(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)
(page 1379) (Présidence de M. Vervoort.)
M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont, secrétaire., présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Les membres du conseil communal et des habitants de Poncet demandent la construction du chemin de fer de Namur à Landen.
« Même demande des membres du conseil communal et d'habitants de Hannut. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Beringer prie la Chambre de statuer sur sa demande de naturalisation. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« MM. E. Jacquemyns et Jamar, retenus à Londres, par les travaux de la commission belge de l'exposition universelle dont ils sont membres, demandent un congé. »
- Accordé.
« M. de Florisone, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »
- Accordé.
M. B. Dumortier. - Messieurs, il y avait hier cinq orateurs inscrits dans un sens : il me semble que s'il y a des membres qui veulent parler dans un autre sens, il serait convenable qu'ils prissent la parole.
M. Guillery. - Messieurs, j'avoue que les exigences de la droite deviennent véritablement intolérables. Il a fallu d'abord qu'on fixât un jour spécial pour la discussion actuelle ; on n'a pas pu discuter le jour où, suivant la règle ordinaire, l'article était soumis aux délibérations de la Chambre ; le jour fixé, la droite a dû se reposer et a demandé la remise à aujourd'hui ; on a accordé tout cela ; aujourd'hui on nous invite à combattre ; si nous jugeons à propos de combattre, nous combattrons ; mais vouloir nous indiquer le moment où nous devons parler, et nous indiquer probablement, après, ce que nous avons à dire, c'est pousser la tyrannie un peu trop loin !
M. B. Dumortier. - Cela n'est pas sérieux ; il s'agit bien de tyrannie ; je laisserai l'honorable préopinant, libéral jeune, aux sentiments généreux, au cœur chaud pour tout ce qui est liberté ; je le laisserai parler contre ce qu'il y a de plus sacré, la liberté de la parole !
Messieurs, mon observation n'avait d'autre objet qu'un rappel au règlement. Le règlement exige que dans une discussion on entende successivement un orateur pour et un orateur contre. (Interruption.) Je sais bien qu'on ne peut pas forcer les honorables membres qui ne veulent pas prendre la parole, à parler. Mais je dois dire qu'il serait très peu convenable et très peu loyal de laisser toute la droite parler et de prendre alors seulement part à la discussion. Ce ne serait pas exécuter loyalement les principes constitutionnels. Il n'y a ici ni tyrannie, ni persécuteurs, ni persécutés ; je ne faisais qu'un appel à l'exécution du règlement ; je me bornais à demander ce qui se fait toujours dans les circonstances un peu importantes.
MM. de Muelenaere. - Messieurs, il est évident, me semble-t-il, que la Chambre ne veut pas recommencer cette discussion si longue et si vive qui a surgi dans cette enceinte en 1859 au sujet des articles sur lesquels nous sommes appelés aujourd'hui à émettre un vote définitif.
Je n'ai pas l'intention non plus, messieurs, d'entrer dans tous les détails de ce grand débat, mais comme en définitive il sera porté dans une autre enceinte, je tiens à déclarer en quelques mots seulement quel est mon sentiment à cet égard.
Le temps, messieurs, et la réflexion n'ont fait que me confirmer de plus en plus dans les diverses opinions que j'ai exprimées en 1859.
Je persiste à penser, messieurs, que le ministre du culte, pour tous les abus, tous les délits qu'il peut commettre dans l'exercice de ses fonctions, aurait dû rester soumis au droit commun.
Je persiste à croire, messieurs, qu'il est injuste, impolitique, et ce qui plus est, inconstitutionnel, de créer contre le ministre du culte une législation spéciale et en quelque sorte exceptionnelle.
Je persiste à croire qu'il est inconstitutionnel d'ériger en délits, en faits punissables à l'égard du ministre des cultes des actes qui, vis-à-vis des autres citoyens, ne sont pas punis par la loi et sont même considérés de leur part comme un acte licite, sinon comme l'exercice d'un droit constitutionnel.
Messieurs, on vous a rappelé que dans une des nombreuses constitutions françaises, si j'ai bonne mémoire, je crois même que c'est dans la constitution de 1791, il y avait un article qui disait en termes exprès, en termes formels que tous les faits répréhensibles devaient être toujours punis des mêmes peines, sans aucune distinction de personnes.
Or, dans l'espèce qui nous occupe, la loi établit des peines pour des faits posés, pour des délits si vous voulez, commis dans l'exercice de leurs fonctions par des ministres du culte, tandis que cette même loi ne commine aucune peine contre ces mêmes faits et ces mêmes délits, lorsqu'ils sont posés par des personnes appartenant à une autre classe quelconque de la société.
Voilà, messieurs, une de ces anomalies qu'on cherche vainement à justifier et que je regrette sincèrement, je dois le dire, de trouver dans le Coda pénal révisé.
Mais ce qui me semble, messieurs, essentiellement inconstitutionnel dans le projet de loi que nous discutons, c'est que l'article 295 commine des peines contre le prêtre qui aura lu en chaire un mandement pastoral contenant, dit la loi, la critique ou la censure du gouvernement ou d'un acte quelconque de l'autorité publique ; tandis que, d'après un article formel de la Constitution, l'article 16, les ministres des cultes ont le droit de publier tous les actes de leurs supérieurs, et qu'en cette matière ils ne sont soumis qu'à la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publicité. L'article constitutionnel est formel, et cependant le nouveau Code pénal prononce des pénalités spéciales, particulières contre ces ministres des cultes à raison de la publication des actes émanés de leurs supérieurs ecclésiastiques.
II est un autre point, messieurs, qui a été longuement traité dans la première discussion, mais sur lequel je crois devoir exprimer encore une fois mon opinion. Je veux parler de la rédaction des articles 295 et 296.
En matière pénale surtout, messieurs, la rédaction de la loi est d'une très haute importance. Il importe qu'à la simple lecture d'une loi pénale, tout citoyen sache quels sont les faits licites et quels sont les faits qu'il ne peut pas poser sans contrevenir à la loi. Or, je vous avoue que j'ai beaucoup de peine, pour ma part, après trois années révolues depuis la première discussion, à me rendre compte de ce que veulent dire les mots : « critiquer ou censurer soit un acte du gouvernement, soit tout autre acte de l'autorité publique. » Quand y aura-t-il censure, quand y aura-t-il critique, critique punissable ?
Evidemment, messieurs, il y a là quelque chose de trop élastique, de trop vague, j'ose presque dire quelque chose d'effrayant, en matière pénale ; car nous aurions de la peine, je pense, à trouver dans cette enceinte deux membres qui fussent d'accord sur ce qui, aux termes de la loi, constitue une critique ou une censure d'un acte quelconque de l'autorité.
Voilà, messieurs, les raisons qui m'ont déterminé à combattre, en 1859, le projet qui nous était présenté. Ces mêmes raisons me détermineront, à mon grand regret, à émettre un vote également négatif dans la discussion actuelle.
Je crois que les articles 295 et 296 devraient être révisés ; je crois qu'ils auraient besoin d'une rédaction nouvelle et surtout que l'on devrait revenir aux véritables principes, c'est-à-dire se borner à soumettre les ministres des cultes au droit commun, car ce n'est pas le fait qu'on punit, d'après ces articles ; c'est la qualité de l'individu qui a posé le fait.
M. B. Dumortier. - C'est cela.
M. de Muelenaere. - Et voilà une véritable violation de la Constitution, et à laquelle je ne pourrai jamais me soumettre.
M. Guillery. - Je demande la parole.
M. de Muelenaere. - D'après ces considérations, et sauf à les développer ultérieurement si, comme je le pense, d'autres membres prennent part au débat, je déclare, dès à présent, que je voterai contre les (page 1380) articles en discussion, et que je serai forcé de voter contre le Code pénal tout entier si ces articles sont maintenus avec leur rédaction actuelle.
M. Guillery. - D'après l'honorable préopinant, l’article 201 du Code pénal actuel, l'article 295 du projet en discussion soumettraient les ministres des cultes à des mesures de rigueur tout à fait exceptionnelles.
Les prêtres seraient exclus du droit commun de tous les citoyens, et la droite, fidèle à ses principes de liberté large, la droite qui, seule dans le pays, détend la véritable liberté, veut ici défendre la liberté de la chaire comme elle a défendu la liberté de la charité et toutes les autres libertés, quand l'occasion s'en est présentée. J'avoue que je me défie un peu des présents de la droite en cette matière.
Mes souvenirs historiques de 32 années ne me la représentent pas comme assez énergiquement dévouée aux principes libéraux, pour que je puisse accepter sans contrôle ses protestations, ses plaintes d'aujourd'hui ; je répéterai ici ce que j'ai dit dernièrement dans la discussion générale du budget de l'intérieur, c'est que s'il ne s'agissait pas du clergé, la droite ne serait pas si susceptible, elle garderait un complaisant silence. Mais chaque fois que notre ordre du jour amène une question semblable à celle qui nous occupe, le clergé est persécuté, est traité en ennemi par les libéraux ! Les libéraux cherchent tous les moyens possibles de persécuter les ministres du culte. La preuve en est dans les actes de l'administration libérale.
Les membres de la droite, pour démontrer leur thèse, devraient bien dresser un tableau statistique des arrêtés concernant le culte. Y verrait-on que, sous les administrations libérales, les ministres du culte ont joui de moins de protection ?
Qu'on a accordé des subsides moins nombreux pour la restauration des églises ?
Qu'il y a eu moins d'augmentation du nombre des paroisses, ou du nombre des desservants ?
En un mot, les ministres du culte ont-ils été traités avec moins d'équité que sous les ministères catholiques ?
M. B. Dumortier. - La liberté ne se paye pas avec de l'or.
M. Guillery. - Non, la liberté ne se paye pas avec de l'or. Mais je crois que quand on représente la gauche comme ennemie du clergé, comme votant l'article 295 en haine du clergé, je suis forcément amené à répondre que, dans nos actes, au pouvoir comme en dehors du pouvoir, jamais on n'a pu nous reprocher la moindre hostilité contre le clergé, jamais nous n'avons donné prise au moindre grief de ce genre, soit en administration, soit en législation.
Quant à la droite, parle-t-elle au nom de la légalité ou au nom d'un intérêt privé, d'un privilège ? Pour ne parler que de la discussion du Code pénal, la droite s'est-elle préoccupée de l'égalité des citoyens devant la loi, de la nécessité de traiter les ministres du culte comme tout autre citoyen ? Lors du vote des article 151,150, 149, 148 du projet, a-t-elle réclamé le droit commun ? S'est-elle écriée : Mais l'article 6 de la Constitution proclame l'égalité, et l'article 16 supprime toute législation exceptionnelle ! Lorsque les ministres du culte, en vertu d'un projet de loi défendu par un ministère libéral, ont été l'objet d'une protection spéciale ; quand on a établi des délits spéciaux pour les protéger, la droite a-t-elle réclamé le droit commun ?
Quand la Constitution (article 11) a proclamé en principe la rétribution des ministres du culte par l'Etat, la droite n'a pas réclamé le droit commun ; quand la loi de 1842 a fait pénétrer dans les écoles les ministres du culte à titre d'autorité, plaçant un pouvoir à côté du pouvoir, quand la loi de 1842 a créé une autorité religieuse inconnue jusqu'alors, qui n'existait pas d'après la Constitution, a-t-on réclamé contre cet article ?
Il y a donc, dans notre législation, pour les ministres du culte comme pour le culte lui-même, une protection toute spéciale. En voici une nouvelle preuve :
« Tout particulier qui, par des violences ou des menaces, aura contraint ou empêché une ou plusieurs personnes d'exercer un culte, d'assister à l'exercice de ce culte, sera puni d'un emprisonnement et d'une amende.
« Ceux qui par des troubles ou des désordres auront empêché, retardé ou interrompu les cérémonies ou les exercices religieux qui se pratiquent dans un édifice destiné ou servant habituellement au culte, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à trois mois, et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs.
« Toute personne qui, par des faits, par paroles, gestes ou menaces, aura outragé les objets d'un culte, soit dans les lieux destinés ou servant actuellement à son exercice, soit à l'extérieur de ces lieux, dans des cérémonies publiques de ce culte, sera punie d'un emprisonnement de quinze jours à six mois, et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs.
« Sera puni des mêmes peines celui qui, par faits, paroles, gestes ou menaces, aura outragé un ministre d’un culte salarié ou subsidié par l'Etat, dans l'exercice de ses fonctions. »
Ainsi voilà une peine spéciale pour l'outrage adressé au ministre d'un culte dans l'exercice de ses fonctions. Le ministre d'un culte, dans l'exercice de ses fonctions, d'après un article que vous avez voté, est donc dans une position exceptionnelle.
Ce n'est pas plus un citoyen ordinaire, que le magistrat, dans l'exercice de ses fonctions ; non pas parce qu'il est rétribué par l'Etat, non pas parce que le magistrat est fonctionnaire public, mais parce qu'on a jugé de l'intérêt général, de l'intérêt social, que les ministres du culte, que tout ce qui touche à la conscience de l'homme, soit l'objet d'une protection spéciale.
Et ces privilèges qu'on leur a donnés, non pas dans l'intérêt des ministres du culte, ces privilèges qu'on leur a donnés dans l'intérêt de la société, ne devraient pas être accompagnés de certaines restrictions dans le même intérêt ? Et dans ces temples, dans l'exercice de vos fonctions où vous êtes l'objet d'une protection spéciale, vous ne voulez pas de devoirs spéciaux ?
Dans la chaire, où vous êtes hors du droit commun en vertu de l'article 151 du Code pénal, vous réclamez le droit commun !
Mais si vous voulez user de la liberté de tous les citoyens, descendez de votre chaire, sortez de vos églises, créez un journal, parlez sur la place publique, dans un meeting ; parlez dans telle réunion que vous voulez, dans une association politique. Faites ce que vous, ce que moi, ce que tous ici nous pouvons faire.
Aucun de nous ne peut monter en chaire dans une église. Aucun de nous ne peut emprunter ce caractère religieux, cette protection spéciale, ce prestige ; personne de nous ne peut s'en revêtir, pour imposer par le respect qu'inspire toujours la parole du prêtre dans l'exercice de ses fonctions.
Les ministres du culte doivent jouir du. droit commun, c'est-à-dire, doivent pouvoir faire ce que tout le monde peut faire. Mais ce droit, ils l'ont.
Ce n'est pas à raison de la personne, comme le dit l'honorable comte de Muelenaere, c'est en vertu des fonctions, c'est en vertu de la protection spéciale dont ils jouissent que les ministres du culte sont tenus à des obligations spéciales.
Il en est de même de beaucoup de citoyens. Si les fonctionnaires sont astreints à des obligations spéciales, ce n'est pas parce qu'ils sont fonctionnaires publics, c'est parce qu'ils ont un caractère public.
Je vais prendre un exemple bien concluant : ce sont les avocats, qui sont, à coup sûr, ce qu'il y a de moins fonctionnaire public ; c'est la profession le plus libre qu'on puisse imaginer. Et cependant ils sont astreints à des devoirs spéciaux, il y a des délits spéciaux qui n'existent que pour eux. Ils peuvent être suspendus, ils peuvent être rayés du tableau, c'est-à-dire que l'exercice de leur profession peut leur être défendu pour le reste de leur vie, et cela, à raison de faits qui, pour un simple particulier, ne seraient pas même une contravention.
Voilà donc des devoirs spéciaux, des obligations spéciales, des délits spéciaux.
Pourquoi ? Parce que dans un intérêt social on a voulu qu'il y eût, à côté de la magistrature qui rend la justice, un ordre libre, indépendant, mais astreint à des devoirs rigoureux d'honneur et de probité, qu'il y eût un conseil de discipline et que la Cour d'appel jugeât en dernier ressort les questions soumises au conseil de discipline.
Sous ce rapport, tout est inégalité dans l'ordre social. Il n'y pas deux personnes égales. Le père de famille, l'époux ont des devoirs à eux. Chaque position spéciale, l'âge, le sexe, tout cela crée des obligations, des devoirs spéciaux.
Ce qu'il faut, ce qu'il doit y avoir, ce que la Constitution a voulu, c'est l'égalité des citoyens, c'est-à-dire que chacun, après avoir dépouillé les fonctions spéciales dont il est revêtu, le fonctionnaire public après avoir quitté son bureau, le magistrat, l'avocat après avoir déposé sa robe, le prêtre sorti de l'église, puissent user des libertés consacrées par le pacte fondamental, de la liberté de la presse, de la liberté de la parole.
D'après les honorables orateurs qui ont combattu l'article 295 du projet, l'article 16 de la Constitution a abrogé formellement l'article 201 du Code pénal actuel, c'est-à-dire, la disposition qui nous est soumise en ce moment.
Cet article est ainsi conçu :
« L'Etat n'a le droit d'intervenir ni dans la nomination, ni dans l'installation des ministres d'un culte quelconque, ni de défendre à ceux-ci de correspondre avec leurs supérieurs, et de publier leurs actes, sauf, (page 1381) en ce dernier cas, la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication. »
Quel est le sens, messieurs, de cet article ? Je fais un appel à tous ceux qui ont lu les discussions du Congrès, à ceux qui se sont pénétrés de son esprit. Quelle était la préoccupation du Congrès lorsqu'il a voté cet article ? C'était de renverser les barrières qui s'opposaient sous le gouvernement de l'empire, sous le gouvernement des Pays-Bas, en vertu du code pénal, à ce que les ministres des cultes pussent correspondre avec leurs supérieurs.
C'était la condamnation, rappelée hier par l'honorable M. de Theux, de l'évêque de Gand.
Voilà ce que le Congrès voulait empêcher. Il voulait donner aux ministres du culte la plus grande liberté de correspondre avec leur chef spirituel, bien que ce soit un souverain étranger.
En d'autres termes, il voulait abroger les articles 207 et 208 du Code pénal.
Et en effet, messieurs, dans une édition du Code publiée par un de nos plus savants magistrat, feu M. Delebccque, je vois soulignés comme abrogés ces articles du Code pénal, mais les articles 201, 202 et 203 sont considérés comme complètement en vigueur.
Ainsi, messieurs, les ministres du culte ont le droit de correspondre avec leurs supérieurs, l'Etat n'a pas le droit d'intervenir dans leur nomination ni dans leur installation.
Il n'a pas le droit de leur défendre de correspondre avec leurs supérieurs, de publier leurs actes, sauf la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication.
Lorsque le ministre du culte agira comme citoyen, lorsqu'il agira en dehors de l'édifice consacré au culte, il sera dans la plénitude du droit commun.
Mais a-t-on voulu dire qu'étant en chaire, exerçant des fonctions religieuses, il serait soumis au droit commun et ne serait passible que des peines comminées par les lois contre les simples citoyens ? Qu'étant plus qu'un citoyen il serait traité comme citoyen ? Qu'étant dans une position extraordinaire, il n'aurait qu'une responsabilité ordinaire ?
S'il en était ainsi, il serait bien étrange que le Congrès qui, avait sous les yeux le Code pénal, n'eût pas pensé un seul instant à s'expliquer d'une manière précise et n'eût pas dit, en consacrant tous les droits du clergé, qu'il avait aussi celui de censurer les actes du gouvernement : qu'à côté du droit de s'occuper des matières du culte, du droit illimité de correspondre avec ses supérieurs dans l'intérêt religieux, il avait aussi le droit de s'ériger, comme ministre du culte, en censeur de l'Etat, en censeur de l'administration.
Eh bien, j'ose dire que, si cette pensée pouvait être celle de quelques membres du Congrès, cette assemblée avait des idées trop larges, avait trop le sentiment de ce qui doit inspirer le ministre du culte dans son église, pour s'imaginer qu'on pût se servir de l'article 16 de la Constitution, pour ériger autant de tribunes politiques qu'il y a de chaires dans les églises de la Belgique.
J'ai entendu des rires à droite, lorsque je me suis permis d'interpréter ainsi l'article 16 de la Constitution. On prend donc, à droite, en pitié le système qui consiste à dire que l'article 201 du Code pénal est encore en vigueur.
On suspecte à cet égard notre impartialité ; nous agissons par esprit de parti.
Et cependant, la cour d'appel de Bruxelles qui, elle, n'agit pas par esprit de parti, et le tribunal de première instance avant la cour, se sont prononcés sur la question qui a été plaidée savamment. L'arrêt est du 14 juin 1845.
C'était, si j'ai bonne mémoire, sous le ministère de l'honorable M. de Theux...
M. Dolez. - M. d'Anethan, mais non pas M. de Theux.
M. Guillery. - Le tribunal de première instance avait décidé que l'article 201 du Code pénal n'était pas abrogé. La cour a décidé dans le même sens.
Il n'y eut pas de pourvoi en cassation ; ce qui ferait supposer que le curé de Boitsfort et celui d'Auderghem qui étaient condamnés pour avoir censuré les actes de l'autorité communale de Boitsfort, reçurent le conseil de ne pas se pourvoir, dans la prévision que le pourvoi serait infructueux.
M. le ministre de la justice d'alors, l'honorable baron d'Anethan, ne crut pas non plus après en avoir sans doute délibéré avec le chef du cabinet de l'époque, qu'il y eût lieu de se pourvoir en cassation dans l'intérêt de la loi, comme le fait le chef du département de la justice dans toutes les grandes questions qui se rattachent à l'intérêt public.
Il y a plus : les prévenus ayant été condamnés à trois mois de prison firent une requête en grâce, et la requête fut rejetée...
Etait-ce donc là un gouvernement semblable à celui que nous dépeignait hier, au commencement de son discours, l'honorable M. de Theux ? Etait-ce là un gouvernement qui ne voulait ni la liberté de la parole, ni la liberté d'association, ni la liberté de la presse ? Les prévenus durent faire 15 jours d'emprisonnement ; oui, c'est après avoir fait 15 jours d'emprisonnement qu'ils obtinrent une commutation de peine. C'était, quant à la durée, plus que je n'aurais voulu quant à moi. Dans cette circonstance, voulant que force restât à la loi, j'aurais dit : Les condamnés subiront leur peine pendant 24 heures, pour que la loi soit exécutée.
Quant à la durée, elle ne pouvait rien ajouter à la question de principe ; mais enfin, les honorables ministres qui étaient au pouvoir au mois de juin 1845, pensaient, sans doute, que les ministres du culte qui, méconnaissant leurs devoirs, se livrent en chaire à la censure des actes de l'autorité, tombent sous l'application de l'article 201 du Code pénal.
Ainsi, nous ne sommes pas isolés dans l'interprétation de l'article 16 de la Constitution ; nous croyons que cet article 16 contient la liberté la plus large pour les ministres des cultes ; que les ministres des cultes comme tous les citoyens, lorsqu'ils sont dans le droit commun, peuvent user alors de toutes les libertés ; mais que, lorsque les ministres des cultes sont placés dans une position spéciale, et soumis par conséquent à des devoirs spéciaux, ils doivent, dans ce cas, accepter l'article 295 du nouveau Code pénal ou l'article 201 du Code pénal actuel.
Est-ce donc un si grand malheur que les ministres du culte ne puissent pas s'occuper des affaires de l'Etat ? Regardez-vous comme une si grande calamité qu'ils soient obligés de se renfermer dans l'accomplissement de leurs devoirs ?...
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - En chaire !
M. Guillery. - En chaire, bien entendu.
Hors de là, les ministres des cultes peuvent s'occuper d'élections, ils peuvent aller aux élections, y aller en rangs serrés, y conduire qui bon leur semble, user de l'influence de leur parole, du prestige même que leur donne leur robe de prêtre, personne ne songe à les en empêcher ; personne n'a le droit de leur demander quel emploi ils font de leur influence la plus secrète ; ils ne relèvent que de leur conscience et de leurs supérieurs ecclésiastiques.
Est-ce un si grand mal que, dans chaque église, il n'y ait pas une tribune où l'on puisse blâmer, censurer impunément l'autorité communale ? Que dans les communes où il y a dissentiment entre le bourgmestre et le curé, le bourgmestre qui se croit obligé d'aller tous les dimanches à la messe, ne soit pas exposé à être attaqué, lorsqu'il ne peut pas répondre ?
Est-ce là ce que vous appelez l'égalité ? Comment ! Voilà un magistrat qui, à raison des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions administratives, sera attaqué hebdomadairement en chaire par l'homme qui n'est pas compétent pour juger ces actes ! Celui qui est chargé d'administrer la commune, subira toutes les humiliations, et ne pourra pas se défendre !
Voilà ce que vous appelez la liberté communale, cette grande liberté dont vous êtes comme nous les grands défenseurs !
J'aime beaucoup la liberté ; mais je suis convaincu, quant à moi, qu'i n'y aurait pas de liberté dans les campagnes, dans certaines de nos provinces, s'il était permis au curé de la paroisse d'attaquer en chaire et chaque dimanche les administrateurs communaux, et de leur infliger, aux yeux de leurs administrés une humiliation qui les empêcherait de conserver la dignité nécessaire à l'exercice de leurs fonctions. Je veux, moi, dans l'intérêt de la liberté communale, que l'autorité communale soit respectée ; je veux que le bourgmestre, élu par ses concitoyens, soit quelque chose dans la commune comme je veux que l'instituteur soit quelque chose dans l'école.
D'après votre système il n'y aurait qu'un homme important, influent, irresponsable, ce serait le curé. Nous ne voulons pas de ce régime-là.
Mais, messieurs, bien que je trouve le projet du gouvernement irréprochable en droit comme en équité, je veux faire un pas vers la droite.
Vous vous plaignez qu'on fasse une position exceptionnelle aux ministre du culte. Supprimons cela. Laissons les ministres du culte de côté et prenons le droit commun.
Disons que toute personne qui dans un édifice public consacré au culte aura censuré les actes du gouvernement, c'est-à-dire que toute personne qui se sera mêlée de politique dans un endroit où il ne doit pas être parlé de politique, où il ne doit être parlé que de religion parce que l'édifice du culte est consacré à la religion, sera condamnée à une peine de..., qu'elle soit ministre du culte ou qu'elle ne le soit pas.
S'il est des confessions dans lesquelles on peut monter en chaire sans être ministre du culte, d'autres où l'on peut le faire avec l'autorisation (page 1382) du pasteur, on sera aussi coupable d'abuser de la protection qui est donnée par la loi, que le ministre du culte lui-même. Voici la rédaction que je propose :
« Quiconque dans des discours prononcés ou par des écrits lus publiquement dans un édifice destiné ou servant actuellement au culte, ou dans des cérémonies ou des exercices religieux, aura fait la critique ou la censure, etc. » (Le reste comme au projet.)
- L'amendement est appuyé. Il fait partie de la discussion.
M. de Haerne. - Messieurs, loin de moi la pensée d’accuser aucun des membres de cette Chambre de ne pas avoir de bonnes intentions dans les opinions qu’ils viennent soutenir ici.
C'est assez répondre à ce que l'honorable préopinant semblait nous reprocher tout à l'heure.
Il disait que nous attaquons les membres de la gauche comme s'ils n'étaient pas, aussi bien que nous, mus par de bonnes intentions lorsqu'ils viennent nous opposer des idées contraires aux nôtres.
Non, messieurs, je sais trop quelle latitude il faut donner à la raison en matière philosophique et politique, pour ne pas croire qu'on peut se tromper très sincèrement ; mais on doit, pour la même raison, reconnaître aussi en nous la sincérité lorsque nous venons défendre des opinions que nous avons toujours défendues et que nous avons eu l'honneur de proclamer dans cette enceinte en 1830, comme membre du Congrès.
Messieurs, quand j'entends le langage de l'honorable préopinant, relativement aux actes qu'a posés le Congrès et à la signification des articles de notre précieuse Constitution et quand je me rappelle, d'un autre côté, mes souvenirs de 1830, c'est à ne pas y croire ; nous sommes dans un autre monde.
Je dois le dire, j'ai la conviction profonde que si des opinions semblables à celle qui vient d'être professée avaient été proclamées au Congrès, il n'y aurait eu qu'une voix pour s'y opposer dans la majorité unioniste de cette assemblée. (Interruption.)
J'ai ma conviction et je demande qu'on la respecte comme sincère, comme je respecte également l'opinion de mes adversaires. Je déclare donc que telle est ma conviction, quant à l'esprit du Congrès national.
- M. B. Dumortier. - Cela est évident.
M. de Haerne. - L'honorable membre à qui je réponds a repris la thèse qui déjà avait été soutenue en 1859, et j'avoue que c'est seulement pour cela que j'ai pris la parole, car je me serais tu s'il n'avait pas placé le débat sur ce terrain.
J'ai répondu en 1859 à cette thèse, et je crois devoir le faire encore.
L'honorable membre dit, comme on disait alors : Si nous entrons dans une voie spéciale pour la répression des délits commis à l'occasion du culte, c'est parce qu'on a fait aux ministres des cultes une position spéciale en les défendant contre les attaques dont ils peuvent être l'objet dans l'exercice de leurs fonctions.
C'est là la thèse qu'a soutenue l'honorable M. Guillery et qu'il soutenait également il y a trois ans.
C'est principalement à cause de cette idée subtile que je crois à la grande sincérité de nos adversaires, mais ce n'est pas moins une grande erreur.
Permettez-moi d'abord de rappeler un fait que j'ai cité en 1859. Les faits dominent souvent ces débats dans lesquels on ne recourt que trop à des subtilités pour éviter les conséquences de la liberté !
Je veux parler de ce qui se passe en Angleterre.
En Angleterre, tous les ministres des divers cultes dissidents aussi bien que ceux du culte officiel, sont formellement protégés dans leurs temples, et ont le droit d'appeler les policemen, dès qu'il y a le moindre trouble.
Y a-t-il pour cela une loi spéciale contre eux, du moment qu'ils expriment une opinion contraire à la loi, au gouvernement, à une autorité quelconque ?
Nullement. J'ai cité une lettre que m'a adressée à cette époque le cardinal Wiseman, et où S. Em. déclare qu'il n'y a rien d'exceptionnel dans la législation, qu'il n'y a que le droit commun.
Voilà la loi anglaise ; voilà la véritable liberté comme on l'entend en Angleterre, comme nous l'entendions en 1830, car nous connaissions les lois anglaises et américaines sur lesquelles nous nous appuyions surtout à cette époque.
Messieurs, on a toujours l'air de dire que le ministre du culte doit être réprimé à l'instant même, s'il commet un délit en chaire. Mais d'un autre côté on reconnaît que si une position spéciale lui est faite pour le défendre contre les attaques ou contre les troubles qui pourraient avoir lieu dans le temple, c'est à cause de l'utilité publique, c'est parce que le culte est un objet d'intérêt social.
Ce n'est pas le ministre du culte qu'on protège, mais l'intérêt social. C'est l'opinion que vient d'émettre l'honorable M. Guillery.
J'admets cela, messieurs, je reconnais que c'est à ce titre que les cultes sont reconnus et respectés par la loi ; mais s'il en est ainsi, ce ministre du culte que vous respectez comme représentant un grand intérêt social, doit être protégé encore lorsqu'il commet un délit, en tant qu'il est le représentant de cet intérêt social, et quand vous venez proclamer qu'il faut qu'on puisse repousser à l'instant même, comme dans un club, l'offense commise par un prédicateur, pour qu'il y ait égalité, pour qu'on reste dans le droit commun, vous méconnaissez l'intérêt social, qui ne réside pas dans le prédicateur, mais dans l'assemblée des fidèles. C'est là cependant votre point de départ, c'est le principe sur lequel vous vous appuyez pour créer un droit de répression exceptionnel. Votre argumentation repose donc sur une fausse base.
Non, on ne peut admettre cette corrélation d'idées. Je dis que vous blessez profondément toute l'assemblée si vous voulez qu'on puisse interrompre le prédicateur, cette assemblée, qui se trouve là réunie, au nom de cet intérêt social que vous voulez défendre.
Pensez-vous donc que s'il était permis de riposter aux ministres des cultes quand ils tiennent en chaire un langage que tout le monde regrette, que les auditeurs mêmes réprouvent ou condamnent, vous n'offenseriez pas tous les assistants, et le culte même dans la personne des fidèles réunis dans le temple ? Non, car le culte est au-dessus du ministre. La répression doit donc être ajournée, et dès lors, il n'y a plus de motif de s'écarter du droit commun.
Vous voyez donc, messieurs, que l'intérêt social est opposé à cette espèce de droit du talion, qu'on invoque en principe pour en déduire, par voie de conséquence, le droit exceptionnel de répression dont il s'agit. Le principe est faux, donc la conséquence est fausse aussi. D'ailleurs l'interrupteur ne peut avoir l'autorité du prédicateur et, par conséquent, l'égalité qu'on cherche ici, est impossible. C'est ce que j'ai démontré ici en 1859.
Pourquoi, nous disait-on tout à l'heure, le Congrès, s'il partageait l'opinion de la droite, n'a-t-il pas proclamé que les ministres des cultes pouvaient censurer l'autorité, le gouvernement, le ministère, critiquer le bourgmestre et toutes les autorités ?
D'après vos idées, disait-on, s'adressant à nous, le Congrès aurait dû proclamer ce principe.
Oh ! non, messieurs, le Congrès ne pouvait pas le faire, car il serait sorti du droit commun s'il s'était exprimé ainsi. Le Congrès ne voulait pas de privilèges pour les ministres des cultes ; mais aussi il ne voulait pas de privilèges, de régime exceptionnel contre eux.
Ainsi donc les articles 295 et 296 du Code pénal créent des délits spéciaux à propos de culte, c'est ce qui est contraire à la liberté des cultes, telle que l'entendait le Congrès.
On disait tout à l'heure aussi : Mais d'autres personnes se trouvent dans des cas semblables.
Ainsi l'avocat, par exemple, est passible de peines particulières quand il commet une offense en plaidant.
Mais, messieurs, l'avocat est dans une position toute particulière ; il n'est nullement dans la position du ministre d'un culte, car l'avocat est créé par la loi, et je ne pense pas qu'on soutienne en Belgique que les ministres des cultes soient créés par la loi.
L'avocat parle à des juges qui sont ses supérieurs, ce qui n'est pas le cas pour les ministres des cultes.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La protection dont ils jouissent résulte de la loi.
M. de Haerne. - Je dis, moi, que la protection pour les ministres des cultes résulte de l'intérêt social, que la Constitution a voulu sauvegarder expressément.
Elle proclame la liberté des cultes, mais pas celle des avocats devant leurs juges.
Si vous n'aviez pas l'article 16 qui dit formellement qu'il ne peut y avoir lieu qu'à une responsabilité ordinaire, lorsqu'on publie les actes de l'autorité religieuse, comme en matière de presse et de publication, vous pourriez subtiliser, vous pourriez épiloguer. Mais voilà toujours la grande question ; voilà le grand principe, et c'est pour cela que l'honorable M. Guillery disait, pour échapper aux conséquences que nous tirons de cet article (et c'est la pensée fondamentale de son amendement ) : « Cette publicité dont vous parlez, mais c'est la publicité ordinaire par la voie de la presse ; et quand un ministre du culte parle du haut de la chaire, ce n'est pas la publicité ordinaire.»
Mais, messieurs, jamais le Congrès a-t-il pensé à cela ? Quand il a parlé des ministres des cultes, de la liberté de la parole qui leur est accordés (page 1383) et de la publication des actes de l'autorité ecclésiastique, il a évidemment entendu parler de ce qui se fait en chaire, attendu que les ministres des cultes agissent principalement en cette qualité du haut de la chaire, et que les actes, les brefs, les bulles, les mandements publiés par la voie de la presse, sont généralement destinés à être lus en chaire. Et, messieurs, puisque enfin on fait appel à nos souvenirs du Congrès, je rappellerai que nous étions alors sous l'impression d'un acte qui émanait de l'archevêque de Malines, le prince de Méan, qui, au commencement de la réunion du congrès, avait expliqué, dans cette pièce qui a été lue du haut de cette tribune, quelles étaient les demandes du clergé catholique belge.
Le prince de Méan demandait pour le clergé catholique belge le simple droit commun, c'est-à-dire toutes les libertés religieuses. Ce sont même les expressions dont il s'est servi. Il entendait donc parler de la chaire.
Ainsi, messieurs, il est bien évident qu'on s'écarte du droit commun, puisque, pour échapper à cette conséquence inévitable de l'infraction que l'on fait aux principes de la Constitution, on doit recourir à des explications telles, qu'il est impossible de les admettre, qu'on doit faire des ministres des cultes de véritables journalistes.
La Constitution distingue entre la presse et la publication, et la publication peut se faire autrement que par la presse.
Quant à l'amendement, je n'ai pas pu l'étudier suffisamment à une simple audition ; mais il me semble qu'il se borne à dire, en d'autres termes, la même chose que l'article 295. Car enfin qui est-ce qui parle dans le temple si ce n'est le ministre du culte ? C'est donc, aux expressions près, identiquement la même chose.
Messieurs, lorsqu'on s'écarte du droit commun, on s'expose à de grands dangers au point de vue des libertés générales, et c'est ce qu'on ne considère pas toujours assez. On passe assez rapidement sur la violation d'une liberté lorsque cette liberté semble toucher seulement une opinion contraire à celle que l'on professe.
Alors on ne se soucie guère de la violation de cette liberté ; mais ne remarque-t-on pas que toutes les libertés se tiennent, sont solidaires, et qu'en violant une liberté on s'expose à frapper toutes les autres ?
L'histoire abonde en exemples qui le prouvent. Tout ce qui s'est passé dans les divers pays constitutionnels qui, à la suite d'un régime de liberté, ont subi un régime plus ou moins absolu, tout cela prouve combien il est dangereux de toucher à une liberté quelconque par rapport aux libertés en général.
Ainsi, messieurs, on vous a déjà parlé de ce qui s'est passé en France à une autre époque.
Lorsqu'on y a proclamé ces principes de 1789 (principes que nous possédions au fond en Belgique, et qu'au Congrès on n'a fait que régulariser d'après nos anciennes traditions) ; lors donc qu'en France on avait proclamé les principes de 1789, on porta bientôt atteinte à ces principes, et le premier pas rétrograde que l'on fit en 1790 fut une restriction aux droits de l'Eglise, en proclamant la constitution civile du clergé et en soumettant la nomination des ministres des cultes aux suffrages des citoyens.
On s'est cru très libéral à cette époque, parce que le courant était contraire aux idées catholiques, aux idées religieuses.
Mais qu'en résulta-t-il ? Il en résulta qu'on se défendit dans la presse, dans des réunions, dans des associations, et le danger qu'on voulait éviter sous une forme se présenta sous une autre.
Ce fut ainsi, messieurs, que toutes les libertés furent immolées les unes après les autres et qu'on arriva à ce résultat que vous connaissez et dont le code porte les traces.
On pourrait croire, messieurs, que c'est là une exception, que cela ne se rencontre qu'en France. Mais je pourrais vous citer d'autres pays encore et des plus renommés pour les idées libérales et républicaines, où les mêmes choses se sont passées.
Ainsi, voyez l'Amérique. Là, vous le savez, il y avait depuis longtemps un régime spécial qu'on appelait l'esclavage. On s'en contentait parce que c'était l'intérêt de certains grands propriétaires, l'intérêt de l'agriculture, disait-on.
Mais ce régime exceptionnel conduisît à un autre ; on alla jusqu'à s'opposer à l'affranchissement des esclaves ; ceux mêmes qui possédaient des esclaves n'étaient plus libres de les affranchir. Plus tard il fallut en venir à d'autres applications de cette loi spéciale et l'on créa pour la Virginie, par exemple, un Code où il y a 71 articles qui décrètent la peine de mort contre les esclaves tandis qu'on n'est passible que d'une simple amende quand on est homme libre.
Voilà, messieurs, où mènent les lois exceptionnelles. A la suite de cela comme des écrivains défendaient les esclaves et le droit d'affranchissement, il fallut comprimer la liberté de la presse ; elle fut donc étouffée en tout ce qui touche à la question de l'esclavage.
Ce n'est pas tout, on défendit à ceux qui voulaient affranchir leurs propres esclaves de s'entendre ; les associations, les réunions, tout fut comprimé ; comme on voulait transporter les esclaves au Canada, la liberté individuelle fut supprimée, L’habeas corpus fut suspendu ; et remarquez que toutes ces libertés étaient inscrites dans les Constitutions des Etats.
Vous direz qu'il ne s'agit que des Etats du Sud, de ces républiques bâtardes, corrompues par l'odieuse institution de l'esclavage ; mais ces idées se sont propagées plus loin ; il y a là des droits spéciaux, des droits exceptionnels contre les affranchis, même dans la plupart des Etats du Nord, car les hommes de couleur libres n'ont pas dans ces Etats les mêmes droits que les autres citoyens.
Je vous citerai un Etat, le New-Hampshire, où l'on est allé plus loin encore, en appliquant les lois exceptionnelles aux catholiques, qu'on a déclarés incapables d'occuper les emplois publics.
Je dis donc que les libertés se tiennent ; quand on en viole une, on s'expose à devoir les attaquer toutes. Permettez-moi de rappeler un exemple qui nous touche de beaucoup plus près, c'est ce qui s'est passé sous le régime hollandais.
L'honorable M. de Theux vous a dit, dans le discours remarquable, qu'il a prononcé à la séance d'hier, qu'on a commencé les infractions au droit commun par la condamnation de l'évêque de Gand, approuvée et applaudie par les libéraux de l'époque. Mais qu'arriva-t-il après ? On posa d'autres actes arbitraires en dehors du droit commun. Les Wallons furent frappés dans leur langue, les officiers belges furent supplantés par des hollandais, des exceptions de toute espèce furent établies ; pour la magistrature, elle ne fut plus inamovible en Belgique, et ainsi de suite, car on ne s'arrête pas dans cette voie. On sacrifia ainsi tous les droits constitutionnels et de violation en violation, on arriva au message du 11 décembre, qui fut le dernier coup porté aux libertés publiques. Le gouvernement frappa surtout la liberté de la presse, dont on se servait, comme d'une arme, pour reconquérir les autres libertés et dont on se servira encore, au besoin, dans le même but, ce qui l'exposera, comme toujours, à des mesures restrictives. Voilà comment tous les droits constitutionnels s'enchaînent, comment après avoir violé le droit en une matière, ou s'expose à le voir violer dans toutes les autres.
C'est un abîme vers lequel on court ; si on viole la constitution dans un point, on la déchire tout entière. Par conséquent, comme je ne veux pas contribuer à ébranler notre édifice constitutionnel en portant atteinte à une de ses parties, je dois me rallier à l'opinion émise par plusieurs honorables membres, par MM. les comtes de Muelenaere et de Theux, de voter contre les articles dont il s'agit et, s'ils ne sont pas modifiés, contre le Code pénal révisé.
M. le président. - M. Guillery a modifié son amendement en ce sens que les mots « consacrés habituellement au culte », seraient remplacés par ceux-ci : « actuellement consacrés au culte. »
.M. Dechamps. - J'ai à remercier l'honorable M. Guillery d'avoir rompu le silence dans lequel paraissaient vouloir se renfermer le ministère et la majorité qui le soutient.
Quand il s'agit de libertés constitutionnelles que nous croyons menacées, le silence du ministère en présence de nos protestations eût paru ou un dédain, ou une impuissance ; c'eût été, du reste, la condamnation de l'article en discussion qu'on a le courage de voter, mais qu'on n'a pas le courage de défendre.
La meilleure manière de répondre à nos adversaires, c'est de leur relire sans cesse les articles 14 et 16 de la Constitution, dont le sens si formel et si clair défie tous les sophismes habiles et toute la casuistique juridique à l'aide desquels on tâche de l'obscurcir. On n'ose pas regarder en face ces articles positifs ; on passe à côté, comme sur des charbons ardents ; on s'arme de distinctions subtiles, de rétroactes puisés dans l'arsenal d'une jurisprudence surannée, appartenant à une époque où la liberté dont nous jouissons était bannie ; on rappelle quelques rares arrêts prononcés depuis trente ans et qui prouvent, par leur nombre restreint, qu'il n'y a pas de jurisprudence fixée et que le doute et l'hésitation ont régné sur la question de savoir si l'ancien article 201 du Code pénal avait été abrogé par la Constitution. Mais la question pour nous est tout autre que pour les tribunaux ; nous avons, non pas à interpréter une loi, mais à en faire une, et nous devons nous inspirer uniquement de l'esprit qui a présidé à la réduction des articles 14,16 et 98 de la Constitution.
Relisons ces articles et demandons s'ils laissent place à l'incertitude et au doute.
L'article 14 garantit la liberté des cultes, leur libre exercice et la libre manifestation des opinions en toute matière. Personne n'est excepté du bénéfice de cette liberté, et le clergé moins que personne, puisqu'il s'agit du libre exercice du culte dont il est le ministre.
(page 1384) La Constitution ajoute : « Sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de cette liberté. »
Qu'est-ce à dire ? cette répression des abus peut-elle aller jusqu'à la suppression même de la liberté ? Est-il possible de prétendre que l'on peut transformer en délit spécial l'usage même de la liberté que cet article constitutionnel consacre ? La Constitution place sur la même ligne et sous la sauvegarde du même article, la libre manifestation des croyances religieuses et la libre manifestation des opinions, de manière à ne pas permettre qu'on restreigne ou que l'on frappe l'une, sans que l'autre soit atteinte en même temps.
Le libre exercice du culte, la libre manifestation de l'enseignement religieux dans la chaire, comme la libre manifestation des opinions en toute matière, ne peut être limitée, entravée, et il faut que le ministre des cultes ait commis un délit de droit commun pour que la répression puisse l'atteindre. Cela est clair.
L'article 16 l'est plus encore, et ici c'est à l'évidence même que nos adversaires s'attaquent. Il est interdit à l'Etat de s'ingérer dans la nomination et l'installation des ministres des cultes, de les empêcher de correspondre avec leurs supérieurs et de publier leurs actes, sauf à encourir la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication.
Comment le Congrès aurait-il pu permettre en termes plus clairs aux ministres des cultes de publier les actes de leurs supérieurs sans encourir d'autre responsabilité que la responsabilité ordinaire en matière de presse ? Quels sont ces actes ? Ce sont les lettres pastorales et les mandements ? Quel est le seul mode de publication possible ? C'est de les lire au prône ou en chaire.
Comment peut-on concevoir, en présence de cet article si formel, que l’on puisse, par l'article du Code que nous discutons, interdire aux pasteurs de lire les mandements que les évêques leur ordonnent de publier ? Comment ces mandements, qui peuvent être publiés par la presse, ne peuvent-ils pas l'être en chaire ? Comment le curé, qui obéit à son supérieur en les lisant, peut-il être coupable d'un délit en matière de presse, quand l'auteur signe le mandement incriminé ? Comment peut-on faire peser sur le ministre du culte une autre responsabilité que la responsabilité ordinaire en matière de publication, soustraire au jury un délit politique et créer pour le prêtre, non seulement un délit spécial, mais une juridiction spéciale ? En un mot, comment peut-on faire dire à l'article 16 de la Constitution précisément le contraire de ce qui y est écrit ?
Vous violez donc deux fois l'article 16 ; une fois, en frappant la publication des actes des supérieurs ecclésiastiques, et une seconde fois en les soumettant à une juridiction exceptionnelle.
M. Guillery. - On ne parle pas ici du tribunal correctionnel.
.M. Dechamps. - Messieurs, je ne puis pas comprendre comment il soit possible d'entourer d'obscurité des articles aussi clairement exprimés.
Quel est l'argument qu'on nous oppose ? Comment est-on parvenu à jeter quelques doutes dans les esprits ? J'ai relu la discussion de 1859, et je viens encore d'écouter l'honorable M. Guillery. On n'invoque qu'un seul argument, toujours le même, et sur lequel est appuyée toute la thèse de nos adversaires.
Vous oubliez, nous dit-on, que par le chapitre III du Code pénal, par les articles 148 et suivants de ce Code, on accorde aux ministres des cultes une protection spéciale. En échange de cette protection spéciale qu'on leur accorde, et dans le but de maintenir dans les temples, dans les cérémonies religieuses, l'ordre qui doit y régner, nous imposons aux ministres des cultes des devoirs spéciaux, nous entourons la liberté de la chaire de certaines restrictions spéciales. Il n'est pas citoyen dans sa chaire. Puisqu'il est protégé d'une manière spéciale, nous le frappons de délits spéciaux.
Voilà l'argument, le seul sur lequel on s'appuie.
Eh bien, cet argument ne résiste pas à un examen sérieux.
D'abord, on l'a dit déjà, ce n'est pas le prêtre ici qui jouit d'une protection spéciale. C'est le culte.
L'article 14 de la Constitution déclare que le libre exercice des cultes est garanti. Il fallait donc une sanction à ce principe constitutionnel dans votre Code.
Les articles du chapitre III assurent le libre exercice d'un droit politique, exercice de la liberté religieuse dans le temple, comme le Code assure le libre exercice de tous les autres droits politiques ; il n'y a là ni exception, ni privilège.
Messieurs, lorsque le prêtre commet un délit dans la force réelle du mot, lorsqu'il blesse l'intérêt d'autrui ou l'intérêt de la société, mais il est frappé par le Code, indépendamment de l'article 295 que nous discutons.
Si le prêtre, comme l'honorable M. Guillery vient encore de le supposer, adresse, du haut de la chaire, des injures, des outrages à une personne, à une autorité constituée, à un agent de l'autorité à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ; s'il offense le Roi, les pouvoirs publics et constitutionnels, s'il attaque la force obligatoire des lois, il tombe sous l'empire du Code. Vous n'avez pas besoin de l'article 295 pour le frapper. Il est frappé par d'autres dispositions du Code.
D'après les articles 521, 523 et 524, on l'oublie toujours : Toute parole prononcée en public, tout geste, toute expression quelconque, portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'un citoyen ou d'une autorité constituée est punissable, comme l'injure, par le tribunal correctionnel, et il y a aggravation de peines, lorsque l'injure est proférée contre une autorité constituée.
Voilà le délit ; que voulez-vous de plus ?
Lorsqu'un ministre des cultes, dans sa chaire, adressera des paroles blessantes ou injurieuses, portera atteinte à la considération, soit du bourgmestre, soit d'une personne quelconque, il tombe sous l'application des articles 521, 523 et 524 de votre Code pénal. Vous n'êtes donc pas désarmé contre les abus dont vous parlez ; vous êtes armé de pénalités formelles et vous n'avez nul besoin des pénalités spéciales de l'article 295 pour vous défendre contre les abus possibles.
Je dis donc que lorsque le prêtre commet un délit réel, le droit commun suffit pour le punir.
Mais, a-t-on dit, et on vient de le répéter, il faut que le prêtre reste dans sa mission, il faut empêcher qu'il ne sorte de sa mission religieuse et ne fasse invasion dans le domaine politique.
Je réponds d'abord : Cela ne nous regarde pas. Le prêtre, quand il s'agit de savoir s'il est dans sa mission ou s'il en sort, relève d'abord de ses supérieurs, relève de la Constitution et de l'opinion publique, mais évidemment ce n'est pas à la loi à déterminer les limites de la sphère religieuse, quand la Constitution n'a pas voulu le faire et a interdit à la loi et au magistrat toute intervention dans le domaine des cultes.
Mais en 1859, on a été plus loin, on a fait une concession. Mes honorables amis, MM. de Decker et Malou, voulant que vous missiez au moins dans la loi ce que vous disiez dans vos discours, vous ont demandé de définir clairement le délit spécial que vous vouliez frapper, de ne pas rester dans le vague et l'arbitraire de l'article tel qu'il est rédigé.
Vous voulez, vous ont-ils dit, que le prêtre reste dans sa mission, ne puisse faire de la politique en chaire ; soit, mais écrivez cela clairement dans la loi ; dites que le ministre du culte qui aura, d'une manière méchante, attaqué des actes de l'autorité publique étrangers à la religion et à la morale, tombe sous l'application de l'article 295.
Voilà, messieurs, une concession très large. Eh bien, vous l'avez repoussée.
Vous voulez donc autre chose que punir un délit réel ; vous voulez autre chose que d'empêcher le prêtre de sortir du domaine religieux.
Vous voulez qu'il ne puisse, sous un prétexte quelconque, censurer le gouvernement d'une manière générale, critiquer, censurer aucune loi, aucun arrêté royal, aucun acte de l'autorité publique, quand même cette loi, cet arrêté, cet acte de l'autorité publique blesserait profondément les intérêts religieux, dont les ministres des cultes ont la garde. Et prenez garde que l'on ne pense et que l'on ne dise que vous voulez assurer l'impunité et l'inviolabilité à votre politique ; que vous vous réservez, dans l'ordre de l'enseignement, dans l'ordre de la bienfaisance publique et du temporel du culte, de poursuivre la réforme de la Constitution à l'aide de lois organiques, de restreindre la liberté religieuse que vous craignez, et en même temps d'empêcher les résistances que vous pourriez rencontrer, comme le gouvernement des Pays-Bas les a rencontrées, dans l'énergie du clergé, d'empêcher ces résistances en fermant la bouche au prêtre et en bâillonnant la chaire par votre article 295 du Code pénal.
Ainsi, messieurs, il n'est pas vrai de dire qu'il y a privilège pour le prêtre. Il y a garantie pour l'exercice d'un droit politique, le culte, comme il y a garantie pour l'exercice de tous les droits politiques..
Mais je vais plus loin ; je dis que les articles 148 et suivants ne constituent pas même une protection spéciale pour le culte lui-même.
Ainsi, il y a la tribune religieuse, la chaire ; il y a la tribune administrative, la tribune communale, les séances publiques des conseils communaux ; il y a la tribune administrative provinciale, les séances publiques des conseils provinciaux ; il y a la tribune judiciaire, le barreau ; la tribune politique, les Chambres. Toutes ces tribunes sont libres, et de cette liberté vous voulez excepter la chaire.
Voyons si les arguments que vous dirigez contre la liberté de la chaire (page 1385) ne s'appliquent pas à toutes les autres tribunes administratives et politiques.
- Plusieurs membres. - Non.
.M. Dechamps. - Ainsi, dans un conseil communal, le bourgmestre, un membre du conseil communal, faisant une excursion dans le domaine religieux, attaque, je suppose, le ministre du culte de la localité qui est présent dans l'auditoire public. Peut-il répondre ? Peut-il interrompre ?
Mais, messieurs, s'il le faisait, il serait expulsé, et non seulement il serait expulsé, mais il tomberait sous l'application de l'article 72 de la loi communale, c'est-à-dire qu'il serait puni d'une amende et d'un emprisonnement.
Ainsi, les magistrats communaux, dans leur tribune administrative, sont protégés d'une manière spéciale, comme les ministres des cultes, précisément de la même manière et dans le même intérêt d'ordre public.
Le conseil communal dont un acte aurait été critiqué en chaire par le ministre du culte, au point de vue religieux, peut répondre à cette attaque en séance publique du conseil communal, et le curé présent à cette séance ne peut pas plus interrompre le magistrat communal, que ce magistrat présent à l'église ne peut interrompre le prêtre en chaire ; voilà comment la liberté et l'égalité sont respectées.
La même protection spéciale garantit la liberté de la tribune provinciale et de la tribune judiciaire.
Pour les Chambres, mon honorable ami, le comte de Theux, vous l'a rappelé hier, cette protection va jusqu'à l'inviolabilité. Nous pouvons faire de la religion et de la théologie à la tribune et on n'en a fait que trop souvent ; nous pouvons traduire à notre barre des noms propres et l'on a souvent abusé de ce droit. Une personne attaquée nominativement à cette tribune et qui se trouve dans l'auditoire public, peut-elle interrompre l'orateur et lui répondre ?
Un autre orateur pourra prendre sa défense, me répondra-t-on ; mais les faits dont cette personne est accusée peuvent n'être pas connus, et pourquoi doit-elle se résigner à charger un autre qu'elle d'une défense que seul elle pourrait présenter ? Non seulement nous, membres des Chambres, nous avons la liberté de tout attaquer, sans que les intérêts lésés aient la réplique, mais nous pouvons pousser l'abus jusqu'au délit, sans pouvoir être poursuivis ; nous sommes inviolables.
La presse, qui est la tribune la plus retentissante du haut de laquelle on parle tous les jours à un auditoire de 10,000 ou 20,000 lecteurs, n'a-t-elle pas le droit de refuser l'insertion d'une réponse dans le journal même qui a dirigé l'attaque contre une catégorie de citoyens, lorsque l'attaque ne s'adresse pas à une personne nominativement désignée ?
Vous le voyez donc, messieurs, cette protection que vous appelez spéciale ne couvre pas seulement la tribune religieuse, la chaire, mais elle couvre toutes les tribunes politiques, celle de la commune et de la province, celle du barreau, le parlement et la presse. Il n'y a donc de privilège ni pour le prêtre ni même pour le culte.
Seriez-vous en droit de dire aux magistrats de la commune et de la province, aux membres du barreau, aux membres des Chambres et aux journaux : Le Code vous accorde une protection spéciale et privilégiée ; en compensation et comme contre-poids, nous devons vous enlever une part de la liberté commune ?
Pourquoi cet argument et cette prétention qui seraient absurdes et odieux à l'égard de toutes les tribunes politiques et de ceux qui y parlent, sont-ils légitimes à l'égard de la chaire et du prêtre ?
Pourquoi ne dites-vous pas à tous ce que vous dites aux ministres des cultes :
Vous devez acheter la protection spéciale que la loi vous donne, par le sacrifice d'une portion de votre liberté constitutionnelle ?
Mais ne serait-ce pas trafiquer de la liberté et faire de l'immoralité politique au premier chef ?
Je dis donc, messieurs, que vous ne pouvez pas, en vertu de l'article 14 de la Constitution et de l'article 16, vous ne pouvez pas transformer en délit spécial l'usage même d'une liberté constitutionnelle.
J'ajoute que si vous pouviez décréter un délit spécial dans votre Code, il faudrait tout au moins le définir clairement, en écrivant dans la loi ce que vous dites dans vos discours, que la peine ne frappera que le ministre des cultes dirigeant des attaques méchantes contre des actes sortant expressément du domaine religieux.
Mais que veut dire cette expression d'un vague effrayant : « critiquer le gouvernement » ? Ne voyez-vous pas, comme vient de le faire remarquer mon ami, M. le comte de Muelenaere, qu'à l'aide d'un pareil délit aussi vaguement défini, vous ouvrez la porte au plus redoutable arbitraire ?
Voyez donc jusqu'où peut vous mener, ce système. On dit : Il faut que le prêtre se renferme dans sa mission religieuse, il faut qu'en chaire, il ne se jette pas dans la politique.
En général, je suis parfaitement de votre avis. C'est là son devoir religieux, auquel ses supérieurs ne manqueraient pas de le rappeler, s'il s'en écartait.
Le prêtre qui parlerait politique en chaire, sans que l'intérêt religieux l'y forçât, qui attaquerait ainsi l'autorité, les pouvoirs et les lois, serait condamné par son auditoire et par l'opinion ; mais la question n'est pas là ; je vous demande comment vous apprécierez si un ministre du culte est resté dans sa mission religieuse, ou bien s'il en est sorti. Où finit la sphère religieuse, où commence le domaine politique ? Voilà la difficulté et voilà la question.
Je dis qu'avec votre article vague, il pourra arriver qu'un ministre du culte qui aura rempli un devoir en défendant un intérêt religieux dont la défense lui est confiée, et que d'autres appelleront arbitrairement un intérêt politique, il arrivera qu'en remplissant ce devoir, il tombera sous l'application de l'article 295 et sera condamné à l'amende et à la prison.
Je vais citer quelques exemples qui démontreront combien cet article peut prêter à l'arbitraire et donner des armes dangereuses à un gouvernement engagé, je le suppose, dans une voie mauvaise et illibérale.
Prétendrez-vous qu'il ne faut pas supposer qu'un gouvernement, en Belgique, sorte des voies constitutionnelles et modérées ?
Déjà, messieurs, dans nos longues luttes politiques nous avons prétendu, c'est notre conviction, qu'on a entouré certaines libertés religieuses de restrictions que la Constitution n'autorisait pas ; mais enfin vous ne pouvez pas nier qu'il soit possible, au milieu de circonstances faciles à définir et à prévoir, qu'un gouvernement oublie le respect dû à la Constitution et porte une atteinte sérieuse aux droits qu'elle proclame, au point de vue de la liberté de l'Eglise.
Prétendrez-vous que dans ce cas, que dans des circonstances comme celles qui ont marqué la politique du royaume des Pays-Bas, le prêtre doive rester muet dans sa chaire et qu'il ne puisse et ne doive défendre la liberté de l'Eglise dont il est le ministre, contre de véritables usurpations ? Etait-il coupable, la veille de 1830, lorsqu'il encourageait le pétitionnement légal et la résistance légitime ? Vous ne l'avez pas cru et vous l'avez applaudi, et cependant aujourd'hui votre code le frapperait comme coupable si, dans des circonstances analogues, il accomplissait le même devoir.
Messieurs, je prends quelques exemples pour mieux me faire comprendre. Je suppose que les événements extérieurs dont nous sommes témoins et qui se déroulent devant l'Europe depuis la guerre d'Italie, aboutissent à la suppression momentanée de la souveraineté temporelle du pontificat catholique ; que ces événements fassent prendre à Pie XI le chemin de l'exil que plusieurs de ses prédécesseurs ont connu, le chemin de Savone ou de Fontainebleau.
Vous comprenez, le lendemain d'un pareil événement, quelle sera l'émotion profonde qui agitera le monde politique et le monde religieux ; vous comprendrez combien vivement le clergé de tous les pays ressentira cette émotion douloureuse et combien il se sentira pressé de parler aux fidèles de la situation de leur père commun ; ce sera évidemment son premier et son filial devoir.
Eh bien, je suppose que dans la chaire de notre cathédrale, un prêtre, s'élevant à des considérations d'un ordre supérieur, parle de cette situation de l'Eglise, de cet exil de la papauté, déplore cette crise fatale, l'une des plus dangereuses que l'Eglise aura traversées depuis le seizième siècle, déplore l'aveuglement des gouvernements qui n'ont su rien prévoir, rien empêcher, qui ont tout encouragé et qui se sont faits complices de cet attentat au droit public de l'Europe, complices de ces usurpations, en les encourageant, en y adhérant d'avance, par la reconnaissance anticipée du royaume d'Italie qui veut Rome comme sa capitale. (Interruption.)
Vous vous récriez, vous ne partagez pas cette appréciation, je le veux bien, mais n'est-il pas vrai que cette appréciation soit légitime dans la bouche d'un prêtre catholique ? Or, ce blâme sérieux et sans outrage qu'il adresserait aux gouvernements qui ont reconnu le royaume d'Italie et ainsi encouragé, à ses yeux, les événements qu'il déplore, ce blâme le placerait sous le coup de votre article 295 ?
- Une voix. - Il aurait eu tort.
.M. Dechamps. - Je n'en sais rien ; mais oseriez-vous dire qu'un prêtre qui parlerait ainsi de la situation de l'Eglise, qui se permettrait une expression sévère et indignée à l'égard d'un gouvernement qu'il regarderait comme le complice de cet acte fatal ; oseriez-vous dire que ce (page 1386) prêtre serait coupable, qu'il aurait manqué à ses devoirs, qu'il serait sorti de son domaine religieux ?
- Des voix. - Oui ! oui !
.M. Dechamps. - Mais cela n'est pas sérieux ; votre conscience vous dit que ce prêtre serait resté dans sa mission religieuse, en parlant de la papauté et de l'Eglise, en appréciant, d'un point de vue élevé, les causes de la situation qui leur est faite.
Interdire ce langage en chaire, mais c'est interdire la liberté de la parole humaine, c'est reculer d'un siècle en arrière, et donner à votre Code le caractère du plus dur despotisme qui fut jamais.
Messieurs, je prends un second exemple. Il y a dans cette enceinte des partisans de la réforme de la loi de l'enseignement primaire, et l'honorable M. Guillery vient de déclarer qu'il est de ce nombre ; il y a des adversaires du principe de cette loi.
Je suppose qu'il arrive un moment où l'on trouvera une majorité parlementaire qui partage cette conviction et que la réforme soit adoptée.
La Chambre décide que le prêtre ne sera plus admis à titre d'autorité dans l'école, pour me servir de cette formule mystérieuse et incomprise ; On interdit dans l'école tout enseignement dogmatique spécial, et cet enseignement dogmatique est relégué dans l'église ; l'enseignement officiel est complètement laïque et sécularisé.
Bien ; mais il est à prévoir qu'à la suite de cette réforme, il y aura refus de concours de la part du clergé ; l'ancien antagonisme se réveille ; l'enseignement dogmatique étant exclu de l'école officielle, le prêtre n'a plus aucune mission à y remplir.
A côté de chaque école officielle, une école libre est érigée et placée sous l'influence religieuse.
Eh bien, un prêtre monte en chaire et appréciant cette situation, il répète textuellement en chaire les paroles célèbres et connues, prononcées par M. Guizot, par M. Cousin, par sir Robert Peel et tant d'autres hommes d'Etat de l'Europe ; il dit, en parlant des nouvelles écoles officielles et sécularisées, que l'enseignement qui s'y donne est un danger, selon le mot de M. Guizot ; que le devoir du clergé est d'avertir les familles et de combattre un pareil enseignement, selon le mot de M. Cousin ; que l'éducation populaire qui n'a pas la religion pour base, est funeste, selon les paroles de sir Robert Peel.
Ce prêtre signale l'école officielle comme étant dans ces conditions mauvaises, il fait l'éloge de la loi de 1842 due à une intelligente et sage transaction et ayant produit d'admirables résultats ; il déplore la réforme, la loi nouvelle, l'antagonisme qu'elle suscite et les résultats qu'elle doit produire ; il conseille aux familles d'envoyer leurs enfants à l'école libre où l'enseignement religieux est placé sous sa direction et où, sous sa surveillance, les enfants pourront être préparés à la première communion.
Messieurs, je vous le demande : en témoignant ces regrets, en critiquant cette réforme, en blâmant le principe de cette loi, en déplorant les effets qui doivent en résulter pour la religion et la civilisation, le prêtre sort-il de sa mission religieuse ? N'y reste-t-il pas au contraire renfermé ? Ne remplit-il pas un devoir sacré et impérieux ? Et cependant l'article 295 du Code le frappera et il pourra expier en prison l'accomplissement de ce devoir !
Messieurs, en 1859, M. Malou a cité un autre exemple du même genre ; il nous a dit que dans la commune d'Ensival, si je ne me trompe, il y avait un homme charitable qui avait voulu y établir un hospice pour les vieillards, mais qu'en présence de la loi sur la bienfaisance publique qui froissait ses intentions religieuses, il avait renoncé à ce projet.
Eh bien, je suppose que le curé de cette paroisse, ému par les plaintes de ses paroissiens qui murmuraient de ne pas voir la commune dotée de cet hospice, leur ait dit en chaire : « Ce n'est ni moi, ni cet homme bienfaisant qui sommes les coupables ; le coupable, c'est la loi qui empêche en Belgique une fondation qui pourrait être établie partout ailleurs, en Hollande comme en Allemagne et même comme en France qui n'est pas précisément un pays de liberté. »
Je suppose que ce prêtre qualifie cette loi sur la bienfaisance dans les termes mêmes employés par MM. Guizot, Saint-Marc Girardin, de Melun et de Montalembert, aura-t-il commis un délit ? N'aura-t-il pas fait un usage légitime d'une liberté constitutionnelle ? J'interroge votre conscience libérale, et votre réponse ne peut être douteuse.
Demain on proposera la réforme de la législation sur les fabriques d'église. Comme on nous l'a appris précédemment, cette réforme consistera à donner dans le conseil de fabrique la prépondérance à l'autorité civile, à la commune, par exemple.
Voilà dont : le conseil communal placé but le terrain de conflits journaliers avec le ministre du culte.
Je suppose que le conseil communal soit composé de lecteurs du Siècle et d'autres journaux attaquant habituellement la religion, le clergé et les évêques, composé d'esprits forts qui croient que le libéralisme consiste à faire la guerre au curé du village.
Ces conseillers communaux, membres de la fabrique, et qui auront la main haute dans la sacristie, trouvent que la splendeur dans le culte est contraire à l'esprit évangélique, qu'il faut retourner aux traditions de l'église des catacombes, que les murailles nues valent mieux que les murailles ornées de statues, de tableaux ou d'images ; qu'une robe de serge sied mieux à la statue de la sainte Vierge qu'une robe de soie, que l'autel illuminé de cierges est un luxe inutile et sur lequel des économies peuvent être opérées. Le curé, en butte à ces tracasseries, se plaint, du haut de la chaire, de cette violation de la liberté du culte, il dit aux fidèles assemblés dans l'église : Ne m'accusez pas de l'absence de splendeur et même de convenance dans les cérémonies du culte ; ces ornements, cette splendeur modeste, c'était votre spectacle, c'était votre joie le dimanche ; vous aimiez à voir l'autel illuminé, votre église ornée, cela élevait vers le ciel vos sentiments et vos cœurs ; on a supprimé tout cela, mais ne vous en prenez pas à mon défaut de zèle et à ma négligence, prenez-vous-en au conseil de fabrique où je suis en minorité et où ma voix n'est plus écoutée.
En faisant cette critique, en termes mesurés, des actes posés par cette autorité légale, le prêtre a-t-il fait de la politique, est-il sorti de la sphère religieuse, a-t-il commis un délit ? Votre Code répond oui, la raison et le bon sens répondent non.
Vous le voyez, messieurs, votre Code frappera le ministre du culte qui en critiquant certains actes de l'autorité, n'aura fait que défendre, en termes modérés, les intérêts religieux dont il a la garde, n'aura fait que remplir un devoir que sa conscience lui impose ; il frappera le prêtre qui, obéissant à ses supérieurs, lira en chaire une lettre pastorale de son évêque, lettre pastorale qui pourra être impunément publiée par la voie de la presse.
Votre article du Code est inutile, si vous ne voulez que punir un délit commis par le ministre du culte dans l'exercice de ses fonctions ; il est injuste et oppressif, il viole la liberté religieuse et constitutionnelle, si vous voulez aller au-delà et commander au prêtre un silence que le devoir lui impose quelquefois l'obligation de rompre, quand il s'agit d'intérêts religieux à défendre et de liberté religieuse à maintenir.
Messieurs, j'ai été long. (Non, non.) Je finis. Je me réjouis de deux choses dans cette discussion, la première, c'est de voir les libertés politiques, les libertés constitutionnelles si chaudement défendues ; défendues avec une persévérance, avec une vivacité si jalouse et je dirai avec une passion si légitime.
Cela prouve que la vie politique coule abondamment en Belgique, que l'esprit politique est profondément entré dans les mœurs du pays.
La seconde chose dont je me réjouis, c'est qu'aujourd'hui encore, comme toujours, la bonne fortune de combattre les restrictions apportées à la Constitution, le lot de la défense des libertés religieuses est échu à l'opinion conservatrice.
Je regrette de ne pas voir l'honorable M. Orts à son banc, j'aurais à lui demander pardon de reproduire pour la sixième fois, comme il me l'a déjà reproché, une pensée sur laquelle je me suis promis de revenir chaque fois que j'aurai l'occasion de le faire.
Je dis qu'aujourd'hui, comme dans nos luttes sur l'enseignement, sur la bienfaisance publique, comme demain dans les luttes qui s'ouvriront sur le temporel du culte, vous n'êtes pas dans le camp de la liberté, mais dans celui des restrictions apportées à l'usage constitutionnel de cette liberté.
Vous croyez avoir de bonnes raisons pour adopter ces restrictions, vous voulez combattre des abus, comme l'ont voulu, avant vous, tous ceux qui ont entravé ou aboli la liberté politique, dans d'autres pays ; bien ! Je suppose que ce soit sagesse et prudence, mais pour la dixième fois, je vous demande : Est-ce la liberté que vous défendez ? Non ; en matière d'enseignement, de charité, de culte, au point de vue de la liberté de la chaire, vous défendez manifestement les restrictions, les limites, les entraves, les droits de l'Etat, la centralisation, le pouvoir, jamais la liberté.
Il faudra bien pourtant qu'un jour, en face de ce fait éclatant, les préjugés tombent et que l'opinion, frappée de voir les catholiques toujours sur la brèche pour soutenir la liberté constitutionnelle contre des adversaires qui s'appellent libéraux, finisse par découvrir la vérité sous les noms qui l'obscurcissent et la cachent et restitue à chacun son rôle politique.
L'honorable M. Guillery disait tout à l'heure, que nous ne défendons la liberté que lorsque c'est au profit du clergé.
Je proteste contre cette erreur.
(page 1387) Que l'honorable membre veuille nous dire quel jour, par quel acte, par quelle parole autorisée, nous avons abandonné, combattu la liberté de la presse, la liberté de conscience, la libre manifestation des opinions politiques, la liberté des associations politiques. Si ce jour, cette parole, cet acte on ne l'indique pas, comment nous accusez-vous de ne pas aimer le progrès et la liberté moderne ?
Comment vous, qui vous décorez du nom de libéralisme, n'êtes-vous pas à côté de nous quand nous plaidons la cause de la liberté et de la Constitution ?
J'espère que notre persistance à défendre notre régime libéral fera naître tôt ou tard une école de libéralisme, jeune, sincère, celle de 1830, n'ayant pas peur de la liberté religieuse, digne du beau nom qu'elle porte, qui saura pratiquer la liberté avec autant d'éclat qu'elle la professe.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Des libéraux indépendants.
.M. Dechamps. - Cette opinion pourra se joindre à nous pour combattre dans le domaine religieux comme dans le domaine intellectuel ce que j'appelle le protectionnisme de l'Etat, protectionnisme religieux et intellectuel incompatible avec la liberté vraie, telle que la voulait le Congrès national ; et pour moi je promets de combattre avec vous le protectionnisme exagéré de l'Etat dans l'ordre des intérêts matériels.
Je fais des vœux pour que nous nous rencontrions un jour sur ce terrain commun du véritable libéralisme.
Nous relèverons ensemble notre bonne et vieille devise : liberté en tout et la liberté pour tous. Croyez-moi, ce jour-là nous aurons opposé la plus forte et la meilleure barrière contre les entreprises possibles qui pourraient être dirigées dans l'avenir contre notre indépendance et notre nationalité. (Interruption.)
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je suis désolé de troubler l'honorable M. Dechamps dans ses illusions, mais je ne puis pas lui passer, quelque bonne volonté que je veuille y mettre, la singulière prétention qu'il est, en cette occasion, le défenseur de la liberté, le défenseur du droit commun..
L'honorable M. Dechamps, sans le savoir peut-être, est ici le défenseur du privilège le plus exorbitant que j'aie jamais entendu réclamer.
Je vais vous le démontrer. Vous parlez de droit commun, vous soutenez que nous mettons le prêtre hors du droit commun. Mais dites-moi, je vous prie, de quel droit commun il s'agit ? S'agit-il du droit commun des citoyens, en tant que citoyens ?
Si c'est de ces droits que vous parlez, quelle est l'atteinte que nous portons aux droits du prêtre ?
Le prêtre conserve-t-il le droit de parler ? Le prêtre conserve-t-il le droit de publier ? Conserve-t-il le droit d'user de toutes les libertés garanties par la Constitution ?
Personne certainement ne le contestera ; nous laissons donc au prêtre, comme citoyen, tous les droits qui appartiennent à tous les citoyens.
Mais il s'agit ici d'une matière spéciale ; il s'agit ici de mesures à prendre pour garantir la liberté des cultes ; il s'agit, en d'autres termes, d'édicter des dispositions qui garantissent la police de l'église.
Eh bien, sous quel rapport mettons-nous le prêtre en dehors du droit commun, et quel est le droit commun dans l'église ?
Est-ce que le droit commun dans l'église est de faire de la politique ou de l'administration ? S'il en était ainsi, évidemment en défendant au prêtre de faire de la politique dans l'église, nous le mettrions hors du droit commun.
Mais si personne n'a le droit d'y faire de la politique, il est évident que nous ne le défendons pas plus au prêtre qu'aux autres citoyens en édictant des peines contre ceux qui dans l'église auraient fait la critique ou la censure d'actes de l'autorité.
Est-ce le droit commun des meetings que vous revendiquez ? Si c'est là ce que vous voulez, nous rayerons les articles 149 et 150 du Code pénal.
Ce sera un autre système.
Dans les meetings on n'impose à l'orateur aucune restriction ; pourquoi ? Parce qu'on n'impose aucune obligation à l'auditeur.
L'orateur est parfaitement libre, l'auditeur l'est aussi. Il y a dans cette liberté réciproque toute espèce de garantie contre les écarts de l'orateur.
Si vous voulez le droit commun des meetings, il faut l'accepter dans son entier ; il faut admettre aussi, pour les fidèles à l'église, la liberté qu'ont les auditeurs dans les meetings.
Or, ce n'est pas cela que vous voulez ; vous ne voulez ni du droit commun des meetings, ni du droit commun des églises.
C'est au contraire le privilège que vous cherchez. Vous voulez avoir, dans les églises pour vous la position de l'orateur dans les meetings, et vous voulez avoir pour l'auditeur les obligations qui sont imposées aux fidèles dans les églises.
Voilà, messieurs, la véritable position que vous voulez ; c'est, d'un côté, les restrictions apportées par la loi pénale à la liberté de ceux qui fréquentent les églises ; et, d'un autre côté, pour vous, la liberté la plus complète, la plus absolue.
Ce système est inadmissible ; non seulement il crée un privilège, comme je le disais en commençant, mais il enlève toute légitimité à la peine qui est comminée contre ceux qui troublent l'exercice du culte.
Et, en effet, pourquoi la peine prononcée par les articles 149 et 150 est-elle comminée ? Mais par respect pour la liberté des cultes, pour le droit de ceux qui dans les églises viennent exercer leur culte. Voilà le motif pour lequel elle est prononcée ; c'est sa seule raison d'être ; sa seule légitimité, c'est la nécessité de faire respecter le droit des citoyens d'exercer librement, paisiblement leur culte.
Mais lorsque le prêtre viendra à l'église discuter les actes de l'autorité ; lorsqu'il viendra attaquer les actes de l'administration, se livrera-t-il à l'exercice du culte ? On ne peut pas le soutenir. Où serait donc la raison pour laquelle on punirait le fidèle qui viendrait interrompre le prêtre discutant des actes étrangers à la religion ? La peine, dans ce cas, ne garantirait plus le droit d'exercer son culte, elle garantirait au prêtre le droit de critiquer sans contradiction les actes de l'autorité ; vous en arriveriez à ce singulier résultat, à ce résultat exorbitant de garantir contre toute interruption, contre toute contradiction, les diatribes politiques par une peine qui peut s'élever à trois mois de prison.
Ainsi, les attaques dirigées contre un bourgmestre, contre les actes posés par l'autorité communale, par un bureau de bienfaisance, un conseil des hospices devront être tolérées, seront garanties contre toute observation par des dispositions pénales ! Nous avons voulu par les articles 149 et 150 garantir aux citoyens la liberté des cultes, le droit d'exercer librement leur culte, et l'on voudrait pouvoir abriter derrière ces articles tous les écarts auxquels un prêtre voudrait se livrer !
Encore une fois, messieurs, cela n'est pas admissible. La peine qui protège le prêtre dans l'exercice de son ministère n'est légitime qu'à la condition que le prêtre ne s'écarte pas de l'exercice du culte ; du moment qu'il s'en écarte pour se livrer à la politique, votre peine n'a plus de raison d'être.
.M. Dechamps. - Qu'est-ce que apolitique ?
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Les juges le décideront. (Interruption.)
M. B. Dumortier. - S'il s'agit d'un délit politique, c'est au jury qu'il faut le déférer.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est faire de la politique que critiquer, censurer les actes de l'autorité civile. (Interruption.) Messieurs, nos adversaires raisonnent réellement comme si ces articles 295 et 296 dataient d'hier ; j'entends parler de ces articles absolument comme s'ils étaient d'origine récente, nouvelle.
Mais on oublie donc que les dispositions qui nous occupent se trouvent déjà dans le Code actuel, mais avec des pénalités beaucoup plus fortes.
On ne s'est donc pas aperçu que nous avons eu soin de reproduire les termes du Code actuel, parce que le sens en est fixé depuis longtemps par la jurisprudence et que nous évitons ainsi les interprétations erronées auxquelles une rédaction nouvelle aurait pu donner lieu. Et j'attends encore qu'on nous signale les grands inconvénients auxquels l'article 201 du Code actuel a donné lieu, les abus qui en ont été faits jusqu'à présent. Où sont les victimes de l'article 201 ? Où sont les prédicateurs éminents traduits devant les tribunaux ? Quels sont les faits pour lesquels des prêtres ont été condamnés ? Mais, messieurs, il me semble qu'on devrait au moins s'attacher à ce point ; prouver par les faits du passé et non par des suppositions qu'on crée à plaisir, les dangers d'une disposition qui date d'un demi-siècle, qui a été en vigueur sous le premier empire, sous tout le règne du roi Guillaume et qui est resté dans notre législation depuis 1830.
Comment donc se fait-il, si cette disposition porte dans ses flancs de si grands dangers pour la religion, qu'on ne puisse pas nous citer un seul fait qui prouve les abus auxquels il aurait donné lieu ?
Dans la première discussion à laquelle nous nous sommes livrés, on a cité un jugement qui aurait été rendu sous Guillaume et qui aurait fait de la loi une application exorbitante.
On a\ait établi là-dessus tout un échafaudage de récriminations dans le passé, de prévisions sinistres dans l'avenir ; et quand on a bien eu examiné, l'on a fini par découvrir que le jugement avait été réformé par la cour d'appel.
(page 1388) Voilà ce qui a été établi, et c'est le seul cas que l'on ait cité de l'application faite de l'article 201 du Code pénal jusqu'en 1830.
Et dans la vérité cet article a été appliqué, non pas à propos de critiques dirigées contre le pouvoir central, mais pour réprimer les critiques, les censures dirigées contre des actes d'administrations locales et qui ne tendaient qu'à déconsidérer le pouvoir communal et à lui enlever toute espèce d'autorité.
Je répète, pour conclure sur ce point, qu'il répugne au bon sens comme il répugne à tous les principes de la législation pénale d'appliquer la peine comminée contre ceux qui troublent l'exercice du culte lorsque le prêtre se livre à des critiques ou censures des actes de l'autorité. Si le fidèle est condamné au silence, ce n'est qu'à la condition que le prêtre ne sorte pas de l'exercice du culte.
Il faut admettre l'un des deux systèmes : ou bien traiter tout ce qui se fait dans l'église comme on traite ce qui se fait dans les associations ordinaires, et alors il faut supprimer les articles 149 et 150 ; ou bien accepter les articles 295 et 296 comme corollaire des garanties accordées par les articles 149 et 150.
Dans le premier cas, le prêtre, privé de protection, cherchera ses garanties dans sa modération ; et, si des citoyens sont attaqués, ils ne devront plus subir les attaques en silence et ils auront le droit d'y répondre, ainsi que cela se passe dans un meeting ou dans toute autre réunion publique.
Mais vouloir que les actes d'un bourgmestre, d'une administration communale, d'un bureau de bienfaisance, d'une commission des hospices puissent être régulièrement tous les dimanches discutés en chaire, être critiqués, dénaturés, ridiculisés, ce qui peut très bien se faire sans tomber sous l'application des lois qui punissent l'injure ou la calomnie, et sans que ceux-ci qui se trouvent ainsi mis en cause puissent élever la voix pour répondre, je dis que cela est absolument inadmissible.
Je ne comprends pas que l'on vienne défendre un système qui condamne les autorités à s'abstenir d'exercer leur culte ou qui les expose à se voir bafouées, conspuées en public ; c'est là une position que la loi ne saurait ni créer ni tolérer.
On nous a dit, messieurs, que cette inviolabilité garantie au prêtre ne constituait pas pour lui une position exceptionnelle, que la tribune provinciale, la tribune communale, la tribune de la Chambre étaient garanties de la même manière. C'est là une très grave erreur. Oh est, s'il vous plaît, la peine comminée contre ceux, par exemple, qui troubleraient nos délibérations ? Quelle est-elle ?
Mais il y a autre chose : on va au conseil communal, au conseil provincial, aux Chambres, pour entendre parler des matières qui s'y traitent et on voit partout des contradicteurs ; rien ne peut passer sans que la contradiction se produise. Si l'on va au conseil communal, c'est pour entendre discuter toutes matières administratives et même politiques ; ceux qui y vont savent qu'ils peuvent entendre traiter de toutes choses, et l'on y va sans devoir de conscience à remplir ; il en est de même quand on se rend dans un conseil provincial ou aux Chambres ; mais quand il s'agit d'église ce n'est plus la même chose ; c'est un devoir qu'on va y remplir, un devoir envers Dieu, et non pas pour entendre discuter les actes de l'administration !
L'on y va pour prier, et quand le prêtre, au lieu de prier avec vous, d'élever vos âmes vers Dieu, les ramène vers les choses de la terre, substitue au service religieux la critique des actes de l'autorité, il trouble le culte et il doit tomber sous l'application de la loi, comme toute autre personne qui troublerait le culte.
Voilà, ce me semble, qui est clair au point de vue du sens commun et conforme au droit commun ; mais de ce droit commun, vous n'en voulez pas ; vous voulez dans l'église pour le prêtre le droit de l'orateur dans le club, et pour les auditeurs les obligations imposées par la loi pénale aux fidèles, c'est-à-dire que vous prenez ce qui vous convient dans l'un et l'autre système, dans l'une et l'autre situation, et vous rejetez ce qui ne vous convient pas.
Si c'est là du droit commun, je ne sais pas ce que vous appellerez privilège.
L'honorable M. Dechamps nous reproche de rester à côté de la question de droit constitutionnel ; il a dit que le meilleur moyen de nous combattre était de nous ramener sans cesse aux articles 14 et 16 de la Constitution, que nous glissions là-dessus comme sur des charbons ardents, et puis faisant ce qu'il nous reproche, il se jette lui-même dans des considérations générales, dans des suppositions à perte de vue, abandonnant complètement la question de droit et ne répondant pas un mot aux arguments de l'honorable M. Guillery.
Non, nous ne glissons pas sur la question constitutionnelle ; je vais démontrer que tous ceux qui ont examiné cette question, des hommes de la droite même, l'ont résolue comme nous le faisons. Je vais prouver que l'autorité chargée d'interpréter la loi a donné aux articles 14 et 16 de la Constitution le même sens, la même portée, la même signification que nous lui donnons.
Les cours et les tribunaux ont toujours déclaré que l'article 201 du Code n'était pas abrogé, et jamais vous n'avez tenté de recourir à la cour régulatrice, à la cour de cassation pour faire réformer cette jurisprudence. Et quand tous les tribunaux ont condamné vos prétentions, quand vous n'avez pas même essayé de faire casser leurs décisions, vous venez nous accuser de violer la Constitution ! Il n'y a pas un tribunal, pas une cour d'appel, pas un arrêt de la cour de cassation qui vous donne raison.
L'autorité judiciaire à tous les degrés vous condamne, et vous vous faites nos accusateurs.
C'est réellement d'une audace incroyable de dire que c'est nous qui violons la Constitution quand le pouvoir judiciaire, chargé, je le répète, d'interpréter la loi, le fait comme nous le faisons et condamne unanimement le système que vous soutenez !
Messieurs, on prétend que nous violons l'article 14 et l'article 16 de la Constitution.
Je crois inutile de faire observer que les mots qui terminent l'article 14 : « Sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés » sont la preuve la plus manifeste que l'on a voulu maintenir les dispositions pénales existantes ; je préfère citer immédiatement les décisions judiciaires qui ont été rendues, et que personne n'a le droit de suspecter de partialité.
Voici d'abord un arrêt qui définit la liberté de conscience et des cultes ; que l'on mette en regard de cette définition les dispositions du Code pénal qui vous sont proposées et l'on verra si celles-ci portent à ces libertés la moindre atteinte.
« Attendu, dit la Cour de cassation, que la liberté de conscience et la liberté des cultes sont le droit pour chacun de croire et de professer sa foi religieuse sans pouvoir être interdit ni persécuté de ce chef ; d'exercer son culte sans que l'autorité civile puisse, par des considérations tirées de sa nature, de son plus ou moins de vérité, de sa plus ou moins bonne organisation, le prohiber, soit en tout soit en partie, ou y intervenir, pour le régler dans le sens qu'elle jugerait le mieux en rapport avec son but, l'adoration de la Divinité, la conservation, la propagation de ses doctrines et la pratique de sa morale ;
« Attendu que ces libertés ainsi définies n'ont rien d'incompatible avec le pouvoir qui appartient à la société civile de défendre et de punir par l'organe de la loi et par l'action des magistrats, les actes qu'elle juge contraires à l'ordre public ; qu'en conséquence les dispositions portées à cet effet n'ont point été abrogées par la loi qui proclame la liberté des cultes et la liberté de conscience, en abolissant toute loi qui y porterait atteinte ;
« Que tous les monuments de l'histoire, de la législation et de la jurisprudence attestent que c'est dans ces justes limites que ces libertés ont toujours été réclamées et consacrées ;
« Que l'article 14 de la Constitution les y renferme en termes clairs et précis par la réserve de la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés ;
« Que sans ces limites l'état social inhérent à la nature de l'homme manquerait d'une de ses conditions essentielles, le pouvoir de la part de la société de juger et de réprimer les actes contraires à l'ordre public. »
Voilà l'opinion de la cour de cassation ; la cour qui proclamait ce principe était présidée par M. de Sauvage, ancien membre du Congrès.
M. B. Dumortier. - De quelle date est l'arrêt ?
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Du 27 novembre 1834.
M. B. Dumortier. - Et l'espèce ?
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il s'agissait du mariage religieux. (Interruption.)
L'on a également prétendu que les dispositions pénales qui se trouvent dans le Code à ce sujet étaient abolies.
M. B. Dumortier. - Nous le savons.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Si vous le savez, pourquoi le demander ?
Voici maintenant l'arrêt de la Cour d'appel que citait tout à l'heure l'honorable M. Guillery ; l'on ne contestera pas qu'il ait décidé en plein la question qui nous occupe.
« Attendu, porte cet arrêt, que le gouvernement provisoire, en (page 1389) accordant par le décret du 10 octobre 1830, a tout citoyen ou à des citoyens associés dans un but religieux ou philosophique, quel qu'il fût, la liberté de professer leurs opinions comme ils l'entendent et de les répandre par tous les moyens possibles de persuasion et de conviction, a voulu, ainsi qu'il est dit dans le préambule du décret, donner l'essor à l'intelligence et faire cesser les entraves qui avaient jusque-là enchaîné la pensée ;
« Attendu qu'on ne peut, sans lui faire injure, supposer au gouvernement provisoire l'intention d'avoir vouIu, par ce décret, faire disparaître de notre législation les lois répressives des abus qui pourraient naître, dans certains cas, de l'usage de cette liberté si large, octroyée aux citoyens, et encourager ainsi la licence et le désordre ;
« Attendu que la Constitution belge, qui résume dans son article 14 le principe consacré par le décret du 15 octobre, garantit également la libre manifestation des opinions en toutes matières, ainsi que la liberté des cultes et de leur exercice public, mais avec la restriction que les délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés seraient réprimés ;
« Attendu que cette restriction comprend l'article 201 du Code pénal, de l'application duquel il s'agit dans la cause ;
« Attendu que cette loi, qui contient une mesure indispensable pour la conservation de l'ordre et de la paix publique, n'a été abrogée ni expressément par les articles 2 et 3 du décret du 18 octobre 1830 et par l’article 138 de la Constitution, ni virtuellement, puisqu'elle n'est point contraire au texte sainement apprécié du décret précité et de la Constitution, et qu'elle n'est incompatible avec l'esprit d'aucune de leurs dispositions.
« Attendu que, s'il fallait admettre que l'article 201 du Code pénal aurait été abrogé par le gouvernement provisoire et par la Constitution, comme constituant une entrave à la liberté de la manifestation des opinions, le même motif militerait pour l'abrogation des articles 202 et 203 du même Code, puisque, dans ces trois articles, il s'agit de discours prononcés par des ministres du culte dans l'exercice de leur ministère en assemblée publique, ce qui amènerait la conséquence absurde que ces ministres pourraient impunément en chaire prononcer des discours tendants à provoquer directement à la désobéissance aux lois et aux actes de l'autorité publique, à soulever ou armer les citoyens les uns contre les autres, et à exciter enfin des séditions ou des révoltes, ce qui est inadmissible.
« Par ces motifs, confirme, etc. »
Voilà ce que déclarait la cour d'appel de Bruxelles ; pourquoi ne s'est-on pas pourvu en cassation ? L'honorable M. Guillery l'a déjà demandé, comment se fait-il que cette décision, qui avait une si grande portée comme question de droit constitutionnel, que cette affaire. qui avait pris de grandes proportions en raison des hommes qui s'y trouvaient mêlés, n'ait pas été soumise à la cour de cassation ?
Prétendra-t-on, messieurs, que cela soit passé inaperçu ? Ce serait une erreur ! Non, messieurs, cela n'est pas passé inaperçu. L'attention du ministre même a été appelée sur cette affaire, puisque, comme vous l'a dit tantôt l'honorable M. Guillery, la personne condamnée s'est pourvue en grâce, et dans le rapport qui a été fait, on lit entre autres cette phrase remarquable, qui devait certainement frapper le ministre :
« Les dispositions légales qui punissent cet abus sont plus nécessaires aujourd'hui qu'à l'époque de la publication du Code pénal, où les ministres des cultes n'avaient pas cette indépendance qui leur est garantie par nos institutions politiques. »
M. de Haerne. - On s'attendait alors à la réforme du Code pénal.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'était pour cela qu'on laissait des prêtres en prison ?
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Veuillez me permettre. L'argument ne vaut rien au cas actuel.
Ceci prouve tout au moins que la magistrature, et la magistrature tout entière, le ministre lui-même, regardaient l'article 201 comme encore existant, comme constitutionnel, comme n'ayant pas été abrogé par l'article 14.
Et remarquez-le, messieurs, M. d'Ancthan était ministre à cette époque, M. Dechamps était également ministre, et lorsqu'il s'est agi de cette requête en grâce, l'honorable M. Malou était ministre avec eux.
Lorsqu'un principe constitutionnel est mis en question, lorsque le gouvernement a la conviction qu'il a été méconnu par les tribunaux, il donne ordre de se pourvoir dans l'intérêt de la loi. Le droit donné au gouvernement de se pourvoir dans l'intérêt de la loi n'a d'autre but que de faire respecter la loi, de ramener les tribunaux à l'observation de la loi. Le silence du ministre de la justice impliquait donc son assentiment à la jurisprudence qui était admise, et je démontrerai, du reste, bientôt, que telle était bien l'opinion de l'honorable M. d'Anethan.
Je n'hésite pas, au surplus, à dire que si l'honorable M. d'Anethan avait pensé que l'article 201 était aboli par la Constitution, l'honorable M. d'Anethan aurait immédiatement donné l'ordre de se pourvoir dans l'intérêt de la loi. Cela n'est pas douteux, et, je le répète, son attention avait été appelée sur ce point par un rapport qui avait été fait par le procureur général sur la requête en grâce.
Mais, messieurs, n'y a-t-il que le jugement du tribunal de Bruxelles et l'arrêt de la cour que je vous ai lu ?
Il y a eu un jugement rendu par le tribunal de Huy dans le même sens» le 1er août 1847.
Il y en a eu un autre du même tribunal, rendu le 6 janvier 1854.
Il y a un jugement dans ce sens rendu par le tribunal de Liège, le 8 mars 1852.
Il y en a eu un autre rendu par le même tribunal, le 5 août 1853.
Il y en a eu un rendu par le tribunal de Mons, le 26 juillet 1858.
Et aucun de ces jugements n'a été frappé d'appel ; cette jurisprudence a été acceptée par tout le monde. Et veuillez-le remarquer, quatre jugements ont été rendus dans le ressort de la Cour d'appel de Liège. Dans un ressort où siège comme procureur général un homme éminent par sa science et qui doit connaître aussi l'interprétation qu'il faut donner aux articles 14 et 16 de la Constitution, puisqu'il est ancien membre du Congrès ; : et jamais l'honorable M. Raikem n'a donné ordre de se pourvoir en appel, jamais aucune de ces affaires n'a été portée devant la Cour. Or, prétendez-vous que si l'honorable M. Raikem, qui, en définitive, ne peut être accusé d'être un libéral exagéré ni un persécuteur du clergé, avait pensé que l'article 14 de la Constitution avait été violé, il n'aurait pas fait porter ces affaires devant la cour d'appel et de la cour d'appel à la cour de cassation ?
Quand nous voyons donc cette unanimité dans la jurisprudence, quand nous voyons des hommes que l'on ne peut accuser d'appartenir à notre opinion et d'avoir par esprit de parti négligé de faire décider cette question par la cour régulatrice, ne faire porter aucune de ces affaires en appel ; quand, d'un autre côté, nous voyons le clergé lui-même, si intéressé dans cette question, ne pas même tenter de faire réformer cette jurisprudence, nous devons dire que celle-ci n'est que l'expression de la vérité la plus incontestable.
Comment ! le clergé tout entier aurait cru que l'article 201 était aboli, que toute entrave avait disparu, et il n'aurait pas épuisé, chaque fois' que l'occasion s'en présentait, tous les degrés de juridiction !
Le clergé ne nous a pas habitués à renoncer si facilement à ses droits, nous pourrions peut-être dire qu'il a une autre habitude ; je m'abstiens. Mais il est bien certain que le clergé lui-même avait la conviction que l'article 201 restait debout, que les articles 14 et 16 de la Constitution ne l'avaient pas aboli ; et c'est pour cela qu'il s'est soumis aux décisions des premiers juges.
Mais, messieurs, au début même de cette discussion, nos adversaires ne semblaient pas le moins du monde s'apercevoir de cette violation de la Constitution.
Ainsi le rapport de l'honorable M. Moncheur ne déclarait pas que l'article 201 était inconstitutionnel.
M. Moncheur. - Je demande la parole.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est une découverte qui a été faite plus tard, et je vais vous montrer que l’honorable M. d'Anethan lui-même, comme je le disais tantôt, n'était pas du tout de votre avis. Voici ce qu'écrivait l'honorable M. d'Anethan.
« Les articles sont-ils constitutionnels ? S'ils sont constitutionnels sont-ils utiles, ne doivent-ils pas au moins être modifiés ?
« Les ministres des cultes seront seuls punissables dans les cas déterminés par ces articles, d'où l'on tire la conséquence que le principe de l'égalité des citoyens n'est pas respecté, la peine ne les atteignant pas. tous également.
« C'est, d'après moi, faire une fausse application de l'article 6 de la Consstitution.
« Oui, sans doute, les Belges sont et doivent rester égaux devant la» loi, c'est-à-dire, pour nous occuper seulement des matières pénales, que deux Belges se trouvant dans les mêmes conditions et commettant le même délit doivent être atteints par la même disposition générale ; mais s'ils sont dans des conditions différentes, l'égalité ne sera pas violée, et les pénalités sont différentes aussi. Le militaire qui frappe son supérieur en grade est puni de mort, le citoyen non militaire qui aura fait une blessure, même grave, à un autre citoyen pourra n'encourir qu'une peine correctionnelle. Le militaire pourra même commettre des faits qui constitueront dans son chef un délit et qui n'auraient rien de punissable chez un simple particulier. Eh bien, cette inégalité dans les peines n'a fait naître chez personne la pensée qu'il y ait là violation, du principe consacré par l’article 6 de la Constitution. »
(page 1390) Et plus loin, l'honorable M, d'Anethan ajoute, en ce qui concerne l’article 14 de la Constitution, qu'on prétend avoir aboli les articles 201 et suivants :
« La Constitution fournit un autre argument encore pour justifier en principe l'article 295.
« Les articles 14 et 16 de la Constitution sont relatifs au culte et aux garanties qui lui sont assurées.
« Le premier de ces articles, après avoir proclamé le principe de la liberté, reconnaît que l'usage peut en être abusif et dégénérer en délit, et dans ce cas il en autorise la répression. Mais qui décidera s'il y a délit ? Ce sera nécessairement la loi. Le législateur constituant n'ayant rien défini, rien statué, ce délit pourra être un délit spécial, la Constitution ne contenant aucune défense à cet égard. »
Voilà, je pense, qui est aussi formel que possible.
Voilà, messieurs, l'opinion de l'honorable M. d'Anethan.
M. de Theux. - Eh bien, l'honorable M. d'Anethan a formellement condamné l'article 295.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Certainement vous en êtes venus tous à condamner l'opinion que vous aviez émise précédemment. Je le sais parfaitement.
Je vous ai dit tantôt que je vous citerais l'opinion d'hommes appartenant à votre propre parti. Après M. d'Anethan, je vais vous en citer un autre, dont l'opinion m'autorise à dire que la loi sur l'instruction primaire a été votée avec l'idée que cet article 201 pourrait être applicable aux critiques dirigées par le prêtre dans l'école.
Je ne partage pas cette opinion, mais je dis que vous tous qui avez concouru au vote de la loi sur l'instruction primaire, vous l'avez fait avec la pensée que l'article 201 serait applicable. Je vais le prouver.
M. Verhaegen disait :
« Vous avez défini la religion, mais vous n'avez pas défini la morale. Il me sera permis, dès lors, de demander quelle est cette morale ? II est des morales que vous n'admettrez point, je pense : en sincères et francs catholiques, vous n'admettrez point, par exemple, la morale de certains jésuites, et cependant les jésuites pullulent en Belgique.
« Un membre : Quelle est cette morale ?
« M. Verhaegen. - Vous devez bien la connaître ; je ne vous rappellerai pas, entre autres, la maxime épouvantable : Justum est necare reges impios, etc. Je vous renverrai, à cet effet, à Pascal et à d'autres écrivains que vous connaissez comme moi.
« Eh bien, si une morale telle que celle-là, ou une autre tout aussi exécrable, venait un jour à être enseignée dans nos écoles, je ne dis pas demain ou après-demain, mais à une époque plus ou moins éloignée, et pour un motif que nous ne pouvons pas prévoir, s'il plaisait un jour au clergé d'enseigner, par exemple, qu'en Belgique, oh la majorité des habitants est catholique, il est ridicule de voir à la tête du gouvernement un roi protestant... (Interruption.)
« M. Verhaegen. - Je répète, messieurs, que si des doctrines semblables à celles que j'ai signalées venaient à être enseignées dans les écoles communales, vous n'auriez aucun moyen de l'empêcher.
« M. Brabant. - Lisez le Code pénal.
« M. Verhaegen. - J'allais y venir, au Code pénal. C'est sans doute à l'article 201 que l'on fait allusion. Cet article, qui est encore applicable aujourd'hui, punit d'une peine corporelle les ministres du culte qui, dans l'exercice de leurs fonctions et en assemblée publique, se permettraient de critiquer une loi, de toucher aux bases fondamentales du gouvernement, etc., etc. Appliquerez-vous cette disposition à un ministre du culte qui, dans une école, donnant l'instruction religieuse à des enfants, aurait professé des principes subversifs de l'ordre établi, ou aurait exposé le gouvernement au mépris des habitants ?
« M. Brabant. - J'appliquerais l'article 201.
« M. Verhaegen. - Quoi qu'en dise M. Brabant, je ne pense pas qu'il soit jamais disposé à faire appliquer l'article 201 du Code pénal. Je suis convaincu qu'il déclinerait cette application en soutenant qu'une école n'est pas une assemblée publique.
« M. Brabant. - Si j'étais ministère public, je poursuivrais, et si j'étais juge, je condamnerais. »
Cette opinion, h quelques jours de distance, M. Brabant la reproduisait et voici en quels termes :
« Quant aux doctrines affreuses que nous prêtait l'honorable M. Verhaegen, je crois que l'article 201 du Code pénal y a pourvu ; s'il n'en est pas ainsi dans l'opinion de l'honorable membre, je lui donnerai les mains pour faire une loi répressive : elle ne saurait être trop rigoureuse. Le crime à l'égard de l'enfant est le plus odieux de tous les crimes. »
Messieurs, vous étiez tous ici. M. Dechamps était rapporteur de la loi ; M. de Theux a pris une très grande part à la discussion, M. Dumortier également ; et comment se fait-il que personne de vous n'ait protesté contre ce que vous regardez aujourd'hui comme une violation de la Constitution ?
Je constate donc que par des hommes de votre opinion, par des jurisconsultes de votre parti, en votre présence, et alors qu'il s'agissait d'y donner une extension que, pour moi, je n'admets pas, il a été soutenu que l'article 201 était en vigueur, qu'il était applicable aux réunions des écoles et que personne d'entre vous n'a protesté.
Et l'honorable M. Nothomb, répondant à l’honorable M. Verhaegen disait :
« J'examinerais si ce singulier enseignement, moral et religieux constitue l'une ou l'autre infraction aux lois pénales et je ferais poursuivre. » Et il ajoutait :
« Voilà ce que je ferais, et je crois que l'honorable M. Brabant a dit qu'il en ferait autant à ma place. »
M. B. Dumortier. - C'est une opinion individuelle.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Nos adversaires nous accusent constamment de violer la Constitution et quand nous citons des autorités judiciaires on nous interrompt ; quand nous leur citons des hommes de leur propre parti, on nous interrompt encore. Mais de quel droit nous accusez-vous de violer la Constitution ?
Quand nous vous citons des noms qui vous sont chers, vous répondez : « Ce sont des opinions individuelles t ! Mais qu'est-ce donc que l'opinion de M. Dechamps, de M. de Theux, qui nous accusent de violer la Constitution ?
En définitive, ces opinions sont aussi des opinions individuelles. Si vous récusez les opinions individuelles, acceptez les sentences de la justice. Or, à qui les tribunaux ont-ils donné raison ?Est-ce à vous ? Est-éce à nous ?
Mais que nous vous citions les arrêts des cours d'appel ou que nous vous citions l'opinion de plus éminents de vos amis, cela ne fait absolument rien, vous continuez à dire que nous violons la Constitution. C'est un peu l'histoire de tison d'enfer. (Interruption.)
Ne jouons pas sur les mots : vous prétendez que l'article 295 est à la fois la violation de l'article 14 et de l'article 16 de la Constitution ; donc qu'il y a deux...
M. Moncheur. - Je prétends qu'il y a violation de l'article 16 par les mots : « écrits lus » dans l'article 295, et je prétends que c'est une monstruosité de condamner qui que ce soit à la prison pour avoir critiqué un acte du gouvernement.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Tout ce qui n'est pas privilège pour vous est monstrueux, nous le savons de vieille date ; mais je vous conseille de vous mettre d'abord bien d'accord avec vos honorables collègues. (Interruption.)
Ce sont des opinions individuelles ; ah ! si on ne doit tenir aucun compte des opinions individuelles, pourquoi parler ici ? Je ne dirai plus rien.
Vous prétendez que l'article 16 est violé et que l'article 14 l'est également. Je réponds que l'un de ces articles n'est pas plus violé que l'autre. Il suffit de lire l'article 16 pour être convaincu qu'il ne s'agit pas là de faits se rattachant uniquement au culte. (Oh ! oh !)
Vos exclamations ne me feront pas changer d'opinion : votre soutènement sur ce point n'est pas plus exact que ce qu'a dit l'honorable M. de Haerne, de la lettre écrite au Congrès par M. l'archevêque de Malines, dans l'intérêt de la liberté des cultes et de la chaire.
Je connais parfaitement la lettre de l'archevêque de Malines ; voulez-vous que je vous la relise ? Si vous y trouvez, ainsi que dans les discussions du Congrès, un seul mot qui ait trait à la liberté de la chaire, je consens à partager votre opinion sur l'article 295.
Mais l'archevêque de Malines n'a pas dit un seul mot de la liberté de la chaire ; les discussions du Congrès sont également tout à fait muettes à cet égard.
L'archevêque de Malines a fait réserve formelle des abus qui peuvent se commettre à l'occasion ou au moyen du culte, et il admettait qu'ils fussent poursuivis devant les tribunaux.
Quand on s'est occupé de l'article 116, qu'a-t-on voulu proscrire et abolir ? On a voulu uniquement proscrire les anciens placets, on a voulu abolir les dispositions des articles 207 et 208 du Code pénal et certaines dispositions du concordat et des articles organiques qui défendaient aux (page 1391) ministres du culte de correspondre avec Rome, avec leurs supérieurs ; voilà tout.
Mais quant aux actes qui avaient trait au culte, ils ont été réglés par l'article 14 sous la réserve formelle de la punition des délits.
Messieurs, on s'étonnait tout à l'heure que nous n'eussions pas pris la parole plus tôt, on a dit que c'était un aveu de notre impuissance. Savez-vous ce qui a motivé notre silence ? C'est votre impuissance de trouver un argument nouveau.
Le débat auquel vous vous livrez est conforme au texte du règlement, je le veux bien, mais non pas à son esprit. Pourquoi le règlement a-t-il prescrit un second vote pour toute disposition amendée ? Pour éviter une surprise. Parce qu'au premier vote on aurait pu ne pas prévoir toutes les conséquences de l'amendement ; or, tel n'est pas sans doute le cas pour l'article 295 ; tout a été dit en 1859 ; je n'ai nullement la prétention d'avoir prononcé aujourd'hui un seul mot que je n'aie prononcé deux ou trois fois dans la première discussion ; on le contestera, mais il n'en sera pas moins vrai. Le débat est épuisé et l'on ne trouvera pas un argument à ajouter à ceux qu'on a fait valoir de part et d'autre pendant les 15 longs jours que la Chambre a consacrés en 1859 à l'examen de l'article 295, article qui amena successivement à la tribune une grande partie des orateurs de cette assemblée.
- On demande la clôture.
M. B. Dumortier (contre la clôture). - Je pense bien que l'intention de la Chambre n'est pas de clore en ce moment. M. le ministre de la justice vient de prononcer un discours qui est un tissu d'erreurs ; je désire relever ces erreurs, et on me permettra sans doute de prendre la parole.
- Personne n'insistant plus sur la demande de clôture, la clôture de la discussion n'est pas mise aux voix.
La Chambre fixe la prochaine séance à vendredi prochain, à 2 heures.
L'amendement de M. Guillery sera imprimé et distribué.
M. le président. - La Chambre entend-elle s'occuper vendredi des prompts rapports de pétitions ? (Non ! non.)
M. Goblet. - La Chambre a déjà décidé qu'elle continuerait à discuter le Code pénal sans interruption.
- Il est entendu qu'il en sera ainsi.
M. Orban. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi ayant pour objet d'ouvrir un crédit extraordinaire au département des travaux publics.
- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.
La séance est levée à 5 heures.