(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)
(page 1567) (Présidence de M. Vervoort.)
M. de Moor, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moov, secrétaire, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Vooder prie la Chambre de statuer sur la pétition ayant pour objet d'interdire à certains agents de l'administration des ponts et chaussées l'exercice de profession soumise à la patente. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants d'Attenhoven demandent la construction d'un chemin de fer de Namur à Landen. »
« Même demande d'habitants de Goyer, de Hemptinne. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal de Noville demandent que le projet de loi relatif à l'exécution de travaux d'utilité publique, comprenne la concession, sur le territoire belge, du chemin de fer projeté de J5edan vers Coblenz par Herbeumont, Neufchâteau et Bastogne. »
- Même renvoi.
« Même demande des membres des conseils communaux de Goygoven, Wellen et Herten. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal et des habitants de Mont demandent que le projet de loi de travaux publics comprenne le chemin de fer de Spa à Luxembourg. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Jurbise prie la Chambre d'autoriser la concession d'un chemin de fer de Houdeng à Jurbise par Roeulx, Thieusies et Casteau. »
- Même renvoi.
« Le sieur Lignan demande que son fils, milicien de la classe de 1862, soit exempté du service. »
- Même renvoi.
« Le sieur Vanbreuse, ancien sous-officier congédié pour infirmité contractée au service, demande une pension ou un emploi. »
- Même renvoi.
« Le sieur Remy demande que la loi sur l'organisation judiciaire comprenne une disposition relative aux expéditionnaires des greffes et présente des observations sur la position des greniers de justice de paix. »
- Renvoi à la commission chargée de l'examen du projet de loi.
« Par dépêche du 16 juin, M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande en obtention de grande naturalisation de sieur Defruyt Charles-Louis. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« M. Missale fait hommage à la Chambre de 120 exemplaires d'un mémoire sur la demande de concession d'un chemin de fer direct d'Ans à Hasselt par Tongres. »
- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la Chambre.
« MM. Magherman, Ansiau, d'Ursel, Laubry, Beeckman, de Gottal, de Theux et Mercier demandent un congé. »
- Accordé.
« Article 1er. Il est institué une caisse d'épargne sous la garantie de l'Etat.
« La caisse générale de retraite, établie par la loi du 8 mai 1850, est annexée à la caisse d'épargne. Elles forment une caisse générale d'épargne et de retraite.
« Le siège de cette institution est à Bruxelles. »
M. de Naeyer. - Je pense, messieurs, que la rédaction de cet article présente certains inconvénients, parce que la portée réelle de la disposition est beaucoup plus grande que les termes dans lesquels elle est conçue ne semblent l'indiquer.
Je crois, messieurs, que l'article premier combiné avec d'autres dispositions du projet de loi a évidemment la signification suivante, qu'on pourrait résumer en quelques propositions.
Cela signifie d'abord qu'il sera créé, au compte de l'Etat, une banque de dépôt avec bonification d'intérêt, sous la dénomination de caisse centrale d'épargne ; que l'avoir de cette banque formera un fonds spécial et distinct des recettes du trésor public ; qu'il sera administré par des agents nommés par le gouvernement et révocables à volonté et cela avec le concours de la caisse des dépôts et consignations et avec le concours de la Banque Nationale dans les limites à déterminer par le gouvernement.
Cela signifie encore que le gouvernement déterminera la part de capital disponible qui pourra être employée par les agents de l'Etat à escompter des traites, à prêter de l'argent aux particuliers sur traites de commerce, sur bons de monnaie ou d'affinage, sur marchandises, warrants ou connaissements, sur fonds publics, sur fonds des communes ou des provinces, sur actions ou obligations de sociétés, en un mot, sur des gages à apprécier suivant des circonstances qui varient à l'infini.
Le gouvernement serait autorisé à faire par ses agents, à chaque instant, des prêts aux particuliers, aux conditions que je viens d'indiquer et il est évident que ces opérations pourront se renouveler très souvent dans le cours d'une même année, avec les mêmes fonds.
Messieurs, il faut bien le reconnaître, le projet de loi ne fait guère ressortir ce caractère réel de l'institution qu'il s'agit de créer. On serait tenté de croire qu'il ne s'agit point d'une institution gouvernementale proprement dite ; tout est masqué sous ce nom séduisant de caisse d'épargne, le gouvernement ne paraît qu'en second ordre, il n'est question que d'un établissement patronné par le gouvernement, surveillé par le gouvernement, contrôlé par le gouvernement.
Eh bien, l'honorable ministre nous a fait connaître la raison de ce mode de procéder, il nous a fait connaître les motifs de toutes les formes purement fictives ; on a la prétention d'instituer une personne civile qui serait distincte du gouvernement. La banque dont la création nous est proposée ne serait pas une institution du gouvernement, mais une personne civile distincte du gouvernement.
Messieurs, j'avoue franchement que cela ne me paraît pas sérieux. Si ce n'est pas de l'enfantillage, cela y ressemble beaucoup.
Car enfin, quelle serait la raison d'être de cette fameuse personne civile ?
La seule raison d'être avouable qu'elle pourrait avoir, ce serait de limiter les obligations du gouvernement, de limiter la responsabilité du gouvernement, de limiter les droits et les pouvoirs du gouvernement. Or, de tout cela, il n'en est rien : le projet de loi donne au gouvernement les mêmes droits, les mêmes devoirs, la même responsabilité que s'il était rédigé dans le sens des dispositions que j'ai indiquée tout à l'heure.
Il me semble qu'il faut admettre de deux choses l'une : ou bien cette personne civile est purement fictive, n'est rien, n'est autre chose qu'une fantasmagorie, ou bien, il y a, sous ce rapport, une abdication des attributions du gouvernement. Cela me paraît évident. Car quelle est la mission que vous voulez confier à cette prétendue personne civile ?
Vous voulez lui faire faire des opérations qui engagent directement la responsabilité du gouvernement. Vous voulez lui faire administrer des fonds pour lesquels le gouvernement se constitue débiteur, et cela en vertu des obligations les plus sacrées, en vertu de la loyauté du gouvernement.
Eh bien, n'est-il pas manifeste que les finances de l'Etat, l'honneur du gouvernement sont ses attributions les plus essentielles ? Et comment peut-il abandonner la moindre parcelle de ces attributions à un agent autre que son propre agent ? Il est évident que la dignité même du gouvernement s'oppose à une pareille abdication.
Les considérations que je viens d'indiquer sommairement me détermineraient à proposer un changement de rédaction, s'il m'était possible de me rallier au principe consacré par l'article premier ; mais ce principe, plus je l'examine, plus je le trouve funeste et exorbitant. Je ne veux pas répéter ce que j'ai dit dans nos précédentes séances, quant aux (page 1568) motifs qui m'empêchent d'admettre une intervention aussi exagérée du gouvernement.
Je ferai cependant observer qu'il est resté prouvé qu'un pareil système n'existe dans aucun autre pays et qu'en fait d'intervention gouvernementale, il s'agit de nous placer à la tête de toutes les autres nations.
En Angleterre, en France, etc., le gouvernement a bien pu centraliser jusqu'à un certain point les fonds des caisses d'épargne ; mais nulle part le gouvernement ne se fait banquier afin de faire en même temps le service d'une caisse d'épargne.
Messieurs, il est déplorable qu'après trente années de pratique de la liberté, on veuille nous amener à admettre une centralisation aussi exagérée.
Je pense qu'on nous entraîne ainsi dans une direction diamétralement opposée à celle qui nous est indiquée par les progrès de notre civilisation ; et à cet égard, je me permettrai de citer une autorité très importante, l'autorité d'un des plus illustres vétérans de notre régime parlementaire. Voici ce que je lis dans une des lettres que l'honorable M. Lebeau a adressée dans le temps aux électeurs belges et que j'ai lues et relues souvent avec beaucoup de plaisir, quoique mes opinions ne soient pas toujours d'accord avec celles de l'honorable membre ; le passage auquel je fais allusion, se trouve dans la deuxième lettre, page 57 ; l'honorable membre après avoir parlé des différentes formes de gouvernement continue en ces termes :
« Ces formes une fois établies, si par l'effet même des institutions, par le progrès de l'instruction et le développement de l'esprit public, le niveau intellectuel et moral de la nation s'élève, il faudra que les attributions gouvernementales se restreignent de plus en plus au profit des administrations de province, de cercle, de commune, et en dernière analyse au profit de l'essor individuel agissant isolément ou se produisant sous la forme d'associations. »
N'est-ce pas justement la marche inverse que nous suivons ?
(erratum, page 1590) Il s'agit ici d’un objet qui jusqu'ici avait été laissé à l'initiative privée, qui avait été placé en partie dans les attributions des communes.
Maintenant que veut-on faire ? Centraliser entre les mains du gouvernement et centraliser d'une manière plus complète que partout ailleurs.
C'est justement la marche inverse de celle que l'honorable M. Lebeau indiquait comme devant être le résultat du progrès, de la civilisation.
Pour justifier un pareil système, il faudrait aller jusqu'à dire que nous avons rétrogradé en matière de civilisation, que le niveau intellectuel et moral de la nation a baissé au lieu de s'élever. Une situation de ce genre pourrait seule légitimer l'intervention exagérée, exorbitante qui nous est proposée.
Et puis, messieurs, n'oublions pas que nous avons les institutions les plus libres de l'Europe, n'oublions pas surtout qu'il n'y a pas peut-être un seul peuple qui ait reçu autant de bienfaits de la liberté que nous. Nous sommes en quelque sorte ses enfants privilégiés, dès lors ne commettrions-nous pas la plus noire ingratitude en venant proclamer ici son impuissance pour remplir un des devoirs sociaux les plus sacrés ? Et cependant voilà le sens, voilà la véritable signification du projet de loi.
Messieurs, on a dit de très belles choses sur l'épargne et sur les effets merveilleux qu'elle produit, surtout pour la moralisation des classes ouvrières.
Je crois que, sous ce rapport, nos annales fourniront de très belles leçons d'économie politique, cependant je ne puis m'empêcher de dire que ces dissertations, quelque éloquentes, quelque savantes qu'elles soient, doivent être considérées ici comme de véritables hors-d'œuvre.
Car il est bien évident que personne ici n'ignore que l'épargne est une excellente chose puisqu'elle est la condition sine qua non de l'accroissement de la richesse publique. Cela est vulgaire, cela est élémentaire, cela a à peine besoin d'être démontré sur les bancs de l'école, et ce qui prouve que cela est parfaitement compris dans le pays, ce sont les progrès de la richesse publique qui sont immenses en Belgique depuis quelques années.
Ce fait incontestable prouve que le peuple belge est non seulement puissant par le travail et l'industrie, mais qu'il est économe. S'il n'avait fait que travailler, même de la manière la plus productive, mais sans épargner, sans réaliser des économies, il n'aurait pas augmenté la richesse du pays. Cela est évident.
Maintenant, je n'admets pas que les habitudes d'économie et d'épargne sont le privilège des classes aisées, et qu'elles font défaut à nos classes ouvrières. Il serait facile de citer des faits nombreux qui prouvent le contraire,
Combien de fois n'avons-nous pas le bonheur et la consolation de voir des hommes sortis des rangs des ouvriers conquérir noblement des positions de fortune et même quelquefois les positions les plus brillantes ! Voilà un magnifique spectacle qui exerce une influence bien puissante pour propager l'esprit d'ordre et d'économie parmi nos classes laborieuses, et cela prouve que la situation est loin d'être aussi déplorable qu'on le prétend pour nous rallier à une intervention exagérée du gouvernement.
Je suis loin de soutenir que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais une idée contre laquelle je proteste, c'est qu'on veuille nous placer dans une position d'infériorité, par cela seul qu'il y a moins de dépôts dans les caisses d'épargne que dans d'autres pays.
Je crois avoir prouvé à la dernière évidence que cette induction est absolument illogique, et je ne veux pas revenir sur ce que j'ai dit à cet égard.
Mais cette infériorité en ce qui concerne les dépôts dans les caisses d'épargne, on la fera cesser, dit-on, en donnant aux ouvriers la sécurité la plus complète par le système qui nous est proposé. Le gouvernement s'étant ainsi déclaré solennellement responsable des sommes qui lui sont confiées, plus personne ne peut douter un seul instant que son argent ne lui soit remboursé, et dès lors les économies des classes ouvrières afflueront vers les caisses (erratum, page 1590) d’épargne ; cependant, messieurs, n'allons pas trop vite, et ne prenons pas les illusions pour des réalités. Je n'admets pas, et je ne crois pas qu'on admette généralement qu'avec votre intervention, qu'avec votre garantie formellement stipulée, il y ait sécurité complète, une sécurité qui ne puisse jamais être en défaut.
Messieurs, l'histoire du passé doit nous instruire pour l'avenir. Je tiens en mains une brochure qui émane d'un des fonctionnaires les plus haut placés de l'administration des finances et qui est intitulée : Nouvelle étude sur les caisses d'épargne, par M. Aug. Visschers, et voici ce que j'y lis à la page 39 en ce qui concerne l'histoire des caisses d'épargne en France :
« Survint la révolution de février 1848. Le solde dû par les caisses d'épargne était alors, pour la France entière, de 355,087,717 fr. 32 c. Par l'effet de la panique, dont les plus mauvais temps de la première révolution montraient seuls des exemples, une demande générale de remboursement était imminente ; et, pour y satisfaire, la caisse des dépôts et consignations ne pouvait disposer que d'une somme de 65 millions. Pour atténuer les effets de la crise, le gouvernement provisoire avait d'abord proclamé, par un décret du 7 mars, que de toutes les propriétés, la plus sacrée et la plus inviolable était l'épargne du pauvre ; que les caisses d'épargne étaient placées sous la garantie de la loyauté nationale, et que le trésor public tiendrait tous ses engagements. Deux jours après, le 9, un autre décret suspendit le remboursement en espèces, ou plutôt le limita à la somme de 100 francs par livret ; il offrit la conversion du surplus, moitié en bons du trésor à 4 et à 6 mois, moitié en rentes 5 p. c., au pair. Tous ces moyens furent insuffisants.
« A ce moment, les bons du trésor s'escomptaient à 30 ou 40 p. c. de perte, et la rente était à 70 ; c'était donc une véritable banqueroute ! Une somme de cent mille francs, mise cependant alors entre les mains des administrateurs de la caisse d'épargne de Paris, servit à adoucir quelques-unes des plus cruelles infortunes.
« Le décret du 7 juillet suivant fut un commencement de réparation. L'Etat ne pouvait rembourser en espèces ; il n'avait que des rentes à offrir. Les donnerait-il au pair ? Consommerait-on cette odieuse injustice ? On se laissa malheureusement aller au taux de 80, injustice moindre, mais injustice. On en fit une autre en rendant la conversion obligatoire, même pour les déposants nombreux qui ne réclamaient aucun remboursement, et qui, pleins de confiance dans la caisse, ne demandaient pas mieux que de lui laisser l'administration de leurs économies. »
Vous voyez donc, messieurs, que, malgré les déclarations les plus formelles de l'inviolabilité de ces dépôts, et malgré la garantie nationale si hautement proclamée, le remboursement n'a pas eu lieu comme on l'avait promis aux populations.
Direz-vous maintenant qu'il n'en sera jamais de même en Belgique ? Je crois qu'il serait peut-être téméraire de l'affirmer. Notre loyauté nationale vaut celle de la France ; mais le trésor français a dû déjà manquer à ses engagements. D'ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que, dans les moments de bouleversements révolutionnaires, ce n'est pas toujours l'élite de la nation qui arrive au pouvoir.
Et puis, dans ces circonstances, on ne fait pas toujours ce qu'on veut : malgré la plus grande loyauté des sentiments et d'intentions, on est souvent débordé, et ce qu'on avait promis solennellement comme la chose la plus (page 1569) sacrée, dans des situations normales, on est souvent impuissant à le tenir dans ces temps de crise politique.
Vous me direz peut-être : Notre entreprise est assise sur de meilleures bases ; nous avons pris nos précautions pour parer à toutes les éventualités.
Je crois, messieurs, qu'il est permis de conserver des doutes, et certes vos affirmations les plus positives ne porteront pas la conviction dans tous les esprits et les événements pourraient fort bien venir renverser les prévisions actuelles.
Ainsi, il est certain que, dans un moment donné, vous n'aurez pas suffisamment de fonds disponibles et que vous ne pourrez vous en procurer que par des emprunts onéreux, si même vous trouvez à emprunter à des conditions acceptables.
Je ne veux pas revenir sur les considérations que j'ai présentées à cet égard.
Vous dites : Mais nous aurons inspiré une confiance entière, et les déposants ne demanderont pas le remboursement de leurs fonds.
Je veux bien admettre que la confiance ne vous fera pas entièrement défaut, mais cette confiance n'empêchera pas les demandes de remboursements, pourquoi ? Parce que, dans les temps difficiles les déposants auront besoin de leur argent et que ce n'est pas avec la confiance qu'ils pourront avoir dans le gouvernement, qu'ils parviendront à se procurer les choses dont ils ont besoin, et à faire face aux difficultés qui viendront les assaillir. Ce sera le cas d'un grand nombre de déposants.
Il est une autre considération dont il importe de tenir compte.
Dans les circonstances normales, l'argent est souvent à bas prix ; quand l'industrie, l'agriculture, le commerce sont prospères, les capitaux abondent et le taux de l'intérêt est bas. Or, comme vous avez la prétention de donner l'intérêt le plus élevé possible dans les bonnes circonstances, quand il y a prospérité partout, les dépôts afflueront dans votre caisse parce qu'il ne sera pas facile de trouver un placement plus avantageux et surtout plus commode ; vous aurez des spéculateurs qui viendront vous confier leurs capitaux et vous ne pourrez pas les refuser, car vous déclarez formellement que vous voulez opérer sur de larges bases et que votre entreprise ne peut pas réussir autrement. Mais s'il survient des circonstances difficiles, si des crises politiques ou autres surgissent, ces spéculateurs viendront aussi réclamer leurs capitaux, alors même qu'ils croiront la garantie du gouvernement suffisante ; pourquoi ? Mais parce que l'argent sera devenu plus cher et parce qu'ils auront occasion de faire ce qu'on appelle d'excellentes affaires en exploitant les besoins de ceux qui seront gênés par la difficulté même des circonstances.
Vous voyez donc qu'il serait absolument téméraire d'affirmer que dans des crises d'une certaine gravité vous ne serez pas débordé par les demandes de remboursement, et soyez-en bien convaincu toutes vos affirmations à cet égard seront impuissantes pour faire naître une sécurité complète.
Messieurs, je crois que l'honorable M. Dumortier était dans le vrai lorsqu'il a dit que la garantie communale inspirerait en général plus de confiance que la garantie de l'Etat. On a contesté cela en citant la cote de la bourse, qui est plus élevée pour les fonds de l'Etat que pour les fonds des communes, quand les circonstances sont prospères ; cela est possible et cela s'explique en partie par le vice qui existe dans notre législation, en ce qui concerne les obligations des communes ; parce que l'exécution des jugements obtenus contre elles dépend pour ainsi dire entièrement du bon vouloir de l'administration.
Cet état de notre législation est nuisible au crédit communal, et doit nécessairement changer, et dès lors même dans les circonstances normales, les fonds communaux en général pourront atteindre le niveau des fonds publics proprement dits ; mais il s'agit ici surtout du crédit dans les moments difficiles, et il est incontestable que des circonstances de cette nature affectent bien plus directement le crédit de l'Etat que le crédit des communes.
Tel était, je pense, le sens de l'observation présentée par l'honorable M. Dumortier, et cette observation n'a pas été réfutée, elle n'est pas susceptible de l'être.
Messieurs, dans ma manière de voir le vice de notre situation, ce n'est pas l'absence de sécurité, ce n'est pas l'absence d'une garantie formellement stipulée ; je crois que le vice, le grand vice, c'est le provisoire, qui dure depuis trop longtemps, c'est l'attente dans laquelle nous avons laissé le pays depuis 14 ans.
Voici un fait que je signale à cet égard : avant 1848 les dépôts dans nos caisses d'épargne s'étaient élevés à 60 millions ; cependant on était en présence des événements de 1830 qui avaient causé des pertes réelles aux déposants, et le pays était moins riche, avait moins de ressources qu'aujourd'hui. Depuis lors sont survenus les événements de 1848 qui n'ont fait aucune victime, au moins en ce qui concerne les versements effectués dans les caisses qui fonctionnent encore aujourd'hui.
Comment voulez-vous que, quand ces événements de 1830, qui ont causé des pertes réelles, n'ont pas empêché les dépôts de s'élever à 60 millions, les événements de 1848 qui n'ont pas produit ces résultats déplorables puissent exercer l'influence funeste qu'on leur attribue et être la véritable cause de notre infériorité en ce qui concerne le peu de développement de nos caisses d'épargne ?
Cela est évidemment impossible. La véritable cause est dans le provisoire qui dure depuis trop longtemps, ensuite depuis lors d'autres moyens de placement se sont produits ; on s'est plus familiarisé à faire fructifier ses économies en prenant de petites coupures de la dette publique, en prenant des fonds communaux et des fonds provinciaux.
Cette dernière circonstance peut y avoir contribué aussi, mais je crois que ce qui a surtout empêché que l'on n'établît un plus grand nombre de caisses d'épargne, c'est le provisoire. Le gouvernement avait dit, il y a quatorze ans : Il y aura une loi, je ferai quelque chose. Eh bien, dans cet intervalle, comment voulez-vous que l'on se soit sérieusement occupé de fonder des caisses d'épargne ? Le gouvernement, je l'ai dit, pouvait tout bouleverser du jour au lendemain. Dans cet état de choses, tout a été paralysé, et dès lors nous n'avons pas le droit de dire que l'intervention du gouvernement soit devenue le dernier remède, le remède indispensable. Nous n'avons pas le droit de dire cela, parce que nous sommes cause de cette situation, en laissant traîner cette affaire sans arriver à une solution définitive.
L'article 92 de la loi communale, dit-on, n'est pas exécuté. Mais a-t-on fait de grands efforts pour obtenir l'exécution de cet article ? On a cité, je pense, une seule circulaire, qui date de dix ans, par laquelle on rappelle aux communes le devoir que la loi communale leur impose. Mais je crois que c'est là tout. Vous voyez donc que tous les moyens ne sont pas épuisés au point que nous devions recourir à celui qui, d'après moi, serait le plus dangereux de tous. Car, je répète ce que je citais au commencement de mon discours, ce qu'on nous propose revient à dire que la liberté est impuissante chez nous ou que la civilisation a rétrogradé en Belgique.
II me paraît donc évident que notre situation ne justifie pas du tout le remède exorbitant qu'on nous propose.
Messieurs, l'honorable M. Orts, si je ne me trompe, a dit que les grande mots ne l'effrayaient pas. Je suis absolument de cet avis sous ce rapport.
Je n'ai pas employé jusqu'ici le mot « crédit mobilier » et je vous avoue que ce mot ne m'inspire aucune frayeur. Le crédit mobilier est une excellente chose ; je la trouve même plus nécessaire que les caisses d'épargne. Car, rigoureusement parlant, sans caisses d'épargne, on peut encore faire fructifier les économies. Mais sans crédit mobilier, il est impossible que le pays vive et se développe. Si nous n'avions que le crédit foncier, alors réellement nous serions à la suite de toutes les autres nations. Le crédit mobilier est donc une bonne et excellente chose.
Ce que je ne veux pas, et en cela je suis encore d'accord avec l'honorable M. Orts, c'est que ce crédit mobilier soit concentré entre les mains d'une société privilégiée. Cela est mauvais, parce que c'est un privilège d'abord et ensuite, parce que je ne veux pas qu'à l'aide d'un privilège, on puisse peser sur le gouvernement et acquérir dans le pays une influence prépondérante.
Mais sur le troisième point, je ne suis plus d'accord avec l'honorable membre. Selon lui, le crédit mobilier concentré cesserait d'être dangereux du moment que la concentration se ferait entre les mains du gouvernement.
Je reconnais qu'ici l'indépendance du pouvoir ne serait plus menacée ; mais il y aurait un autre danger, c'est le danger qui menacerait la liberté, car si vous concentrez toutes les grandes influences, toutes les forces vitales du pays entre les mains du gouvernement, que devient la liberté ? Et ne serait-il pas ridicule de nous proclamer encore un peuple libre ?
Messieurs, l'honorable M. Dumortier a fait un reproche bien grave au projet de loi, en ce qui concerne les germes de corruption qu'il renferme contrairement aux intentions de son auteur, j'en suis convaincu.
On a glissé sur ce reproche, on a dit : « Qu'importe qu'il y ait quelques fonctionnaires publics de plus ? Vous pouvez d'ailleurs annihiler complètement leur influence politique en créant des incompatibilités. »
C'est là, messieurs, se placer à côté de la question, car évidemment tel n'était pas le sens du reproche articulé par l'honorable M. Dumortier. Je crois que l'honorable membre a fait allusion aux opérations de Banque, je crois qu'il a vu des germes de corruption dans cette attribution donnée aux agents du gouvernement de se mettre constamment en contact avec les particuliers pour escompter des traites, pour faire des avances de (page 1570) fonds, pour prêter de l'argent. Là il y a des germes de corruption qui pourront évidemment donner lieu aux abus les plus graves.
Du moment que le gouvernement par ses agents est tous les jours en contact avec les personnes qui ont besoin d'argent, qu'il peut prêter à l'un, refuser à l'autre, sans que ceux qui font les opérations soient retenus par aucun motif d'intérêt personnel, je dis qu'il y a là un danger immense, et si par impossible il n'y avait pas d'abus très réels, il y aurait nécessairement des soupçons continuels portant atteinte à la dignité du gouvernement. Je dis que c'est l'invasion la plus déplorable dans le domaine de l'activité privée. Je dis que la dernière industrie qu'on devrait confier au gouvernement, c'est celle de banquier.
Je suis convaincu que si au commencement de notre organisation politique on était venu demander à la Chambre l'autorisation pour le gouvernement de se faire banquier, il y eût eu un cri général de réprobation. Et si l'on était venu dire : On propose d'autoriser le gouvernement à faire des affaires de banque pour le mettre à même détenir la cause d'épargne, on aurait répondu : Il ne faut pas faire le mal même pour opérer le bien ; or le gouvernement banquier c'est un mal et un mal incontestable.
L'honorable M. Frère nous a cité, dans une de nos précédentes séances, de bien belles paroles, empruntées à un homme d'une grande réputation, à M. Rossi :
En parlant des caisses d'épargne, cet économiste éminent s'exprime comme suit :
« C'est là ce que les classes riches et instruites doivent avant tout au peuple, au lieu de le corrompre par de honteuses adulations ou de l'avilir par une aumône dédaigneuse et regrettée, nous devons travailler de toutes nos forces à l'éclairer sur ses vrais intérêts, à cultiver ces trésors de bon sens et d'équité naturelle, que l'humanité, quoi qu'on en dise, recèle dans son sein. »
Incontestablement, messieurs, les classes riches et instruites ont de grands devoirs à remplir, mais je me demande si ces devoirs sont absolument négligés en Belgique.
Je ne dis pas qu'il n'y a plus rien à faire et j'ai indiqué la raison pour laquelle on n'a pas fait davantage ; mais les choses en sont-elles venues au point que le gouvernement doit en quelque sorte affranchir les classes riches et éclairées de leurs obligations, en se substituant à elles par une nouvelle extension du fonctionnarisme, en introduisant une nouvelle escouade dans cette armée déjà si considérable d'employés et de fonctionnaires que nous possédons. Je crois que cela ne doit pas être, je crois que les classes riches et instruites sauront remplir leurs devoirs du moment que leur liberté d'action ne sera plus entravée par cette situation (erratum, page 1590) provisoire qui pèse, depuis trop longtemps sur notre pays.
On a dit souvent avec raison que la philanthropie et le dévouement au sort des classes inférieures sont les plus sublimes vertus, et pourquoi cela ? Sans doute parce que ces vertus sont éminemment utiles à l'humanité souffrante, parce qu'elles réalisent la grande fraternité entre tous les hommes, mais plus encore parce qu'elles anoblissent ceux qui les pratiquent, parce qu'elles leur impriment le cachet de la véritable grandeur, de cette grandeur qui a sa source dans le sacrifice que l'homme s'impose volontairement en faveur de son semblable.
Eh bien, je dirai : Laissez donc aux classes riches et éclairées le soin de s'élever et de grandir par la pratique de ces sublimes devoirs, vous n'avez pas le droit de les en affranchir en créant un nouveau rouage administratif.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je dois quelques mots de réponse aux observations de l'honorable membre, quoique bien évidemment elles appartiennent .plutôt à la discussion générale qu'à la discussion de l'article pemier.
Selon l'honorable membre, cet article, combiné avec d'autres dispositions du projet de loi, est la preuve que l'on veut en réalité, sous prétexte de caisse d'épargne ; créer une grande banque et la remettre aux mains de l'Etat.
C'est en vain, dit l'honorable membre, que le gouvernement prétend instituer une personne civile ayant les attributions déterminées par le projet de loi ; cette personne civile n'est qu'une pure fiction ; c'est un mythe. Il n'y a de réel que l'Etat et ses agents.
Messieurs, je n'attacherai pas une grande importance à cette discussion sur la forme que nous avons trouvé bon de donner à l'institution.
Cependant, il m'est impossible de concéder à l'honorable membre qu'il n'y a pas, dans l’institution que nous proposons de décréter, une personne civile distincte et parfaitement distincte de l'Etat. A quels signes l'honorable membre prétend-il reconnaître qu'il n'y a là qu'une pure fiction, et qu'en réalité c'est l'Etat qui est tout ?
Mais, dit-il, que voyons-nous ; n'est-ce pas l'Etat qui gère, qui fait lui-même toutes les opérations, qui place les fonds provenant des dépôts confiés à cette institution ?
Le gouvernement nomme les administrateurs et autres agents ; il les révoque, il surveille, il approuve leurs actes. Qu'est-ce que cela, si ce n'est pas en réalité du gouvernement ?
Messieurs, au lieu de nous livrer à une discussion purement juridique sur les personnes civiles, faisons toucher du doigt à l'honorable membre l'erreur dans laquelle il tombe.
Il existe dans le pays un très grand nombre de personnes civiles. Je, me bornerai à vous citer, comme exemples, les hospices et les bureaux de bienfaisance.
Le conseil communal nomme et révoque les membres des administrations des hospices et ceux des bureaux de bienfaisance ; tous les actes des hospices et des bureaux de bienfaisance sont soumis aux communes, qui doivent approuver également les budgets et les comptes de ces institutions ; les députations permanentes interviennent dans certains cas, et même, pour quelques actes auxquels la loi a attaché une importance plus grande, on fait remonter jusqu'au gouvernement le droit d'examen et d'approbation de ces actes.
Or, en raisonnant comme le fait l'honorable membre à l'égard de l'institution qui est projetée, nous devrions dire : « Que parlez-vous de personnes civiles à propos des bureaux de bienfaisance et des administrations d'hospices ? C'est là une pure fiction ; il n'y a pas réellement de personnes civiles.
« Comment voulez-vous séparer les bureaux de bienfaisance des communes ? Le bureau de bienfaisances et la commune, c'est une seule et même chose ; il n'y a pas là de distinction à établir. »
J'en pourrais dire autant des monts-de-piété ; ces institutions bien que placées sous la surveillance de la commune, ont une existence propre et parfaitement distincte de la commune ; personne, je pense, ne viendra prétendre que les biens des hospices et des bureaux de bienfaisance, non plus que les dépôts effectués aux mont-de-piété, sont des biens communaux, dont la commune a le droit de disposer, et que, de ce chef, on peut exercer une action contre la commune elle-même.
Les arguments que l'honorable M. de Naeyer a fait valoir sont donc tout à fait spécieux, et ils sont absolument sans valeur pour établir que, comme il le prétend, l'institution dont il s'agit ne constitue pas une personne civile. On ne saurait le nier sans tomber dans les plus étranges contradictions. La caisse d'épargne, telle qu'elle sera organisée par la loi qui vous est soumise, sera une véritable personne civile, ayant tous les caractères spéciaux d'une telle personnalité, et une existence parfaitement distincte de celle de l'Etat. Ceux qui auront une action à exercer, devront l'exercer préalablement contre la caisse, l'Etat n'étant absolument ici que le garant.
Mais, dit l'honorable membre, nulle part, en aucun pays on n'est arrivé au point où vous voulez pousser aujourd'hui le gouvernement. A la vérité, en Angleterre, en France, le gouvernement a complètement centralisé les caisses d'épargne ; il en est le garant. Mais ici, vous faites beaucoup plus : vous allez transformer le gouvernement en banquier !
Ainsi, l'honorable membre trouve assez satisfaisant le système pratiqué en France et en Angleterre, et cette satisfaction lui est inspirée précisément par le mauvais côté de l'organisation des caisses d'épargne dans ces deux pays, c'est-à-dire parce que l'Etat, qui a là les mêmes obligations que l'Etat aura chez nous en vertu du projet de loi, parce que l'Etat, dis-je, y convertit tous les dépôts effectués aux caisses d'épargne en fonds publics.
Eh bien, je renverserai l'argument de l'honorable membre, et je dirai que si j'avais à proposer une caisse d'épargne dont tout l'avoir devrait être converti en fonds publics, dans les conditions du projet de loi actuel, je ne le ferais pas.
M. de Naeyer. - Je ne vous y convie pas.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je réponds à votre objection ; vous dites que nous faisons une chose plus excessive que tout ce qui existe ailleurs ; eh bien, je ne l'admets pas ; je conteste formellement votre assertion.
L'obligation est la même dans les divers pays que vous avez cités ; l'Etat y est également le garant des caisses, mais il y a une différence quant à l'emploi des sommes garanties.
Or, c'est précisément le système d'emploi des fonds suivi dans ces deux pays, que je critique, et je ne suis pas seul à le critiquer.
Les publicistes les plus autorisés disent que c'est là le grand vice, le grand danger.
L'honorable membre voudrait que les caisses d'épargne fussent laissées dans le domaine de l'activité privée. Ce serait, selon lui, le beau idéal : eh bien, messieurs, je le voudrais bien ; mais seulement il me serait fort (page 1571) agréable qu'on commençât à me démontrer que les caisses d'épargne, exclusivement caisses d'épargne, sont réellement du domaine de l'activité privée, et même comment elles peuvent être du domaine de l'activité privée ? En quel pays cela existe-t-il, ? Où cela s'est-il vu ? Où cela se verra-t-il jamais ? Je n'hésite pas à le dire : nulle part.
M. de Naeyer. - Et les communes ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'y viendrai tout à l'heure.
Je commence par vous dire que les caisses d'épargne ne sont pas du domaine de l'activité privée ; il est impossible qu'elles le soient ; et pourquoi ? parce qu'une caisse d'épargne, en tant que caisse d'épargne, ne peut jamais constituer une opération fructueuse.
M. de Naeyer. - Et la charité ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Un peu de patience, nous y viendrons.
Votre point de départ est faux ; le principe que les caisses d'épargne doivent être laissées au domaine de l'activité privée est faux, parce que l'élément essentiel de l'activité privée, c'est-à-dire l'intérêt, le bénéfice, manque absolument ici.
M. de Naeyer. - Et la charité ? en doutez-vous ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais nous y arriverons ! Nous parlerons tout à l'heure de la commune, et ensuite de la charité. Mais il faut absolument que vous me concédiez ce premier point, ce point fondamental, à savoir qu'il est impossible de faire d'une caisse d'épargne, exclusivement caisse d'épargne, recevant et rendant les plus petites sommes, une opération fructueuse...
M. de Naeyer. - Je demande la parole.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Maintenant vous me dites : « Que l'institution soit communale. » Et d'abord, je constate que renvoyer cette institution à la commune, c'est prouver par-là même qu'elle n'est pas du domaine de l'activité privée, Vous voulez autre chose que ce que propose le projet de loi ; vous voulez, ce que je pourrais admettre et même désirer, que la commune intervienne ; vous ne voulez pas que ce soit l'Etat ; je constate que, dans l'un comme dans l'autre cas, il ne s'agit pas du domaine de l'activité privée !
Et à propos de l'intervention communale, vous avez cité particulièrement l'exemple de la Hollande ; et vous avez même dit que vos observations à cet égard étaient restées debout. (Interruption.) Vous l'avez dit dans une séance précédente.
Eh bien, voici ce que dit un écrivain hollandais qui s'est occupé des caisses d'épargne de son pays et de leur situation relative :
« Notre système d'épargne, dit M. Fokker, dans son examen des caisses d'épargne, est loin d'être satisfaisant. Il est peu développé. Un grand nombre de villes, même avec des populations de 7,000 âmes et plus, ne possèdent pas de caisse, et dans tout le duché de Limbourg nous n'en comptons qu'une seule. La Hollande septentrionale, si riche et si peuplée, tombe, en ce qui concerne le nombre des déposants, au rang de la Drenthe, et n'atteint pas même au rang du Brabant septentrional, qui ne compte cependant, hélas ! que 22 déposants par mille habitants.
« Nous sommes bien loin de la Suisse et de la Saxe. »
Quelle est maintenant la cause de cet état de choses, qui n'est sans doute guère satisfaisant ?
La caisse d'épargne d'Amsterdam fit faillite en 1850 et ne fut rétablie qu'en 1848, après la crise.
Presque toutes les caisses suspendirent leurs payements, pendant les deux crises de 1830 et de 1848, et la confiance en fut fort ébranlée.
La caisse d'épargne d'Utrecht, au lieu de garantir le remboursement intégral des sommes versées, a stipulé au contraire que les déposants seraient tenus de subir une réduction plus ou moins forte, s'ils venaient réclamer leurs dépôts en temps de crise. La plupart des autres caisses imitèrent celle d'Utrecht sous ce rapport.
Ces stipulations pou rassurantes et les catastrophes de 1830 et de 1848 ont complètement arrêté le développement des caisses d'épargne en Hollande.
En voulez-vous une preuve ;
Nous la trouverons dans ce qui se passe à Rotterdam.
Cette ville a institué une caisse d'épargne. Elle est très prospère. Elle avait 9,225 déposants, en 1855 et plus de 10,000 en 1858. Le montant des dépôts était de 1,800,000 fl., et les 153 autres caisses de la Hollande réunies n'avaient que 2,400,000 florins de dépôts. Pourquoi donc cette seule caisse de Rotterdam prospère-t-elle ainsi ? Pourquoi est-elle dans de si bonnes conditions ? Précisément parce qu'elle a fait ce que nous désirions faire et ce que l'honorable membre combat.
La ville, au lieu de laisser tomber la caisse d'épargne en faillite en 1830, a déclaré qu'elle se rendait responsable des fonds qui lui avaient été confiés. Elle a fait un sacrifice, une avance de 200,000 florins pour soutenir la caisse. Elle s'est portée complètement garant de toutes ses opérations. Elle n'a pas exclu systématiquement certaines catégories de dépôts. Elle a admis les dépôts qui pouvaient faire prospérer sa caisse et assurer le service des remboursements et des intérêts. Enfin, conformément au principe que nous défendons, elle a soin de varier considérablement ses placements.
Messieurs, il est impossible, je crois, de présenter un fait plus significatif que celui-là.
Vous voyez dans le même pays, d'une part, une caisse qui, bien constituée, bien organisée, garantie par une commune, s'étend, prospère et reçoit un grand nombre de dépôts ; d'autre part, les conditions étant d'ailleurs les mêmes quant aux habitudes d'ordre et d'économie de la population, un grand nombre de caisses qui ne sont pas bien organisées et qui ne sont pas garanties, végètent et ne reçoivent des dépôts que pour une somme relativement fort insignifiante.
Vous voyez donc qu'en examinant ce qui se passe en Hollande, le seul pays dont je ne me sois pas occupé jusqu'ici, je ne puis que tirer de cet examen des inductions de tout point favorables aux principes qui servent de base au projet du gouvernement.
Si les communes voulaient opérer en Belgique comme on l'a fait à Rotterdam, si elles voulaient organiser des caisses d'après le même principe, et si elles pouvaient faire prospérer plus ou moins les caisses d'épargne, j'y applaudirais de grand cœur. Je reconnais bien volontiers que, sous certains rapports, il y aurait des avantages à voir les caisses d'épargne organisées par les communes ; il y en aurait incontestablement. Mais enfin, messieurs, les communes ne le font point. Les communes, conviés depuis 30 ans à organiser ces caisses d'épargne, n'ont pour ainsi dire rien fait jusqu'aujourd'hui.
Il y a en Belgique sept caisses communales qui ont une très médiocre importance et l'on n'en organise pas d'autres.
Pourquoi cela ? Pour une raison toute simple. C'est que les communes, en général, ne sont pas en mesure de placer les fonds qu'elles recevraient, et qu'elles seraient constituées immédiatement en perte.
Donc, si les communes n'agissent point, si les particuliers n'agissent point et ne peuvent pas agir, il y a des motifs sérieux et puissants pour que l'Etat agisse lui-même, quoi qu'en dise l'honorable membre. Si l'on me concède que les institutions d'épargne ne sont pas du domaine de l'activité privée, si l'on veut me concéder que les communes n'ont pas organisé, n'ont pas développé ces institutions, et je crois avoir prouvé que l'on ne peut se refuser à me faire ces concessions, je dis que l'Etat doit agir.
Mais, objecte-t-on encore, doutez-vous donc de la charité privée ?.
Eh bien, je le demande, qu'a fait la charité privée en matière de caisse d'épargne ? Où sont ses institutions ? Où sont ses établissements ? Malheureusement la charité privée se dirige dans une toute autre voie. Elle a un moule stéréotypé ; elle n'en sort pas. Il y a une certaine forme sous laquelle la charité privée se manifeste ; elle ne la change pas. Voilà la vérité.
Mais ses institutions d'épargne où les voyez-vous ? Elles n'existent nulle part.
Pouvez-vous, comme en certains pays très rares, très exceptionnels, pouvez-vous avoir un certain nombre d'individus des classes riches et élevées de la société, en possession de grandes fortunes, qui organisent des caisses d'épargne, se constituent les garants des dépôts faits à ces caisses, et les administrent dans un but charitable et philanthropique ? S'il en est ainsi, je le veux bien ; j'y consens de grand cœur, et je trouverais que, sous certains rapports, cela présenterait encore beaucoup plus d'avantage que les caisses organisées par les communes. Malheureusement nous n'en sommes pas là !
On prétend toujours que nous allons faire courir de grands risques à l'Etat, sans pour cela garantir les déposants de toute mauvaise chance.
Vous déclarez qu'il y aura sécurité complète ; mais ne vous y trompez pas, dit l'honorable membre.
Voyez ce que l'on rapporte dans une brochure que j'ai sous la main. En 1848 la France aussi avait déclaré qu'elle se portait garant des caisses d'épargne. Elle a, dans un moment de crise, pris solennellement les dépôts des caisses d'épargne sous sa sauvegarde. Elle a annoncé que cette épargne sacrée était placée sous la garantie de la foi publique. Mais, malgré ces belles protestations, l'Etat n'a pas pu payer, et il a fait subir une perte considérable aux déposants.
Cela, messieurs, est parfaitement vrai. Mais pourquoi cela est-il arrivé ? Parce que tous les dépôts étaient convertis en fonds publics, et que le (page 1572) jour où le crédit de l'Etat a été atteint, malgré toutes ses déclarations, il a été obligé, ou de faire subir des pertes aux déposants, ou d'en subir lui-même au-delà de ce qu'il pouvait supporter dans le moment.
C'est précisément à cause de ce qui s'est passé alors que nous vous proposons un autre mode de placement. Et c'est à raison de ce mode de placement que l'on s'écrie parmi vous : « Crédit mobilier » ! Tandis que d'autres nous parlent de l'Etat fait banquier, de l'Etat descendant à ce rôle honteux d'avoir de l'argent à manier, d'avoir des prêts d'argent à faire à des particuliers !
Messieurs, il faut cependant choisir. Voulez-vous, oui ou non, de la sécurité ? Soyez logique. Voulez-vous qu'on fasse exclusivement les placements en fonds publics ? Vous n'oseriez pas le conseiller : les placements faits uniquement en fonds publics créeraient incontestablement un danger pour la caisse et un danger pour l'Etat.
On ne peut donc s'attacher exclusivement à ce genre de placement. Que faisons-nous par l'article 28 du projet de loi ? Mais nous recherchons quels sont, dans la société, les placements les plus faciles à faire et qui présentent le plus de sécurité. Nous nous demandons quels sont les placements qui offrent le moins de chances aléatoires, et ceux-là sont ceux qui donnent le moins d'intérêt et qui sont le plus facilement réalisables, de telle sorte que, dans un moment donné, en cas de crise, l'institution puisse faire face à ses obligations.
Eh bien, connaissez-vous quelque chose qui présente plus de sécurité que l'escompte des traites belges ou étrangères ? La caisse faisant cette opération avec 3, 4, 5 ou 6 garants, et ne s'engageant que pour un terme très court ?
Est-il rien de moins chanceux encore que les avances sur traites de commerce, bons de monnaies ou d'affinage du pays ou de l'étranger ? Mais, messieurs, c'est en réalité de l'or en barres. C'est une certaine somme avancée, pour un délai également très court, qu'on retirera immédiatement de la monnaie ou qu'on fera convertir en pièces de monnaie.
Je vous concéderai que les avances sur marchandises, warrants ou connaissements peuvent être moins favorables. Mais enfin, on ne peut pas se limiter précisément à un seul genre de placement. Les avances sur fonds publics belges ou étrangers, faits dans une certaine mesure, offrent certainement une grande sécurité. On ne fait des avances de ce genre qu'avec une différence entre le cours au moment du dépôt et celui de la réalisation probable. Au terme fixé pour rentrer dans ces avances, les fonds peuvent toujours être réalisés instantanément, avec facilité, avec pleine sécurité, tout au plus, et dans des circonstances fort éventuelles, avec un peu de perte, selon la crise, selon que la différence entre la somme qu'on a payée et la valeur nominale du titre est plus ou moins considérable. Mais les chances de perte ne sont pas grandes.
Ne sont-ce pas là tout autant d'opérations qu'il faut admettre comme étant les meilleures, les plus solides qui puissent se faire, comme celles qui présentent le plus d'avantages et le plus de sécurité pour la caisse ?
Mais l'Etat sera banquier ! Il va traiter avec le public ; pour ces prêts, pour ces opérations, il sera en contact avec le public emprunteur !
Mais, messieurs, c'est là, je dois le dire, une pure invention. Je ne me retrancherai pas derrière la personne civile ; soyez tranquille. Vous persistez à voir là des agents de l'Etat ; mais avez-vous donc oublié quel est le mode d'opérer de l'institution et ne savez-vous donc pas que, le plus souvent, la caisse ne verra pas même un seul des emprunteurs ? C'est la Banque Nationale qui agira. (Interruption.) Mais la loi le dit ; c'est la Banque Nationale qui fera ces opérations.
La caisse d'épargne dira ; j'ai telle somme à placer en escompte ou en avances sur lingots ou bons de monnaie ; placez ces fonds, faites-en emploi ; et la Banque Nationale transmettra à la caisse d'épargne les traites escomptées pour le compte de celle-ci.
Ainsi, messieurs, il ne faut pas faire de la fantasmagorie ; il ne faut pas s'imaginer que la caisse va être journellement en relations directes avec les particuliers pour faire les opérations dont nous parlons.
Mais, à tout prendre, et cela fût-il, les administrateurs de la caisse ayant ainsi à traiter, est-ce que, par hasard, ils traiteront à huis clos, sans garantie aucune, sans contrôle, sans publicité ? Mais, messieurs, toutes les opérations se feront au grand jour ; il en sera rendu compte partout ; le moindre acte qui pourrait donner lieu à des réclamations, serait porté immédiatement dans la presse et aboutirait bientôt dans cette Chambre.
Où donc l'abus est-il possible, avec les garanties qui sont stipulées dans le projet de loi, avec l'obligation de rendre compte de toutes les opérations, avec l'obligation de rendre compte, chaque année, à la législature, des opérations faites par l'institution ?
Ainsi, messieurs, sous aucun de ces rapports, on ne peut admettre les craintes qui inspirent l'honorable membre.
Je crois, messieurs, avoir, en négligeant quelques détails du discours de l'honorable préopinant, réfuté ses principaux arguments, et je pense pouvoir engager la Chambre à voter maintenant l'article premier du projet de loi.
M. de Naeyer. - Messieurs, je répondrai très brièvement à quelques-unes des observations de l'honorable ministre des finances.
Il est d'abord un point que je ne concède pas du tout, c'est que les caisses d'épargne n'appartiendraient pas au domaine de l'activité privée, et je remarque que M. le ministre n'a produit aucun argument pour établir qu'il en serait ainsi, si ce n'est que des institutions de ce genre dont les opérations seraient limitées à recueillir les économies des classes ouvrières ne pourraient pas se suffire à elles-mêmes.
Je ferai remarquer d'abord, quant à ce premier point, que, dans l'activité privée il y a autre chose que l'intérêt ; il y a aussi les sentiments généreux, les sentiments charitables, les sentiments de dévouement.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pour faire des opérations et s'en rendre responsable ?
M. de Naeyer. - Mon Dieu ! quand on veut s'imposer des sacrifices !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Alors c'est de la charité.
M. de Naeyer. - Soit. Mais de la véritable charité, de la charité privée, sans contrainte gouvernementale. Ne voyons-nous pas tous les jours surgir des entreprises sous la seule inspiration de sentiments nobles, élevés, généreux, de sentiments de dévouement pour son prochain. N'est-ce pas là de l'activité privée ? Je ne puis donc pas admettre la raison que l'on m'objecte.
D'ailleurs, je vais plus loin, et je soutiens qu'il n'est pas exact de dire que, même en plaçant ces institutions dans le domaine de l'intérêt privé, elles soient absolument impossibles. Cela pourrait être vrai, si on restreignait leurs opérations à recueillir les épargnes de l'ouvrier ; mais rien n'empêche de les annexer à de véritables maisons de banque et de les pratiquer comme trafic additionnel.
En définitive, que faites-vous et comment prétendez-vous que l'institution suffise à ses dépenses ?
Comme je l'ai dit, c'est en instituant une banque et en l'instituant même sur de larges bases, vous le dites vous-même dans l'exposé des motifs.
Vous y dites qu'une entreprise de ce genre, pour réussir, doit opérer sur une large base. Eh bien, ce que vous voulez pratiquer ainsi comme gouvernement, est incontestablement plus facile à réaliser dans le domaine de l'activité privée.
C'est ainsi, je pense, que les choses se sont passées jusqu'ici à la Société Générale, et rien ne prouve que de ce chef la Société Générale ait été constituée en perte.
Pourquoi ? Parce que c'est une banque faisant un grand trafic qui, avec le personnel qu'elle possède, peut joindre à ses opérations le service d'une caisse d'épargne sans un accroissement trop considérable de dépenses, ce qui serait impossible s'il fallait organiser une entreprise spéciale et isolée.
Je n'ai pas soutenu que les caisses d'épargne devaient être abandonnées absolument à l'activité privée au point de rayer de la loi communale l'article 92.
Vous prétendez qu'on a inutilement stimulé le zèle des communes, mais je persiste à soutenir qu'on a fait peu de chose pour engager les communes à exécuter l'article 92 de la loi communale, car une seule circulaire a été citée dans cette discussion. Ainsi il n'est pas vrai de dire que le parti qu'on pourrait tirer de l'intervention communale est entièrement épuisé.
II y a une chose qui domine tout, et c'est ce à quoi vous n'avez pas répondu, c'est cette situation provisoire qu'on peut reprocher au gouvernement et au pouvoir législatif, qui est cause que les communes, les particuliers charitables, les hommes riches, instruits qui ont un devoir sacré à remplir envers les classes ouvrières ont fait trop peu jusqu'ici. Avant 1848 on a réalisé des résultats importants, alors que le gouvernement n'avait pas annoncé qu'il ferait quelque chose.
Si nous avions 60 millions dans nos caisses d'épargne, vous n'oseriez pas nous demander cette intervention exagérée du gouvernement que vous nous proposez aujourd'hui.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les 60 millions n'étaient pas des épargnes.
(page 1573) M. de Naeyer. - Les chiffres que vous citez pour les autres pays ne sont pas non plus des épargnes exclusivement. (Interruption.)
C'est si vrai que partout on a dû lutter contre l'invasion de dépôts autres que ceux de l'épargne des classes ouvrières. Je l'ai démontré ù la dernière évidence au commencement de cette discussion, et cela serait vrai surtout pour la prétendue caisse d'épargne que vous voulez organiser, et qui serait alimentée dans des proportions bien plus considérables par les rentiers et les spéculateurs que par les ouvriers.
Vous dites : pourquoi les communes ne fondent-elles pas des caisses ? Je l'ai dit, c'est nous, législature et gouvernement, qui en sommes cause.
Il y longtemps que nous aurions dû faire cesser ce provisoire qui est le grand vice de notre situation. Quant à la Hollande, vous venez de citer pour la première fois une brochure qui nous est restée inconnue jusqu'ici, il est évidemment impossible d'apprécier la valeur de cette citation, aucune discussion sérieuse n'est possible sur ce point, à moins que nous ne puissions examiner cette brochure dans son ensemble ; de cette manière seulement on pourrait en tirer des conclusions logiques qui prouveraient peut-être tout le contraire de ce que vous voulez établir. D'ailleurs, voici ce que je lis dans l'exposé des motifs, page 92 :
« En Hollande on est généralement d'accord pour approuver le système de grande liberté dont jouissent ces institutions (les caisses d'épargne) et on ne désire pas que le gouvernement y intervienne trop activement. »
Voilà ce que vous dites dans l'exposé des motifs ; c'est sur les faits que vous avez recueillis avec soin que je me suis appuyé pour soutenir qu'en Hollande on a plus de confiance dans la liberté que dans les régions gouvernementales de la Belgique. L'exemple de Rotterdam que prouve-t-il après tout ? Mais que l'action communale peut réaliser de bons résultats, et pourquoi n'en serait-il pas de même en Belgique ? Cet argument tourne donc contre le système de centralisation préconisé par le gouvernement.
Maintenant, quant à la réfutation du ministre, relativement à la brochure que j'ai citée pour prouver que même avec cette garantie de l'Etat vous ne pouvez pas dire qu'il y a une sécurité complète, je l'ai prouvé par ce qui est arrivé en France en 1848.
L'honorable ministre me répond que la cause du mal doit être attribuée à ce que les dépôts des caisses avaient été placés en fonds publics ; il eût été plus exact de dire que la catastrophe a eu lieu parce que les placements ne pouvaient être réalisés. Or, telle sera aussi en grande partie votre situation, pour vos placements définitifs, qui seront assez considérables, la chose est évidente, et même pour les placements provisoires.
Il est impossible que la réalisation puisse être assurée. Vous voyez que vous aussi vous pourrez être pris à l'improviste. Malgré toutes vos protestations de loyauté, malgré la meilleure volonté de tenir des engagements sacrés, vous ne pouvez pas dire que vous êtes certain qu'il ne se présentera pas une situation telle qu'il vous sera impossible d'y faire face sans laisser les remboursements en souffrance.
Ce que j'ai dit des opérations de banque auxquelles le gouvernement va se livrer n'est, d'après M. le ministre, autre chose que de la fantasmagorie. Car, nous dit-on aujourd'hui, les rapports avec les particuliers emprunteurs n'auront lieu que par l'intermédiaire de la Banque Nationale ; et cependant dans un autre moment on nous disait que la Banque n'aurait d'autre rôle à remplir que celui d'un simple commissionnaire. Qui donc appréciera la solvabilité de ceux qui demandent à emprunter ? Qui appréciera la valeur des gages qui seront offerts ? Qui déterminera la préférence à accorder ?
Mais il me paraît évident que ce sont les administrateurs de la caisse, les agents du gouvernement qui exerceront à cet égard une influence prépondérante ; eh bien, voilà la source d'abus, voilà un véritable germe de corruption gouvernementale, et cela est d'autant plus dangereux qu'il s'agit d'opérations qui ne peuvent être traitées publiquement.
Les comptes, dit M. le ministre, seront rendus publics ; soit. Mais les détails des opérations si nombreuses qui pourront se faire resteront nécessairement, et dès lors de grands abus pourront avoir lieu sans contrôle sérieux. L'honorable ministre citait encore comme une garantie le rapport qui serait chaque année soumis à la Chambre des représentants.
Comment voulez-vous que nous examinions sérieusement et d'une manière tant soit peu approfondie des milliers d'opérations dont les détails varient en quelque sorte à l'infini ? C'est là une formalité complètement illusoire.
Le gouvernement exploite des chemins de fer, là au moins il est obligé de faire connaître ses tarifs qui sont les mêmes pour tout le monde. Là toutes les opérations se font au grand jour ; il n'en sera pas de même ici ; tout se passera dans l'ombre, dans le secret, et c'est ce qu'il y a de plus dangereux. Le gouvernement sera en butte à des soupçons souvent fondés et qui toujours compromettront sa dignité et son impartialité, c'est-à-dire sa véritable force morale.
Quant aux nouveaux fonctionnaires et employés qu'il s'agit de créer, il y a d'abord le directeur qui jouira probablement d'un traitement assez élevé et qui aura à sa disposition un certain nombre d'employés également salariés.
Les membres du conseil général ne seront pas rétribués, à la vérité, mais les administrateurs proprement dits auront des jetons (erratum, page 1590) qui ne sont pas sans importance pour se faire un petit revenu, et puis tous ceux qui concourront à la gestion de rétablissement puiseront dans leurs fonctions une influence très réelle par cela même qu'ils seront appelés à disposer des fonds considérables pour faire des prêts et des avances et cela sans engager en rien leur fortune personnelle ; sous ce rapport, je répète qu'il s'agit d'une extension du fonctionnarisme, qui est en opposition directe avec le véritable esprit de nos libres institutions.
Il y aura là nécessairement un moyen d'influence. Cela est incontestable.
Pour ces motifs, il me sera impossible de voter l'article en discussion.
M. B. Dumortier. - M. le ministre des finances a très bien compris quel était le grand vice de son projet de loi, et dans le discours qu'il vient de prononcer, il a cherché à l'atténuer, à le faire en quelque sorte disparaître.
Le projet de loi, dit-il, ne constitue pas dans la caisse un établissement de l'Etat.
La caisse constituera une personne distincte, une véritable personne civile, et pour prouver cette assertion, quelque peu étrange pour qui a lu le projet de loi, il cite ce qui se passe dans les communes avec les bureaux de bienfaisance et les bureaux des hospices.
Dans les bureaux de bienfaisance, dit-il, si l'on a un procès à intenter, c'est d'abord à ces établissements que l'on s'adresse, et les villes ne viennent que comme recours plus tard. Ce sera ici la même chose.
Messieurs, ce n'est pas une des attributions ou un des points d'organisation de la caisse ou du bureau de bienfaisance, qui constitue ou ne constitue pas une personne civile distincte. Ce qui constitue la personne civile distincte, c'est la liberté de l'action en dehors de celui auquel on est attaché.
Or, dans l'espèce, il n'y a pas pour la caisse de liberté d'action indépendante du gouvernement. Et pourquoi ? Parce que tous les membres de la caisse, nommés par le gouvernement sont toujours révocables par le gouvernement ; car le gouvernement peut incessamment les révoquer.
Ne dites donc pas qu'il y a là une personne civile. Il n'y a là qu'une commission du pouvoir et rien autre chose. C'est une commission, comme le sont toutes les commissions, quelles qu'elles soient, qui existent en Belgique et qui toutes dépendent de l'Etat, en sont des émanations.
Et ici, veuillez-le remarquer, cette commission du pouvoir fera, quoi ? En vertu de l'article que nous sommes appelés à voter, elle engagera l'Etat ; c'est-à-dire que le résultat de toutes ses opérations sera d'engager les finances publiques. Eh bien, je l'ai déjà dit, je ne regarde pas cela comme possible ; j'irai plus loin, je ne regarde pas cela comme constitutionnel. (Interruption.)
Je sais que MM. les ministres ont l'habitude de rire, lorsque je prononce le mot « constitutionnel ».
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas ri.
M. B. Dumortier. - Ce n'est pas vous qui avez ri.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Qui est-ce qui a ri ?
M. B. Dumortier. - Je crois que c'est l'honorable M. Rogier.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Du tout. Du reste, le rire n'est pas inconstitutionnel.
M. B. Dumortier. - Je crois qu'il y a ici une violation de la Constitution, et puisque l'on trouve cela risible, j'expliquerai ma pensée.
C'est une violation de la Constitution, en ce sens que la Constitution porte que l'Etat ne peut être engagé que par le vote des Chambres, qu'aucune dépense ne peut être faite que par le vote des Chambres, qu'aucun engagement financier ne peut avoir lieu qu'avec le concours des Chambres.
Or, ici êtes-vous encore libre de vos actions ? Y a-t-il encore un vote libre des Chambres, lorsque, par le fait de la gestion de la caisse, vous serez forcé de voter 10, 15, 30 millions pour combler le déficit de la caisse ?
Qu'est-ce que votre caisse ? C'est une grande banque, un grand lombard, un grand banquier, et toutes les opérations qu'elle aura faites, vous (page 1574) en êtes responsable. S'il y a bénéfice, vous n'en profitez pas. S'il y a déficit, c'est à vous, Chambre des représentants, à voter la somme pour combler le déficit.
Qu'un employé de la caisse, comme on l'a vu dans la caisse du chemin de fer du Nord, emporte des capitaux considérables de la caisse, qui est-ce qui sera responsable ? C'est vous, c'est la Chambre des représentants, c'est l'Etat qui devra voter, sur les ressources publiques, une somme équivalente pour faire face au mauvais acte qui aura été posé. Qu'un mauvais employé, un homme de mauvaise foi vienne à détourner 6, 8,15, 20 millions, comme l'ont fait Grellé et Carpentier, qu'il parte pour l'Amérique avec ces fonds, la Chambre des représentants n'aura qu'un rôle à remplir, c'est de voter une loi pour verser une égale somme dans la caisse.
Eh bien, je dis que c'est par trop fort, et je ne puis admettre que dans un gouvernement constitutionnel comme le nôtre, on puisse rendre l'Etat responsable des actes d'une institution, quelle qu'elle soit, et qui n'est pas le parlement, qui n'est pas l'une ou l'autre des deux Chambres.
Ce n'est pas tout, la caisse peut faire des emprunts avec l'autorisation du ministère. La caisse fait un emprunt, le ministère l'autorise. Et si plus tard une perte est faite sur cet emprunt, c'est vous, c'est la Chambre des représentants qui devra encore voter des fonds pour compléter le déficit.
La caisse est un grand établissement de prêts sur gage, c'est un lombard universel à l'usage de toutes les industries, de toutes les valeurs mobilières.
Elle recevra des dépôts de marchandises, des warrants, et elle donnera des bons, elle fera des avances de fonds sur tout cela.
Vous recevrez 6 p. c. l'intérêt pour ce prêt ; mais peu de temps après le dépôt, peu de temps après le prêt, la marchandise vient à baisser ; elle baisse de 25, de 50 p. c. Qui est responsable ? C'est encore le pays, c'est encore le parlement ; et si vous avez pris pour 10 millions de marchandise, qu'il y ait baisse de 25 p. c, vous devez venir payer à la caisse une somme de 2 millions et demi pour combler le déficit.
J'avais donc raison de vous le dire, lorsque j'ai eu l'honneur de parler pour la première fois dans cette discussion, l'Etat n'est pas seulement ici responsable de la conservation des deniers versés à la caisse, il est responsable et garant de toutes les opérations qui sont faites par la caisse.
Eh bien, je crois qu'une telle responsabilité n'existe dans aucun pays du monde. Et que M. le ministre des finances ne vienne pas nous citer comme exemple ni l'Angleterre, ni la France. La situation est tout à fait différente. L’Angleterre est un pays soumis à la taxe des pauvres ; et si la loi sur les caisses d’épargne y est un corollaire de la taxe des pauvres, comme il l'est certainement, vous n'avez aucun fondement à venir comparer une telle situation à la situation belge.
Quant à la France, l'Etat n'y est responsable que d'une chose, c'est des fonds qui ont été placés en fonds publics, mais il n'est nullement responsable de la direction et de la gestion des caisses. Ici au contraire vous êtes responsable de la gestion de la caisse. Vous fondez une institution de crédit mobilier, opérant sur toutes espèces de valeurs mobilières, effets de commerce, effets de banque, fonds publics, marchandises, warrants, connaissements, et vous allez vous rendre responsables de toutes les opérations. Je crois qu'il y a là un immense danger pour l'Etat.
L'honorable M. Orts disait, en me répondant l'autre jour, qu'il n'était pas opposé à l'institution d'un crédit mobilier, si ce n'est à ce point de vue qu'un crédit mobilier aurait une trop grande prépondérance dans l'Etat.
Eh bien, si ce reproche est assez fort pour faire écarter le crédit mobilier, je demande si un tel reproche n'est pas beaucoup plus fondé, quand une pareille institution se trouve entre les mains du pouvoir. Vous qui faites partie d'un pays qui avait inscrit sur sa bannière ces mots si admirables : « Liberté en tout et pour tous ! » voulez-vous donc établir un gouvernement comme celui de l'Egypte où tout se fera par le pouvoir, où le pouvoir sera déifié, où tout le monde devra se prosterner devant lui et se taire ? Si c'est là ce que vous voulez, je plains mon pays et je crains qu'un jour on ne regrette vivement d'avoir voté une pareille loi.
Laissez le gouvernement gouverner, la commune agir, la province agir, les particuliers agir ; vous devez solliciter leur action, et bien que M. le ministre des finances écarte toujours les 27 caisses d'épargne fondées par la Société générale et les caisses communales, je dis que l'action des provinces, des communes et des particuliers fonctionne en Belgique et y fonctionne avec succès.
Une seule chose est à désirer, c'est qu'on étende cette action par quelques mesures prises à point.
Ainsi rien de plus facile que d'autoriser tous les bureaux de poste de la Belgique à recevoir les dépôts pour les transmettre ensuite à une institution quelconque.
Mais ce n'est point là ce que veut le gouvernement. Ce qu'il veut, c'est de se rendre garant d'une caisse d'épargne centralisée, de se rendre garant non seulement du capital versé, mais des opérations faites par la caisse, opérations de tous les jours, de tous les instants. Je dis que c'est là une chose qui n'existe dans aucun pays du monde, et j'espère bien que la Chambre ne voudra point la sanctionner.
- L'article premier est adopté.
« Art. 2. L'administration veille à ce que des succursales soient établies dans toutes les localités où elle peut s'assurer le concours des personnes bienfaisantes, des communes ou des établissements publics.
« Les conventions conclues pour l'érection des succursales ou des caisses auxiliaires, sont soumises à l'approbation du ministre des finances. »
M. de Renesse. - Messieurs, l'utilité et la nécessité des caisses d'épargne ne sont pas contestées ; l'on peut varier d'opinion sur le principe plus ou moins large de leur application ; mais, toutefois, l'on doit être d'accord pour rendre ces caisses les plus accessibles, surtout à nos classes ouvrières des campagnes et de nos principales industries.
C'est en encourageant leur prévoyance que l'on parviendra plus facilement à les moraliser, à leur inculquer, par une sage instruction, les principes de propriété et à les rattacher plus intimement au maintien de l'ordre public.
Il faut donc tâcher de mettre à leur portée les bureaux de la caisse d'épargne et, sous ce rapport, je crois qu'il pourrait être utile de suivre l'exemple de l'Angleterre où, depuis peu de temps, l'on a autorisé à déposer de petites sommes d'argent aux bureaux des postes.
Un honorable juge de paix du canton d'Achel (Limbourg), M. Clercx, ancien conseiller provincial, a cru, sous ce rapport, devoir attirer l'attention de la Chambre et du gouvernement sur la nécessité de créer des succursales de la caisse d'épargne dans nos campagnes ; il demande par sa requête, déposée sur le bureau, que l'on puisse verser les fonds appartenant aux enfants mineurs aux bureaux de l'enregistrement ou des postes ; actuellement les tuteurs, en attendant de trouver un placement convenable et assuré pour les deniers des mineurs, doivent les placer sur première hypothèque, en inscriptions sur le grand-livre de la dette publique, et, à défaut de ce moyen, à la caisse des consignations.
Pour éviter les frais de déplacement, je crois, en effet, qu'il est préférable que ces fonds, qui parfois forment le restant d'un partage ou d'une liquidation, puissent être placés à la caisse d'épargne, et qu'il y aurait lieu d'autoriser les bureaux de postes à recevoir ces petits versements.
J'ose espérer que l'honorable ministre des finances, qui, d'ailleurs, dans la discussion générale, a déjà déclaré qu'il fallait rapprocher les bureaux de la caisse d'épargne de nos populations des campagnes, actuellement en partie privées de ce moyen facile de placement, voudra prendre en considération les observations que j'ai cru devoir présenter sous ce rapport ; pour rendre populaire la caisse générale d'épargne et de retraite, il faut, en effet, que nos populations ouvrières soient mises en état, par la proximité de cette caisse, d'en apprécier les bienfaits, et l'utilité d'une sage prévoyance.
J'ai donc l'honneur de demander que tous les bureaux de postes soient autorisés à recevoir les dépôts à la caisse d'épargne, jusqu'à un maximum à déterminer par le gouvernement.
M. Allard. - Messieurs, j'ai à soumettre à la Chambre quelques observations sur le classement des chapitres du projet de loi.
L'article 2 dit : « L'administration veille à ce que des succursales soient établies, etc. »
Ainsi après avoir parlé de la constitution de la caisse, voilà qu'on parle de l'administration pour parler ensuite de l'organisation. Je voudrais que le projet de loi fût divisé de la manière suivante.
D'abord le chapitre premier traiterait de l'organisation de la caisse d'épargne et de retraite ; le chapitre II concernerait la caisse d'épargne ; le chapitre III la caisse de retraite, enfin le chapitre IV serait consacré à l'administration. Dans tous les cas je proposerai de rédiger l'article 2 de la manière suivante ;
« Des succursales peuvent être établies dans toutes les localités, etc. »
Ensuite de commencer l'article 10 ainsi :
v, Le conseil général veille à ce que des succursales soient établies conformément à l'article 2. »
M. H. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, si le système dont a parlé l'honorable M. de Renesse pouvait être adopté, comme il vient de (page 1575) l'être partiellement en Angleterre, nous aurions une organisation administrative toute trouvée ; mais je doute beaucoup que l'honorable membre se soit rendu un compte très exact de la nouvelle loi anglaise ; sinon, il aurait dû voir qu'il y a une si grande différence entre nos institutions et les institutions anglaises, que son vœu ne peut pas être réalisé en Belgique. Ne croyez pas, messieurs, qu'en Angleterre on ait en quelque sorte transformé tous les bureaux de postes en caisses d'épargne ; non, messieurs, il y a tout au plus 64 bureaux de poste dans les trois royaumes qui recevront les dépôts.
Il ne suffirait pas, messieurs, pour qu'il y eût un ordre parfait dans les caisses ainsi établies, qu'il y eût partout des percepteurs intelligents et actifs ; il faudrait encore, pour éviter ce grand vice qui a bouleversé les caisses anglaises, il faudrait établir, à côté des percepteurs, des inspecteurs qui contrôleraient de la manière la plus minutieuse toutes les opérations si compliquées de leur gestion.
Dès lors, l'idée de 1 honorable membre qui, je le reconnais, m'avait souri d'abord, me semble être d'une exécution impossible dans ce pays.
Elle irait probablement à l’encontre du but que recherche notre honorable collègue, en occasionnant des frais plus considérables que dans le système proposé par le gouvernement.
L'honorable M. Allard a fait des observations relatives à la disposition des chapitres et des articles du projet de loi ; il n'approuve pas qu'on parle déjà de l'administration de la caisse dans l'article 2, alors qu'on ne s'occupe de l'administration qu'à partir de l'article 6 ; il pense qu'il faudrait renvoyer à la rubrique « administration » tout ce qui concerne l'administration des caisses.
Je crois que l'honorable M. Allard exagère un peu la portée de ses observations, en tant qu'il prétend que l'article 2 s'occupe de l'administration proprement dite ; c'est une erreur, l'article 2 ne parle pas des fonctionnaires de la caisse et de leurs attributions ; il n'y est question que de la manière d'établir des succursales ; il ne s'agit nullement là des détails, des rouages de l'administration.
Je crois que la proposition de l'honorable M. Allard, en remaniant les articles tels qu'ils sont coordonnés, introduirait plus de confusion dans le projet de loi déjà très compliqué et nécessiterait divers déplacements qui ne produiraient pas, d'ailleurs, les résultats que l'honorable membre a en vue.
M. Allard. - On dit dans l'article 2 : « L'administration veille à ce que des succursales soient établies, etc. » A l'article 8, on institue un conseil général et un conseil d'administration. Dans l'article 2, oh l'on dit simplement « l'administration » ; s'agit-il du conseil général ou du conseil d'administration ?
L'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer a pour but de faire disparaître ce doute, et je crois devoir y persister.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'admets jusqu'à un certain point l'observation de l'honorable M. Allard ; il est frappé de ce qu'au moment où on lit, à l'article 2 : « L'administration veille etc. », il n'a pas encore été question d'administration. On pourrait rédiger le premier paragraphe de l'article 2, ainsi qu'il suit :
« Des succursales sont établies dans toutes les localités où il est possible de s'assurer le concours des personnes bienfaisantes, des communes ou des établissements publics. »
On rappellerait ensuite à l'article 10 que le conseil général doit veiller à ce que ces succursales soient établies.
Quant à des divisions plus considérables, par chapitre, il faut s'en abstenir ; ce serait une complication inutile, les subdivisions actuelles du projet de loi paraissent rationnelles et suffisantes.
- L'article 2, modifié comme vient de le proposer M. le ministre des finances, est mis aux voix et adopté.
« Art. 3. La caisse reçoit les versements, paye les rentes et rembourse les dépôts dans toutes les agences de la Banque Nationale, et, en outre, dans toutes les localités où le gouvernement le juge nécessaire. »
- Adopté.
« Art. 4. Toutes les sommes versées sont centralisées dans une seule caisse.
« Il est tenu des comptes distincts des capitaux de la caisse d'épargne et de ceux de la caisse de retraite. »
- Adopté.
« Art. 5. La caisse peut, avec l'autorisation du Roi, recevoir des donations ou des fondations faites au profit de toutes ou de certaines catégories de participants du royaume ou de localités désignées. »
- Adopté.
« Art. 6. La caisse est gérée par un conseil général, un conseil d’administration et un directeur général.
« Le conseil général se compose d'un président et de vingt-quatre membres.
« Le conseil d'administration, choisi dans le sein du conseil général, comprend un président et six membres. »
- Adopté.
« Art. 7. Les présidents et les membres des conseils sont nommés et peuvent être révoqués par le Roi. Les membres sont nommés pour six ans.
« Chaque année, quatre membres du conseil général et un membre du conseil d'administration cessent leurs fonctions.
« Les membres sortants peuvent être nommés de nouveau. »
M. Tack. - Je ferai remarquer que l'article 7 n'indique pas de quelle manière se fera le premier renouvellement partiel. Je présume qu'il interviendra un règlement d'ordre intérieur qui disposera que le premier renouvellement partiel se fera par voie de tirage au sort.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est ainsi.
M. Tack. - On pourrait le dire aussi dans la loi.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il y a déjà trop de dispositions.
M. Tack. - On ne dit pas non plus dans l'article 7 si les fonctions des présidents seront temporaires comme celles des membres ou si elles seront permanentes.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je crois qu'il est inutile d'ajouter aux dispositions du projet de loi ce qui est indiqué par l'honorable M. Tack. Cela fera l'objet d'un règlement d'ordre ultérieur.
Quant aux présidents, ils sont nommés pour six ans, comme les membres ; pour mieux marquer cette intention, on pourrait, dans le deuxième paragraphe, substituer le mot « ils » aux mots « les membres « ; le paragraphe serait dès lors ainsi conçu :
« Ils sont nommés pour six ans. »
- L'article 7, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 8. Des jetons de présence peuvent être alloués au président et aux membres du conseil d'administration. »
- Adopté.
« Art. 9. Le directeur général est nommé et peut être révoqué par le Roi.
« Son traitement et son cautionnement sont fixés par arrêté royal. »
M. Tack. - Messieurs, à propos de cet article il reste un point à éclaircir et à fixer ; c'est la question de savoir si la loi sur les incompatibilités parlementaires sera applicable aux agents de la caisse d'épargne.
Cette question a été soulevée par l'honorable M. de Naeyer. Elle a été résolue par lui dans un sens affirmatif.
L'honorable ministre des finances au contraire l'a tranchée négativement.
L'honorable M. Orts en a dit un mot et il n'a pas attribué trop d'importance à l'incompatibilité ou à la faculté du cumul du mandat législatif avec les fonctions d'agent de la caisse d'épargne.
Le texte de la loi du 26 mai 1848 concernant les incompatibilités parlementaires, quel est-il ? il porte :
« Art. 1er. Les fonctionnaires et employés salariés par l'Etat, nommés membres de l'une ou de l'autre Chambre, sont tenus, avant de prêter serment, d'opter entre le mandat parlementaire et leurs fonctions ou leurs emplois.
« Art. 2. Les membres de la Chambre ne pourront être nommés à des fonctions salariées par l'Etat, qu'une année au moins après la cessation de leur mandat. »
D'abord, le président et les membres du conseil d'administration, le directeur général et les employés salariés de la caisse d'épargne sont-ils des fonctionnaires ? En second lieu sont-ils salariés par l'Etat ?
Voilà, ce me semble, dans quels termes la question se présente.
Qu'ils soient fonctionnaires de l'Etat, il me semble que cela ne peut faire l'ombre d'un doute.
La caisse, on n'a cessé de le répéter et avec raison, est un établissement de l'Etat, un service public placé dans les attributions de l'Etat, garanti par l'Etat, et géré au nom de l'Etat sous sa responsabilité.
Non, vous a dit M. le ministre des finances, la caisse est une personne civile, un corps moral ayant une existence à part, des droits distincts, propres, pouvant recevoir des donations, des legs, pouvant trafiquer, vendre, acheter, tester en justice, soit en demandant, soit en défendant.
Eh bien oui, la caisse est une personne civile, et qu'importe ?
(page 1576) Mais c'est une personne civile sur laquelle le gouvernement a l'action la plus complète possible, dont l'Etat est le maître absolu, sur laquelle il agit sans intermédiaire aucun ; une personne civile qui est dans sa dépendance la plus entière. Pourquoi ? Parce que l'Etat est le garant de la gestion de l'administration de la caisse d'épargne.
Oui, c'est une personne civile, mais qui n'a presque pas de volonté propre, car tous les actes importants qu'elle pose doivent être contrôlés, sanctionnés, approuvés par l'Etat, sans aucune exception. Elle est une fraction de l'Etat, elle représente l'Etat vis-à-vis des participants qui ne sont que les créanciers de la caisse.
Il ne s'agit pas même ici pour l'Etat, comme l'a parfaitement démontré l'honorable M. de Naeyer, d'une simple garantie. Il y a plus, l'Etat est le principal obligé, et pour mieux assurer la dépendance de la caisse vis-à-vis de l'Etat, la suprématie et l'omnipotence de celui-ci à l'égard de la caisse, non seulement les agents sont nommés et révoqués par le gouvernement, mais leur mandat se renouvelle tous les 6 ans.
C'est donc en quelque sorte le glaive de Damoclès, constamment suspendu sur la tête de ces fonctionnaires.
M. de Naeyer. - Ils peuvent être révoqués à chaque instant.
M. Tack. - Tout juste. Ils peuvent être révoqués à chaque instant et de plus leur mandat doit être renouvelé tous les six ans.
Que la caisse s'identifie avec l'Etat, c'est une vérité tellement manifeste qu'elle se trahit à chaque pas de l'exposé des motifs, comme dans le langage que M. le ministre des finances tient dans cette enceinte. Qu'on ouvre l'exposé des motifs au hasard et l'on verra que, dans la pensée même du gouvernement, la caisse se confond avec l'Etat.
Ainsi à la page 102, je lis : « En intervenant pour accepter la responsabilité des versements et pour garantir et faire fructifier les capitaux, le gouvernement n'a plus qu'un pas à faire ; c'est de les recevoir et de les rembourser lui-même. »
C'est donc le gouvernement qui reçoit, qui rembourse les capitaux, qui paye les intérêts, qui fait valoir les fonds, qui fait les placements, qui fait en un mot tous les actes importants par l'intermédiaire de la caisse.
Pouviez-vous comparer la caisse d'épargne à une personne civile telle que les bureaux de bienfaisance, les commissions des hospices, les communes et les fabriques d'église ?
Non.
Le gouvernement nomme-t-il par hasard les membres des bureaux de bienfaisance et des hospices ?
Est-il responsable de leur gestion, de leur administration ? Pas le moins du monde.
Exerce-t-il sur ces personnes civiles une action directe incessante ? Pas davantage.
Vous voyez que les différences sont radicales.
Sans doute il y a des analogies, des points de contact, mais il y a des dissemblances, bien plus prononcées, bien plus nombreuses.
Au surplus il est, messieurs, beaucoup de corps constitués qui sont personnes civiles et dont les membres n'ont pas le droit de faire partie ni de l'une ni de l'autre Chambre,
Les exemples se présentent en foule ; il n'y a que l'embarras du choix.
Ainsi, la députation permanente est une espèce de personne civile et quoique corps électif au second degré, les membres qui la composent ne peuvent cumuler leurs fonctions avec le mandat législatif.
Donc la circonstance que la caisse d'épargne a qualité de personne civile est indifférente au point qui nous occupe.
Dans un autre ordre d'idées voyez la caisse des dépôts et consignations. Les employés et les fonctionnaires de cette institution qui, elle aussi, à l'égal de la caisse d'épargne, fait valoir les fonds appartenant à des tiers, ne peuvent faire partie de la législature.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ils sont salariés par l'Etat.
M. Tack. - Je vais arriver à la question de savoir s'il faut, oui ou non, considérer les administrateurs de la caisse d'épargne comme salariés par l'Etat.
Ainsi que le disait l'honorable M. de Naeyer, si l'on faisait prévaloir le principe que parce qu'un agent de pouvoir est censé faire partie d'un corps qu'on peut qualifier de personne civile il n'est plus fonctionnaire public, nous pourrions arriver à un moment où il n'y aurait plus guère de fonctionnaires publics dans le pays ; il ne serait pas difficile, en effet, de transformer la plupart des services publics en personnes morales. L'honorable M. de Naeyer citait entre autres, comme susceptible de pareille transformation, l'administration des chemins de fer. Quoi de plus simple que de faire de cette administration une espèce de régie en dehors du budget, de lui assigner une comptabilité à part et un fonds spécial, Les fonctionnaires de cette administration en seraient-ils moins fonctionnaires publics ? Non, surtout si l'on admettait ce principe si souvent mis en avant dans cette enceinte, que l'Etat, comme entrepreneur de transport, ne doit pas bénéficier, que comme tel il doit se contenter d'une recette qui balance ses dépenses et que rien, du chef de cette administration, doit tomber dans le trésor public.
Les agents de la caisse d'épargne sont tellement des fonctionnaires qu'on les investit de fonctions judiciaires.
A l'article 11, il est dit que les administrateurs de la caisse d'épargne jugeront de toutes les contestations qui s'élèvent entre les participants et la caisse, du moment que l'objet du litige n'excède pas 500 francs ; et l’on a soin d'ajouter dans l'exposé des motifs qu'il ne faut pas considérer ce pouvoir conféré à l'administration comme un simple arbitrage, maïs que c'est une véritable juridiction, et que ses décisions sont de véritables sentences judiciaires.
Maintenant, le directeur et les membres du conseil d'administration sont-ils salariés par l'Etat ? On prétend que non, et c'est l'objection que me faisait tantôt M. le ministre des finances. Je soutiens le contraire et je prétends qu'ils sont salariés par l'Etat.
Il est vrai qu'ils administrent un fonds spécial ; mais ce fonds spécial appartient, quoi qu'on en dise, à l'Etat, il n'est que le nantissement, le gage commun des déposants... (Interruption). Oui, il n'est que le nantissement, le gage commun des participants qui ne sont que les créanciers de la caisse, qui n'ont pas d'autres droits sur les fonds de la caisse que ceux, résultant d'une créance ordinaire.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Allons donc !
M. Tack. - C'est ainsi. La rétribution du directeur général est appelée traitement. Quant aux administrateurs, ils reçoivent des jetons de présence, On ne viendra pas objecter, je pense, que ce n'est pas là un traitement. Le nom ne fait rien à la chose. C'est un traitement variable, si l'on veut, mais permanent. Il y a d'autant plus de raison de décréter l'incompatibilité que la fixation du montant de ce traitement dépend exclusivement du gouvernement.
Et ici je reviens encore aux membres des députations permanentes : la loi provinciale dit que leur traitement est de 3,000 francs, dont une moitié sera fixe et l'autre partagée en jetons de présence. Est-ce que cette seconde moitié n'est pas un traitement au même titre que la première ?
Enfin, messieurs, les agents de la caisse d'épargne sont contrôlés par la cour des comptes et par la législature ; de sorte que s'ils pouvaient faire partie de la Chambre il serait possible que des comptables salariés par l'Etat fussent appelés à se contrôler eux-mêmes.
Le principe de l'incompatibilité parlementaire a été admis pour le gouverneur de la Banque Nationale. Pourquoi ? Probablement parce qu'il est le caissier de l'Etat. Or, messieurs, il y a infiniment plus de raison encore de rendre cette incompatibilité applicable au directeur de la caisse ; car, après tout, la Banque Nationale est un établissement privé,, tandis que la caisse d'épargne est un établissement de l'Etat.
Messieurs, si le doute pouvait exister, il me semble qu'il y aurait lieu de le lever, et. je crois qu'il devrait l'être dans le sens de l'incompatibilité.
On fera peut-être une objection, à savoir qu'il convient que des hommes spéciaux puissent siéger à la Chambre pour lui donner les éclaircissements dont elle pourrait avoir besoin à l'effet de juger les opérations de la caisse d'épargne.
Mais à cela je réponds d'abord que les hommes spéciaux ne manqueront pas, car, indépendamment du conseil d'administration, il y a le conseil général composé de 24 membres ; il restera donc dix-huit spécialités qui pourront faire partie de la Chambre et c'en sera bien assez pour lui donner tous les renseignements désirables sur la gestion de la caisse.
A défaut des membres du conseil général, il y aura toujours M. le ministre des finances qui, placé à la tête de l'institution, sera à même plus que personne de fournir tous les éclaircissements dont la Chambre pourrait avoir besoin.
D'autre part, s'il est désirable qu'il y ait dans cette Chambre des hommes d'expérience, il importe avant tout qu'elle ne compte que des hommes indépendants et il ne faut pas que le moindre doute puisse planer à cet égard sur aucun d'eux.
M. H. Dumortier, rapporteur. - Mon intention n'est nullement de me livrer à une longue dissertation sur une question dans la discussion de laquelle personne ici, je pense, n'apportera aucun argument nouveau, et qu'au sein de la section centrale nous avons considérée comme un peu usée,
M. Tack. - Pas du tout, on n'a pas considéré cette question comme usée, au sein de la section centrale.
(page 1577) M. H. Dumortier. - La question de savoir si le directeur de pareilles institutions ou d'institutions plus ou moins analogues pourra ou ne pourra pas faire partie de la législature a été longuement traitée et discutée plusieurs fois et à propos de la caisse générale de retraite, et à propos de la Banque Nationale. Nous avons pensé qu'il était inutile de la discuter de nouveau in extenso.
C'est pourquoi nous avons été d'avis, en section centrale, la majorité du moins...
M. Muller. - Trois membres contre trois.
M. H. Dumortier. - Nous avons été assez généralement d'avis qu'il y avait seulement lieu d'exposer sommairement, succinctement dans le rapport les raisons diverses qu'on peut faire valoir sur cette question et de la soumettre à l'appréciation de la Chambre.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le moment ne parait guère opportun pour discuter cette question des incompatibilités d'une manière générale et approfondie. Je me bornerai à dire que le sentiment qui a prévalu depuis la loi de 1848 sur les incompatibilités, c'est qu'elle avait été trop loin, tout le monde admettant d'ailleurs qu'il y a des incompatibilités nécessaires.
Faut-il étendre encore les incompatibilités ? Faut-il surtout aller jusqu'où va l'honorable M. Tack ? L'honorable membre voit, dans le directeur et dans les membres du conseil d'administration, des personnes qui occuperont des fonctions incompatibles avec celles de membre de l'une ou de l'autre Chambre.
Y a-t-il une bonne raison pour qu'il en soit ainsi ? Et d'abord la loi de 1848 est-elle applicable à ces personnes ? Evidemment non !
M. de Naeyer. - Pas du moins aux administrateurs ; ils ne sont pas salariés.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Tack prétend qu'il sont salariés.
M. Tack. - J'ai parlé des membres du conseil d'administration.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ainsi, l'honorable M. Tack prétend qu'ils sont salariés, parce qu'ils reçoivent des jetons de présence. Or, la loi de 1848 dit : Les fonctionnaires et employés salariés par l’Etat, nommés membres de l'une ou de l'autre Chambre, sont tenus, etc.
Est-ce que le directeur et les administrateurs, qui reçoivent, l'un un traitement, les autres des jetons de présence, le tout prélevé sur les fonds de la caisse même, sont des fonctionnaires salariés par l'Etat ?
M. de Naeyer. - Le directeur, oui !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais non, pas plus que les administrateurs.
Comment l'honorable M. Tack arrive-t-il à vouloir les faire envisager comme des agents salariés par l'Etat ?
En disant : c'est un service public que vous érigez en personne civile distincte, et les fonds de cette institution sont les fonds de l'Etat.
M. de Naeyer. - L'Etat en est débiteur.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Permettez ; l'Etat garantit que cette institution remettra aux déposants les fonds qu'ils y ont versés. Voilà ce que l'Etat garantit ; mais cela ne fait pas que les fonds de la caisse d'épargne soient des fonds de l'Etat.
Du reste, je vais vous le prouver d'une manière très évidente, la Constitution à la main.
Que disait M. Tack ? Ce n'est pas parce que vous érigez une institution spéciale que vous pouvez prétendre qu'elle est distincte de l'Etat ; sinon, vous pourriez constituer l'administration du chemin de fer en personne civile, pour en induire que les fonctionnaires de cette administration ne sont pas des agents de l'Etat.
Mais, messieurs, la Constitution s'opposerait absolument à une pareille fiction, par la raison que l'article 115 porte que toutes les recettes et les dépenses faites pour compte de l'Etat doivent figurer dans le budget et dans les comptes et qu'il est bien évident que les produits des chemins de fer que le gouvernement exploite, font partie des recettes de l'Etat.
Vous voyez qu'il y aurait obligation constitutionnelle de faire figurer les fonds au budget et dans les comptes, et de les soumettre au vote des Chambres. Vous n'avez rien de pareil dans la caisse d'épargne ; les fonds ne figureront dans aucun budget, et rien ne sera soumis au vote des Chambres ; ce seront les fonds de la personne civile que nous instituons sous le nom de caisse d'épargne.
Reste donc cette question : Y a-t-il lieu de proclamer des incompatibilités nouvelles et de les insérer dans la loi ? Je comprendrais qu'à la rigueur, mais sans nécessité, car je ne vois pas l'influence que cela peut avoir, je comprendrais que le directeur ne pût pas faire partie de la Chambre, qu'on déclarât qu'il y a incompatibilité entre les fonctions de directeur et la qualité de membre de la Chambre, parce que ces fonctions, convenablement rétribuées, lui sont conférées par le gouvernement. Mais quant aux administrateurs, cela ne se justifierait sous aucun rapport ; vous rendriez très difficile l'organisation de cette administration. L'honorable M. Tack ne le pense pas. Il restera, dit-il, 18 membres, 18 spécialités à nommer. Mais je ne trouverai pas si facilement ces 18 spécialités ; le grand conseil d'administration, d'ailleurs, c'est un patronage que je cherche à avoir pour la caisse d'épargne. Je voudrais qu'on pût en trouver les membres parmi les personnes les plus haut placées, de toutes les opinions, de tous les cultes, pour les faire entrer dans ce grand conseil de patronage.
Il y aura un conseil d'administration composé autant que possible, car il s'agit d'une œuvre qui a un caractère de bienfaisance, de six personnes qui consentiront à s'occuper des affaires de la caisse d'épargne, moyennant des jetons de présence seulement ; ces personnes devront réunir des conditions de capacité, d'expérience et d'aptitude qui ne sont pas faciles à rencontrer.
Pour le directeur général la Chambre avisera.
M. Tack. - Mon honorable ami, M. Henri Dumortier, fait observer que la section centrale s'est livrée à l'examen de la question que j'ai soulevée, et il ajoute qu'on doit la considérer comme épuisée ; l'honorable membre a perdu de vue qu'elle a été tellement débattue en section centrale que quand on en est venu au vote, l'applicabilité de la loi sur les incompatibilités parlementaires n'a été rejetée que par trois voix contre trois ; qu'il ne vienne donc pas alléguer que la question est usée ; non, elle est entière.
M. Muller. - Pour le directeur général seul.
M. Tack. - Et les administrateurs.
M. Muller. - Erreur !
M. Tack. - En effet, le vote n'a porté que sur la question de savoir s'il y aurait incompatibilité entre les fonctions de directeur général et le mandat législatif, et la section centrale a rejeté l'incompatibilité par trois voix contre trois.
L'honorable M. H. Dumortier ajoute que la question des incompatibilités parlementaires a été discutée dans d'autres circonstances encore et qu'en général on ne veut plus élargir le cercle des incompatibilités de cette espèce. Oui, je m'en souviens, on s'en est occupé à propos du gouverneur de la Banque Nationale, mais non pas pour la décider dans le sens qu'indique mon honorable ami. Voici ce que je trouve dans le rapport de la section centrale présenté par M. Tesch :,
« Un membre a demandé que par extension de l'article premier, paragraphe 2, de la loi du 26 mai 1848, l'article 19 en discussion décrète l'incompatibilité des fonctions de gouverneur de la Banque avec celles de membre de» l'une ou de l'autre des deux Chambres.
« Cette proposition a été admise à l'unanimité. La section a pensé qu'il y a pour exclure le gouverneur de la banque, qui tient sa nomination du gouvernement, les mêmes raisons qui ont fait décréter les incompatibilités admises par la loi de 1848 ; qu'il y en a même de plus fortes. Non seulement le gouverneur de la banque ne sera pas inamovible comme les membres de la magistrature assise ; il ne sera pas même nommé à vie, sauf révocation, comme les membres du parquet et les fonctionnaires de l'ordre administratif, mais son mandat devra être renouvelé tous les cinq ans. »
Eh bien, messieurs, ici la question se présente exactement dans les mêmes termes ; le président et les administrateurs doivent être renommés tous les six ans. (Interruption : Pas le directeur.)
Non pas le directeur général, mais les administrateurs tombent sous l'application de cette disposition. La section centrale qui a fait le rapport sur l'institution de la Banque Nationale poursuit ainsi : « Il (le gouverneur delà Banque) aura tous les cinq ans une faveur nouvelle à solliciter et son état de dépendance vis-à-vis du pouvoir sera d'autant plus étroit, qu'en raison de l'expiration périodique de son mandat, le gouvernement ne se trouvera pas, comme vis-à-vis des autres fonctionnaires, dans la nécessité de prononcer une révocation, acte qui éveille toujours au plus haut degré l'attention publique, alors, surtout qu'il se rattache à des causes politiques.3
Ce passage semble écrit exprès pour le cas qui nous occupe ; il est littéralement applicable aux administrateurs de la caisse d'épargne...
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Qui font acte de charité.
M. Tack. - Non, ce seront des hommes fort occupés, car, si je dois en croire ce qu'en a dit M. le rapporteur, ils seront obligés d'entrer dans les plus petits détails des opérations de la caisse ; ils feront donc aussi autre chose que de la charité et il faudra convenablement les rétribuer/
Il est vrai qu’aujourd’hui M. le ministre des finances nous a dit qu’il s’expliquerait sur leurs attributions quand nous en serions à l’article (page 1578) relatif à l'intervention de la Banque Nationale, tout en ajoutant que celle-ci placera les fonds qui lui sont confiés au mieux des intérêts de la caisse. J'aimerais mieux que les administrateurs s'occupassent de ces détails ; autrement on place la Banque entre son devoir et son intérêt.
Je ne comprends pas qu'elle soit appelée à juger de la solidité, de la convenance des escomptes, des avances, des prêts faits au nom de la caisse ; elle ne peut faire autre chose que de prendre toujours pour elle ce qu'elle trouvera constituer les meilleurs placements. Et en cela on ne pourra pas la blâmer. Comment veut-on qu'elle agisse différemment si l'on confond ses intérêts avec ceux de la Banque ?
Ce sera une suite presque nécessaire de la combinaison adoptée par l'honorable ministre des finances.
La caisse d'épargne aura difficilement l'occasion d'escompter des valeurs commerciales proprement dites.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous anticipons.
M. Tack. - Il me semble que je n'anticipe pas du tout. Toutes ces dispositions se tiennent, et permettez-moi de vous dire que vous n'êtes pas d'accord avec l'honorable rapporteur. Celui-ci nous dit : La Banque Nationale sera un simple commissionnaire, un simple instrument. Le conseil d'administration de la caisse aura des attributions très importantes, très délicates. M. le ministre, au contraire, semble assigner une mission plus restreinte au conseil d'administration.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'expliquerai cela.
M. Tack. - Mais ces explications devraient, me paraît-il, nous être données immédiatement.
Vous nous dites, M. le ministre : Les membres du conseil d'administration n'exerceront qu'une mission charitable. Mais si, comme l'affirme l'honorable M. H. Dumortier, les administrateurs doivent s'immiscer dans tous les détails de l'administration, ce ne sera plus une mission purement charitable qui leur sera confiée.
M. le ministre objecte qu'il y a, entre le directeur et les administrateurs, cette différence que le directeur est nommé par le gouvernement. Mais les administrateurs le seront aussi, et il y a cette circonstance aggravante, en ce qui concerne les administrateurs, que, comme vient de le dire M. le ministre des finances lui-même, leur mandat est renouvelable tous les six ans, tandis qu'il n'en est pas de même du directeur.
Messieurs, je persiste à soutenir que les fonds de la caisse sont les fonds de l'Etat ; il est évident que les participants à la caisse n'ont pas d'autre droit qu'un simple créancier. Ils sont créanciers à concurrence des sommes qu'ils ont déposées.
Ils ne sont pas propriétaires des valeurs, obligations ou actions que la caisse tient en portefeuille.
Mais, dit l'honorable ministre des finances, ce qui prouve que cela n'est pas, c'est l'article 115 de la Constitution, qui exige que toutes les recettes et dépenses figurent au budget de l'Etat.
Messieurs, c'est résoudre la question par la question.
M. le ministre des finances a fait une concession en ce qui concerne le directeur de la caisse. Je crois qu'il faut mettre sur la même ligne et le directeur et les administrateurs. Les mêmes motifs existent. On réplique que les administrateurs reçoivent des jetons de présence. J'ai cité l'exemple des députations permanentes, dont les membres sont considérés comme ayant un traitement partagé, d'après la loi, par moitié en jetons de présence, et cependant cette moitié est envisagée comme comprise dans leur traitement.
M. B. Dumortier. - Messieurs, ce qui constitue avant tout la nécessité d'une mesure, la nécessité de garanties contre la corruption au sujet de la nomination des administrateurs et du directeur de la caisse, c'est la disposition de l'article 36 de la Constitution. Cet article soumet à la réélection le membre de l'une ou de l'autre Chambre, nommé par le gouvernement à un emploi salarié qu'il accepte.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - La Constitution n'existe plus.
M. B. Dumortier. - J'entends l'honorable M. Rogier dire que cela n'existe plus. Je sais qu'on fait bon marché de la Constitution.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je dis que vous ne deviez pas citer la Constitution ; il n'y en a plus. (Interruption.)
M. B. Dumortier. - Quant à moi, je le déclare formellement, je ne puis admettre que l'on contrevienne à des dispositions aussi sacramentelles. Je ne veux à aucun prix de ce qui ressemble à de la corruption parlementaire, et le Congrès avait tout à fait la même pensée lorsqu'il voulait soumettre à la réélection quiconque, membre de l'une ou l'autre Chambre, acceptait des fonctions salariées conférées par le gouvernement. Il ne s'agissait pas de savoir si le salaire venait ou non de l'Etat.
La Constitution ne dit pas dit cela. Elle dit que quiconque est nommé par le gouvernement à un emploi salarié, est soumis à réélection.
L'emploi dont nous nous occupons est-il salarié, oui ou non ? La nomination sera-t-elle faite par le gouvernement, oui ou non ? Eh bien, si l'emploi est salarié, si la nomination est faite par le gouvernement, vous ne pouvez admettre qu'il n'y ait rien à faire en pareille circonstance.
On a, par la loi sur les incompatibilités, étendu la mesure ; mais il est certain que le principe est le même : c'est que, quand il y a nomination par l'Etat à un emploi salarié, celui qui est l'objet de cette nomination ne peut faire partie des Chambres.
- Un membre. - Et les bourgmestres ?
M. B. Dumortier. - Vous savez fort bien que l'Etat n'a rien à dire dans la caisse communale.
Et l'on viendra dire qu'il ne s'agit pas ici des fonds de l'Etat ? C'est une société, une personnification civile, dit M. le ministre des finances. Messieurs, j'admire beaucoup en toutes circonstances l'esprit de M, le ministre des finances. Mais c'est en vérité user trop de son esprit, c'est en abuser que de venir dire avec beaucoup d'aplomb qu'il s'agit ici d'une personnification civile. Voilà une étrange personnification civile en vérité, dans laquelle les propriétaires du capital n'ont pas le plus petit mot à dire. Comment ! Il y a 120 millions versés dans la caisse, et ceux qui ont versé ces 120 millions n'ont pas un mot à dire ! Ils n'ont pas le droit d'examiner les comptes, d'examiner la gestion, ils de nommer ; n’ont le droit de rien voir, et vous appelez cela une personne civile !
Mais si la Banque Nationale, si la Banque de Belgique, si la Société Générale étaient organisées ainsi, seraient-ce des personnes civiles ? Mais ce seraient uniquement et simplement des commissions de l'Etat, des commissions du gouvernement.
Lorsque les fonds sont versés à la caisse d'épargne, les inscrits n'ont rien à dire ; ils ne sont en rapport avec la caisse que pour verser leurs fonds et recevoir les intérêts. C'est le gouvernement qui voit tout, qui pourvoit à tout, qui nomme tout, qui gère tout. Et l'on viendra parler de personne civile ! C'est réellement abuser des mots d'une manière incroyable.
Il faut, messieurs, appeler les choses par leur nom. J'appelle un chat, un chat, et votre caisse une caisse de l'Etat. C'est l'Etat qui nomme, c'est l'Etat qui gère, c'est l'Etat qui reçoit les fonds, c'est l'Etat qui dirige, c'est l'Etat qui peut révoquer le directeur.
Mais si c'est là une personne civile, dites-moi donc comment vous ferez pour instituer une commission ?
Que deviendront toutes les commissions d'Etat ? Ce seront autant de personnes civiles. Il n'existera plus que des personnes civiles en Bel-gue.
Messieurs, je maintiens qu'il s'agit ici purement et simplement d'une commission de l'Etat ; que les personnes qui seront chargées de la gestion des fonds, fonds que M. le ministre des finances estime devoir s'élever à 120 millions environ, que ces personnes auront une besogne considérable et qu'elles devront être salariées.
Ce serait donc un moyen de corruption si ces fonctionnaires pouvaient être membres des Chambres législatives.
J'adopterai l'amendement de l'honorable M. Tack.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Dumortier s'étonne qu'une institution dans laquelle des particuliers, des ouvriers sont admis à déposer des fonds, puisse constituer une personne civile, et que les fonds ainsi déposés par des tiers ne soient pas des fonds de l'Etat ; il s'étonne surtout que les déposants ne soient pas admis à délibèrer.
Il conclut de tout cela que la caisse ne peut pas être une personne civile.
Mais alors, messieurs, comment l'administration des hospices peut-elle être une personne civile !
Elle reçoit les biens des pauvres, comme notre institution recevra les dons et legs qui lui seront faits et fera emploi des fonds déposés à la caisse d'épargne, et les pauvres ne sont pas admis non plus à s'occuper de la gestion de leurs biens !
Les monts-de-piété constituent également des personnes civiles ; des tiers viennent y déposer des objets contre lesquels on leur remet des avances, et ils ne sont pas admis à exercer le moindre contrôle sur l'administration !
Ce sont bien là des personnes civiles dont les fonds n'ont rien de commun avec ceux de l'Etat. Il en sera absolument de même de la caisse d'épargne.
(page 1579) Mais si la caisse d'épargne n'était pas une personne civile, distincte de l'Etat, il faudrait, aux termes de l'article 115 de la Constitution, porter ses recettes et ses dépenses au budget.
Or, je défie bien qui que ce soit de vouloir inscrire au budget comme faisant partie des revenus de l'Etat les fonds déposés à la caisse d'épargne.
Maintenant pour la question d'incompatibilité, sans partager l'opinion des honorables membres, j'admets qu'on fasse porter l'incompatibilité sur le directeur général, qui sera la cheville ouvrière de l'administration et qui sera véritablement rétribué, non par l'Etat, mais sur les fonds de l'institution.
Mais pour les administrateurs, ayant de simples jetons de présence, et qu'il sera très difficile de trouver, qui géreront par bienfaisance beaucoup plus que par intérêt, je dis qu'il est impossible de vouloir les exclure des fonctions législatives.
Mais, dit-on, les administrateurs seront occupés d'affaires très importantes, et il y a sous ce rapport contradiction entre M. le rapporteur et le ministre des finances ; l'un a dit qu'ils seront très occupés, l'autre a dit le contraire.
Eh bien, messieurs, il n'y a aucune espèce de contradiction entre les paroles de l'honorable rapporteur et les miennes : j'expliquerai cela catégoriquement quand nous nous occuperons des détails de l'administration ; mais j'en dirai également un mot immédiatement.
Aujourd'hui, la Banque Nationale, qui opère si bien sur tous les points du territoire par l'administration qui siège à Bruxelles, comment fait-elle pour admettre à l'escompte cette immense quantité de valeurs présentées dans toutes ses agences, sans engager sa responsabilité, sans s'exposer à des pertes considérables ? Voilà ce que l'honorable M. Tack ne s'est pas demandé.
La chose est extrêmement simple ; la Banque Nationale a des comptoirs dans les principales localités du pays ; ces comptoirs sont ducroire vis-à-vis de la Banque, et la Banque reçoit purement et simplement dans son portefeuille les valeurs revêtues de l'endos de ces comptoirs. Eh bien, à part d'autres mesures à concerter avec les intermédiaires, la caisse d'épargne chargera les comptoirs de la Banque Nationale d'escompter pour elle certaines catégories déterminées de valeurs ; les comptoirs seront ducroire vis-à-vis de la caisse d'épargne, et ainsi elle opérera sans aucune espèce d'embarras et avec sécurité.
Voilà donc une opération considérée comme très difficile et qui me semble, au contraire, très praticable.
M. le président. - Voici l'amendement déposé par M. Tack :
« Ajouter à la fin de cet article :
« Le président et les membres du conseil d'administration, de même que le directeur général et les employés salariés de la caisse d'épargne, ne peuvent, pendant la durée de leurs fonctions, être membre de l'une ou de l'autre Chambre, ni toucher de pension à charge de l'Etat.
« Le membre de l'une ou de l'autre des deux Chambres, nommé président, membre du conseil d'administration ou directeur général, cesse immédiatement ses fonctions législatives.
« Le fonctionnaire compris dans l'une des catégories désignées dans les paragraphes qui précèdent, s'il est nommé membre de l'une ou de l'autre des deux Chambres, n'est admis à prêter serment en cette qualité qu'après avoir déclaré qu'il, opte pour ce dernier mandat. »
- Plusieurs membres. - La division !
M. H. Dumortier, rapporteur. - Je crois que la première partie de l'amendement est pour ainsi dire inutile. M. le ministre des finances lui-même a déclaré, si j'ai bien saisi ses paroles, qu'il ne s'oppose pas à ce que la Chambre décrète l'incompatibilité entre les fonctions de directeur et le mandat législatif. Aucun orateur ne s'est non plus formellement opposé à l'adoption d'une pareille disposition. Pour ce qui me concerne personnellement, je déclare que si tel est le désir d'un certain nombre de membres, je leur fais volontiers la concession que les choses soient entendues en ce sens. Cette question spéciale ne forme d'ailleurs pas une des dispositions essentielles du projet de loi.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne suis pas de cet avis.
M. le président. - Je mets aux voix l'amendement, en tant qu'il s'applique au directeur général.
- Plusieurs membres. - L'appel nominal !
- Il est procédé à l'appel nominal.
La Chambre n'est plus en nombre.
Ont répondu à l'appel nominal : MM. Allard, Braconier, David, de Boe, de Bronckart, De Fré, de Haerne, de Lexhy, de Moor, de Paul, de Renesse, de Ridder, de Smedt, Devaux, d'Hoffschmidt, Dolez, B. Dumortier, H. Dumortier, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, J. Jouret, M. Jouret, C. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Nothomb, Orban, Orts, Pierre, Pirson, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Tack, Thienpont, Van Bockel, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Wasseige et Vervoort.
Membres absents sans congé : MM. Carlier, Coomans, Coppens, Cumont, Dautrebande, Debaets, de Baillet-Latour, de Breyne, de Brouckere, Dechamps, Dechentinnes, de Decker, de Man d'Attenrode, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Terbecq, de Vrière, Dupret, Faignart, Goblet, Jacquemyns, Jamar, Janssens, Julliot, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Loos Notelteirs, Pirmez, Sabatier, Snoy, Tesch, Vanden Branden de Reeth, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen et Vilain XIIII.
Membres absents par congé : MM. Ansiau, Bacquin, Beeckman, Crombez, de Florisone, de Gottal, de Liedekerke, de Montpellier, de Theux, d'Ursel, Kervyn de Lettenhove, Laubry, Magherman, Mercier, Moncheur, Thibaut et Van de Woestyne.
- La séance est levée à 5 heures 20 minutes.