(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)
(page 1029) (Présidence de M. Vervoort.)
M. de Moor, secrétaire, procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moor, secrétaire, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Les membres du conseil communal et des habitants de Hechtel déclarent adhérer à la pétition relative à la construction d'un chemin de fer de Liège à Eindhoven par Hasselt, Zonhoven, etc. »
M. de Renesse. - Je propose, messieurs, de renvoyer cette requête à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
- Adopté.
« Le sieur Helmans demande l'abolition de la visite et de l'investigation des effets des voyageurs aux frontières. »
- Même renvoi.
« Le sieur Burniaux demande la révision des règlements relatifs au mariage des commis des accises et des employés de la douane. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Strée prie la Chambre d'autoriser la concession à la société Delval d'un chemin de fer de Manage à Momignies par Thuin, avec embranchement de Thuin à Mons. »
- Même renvoi.
« L'administration communale de Schaerbeek présente des observations sur la réclamation du sieur Eenens contre l'application projetée de la loi du 1er juillet 1858, à la propriété qu'il possède dans cette commune. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur la pétition du sieur Eenens.
« Le sieur Fontaine demande l'abrogation de l'article 47 de la Constitution. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Bouillon demande que le bourgmestre de Wanlin fasse connaître les motifs de son refus de délivrer un certificat en sa faveur. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Tirlemont demandent l'abolition des barrières. »
- Même renvoi.
« M. Nelis, obligé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé de deux jours. »
- Accordé.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, avant de rentrer dans la discussion du budget, j'ai l'honneur de fournir à la Chambre le tableau réclamé hier par l'honorable M. Goblet. C'est le tableau présentant l'évaluation des transports effectués gratuitement ou avec réduction sur le prix des tarifs pendant l'année 1861.
Ces transports se divisent de la manière suivante :
1° Dépêches et bureaux ambulants des postes.
2° Transports militaires, qui se décomposent en transports relatifs aux hommes, aux bagages, aux ducaux, aux gendarmes, à la boucherie militaire.
Les principaux chiffres des transports militaires se rapportent aux mouvements de troupes, soit pour le camp, soit pour les changements de garnison.
Les transports relatifs aux postes sont opérés gratuitement : le chemin de fer donne d'une main ce que la poste reçoit de l'autre.
Les transports militaires sont effectués moyennant une remise de 50 p. c.
3° Sont opérés également avec une réduction de 50 p. c. les transports des détenus, le transport des voitures cellulaires.
4° Est effectué à titre gratuit le transport des douaniers convoyeurs.
5° Enfin, nous avons une dernière catégorie de transports effectués avec réduction de prix ou gratuitement ; ce sont les suivants ;
Grains et fourrages pour l'armée, grains et farines pour la boulangerie militaire et les maison de détention de Bruxelles et de Vilvorde.
Objets pour le chemin de fer.
Objets pour les expositions, pour le service et pour les départements ministériels.
Voilà, messieurs, la nomenclature complète des transports dont il s'agit.
Chaque année, messieurs, nous fournissons le tableau complet des transports effectués dans ces conditions, ce tableau figure tout au long dans le compte rendu des opérations du chemin de fer. Il a été fourni par l'administration, d'abord, parce qu'il était plus régulier qu'il le fût, ensuite pour montrer que, à côté des avantages directs que le public et l'Etat retirent de l'exploitation du chemin de fer, il y a des avantages indirects, dont il est équitable de tenir compte.
Ces explications données, j'ai l'honneur de déposer le tableau sur le bureau de la Chambre.
(page 1037) M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, je reprends maintenant le discours que j'ai commencé hier, pour compléter les explications que je dois donner en réponse aux observations qui ont été présentées dans les deux séances précédentes. Je dirai donc quelques mots de l'exploitation du chemin de fer de l'Etat, au point de vue où se sont placés les honorables MM. H. Dumortier et Vermeire, qui s'en sont occupés d'une manière spéciale. Ces honorables membres ont parlé principalement, pour ne pas dire exclusivement, de la combinaison de nos tarifs. Dans leur opinion, il y a lieu de simplifier et de réduire les tarifs dans l'intérêt du trésor et dans celui du commerce et de l'industrie ; ils pensent qu'en présence de la lutte industrielle déjà engagée et qui peut l'être plus vivement dans l'avenir, il est nécessaire de prendre des mesures propres à mettre les producteurs belges à même d'affronter avantageusement la concurrence étrangère.
Sur ce point, il ne peut y avoir de dissidence entre les honorables membres et le gouvernement, entre eux et moi particulièrement.
Je ne pense pas qu'il existe, à cet égard, deux opinions dans la Chambre. Nous croyons tous que nous devons chercher par voie indirecte à mettre les industriels belges dans les meilleures conditions possibles de production.
Les honorables membres auxquels je réponds ont cité l'exemple de l'Angleterre, ils ont convié le gouvernement belge à le suivre.
L'exemple est sans doute bien choisi, et les honorables membres ont bien fait de convier le gouvernement à s'y conformer. Je veux seulement constater que la Belgique n'a pas attendu jusqu'ici pour faire, en fait d'établissement de voies de communication de toute nature, ce que l'Angleterre avait fait avant elle ; que ce que la Belgique a fait depuis un quart de siècle ne le cède pas à ce qui a été fait chez ses voisins du continent.
La première sur le continent, la Belgique a décrété la construction de chemins de fer. Ils ont été commencés aux frais de l'Etat ; après 26 ans, nous avons dépensé de ce chef pour premier établissement une somme d'environ 220,000,000 de francs.
L'Etat a en outre concédé un grand nombre de lignes ; le réseau de ces lignes est plus considérable que celui des lignes de l'Etat. Je n'exagère donc pas en évaluant à près d'un demi-milliard la somme qui a été dépensée en Belgique pour construction de chemins de fer.
En même temps que le gouvernement belge construisait des chemins de fer pour son propre compte et en concédait à l'industrie privée, il donnait un très grand développement à ses voies navigables et un développement non moins grand à ses routes pavées,
Le gouvernement belge a donc travaillé de tous les côtés à la fois, et les résultats auxquels on est arrivé sont certainement des plus considérables.
Non seulement le gouvernement construisait des lignes de chemins de fer aux frais de l'Etat et en concédait à des compagnies, mais il améliorait les voies navigables existantes et en créait de nouvelles parallèlement aux lignes, soit de l'Etat, soit des compagnies. Ce qu'il en faisait, c’était évidemment dans le but de fournir des instruments de travail aussi perfectionnés que possible aux producteurs de l'industrie nationale.
Encore en ce moment il crée ou il développe des voies navigables importantes à côté de ses chemins de fer comme à côté des chemins de fer concédés.
Par la loi du 8 septembre 1859 la Chambre a voté des crédits considérables pour l'amélioration de la Sambre. La Sambre est longée par le chemin de fer de Charleroi à Erquelinnes ;
Pour l'amélioration de la Meuse ; la Meuse est longée par l'excellent chemin de fer de Liège à Namur ;
Pour l'amélioration, pour la canalisation de l'Escaut, laquelle évidemment se continuera jusqu'à Gand ; l'Escaut est longé par le chemin de fer de Hainaut-Flandres.
Voilà ce que l'Etat fait, en ce moment même, à côté des lignes concédées.
Voici ce qu'il fait à côté des siennes. Il affecte d'importants crédits à l'approfondissement du canal de Gand à Bruges à côté d'un chemin de fer exploité par lui.
Il exécute l'élargissement de la deuxième section du canal de jonction de la Meuse à l'Escaut, qui est une voie navigable concurrente à sa grande ligne de l'Est, ce canal reliant Anvers au Rhin et à Liège.
Enfin il fait étudier activement, sérieusement l'élargissement du canal de Charleroi, qui se trouve à côté d'une de ses plus productives lignes de chemin de fer.
Par cette même loi de 1859, le gouvernement obtenait facilement des Chambres, pour le parachèvement de ses voies ferrées, une somme de 12 millions, et la semaine dernière vous avez voté, messieurs, encore avec la même facilité, une somme de 6 millions pour augmenter le matériel du réseau de l'Etat.
Ni le gouvernement ni les Chambres ne sont donc restés en défaut, depuis longtemps, de rechercher tous les moyens de venir en aide au commerce et à l'industrie par le développement des voies de communication.
Je crois, que nous pouvons constater avec un certain orgueil les résultats obtenus et que nous n'avons rien à envier, sous ce rapport, aux autres nations.
Cela dit, messieurs, j'arrive à la question de savoir si le département des travaux publics use avec intelligence et dans un esprit de progrès du magnifique instrument mis à sa disposition, du chemin de fer de l'Etat.
L'exploitation du chemin de fer de l'Etat a été critiquée, je me hâte de le dire, avec bienveillance, par les honorables orateurs avec lesquels je discute plus particulièrement ici, au double point de vue de la complication des tarifs et de l'élévation des prix de transport.
Quant à la complication des tarifs, messieurs, il faut être juste. Je vais commencer par reconnaître moi-même qu'il y a quelque chose à faire. Je demande que les honorables membres reconnaissent à leur tour que tout n'est pas mauvais, surtout pas plus mauvais dans notre exploitation que dans les grandes exploitations qui nous avoisinent.
M. Vermeire. - Si, si.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - J'entrerai à cet égard dans tous les détails qu'on pourra désirer, mais pour ne pas prolonger cette discussion, je ne ferai que suivre les honorables membres sur le terrain où ils se placeront. Je me contenterai de donner quelques indications générales et nous approfondirons le sujet aussi avant que les honorables membres le voudront.
Ils ont surtout invoqué, si je les ai bien compris, l'exploitation des lignes anglaises et l'exploitation d'une puissante compagnie qui se trouve à nos portes, de la compagnie du Nord.
Parlons d'abord, messieurs, de la complication des tarifs ; nous parlerons ensuite du taux des transports.
Eh bien, sous le premier rapport, la comparaison avec les lignes anglaises n'est pas possible : elle est trop à l'avantage de l'exploitation belge.
On peut caractériser le régime anglais par ces mots : Que la règle des chemins de fer concédés anglais est de n'en pas avoir. Il n'est pas un point sur lequel il y ait uniformité dans l'exploitation des ligues anglaises.
En fait, messieurs, et presque en droit, les compagnies anglaises sont maîtresses absolues dans leur administration, et elles usent (je ne veux pas dire elles abusent) des droits qu'elles tiennent de leurs actes de concession, dans la plus large mesure.
Lors d'une enquête qui a été ordonnée par le gouvernement français, on s'est, entre autres, évertué à rechercher quelle pouvait être la base des tarifs anglais. La question a été posée au Board of trade, on l'a prié de donner sur ce point des renseignements officiels au gouvernement français, et voici la réponse fournie par le Board of trade. Je cite textuellement :
« Les prix des classes que les actes relatifs aux concessions des différentes grandes lignes anglaises comportent, ne sont pas assez homogènes pour qu'on puisse les faire entrer dans un tableau synoptique. »
Et il ne peut pas en être autrement, messieurs, le système des concessions des lignes anglaises est des plus bizarre, et chez nous, habitués à un régime tout opposé, nous avons quelque peine à croire à une telle situation.
Voici quel était l'objet des premières concessions anglaises : elles portaient sur la construction de la route, et sur cette route pouvait circuler qui voulait moyennant péage ; c'est-à-dire que la concession ne portait pas sur l'exploitation, mais sur la construction de la route, absolument comme il en est des routes pavées en Belgique. On supposait que les engins de locomotion, le matériel de traction et de transport aurait été fourni par les expéditeurs.
Mais, naturellement il n'en a pas été ainsi : cette faculté de circuler moyennant péage sur une route construite par un tiers a été démontrée bientôt n'être qu'une fiction, et lorsque les concessionnaires de la ligne ont eu construit leur propre outillage de locomotion et qu'ils se sont mis à effectuer des transports, ils se sont trouvés sans frein dans la fixation des tarifs.
(page 1038) Cet état de choses avait à ce point produit des résultats regrettables que depuis 1836 le parlement dans les nouvelles concessions qu'il a octroyées, a voulu mettre fin à cet arbitraire, et il a établi des maxima de prix pour les transports effectués par les soins des compagnies.
Cette fois, instruit par l'expérience, il avait fait ce progrès de prévoir que les compagnies pourraient être amenées à exploiter elles-mêmes. Eh bien, cette mesure de précaution n'a pas eu d'efficacité, parce que la base des concessions est toujours restée la même : les concessions ont continué de porter essentiellement sur la construction de la route ; et en même temps que le parlement anglais, dans les bills de concession postérieurs à 1836, stipulait des maxima de prix pour le cas où les compagnies effectueraient elles-mêmes les transports, il ajoutait un article qui figure dans tous les actes de concession : que ces maxima étaient fixés sous réserve de la liberté laissée aux expéditeurs de contracter avec les compagnies à telles conditions particulières qu'ils le jugeraient convenir.
Or, messieurs, comme les compagnies n'étaient pas obligées d'effectuer les transports, elles ont continué à user de la simple faculté de transporter pour faire avec les particuliers des contrats spéciaux qui déroutent complètement les maxima fixés.
L'extrême bigarrure des prix de transport sur les chemins de fer anglais, puisqu'on établit la comparaison avec eux, est telle, qu'elle a frappé les compagnies elles-mêmes ; je parle des compagnies qui s'étaient mises à exploiter dans les seules conditions où nous croyons qu'une ligne de chemin de fer est exploitable ; elles se sont donc entendues et ont arrêté des tarifs communs pour les grosses marchandises. Eh bien, pour ces marchandises, pour lesquelles nous n’avons que trois classes, ces compagnies n’en ont pas moins de sept.
A nos portes, nous avons un chemin de fer qui se rapproche plus du régime des chemins de fer belges concédés ou de l'Etat.
Ce chemin de fer est exploité avec une grande intelligence et dans un remarquable esprit pratique. Or la compagnie du Nord, à la tête de laquelle se trouvent des hommes éminents en matière d'exploitation de chemin de fer, pour les grosses marchandises qui chez nous se divisent en trois classes, a établi six classes, et à côté du tarif général comprenant ces six classes, elle a un grand nombre de tarifs spéciaux ; le prix dans chacune de ces classes diminue d'ailleurs avec les distances et d'après une progression différente suivant les zones.
Ne sont-ce pas là des complications plus grandes que celles qui existent chez nous ? Je n'entends toutefois pas critiquer ce qui se pratique au chemin de fer du Nord ; nous n'avons pas à juger cette compagnie et si nous avions à la juger, nous ne pourrions que rendre hommage au talent avec, lequel elle est administrée ; seulement je dis que nous avons moins de complications que les exploitations qu'on nous cite comme modèles.
Pour le public belge comme pour le public français, ces complications sont du reste plus indifférentes qu'on ne le suppose ; le public ne sait généralement pas et n'est pas, au fond, intéressé à savoir sur quelles combinaisons se basent les prix qu'on lui demande. C'est le prix total qui l'intéresse seul.
Quant aux frais accessoires sur lesquels s'est appuyé principalement l'honorable M. Vermeire, pour ces détails d'exploitation nous avons encore l'avantage.
Voici ce que je lis dans le livret réglementaire de la compagnie du Nord :
« Il sera perçu en sus des taxes du tarif général :
« 1° Le droit d'enregistrement ;
« 2° Les frais de manutention au départ (chargement et frais de gare) ;
« Les frais de manutention à l'arrivée (déchargement et frais de gare) ;
« 3° Les droits de timbre par expédition ;
« 4° Les frais de magasinage ;
« 5° Les frais de pesage. «
Voilà tous frais accessoires.
Je disais tout à l'heure que nous avions un système plus simple. En effet, au lieu de sept catégories de marchandises, comme on les rencontre nominativement dans les tarifs anglais, au lieu de six séries comme cela se présente à la compagnie du Nord, nous n'avons que trois classes.
En fait de frais accessoires, nous en avons également moins que la compagnie du Nord. Je prie qu'on veuille bien le constater.
L'honorable M. Vermeire s'est demandé si l'on ne pourrait pas absorber ces frais accessoires dans le prix total des transports. Cela n'est pas toujours possible.
En effet, quels sont ces frais accessoires ?
Nous avons d'abord l'enregistrement. Or, l'enregistrement n'est pas proportionnel au poids du transport, il ne se compte qu'une fois par expédition.
Nous avons, en second lieu, la prise et la remise à domicile. Ici encore, il est impossible d'opérer l'absorption ; chacun est libre d'apporter, de venir prendre lui-même sa marchandise au chemin de fer. Comment pourriez-vous imposer à quelqu'un la prise ou la remise à domicile par les agents du chemin de fer ? Chacun fait à cet égard ce qui lui convient.
Pour les chargements et les déchargements, il en est exactement de même. Un expéditeur ou un destinataire charge ou décharge lui-même à sa volonté. Pourquoi voulez-vous lui imposer une taxe du chef de ces opérations, s'il préfère les faire lui-même ?
M. Vermeire. - Pour les matières pondéreuses, il a le droit de le faire, mais pas pour les autres marchandises.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Pour les matières pondéreuses il a le droit de le faire, dit l'honorable M. Vermeire, mais pas pour les antres marchandises. J'allais précisément y venir. Il est vrai que, pour certaines catégories de marchandises, la remise à domicile, par exemple, se fait obligatoirement par l'Etat. L'administration ne vous consulte pas ; j'admets que là l'absorption peut se faire, que là il peut y avoir des simplifications ; nous sommes, sur ce point, d'accord avec l'honorable M. Vermeire.
Je suis également d'accord avec l'honorable M. H. Dumortier (j'ai parlé jusqu'ici du tarif n°3), que pour le tarif n°1, celui des petits paquets, et pour le tarif n°2, celui des articles de messageries, il peut y avoir certaines simplifications dans l'établissement de la taxe, et puisque cela se peut, cela doit se faire, et il y aura prochainement certaines modifications quant aux bases de ces taxes.
Déjà ces simplifications sont introduites dans nos dernières conventions de service avec les compagnies étrangères ou les compagnies belges. Seulement on ne peut pas s'autoriser de ces détails, relativement minimes, pour prétendre que l'administration belge est arriérée à côté des autres administrations.
Je dis donc que, quant aux tarifs n°1 et n°2, qui forment la petite part dans ces grosses recettes que nous opérons et dans ce grand mouvement que nous effectuons, il y a quelques détails à améliorer ; ils seront améliorés, j'en prends l’engagement.
J'espère que les honorables membres comprendront ainsi que l'administration n'est pas imbue d'idées systématiques et qu'elle sait le reconnaître et corriger les abus.
J'appelle encore, avant de quitter ce point, l'attention sur une observation essentielle.
Ce qui provoque les complications, ce sont les relations mixtes, les relations avec les compagnies concessionnaires belges et celles avec les compagnies étrangères.
A cela nous ne pouvons absolument rien ou nous ne pouvons que peu de chose.
Je dis : Nous ne pouvons rien, ou, pour rendre plus exactement ma pensée, nous ne pouvons rien imposer ; les compagnies concessionnaires sont maîtresses chez elles, elles n'ont d’autre loi que celle de leur cahier des charges ; nous pouvons certainement les gêner, établir avec elles des relations plus ou moins bonnes afin de les amener indirectement à nos vues, mais notre puissance vis-à-vis d'elles ne va ordinairement pas plus loin.
En France, comme le rappelait l'honorable M. H. Dumortier, les diverses concessions se sont groupées par zones, ce qui est un excellent système.
En Belgique, ce système n'est malheureusement pas appliqué dans la mesure où il pourrait l'être.
En France donc, il existe quelques grandes administrations.
Eh bien, elles sont loin d'avoir entre elles des relations de service mixte aussi étroitement établies que le sont celles entre l'Etat et les compagnies belges.
Nous nous sommes adressés en vain à la compagnie du Nord pour avoir un service direct sur Marseille. Il n'existe pas de service mixte régulier entre la compagnie de Lyon-Marseille et la compagnie du Nord.
Une autre cause de complications, ce sont donc les rapports avec les compagnies étrangères. Voyez, par exemple, nos expéditions vers la France. II n'y a pas moins de 8 à 10 bureaux par lesquels ces expéditions peuvent passer, Il y a donc dix taxes différentes, parce que les (page 1030) distances sont différentes suivant que le transport prend l’une ou l'autre direction.
. Est-ce par Mouscron ? Est-ce par Maubeuge ? Est-ce par Erquelinnes ? C'est l'expéditeur qui doit fournir l'indication, et s'il a, au préalable, à comparer les prix, l'administration belge n'y peut, à coup sûr, rien. J'arrive à un point plus important.
Messieurs, pour ce qui est des réductions de tarif, je crois qu'à aucune époque antérieure on n'a fait autant d'efforts qu'aujourd'hui, pour arriver à donner sous ce rapport satisfaction à l'industrie sans risquer de compromettre la situation financière du chemin de fer.
Il y a deux moyens, messieurs, de réduire les prix de transport ; on peut les réduire par ce que l'on appelle des traités particuliers, c'est-à-dire des conventions faites avec un individu ; on peut les réduire par des modifications générales de tarifs.
De ces deux modes de réduction le plus défectueux, à mon sens, est incontestablement la réduction stipulée par traité. Cela peut être meilleur que l'application pure et simple du tarif, laquelle, dans un grand nombre de cas, aurait pour conséquence d'éloigner les transports, mais il faut rechercher un système plus rationnel.
Or, voici ce qui a été fait dans cette voie depuis quelques mois. La Chambre me permettra de lui exposer la nomenclature non pas des promesses qui ont été faites, mais des actes qui ont été posés.
A mon entrée au département, la question des traités particuliers et des tarifs spéciaux n'était point neuve ; on sentait parfaitement qu'il ne fallait pas appliquer d'une manière inflexible le tarif général, qu'il fallait exploiter, comme on dit, commercialement le chemin de fer, mais on ne savait pas bien comment on pourrait introduire des modifications sans porter atteinte aux recettes.
Quelques traités particuliers avaient été faits et, en attendant un système plus général, j'ai accordé un beaucoup plus grand nombre de traités ou plutôt j'ai appliqué les traités accordés, à tous les cas analogues, mais toujours par des stipulations particulières et seulement sur l'initiative des intéressés.
Cependant, j'annonçais, dans une discussion précédente, que l'administration s'efforcerait de substituer une série de tarifs spéciaux aux traités, aux fins d'admettre tout le monde au bénéfice des réductions. Ce système devait être, aux yeux de l’administration, à la fois plus simple et plus équitable. Comment cette promesse a-t-elle été tenue ? Voici la série des tarifs spéciaux qui ont été introduits.
1° Le 1er février 1860, nous avons fait un traité avec la compagnie du Luxembourg et avec l'Est français pour les transports vers la Suisse et vers l'Allemagne du Centre. C'était un premier acte, dont devait surtout profiter le port d'Anvers. Ce tarif spécial est resté debout. Il a été remanié le 1er mars dernier. Il consacre de larges réductions sur les tarifs ordinaires des diverses administrations en cause.
2° Le 29 février 1860, un autre tarif spécial a été convenu avec la compagnie du Luxembourg pour le transport des charbons en destination du Grand-Duché et de l'Est français.
3° Le 1er janvier 1861, l'administration belge a posé un acte plus important ; elle a introduit le principe, dans le tarif général, de la réduction du prix pour les transports à longue distance. Cette réduction commence à partir de la 16ème lieue. Le principe a été appliqué d'abord à certaines marchandises de la troisième classe, les charbons, les chaux, les pavés, les fontes.
4° Le 1er juillet 1861, l'administration a passé une convention avec la Flandre occidentale et avec la Compagnie de Lichtervelde à Furnes pour le transport des marchandises comprises dans le tarif du 1er janvier 1861, avec application des mêmes prix de base aux parcours réunis.
5° Le 1er novembre 1861, nous avons fait un tarif spécial pour le transport des charbons en destination de diverses stations de la ligne de Dendre-et-Waes.
La Chambre se rappellera que déjà, depuis quelques années, il existait un tarif spécial pour le transport des charbons vers Zele et Lokeren.
Ces transports s'effectuaient au prix uniforme de 4 fr. 50 c., quel que fût le lieu d'expédition ; les lieux de destination étaient réduits aux deux localités que je viens de citer.
Par le tarif du 1er novembre, nous avons étendu l'application de la mesure ; nous avons considérablement amélioré la convention faite avec la Compagnie de Dendre-et-Waes.
En effet, nous avons compris des localités nouvelles parmi celles qui jouissaient déjà de la réduction de prix ; nous n'avons pas maintenu le prix uniforme de 4 fr. 50 c ; nous y avons substitué un prix proportionnel au prix du tarif général, suivant le lieu d'expédition et suivant le lien de destination.
Enfin de plus, nous avons essentiellement modifié les bases du partage de la recette entre l'Etat et la compagnie.
Vous savez que l'Etat, pour les transports sur la ligne de Dendre et Waes, n'encaissait que 25 p. c ; or, d'après la nouvelle convention, sa quote-part sera de 35 p. c. sur les transports effectués eu exécution du tarif spécial.
La mesure prise aura donc pour résultat d'accroître le nombre de transports et d'augmenter la part de l'Etat dans le partage de la recette.
6° Le 1er décembre 1861, nous avons fait un tarif spécial pour le transport des charbons de Mons et du Centre vers la France par Momignies.
7° A la même date du 1er décembre 1861, nous avons fait un tarif spécial pour le transit, avec application des prix réduits pour les charbons, fontes, etc., aux marchandises de toute nature et de tout poids. Ce tarif établit le prix d'Anvers à la frontière de Prusse, à 20 c. par lieue et par 1,000 kilogrammes.
C'est une réduction de 40 p. c. sur les prix anciens, en faveur du port d'Anvers pour les expéditions sur l'Allemagne.
7° Le 1er décembre 1861, tarif spécial pour le transport des minerais du grand-duché de Luxembourg vers les établissements métallurgiques du Hainaut.
Ce tarif a une importance telle, qu'il m'a été affirmé cette semaine par un des premiers industriels du bassin de Charleroi que, dans un avenir prochain, l'importation du minerai du Luxembourg compenserait l'exportation du minerai de la Belgique vers la France.
8° Le 1er janvier 1862, extension du tarif réduit à la distance, indistinctement à toutes les marchandises de la 3ème classe.
9° Le 1er février 1862, tarif réduit à la distance, à toutes les marchandises de la 2§me classe.
10° Le 1er mars 1862, tarif spécial pour le transport du minerai des environs de Namur et de la Meuse vers les établissements métallurgiques du Hainaut et de la France.
Voilà les faits que le gouvernement a posés, dans ces derniers temps, dans l'ordre d'idées indiqué par les orateurs auxquels je réponds. Ces actes sont sérieux. J'ajoute que je ne fais aucune difficulté de reconnaître qu'il reste beaucoup à faire. Je ne m'autorise de ce que je viens d'exposer à la Chambre que pour démontrer que l'administration n'est pas du tout restée stationnaire.
En fait, ce n'est qu'un premier pas.
L'administration a cherché à améliorer un état de choses qui était défectueux ; j'entends parler des traités particuliers qui seuls apportaient des modifications au tarif ordinaire : elle a cherché à substituer autant que possible à ces traités des réductions par disposition générale et elle n'a porté provisoirement ces réductions que jusqu'au point où les recettes ne pouvaient guère être compromises, quel que fût le résultat de ses expériences.
Il est évident que si les essais auxquels elle se livre réussissent, comme pour ma part je n'en doute pas, elle ira plus loin ; j'ajoute que dès aujourd'hui elle élabore des projets pour étendre l'application des principes qu'impliquent les mesures qui ont déjà été prises. Mais, je le déclare à regret, nous sommes jusqu'à un certain point entravés, dans l'exécution de ces projets, par les compagnies concessionnaires.
Comme l'ont dit les honorables membres auxquels je réponds, il faut s'efforcer d'arriver à une situation telle que quand un homme ou des marchandises passent des lignes de l'Etat sur les lignes des compagnies, on ne s'aperçoive pas de ce passage. C'est ainsi qu'il faut entendre l'uniformité d'exploitation.
Or, puisque nous parlons de prix de transport, qu'il ne soit permis de rappeler que le gouvernement a constamment offert et continue d'offrir aux compagnies concessionnaires d'appliquer, de concert avec elles, les tarifs que je viens de faire connaître.
Lorsque nous avons introduit le principe de la réduction à la distance, nous en avons informé les compagnies, en les invitant de prendre une mesure analogue. Quelques compagnies ont accédé au désir du gouvernement ; d'autres s'y sont refusées.
C'est par des moyens indirects qu'on doit chercher à attirer les compagnies concessionnaires dans ce système. C'est ainsi que lorsqu'il s'est agi de la réduction du prix à la distance pour les marchandises de la 2ème classe, une compagnie qui était essentiellement intéressée à conserver chez elle le transport des verres à vitre, a fait une proposition à mon département pour le transport de cette marchandise en particulier. Mon département a décliné cette proposition. Il a répondu à la compagnie qu'en matière de tarifs réduits, elle devait prendre le tout ou qu'elle n'aurait rien. La compagnie céda.
(page 1040) Je pourrais citer d'autres exemples. (Interruption.)
L'honorable M. de Muelenaere me demande quel a été l'effet de ces réductions sur les chemins de fer. Les réductions portant sur les dernières marchandises comprises dans la troisième classe et sur toutes celles de la deuxième classe, sont trop récentes pour qu'on puisse en apprécier l'effet ; mais quant aux premières réductions sur certaines marchandises de la troisième classe, le résultat a été des plus satisfaisants. Là où sur les transports généraux nous n'avions eu, pendant les trois premiers trimestres de l'année 1861, qu'une augmentation de 2 pour cent, nous avons eu pendant la même période, pour les marchandises dont je parle, une augmentation de 81 p. c.
C'est en constatant ces résultats si favorables que le gouvernement s'est empressé d'étendre l'application du principe qu'il avait introduit.
Il est temps de me résumer.
Nous sommes donc d'accord qu'en matière de complications du tarif, il faut écarter toutes celles qu'on peut écarter ; nous sommes d'accord en fait qu'il y a quelques complications, que l'on peut faire disparaître. A cet effet, les modifications nécessaires seront prochainement introduites dans le tarif.
Nous sommes d'accord aussi qu'il faut tâcher d'avoir une exploitation autant que possible commune avec les compagnies concessionnaires ; je viens de constater que l'Etat marche vers ce but par tous les moyens dont il dispose et qu'il va même jusqu'à la contrainte indirecte. Je compte user de cette contrainte plus énergiquement que jamais ; car j'ai la conviction que le plus souvent les compagnies résistent à rencontre de leurs propres intérêts.
Nous sommes d'accord sur un troisième point, c'est qu'il faut réduire les tarifs jusqu'à la limite où les réductions ne seraient plus compatibles avec les exigences du trésor.
Je demande seulement qu'il soit bien établi que l'administration n'est pas restée en demeure à cet égard et qu'elle a fait, notamment dans ces derniers temps, des efforts qui méritent d'être encouragés.
Comme il s'agit d'un fait, il est juste qu'on le constate vis-à-vis de l'administration. Pour ma part, je déclare itérativement que, dans ma pensée, toutes ces réductions ne sont qu'un premier pas ; qu'il faut aller plus avant, le plus tôt et le plus loin possible.
Que faut-il pour cela ?
Il faut que l'expérience se charge de démontrer définitivement que ces réductions, comme je le crois fermement, sont aussi profitables à l'administration qu'aux particuliers.
Il faut aussi que l'on saisisse le moment opportun, car si l'on introduisait des modifications un peu profondes d'une manière intempestive, on risquerait fort de ne pas en recueillir de bénéfices.
Le principe ne serait pas entamé pour cela.
L'échec dans les recettes ne serait pas le fait des modifications dans les tarifs.
Mais il ne faut pas compromettre le principe des réductions par des résultats qui ne seraient pas favorables, qui auraient une apparence fâcheuse et qui pourraient induire le public en erreur.
Il faut donc choisir le moment.
Je le proclame d'ailleurs hautement, je suis aidé efficacement dans cette œuvre par le personnel de l'administration. Il y a dans l'administration beaucoup d'hommes d'une grande intelligence et d'une grande énergie. Vous pouvez tous constater combien l'exploitation de nos chemins de fer offre de sécurité et de régularité. C'est une première preuve du dévouement et du zèle intelligent de l'administration.
Mais je puis mieux constater que tout autre les dispositions de l'administration quant aux réformes réclamées par les Chambres. Elles sont telles que les Chambres peuvent attendre de l'administration un concours complet et incessant.
Il me reste un mot à dire. C'est en réponse à certaines demandes de renseignements faites dans la séance d'hier par les honorables députés de Marche et de Liége, en ce qui concerne le chemin de fer de l'Ourthe, par les honorables MM. de Montpellier et Moncheur, en ce qui concerne le chemin de fer de Tamines à Landen et de l'honorable M. Goblet, au sujet du chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain.
Je dois tout d'abord déclarer que je propose à la Chambre d'ajourner toute discussion sur ces questions jusqu'à un avenir prochain.
Le gouvernement élabore en ce moment un projet de travaux publics, qui sera déposé, dans le cours de cette session, assez à temps pour pouvoir être discuté avant la séparation des Chambres.
Il sera grand, il sera petit, mais il y en aura un. C'est à cette occasion qu'on pourra discuter d'une manière plus opportune les diverses questions soulevées hier par les honorables membres.
Cette discussion serait prématurée aujourd'hui, car il y a quelques points sur lesquels le gouvernement n'a pas encore pris de décision ; elle serait oiseuse sur d'autres points, parce que là où le gouvernement accorde, là où le gouvernement refuse, la discussion actuelle ferait double emploi avec celle qui ne manquerait pas de se produire plus tard.
Je crois donc qu'à tous égards il convient d'accepter l'ajournement à courte échéance que j'ai l’honneur de proposer.
Pour dire quelques mots des diverses lignes dont on a demandé la concession, je n'ai absolument rien à retrancher de la déclaration que j'ai faite dans un autre enceinte et dans une autre session, en ce qui concerne le chemin de fer de la vallée de l'Ourthe. J'y suis resté complètement sympathique.
En ce qui touche le chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain, je persiste à croire que ce serait une faute d'accorder la concession de ce chemin de fer si l'Etat peut le construire lui-même.
A tout événement, et comme je l'avais promis, j'ai fait procéder à une nouvelle étude de ce chemin de fer. Je n'en ai pas encore les résultats complets ; je les attends tous les jours, ainsi que je l'ai déclaré à la section centrale qui m'a interpellé à cet égard ; mais ce que je sais suffit pour que je me félicite d'avoir remis cette affaire à l'étude.
Les indications qui m'ont déjà été fournies ne changeront pas très profondément la situation de l'affaire au point de vue financier, mais elles prouvent cependant que la ligne directe de Bruxelles à Louvain ne doit pas coûter autant que le gouvernement l'avait supposé.
Il y aura une certaine économie sur le projet qui avait été communiqué primitivement à la Chambre.
En ce qui concerne Je chemin de fer de Namur à Landen, tout ce que je puis en dire aujourd’hui, c'est qu'on poursuit toujours la construction de la ligne concurrente de Tamines à Landen et que des capitalistes sont encore venus en demander la concession hier.
J'ignore jusqu'à quel point leurs offres sont sérieuses ; je me borne à dire que ce chemin de fer n'est pas enterré, qu'on s'en occupe toujours. C'est à ceux qui poursuivent la concession du chemin de fer de Namur à Landen de voir jusqu'à quel point le premier pourrait porter entrave au second.
Je m'en tiendrai pour le moment à ces quelques mots. Pour toutes les lignes dont la concession est demandée, la position du gouvernement est la même.
Ce sont des questions à discuter ultérieurement. Il n'y a aucune déclaration du gouvernement à faire pour le moment.
M. Loos. - Il n’y a rien de préjugé pour les lignes sur Terneuzen ?
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Rien.
(page 1029) M. Hymans. - Messieurs, je n'étais pas présent à la séance avant-hier lorsque d'honorables collègues ont cru devoir rectifier ce qui a paru dans quelques journaux relativement au dernier comité secret.
Si j'avais assisté à la séance, je n'aurais pas cru devoir prendre la parole parce que je n'avais absolument rien à voir dans cette discussion. Mais aujourd'hui je lis dans le Bien public de Gand, que le collègue indiscret qu'on a interpellé dans cette Chambre et qui s'est tu, c'est moi.
Vous comprenez, messieurs, qu'après cela il m'est impossible de garder le silence et que j'ai aussi le droit de faire insérer mes deux mots de protestation dans les Annales parlementaires.
Je ne veux pas accepter auprès du public, auprès de personnes honorables dont l'estime m'est chère, le reproche qui m'est adressé par le journal que je viens de citer.
A chacun la responsabilité de ses actes. A l'honorable membre qui laisse planer injustement sur un de ses collègues un pareil soupçon, la responsabilité de son silence.
Quant à moi je sais trop ce que je dois à mes honorables collègues, adversaires ou amis, pour ne pas comprendre que ma position dans la presse, position hautement avouée, qui n'est un mystère pour personne, m'impose ici une réserve toute spéciale, et c'est parce que j'ai la conscience de n'avoir, dans aucune circonstance, failli à mes devoirs en cette matière, que je répudie comme une injure, le soupçon d'être l'auteur de l'indiscrétion contre laquelle vous avez, à si juste titre, protesté dans votre séance d'avant-hier.
M. Guillery. - Messieurs, je suis tout prêt, quant à moi, à faire la même déclaration que l'honorable M. Hymans.
Je crois, du reste, qu'on me fait jouer un assez sot rôle dans les révélations dont il s'agit, pour que je puisse m'abstenir de faire celle déclaration.
Mais si j'ai pris la parole, c'est pour engager mes honorables collègues à se reposer un peu sur le bon sens public pour faire justice de semblables récits, et de ridicules imputations.
Je déclare que si vingt journaux déclaraient que je suis l'auteur de l'indiscrétion, je ne me croirais pas obligé de venir protester à la tribune contre une pareille allégation.
M. Hymans. - Je crois être seul juge de ce. que j'ai à faire.
M. Guillery. - Je ne pense pas avoir rien dit de personnel ni de désobligeant pour l'honorable M. Hymans ; je parle pour l'avenir, et je dis que le bon sens public suffit pour faire justice de semblables imputations.
Nous ne pouvons évidemment revenir tous les jours sur cet incident.
Si, demain, il plaît à une plume méchante de venir imputer le même fait à un autre membre et de dire : « Maintenant que M. Hymans s'est justifié, en voici un autre qui est probablement le coupable, » et si celui-ci ne proteste pas à son tour, il sera censé avoir, par son silence, accepté la condamnation.
Evidemment, il y aurait là une succession de protestations qui ne serait pas digne de la Chambre.
Les journaux sont parfaitement libres de dire ce qu'ils veulent, sous (page 1030) leur responsabilité ; c'est à l'opinion publique qu'il faut abandonner l'appréciation des faits qu'ils allèguent, des idées qu'ils émettent, comme elle apprécie ce que nous faisons et ce que nous disons.
Aussi, tout en comprenant parfaitement la susceptibilité de M. le minis re des affaires étrangères ; tout en comprenant parfaitement aussi que l'honorable M. Dolez soit venu à son tour faire la déclaration que vous avez entendue, et tout en rendant hommage au sentiment qui les a guidés, je crois (si la Chambre veut bien me permettre de le dire, je n'ose pas dire : de le lui conseiller) que ce qu'il y a de mieux à faire, c'est de ne pas relever ce qu'il plaît à la presse de dire de nous. Ce n'est certes pas par dédain pour la presse ; mais la Chambre et la presse constituent deux pouvoirs distincts ; chacun d'eux doit être et rester libre dans son action et je ne pense pas que nous soyons en quelque sorte tenus à discuter ici l'usage que fait la presse de la liberté dont elle jouit.
M. Hymans. - Je n'ai, quant à moi, aucune espèce de dédain pour la presse ; je ne la dédaigne en rien et je fais mon profit de ses conseils quand ils sont bons.
J'admets parfaitement que la presse nous discute ; mais je n'admets pas qu'elle nous attribue des faits faux, qu'elle nous attribue des actes que nous n'avons pas posés et nous fasse jouer, aux yeux du pays, un rôle que nous n'avons pas joué.
Aussi, chaque fois qu'on m'attribuera des actes auxquels je serai resté étranger, je protesterai, tout en laissant à chacun la liberté d'apprécier ma conduite ; je protesterai, dans cette Chambre s'il s'agit d'un acte de ma vie parlementaire, en dehors de cette enceinte s'il s'agit d'un acte étranger à ma position de représentant. Chacun apprécie comme il l'entend le soin de sa dignité.
M. le président. - L'incident est clos ; nous reprenons la discussion du budget des travaux publics.
M. de Moor. - Après la déclaration que vient de faire M. le ministre des travaux publics, je pourrais me dispenser de prendre la parole. Cependant, j'aurais tort peut-être de garder le silence, car je me souviens que l'année dernière aussi on nous avait promis le dépôt d'un projet de loi de travaux publics et cette annonce est restée à l'état de promesse. Je fais allusion au chemin de fer de Sedan à la frontière grand-ducale, dont la concession était demandée et que j'espérais voir compris dans ce projet de loi.
M. le ministre des travaux publics nous a dit hier que « par des circonstances fortuites et à coup sûr indépendantes de la volonté du gouvernement, cette convention, qui devait naturellement être soumise à la législature, n'aurait pu lui être présentée avec le projet de loi tendant à la ratifier que 3 ou 4 jours avant la clôture de la session. »
Je ne sais, messieurs, quels motifs péremptoires ont empêché le gouvernement de présenter ce projet de loi ; mais il est évident pour moi que si ce projet et la convention nous avaient été soumis et discutés, nous serions probablement aujourd'hui en possession d'une compagnie concessionnaire qui aurait, à l'heure qu'il est, déposé ses plans et peut-être même commencé déjà les travaux. Je regrette donc très vivement que le gouvernement ne se soit pas trouvé en position de présenter ce projet de loi.
Dans une séance précédente, mon honorable ami M. d'Hoffschmidt a traité, avec l'autorité qu'a toujours sa parole dans cette enceinte, des questions qui intéressent au plus haut point l'avenir et la prospérité du Luxembourg. Les honorables MM. Orban, Braconier et Mouton ont également, dans la séance d'hier, appelé la sérieuse attention du gouvernement sur des lignes internationales destinées à apporter la richesse dans certaines parties de la province de Luxembourg, tout en augmentant la prospérité de ses sœurs et spécialement celle de Liège.
Je n'ai donc rien à ajouter, sur ce point, aux observations si péremptoires de mes quatre honorables amis.
Je me borne à prendre acte de la déclaration que nous a faite hier M. le ministre des travaux publics et qui nous donne la garantie que les demandeurs en concession de la ligne de Sedan vers le grand-duché vont être mis en demeure de se prononcer d'une manière catégorique sur leur intention d'abandonner leur demande en concession ou d'y persister.
Je désire autant que possible que le gouvernement entame des négociations avec la Prusse afin d'obtenir qu'éventuellement le chemin de fer de Sedan à la frontière grand-ducale soit continué à partir de la frontière grand-ducale jusqu'à Coblentz ; car, c'est là, messieurs, la condition principale de l'exécution de ce chemin de fer.
Mais, dans tous les cas, j'espère bien que M. le ministre des travaux publics ne consentira pas à l'abandon de l'embranchement de Longlier à Bastogne. C'est, à mes yeux, une question d'honneur pour le gouvernement ; je dirai plus : c'est une question d'honneur pour la compagnie du Grand -Luxembourg.
Ce que j'ai dit à cet égard en 1860, je ne puis que le répéter aujourd'hui ; et je le fais avec d'autant plus de plaisir que la compagnie du Grand-Luxembourg est aujourd'hui dans une position fort prospère. Eh bien, si équitablement et légalement le gouvernement est en position de forcer la compagnie à s'exécuter, à la place de la compagnie, je m'empresserais de m'exécuter loyalement et sans contrainte.
Du reste, son propre intérêt l'y convie instamment. L'honorable M. d’Hoffschmidt a démontré, dans une précédente séance, que le coût moyen du kilomètre de chemin de fer serait excessivement minime, et je suis convaincu que ce tronçon rapportera des bénéfices au-delà de toute prévision.
L'honorable M. Braconier disait hier que si quelqu'un avait prédit qu'un jour le chemin de fer du Luxembourg n'aurait plus besoin de la garantie d'un minimum d'intérêt, il eût été accueilli par d'unanimes éclats de rire. Eh bien, je crois qu'une prédiction semblable à propos de la ligne de Longlier à Bastogne serait acceptée très sérieusement, car enfin, le Luxembourg n'était pas connu avant l'établissement de la voie ferrée qui le traverse, et il s'est fait connaître par la prospérité remarquable de cette grande ligne.
Je demanderai maintenant la permission à la Chambre de présenter une observation à M. le ministre des travaux publics sur une des branches de son administration ; je veux parler du service des postes.
La position qui est faite aux percepteurs et aux distributeurs des postes est évidemment insuffisante ; j'en trouve la preuve dans ce qui se passe journellement. Ainsi, dans un grand nombre de localités nous voyons des percepteurs ou distributeurs s'occuper, les trois quarts du temps, de tout autre chose que de leur service. Dans la situation actuelle une partie d'entre eux par suite de l'insuffisance de leurs traitements sont portés à exercer simultanément d'autres emplois, notamment dans la banque, le commerce, etc.
Je pourrais citer des choses inouïes qui se passent et des cumuls qui, véritablement, ne devraient pas être tolérés. Je crois qu'il est impossible que l'administration supérieure des postes ne soit pas informée des abus auxquels je fais allusion ; ils sont de notoriété publique et font le plus mauvais effet sur l'opinion publique.
Je ne veux pas faire intervenir ici des noms de personnes, mais je prie M. le ministre des travaux publics de s'enquérir auprès de ses chefs d'administration des faits qui ont été signalés à leur attention.
La chambre de commerce de la province de Luxembourg, si elle n'a pas signalé des faits de l'espèce, a du moins fait connaître à M. le ministre des travaux publics que le service postal dans le Luxembourg laisse beaucoup à désirer. (Interruption.) M. le ministre n'est pas encore saisi de cette réclamation de la chambre de commerce ? C'est possible, mais il le sera au premier jour, car je sais qu'elle a pris une résolution dans ce sens, à l'effet de démontrer au chef du département des travaux publics, que l'organisation du service rural dans certains cantons est des plus déplorable.
Qu'il me soit permis d'en donner un exemple : Une commune qui est à 10 minutes de distance d'un bureau de poste est desservie par un bureau qui se trouve à trois lieues. Malgré les réclamations parfaitement motivées arrivées à l'administration des postes, cet état de choses subsiste encore, mais je suis convaincu qu'il ne subsistera plus longtemps et que bientôt Bure recevra ses correspondances de Grupont qui n'est certes pas à plus de dix minutes. Je pourrais citer d'autres communes qui se trouvent dans la même position que Bure.
Les observations présentées par MM. Cumont et de Montpellier, sont de la plus exacte vérité. Ce qu'ils ont signalé m'est arrivé.
Le télégraphe a prétendu que mon nom s'écrivant en deux mots, je n'avais pas le droit de signer en un seul mot ; je n'ai pas pu signer comme je l'entendais.
M. de Montpellier vous a dit que, quand on arrive d'une ligne de l'Etat, pour prendre celle du Luxembourg, on a à peine le temps de passer d'une voie sur l'autre. Ainsi, si vous venez du Hainaut, de Mons, de Soignies, de Braine-le-Comte ou de Charleroi par un convoi qui part de Bruxelles à 7-20 du matin et arrive à Namur à 10 heures 45, savez-vous quel temps vous avez pour prendre votre billet et faire peser vos bagages ? Vous arrivez à 10 heures 45 et vous devez partir à dix heures 50 minutes. Vous avez cinq minutes pour prendre votre billet, faire peser vos bagages et reprendre le train qui doit vous mener dans le Luxembourg, en France et en Allemagne, et ce grave inconvénient subsiste parce qu'il n'est pas permis à une station quelconque de l'Etat, de prendre un bulletin à destination d'une station quelconque du Luxembourg, comme vous ne pouvez pas davantage faire peser et enregistrer vos bagages pour parcourir toute la ligne que vous avez à suivre.
Je signale ce fait à M. le ministre, convaincu qu'il s'empressera de le faire cesser.
(page 1031) M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je prends la parole pour dire un seul mot touchant les cumuls signalés par l'honorable M. de Moor, dans l'administration des postes. Il ne faut pas se faire illusion, il est impossible d'avoir à tous les degrés dans l'administration des postes des agents qui n'appartiennent qu'à la poste. Nous avons malheureusement, je dis malheureusement et j'espère que cela ne durera plus longtemps, beaucoup de distributeurs qui ne sont payés qu'à raison de 600 fr. de traitement, plus 200 fr. de frais de loyer de régie, ce qui fait en tout 800 fr.
Comment voulez-vous que ces agents vivent avec de pareils appointements, s'ils ne se créent pas d'autres ressources ? comment voulez-vous que des agents qui doivent avoir une certaine instruction et qui ont une responsabilité sérieuse, qui ont à vaquer à des occupations chaque jour plus compliquées, vivent avec huit cents francs, eux, leur femme et leurs enfants ?
Dans l'intérêt de la sécurité de la transmission des dépêches, il faut qu'ils aient un autre gagne-pain, qu'ils fassent autre chose, à moins que le gouvernement ne double leurs appointements.
Je cite un exemple au bas de l'échelle ; si on veut interdire tout cumul, où devra commencer l'interdiction ? Le gouvernement doit chercher ses agents parmi les secrétaires et les receveurs communaux, les clercs de notaires, etc.
C'est là une question de détail d'administration. (Interruption.) Si vous êtes d'accord avec moi, je suis d'accord avec vous, que l'administration doit agir avec circonspection. Si un boutiquier bien établi se trouve chargé d'un service de la poste, la question de savoir s'il faut le conserver est, je le répète, une question de mesure, d'appréciation.
Je crois connaître le fonctionnaire auquel l'honorable membre a fait allusion.
M. de Moor. - Je n'ai fait allusion à personne, je pourrais en citer six.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je n'en connais qu'un.
On pourrait supposer, d'après les paroles de l'honorable membre, que je connais une masse d'abus et que je les laisse subsister ; on n'a qu'à me les signaler, je les ferai cesser immédiatement. Quant à l'agent dont je parle, son bureau m'a toujours été signalé comme parfaitement bien tenu, comme tenu d'une manière exceptionnelle ; il s'agit d'un agent qui a commencé dans la position la plus modeste et qui, grâce à son activité, à son intelligence, a fait son chemin dans le monde.
Une dénonciation m'est arrivée contre lui, il y a peu de semaines ; j'ai immédiatement fait ouvrir une enquête, j'ai envoyé un agent supérieur de l'administration sur les lieux, une instruction a été faite, à la suite de laquelle j'ai reçu un rapport des plus favorables sur le compte du fonctionnaire incriminé.
Postérieurement à cette enquête, ce fonctionnaire a demandé communication de la dénonciation à l'effet d'en poursuivre l'auteur en dénonciation calomnieuse. L'affaire en est là.
Je déclare que l'on n'autorise le cumul que quand il ne paraît pas présenter d'inconvénient, et en second lieu, quand des faits sont signalés au département, il n'a rien de plus pressé que de s'enquérir de la vérité des faits dénoncés.
M. d’Hoffschmidt. - J'ai écouté avec infiniment d'attention les explications que M. le ministre des travaux publics a données dans la séance d'hier sur les questions que j'avais posées dans mon premier discours. Je regrette de devoir dire que ces explications ne me semblent nullement favorables aux intérêts de la province à laquelle j'appartiens.
J'ai demandé pour le Luxembourg deux petits chemins de fer qui ne coûteraient rien à l'Etat et je crains de n'en obtenir aucun.
M. le ministre vient de nous dire que le moment n'était pas arrivé d'entamer la discussion de ces questions de concession de chemin de fer, qu'elle serait prématurée.
Aussi je ne veux pas examiner la question au fond, mais je dois faire observer que quand une résolution aura été prise par le gouvernement, il sera difficile d'en revenir ; pour l'honorable ministre lui-même il est bon de le prémunir contre toute décision qui aurait des conséquences fâcheuses pour une certaine partie du pays et que lui-même regretterait peut-être plus tard. Je serai, du reste, très bref. Je n'abuserai pas des moments de la Chambre.
Voyons l'explication donnée quant à l'embranchement de Bastogne ; voici comment M. le ministre s'est exprimé :
« Je compte m'assurer immédiatement auprès des entrepreneurs de leurs vues quant à la convention dont je viens de parler et si les renseignements que je recueillerai confirment ceux que l'honorable préopinant nous a fournis hier, je verrai s'il n'y a pas lieu de réclamer de la compagnie du Luxembourg l'exécution de l'embranchement de Bastogne, »
Vous voyez que le ministre ne s'engage pas à grand-chose, car il dit qu'il verra s'il faut réclamer de la compagnie du Luxembourg l'exécution d'un engagement pris il y a 48 années.
Eh bien, c'est sur ce point surtout que je ne suis pas d'accord avec l'honorable M. Vanderstichelen.
Je ferai d'abord observer que l'arrangement qui a été conclu entre le gouvernement et les demandeurs en concession étrangers pour l'exécution d'une ligne partant de Sedan et devant traverser la province de Luxembourg n'a nullement dégagé la société du Luxembourg de l'obligation de construire la section de Longlier à Bastogne. Cette obligation existe, et je crois que si l'on tient à l'exécution de la grande ligne qui est évidemment préférable et que j'appelle de tous mes vœux, le meilleur moyen serait d'exécuter d'abord la section de Longlier à Bastogne.
Je ne doute nullement que, si cette section était construite, les autres parties de la grande ligne ne tarderaient pas très longtemps à se faire. Ainsi en poussant à l'exécution de la section de Longlier à Bastogne, l'honorable ministre amènerait indubitablement, dans un avenir peu éloigné, l'exécution de la ligne entière partant de Sedan et traversant la province de Luxembourg.
Il n'y a donc aucun motif pour subordonner la construction de l'embranchement de Bastogne à l'arrangement qui a été conclu avec des capitalistes étrangers.
Maintenant, messieurs, comme je l'ai dit tout à l'heure, qu'est-ce que M. le ministre se propose de faire ?
« Il verra, dit-il, s'il n'y a pas lieu de réclamer de la compagnie du Luxembourg l'exécution de l'embranchement. »
Ce qui pour moi revient à dire qu'il se bornera à demander à la compagnie du Luxembourg si elle daigne enfin exécuter l'embranchement de Bastogne.
Cela n'ira pas plus loin, et si la compagnie résiste, il est probable que nous resterons dans la même situation fâcheuse où nous nous trouvons depuis si longtemps.
Je me permettrai cependant de rappeler à M. le ministre des travaux publics que la compagnie du Luxembourg n'a obtenu la concession de la belle ligne de Bruxelles à Namur qu'à la condition expresse de faire l'embranchement de Bastogne et un embranchement vers l’Ourthe. Cette condition, elle l'a acceptée avec empressement, et je puis en parler avec connaissance de cause, car j'étais alors au ministère des travaux publics, et c'est moi-même qui ai rédigé la convention.
En second lieu, le gouvernement a constamment usé, et il a bien fait, de bienveillance et de bon vouloir à l'égard de cette compagnie. Il aurait pu, à différentes reprises, proclamer sa déchéance.
Il ne l'a pas fait, et il a bien fait, je le répète encore ; et en définitive, cette concession du chemin de fer de Luxembourg, qu'on considérait, il y a un certain nombre d'années, je dois le reconnaître, comme une affaire assez douteuse, est la plus belle, la plus grande, la plus profitable de toutes les concessions du pays.
Qu'attend donc dès lors M. le ministre des travaux publics pour mettre cette société en demeure ? En 1860 il nous disait : « Je crois que la compagnie devra s'exécuter lorsqu'il sera vrai de dire qu'elle est en voie de faire fructifier son entreprise. »
Eh bien, cette situation qu'il nous indiquait en 1860, elle est déjà atteinte.
Cette exploitation grandit chaque jour ; les actions de la compagnie haussent à la bourse, son crédit s'est grandement développé. Elle jouit d'un trafic énorme.
Elle a des transports extrêmement considérables des houilles de Charleroi vers le grand-duché et vers la France ; et M. le ministre des travaux publics vient de nous apprendre tout à l'heure qu'elle allait avoir en retour, ce qui est extrêmement avantageux pour un chemin de fer, les minerais de fer de la province de Luxembourg en quantités en quelque sorte innombrables.
Bien plus, la société se trouve dans une situation tellement avantageuse qu'elle demande une nouvelle concession au gouvernement. C'est elle, si je ne me trompe, qui désire obtenir la concession de la ligne de Marche à Liége par la vallée de l'Ourthe avec garantie d'intérêt.
M. le ministre des travaux publics, et j'appelle son attention toute spéciale sur ce point, aura donc maintenant une occasion favorable pour déterminer la société du Luxembourg, qui a tort de se montrer si récalcitrante, à faire l'embranchement de Bastogne ; qu'il en fasse une condition de la concession de la ligne de Marche à Liège. Cette condition ne sera nullement défavorable à la compagnie, comme (page 1032) le disait tout à l'heure l'honorable M. de Moor. Car cet embranchement de Bastogne, je l'ai démontré à satiété, sera un affluent très utile et coûtera très peu à cette compagnie.
Si M. le ministre, au contraire, et j'avoue que j'ai des craintes à cet égard, accordait cette nouvelle concession à la compagnie du Luxembourg sans lui imposer l'obligation d'exécuter enfin l'embranchement de Bastogne, je dois le dire, ce serait une résolution tout à fait inqualifiable. Lorsque la compagnie du Luxembourg aurait obtenu cette nouvelle concession, comme elle n'a plus besoin de la garantie du minimum d'intérêt, il est évident que nous serions entièrement à sa merci ; elle pourrait, comme le disait quelqu'un, attendre 09 ans avant de faire cet embranchement.
Messieurs, cette position, j'engage le gouvernement à ne pas l'accepter ; ce serait réellement trop de complaisance, on dirait, en un mot, que le gouvernement n'a qu'une crainte dans cette affaire, c'est de gêner la compagnie, c'est de lui déplaire.
Messieurs, je passe au second chemin de fer, dont j'ai parlé hier, celui de Spa à la frontière du grand-duché.
J'ai obtenu sur ce point un concours inespéré : c'est celui de l'honorable M. Moncheur, qui a appuyé également ce chemin de fer, en démontrant toute son utilité.
M. le ministre a répondu par une objection qui m'a surpris de la part d'un esprit aussi distingué que le sien.
Ce chemin de fer, dit-il, ferait double emploi pour le transport des houilles de Liège avec celui de la vallée de l'Ourthe.
En vérité, messieurs, je croyais que nous étions bien loin de ces opinions surannées, à savoir qu'un chemin de fer ne doit pas faire concurrence à un autre chemin de fer.
Je ne pense pas que telle puisse être la pensée réelle de M. le ministre des travaux publics.
Dans mon opinion, ces deux chemins de fer doivent être immanquablement exécutés, parce qu'ils ont tous les deux un haut degré d'utilité et ils ne doivent pas le moins du monde s'exclure l'un l'autre ; et celui de Spa doit être d'autant plus exécuté, qu'il ne coûtera absolument rien à l'Etat.
D'après ce que j'ai exposé, d'après ce que vous avez entendu, le chemin de fer projeté de Spa à Diekirch ne coûtera rien à l'Etat et lui procurera un affluent extrêmement avantageux pour son chemin de fer.
L'honorable ministre des travaux publics, en nous disant donc que cette voie ferait double emploi pour le transport des houilles de Liège, ce qui, tout au moins, serait avantageux aux producteurs et aux consommateurs, n'a point songé aux localités intermédiaires.
Vous avez Verviers, qui demande avec instance l'exécution de ce chemin de fer, auquel elle attache la plus haute importance, comme toutes les localités voisines, et je serais très étonné si un honorable député de cet arrondissement ne prenait point la parole pour le réclamer.
Vous avez ensuite Stavelot ,vous avez une partie du Luxembourg ; comment serait-il possible de refuser à ces populations un chemin de fer qui ne coûterait rien à l'Etat, qui serait même productif pour les recettes du railway national ? Pourrait-on dire à ces populations :
« On demande la concession d'un chemin de fer qui serait fort utile à vos intérêts, mais nous ne voulons point l'accorder parce que nous avons l'intention de faire un autre chemin de fer et que le vôtre lui ferait concurrence. » Cette position ne serait en réalité pas tenable.
Messieurs, je dois le dire à la Chambre, j'éprouve une crainte : c'est, que le nouveau projet sur les travaux publics, d'abord annoncé par le discours de la couronne et promis ensuite par M. le ministre, ne soit encore une déception pour la province à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir. Savez-vous ce que sera, selon toute probabilité, ce projet ?
On laissera à l'écart tout ce qui concerne l'embranchement de Bastogne, parce qu'il ne convient pas à la compagnie du Luxembourg. Ou ne proposera pas le chemin de fer de Spa vers Diekirch parce qu'il ferait concurrence à la compagnie du Luxembourg, et enfin la concession du chemin de fer de la vallée de l'Ourthe avec garantie d'un minimum d'intérêt, sera accordée, parce qu'elle est demandée par la compagnie du Luxembourg.
Eh bien, messieurs, telles sont les craintes qui m'ont déterminé à prendre la parole. Je regretterais profondément qu'un ministre aussi bienveillant que M. Vanderstichelen mît une semblable insouciance en ce qui concerne nos droits et nos légitimes réclamations.
Il est temps qu'un engagement sur lequel nous comptons depuis si longtemps soit enfin exécuté.
M. Thibaut. - Messieurs, en demandant la parole, dans la séance d'hier, je me proposais d'appuyer les considérations que mon ami, l'honorable M. Moncheur, a fait valoir en faveur de la canalisation de la Meuse. Je voulais aussi engager le gouvernement à présenter, dans la présente session, un projet de loi de travaux publics.
Quant à ce second point, l'honorable ministre a prévenu mes désirs en déclarant, il n'y a qu'un instant, que le gouvernement s'occupait d'un projet de loi de cette nature, projet dont nous serions bientôt saisis. Je renoncerai donc volontiers à la parole, si l'honorable M. Vanderstichelen veut bien nous promettre de comprendre dans l'ensemble des travaux, qu'il proposera à la Chambre de décréter, l'achèvement de la canalisation de la Meuse entre Namur et Chokier. J'aurai alors l'espoir que l'on s'occupera prochainement de la canalisation de la Meuse depuis Namur jusqu'à la frontière française.
Pour cette partie de la Meuse, je me borne à demander à M. le ministre de faire achever les études qui ont été commencées. Depuis plusieurs années, nous ne cessons de réclamer un plan complet et des devis exacts qui nous fassent connaître la dépense qu'entraînera la canalisation. Ils nous ont été promis au moins trois fois depuis 1858. Je désire qu'ils soient déposés en même temps que le projet de loi annoncé par M. le ministre des travaux publics.
M. David. - L'honorable ministre des travaux publics nous adressait tantôt une invitation à laquelle peuvent se rendre très facilement quelques députés qui sont à peu près certains que les travaux auxquels ils s'intéressent figureront dans le projet de loi à soumettre prochainement à la Chambre ; en ce qui nous concerne, nous ne sommes pas dans la même position, car je crains que le chemin de fer de Spa vers le Luxembourg ne se trouve pas compris dans le projet de loi de travaux publics à présenter prochainement aux Chambres législatives.
Vous savez, messieurs, que lorsque le gouvernement n'a pas inscrit lui-même tel ou tel projet de travail dans les propositions présentées par lui, il est extrêmement difficile, si pas impossible, d'introduire ce travail dans la loi, soit pour une section, soit pour la section centrale, soit à plus forte raison, pour la députation d'un arrondissement.
Au moment de la discussion de la loi, les amendements de l'espèce sont impitoyablement rejetés.
Je dois donc insister de toutes mes forces pour que M. le ministre examine les propositions faites relativement au chemin de fer de Spa vers la frontière du Luxembourg.
Il me sera permis, messieurs, d'indiquer quelques-uns des avantages que présentera ce chemin de fer. Il y a d'abord ceux que présentent à peu près toutes les voies ferrées, je ne vous fatiguerai pas en vous en donnant une nouvelle nomenclature, je ferai principalement ressortir l'intérêt qu'il présente au point de vue du rapprochement de la distance qui sépare l'arrondissement de Verviers, de Luxembourg, à partir de Verviers jusqu'à la ville de Luxembourg.
Dans l'état actuel des choses en passant par Liège, Namur et Arlon, nous avons un parcours de 253 kilomètres, tandis que par le chemin de fer de Pepinster, Spa et Stavelot, il n'y aurait que 105 kilomètres ; cette dernière ligne est ainsi plus courte de 88 kilomètres.
Par la ligne de l'Ourthe nous aurions jusqu'à Luxembourg un trajet de 207 kilomètres, tandis que par la ligne de Pepinster, Spa, Stavelot, la distance n'est que de 105 kilomètres. Par cette dernière voie nous économiserions donc encore 42 kilomètres. Cette réduction dans la distance à parcourir est d'une importance énorme pour tout l'arrondissement de Verviers.
Nous avons des produits de toute espèce à transporter et à recevoir, nos expéditions à opérer par cette ligne sont non seulement destinées au grand-duché de Luxembourg, mais également à l'est de la France, à la Suisse, à l'Italie, à la partie méridionale de l'Allemagne. C'est par la ligne que nous demandons que nous serions appelés à faire toutes les expéditions vers le sud de nos nombreux produits.
Vous voyez, messieurs, qu'au point de vue du trafic, nous pouvons invoquer tous les avantages que présente une ligne courte, économique et rapide.
Pour ne pas abuser de vos moments, je me suis abstenu d'entrer dans de nombreux détails, dont j'aurais pu faire état, et je vais, messieurs, vous exposer d'autres titres bien puissants en faveur de la ligne que tout mon arrondissement attend avec impatience.
Je vais vous démontrer, messieurs, que toutes les contrées dont je viens de parler ont, pour ainsi dire, un droit acquis à l'exécution de ce chemin de fer. Déjà, en 1846, nous aurions obtenu la construction sinon de la totalité, au moins d'une grande partie de cette ligne. Mais afin de rendre possible, ce sont des déclarations de M. le ministre des travaux publics d'alors, afin de rendre possible l'exécution du chemin de fer du Grand-Luxembourg, on inséra dans la convention du 15 février 1846, un (page 1033) article 47, par lequel le gouvernement prenait l’engagement de ne concéder pendant douze ans, à dater de la promulgation de la loi de concession du Grand-Luxembourg, aucune ligne de chemin de fer, à partir de Liége jusqu’à la frontière prussienne.
Le gouvernement insista pour l'adoption de cet article 47, en déclarant que, sans la réserve insérée à son paragraphe 2, la ligne du Grand-Luxembourg ne s'exécuterait pas. Cet article fut combattu avec énergie, vous allez en juger.
La troisième section remit un mémoire à la section centrale sur les dangers que présentait l'adoption de l'article 47 de la convention ; la quatrième section se joignait à la troisième pour appuyer les arguments qu'on faisait valoir dans le mémoire, et la sixième section demanda des explications sur l'article 47.
Pendant la discussion, MM. Osy, Mast deVries, David et Lys s'opposèrent formellement à l'adoption de l'article 47 ; mais on passa outre, afin de ne pas enrayer l'exécution du chemin de fer du Grand-Luxembourg ; et les demandeurs en concession qui s'étaient présentés à cette époque, durent nécessairement se retirer.
Des demandeurs sérieux en concession avaient effectivement fait des offres au gouvernement. MM. Osy et Lys en informèrent la Chambre et dans la séance du 8 juin 1846 le ministre des travaux publics fit la déclaration qu'en effet on avait déposé à son département la demande en concession d'un chemin de fer de Pepinster vers Trêves par Spa et Malmédy.
Il est donc vrai de dire que nos titres datent de 1846 ; il y a 16 ans, ils sont bien anciens, ils devraient nous donner la priorité pour l'exécution de ce chemin de fer, et nous insistons fortement pour que M. le ministre des travaux publics examine les propositions qui lui sont faites aujourd'hui, et qu'il présente à la Chambre un projet de loi de concession concernant ce chemin de fer, que nous posséderions depuis 12 à 13 ans, si le ministre des travaux publics de 1846 n'avait pas insisté sur le maintien de la réserve de l'article 47 qui conférait un véritable monopole de construction de chemins de fer dans la partie sud-est du pays à la société du Grand-Luxembourg.
Nous sommes arrivés à un moment suprême pour toute la contrée que je représente plus spécialement ; si, cette fois, le gouvernement ne comprend pas la concession de la ligne de Spa vers la frontière du Grand-Duché de Luxembourg dans le prochain projet de travaux publics, nous sommes malheureusement condamnés à ne jamais l'obtenir ; en voici la raison :
Le gouvernement hollandais tient infiniment à ce que cette ligne soit exécutée ; il veut pouvoir arriver à Maestricht d'une manière aussi directe que possible ; et comme la Belgique pourra jusqu'à un certain point être accusée de mauvais vouloir, le gouvernement hollandais s'empressera de donner la main à la Prusse, et au lieu de faire passer sa ligne par chez nous, il la dirigera vers la Prusse qui la continuera par Malmédy et Eupen, jusqu'à Herbesthal ou Aix-la-Chapelle ; à partir de ce dernier point, un chemin de fer existe déjà jusqu'à Maestricht.
Ainsi, toute cette contrée ardennaise, Verviers, Aubel, Herve, etc., si importante par son agriculture, son commerce, son industrie et ses mines de toute espèce, serait sacrifiée à tout jamais ; il ne pourrait plus jamais être question de construire un chemin de fer qui serait complètement parallèle, à quelques lieues de distance seulement de celui dont je viens de parler.
C'est là une considération de la dernière importance que je prie M. le ministre des travaux publies de vouloir bien peser de la manière la plus sérieuse.
Messieurs, il n'est pas possible de prétendre que la ligne de Pepinster vers le Luxembourg ferait concurrence à la ligne par l’Ourthe.
Ces deux lignes sont destinées à desservir des intérêts tout différents ; elles ne s'enlèveront pas 100 tonnes de marchandises par an ; il n'y a donc aucune connexité entre ces deux concessions ; on peut les accorder toutes les deux, et les deux chemins de fer pourront vivre et prospérer simultanément.
Il ne faut donc pas que le gouvernement perde cette occasion de nous présenter la loi autorisant cette concession.
Il y a des demandeurs sérieux, j'engage l'honorable ministre à réfléchir aux considérations qui précédent et à négocier de manière à pouvoir comprendre cette concession dans le premier projet de travaux publics qui nous présentera.
Je recommande cet objet de la manière la plus instante ; l'avenir d'une vaste et industrieuse contrée dépend de sa réalisation.
M. de Naeyer. - Messieurs, j'avais à présenter quelques observations qui se rapportent plus spécialement à l'article 30 : je renonce pour le moment à la parole, et je plie M. le président de vouloir bien m'inscrire sur l’article 30.
M. Van Leempoel. - Je rappellerai a la bienveillante de M. le ministre le projet de chemin de fer reliant les trois bassins houillers de la Belgique, de Frameries vers Chimay,
Je crois que la compagnie est en mesure de fournir toutes les justifications possible, pour obtenir la concession de cette ligne, si importante pour les charbonnages belges et les usines qui se trouvent sur ces lignes et qui attendent depuis si longtemps un moyen de s'approvisionner de combustibles.
M. Vermeire. - Messieurs, je ne comptais pas prendre la parole dans cette séance. Aussi me sera-t-il assez difficile de répondre au discours qui a été prononcé par M, le ministre dis travaux publics. Cependant, je crois pouvoir présenter encore quelques observations concernant l'application des tarifs.
Je commence par remercier M. le ministre des travaux publics de l'intention qu'il a de modifier ou de corriger les tarifs actuellement existants. L'honorable ministre a comparé nos tarifs à certains tarifs étrangers, et il en a conclu que les nôtres sont les moins compliqués.
Je dois faire remarquer ici que dans les objections que j'ai présentées avant-hier, je n'avais pas fait de comparaison entre les tarifs belges et les tarifs étrangers ; que j'avais tâché seulement de démontrer que nos tarifs étaient extrêmement compliqués et qu'on pouvait très facilement les simplifier, en reportant les frais accessoires sur les frais principaux.
Je crois que cela serait d'autant plus facile qu'on arriverait alors à cette conséquence, que pour les transports à longue distances, l'on paierait relativement moins que pour les transports à petites distances. Or„ c'est toujours là ce qu'on a eu en vue lorsqu'on a fait les tarifs.
Je crois me rappeler que lorsqu'il y a un an ou deux ans, nous parlions de la nécessité de fusionner en quelque sorte les intérêts des compagnies particulières avec les intérêts de l'Etat en ce qui concerne l'exploitation du chemin de fer, le chef du département des travaux publics me disait :
« Mais si nous prenons les devants pour réduire considérablement les tarifs de l'Etat, nous ruinons les compagnies particulières. »
Je crois même que si le gouvernement réduisait les tarifs dans les limites que nous avons tracées, c'est-à-dire en ayant égard aux intérêts du trésor, les compagnies particulières ne seraient pas ruinées.
Je dois constater cependant que dans le discours qu'a prononcé dans cette séance l'honorable ministre des travaux publics, il revient à cette idée que tous ses efforts tendent à unifier tous les tarifs des diverses exploitations du pays.
Maintenant, messieurs, puisque le gouvernement veut bien modifier les conditions de l'exploitation, je l'engage à insérer dans les tarifs une clause portant « que les marchandises expédiées d'une station vers une autre station, doivent être rendues à destination dans un délai déterminé. »
C'est par là encore que pèche l'expédition par chemin de fer, parce qu'en se servant de cette voie on croit que les marchandises arrivent plus tôt que par une autre voie, la navigation, par exemple, et souvent que les marchandises restent dans l'une ou l'autre station intermédiaire et n'arrivent pas à temps au lieu de destination.
C'est ainsi que pour le roulage particulier quand il entreprend de faire un transport à telle distance l'expéditeur met toujours dans sa lettre de voiture que les marchandées seront rendues à destination dans un délai déterminé sous peine de perdre une partie du fret ou des frais de transport.
Je crois que la même chose devrait exister pour le chemin de fer.
Je pense, messieurs, que l'on pourrait simplifier encore les tarifs en les appliquant à vol d’oiseau.
On est déjà entré dans cette voie pour certaines lignes qui font un grand circuit.
Je crois que de Bruxelles à Gand par Malines on paye le même prix que de Bruxelles à Gand par le chemin de fer direct.
Je voudrais que ce système fût appliqué d'une manière générale.
On devrait prendre pour centre Bruxelles, tirer des lignes vers toutes les stations et appliquer le tarif non pas par unité de lieue mais de telle station à telle autre station.
De cette manière on aurait considérablement simplifié. Du reste les trafics des messageries particulières sont établis dans ce sens.
On a encore parlé, messieurs, de la remise à domicile des marchandises, mais je crois que cette remise à domicile ne doit pas être comprise dans les tarifs généraux.
C'est un trafic spécial, pour lequel on paye spécialement.
L'exploitation proprement dite n’a aucun rapport avec le transport des (page 1034) marchandises à domicile et je ne pense pas qu’il soit utile de le confondre avec l'exploitation du chemin de fer.
En résumé, tout ce que nous demandons c'est qu'on simplifie, dans la mesure du possible, les tarifs des chemins de fer et qu'on les réduise, encore dans la mesure du possible, jusqu'aux limites où les intérêts du trésor le permettent.
Je ne veux pas que les réductions à introduire puissent avoir un résultat fâcheux pour les finances de l'Etat, parce que ce serait là un inconvénient d'un autre genre, mais si en simplifiant ces tarifs on peut amener une circulation plus active sur les chemins de fer et, d'autre part, faire fructifier davantage le capital de premier établissement, on aurait rendu un service signalé au trésor, au commerce et à l'industrie.
M. Rodenbach. - M. le ministre nous a annoncé que dans le courant de cette session il présenterait un projet contenant une série de travaux d'utilité publique.
J'aime à croire que cette fois M. le ministre voudra bien se remémorer d'un canal dans l'arrondissement de Roulers, la Mandel, que nous sollicitons depuis un grand nombre d'années, et dont l'utilité n'est pas contestée. Si je suis bien instruit, M. le ministre a fait faire un devis, et il paraît même que ce devis a été favorablement accueilli.
Je pourrais parler de la prospérité de Roulers et de ses manufactures, de ses filatures et des avantages qui doivent découler de l'exécution du canal. Mais comme le temps presse et qu'on va bientôt songer à clore la discussion générale, je n'ajouterai qu'un mot relativement à une concession demandée par une compagnie de Gand, pour le prolongement du chemin de fer de Lichtervelde à Dixmude et de Dixmude par Furnes à Dunkerque.
Dans une pétition dont il a été question dans une séance précédente, on a trouvé qu'il y avait des expressions inconvenantes et on a prononcé l'ordre du jour.
Mes expressions ne seront pas déplacées, mais je demanderai à M. le ministre qu'il ait la bienveillance de vouloir accorder promptement cette concession réclamée par une société sérieuse.
J'ajouterai qu'en France toutes les difficultés ont été aplanies, et je dirai que M. le ministre devrait accueillir la demande de concession dont je l'entretiens en ce moment, dans l'intérêt même de l'Etat qui paye maintenant un minimum d'intérêt assez considérable.
Il y aurait donc un grand avantage à prolonger ce chemin de fer, et je me plais à croire que M. le ministre s'occupera incessamment de cette question.
L'honorable député du Luxembourg s'est plaint, et je pense que c'était à juste titre, que la poste rurale n'était pas bien organisée dans la province. Je dois à la vérité de déclarer que dans le centre de la Flandre occidentale la poste rurale marche bien. Mais elle marcherait infiniment mieux encore, si M. le ministre, comme il en a l'intention, je pense, nous accordait encore quelques bureaux de distribution, notamment dans les communes de Moorslede, d'Hooghlede et d'Ardoye.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Et de Staden, vous n'en parlez pas ?
M. Rodenbach. - Non, Staden a obtenu son bureau de distribution, et j'en remercie M. le ministre ; il ne s'agit plus que des trois communes dont je viens de parler.
Messieurs, je ne dirai rien actuellement de la question de l'établissement d'une taxe postale uniforme comme elle existe en Angleterre, réforme que j'ai vivement sollicitée avec un honorable collègue qui siège maintenant au banc ministériel. Je n'en parlerai pas à présent parce que nous aurons bientôt à voter plusieurs millions encore pour de nouveaux travaux d'utilité publique. Je me réserve de reprendre cette question dans une autre circonstance en temps opportun et plus prospère.
M. Goblet. - Je n'ai que quelques mots à dire. En demandant le dépôt sur le bureau du tableau dont M. le ministre des travaux publics nous a communiqué une partie tout à l'heure, j'ai voulu être mis à même d'apprécier les motifs des réclamations de la cour des comptes. Je suis convaincu qu'il existe un abus et qu'il aura suffi de le signaler à M. le ministre des travaux publics pour que l'abus disparaisse. Une somme considérable est consignée pour mémoire ; elle s'élève à près de deux millions, et la cour des comptes se plaint de n'avoir pas les renseignements qui lui seraient nécessaires pour juger si ces remises sont régulièrement faites et sont autorisées par la loi.
M. le ministre, à qui j'en ai parlé, est, paraît-il, disposé à faire droit aux réclamations de la cour des comptes ; dès lors, je n'ai plus aucune raison d’insister sur cette observation.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Comme confirmation de ce que vient de dire l'honorable préopinant, je ne puis que répéter publiquement devant la Chambre qu'il n'y a aucune difficulté à saisir la cour des comptes de toutes les pièce administratives qu'elle a le droit de réclamer pour éclairer sa religion.
Maintenant, messieurs, un seul mot en réponse aux observations de l'honorable M. d'Hoffschmidt.
L'honorable membre a lancé contre le gouvernement et plus particulièrement contre le ministre des travaux publics une accusation qui est tout à fait imméritée.
Il l'a formulée en ces termes : Le gouvernement accordera la concession du chemin de fer de l'Ourthe à la compagnie du Luxembourg ; mais le gouvernement ne profitera pas de cette occasion pour imposer à la compagnie du Luxembourg la construction actuelle de l'embranchement de Bastogne ; et le gouvernement, en troisième lieu, refusera la concession d'un chemin de fer de Spa à la frontière grand-ducale, parce que cela pourrait porter préjudice au chemin de fer nouveau, dont la compagnie du Luxembourg va être investie. Voilà en quels termes, à peu près textuels, l'honorable membre s'est exprimé.
M. d’Hoffschmidt. - J'ai exprimé des craintes.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Eh bien, ma protestation consiste à dire que l'honorable membre n'a absolument à faire valoir aucune raison qui puisse légitimer de pareilles craintes.
Le gouvernement n'a posé aucun acte, n'a dit aucun mot d'où l'honorable membre soit autorisé à inférer que le gouvernement, par la raison que l'honorable M. d'Hoffschmidt a alléguée, tiendra la conduite que l'honorable membre suppose.
Le gouvernement, dans la décision qu'il prendra et dont naturellement la Chambre et le pays seront rendus juges, ne s’inspirera absolument que des intérêts généraux.
Les intérêts particuliers de la compagnie du Luxembourg n'exerceront aucune espèce d'influence sur sa détermination.
Ici, messieurs, je ne puis, pour le moment, que répondre par cette affirmation aux suppositions de l'honorable membre ; mais, encore une fois, les actes que le gouvernement posera seront soumis à la Chambre et discutés librement par elle. Nous croyons donc pouvoir ajourner jusqu'à ce moment notre justification.
Je tenais, messieurs, à dire ces quelques mots, parce que je ne puis pas laisser alléguer en ma présence, sans protester, que le gouvernement serait disposé à se montrer partial en faveur de la compagnie du Luxembourg. Pour le reste, je le répète, le gouvernement n'a pris aucune décision ni sur la question soulevée par l'honorable membre ni sur d'autres questions de même nature que d'autres honorables membres ont traitées dans cette discussion. Le gouvernement se déterminera dans un avenir assez prochain et il soumettra à la Chambre un projet de loi qui sera plus ou moins important, ce que je ne saurais préciser en ce moment, attendu que le gouvernement n'a pas encore arrêté définitivement les dispositions.
Un dernier mot, messieurs, toujours en réponse aux observations de l'honorable M. d'Hoffschmidt. L'honorable membre suppose à tort que le gouvernement puisse réclamer quand il lui plaît, de la compagnie du Luxembourg, l'exécution de l'embranchement de Bastogne. Il suppose à tort (je crois l'avoir démontré dans la dernière session) que la compagnie du Luxembourg n'a que des obligations, et qu'elle n'a pas de droits. C'est une erreur complète.
Les conventions, telles qu'elles ont été successivement modifiées, passées entre la compagnie du Luxembourg et le gouvernement, et en particulier les dernières modifications apportées à ces conventions en 1855, exonèrent la compagnie du Luxembourg de l'obligation de construire l'embranchement de Bastogne, jusqu'au moment (pour traduire la convention en termes libres) où la compagnie soit arrivée à meilleure fortune.
Maintenant la compagnie est-elle arrivée à meilleure fortune, a-t-elle les ressources qui autorisent le gouvernement à réclamer l'exécution de ces conventions ?
Encore une fois, messieurs, c'est là une question de fait sur laquelle je ne puis pas me prononcer. Cette question, je ne l'ai pas examinée par la raison que j'ai dite, à savoir qu'il y a une autre convention pour la construction d'un chemin de fer qui absorberait cet embranchement. Jusqu'aujourd'hui le sort de cette convention n'est point fixé, par conséquent je n'ai pas eu à examiner la question de fait de savoir si la compagnie du Luxembourg a aujourd'hui les ressources qui autorisent légalement et équitablement le gouvernement à exiger d'elle la construction de l'embranchement.
Je crois, messieurs, n'avoir rien de plus à ajouter sur cette partie des observations de l'honorable membre pour démontrer que ses accusations comme ses craintes manquent également de fondement.
(page 1035) M. David. - Si j'ai bien compris tout à l'heure M. le ministre des travaux publics, il a exprimé ses sympathies pour le chemin de fer de la vallée de l'Ourthe ; mais, bien loin d'exprimer le même sentiment pour le chemin de fer de Spa vers le Luxembourg, il s'est complètement abstenu d'en parler. Me préoccupant de ce silence, je dois insister pour savoir si M. le ministre des travaux publics est disposé à examiner les propositions qui lui sont faites, et s'il tâchera de mener cette affaire promptement à bonne fin, de sorte que la concession du chemin de fer que je patronne puisse être comprise dans le projet de loi dont la présentation est annoncée.
M. d'Hoffschmidt (pour un fait personnel). - Si j'ai exprimé des craintes tout à l'heure concernant les dispositions du projet de loi que le gouvernement se propose de présenter prochainement à la Chambre, c'est à cause de la longanimité que, selon moi, le gouvernement a toujours montrée jusqu'à présent à l'égard de la compagnie du Luxembourg relativement à l'embranchement de Bastogne.
Ce n'est pas d'aujourd'hui, messieurs, que j'ai présenté des réclamations à ce sujet, au point même d'en avoir fatigué la Chambre.
Mais si j'y mets quelque animation, vous devez comprendre, messieurs, et M. le ministre doit comprendre lui-même qu'il y a là une question vitale pour l'arrondissement qui m'a fait l'honneur de m'envoyer dans cette enceinte, et que c'est pour moi un impérieux devoir de soutenir ses intérêts, oubliés ou méconnus depuis si longtemps. Maintenant l'honorable M. Vanderstichelen peut être convaincu que je n'ai pas voulu lui dire quelque chose de désagréable.
Je serais heureux de pouvoir constater plus tard que je m'étais trompé dans mes prévisions, et je l'espère, d'après les paroles que M. le ministre vient de prononcer.
Quant à la portée des conventions conclues avec la société, nous ne sommes plus d'accord ; M. le ministre n'est pas d'accord non plus avec les ministres qui ont conclu la convention de 1855, comme le prouve ce qu'a dit M. Nothomb en 1860 ; le prédécesseur de M. Vanderstichelen, M. Dumon ne l'entendait pas non plus comme lui ; c'est précisément sur l'interprétation de M. le ministre, trop favorable à la société, interprétation que nous n'admettons pas, et que nous repoussons, que reposent nos craintes.
C'est dans l'ensemble des faits qu'on doit voir les obligations réelles de la compagnie et non dans une lettre adressée au gouvernement en 1855 ; c'est dans les engagements pris en 1846 en raison des avantages qui lui ont été accordés, que la compagnie n'est pas fondée à ne pas exécuter des obligations qui en définitive ne peuvent pas lui être onéreuses.
(page 1041) M. Wasseige. - Je regrette que l'honorable ministre n'ait pas cru devoir répondre à l'interpellation que lui a adressée mon honorable ami, M, Thibaut. Je suis donc obligé de venir la renouveler et de demander catégoriquement à M. le ministre si, dans le nouveau projet de loi des travaux publics dont il nous a annoncé la présentation prochaine, seront compris de nouveaux crédits pour achever promptement et sans désemparer la canalisation de la Meuse.
J'ai peine à croire qu'il en puisse être autrement ; lorsqu'un travail de cette importance a été décrété ; lorsque toutes les études sont terminées, que l'évaluation complète a été faite ; lorsque tous ces faits ont été exposés à la Chambre et qu'elle a voté le principe, l'on ne comprendrait pas que l'on en suspendît l'exécution. On le comprendrait difficilement surtout dans l'espèce, où l'utilité des travaux déjà commencés, et les avantages commerciaux qui doivent en résulter sont subordonnés à leur parachèvent.
En effet, messieurs, aussi longtemps que la canalisation de la Meuse n'est pas complète, au moins de Liège à l'embouchure de la Sambre à Namur, le commerce n'en retire presque aucun avantage ; tant qu'il reste une solution de continuité, la partie achevée est pour ainsi dire inutile, et la ville de Huy qui se trouve dans une impasse et les charbonnages de la province de Liège qui veulent expédier leur produits vers la France n'en profitent aucunement.
Le gouvernement lui-même ne percevra la rémunération légitime de ce qu'il aura fait que lorsque la canalisation terminée viendra, par l'augmentation des transports, augmenter dans la même proportion les droits de navigation. Il est donc impossible que le gouvernement attende, pour continuer les travaux entrepris à la Meuse, que ses revenus ordinaires le lui permettent, alors que l'on sait que toutes nos économies, même les plus problématiques, sont engagées pour plusieurs années encore. Une société particulière qui, dans de semblables circonstances, n'agirait pas comme je demande au gouvernement de le faire, commettrait un acte de mauvaise administration, qui serait sévèrement blâmé par ses actionnaires et l'honorable ministre, j'en suis convaincu, ne voudra pas accepter une semblable responsabilité. Espérons donc que le nouveau projet de loi comprendra les crédits nécessaires pour terminer promptement des travaux dont l'utilité générale est reconnue par tout le monde, et proclamée par la Chambre elle-même.
Quant au chemin de fer de Tamines à Landen sur lequel mes honorables collègues de Namur ont appelé l'attention de M. le ministre, et pour lequel ils ont réclamé sa bienveillance, dût le gouvernement aller jusqu'à la garantie d'un minimum d'intérêt pour en obtenir la construction, l'honorable ministre, esquivant la question, s'est borné à répondre que la discussion était prématurée, qu'elle viendrait bien plus naturellement au moment de la discussion du nouveau projet de loi sur les travaux publics ; que d'ailleurs l'ancienne concession de Tamines à Landen par Fleurus existait encore ; que des offres pour la construction de cette ligne lui avaient été faites tout récemment. Mais si M. le ministre n'a pas d'autres objections à faire à notre demande, cela ne peut être bien sérieux. Il est impossible, en effet, que des offres telles qu'elles sont faites de loin en loin, dans un but qu'il serait peut-être possible d'indiquer, maintiendront perpétuellement en vie une concession qui devrait être remplacée depuis longtemps par une rivale bien plus importante et bien plus utile.
Je prie donc M. le ministre de vouloir bien examiner une bonne fois si l'ancienne concession de Tamines à Landen est viable, et s'il obtient la conviction du contraire, de vouloir bien reporter toute sa bienveillance sur la ligne de Tamines à Landen par Namur avec continuation de Tamines jusqu'à Fleurus. Je le prierai instamment de se livrer à cet examen avant la présentation de son nouveau projet de loi de travaux publics, car nous savons par expérience le sort qui attend les projets les plus utiles, alors qu'ils ne sont pas présentés par le gouvernement, et la discussion que nous soulevons, mes honorables collègues et moi, au lieu d'être prématurée, est parfaitement en situation.
Puisque j'ai la parole, j'en profiterai pour adresser une demande à MM. les ministres des travaux publics et des finances : l'on démolit en ce moment les remparts de la ville de Namur, de la Sambre à la Meuse ; ces travaux se combinent avec la construction d'une nouvelle station, digne de l'importance des lignes ferrées qui viennent se réunir à Namur ; il y a lieu d'espérer que ces changements vont donner à Namur un nouvel essor, que sa situation si admirable au confluent de la Sambre et de la Meuse, et au point de jonction des lignes de chemins de fer du Nord vers (deux ou trois mots illisibles vers l'Allemagne, de la ligne du Luxembourg, de la ligne de Namur à Dinant, et, espérons-le, de la ligne de Namur à Landen, attirera vers cette ville l'industrie et le commerce qui y trouveront plus de facilité qu'en tout autre lieu.
Mais, pour arriver à ces heureux résultats, il faut surtout ce qui a manqué jusqu'à présent à Namur fortifiée, de l'espace, beaucoup d'espace. Or, le moment est on ne peut mieux choisi pour lui en donner. La démolition des remparts va faire rentrer dans le domaine de l'Etat une quantité assez considérable de terrains militaires, et je prie le gouvernement de se montrer généreux envers la ville de Namur. Accordez-lui largement ce qui lui est nécessaire pour s'étendre, pour construire de nouvelles rues, des places, des marchés, des boulevards ; permettez-lui de joindre un peu d'agréable à l'utile, mettez-la à même de profiter complètement d'une occasion si favorable et qui ne se représentera jamais pour elle si elle la laisse échapper.
Je vous en prie, MM. les ministres, ne contrariez pas les projets de l'administration communale de Namur, par trop de parcimonie, encouragez-la plutôt, dirigez-la et mettez-la à même par vos conseils et votre générosité de profiter avec intelligence d'une occasion unique dans l'existence de la ville de Namur.
Faites enfin pour la ville de Namur ce que vous avez fait si généreusement, en semblable circonstance, pour la ville d'Ypres, générosité dont j'ai souvent entendu se louer son honorable bourgmestre, actuellement ministre de l'intérieur, et auquel je recommande ici les intérêts que je défends et qu'il voudra bien, j'espère, appuyer aussi chaleureusement que ceux de sa ville natale, puisqu'il est maintenant le grand bourgmestre de toutes les villes de la Belgique.
(page 1035) M. De Lexhy. - Pour ne pas prolonger la discussion générale, j'ajournerai à la discussion des articles les observations que je me proposais de présenter relativement au chemin de fer de Namur à Landen et de Landen à Tamines.
M. Dolez. - Messieurs, la ville de Mons a adressé au département des travaux publics une demande d'une très haute importance ; elle réclame contre le régime des eaux consacrées à l'alimentation d'une partie du canal de Mons à Condé.
La ville de Mons est située dans une vallée parcourue par deux rivières, la Trouille et la Haine. La Trouille traverse la ville ; la Haine la contourne. Pour alimenter le premier bief du canal de Mons à Condé, on a eu la malencontreuse idée d'établir en amont de la ville une rigole de dérivation des eaux de la Trouille qui, sans entrer dans la ville, va se déverser dans un des fossés extérieurs des fortifications et de là dans le canal. Il en résulte qu'en temps de sécheresse et quand la navigation est active, la rivière qui doit alimenter la ville, l'assainir et pourvoir aux besoins des habitants se trouve à sec et que son lit est transformé en un cloaque infect. Quant à la Haine qui n'entre pas dans la ville, on a également trouvé le moyen de la rendre nuisible au territoire de la ville et à ses environs ; au lien de la laisser à son libre cours, ce qu'exigerait la situation très basse de cette contrée, on la retient en aval au moyen d'un barrage et on fait par là refluer ses eaux sur les terrains situés au-dessous de la ville qu'on transforme en prairies humides et presque marécageuses.
La ville demande qu'on fasse cesser ce régime qui lui dessèche la tête et le corps, et lui place les pieds dans l'eau.
Elle demande qu'on utilise la Haine, qui est une rivière très riche, pour alimenter le premier bief du canal de Mons à Condé. Elle demande qu'on fasse disparaître le barrage qui infecte, par l'humidité qu'il répand dans les environs, les prairies voisines. Et tout cela, messieurs, peut se faire sans des dépenses bien considérables.
Je vois qu'il y a quelques incertitudes de la part de MM. les ingénieurs de la province non pas pour maintenir la situation actuelle que tout le monde condamne, mais sur ce qu'il importe de lui substituer. Mais l'administration communale de cette ville, dans un mémoire qui est maintenant dans les mains de M. le ministre des travaux publics, démontre à toute évidence la supériorité du système qu'elle propose.
Les vices du régime actuel n'imposent aucune responsabilité à MM. les ingénieurs actuels, ni à leurs prédécesseurs de ce temps, car ce régime est ancien. Mais la responsabilité de ces ingénieurs commencerait, et elle serait très sérieuse et très grave s'ils arrivaient à maintenir cet état de choses.
Je suis convaincu que si M. le ministre des travaux publics veut bien examiner cette question par lui-même, avec la sollicitude éclairée que nous reconnaissons qu'il apporte à la gestion de son important département, il fera promptement droit aux réclamations de la ville de Mons et soutiendra les idées qu'elle a émises dans l'intérêt de la santé de ses habitants et de ceux du territoire suburbain.
C'est le seul point dont, vu l'heure avancée, j'entretiendrai la Chambre. Mon honorable collègue M. Carlier, qui est empêché, par suite d'un triste événement de famille, de siéger parmi nous, m'a chargé de faire une autre demande à M. le ministre des travaux publics. J'attendrai la discussion du chapitre du chemin de fer et des postes pour accomplir le mandat que m'a délégué mon honorable collègue et ami.
- Plusieurs membres. - La clôture de la discussion générale ?
M. Wasseige. - Je désire que la discussion ne soit pas close avant d'avoir obtenu une réponse de M. le ministre des travaux publics.
- Plusieurs membres. - Vous l'obtiendrez à propos de la discussion des articles.
- La discussion générale est close.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - L'ordre du jour appellerait demain des rapports de pétitions ; mais je demande que la Chambre veuille bien continuer la discussion du budget. Nous entrons dans le mois d'avril et je n'ai pas encore mon budget. C'est un état de choses irrégulier.
- La Chambre décide qu'elle continuera demain la discussion du budget.
La séance est levée à quatre heures trois quarts.