(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)
(page 1581) (Présidence de M. Vervoort.)
M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart et donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moor, secrétaire, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le conseil communal d'Assche demande que cette commune participe au crédit de 325,000 francs qui est destiné à l'extension du réseau télégraphique. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les sieurs Pironet, Daems et Stallaert réclament l'intervention de la Chambre afin d'obtenir un subside, soit en armes, soit autrement, en faveur de la société des carabiniers Diestois dont ils font partie. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal et des habitants de Houtain-l'Evêque demandent la construction du chemin de fer de Namur à Landen. »
« Même demande des membres du conseil communal et d'habitants de Ciplet. »
- Même renvoi.
« Les huissiers exerçant près les cours et tribunaux de l'arrondissement de Bruxelles demandent l'abrogation de l'article 4 du Code de procédure civile, la révision du tarif de 1807 en matière civile, un traitement pour le service des audiences et une disposition qui leur accorde exclusivement le droit de faire les ventes mobilières. »
- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi sur l'organisation judiciaire.
« Le sieur Ancion, lieutenant-colonel d'artillerie pensionné, appelle l'attention de la Chambre sur une brochure relative à la question des logements militaires, qu'il lui a envoyée au mois de juin 1860. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi relative aux logements militaires.
« MM. Dupret et Dautrebande demandent un congé pour cause d'indisposition. »
- Accordé.
M. le président. - Nous avons à procéder au vote de l'amendement de M. Tack. Voici cet amendement :
« Ajouter à la fin de l'article 9 :
« Le président et les membres du conseil d'administration, de même que le directeur général et les employés salariés de la caisse d'épargne, ne peuvent, pendant la durée de leurs fonctions, être membre de l'une ou de l'autre Chambre, ni toucher de pension à charge de l'Etat.
« Le membre de l'une ou de l'autre des deux Chambres, nommé président, membre du conseil d'administration ou directeur général, cesse immédiatement ses fondions législatives.
« Le fonctionnaire compris dans l'une des catégories désignées dans les paragraphes qui précèdent, s'il est nommé membre de l'une ou de l'autre des deux Chambres, n'est admis à prêter serment en cette qualité, qu'après avoir déclaré qu'il opte pour ce dernier mandat. »
La Chambre a décidé qu'elle procéderait par division.
Je mets aux voix la question de savoir s'il faut adopter l'amendement en ce qui concerne le directeur général.
- L'appel nominal a été demandé.
Il est procédé au vote par appel nominal sur cette question :
67 membres sont présents.
42 répondent oui.
24 répondent non.
1 (M. de Haerne), s'abstient.
En conséquence l'amendement en ce qui concerne le directeur général est adopté.
Ont voté pour l'amendement : MM, Loos, Moreau, Muller, Nélis, Nothomb, Rodenbach, Sabatier, Tack, Thienpont, Van Bockel, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Verwilghen, Wasseige, Coomans, Coppens, Dechentinnes, De Fré, de Lexhy, de Man d'Attenrode, de Montpellier, de Moor, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, d'Hoffschmidt, H. Dumortier, Frison, Grandgagnage, Grosfils, Hymans, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, le Bailly de Tilleghem et C. Lebeau.
Ont voté contre l'amendement : MM. Mouton, Orban, Pierre, Pirson, Prévinaire, Rogier, A. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Volxem, Allard, Braconier, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Devaux, de Vrière, Dolez, Frère-Orban, Guillery, Jamar, M. Jouret, Lange, J. Lebeau et Vervoort.
M. le président. - M. de Haerne, qui s'est abstenu, est invité à faire connaître les motifs de son abstention.)
M. de Haerne. - Messieurs, je ne suis pas grand partisan de la loi de 1848 sur les incompatibilités parlementaires, telle qu'elle a été votée. Je trouve qu'elle a fait trop ou trop peu, qu'elle consacre un système d'exceptions peu rationnel.
D'un autre côté, je dois convenir qu'il me semble que les employés dont il s'agit ici entrent dans la catégorie de ceux dont les fonctions sont déclarées incompatibles, par la loi, avec le mandat parlementaire. Mais, comme il peut y avoir quelque doute à cet égard et que, d'ailleurs, je crois qu'on a poussé les incompatibilités trop loin, j'ai cru devoir m'abstenir.
M. le président. - Je mets aux voix la question de savoir si l'amendement sera adopté, en ce qui concerne le président et les membres du conseil d'administration.
- Plusieurs membres. - L'appel nominal !
- Il est procédé au vote .par appel nominal sur la question posée par M. le président.
73 membres sont présents.
48 répondent non.
24 répondent oui.
1 (M. de Haerne) s'abstient.
En conséquence la question est résolue négativement.
Ont répondu oui : MM. Nothomb, Rodenbach, Tack, Thienpont, Van Bockel, Vander Donckt, Van Overloop, Van Renynghe, Verwilghen, Wasseige, Coomans, Coppens, David, de Man d'Attenrode, de Montpellier, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, Grosfils, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos et Le Bailly de Tilleghem.
Ont répondu non : MM. Loos, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pierre, Pirson, Prévinaire, Rogier, Sabatier, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Volxem, Allard, Braconier, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, De Fré, de Lexhy, de Moor, de Paul, de Renesse, de Ridder, de Rongé, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, H. Dumortier, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Guillery, Hymans, Jamar, M. Jouret, Lange, C. Lebeau, J. Lebeau et Vervoort.
M. de Haerne. - Je me suis abstenu pour les motifs que j'ai fait connaître tout à l'heure.
M. Tack. - Je crois, messieurs, qu'en présence du vote qui vient d'être émis je dois retirer la troisième partie de mon amendement.
J'avais introduit les mots « employés salariés » pour mettre mon amendement en harmonie avec la loi sur les incompatibilités parlementaires. Je fais observer que l'amendement suppose qu'un employé de la caisse d'épargne peut devenir membre de la Chambre, mais qu'il n'admet pas la supposition contraire, qui est peu probable.
Quant à la rédaction de l'article, elle me semble devoir être modifiée par suite de la décision que la Chambre vient de prendre quant au directeur général.
Je suppose que l'intention de la Chambre est que toutes les dispositions de l'article s'appliquent à ce fonctionnaire.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ill est bien vraisemblable, messieurs, que des employés de la caisse ne seront pas élus membres de la Chambre. Mais qu'entendrait-on par employés salariés de la caisse ? (Interruption.)
Il est très facile de savoir quels sont les employés salariés de l'Etat, (page 1582) mais il ne sera pas facile de savoir quels sont les employés salariés de la caisse. Ainsi les agents qui gèrent les comptoirs de la Banque Nationale, qui feront des opérations pour la caisse et qui pourront être rémunérés par elle, seront-ils considérés comme des employés salariés ?
La disposition, messieurs, n'a aucune importance en fait, mais elle pourrait présenter des inconvénients par l'extension qu'il serait possible d'y donner. Je ne puis donc admettre son introduction dans la loi.
M. le président. - La disposition serait ainsi conçue :
« Le directeur général ne peut, pendant la durée de ses fonctions, être membre de l'une ou de l'autre Chambre, ni toucher de pension à charge de l'Etat.
« Le membre de l'une ou de l'autre des deux Chambres, nommé directeur général, cesse immédiatement ses fonctions législatives.
« Le directeur général, nommé membre de l'une ou l'autre des deux Chambres, n'est admis à prêter serment en cette qualité qu'après avoir déclaré qu'il opte pour ce dernier mandat. »
M. Tack. - Messieurs, je ferai remarquer que c'est identiquement la même disposition qui a été votée pour le gouverneur de la Banque Nationale ; je l'ai copiée littéralement de la loi sur l'institution de la Banque.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je propose, en toute hypothèse, de supprimer dans l'amendement les mots : « ni toucher de pension à charge de l'Etat ».
La loi du 21 juillet 1844 détermine parfaitement quelles sont les personnes qui peuvent avoir droit à une pension à charge de l'Etat : ce sont les employés de l'administration générale. Le directeur de la caisse d'épargne ne pourra donc jamais avoir droit à une pension à charge de 'Etat.
M. le président. - M. Tack, êtes-vous d'accord pour la suppression des mots : « ni toucher de pension à charge de l'Etat » ?
M. Tack. - Oui, M. le président.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l'amendement rectifié :
« Ajouter à la fin de l'article 9 :
« Le directeur général de la caisse d'épargne ne peut, pendant la durée de ses fonctions, être membre de l'une ou de l'autre Chambre.
« Le membre de l'une ou de l'autre des deux Chambres, nommé directeur général, cesse immédiatement ses fonctions législatives.
« Le directeur général, s'il est nommé membre de l'une ou de l'autre des deux Chambres, n'est admis à prêter serment en cette qualité qu'après avoir déclaré qu'il opte pour ce dernier mandat. »
- L'amendement rectifié est adopté.
L'article 9, ainsi amendé, est ensuite mis aux voix et adopté.
« Art. 10. Le conseil général arrête les règlements organiques et conclut toutes conventions relatives à la caisse, sauf l'approbation du gouvernement.
« Il donne son avis sur l'acceptation des dons et legs au profit de la caisse.
« II fixe, sous l'approbation du ministre :
« Le taux de l'intérêt à bonifier pour les sommes déposées ;
« Les conditions des emprunts à contracter éventuellement par la caisse, et celles de l'émission des inscriptions.
« Il détermine le montant du fonds roulant, celui des capitaux à placer et celui de la réserve.
« Il juge en dernier ressort toutes les contestations et réclamations vidées par le conseil d'administration, et dont il y a appel. »
L'amendement suivant a été présenté par M. Allard :
« Le conseil général veille à ce que des succursales soient établies conformément à l'article 2.
« Il arrête les règlements organiques » (le reste comme au projet).
- L'article 10, ainsi amendé, est adopté.
« Art. 11. Le conseil d'administration fait exécuter par le directeur général les décisions du conseil général.
« Il surveille et dirige toutes les opérations de la caisse.
« Il nomme et révoque les employés de la caisse et fixe leurs traitements.
« Il donne son avis sur les affaires à décider par le conseil général, et prépare les décisions.
« Il accorde les décharges et mainlevées, et statue sur toutes les questions relatives aux dépôts et versements de moins de 500 francs faits à la caisse. »
La section centrale propose de rédiger le dernier paragraphe de la manière suivante :
« Il autorise les mainlevées... » (Le reste comme au projet.)
M. Allard. - Messieurs, pour les mêmes motifs que j'ai exposés dans la séance d'hier, ne pourrait-on pas intercaler dans l'article en discussion l'article 60 qui est ainsi conçu :
« Article 60. Le conseil d'administration statue, conformément au dernier alinéa de l'article 10, sur les difficultés auxquelles peut donner lieu l'application des articles 50, 54 et 57, sauf appel au conseil général dans la quinzaine de la notification de la décision par voie administrative. »
De cette manière, tout ce qui concerne le conseil d'administration se trouverait dans l'article 11.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La disposition de l'article 60 est une disposition spéciale à la caisse d'épargne ; seulement on stipule que le conseil d'administration statuera conformément à l'article 10 ; mais, je le répète, ce sont des cas spéciaux qui ne concernent que la caisse de retraite, et voilà pourquoi la disposition se trouve dans le chapitre consacré spécialement à cette caisse.
Ainsi, si l'on faisait disparaître les mots : « conformément à l'article 10 » l'observation de M. Allard ne se présenterait pas, mais ils sont là pour rappeler que c'est conformément à la marche tracée par l'article 10.
Je crois qu'on peut maintenir les dispositions telles qu'elles sont conçues.
M. Allard. - Je voudrais que toutes les attributions du conseil d'administration se trouvassent indiquées à l'article où l'on traite de ce conseil.
Puisqu'on s'en rapporte à l'article 10, il me semble qu'on pourrait très bien intercaler cela dans l'article 11. Du reste, je n'insiste pas.
M. le président. - M. le ministre des finances se rallie-t-il à la proposition de la section centrale qui consiste à remplacer dans le dernier paragraphes les mots : « Il accorde les décharges et mainlevées » par ceux ; « Il autorise les mainlevées » ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oui, M. le président.
- L'article ainsi amendé est adopté.
« Art. 12. Les décisions du conseil d'administration sont définitives, sauf recours au conseil général dans les quinze jours après leur notification aux intéressés. Cette notification a lieu par voie administrative. »
M. le président. - Il y a un amendement de la section centrale.
II consiste à rédiger comme suit la fin de l'article :
« Cette notification a lieu par lettre chargée. »
M. le ministre se rallie-t-il à cette proposition ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oui, M. le président.
M. Allard. - Je demande que l'on dise aux frais de qui la lettre sera chargée.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Aux frais de la caisse. Cela entrera dans les frais généraux d'administration.
- L'article ainsi amendé est adopté.
« Art. 13. Le directeur général remplit les fonctions de rapporteur près du conseil général et du conseil d'administration. Il dirige et surveille le travail des bureaux. Il est seul chargé de l'exécution des décisions des conseils sous la surveillance du conseil d'administration. Il représente la caisse dans les actes publics et sous seing privé. Il donne, avec l'autorisation préalable du conseil d'administration, mainlevée des inscriptions hypothécaires. Les actions judiciaires sont intentées et défendues à sa poursuite et diligence. »
- Adopté.
« Art. 14. Il rend compte chaque année au conseil d'administration des opérations de la caisse. Un compte distinct est formé pour la caisse d'épargne et pour la caisse de retraite. »
- Adopté.
« Art. 15. Ces comptes sont communiqués au conseil général et publiés par le ministre des finances. »
- Adopté.
« Art. 16. Ils sont soumis au contrôle de la cour des comptes avec les pièces justificatives. »
- Adopté.
« Art. 17. Tous les ans, le gouvernement présente, en outre, à la législature, un rapport détaillé sur la situation de l'institution. »
M. Hymans. - Messieurs, j'ai l'honneur de proposer à cet article (page 1583) un amendement qui m'est dicté par le désir de voir prospérer la grande institution à laquelle je serai heureux d'accorder mon vote. Je voudrais voir inscrire à l'article 17 un paragraphe ainsi conçu : « L'administration de la caisse adresse au gouvernement sous les mois un état présentant la situation de l’établissement et de ses succursales. Cette situation sera publiée mensuellement au Moniteur. »
Cet amendement n'est que la reproduction de l'article 22 de la loi sur la Banque Nationale. Il n'a pas besoin, je crois, de longs développements.
Il résulte, en effet, de tous les discours que vous avez entendus en faveur du projet de loi, qu'il s'agit d'intéresser le pays tout entier à la réussite de l'établissement qu'il s'agit de fonder.
Rien ne me paraît plus à même de contribuer à ce résultat que la publication mensuelle que je propose.
Il n'y a rien qui attire comme le succès : le meilleur moyen d'attirer les dépôts, c'est de faire connaître qu'il y en a beaucoup ; et la publicité, dans ces conditions, devient un des plus puissants éléments du crédit.
Le rapport annuel qui devra être soumis à la législature, aux termes de l'article 17, tel qu'il est proposé, sera un travail considérable, un travail peu accessible aux masses et, à coup sûr, moins éloquent que les chiffres mensuels qui viendraient attester les progrès continus de l'institution.
Comme il n'est personne ici qui doive avoir plus de confiance dans le succès de la caisse d'épargne que M. le ministre des finances, j'ose espérer qu'il se ralliera à mon amendement.
- L'amendement est appuyé ; il fait partie de la discussion.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'approuve fort le but que veut atteindre l'honorable M. Hymans. Mais je crois qu'il faut bien s'entendre sur l'époque où une pareille disposition pourrait être appliquée.
Il est à peu près certain qu'il faudra un temps assez long pour que l'institution que nous allons créer soit véritablement en action.
Ce n'est pas du jour au lendemain que la caisse pourra recevoir des dépôts dignes d'être mentionnés ; il s'écoulera probablement plusieurs années avant qu'on ait réussi à propager l'institution dans le pays ; il faut obtenir le concours d'un grand nombre de personnes ; il faut stimuler le zèle des administrations communales, des personnes charitables qui, dans les communes, voudront se prêter à favoriser l'institution.
Jusque-là on n'aura que des efforts à tenter et des résultats probablement très médiocres à constater, à faire connaître au public. Si cette disposition ne devait être appliquée qu'après un certain délai, je pourrais m'y rallier.
M. Hymans. - Après le premier rapport.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce n'est pas assez, je ne le pense pas.
M. Hymans. - Fixez l'époque.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Du reste, nous allons simplifier la chose. C'est un amendement ; il y aura un second vote ; nous ferons en sorte, pour ce moment, d'introduire une disposition qui puisse tout concilier, une disposition qui ne deviendrait applicable qu'après un certain délai ou à une époque que le gouvernement déterminera.
- L'amendement de M. Hymans est mis aux voix et adopté.
L'article 17, ainsi amendé, est mis aux voix et adopté.
M. De Fré. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale sur le crédit de 160,000 francs pour l'amélioration de l'armement de la garde civique.
- Ce rapport sera imprimé et distribué, le projet de loi sera porté à la suite de l'ordre du jour.
M. Thienpont dépose plusieurs rapports sur des demandes en obtention de naturalisation ordinaire.
- Ces demandes seront portées sur un prochain feuilleton.
« Art. 18. Tous les actes, toutes les pièces nécessaires à l'exécution des dispositions de la présente loi, sont délivrés gratis et exempts des droits de timbre, d'enregistrement et de greffe. »
- Adopté.
« Art. 19 Les administrateurs, receveurs ou percepteurs de la caisse sont assimilés aux fonctionnaires publics, en ce qui concerne les saisies-arrêts ou oppositions formées sur les fonds déposés dans les caisses d'épargne ou de retraite. »
M. le président. - La section centrale propose la rédaction suivante ;
« Les administrateurs, receveurs ou percepteurs de la caisse sont assimilés aux fonctionnaires publics pour toutes les infractions commises dans l'exercice de leurs fonctions. »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne me rallie pas à ce amendement.
Messieurs, cet amendement de la section centrale a été introduit sur l'observation d'une section, sans qu'on ait donné les motifs à l'appui de cette disposition. Une section avait formulé l'idée, qui a passé dans le projet, sans discussion. Je ne vois pas la nécessité de cette disposition.
La disposition de l'article 19 du projet du gouvernement a été proposée uniquement pour rendre applicables aux administrateurs, receveurs, percepteurs de la caisse, certaines dispositions du Code de procédure civile, relatives aux saisies et oppositions.
Vous savez que, quand il s'agit d'administrations publiques, la saisie-arrêt doit être signifiée à l'employé préposé ; les administrateurs ne sont pas assignés en déclaration des sommes saisies ; ils se bornent à donner un certificat du montant de la somme qu'ils ont en dépôt ; il n'y a aucune raison de parler des infractions que les administrateurs peuvent commettre du chef de leurs fonctions et de les assimiler aux fonctionnaires publics. J'aimerais mieux retirer l'article 19.
M. H. Dumortier. - Je crois qu'il y a une erreur de rédaction dans le rapport ; la section centrale a entendu constater les observations faites par la première et la deuxième section, mais non faire ces observations siennes et les comprendre dans le texte du projet ; c'est une simple note qu'elle a voulu insérer dans le rapport.
M. Guillery. - Je crois qu'il y a en effet erreur ; mais ce n'est pas dans le rapport, c'est dans ce que vient de dire M. le rapporteur, car je vois que la proposition de la première et de la deuxième section a été adoptée. Le rapport porte :
« La première et la deuxième section demandent que l'assimilation mentionnée dans cet article soit étendue à toutes les infractions commises par les administrateurs, receveurs ou percepteurs de la caisse dans l'exercice de leurs fonctions. »
Cette proposition a été soumise à la section centrale, car je vois à la suite le mot « adopté », elle doit même avoir été adoptée à l'unanimité, car sans cela on aurait dit par tant de voix contre tant.
Je crois qu'il y a une erreur de rédaction. C'est en ce sens qu'il faut maintenir l'article 19 en entier et ajouter un paragraphe pour formuler l'idée émise par la première et la deuxième section.
M. H. Dumortier. - Je crois devoir maintenir ce que j'ai dit de l'erreur qui s'est glissée dans l'impression du rapport. Les membres de la section centrale que je viens de consulter ne pensent pas que la section centrale ait adopté l'observation faite par la première et la deuxième section. Le mot « adopté » porte simplement sur le texte de l'article.
Je maintiens donc mon observation.
M. le président. - M. Guillery, faites-vous une proposition ?
M. Guillery. - Je me borne à faire un appel à la mémoire des membres de la section centrale, je ne fais aucune proposition.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne vois pas de motif de dire ici que les dispositions spéciales aux fonctionnaires pour les infractions commises dans l'exercice de leurs fonctions, c'est-à-dire qui tombent sous l'application du Code pénal, sont applicables aux administrateurs, receveurs ou percepteurs de la caisse d'épargne.
Ce sont, si je ne me trompe, les articles 166 à 183 du Code pénal. Mai, rappeler ces dispositions pénales pour les appliquer à des administrateurs d'un établissement de bienfaisance, en quelque sorte, ce serait poser à leur égard un acte fort peu obligeant, et qui ne serait guère de nature à assurer à l'institution le concours des personnes charitables, sur lequel nous devons nécessairement compter.
Cela est d'ailleurs sans objet. Il s'agit d'aggravations de peines dont les fonctionnaires de l'Etat peuvent être passibles à raison de leur qualité. Il est inutile de rappeler de semblables dispositions dans une loi de cette nature.
M. Muller. - J'ai eu l'honneur de faire partie de la section centrale, et je crois qu'elle ne s'est nullement ralliée aux observations de la première et de la deuxième sections.
Le mot « adopté », qui se trouve à la fin du paragraphe cité de la section centrale, s'applique à l'article du gouvernement, tel qu'il a été proposé par lui.
Vous verrez une foule d'autres articles où, à la fin des observations de la section centrale, on met le mot « adopté ». On a voulu simplement mentionner ici l'observation faite par deux sections, pour que la Chambre pût la connaître et l'apprécier.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il n'y a donc pas d'amendement.
(page 1584) M. le président. - Je mets aux voix l'article 19 tel qu'il est proposé par le gouvernement et admis par la section centrale.
- Cet article est adopté.
« Art. 20. Les versements faits à la caisse d'épargne sont productifs d'intérêt à partir du 1er ou du 15 du mois qui suit immédiatement le dépôt.
« Chaque versement doit être d'un franc au moins.
« Les intérêts acquis au 31 décembre de chaque année sont ajoutés au capital, et deviennent, dès le lendemain, productifs d'intérêts. »
M. Coomans. - Je voudrais voir amender cet article pour le fond, ou tout au moins pour la forme.
Si je comprends bien l'intention du rédacteur de cet article, il a voulu faciliter les écritures et il n'accorde l'intérêt qu'à partir du 1er ou du 15 de chaque mois.
Mais, messieurs, est-il bien juste d'établir de pareilles différences entre les déposants ? Le déposant qui aura versé ses économies le 16 mai, par exemple, perdra tous ses intérêts jusqu'au 1er juin, tandis que celui qui aura versé à la caisse le 31 mai recevra les intérêts dès le lendemain. Cela ne me paraît pas juste.
Je conçois qu'il soit désirable de faciliter les écritures. Mais il y a quelque chose que je mets au-dessus de cet avantage : c'est l'équité. Quand même il devrait résulter un peu de complication de besogne, de la rectification que je demande, je ne reculerais pas devant elle.
Pourquoi ne diriez-vous pas que les versements faits à la caisse d'épargne sont productifs d'intérêts, cinq jours, six jours, dix jours, après avoir été opérés ? au moins vous mettriez tous les déposants sur la même ligne et vous leur appliqueriez le principe sacré de la justice distributive.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La justice distributive n'a rien à faire là-dedans.
M. Coomans. - S'il n'y a pas de justice là-dedans, je n'y comprends rien.
Je viens de vous démontrer que le déposant au 31 mai ne perdra rien, tandis que le déposant au 16 mai perdra quinze jours d'intérêt.
Je crois que vous ne devriez exposer personne à perdre des intérêts. Vous devriez engager tout le monde, surtout les petits citoyens, à verser le plus tôt possible leurs économies. La personne qui a quelque chose à verser le 16 mai, peut se dire : A quoi bon verser aujourd'hui ? Gardons ces économies jusqu'au 1er du mois prochain ; gardons-les encore quinze jours, puisque ce n'est qu'à partir du 1er que je recevrai des intérêts. Or, le but de l'institution est de préserver les intérêts des citoyens contre eux-mêmes.
Je crois donc qu'il faut soit accorder les intérêts le jour même du dépôt, soit fixer un délai égal pour tous. Voilà pour le fond même.
Quant à la forme, je ne puis pas approuver celle qui se trouve dans le projet de loi. « Les versements, dit-il, faits à la caisse d'épargne sont productifs d'intérêt à partir du 1er ou du 15 du mois qui suit immédiatement le dépôt. »
Cela n'est pas bien net : le « qui » se rapporte évidemment au mot « mois », tandis qu'il doit, je crois ,se rapporter « au 1er ou au 15 ». Dans l'article suivant, vous modifiez encore cette phrase obscure et vous dites : « Les sommes déposées cessent d'être productives d'intérêt le 1er ou le 15 de chaque mois. »
Ce sont là des modifications qu'il faut éviter.
Je propose donc de dire au paragraphe premier : « Les versements faits à la caisse d'épargne sont productifs d'intérêt le cinquième jour après avoir été opérés. »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable préopinant invoque la justice et l'équité pour combattre la stipulation que nous proposons, et il tombe ainsi dans une évidente erreur.
II s'agit ici d'un contrat. On offre à ceux qui veulent opérer des dépôts des conditions déterminées, ils sont libres d'en profiter ou de n'en pas profiter. Il n'y a ni justice ni injustice dans la disposition telle qu'elle est proposée.
Celui qui a un dépôt à effectuer n'a pas le droit d'exiger de la caisse des intérêts à partir de telle date plutôt que de telle autre ; il a le droit d'exiger ce qui est stipulé et rien de plus. Il n'a pas le droit d'exiger des intérêts le jour où il vient offrir une somme. La disposition, par exemple, comme dans beaucoup de caisses d'épargne, comme cela existe en Angleterre, pourrait déclarer que toute somme inférieure, à tel chiffre ne produira pas d'intérêts.
C'est ainsi qu'en Angleterre, les dépôts inférieurs à une guinée, c'est-à-dire à 25 fr., ne produisent pas d'intérêts. On peut opérer le dépôt, mais on n'a pas droit à des intérêts. Ici nous faisons une chose beaucoup plus favorable aux déposants et extrêmement onéreuse pour la caisse. Nous autorisons les versements par somme d'un franc et nous les rendons productifs le 1er ou le 15 du mois qui suit le versement. Or, il importe au plus haut point de ne pas aggraver les conditions de la caisse sous ce rapport, et la disposition que propose l'honorable M. Coomans serait tellement onéreuse qu'elle deviendrait réellement impraticable.
A l'aide de la disposition formulée dans le projet de loi, il devient très facile de calculer les intérêts sur toutes les sommes qui ont été déposées. L'opération est ainsi fort simple. Mais si, pour chaque somme d'un franc, il faut faire des calculs à raison du jour auquel les dépôts auront été effectués, les écritures deviennent d'une complication impossible.
L'honorable membre doit donc renoncer... (Interruption.) Il faudrait un personnel tellement considérable pour établir tous ces comptes, que la caisse ne pourrait pas en supporter la charge. (Interruption.)
M. Coomans. - Comment font les banques ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Est-ce que vous croyez que les banques reçoivent des dépôts d'un franc ? Les banques ne reçoivent que des sommes d'une certaine importance ; autrement il leur en coûterait beaucoup trop.
La mesure proposée par l'honorable M. Coomans doit être considérée comme impraticable et je dois la repousser.
M. Allard. - Messieurs, l'article dit que les versements portent intérêt à partir du 1er ou du 15, mais il ne parle pas du mode de versement.
L'article 40, qui concerne la caisse de retraite, porte :
« Toute personne âgé a de 18 ans au moins est admise à faire des versements à la caisse de retraite, soit pour son compte, soit au nom de tiers. »
Je comprends que pour la caisse de retraite on fixe l'âge de 18 ans, mais je voudrais qu'à la caisse d'épargne, toute personne, quel que soit son âge, fût admise à faire des versements, soit pour son compte, soit pour compte de tiers.
Je proposerai donc de commencer l'article 20 par la disposition suivante :
« Toute personne est admise à faire des versements à la caisse d'épargne, soit pour son compte, soit au nom de tiers. »
D'après le projet, les intérêts courront à partir du 1er ou du 15 ; j'admets cette disposition, mais je voudrais que l'on fixât une somme au-dessous de laquelle il n'y aura pas d'intérêt. En Angleterre, toute somme ne porte intérêt que lorsqu'elle a atteint une livre sterling ; à Maestricht, c'est 5 florins ; à Tournai, 10 francs ; à Koenigsberg, à Berlin, à Leipzig, etc., un thaler. Je crois que nous pourrions fixer 5 fr.
Quant à l'amendement de M. Coomans, j'y suis tout à fait opposé : si vous faites courir l'intérêt 5 jours après le versement et sur toute somme quelque minime qu'elle soit, il faudrait un personnel énorme.
Je proposerai donc de dire :
« Toute somme versée ou acquise par les intérêts (car au 31 décembre les intérêts seront capitalisés) est productive d'intérêt, à partir du 1er ou du 15 du mois qui suit immédiatement le dépôt, aussitôt qu'elle s'élève à 5 fr., 10 fr., 15 fr., et ainsi de suite, de 5 en 5 fr. Celles intermédiaires n'en produisent pas.
Je fais cette proposition pour simplifier les écritures et réduire conséquemment les frais d'administration, qui seraient très élevés si toute somme quelconque devait porter intérêt, puisqu'il faudrait, dans ce cas, un personnel plus nombreux pour tenir les comptes.
M. H. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, cet amendement n'est pas sans une certaine importance, et je crois qu'il serait prudent de le renvoyer à la section centrale. Il est toujours dangereux d'improviser des amendements qui apportent des modifications plus ou moins essentielles à l'économie d'un projet de. loi.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'amendement de l'honorable M. Allard porte sur deux points : il s'agit de décider d'abord qu'on peut faire des versements pour compte de tiers ; ensuite, que les sommes versées à la caisse d'épargne devront s'élever au moins à 5 francs, pour être productives d'intérêt. Sur le premier point, je ne puis pas me rallier à la proposition : on peut faire des versements à la caisse d'épargne même pour un tiers, cela n'est interdit pas aucune disposition du projet, sauf l'application des mesures prescrites par la loi, si ces dépôts faits sous le nom d'un tiers n'ont d'autre but que d'éluder les dispositions de la loi ; mais le livret délivré à un tiers est la propriété de ce tiers, sans que la caisse d'épargne ait à s'enquérir si le livret a été donné ou non.
(page 1585) Nous ne pouvons pas nous exposer aux discussions qui pourraient s'élever sur le point de savoir si celui qui a fait le versement a retenu la propriété du dépôt.
La disposition du projet atteint donc le but que se propose l'honorable M. Allard ; mais je demande qu'on ne mentionne pas le droit de celui qui a opéré le versement, parce qu'il y aurait là une source de conflits, de discussions entre celui qui a versé les fonds et celui au nom duquel le versement a été opéré.
Quant au deuxième point, l'honorable M. Allard restreint ce que le projet veut faire. Le projet déclare productive d'intérêt toute somme d'un franc ; ainsi l'intérêt sera calculé de ... franc ... franc. L'honorable membre demande que ce soit de 5 à 5 francs. Je pense qu'on peut admettre la proposition que nous faisons et qui est plus favorable aux déposants.
M. H. Dumortier, rapporteur. - Je crois que l'honorable M. Allard devrait préciser ce qu'il entend par « toute personne ». Cela comprend-il les mineurs, les femmes mariées, etc. ? Il me semble qu'il faudrait dans tous les cas fixer un certain âge. En thèse générale, les mineurs et les femmes mariées ne peuvent contracter qu'avec l'autorisation de leur tuteur ou de leur mari : on a cependant vu apporter des modifications à cette règle dans des lois de la nature de celle que nous discutons.
M. Wasseige. - Messieurs, à une première lecture j'ai cru remarquer une certaine anomalie dans l'amendement de M. Allard : il dit, si je l'ai bien compris, que la somme versée doit atteindre 5 francs pour être productive d'intérêt ; puis il ajoute, que la somme de 5 francs peut être atteinte soit par versements successifs, soit par l'accumulation des intérêts.
Or, il me paraît que si la somme inférieure à 5 fr. ne porte pas intérêt, il est assez difficile qu'elle puisse jamais atteindre ce chiffre par accumulation des intérêts qu'elle ne produira pas. Je désire donc que l'honorable membre veuille bien éclaircir un peu sa pensée.
M. Allard. - Messieurs, je ne sais comment l'honorable M. Wasseige m'a compris. J'ai voulu dire, et j'ai dit que toute somme ne portera intérêt que lorsqu'elle aura atteint le chiffre de 5, 10, 15, 20 francs ; ainsi, quand par suite d'une bonification d'intérêt, il y aura fr. 4-50 à ajouter au capital, cette somme de fr. 4-50 ne portera pas intérêt aussi longtemps qu'elle n'aura pas atteint 5 francs, et tout cela pour faciliter les écritures.
D'après le projet, chaque versement doit être d'un franc au moins ; je suppose que l'intérêt sera de 4 p. c. ; à la fin d'une année, ce franc sera devenu, avec l'intérêt, 1 franc 4 centimes ; je demande : les 4 cent, porteront-ils intérêt ?
Du reste, si j'ai fait la proposition de commencer l'article 20 par les mots : « Toute personne est admise à faire des versements à la caisse d'épargne, soit pour son compte, soit pour un tiers », c'est qu'à l'article 40 (caisse de retraite) je lis au paragraphe premier :
« Toute personne âgée de dix-huit ans au moins est admise à faire des versements à la caisse de retraite, soit pour son compte, soit au nom de tiers. »
Seulement je modifie la rédaction, en ce sens que je supprime les mots « âgée de 18 ans au moins » ; à mon avis, il ne faut pas qu'on ait 18 ans au moins pour qu'on soit admis à verser à la caisse de retraite. On doit pouvoir verser à tout âge.
M. Tack. - Messieurs, pour éviter un débat confus sur la portée de l'amendement de M. Allard, je crois que la Chambre ferait bien de renvoyer cet amendement à la section centrale, comme le propose l'honorable M. II. Dumortier.
M. Muller. - Messieurs, il me semble qu'avant de renvoyer à la section centrale, la Chambre devrait d'abord se prononcer sur le principe de la proposition de l'honorable M. Allard, car le renvoi à la section centrale ne serait utile qu'en cas d'adoption, au point de vue de la rédaction. Le fond peut être dès maintenant apprécié et jugé par la Chambre.
Quant à moi, je préfère de beaucoup le projet de loi, parce qu'il est plus favorable aux classes qui doivent user de la caisse d'épargne et qu'il est très praticable : il n'y a pas plus de complication dans le système du gouvernement que dans l'amendement de l'honorable M. Allard.
Lorsqu'un ouvrier verse 2, 3 ou 4 francs à la caisse d'épargne, je ne vois pas pourquoi 2, 3 ou 4 francs ne porteraient pas intérêt.
Si vous voulez favoriser cette institution dont l'absence ou la rareté excitent les regrets de la Chambre et du pays, rendez les conditions les plus bienveillantes possible.
Or, messieurs, ce que propose l'honorable M. Allard est évidemment une condition plus onéreuse pour les déposants ; et dans les intentions qui animent la Chambre, alors que le gouvernement a cru pouvoir, sans compromettre l'avenir de la caisse, porter les intérêts sur toute somme d'un franc, il est présumable qu'elle ne voudra pas restreindre cette faveur.
Je me prononce donc pour l'article tel qu'il a été proposé par le gouvernement.
Messieurs, je dirai un mot de la question qu'on a soulevée relativement aux enfants, aux mineurs. Il arrive continuellement que l'on dépose à la caisse d'épargne au nom de mineurs ; il arrive même qu'on fait don de livrets de caisse d'épargne au profit de tel ou tel enfant, tel ou tel mineur. (Interruption.)
Il n'est pas nécessaire que cela soit autorisé en termes exprès dans la loi. Du moment qu'elle ne l'interdit pas, la faculté existe.
- La discussion est close.
Le renvoi de l'amendement de M. Allard à la section centrale est mis aux voix et n'est pas adopté.
M. Allard. - Je retire mon amendement,
MpV. - L'amendement de M. Allard est retiré.
M. Coomans, persistez-vous dans votre amendement au premier paragraphe de l'article 20 ?
M. Coomans. - Oui, M. le président.
- L'amendement de M. Coomans est mis aux voix et n'est pas adopté.
L'article 20 du projet du gouvernement est mis aux voix et est adopté.
« Art 21. Les sommes déposées cessent d'être productives d'intérêt le 1er ou le 15 de chaque mois qui précède l'époque de leur remboursement. »
- Adopté.
« Art. 22 La. retrait des fonds déposés peut avoir lieu sans avis préalable, si la somme réclamée n'excède point 100 francs. »
M. le président. - La section centrale propose de rédiger ce paragraphe de la manière suivante :
« Le retrait des fonds déposés peut avoir lieu sans avis préalable, si la somme réclamée n'excède point cent francs ; toutefois le déposant ne pourra user de cette faculté qu'une fois par semaine. »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je me rallie à cet amendement.
- Le premier paragraphe de l'article 22, ainsi amendé, est adopté.
M. le président. - La partie restante de l'article. 22, non amendée par la section centrale, est ainsi conçue :
« Pour toute somme supérieure, il faut prévenir d'avance, savoir :
« Quinze jours pour plus de 100 francs et moins de 500 francs ;
« Un mois pour plus de 500 à 1,000 ;
« Deux mois pour plus de 1,000 à 3,000 ;
« Six mois pour plus de 3,000 et plus.
« Ces délais, qui peuvent être abrégés par le conseil d'administration, ne prennent cours qu'à dater du denier remboursement mentionné sur chaque livret. »
M. Tack. - Une erreur typographique s'est glissée dans le texte de l'article 22 tel qu'il figure à l'annexe et tel que vient de le lire M. le président. Il faut s'arrêter à la rédaction du projet de loi ; car d'après celle de l'annexe on ne peut voir quel est le délai prescrit pour la demande des remboursements des sommes de 500, de 1,000 et de 3,000 fr chiffres ronds.
Le mot « plus » s'est glissé abusivement dans le texte aux paragraphes 3, 4 et 5 dont il vient d'être donné lecture.
Il faut supprimer ce mot.
M. Guillery. - C'est une erreur d'impression.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne sais si M. le président a sous les yeux le texte du projet de loi ou celui amendé par la section centrale ?
M. le président. - J'ai sous les yeux celui de la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le texte du projet de loi annexé à l'exposé des motifs, page 154 est correct. C'est celui-là qu'il faudrait prendre.
M. de Naeyer. - Je crois que le bon texte se trouve à la page 20 du rapport,
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oui, le texte du projet de loi se trouve reproduit à la page 20 du rapport.
M. le président. - Je vais donc lire le texte du projet de loi tel qu'il se trouve à la page 20 du rapport.
« Pour toute somme supérieure, il faut prévenir d'avance, savoir :
« 15 jours pour plus de 100 fr. et moins de 500 fr.,
« un mois pour 500 fr. et moins de 1,000 fr.,
« deux mois pour 1,000 fr. et moins de 3,000 fr.,
« six mois pour 3,000 fr. et plus.
« Ces délais, qui peuvent être abrégés par le conseil d'administration, ne prennent cours qu'à dater du dernier remboursement mentionné sur chaque livret. »
- L'article ainsi amendé est adopté.
« Art. 23. Les livrets portent le nom et indiquent le domicile du déposant.
« La restitution d'un livret vaut décharge pour la caisse d'épargne.
« Toute quittance donnée à la caisse et signée de deux témoins, lorsque l'intéressé ne peut ou ne sait écrire ou signer, est valable. »
M. Allard. - Tout le monde ou presque tout le monde sait signer aujourd'hui. (Interruption.)
Je demande que lorsqu'on remet un livret à un individu qui sait signer, sa signature soit apposée sur le livret.
On comprend que dans une ville comme Bruxelles, si un individu porteur d'un livret se présente à la caisse il ne sera pas toujours possible de reconnaître son identité. Si le livret porte une signature on pourra, avant de délivrer les fonds, exiger que l'individu signe.
Je crois que cela peut être très utile.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce sont des mesures d'exécution.
- L'article est adopté.
« Art. 24. En cas de perte d'un livrer, le propriétaire peut en obtenir on double en se soumettant aux conditions et aux mesures de précaution prescrites par l'administration. »
- Adopté.
« Art. 25. Les sommes versées sont, à la demande des déposants, converties en fonds publics belges au cours du jour de la bourse de Bruxelles. »
- Adopté.
« Art. 26. La caisse peut, après en avoir prévenu les propriétaires, convertir eu fonds publics belges toutes les sommes nécessaires pour réduire les livrets d'un seul déposant à une somme de trois mille francs.
« Elle peut agir de même dès qu'elle a la conviction que, pour éluder éventuellement l'application de cette disposition, divers livrets appartenant à la même personne sont inscrits sous plusieurs noms. »
M. Tack. - Messieurs, les modifications portées par l'amendement que j'ai l'honneur de proposer à l'article 26, consistent à changer le mot : « peut » en ceux : « est tenue » de telle façon que la disposition qui est maintenant facultative pour l'administration de la caisse, devienne pour elle obligatoire.
J'entends fixer une limite aux dépôts, un maximum au-delà duquel il n’est plus permis d'effectuer des versements.
Les motifs sur lesquels j'appuie mon amendement et que j'ai développés en partie dans la discussion générale sont qu'il convient de ramener l'institution des caisses d'épargne à son véritable principe qui est de stimuler l'épargne parmi les classes laborieuses. En leur permettant, au moyen de l'accumulation successive de petites économies, de former un capital qu'ils pourront faire fructifier plus tard, je veux éviter que la caisse d'épargne ne puisse devenir un moyen de spéculation pour certains rentiers, pour les capitalistes qui n'ont pas droit au privilège résultant de la loi, et qui sont tenus de chercher eux-mêmes l'emploi de leurs fonds.
M. H. Dumortier. - Je demande la parole.
M. Tack. - Je veux éviter aussi les catastrophes qui peuvent résulter d'une extension trop grande donnée à la caisse d'épargne.
Quoi qu'on fasse (la chose a été démontrée à toute évidence par l'honorable M. de Naeyer), quelques précautions que l'on prenne, si sagement que soit combiné le système du projet de loi, il pourra arriver que dans des circonstances exceptionnelles, on se trouve en présence de demandes de remboursement excessives et en même temps devant des rentrées difficiles, impossibles.
Il est dangereux de trop amalgamer le crédit privé et le crédit public.
Il importe, à tous égards, de les isoler.
Il ne faut pas, quand surgissent des crises politiques, que sur ces crises viennent s'ajouter encore des crises financières qui mettraient le gouvernement dans le plus sérieux embarras.
La justice distributive d'ailleurs exige que l'intervention du gouvernement se borne au cas de nécessité absolue.
L'honorable ministre des finances l'a reconnu lui-même ; je soutiens qu'en dehors du cas de nécessité, il y aurait privilège abusif en faveur des uns, charge injustifiable pour les autres.
En ne circonscrivant pas la gestion de l'administration de la caisse, j'appréhenderais, pour ma part, de donner au gouvernement un pouvoir qui peut éventuellement dégénérer en véritable abus, l'exposer à des soupçons de corruption et l'entraîner à des actes où sa dignité serait exposée à faire naufrage.
Quelle est, messieurs, l'objection que l'on fait contre le principe du maximum ? Il n'y en a qu'une seule, et la voici : C'est qu'il faut de toute nécessité une compensation qui permette de faire en sorte que les grands frais qu'entraîne l'administration des petits dépôts soient payés au moyen des ressources qu'offrent plus particulièrement les versements plus ou moins considérables.
Messieurs, il ne faut pas s'exagérer les dépenses que nécessite l'administration d’une caisse d'épargne. Voyons à quel chiffre s'élève cette dépense.
En France, où le maximum des dépôts n'est que de mille francs et où la moyenne des livrets est seulement de 280 fr., les frais d'administration s'élèvent à un quart pour cent, tout au plus à un demi pour cent. En Angleterre, ces frais ne s'élèvent pas même à un quart pour cent, car le gouvernement bonifie aux caisses un intérêt de 3 1/4 p. c., et les caisses payent aux déposants un intérêt de 3 1/24 p. c.
Sommes-nous, messieurs, en Belgique, dans des conditions plus défavorables ?
Je ne le pense pas ; je crois, au contraire, que nulle part on ne se trouve dans de meilleures conditions pour administrer économiquement.
En effet, nous pourrons sans doute ici, comme ailleurs, compter sur le concours de personnes charitables, d'hommes généreux et philanthropes, sur la coopération des administrations communales, sur les influences dont dispose le gouvernement.
Nous avons, sous ce rapport, un précédent qui nous donne un juste espoir, ce sont les résultats de l'organisation de caisses de secours mutuels.
Est-ce que les personnes dévouées aux classes laborieuses ont fait défaut pour gérer ces utiles institutions, pour leur accorder leur patronage ? Les faits répondent éloquemment à cette question.
Au surplus, sous un autre rapport, nous jouissons d'un grand avantage qui nous est particulier : c'est que la Banque Nationale, en vertu de ses statuts, est obligée de se charger de l'administration de la caisse d'épargne ; et, M. le ministre des finances vous l'a dit, une partie des frais de gestion lui incombe, de par la loi de son institution.
Il est à remarquer aussi que s'il est vrai de dire que les versements seront fréquents, les remboursements seront plus rares ; car, ne perdez pas de vue que la disponibilité des fonds déposés est assez restreinte ; nous avons voté tantôt un article qui est relatif à cet objet. Or, pour une somme de plus de 100 francs, il faut avertir 15 jours d'avance ; s'agit-il d'une somme de 500 fr., il faut pour opérer le retrait en réclamer le remboursement un mois d'avance. Partant, sous ce rapport, il y aura une certaine facilité pour l'administration de la caisse.
Examinons un instant ce qui se passe dans notre pays. La Société Générale accueille les petits dépôts et elle repousse les dépôts importants ; et cependant, chose remarquable, elle bonifie aux déposants un intérêt de 3 p. c, c'est-à-dire le même intérêt qu'on leur bonifie ailleurs, notamment en Angleterre ; permettez-moi de vous faire même remarquer que, pour les petits dépôts effectués aux bureaux de poste en Angleterre, on vient de réduire l'intérêt à 2 1/2 p. c.
Je dis, messieurs, que la Société Générale trouve moyen de bonifier aux déposants un intérêt de 3 p. c. tout en excluant les dépôts d'une certaine importance.
Ainsi, j'ai été étonné de lire dans l'exposé des motifs et d'entendre répéter à cette tribune que nos établissements financiers repoussent comme trop onéreux les petits dépôts. C'est le contraire qui se voit. Donc, on n'est pas fondé à dire, d'une manière absolue, que les caisses d'épargne qui n'accueillent que des économies modiques doivent nécessairement se ruiner.
Il s'agit de savoir ce qu'il faut entendre par petits dépôts et par dépôts plus ou moins importants. Sans doute, si l'on part de cette hypothèse absurde de dépôts n'excédant pas un franc, il serait impossible à la caisse de bonifier un intérêt raisonnable aux déposants. Les dépenses absorberaient les profits.
Mais qui donc propose de limiter les dépôts au chiffre d'un franc ? Quand nous parlons de maximum, nous entendons un maximum qui permette de faire un chiffre d'affaires, pour pouvoir bonifier un intérêt convenable aux déposants et faire amplement face aux dépenses d'administration de la caisse.
L'expérience démontre quelle doit être la limite ; et cette expérience, c'est encore chez nous que nous la trouvons ; soit dit en passant, nous n'apprécions pas assez les services que nos trente-sept caisses d'épargne, qu'à tort on a réduites à sept, ont rendus.
Nous aimons à les rapetisser, j'ignore pour quel motif ; leur nombre satisfait à la prescription de la loi communale ; on ne compte pas beaucoup plus de 37 villes manufacturières en Belgique ; seulement on n'a pas assez encouragé peut-être les caisses existantes, et si elles n'ont pas pris plus de développement, cela tient peut-être, comme le disait l'honorable M, de Naeyer, à l'état provisoire dans lequel ces caisses ont végété depuis 15 ans.
Cela provient peut-être aussi de ce que celles que nous possédons se (page 1587) sont appliquées à se renfermer strictement dans le cercle restreint d'opérations qui leur est propre, on n'acceptant que les petites épargnes et en repoussant les dépôts importants.
Voyons, messieurs, en quelques mots quel est l'historique de notre principale caisse d'épargne. Cela nous fournira plus d'un enseignement utile.
La caisse de la Société Générale, c'est celle dont je veux parler, a été instituée après les événements de 1830 et a commencé ses opérations le 1er janvier 1832. Elle avait adopté un maximum qui a été successivement élevé de 1,000 à 4,000 fr.
Au 31 décembre 1838, elle avait accumulé une somme de 44,417,337 francs 57 c. Survient la crise de 1839 et en un seul trimestre les retraits atteignent le chiffre de 9,203,505 fr. 22 c.
Les déposants n'avaient pas perdu confiance dans l'institution par suite des événements de 1839 ; au contraire, à peine la tranquillité s'est-elle rétablie qu'on voit monter rapidement la masse totale des dépôts.
Ainsi, au 30 juin 1842, les dépôts s'élèvent à 60,803,788 francs 65 c. La direction prend alors deux mesures restrictives quant au taux de l'intérêt et à la fin de 1847 la masse des dépôts se trouve par suite réduite à 40,800,445 fr. 12 c, une partie des gros dépôts avait abandonné la caisse.
Arrive la révolution de 1848 qui amène en un seul trimestre des retraits pour 13,732,942 francs 5 c. et à la fin de 1848 la caisse est réduite de plus de moitié, en une année la décroissance avait été de 24,296,077 fr. 55 c.
Dès 1849, le chiffre total des dépôts suit de nouveau une marche ascendante ; la direction se voit de nouveau obligée de prendre des mesures pour arrêter l'ardeur des déposants que les événements de 1848 n'avaient nullement effrayés ; ces mesures, consignées dans une circulaire du 18 février 1849, sont toutes bienveillantes pour les classes laborieuses. La direction donne ordre à ses agents de ne plus recevoir de versements lorsque les dépôts excéderont 1,500 fr., avec une réserve cependant en faveur des domestiques, des gens de peine, des ouvriers et autres déposants de cette catégorie, et notamment en faveur de ceux dont les dépôts avaient été formés au moyen de l'accumulation successive de petites sommes. Pour tous ceux-là on s'en tenait à la limite de 4,000 fr.
Quel fut le résultat de ces mesures ?
La masse des dépôts décroît immédiatement ; elle éprouve, de 1849 à 1850, une réduction de 4,147,325 fr. 70 c, mais par contre on remarque pendant la même période une augmentation du nombre des livrets, elle s'élève à 7,302. En même temps, la moyenne des livrets qui était de 1,093 fr., tombe à 584.
C'est là une moyenne normale égale, à peu près, à celle qu'on retrouve dans les autres pays. Ainsi, en Angleterre, cette moyenne est en chiffres ronds de 600 fr., en France de 300 fr., en Allemagne également de 300 fr., preuve que la mesure prise par la Société Générale était une excellente mesure.
La première conséquence qu'on peut tirer des faits que je viens de citer, c'est que le maximum n'est pas un obstacle à ce qu'une caisse rende les services qu'on est en droit d'en attendre, tout en fonctionnant presque exclusivement dans l'intérêt de l'épargne de l'ouvrier ; en second lieu, que les grands dépôts peuvent devenir une source d'embarras sérieux ; jamais on n'a été enrayé par le manque de capitaux, mais par la surabondance de fonds.
Le mobile qui me semble pousser le ministre, quand il repousse le principe du maximum, c'est le désir qu'il a d'accorder un intérêt élevé aux participants de la caisse, désir très louable, mais difficilement réalisable. J'ai lu, dans l'exposé des motifs que, dans le commencement on ne pourrait bonifier qu'un peu plus de 3 p. c. d'intérêt, ce qui signifie qu'on se propose de le majorer successivement, c'est une chose impossible. Vous ne pouvez bonifier des intérêts élevés qu'en faisant des placements aléatoires. Or, personne de nous ne voudrait vous y autoriser.
L'équité d'ailleurs n'exige pas qu'on assure un gros intérêt aux dépôts qui se font à la caisse d'épargne. Celui qui exige la garantie du gouvernement, qui veut avoir ses fonds toujours à sa disposition, ne peut pas réclamer un intérêt élevé. Cela est dans la nature des choses. Enfin partout où on a bonifié un intérêt élevé, on a dû revenir sur la mesure, le réduire ou admettre un intérêt différentiel selon l'importance des dépôts.
J'ajouterai encore que le taux de l'intérêt est secondaire au point de vue des petits déposants. Chaque fois qu'on a abaissé l'intérêt, on a vu les gros déposants s'éloigner, tandis que les petits restaient les clients fidèles des caisses. Parmi les motifs que j'ai invoqués pour la fixation d'un maximum, j'ai dit que si on ne le faisait pas, on donnerait une trop grande puissance au gouvernement.
En effet, s'est-on bien rendu compte de ce que demande le gouvernement ? Il demande qu'on lui mette entre les mains un instrument colossal, qu'on le place à la tête d'un établissement financier de premier ordre, eu égard à l'étendue des opérations auxquelles il est appelé à se livrer.
Il est impossible que M. le ministre des finances le nie ; il veut d'un établissement grandiose. C'est le pivot du système, la condition sine qua non, la question de vitalité pour la caisse, à preuve ce qu'on lit dans l'exposé des motifs :
« Il faut que la caisse soit établie sur de larges bases, qu'elle accueille les grands dépôts de préférence aux petits, qu'elle admette les petits rentiers, les employés, les femmes isolées, etc. »
Il importe « de faire accourir à la banque pour servir de bon exemple le maître et le patron ; de même que les banques sont de grandes caisses d'épargne, réciproquement les caisses d'épargne doivent être de grandes banques. Une caisse d'épargne ne disposant que de 120 millions ne répondrait pas aux besoins de l a riche Belgique.»
L'honorable ministre des finances a dit : Ne vous imaginez pas que la nouvelle institution va absorber tous les établissements existants. Quelques-uns vont continuer de subsister ; c'est possible, mais il est de fait que la masse des capitaux concentrés actuellement dans nos caisses d'épargne ne s'élève pas à plus de 20,000,000, il reste donc pour la caisse que l'on se propose de fonder une marge de plus de 100,000,000.
Je vois encore dans l'exposé des motifs que l'établissement qu'on a en vue doit exercer une heureuse influence sur notre Bourse, en faire un marché européen où afflueront toutes les valeurs étrangères, ce qui aura pour effet de faire que les fonds belges acquerront une grande faveur.
II convient, nous dit encore M. le ministre des finances, de relier à la caisse centrale de nombreuses succursales afin de faire affluer sur un même point les capitaux disponibles, pour ensuite les répandre comme une rosée bienfaisante dans tous les coins et recoins du pays.
Ainsi, dans la pensée du ministre, l'établissement doit être colossal.
Que demande encore le gouvernement ? De pouvoir manier à sa guise l'instrument qu'on lui confie ; aussi la loi lui donne-t-elle un véritable blanc-seing ; le mot choque M. le ministre, cependant il est exact, car tous les actes, tentes les opérations de la caisse ayant une importance réelle sont laissés à sa discrétion.
Ainsi, il a le choix des débiteurs ; en Angleterre, le gouvernement n'a pas le droit de choisir les débiteurs, il doit placer tous les fonds qu'il reçoit en fonds publics. Ici c'est différent (interruption.), je parle au point de vue du pouvoir que le gouvernement acquerra. Ainsi encore, il règle la fixation du taux de l'intérêt. Une imprudence, une méprise, une exagération du taux de l'intérêt, pourra faire que la caisse soit en déficit.
Le gouvernement détermine aussi le montant du fonds de réserve ; il décide si le fonds de réserve sera partagé ou non au bout de cinq ans ; il fait la répartition des placements provisoires ou définitifs ; il a la faculté de faire des emprunts. Ce pouvoir, on ne peut en disconvenir, est un pouvoir immense.
Quel est le caractère de l'établissement ? C'est une banque qui fera un peu toutes sortes d'opérations, une banque fondée, comme l'a dit l'honorable rapporteur, sur des principes mixtes, sur des principes éclectiques, qui escomptera peu de traites créées en vue d'opérations commerciales, et en escomptera au contraire un grand nombre créées en vue d'opérations industrielles ; elle négociera ces traites que la Banque Nationale repousse comme plus ou moins dangereuses, ces traites dont il est question dans la dernière circulaire de la Banque Nationale.
En un mot, la caisse fera indirectement la commandite des affaires industrielles. Elle sera une espèce d'union de crédit par l'association des capitaux qu'elle recueille, mais une union de crédit, où tous les risques sont pour le gouvernement, où le gouvernement n'a aucun profit, où, d'un autre côté, tous les bénéfices sont pour les participants à la caisse ; une union de crédit où les participants sont actionnaires, quand il s'agit de toucher les dividendes, et créanciers, quand il s'agit de réclamer le remboursement de leurs capitaux.
Et sur qui retomberont éventuellement les pertes ? Sur l'Etat, sur l’Etat seul qui n'a d'autre garantie que la moralité, l'habileté, la prudence l'expérience des administrateurs de la caisse, et cette garantie, comme l'a expliqué l'honorable M, de Naeyer, est éparpillée sur une foule de personnes, sur l'administration de la caisse, sur la Banque Nationale, sur la caisse des consignations, sur le gouvernement.
En présence, messieurs, de la responsabilité qui incombe au gouvernement et des pouvoirs exorbitants qui lui sont confiés, n'est-il pas sage d'agir ici comme on l'a fait ailleurs ? Ne convient-il pas que nous fassions preuve de la même prudence ?
Nous allons beaucoup plus loin que dans d'autres pays. Car nulle part (page 1588) le gouvernement ne se charge de la gestion et de l'administration des caisses d'épargne. En France, en Angleterre, le gouvernement se charge uniquement de placer en fonds publics les fonds des caisses d'épargne ; il ne va pas au-delà. Raison de plus pour être circonspect.
Le champ ouvert à la future caisse d'épargne sera assez vaste, même si le principe du maximum est adopté.
J'en reviens toujours à l'observation que j'ai présentée tantôt ; les capitaux ont-ils jamais manqué à la Société Générale ? Non, toujours ils y ont abondé.
Vous manqueront-ils, à vous qui pouvez user de tant d'influence, à vous qui disposez d'une armée de fonctionnaires qui vous soutiendront dans votre entreprise, à vous qui êtes entouré de tout le prestige que donnent l'exercice du pouvoir et la garantie du gouvernement ? Evidemment non.
La limite de 3,000 fr. en capital, de 5,000 fr. en capital et intérêts est celle que je propose et elle est suffisante. Elle ne diffère guère de la limite adoptée en Angleterre. En Angleterre, la limite du maximum des dépôts est de 3,750 francs en capital et de 5,000 francs en capital et intérêts.
Si nous tenons compte de la différence de la valeur de l'argent dans les deux pays, nous pouvons dire que pour la Belgique la limite du maximum à 3,000 fr. et à 5,000 fr. est même supérieure à celle de l'Angleterre. Elle est, au reste, en rapport avec celle qui avait été adoptée par la Société Générale, alors qu'elle a vu s'accumuler dans sa caisse une somme d'au-delà de 60 millions et qu'elle s'est trouvée forcée de mettre un terme à l'empressement des déposants.
Au surplus si ce maximum était insuffisant, ne serait-il pas toujours temps de l'augmenter ? C'est ainsi qu'on a procédé en Autriche, où les caisses d'épargne ont fait de rapides progrès et où elles sont organisées sur le même pied qu'elles le seront en Belgique.
La loi sur la caisse d'épargne devra probablement, dans un temps plus ou moins éloigné, être révisée.
C'est le propre de toutes les lois de cette espèce. Partout on a été obligé d'y apporter des modifications au bout d'un certain temps. Il n'est pas probable que du premier jet vous atteigniez la perfection.
Ces révisions de la loi n'ont, d'ailleurs, compromis en rien le sort des caisses d'épargne, cela pourrait d'autant moins arriver chez nous, qu'il s'agirait de donner de l'extension à l'œuvre. S'il le faut, on pourra donc revenir sur la mesure prise.
Messieurs, je finis par une dernière considération qui, je pense, mérite toute l'attention de la Chambre.
Par la fixation d'un maximum, vous empêcherez tout arbitraire. N'est-ce pas une chose grave de donner au conseil d'administration le droit d'accepter les capitaux d'un tel, de repousser les capitaux de tel autre, de faire le remboursement à l'un, de ne pas faire le remboursement à l'autre ?
M. H. Dumortier, rapporteur. - Où trouvez-vous cela ?
M. Tack. - Je trouve cela dans l'article 26.
Cette latitude me semble exorbitante ; elle me semble dangereuse. Elle peut exposer l'administration de la caisse au reproche de favoritisme, et quand on peut éviter de pareilles accusations, fussent-elles même injustes, il faut avoir soin de le faire. L'égalité pour tous sera le moyen d'arriver à ce résultat.
M. de Smedt. - Messieurs, mon intention n'est pas d'abuser des moments de la Chambre en prolongeant une discussion déjà longue et approfondie où toutes les opinions ont pu se faire jour et les convictions se former sur le mérite du projet de loi qui est actuellement soumis à nos délibérations.
Je désire seulement déclarer en peu de mots ce qui a déterminé ma conviction quant à l'utilité, à la nécessité même, dans les circonstances actuelles, d'accepter l'intervention de l'Etat et sa garantie pour les dépôts confiés à la caisse d'épargne. Ensuite, j'appuierai de quelques considérations l'amendement que j'ai signé avec mes honorables collègues et amis MM. Tack et Royer de Behr.
Les caisses d'épargne et de retraite, les sociétés da secours mutuels, les sociétés de prévoyance, le compagnonnage, en un mot l'association sous les formes les plus multiples dans le but d'améliorer le sort des classes ouvrières, sont devenus une nécessité de la civilisation avancée de notre époque ; une condition de progrès matériel et moral et la conséquence inévitable de la division toujours croissante du travail dans toutes les sphères de l'activité humaine.
Aujourd'hui que l'on marche rapidement dans tous les pays vers la liberté des échanges, alors que le génie de l'homme s'attache avec une fiévreuse ardeur à perfectionner et à multiplier les produits de tout genre, alors que les voies rapides de communication facilitent chaque jour davantage leur écoulement jusque dans les pays les plus éloignés, nous voyons les gouvernements et les peuples se rendre de jour en jour plus solidaires de leurs actes et de leurs vicissitudes. Les crises financières, industrielles ou politiques soit qu'elles éclatent en France, en Angleterre, en Allemagne ou en Amérique, n'ont-elles pas, messieurs, leur contrecoup chez nous comme ailleurs ?
Qui pourrait le nier ? La détresse actuelle de la ville de Gand n'en est-elle pas l'exemple le plus frappant ?
Eh bien, messieurs, cette solidarité entre les intérêts de toutes les nations et que, pour ma part, j'estime un grand bienfait de notre époque, ne crée-t-elle pas des besoins nouveaux que les temps anciens n'ont pas aussi vivement sentis, et qui obligent aujourd'hui les nations et les individus, sous peine de désastres irrémédiables et de misère toujours croissantes, à des devoirs nouveaux aussi ?
Or, messieurs, quand à toutes les causes intérieures de relâchement ou de cessation de travail qui peuvent atteindre toutes ou partie des industries d'un pays, s'ajoutent pour ce même pays toutes celles qui frappent les nations avec lesquelles elle est en relation d'affaires, pourrait-on soutenir raisonnablement qu'une institution qui est appelée par son but et par son caractère à atténuer les effets énervants et destructeurs de richesse occasionnés par ces crises sans cesse renaissantes ? Pourrait-on soutenir, dis-je, que cette institution ne vient pas apporter le remède à côté du mal ?
La Belgique n'est-elle pas intéressée à voir naître et prospérer cette institution, alors même qu'il en coûterait, dans des éventualités peu probables, quelques sacrifices à la nation tout entière ?
Aujourd'hui que les caisses d'épargne sont relativement rares en Belgique, que voyons-nous, quand le travail vient à cesser pour l'une ou l'autre cause sur un point quelconque du pays ? Des milliers de familles tombent à charge des bureaux de bienfaisance et des communes. Les finances de celles-ci se trouvant parfois à découvert à la suite de ce besoin imprévu auquel il a fallu impérieusement pourvoir, les communes se voient dans la nécessité de majorer le chiffre des cotisations personnelles.
D'où je conclus qu'en l'absence de caisses d'épargne, ce qui est le cas le plus ordinaire et le restera longtemps encore si on n'établit pas une organisation sérieuse de cette utile institution comme dans le système qui nous est proposé, les contribuables pourront être dans l'un comme dans l'autre cas éventuellement amenés à intervenir pour faire face à la misère publique occasionnée par la cessation de travail ; avec cette différence énorme, cependant, pour moi, que dans le premier cas ils payeront tout ou presque tout le déficit, tandis que dans le second cas ce seront les économies de l'ouvrier lui-même, réalisées et grossies en des temps meilleurs, qui feront face aux nécessités de ce moment de crise.
A Gand, par exemple, si les six mille ouvriers sans ouvrage aujourd'hui avaient déposé en moyenne seulement 300 fr. par tête à la caisse d'épargne, cela aurait fait un capital de près de deux millions. Or, toutes les souscriptions réunies en faveur des ouvriers de Gand n'ont pas atteint le chiffre de 200 mille fr. On ne peut distribuer par semaine que pour 12 mille francs de secours.
Ce n'est pas le sixième des sommes qu'il faudrait pour faire face aux besoins les plus pressants de la situation actuelle.
Cependant que d'efforts généreux, que de sacrifices volontaires ne se sont pas imposés les Belges de toutes les catégories pour soulager les malheureuses victimes de la crise industrielle !
A des maux aussi grands et qui peuvent se renouveler périodiquement avec des intensités diverses, il faut, messieurs, des remèdes plus énergiques, plus efficaces, plus salutaires, surtout, que ces aumônes, généreuses sans doute, mais impuissantes.
II faut que le temps et l'esprit de prévoyance préparent pour ces jours malheureux des ressources que l'on ne trouvera jamais tout entières dans la charité la plus active et le zèle intelligent des administrations communales.
La caisse générale d'épargne sous la garantie du gouvernement, en inspirant aux déposants une confiance plus grande que celles existantes aujourd’hui, permettra, j'en ai la conviction, à des parcelles de capitaux de trouver une destination utile, et pleine de sécurité, qui leur manquait aujourd'hui dans la plus grande partie du pays.
Alors même que la somme de tous les dépôts ne s'élèverait qu'à cent millions, ce serait déjà un magnifique résultat, puisqu'on serait parvenu à détourner ces 100 millions de la consommation improductive pour les lancer dans la consommation reproductive. Et ainsi envisagée, je crois que sans exagération aucune, on peut estimer que cette utile institution, dans les limites que j'indique, augmenterait la richesse nationale de plus de dix millions par an.
(page 1589) D'ailleurs, les épargnes accumulées ne forment-elles pas le capital ? Et n'est-ce pas l'importance du capital disponible qui détermine l'intensité de la demande de travail ?
En vue donc, messieurs, de voir réaliser des avantages aussi considérables pour le travailleur économe et prévoyant ; pour la commune qui est dans la nécessité de subvenir aux bureaux de bienfaisance quand leurs ressources sont épuisées ; pour la nation tout entière qui est intéressée au plus haut point à voir s'introduire dans les classes inférieures les habitudes d'ordre, d'économie et de prévoyance, à voir grossir le capital social, source de richesse et de travail ; ne peut-on pas, en vue de ce résultat immense, accepter l'intervention et la garantie de l'Etat, quand cette garantie et cette intervention ne détruisent ni la liberté individuelle, puisque personne ne sera forcé de verser à cette caisse, ni n'engagent dans des proportions dangereuses les finances du pays, ni surtout ne détruisent chez l'individu ce fécondant principe de civilisation et de progrès, la responsabilité ?
Je crois en avoir dit assez, messieurs, pour justifier le vote conditionnellement approbatif que j'ai cru pouvoir donner à l'article premier du projet de loi que nous discutons.
Ce vote a été conditionnel, car si je puis accepter la garantie de l'Etat, alors qu'il s'agit de recueillir et de protéger les épargnes et les économies de l'ouvrier et du petit déposant, cette même garantie accordée à des capitalistes serait, à mon avis, une monstruosité. Ce serait un pas immense vers le socialisme. Ici cette garantie de l'Etat non seulement ne pourrait d'aucune manière se justifier, mais elle aurait encore les conséquences les plus funestes au point de vue de la richesse publique.
Car pour moi il restera toujours vrai que les particuliers intéressés et responsables feront toujours de leurs capitaux un usage plus utile et plus intelligent que l'Etat, fût-il d'ailleurs animé par les intentions les plus louables.
Que la protection de tous ou de l'Etat soit accordée à ceux qui comme les mineurs et les ouvriers sont dans l'impossibilité de se défendre eux-mêmes, rien de plus juste. Chez les autres, l'Etat doit se borner à garantir la liberté de chacun.
Dans tous les pays et à toutes les époques, je crois qu'on a toujours entendu par caisses d'épargne : des établissements de crédit fondés pour recevoir, propager et provoquer l'épargne ou le dépôt de parcelles de capitaux en les mettant à l'abri des tentations du moment.
Les caisses conservent, garantissent et font immédiatement fructifier ces petites économies qui sont et restent toujours remboursables à la demande des déposants. Dans ces limites, ces institutions sont appelées à rendre aux individus et à la nation où elles fonctionneront, les services les plus incontestables.
C'est dans l'intention, messieurs, que le but de l'institution que l'on nous propose de fonder ne soit pas méconnue et pour faire fonctionner la caisse d'épargne, garantie par l'Etat, dans les limites de ses véritables attributions, que nous avons cru utile de proposer, à l'article 26 que nous discutons, un amendement que nous avons l'espoir de voir favorablement accueilli par cette Chambre et par l'honorable ministre des finances lui-même.
Il importe, messieurs, que cette grande et généreuse pensée qui a inspiré le projet de loi qui nous est soumis ne soit pas défigurée, et que, sous le masque séduisant de la philanthropie, ne se cache pas un principe éminemment antisocial : la responsabilité de tous se substituant à la responsabilité utile et nécessaire de ceux qui sont assez riches, assez intelligents et assez forts surtout pour en supporter le poids.
Dans tous les pays on s'est toujours vivement préoccupé de ce danger, et je le crois tel que, malgré ma sympathie sincère pour le projet de loi que nous discutons, il me serait cependant de toute impossibilité d'y donner mon approbation, si une disposition spéciale n'écartait pas ce danger d'une manière complète.
Si l'on objecte qu'avec de petits dépôts limités à de certaines sommes, les frais d'administration sont trop considérables et ne permettent pas d'accorder aux déposants un intérêt assez élevé, je répondrai que les frais généraux d'administration de la caisse seront toujours beaucoup moindres entre les mains de l'Etat qui dispose d'agents nombreux disséminés sur tous les points de notre territoire que si cette caisse fonctionnait entre les mains des particuliers et même des communes qui n'ont pas, comme l'Etat, pour recueillir ces petites épargnes sans frais un personnel nombreux et responsable.
Je dirai ensuite que le principal but des caisses d'épargne est de recueillir et de garantir les économies, de les mettre à l'abri de la dissipation intempestive et non pas, comme les partisans des forts dépôts le prétendent, d'assurer aux déposants un intérêt élevé.
Il y a entre l'exigibilité permanente des sommes versées à la caisse d'épargne et le payement d'une rente élevée aux dépositaires de ces sommes une incompatibilité dont chacun de vous, messieurs, saisit facilement la cause. D'ailleurs, une caisse d'épargne ne peut pas tout faire et remédier à tout, ce n'est pas une panacée pour tous les maux, pas même pour guérir l'humanité de la misère. La charité privée aura encore à s'exercer sur une très vaste échelle. La caisse d'épargne est destinée à former des capitaux qui dans la plupart des cas seraient perdus pour la reproductibilité, et ces capitaux une fois formés, c'est aux capitalistes petits ou grands à en trouver pour eux l'usage le plus directement utile et cette fois sous leur responsabilité personnelle.
Je crois donc, messieurs, que la fixation d'un maximum de dépôt est de la plus haute importance pour conserver à cette institution son véritable caractère et lui permettre de remplir le but, à l'exclusion de tout autre, pour lequel elle est établie, savoir : recueillir, conserver et faire fructifier les économies de l'ouvrier de toutes les catégories qui auront été confiées à cette caisse.
Moyennant ce changement que, pour ma part, je crois tout à fait indispensable, et que mon honorable ami, M. Tack, a suffisamment développé et justifié, je crois pouvoir accorder un vote approbatif au projet de loi qui nous est soumis.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, la question qui vient d’être traitée par les honorables préopinants a fait principalement l'objet de la discussion générale. C'est celle de savoir s'il faut fixer, oui ou non, un maximum aux dépôts. Les opinions sur cette question doivent être formées ou elles ne le seront jamais. Les nouveaux arguments que l'on pourrait introduire ne serviraient, je pense, absolument à rien.
Je ferai donc une simple observation.
Les honorables membres sont dans la croyance que la caisse d'épargne que nous allons instituer va voir affluer immédiatement chez elle des sommes très considérables.
Je ne suis pas précisément aussi convaincu que les honorables membres de la réalisation de cette prévision. Je crois qu'il faudra longtemps, qu'il faudra de grands efforts, qu'il faudra beaucoup de zèle, qu'il faudra le concours zélé et dévoué de beaucoup de personnes charitables pour que l'institution prenne certain développement.
Dans les premiers temps, pendant les premières années, l'institution sera probablement très onéreuse et sa marche très difficile, cela est incontestable. Il y aura des frais d'administration générale considérables, et il y aura dans la caisse très peu de capitaux productifs. Si nous avions fait une expérience, si l'on pouvait raisonnablement supposer que les dépôts limités à une somme de 3,000 fr. permettront d'atteindre complètement le but, c'est-à-dire de pouvoir obtenir des caisses d'épargne bien organisées, permettant de donner aux déposants, non pas un intérêt élevé, mais un intérêt suffisant et de payer en outre les frais d'administration, j'accepterais immédiatement le maximum de 3,000 fr., car tout ce que je cherche, c'est de pouvoir faire face aux engagements de la caisse ; je ne désire pas autre chose.
Ce n'est pas, messieurs, que je trouve qu'un dépôt de 3,000 francs, ni même un dépôt de 10,000 francs, puisse être considéré comme une chose excessive au point de vue de la classe laborieuse. Car enfin, si on avait même un dépôt de 10,000 francs à la caisse d'épargne, donnant 2 1/2 ou 3 p. c. d'intérêt, le possesseur de ce capital n'aurait pas encore un franc de revenu par jour.
On ne peut donc pas dire que 10,000 francs ainsi déposés constitueraient pour le petit capitaliste, qui aurait fait le dépôt, des moyens suffisants d'existence.
Mais, enfin, messieurs, nous n'en sommes pas là. Voulons-nous nous exposer à paralyser l'institution ? Je tiens compte des scrupules des honorables membres. Je ne suis pas insensible aux raisons qu'ils ont fait valoir. Je ne voudrais pas plus qu'eux que l'institution dégénérât, qu'elle fût un moyen de recevoir des capitaux considérables de la part des gens qui peuvent les faire valoir eux-mêmes, capitaux qu'on se chargerait ainsi de faire valoir pour eux, à l'aide de l'institution, et sous la garantie de l'Etat.
Mais les honorables membres ne peuvent pas vouloir non plus que l'institution ne puisse marcher, qu'elle soit constituée en perte. Il y a donc là quelque chose à faire, eh bien, j'ai vainement cherché une disposition qui permît de donner satisfaction aux honorables membres en fixant un maximum. Mais ne pouvons-nous pas arriver à la solution de cette difficulté en stipulant, par exemple, que la disposition, telle qu'elle est conçue, et qui doit être appliquée dans l'esprit que je viens (page 1590) d'indiquer, sera révisée dans un délai à déterminer, cinq ans, par exemple. Nous aurions alors des faits devant nous, nous aurions une expérience acquise, nous pourrions apprécier ce qu'il serait bon de faire. La disposition, à cette époque, devrait être nécessairement soumise aux Chambres, et on serait en mesure d'agir en conséquence des faits constatés.
Je crois que c'est la meilleure solution de la difficulté qui se présente et si elle pouvait donner satisfaction aux honorables membres, je formulerais une disposition en ce sens. Je crois que nous arriverions ainsi au but que nous nous proposons tous.
M. Van Volxem dépose plusieurs rapports sur des demandes de naturalisation.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de. ces rapports, et les met à la suite de l'ordre du jour.
La séance est levée à quatre heures et demie.