnaître que des erreurs de ce genre sont inévitables, puisqu'il s'agit pour des commis de traduire des signatures de noms et de prénoms souvent indéchiffrables, pour les inscrire sur le rôle. Ces erreurs, qui, je le répète, sont inévitables, ne sauraient constituer un grief, puisque les intéressés peuvent toujours réclamer. L'administration des finances ne peut donc en aucune façon être incriminée.
M. de Naeyer. - On aurait pu être plus attentif.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Soit ; dites qu'on recommande plus d'attention. Mais ce n'est pas ce que veulent les pétitionnaires ; ils prétendent qu'il y a eu manœuvre électorale pour mettre les élections à la merci du département des finances. C'est absurde, puisque je démontre qu'il y a toujours moyen de réclamer et de faire redresser l'erreur. Qu'on dise qu'il faut, autant que possible, éviter les erreurs ; cela va de soi ; il faut certainement empêcher, autant que possible, que des erreurs ne se commettent. Mais les erreurs commises ne constituent pas une fraude électorale.
M. Coomans. - Si nous voulions donner à la pétition la portée que vient de formuler M. le ministre des finances, je comprendrais son opposition à l'adoption des conclusions de la commission. Mais nous ne disons pas qu'il y a eu manœuvre électorale ; nous disons qu'il pourrait y avoir manœuvre électorale en pareil cas, ce qui est évident, et nous proposons le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances, pour qu'il recommande à ses agents d'être aussi exacts que possible.
Dans l'ignorance où je suis des faits, du moins en ce qui concerne ces détails, je ne pourrais pas formuler un blâme formel ; mais je dis que M. le ministre des finances devrait être le premier à accueillir le renvoi de la pétition, sous la réserve assez naturelle qu'il vient de faire.
Je reconnais à première vue que les explications données par l'honorable ministre sur les deux premiers faits sont satisfaisantes ; je m'abstiens de les contredire.
Mais, quant aux deux autres faits, les explications le sont bien moins. Ces faits ne sont pas niables, et ils sont graves. (Interruption). Oui, ils sont graves, surtout, si, comme j'ai lieu de le croire, ils ne sont pas isolés.
Un prêtre qui avait, jusqu'en 1861, payé 109 fr. de contribution, qui les paye encore, a été rayé de la liste électorale, parce qu'on s'est obstiné à l'appeler Pierre Baetens au lieu de Jean-Baptiste Baetens.
M. Muller. - Pourquoi n'a-t-il pas réclamé ?
M. Coomans. - Voilà la troisième fois que l'honorable M. Muller, s'écrie : Pourquoi n'a-t-il pas réclamé ? Je n'ignore pas que les citoyens peuvent réclamer, mais ce que je sais aussi, c'est qu'il y a un grave inconvénient à toujours forcer les citoyens à réclamer.
Avec ces mots : Réclamez, la loi est là, on nous fermerait la bouche devant les difficultés les plus graves, devant les méchancetés les plus manifestes. C'est précisément pour diminuer le nombre de cas où les citoyens ont à réclamer, qu'il faut que le gouvernement recommande une impartialité rigoureuse à ses agents. Bien des gens n'aiment pas à réclamer, la réclamation est une gêne et c'est une sorte de fraude que de commettre sciemment des erreurs qui les forcent à réclamer.
Il nous est bien permis de nous étonner un peu que ce fait de changement de prénom s'applique à des prêtres notoirement électeurs depuis longtemps.
Le premier des deux prêtres s'était toujours appelé Jean-Baptiste Baetens : il avait figuré précédemment sur les listes électorales avec ce prénom ou avec son nom de famille tout court. Le receveur des contributions l'enregistre l'an dernier sous le nom de Pierre Baetens et le collège échevinal, s'appuyant sur cette erreur facilement démontrable, biffe de la liste le nom du curé.
Même chose envers un autre électeur. C'est aussi un prêtre, un aumônier, je le lisais ; mais enfin c'est un Belge, il a payé ses contributions et il a le droit de voter pour son argent. Cet aumônier s'appelait Engelbeen.
On a respecté son prénom, mais on a mutilé son nom de famille, et d'Engelbeen on a fait Engelbort.
Encore une fois, le collège échevinal, s'appuyant sur cette erreur de l'administration des finances, erreur reconnue par celle-ci, raye de la liste électorale l'aumônier Engelbeen. Cela peut avoir eu lieu avec bonne foi, je le reconnais. Je ne puis pas apprécier les faits. Mais cela a pu aussi avoir lieu sans bonne foi, on doit l'avouer également ; et je dis que devant une (page 1618) réclamation ainsi justifiée, on ne doit pas insister sur le dépôt au bureau des renseignements, qui, nous le savons tous, d'après nos habitudes, implique une sorte de défaveur contre les pétitions.
La pétition dont nous nous occupons est signée de noms très honorables, et je demande que l'honorable ministre accepte le renvoi, bien entendu sans y attacher le blâme formel dont il nous a indûment attribué l'intention.
Je me contenterai, pour ma part, de le prier de recommander à ses agents de n'avoir pas trop de zèle, de soigner les finances de l'Etat au lieu de faire de la politique, et de laisser aux autorités communales le soin de réduire les cotes des contribuables, en cas de déclarations inexactes ou exagérées. Le département des finances n'a pas le droit de réduire les déclarations ; ce droit, purement politique, n'appartient qu'à la commune ou à la députation permanente.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, si le renvoi au ministre des finances, après les explications qui ont été données, ne signifie rien, je ne vois pas pourquoi on n'accepte pas le dépôt au bureau des renseignements. C'est exactement la même chose.
M. Coomans. - Si c'est la même chose, ne vous opposez pas à notre demande.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais je vous demanderai à mon tour pourquoi vous insistez ? Evidemment, vous entendez donner une signification quelconque à votre demande.
L'honorable M. Dumortier proposait le renvoi avec demande d'explications, parce qu'il ne savait pas que j'étais en mesure de donner des explications. Je viens de les donner, et je ne saurais rien y ajouter.
M. B. Dumortier. - Je retire la demande d'explications ; mais j'insiste pour le renvoi.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est très bien. Mais pourquoi ?
M. de Naeyer. - Parce qu'on signale des erreurs regrettables et qu'il convient qu'elles ne se renouvellent plus.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais, en réalité, vous substituez à la demande des pétitionnaires tout autre chose. De quoi les pétitionnaires ont-il saisi la Chambre ? De la dénonciation formelle d'une prétendue manœuvre électorale commise par les agents de l'administration des finances.
Vous associez-vous d'une façon quelconque à cette dénonciation ? Voilà la question, et je dis que personne n'oserait s'associer à cette dénonciation, après les explications que j'ai données.
Que signifie le renvoi au ministre des finances ? Vous me dites : C'est afin que des erreurs ne se commettent plus.
Eh bien, moi, je vous demande le renvoi aux pétitionnaires eux-mêmes pour qu'ils ne commettent pas d'erreurs.
Ainsi, j'ai sous les yeux les déclarations des pétitionnaires. On leur a adressé ces déclarations qu'ils avaient à remplir et à signer. On a, tant la manœuvre était manifeste, tant on avait mauvais dessein, parce qu'il s'agissait de deux prêtres, ce qu'on insinue très habilement, on a inscrit dans une de ces déclarations le nom de Pierre Baetens. Le particulier reçoit cette déclaration, la remplit et la signe de son nom...
M. Coomans. - De son vrai nom ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il s'agit du prénom, venez voir s'il s'agit de Pierre ou de Jean-Baptiste. Mais le réclamant ne rectifie pas ce nom erroné de Pierre Baetens.
M. B. Dumortier. - Il n'a pas le droit de rectifier un acte de l'administration.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pourquoi reçoit-il cet acte, s'il ne s'y trouve pas exactement dénommé ? Mais c'était à lui d'écrire : je ne suis pas Pierre Baetens, je suis Jean-Baptiste Baetens.
M. Coomans. - Il n'est pas forcé de le faire. Je ne l'ai pas fait non plus.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais s'il n'est pas forcé de le faire, de quoi vous plaignez-vous et de quoi se plaignent les réclamants ? Voici que, par erreur, je l'admets, on inscrit le nom de Pierre Baetens sur une déclaration ; celui qui reçoit la déclaration la signe avec quelques initiales plus ou moins inintelligibles, rend ainsi cette déclaration valable et régulière, et vous voulez faire un grief à l'administration d'avoir reproduit dans le rôle le nom de Pierre Baetens ?
M. Coomans. - Elle ne l'a fait qu'une fois.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'admets tout ce que vous voulez. Mais le silence du contribuable a induit l'administration en erreur. Et puis l'administration des finances ne fait pas les listes électorales ; elle se borne purement et simplement à envoyer le double des rôles à l'administration communale. C'était à l'administration communale à redresser l'erreur, si elle avait pu la soupçonner ; mais, comme elle ne lui a pas même été signalée, on comprend que l'erreur pouvait et devait même passer inaperçue. Par conséquent, on n'était, en aucune hypothèse, à la discrétion de l'administration des finances. Maintenant vous parlez de cet Engelbeen.
Voici les pièces, elles sont là. On a écrit, à tort, en tête de la déclaration, je l'admets encore, Auguste Engelbert ; on a remis chez lui cette déclaration qu'il avait à remplir et à signer...
M. de Naeyer. - Cela arrive à tout moment.
M. Coomans. - Il a figuré pendant plusieurs années sur les listes électorales.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Quand cela serait vrai, qu'est-ce que cela prouve contre l'administration des finances ? Est-ce que l'administration des finances s'occupe des listes électorales ?
M. Coomans. - L'administration communale s'est appuyée sur les rôles pour rayer ces électeurs de la liste.
MfFO. - Les individus au nom desquels vous vous plaignez ont eux-mêmes contribué à cette erreur, qui ne pouvait, du reste, leur causer préjudice, puisqu'ils pouvaient réclamer. Il est donc impossible d'imputer de ce chef un grief quelconque à l'administration des finances.
Maintenant, vous dites que vous voulez renvoyer la pétition au ministre des finances, pour qu'on évite de commettre des erreurs. Mais c'est la recommandation la plus constante, la plus universelle que l'on fasse, et je n'ai certes pas besoin du renvoi de la pétition pour recommander qu'on évite de commettre des erreurs.
M. Tack. - Je ne reviens pas sur tous les faits dont il a été question tantôt, mais, si j'ai bien compris l'honorable ministre des finances, il a soutenu qu'il dépendait en quelque sorte de la volonté des répartiteurs, de concert avec les agents du département des finances, de fixer la cote des contribuables en matière de patente, de personnel ou de foncier, comme ils l'entendent. Je ne puis admettre d'une manière absolue ce principe qui me paraît extrêmement dangereux s'il était mal interprêté.
Je comprends que le département des finances ou ses agents, ou les répartiteurs s'arrogent le droit, sauf réclamation, de majorer la cote quand le contribuable prétend payer une somme inférieure à celle qu'il doit ; mais je ne comprends pas qu'ils puissent, malgré le contribuable, diminuer la cote. (Interruption.) S'il me plaît de payer 50 fr. au lieu de 20, le fisc n'a rien à y voir ; il est indemne, c'est mon affaire ; cela ne concerne pas le département des finances, pas plus que les répartiteurs, cela regarde l'administration communale et la députation permanente au moment où elles ont à statuer sur les listes électorales ; ce sont elles qui décident, et elles seules, si un électeur possède les bases du cens.
C'est là, messieurs, un point essentiel, et j'y insiste pour que les paroles de l'honorable ministre ne soient pas erronément interprétées par les agents du département des finances.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ils n'interpréteront pas ainsi.
M. Tack. - Vous avez posé le principe d'une manière absolue. (Interruption.)
Vous l'avez même appliqué. Ainsi, par exemple, pour le deuxième cas, compris dans la requête, celui du co-locataire Rousseau, l'administration des finances était-elle intéressée, en quoi que ce fût, à écarter le fils Rousseau ? Au contraire, il lui offrait une garantie de plus ; au lieu de deux locataires il y en avait trois, tous trois responsables du payement de l'impôt. (Interruption.) Vous deviez suivre la déclaration qui avait été faite. Maintenant supposez que Rousseau fût un faux électeur, le premier venu pouvait réclamer contre son inscription sur les listes électorales et il avait à justifier de ses droits devant l'administration communale.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il devait prouver qu'il avait le droit de faire substituer son nom à celui de son père.
M. Tack. - N'a-t-il pas le droit de dire : Je suis sous-locataire en vertu d'un bail verbal ?
En quoi êtes-vous intéressé à écarter ce supplément de garantie ?
M. Muller. - La loi l'exige.
M. Tack. - Où cela est-il dit ?
Je ne puis, pour ma part, concéder un pouvoir pareil à l'administration. Cela pourrait dégénérer en un moyen indirect d'attribuer au département des finances le droit de juger si un individu possède, oui ou non, les bases du cens électoral. Ce serait une usurpation de pouvoir.
- La discussion est close.
M. le président. - M. le ministre propose le dépôt au bureau (page 1619) des renseignements ; les membres qui adoptent cette proposition sont priés de se lever.
- Plusieurs membres : L'appel nominal.
M. le président. - L'épreuve est commencée.
- Des membres. - La Chambre n'est pas en nombre.
M. Landeloos. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. Allard. - On ne peut pas prendre la parole entre deux épreuves.
M. le président. - Le dépôt au bureau des renseignements est adopté.
(Voir page 1619.) M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 28 mai 1862, des blessés de septembre demandent de pouvoir porter une distinction honorifique.
Messieurs, comme la Chambre n'accorde pas de distinctions honorifiques, la commission a l'honneur de proposer l'ordre du jour.
- Plusieurs membres. - L'appel nominal.
- D'autres membres. - Il n'y a pas d'opposition.
M. le président. - L'ordre du jour est adopté.
M. B. Dumortier. - Pas du tout ; nous avons demandé l'appel nominal,
M. le président. - Pour demander l'appel nominal il faut se lever à cinq. (Interruption.) L'ordre du jour a été adopté sans opposition.
M. Allard. - Il n'y a pas eu d'opposition.
M. le président. - L'ordre du jour a été prononcé et reste prononcé.
M. Coomans. - Si notre honorable président prétend que l'ordre du jour a été prononcé et que la question est vidée, je le prierai de vouloir bien nous dire pourquoi il nous a demandé si nous étions cinq pour réclamer l'appel nominal et pourquoi il a constaté lui-même que l'appel nominal vient d'être régulièrement demandé.
M. le président. - J'avais prononcé la décision, quand on a demandé régulièrement l'appel nominal.
M. Coomans. - Puisque nous sommes six à demander l'appel nominal et que l'honorable président constate que l'appel nominal a été régulièrement demandé, nous insistons pour qu'il y soit procédé. L'exécution ponctuelle du règlement est de droit quand elle est réclamée.
M. le président. - Il ne peut plus être procédé à l'appel nominal sur un objet au sujet duquel le président a prononcé régulièrement une décision.
Pourquoi demandez-vous maintenant l'appel nominal ?
M. B. Dumortier. - Pour constater que nous ne sommes pas en nombre.
M. le président. - Je le répète, l'appel nominal ne peut pas avoir lieu, en tant qu'il s'agisse des conclusions de la commission sur la pétition des blessés de septembre ; la décision a été régulièrement prononcée par le bureau ; aucun membre ne s'est levé contre ; l'ordre du jour reste maintenu.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, au mois de décembre 1860, M. le ministre de la justice a déposé un projet de loi ayant pour objet de faire interpréter l'article 69, paragraphe 2, n°8, de la loi du 22 frimaire an VII, sur l'enregistrement. Ce projet de loi a été renvoyé à une commission spéciale, qui était composée de MM. Deliége, Savart, Moncheur, Guillery, Ch. Lebeau et Nothomb.
La commission n'a pas jusqu'ici présenté son rapport ; elle est incomplète ; je prie la Chambre de vouloir bien autoriser le bureau à compléter la commission, en pourvoyant au remplacement de MM. Deliége et Savart.
Je demande aussi que la commission veuille faire un prompt rapport sur le projet de loi ; il y a véritablement urgence ; il s'agit d'une interprétation de la loi ; cette interprétation intéresse des affaires qui datent d'assez loin ; par conséquent l'administration est entravée. D'ailleurs, d'autres affaires identiques se présentent, et il est impossible d'y statuer. Je demande donc que la commission veuille se réunir immédiatement.
M. B. Dumortier. - Je demande l'appel nominal.
- Des membres. - Sur quoi ?
M. le président. - Y a-t il de l'opposition à la proposition de M. le ministre des finances ?
M. Coomans. - Oui, M. le président.
- Des membres. - Non ! non !
M. Coomans. - Je dis qu'il y a opposition et je demande la parole sur la proposition de M. le ministre des finances.
Il y va de la dignité de la Chambre. La Chambre ne peut pas siéger ni prendre de résolution quand elle n'est pas en nombre. Le règlement et le bon sens le défendent à la fois.
Evidemment elle n'est pas en nombre depuis vingt minutes. Nous l'avons fait observer quand la Chambre a voté sur la pétition gantoise, et vous savez tous en conscience que je dis vrai. Quand notre vote est unanime, je conçois que nous discutions et même que nous votions sans être en nombre, quoique le règlement s'y oppose. Mais dès qu'il y a opposition, ne fût-ce que de la part d'un seul membre, c'est un devoir de loyauté d'observer le règlement, notre loi intérieure, la seule sauvegarde des minorités parlementaires.
Je demande donc qu'on procède à l'appel nominal.
- Un membre : C'est inutile.
M. Coomans. - Je pense que chaque fois que des membres déclarent que la Chambre n'est pas en nombre, on devrait avoir égard à cette déclaration, soit pour l'admettre, soit pour la réfuter, la meilleure réfutation est l'appel nominal. Vous devez y procéder ou bien lever la séance.
M. le président. - Aux termes du règlement, je ne puis mettre une question aux voix par appel nominal, que lorsque cinq membres au moins réclament l'appel. Tout à l'heure vous n'étiez que quatre, et alors vous avez renoncé à votre demande. Si, maintenant, quatre membres veulent se lever avec vous pour demander l'appel nominal, il y sera procédé.
- Des membres. - Sur quoi ?
M. le président. - Sur la proposition de M. le ministre des finances, qui consiste à charger le bureau de compléter la commission spéciale dont il s'agit.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Quelqu'un s'oppose-t-il à cette proposition ?
M. Guillery. - Comme les objets les plus importants de l'ordre du jour sont épuisés, je demande que la séance soit remise à mardi.
M. Coomans. - La Chambre ne doit pas reculer devant un appel nominal. Nous l'avons régulièrement demandé. Je le répète, il faut procéder à l'appel nominal ou nous séparer.
M. Devaux. - Ces messieurs prétendent que nous ne sommes pas en nombre ; nous sommes donc d'accord pour remettre la séance à mardi.
- La séance est remise à mardi prochain, à 2 heures.
La Chambre se sépare à 3 heures et un quart.