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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 11 mars 1862

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)

(page 877) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Moor, secrétaire, fait l'appel nominal à 2 heures 1/4.

M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction eu est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor, secrétaire, présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le conseil communal de Lobbes prie la Chambre l'autoriser la construction du chemin de fer projeté de Manage à Momignies par Lobbes avec embranchement sur Mons. »

M. Van Leempoel propose le renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

- Adopté.


« Le conseil communal de Péruwelz demande que le département des travaux publics oblige la compagnie concessionnaire du chemin de fer Hainaut et Flandres à exécuter les lignes de Saint-Ghislain sur Tournai et sur Ath. »

M. Crombez. - Je demande le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.

- Adopté.


« Le sieur Aniq, ancien militaire, réclame l'intervention de la Chambre pour qu'il soit donné suite à sa requête qui a été transmise au département de la guerre. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal d'Alost demande la création par l'Etat d'un établissement central, destiné aux sourds muets indigents. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Lichtervelde et de Thielt demandent que le chemin de fer de Lichtervelde à Furnes soit prolongé vers Dunkerque. »

« Même demande d'habitants de Dixmude. »

M. Rodenbach. - Messieurs, il existait en France quelques difficultés pour le prolongement de ce chemin de fer, mais maintenant que les obstacles ont disparu, ce projet peut s'exécuter. J'appuie donc la pétition, et je propose à la Chambre de la renvoyer à la commission avec demande d'un prompt rapport. Je ferai observer que l'Etat doit désirer de voir fructifier la ligne de Lichtervelde vers la frontière, afin de dégager le trésor public de l'obligation de payer un minimum d'intérêt.

- Adopté.


« Les membres du conseil communal de Renlies prient la Chambre d'autoriser la concession du chemin de fer projeté de Mons à Chimay. »

M. Van Leempoel. - Je demande que la commission soit invitée à faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Les gardes champêtres du canton de Merbes-le-Château demandent une loi qui améliore leur position, les place sous la direction du commandant de la gendarmerie ou du commissaire de police du chef-lieu du canton, les autorise à verbaliser dans tout le canton et institue une caisse de retraite en leur faveur. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Bièvene demandent la construction d'un chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai par Enghien et Lessines, ou du moins le prolongement sur Lessines du chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand. »

- Même renvoi.


« Les membres de l'administration communale de Harre et du conseil communal de Grand-Menil demandent l'établissement d'un télégraphe électrique sur la route de Liège à Arlon, avec bureaux dans tous les bureaux de poste. »

« Même demande des membres de l'administration communale de Lorcé. »

M. Orban. - Messieurs, une pétition semblable a été renvoyée à la section centrale du budget des travaux publics ; mais comme cette section centrale a terminé son travail, je demande le dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics. »

- Cette proposition est adoptée.


« Les membres de l'administration communale et des habitant. de Les Bulles demandent que l'arrondissement de Virton reste réuni à l'arrondissement d'Arlon. »

« Même demande du conseil communal de Vance. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les huissiers dans l'arrondissement judiciaire de Termonde demandent l'augmentation des tarifs de leurs émoluments et un traitement fixe pour les huissiers audienciers. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal de Rulles demandent que cette commune reste attachée au commissariat d'arrondissement d'Arlon.

- Même renvoi.


« Le sieur Mengal, directeur du Théâtre royal des Galeries Saint-Hubert, demande l’abrogation de l’arrêté du 24 août 1821, qui autorise les administrations communales à établir sur les spectacles des impositions au profit des hospices. »

M. Hymans. - Je demande que la commission soit invitée à faire un prompt rapport sur cette pétition.

- Adopté.


« Le sieur Uytterhaegen, ancien militaire congédié par réforme, se plaint de n'avoir point obtenu de réponse à la demande qu'il a adressée au ministre de la guerre pour obtenir un emploi. »

- Renvoi à la commission des. pétitions.


« L'administration communale de Thuin demande la construction des chemins de fer du Sud-Est Belge, projetés par la société Delval et Drion. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


M. Van Leempoel. - Je prie la Chambre d'inviter la commission à faire un prompt rapport sur cette pétition.

- Adopté.


« Des ouvriers à Ixelles demandent une loi sur l'assistance publique. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des instituteurs demandent que les instituteurs ou normalistes soient assimilés aux séminaristes quant au service militaire. »

- Même renvoi.


« Le sieur Vanheers demande des modificaations à l'article 3 de la loi du 28 janvier 1850 »

- Même renvoi.


« Le sieur Thoen, milicien de la classe de 1862, réclame l'intervention de la Chambre pour être exempté du service. »

- Même renvoi.


« Le sieur Donnay demande une récompense honorifique pour services rendus en 1830. »

- Même renvoi.


« Le sieur Lampe demande que les briques puissent être expédiées en France sans certificat d'origine. »

M. Crombez. - Je propose le renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

- Adopté.


« Des habitants d'Ostende demandent la révision des règlements relatifs au mariage des commis des accises et des préposés de la douane. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

« Des bourgmestres, échevins, conseillers ou délégués des communes composant les cantons de Peer et d'Achel demandent que l'arrondissement de Maeseyck reste réuni à l'arrondissement de Hasselt. »

- Même renvoi.


« Le sieur Bouillon, garde champêtre à Wanlin, prie la Chambre d'ordonner une enquête sur les faits qui ont entraîné une condamnation judiciaire à sa charge. »

M. de Moor. - Je demande que cette pétition fasse l’objet d'un prompt rapport.

- Adopté.


« Le sieur Sacré demande que les dispositions relatives au mariage des employés de la douane soient rapportées. »

« Même demande du sieur Piret. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Renault demande des modifications aux règlements relatifs au mariage des préposés de la douane. »

- Même renvoi.


« Le sieur Léonard Tegels, cultivateur à Ophoven, né à Vlodorp (partie cédée du Limbourg) demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Guillaume Sankes, domestique à Bruxelles, né à Saint-Vith (Prusse), demande la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Même renvoi.


(page 878) « Le sieur Nicolas-Jules-Alexandre Boringer, journalier à Ans et Clain, né à Saintt-Léger (Luxembourg), demande la naturalisation ordinaire. »

- Même renvoi.


« Le sieur François Meier, docteur en sciences à Liège, né à Hechternacherbrucke (Prusse), demande la naturalisation ordinaire. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Bruxelles prient la Chambre de s'occuper du projet de loi sur l'art de guérir. »

- Dépôt sur le but eau pendant la discussion du projet.


« L'administration communale de Tournai présente des observations contre les interprétations données par l'autorité militaire aux lois sur les servitudes défensives en ce qui concerne l'intérieur des villes et demande, en tant que de besoin, des modifications à ces lois. »

M. Savart. - Messieurs, comme le temps manque pour faire un rapport, je demande que cette pétition soit déposée sur le bureau pendant la discussion relative aux servitudes militaires.

- Cette proposition est adoptée.


« Le conseil communal de Rousbrugge-Haringhe prie la Chambre d'allouer au budget des travaux publics le crédit nécessaire aux travaux d'amélioration de l'Yzer à partir de la Tintelle jusqu'au bourg de Rousbrugge. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.


« Le sieur Van Reeth réclame l'intervention de la Chambre pour être indemnisé des dégâts occasionnés sur sa propriété à Mortsel par les travaux du génie militaire. »

M. Vanden Branden de Reeth. - Je propose à la Chambre de renvoyer cette requêté à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

- Adopté.


« Le conseil communal de Russeignies demande des modifications à la loi du 18 février 1845, relative au domicile de secours. »

« Même demande des conseils communaux de Laerne, Baygem, Leupeghem, Oosterzeele, Moortzeele, Oost-Eccloo, Melsele, Moorsel, Mullem, Nieukerken-Waes, Buggenhout, Aygem, Herdersem, Edelaere, Erembodegem, Heldergem, Grammene, Vracene, Mendonck, Grembergen, Gotthem, Erpe, Nederhasselt, Appels, Etichove, Hillegem, Uylbergen, Auwegem, Elst, Rupelmonde, Scheldewindeke, Lootenhulle, Somerghem, Lovendegem, Waerschoot, Cluysen, Aspe, Dickelvenne, Semmersaeke, Ertvelde, Nazareth, Vurste, Synghem, Neyghem, Waesmunster, Lembeke, Parick, Westrem, Audenhove Saint-Géry, Massemen-Westrem, Bottelaere, Lemberge, Thielrode, Impe, Lede, Afsné, Kerkxken, Okegem, Munte, Lebbeke, Seveneecken, Cruybeke, Verrebroeck, Onkerzele, Goefferdingen, Ophasselt, Schendelbeke, Sarlardinge, Meerendré, Saint-Denis-Westrem, Wannegem-Lede, Grootenberge, Melden, Elseghem, Landscauler, Schellebelle, Smetlede, Exaerde, Dacknam, Voorde, Vynckt, Smeerhebbe-Vloersegem, Baelegem, Essche-Saint-Liévin, Cherscamp, Elene, Baerdegem, Peteghem, Calcken, Overmeire, Landegem, Gysegem, Zonnegem, Vleckem, Hofstade, Oordegem, Overboelaere, Vliersele, Sinay, Beveren, Bouchaute-Opdorp, Borsbeke, Vosselaere, Hoorebeke-Sainte-Marie, Hemelveerdegem, Bessegem, Nieuwenhove, Cruyshautem, Burst, Wachtebeke, Weygem, Ronssele, Oost-winkel, Lierde-Saint-Martin, Nieuwerkerken, Meirelbeke, Schelderode, Saint-Antelinckx, Nevele, Eecke, Nederbrakcl, Erondegem, Destelbergen, Erwetegem, Hamme, Laethem, Wanzele, Bambrugge, Saint-Gilles, Aspelaere, Moerzeke, Wieze, Swynaerde, Seeverghem, Poesele, Denderhautem, Michelbeke, Letterhautem, Hautem-Saint-Liévin, Leeuwerbergen, Zele, Meerbeke, Gavre, Astene, Zeveren, Deftinge, Oombergen. »

M. Rodenbach. - Messieurs, une centaine de communes demandent la révision de la loi sur le domicile de secours. Elles demandent entre autres que le terme de 8 ans soit réduit à 4 ans et que la commune où l'indigent réside supporte la moitié des frais. Je demande que la commission soit invitée à faire un prompt rapport.

Ces pétitions méritent d'être examinées mûrement par la Chambre ; je le répète, il y a plus de cent communes dans les Flandres qui se plaignent et qui se plaignent avec d'autant plus de raison que la loi actuelle est une cause de ruine pour beaucoup de communes ; les ouvriers des campagnes vont dans les villes de fabrique et là sont entretenus aux dépens du domicile d'origine.

M. Kervyn de Volkaersbeke. - Je me joins à l'honorable M. Rodenbach pour demander un prompt rapport.

M. de Terbecq. - J'appuie également la proposition de l'honorable M. Rodenbach.

- Cette proposition est adoptée.

En conséquence, les pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.


« Par deux messages en date du 7 mars l862, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion à autant de projets de lois de grande naturalisation. »

- Pris pour notification.


« Par deux messages, en date du 10 mars 1862, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion aux projets de loi :

« Contenant le budget du ministère de la guerre pour l'exercice de 1802 ;

« Qui ouvre au département des affaires étrangères un nouveau crédit provisoire de 350,000 fr. »

- Pris pour notification.


« M. le ministre des travaux publics adresse à la Chambre 120 exemplaires d'une publication officielle qui vient de paraître sous le titre de Renseignements statistiques recueillis par le département des travaux publics pour l'année 1860. »

- Distribution aux membres de l'assemblée et dépôt à la bibliothèque.


« MM. de Paul et J. Lebeau demandent un congé pour cause d'indisposition. »

- Accordé.


M. le président procède au tirage des sections pour le mois de mars.

Motions d’ordre

M. Goblet. - Messieurs, à la date du 6 février 1862, l'honorable ministre de l'intérieur a adressé aux directeurs de l'école moyenne d'Anvers une lettre ainsi conçue :

« Bruxelles, le 6 février 1862.

« Monsieur le directeur,

« J'ai sous les yeux une circulaire autographiée, en date du 6 janvier dernier, adressée par les régents et les instituteurs de l'école moyenne d'Anvers à leurs confrères des autres écoles moyennes, et ayant pour objet de les convoquer à une réunion qui était fixée au 12 du même mois à Malines, dans le but de s'entendre sur les démarches à faire, notamment auprès de la Chambre des représentants, pour que leur position soit améliorée.

« Je vous prie, Monsieur le directeur, de faire savoir aux auteurs de la circulaire dont il s'agit, que je désapprouve hautement cette tentative de leur part, faite en violation des principes de la subordination hiérarchique, et qu'il leur est enjoint de s'abstenir dorénavant de toute immixtion dans la mesure que prépare le gouvernement pour améliorer la position des fonctionnaires publics.

« Le ministre de l'intérieur, « (Signé) A. Vandenpeereboom. »

Messieurs, avant d'entamer une discussion sur cette lettre, je demanderai à l'honorable ministre de l'intérieur de vouloir bien expliquer à la Chambre les motifs qui ont pu l'amener à signer une lettre qui se distingue par un cachet de sévérité tout à fait remarquable et un parfum de despotisme tout à fait particulier.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, je dois remercier l'honorable M. Goblet de l'interpellation qu'il a bien voulu m'adresser, puisque je trouve ainsi l'occasion de m'expliquer sur un acte dont la presse s'est occupée depuis quelques jours. Je ne puis cependant pas admettre les qualifications données à cet acte par l'honorable membre. Les mots « parfum de despotisme » me semblent un peu exagérés.

Du reste, je m'empresse de répondre à l'interpellation qui m'est adressée.

Voici les faits :

Je puis citer les dates, parce que l'honorable M. Goblet a eu la délicatesse de me prévenir de l'interpellation qu'il avait l'intention de faire.

Le 10 du mois de janvier dernier, j'eus avis que les régents de l'école moyenne d'Anvers avaient envoyé à leurs collègues des autres écoles moyennes une circulaire dans le but de prendre en commun des mesures pour faire améliorer leur position. Cette circulaire, messieurs, je pourrais l'analyser, mais je crois qu'il est préférable d'en donner lecture à la Chambre.

Vous remarquerez que ce document, très modéré dans la forme, pouvait cependant avoir des conséquences sérieuses.

Voici cette circulaire :

« A MM. les régents et instituteurs de l'école moyenne, etc.

« Messieurs, à la séance de la Chambre des représentants du 3 décembre dernier, (page 879) e des représentants, M. le ministre des finances a promis de travailler à l'amélioration du sort de certaines catégories de fonctionnaires de l'Etat.

« Le personnel enseignant de l'école moyenne d'Anvers croit le moment venu de faire des efforts pour obtenir la majoration des traitements en faveur des professeurs de l'enseignement moyen du second degré.

« Dans ce but, il s'est adressé à M. le bourgmestre d'Anvers, qui a bien voulu, en sa double qualité de président du bureau administratif et de représentant, promettre de faire tout ce qui pourra dépendre de lui pour que l’objet de la demande soit accordé.

« Mais cette première démarche ne doit pas rester isolée. L'insuffisante des traitements de ces modestes et utiles fonctionnaires... »

(Ce sont MM. les régents qui parlent ainsi d'eux-mêmes ; ils sont, vous le voyez, fort modestes. Je continue la lecture.)

« L'insuffisance des traitements de ces modestes et utiles fonctionnaires se fait partout sentir, partout donc on doit unir ses efforts à ceux des professeurs de l'école moyenne d'Anvers pour faire cesser le mal ou le diminuer.

« Cette considération les décide à adresser la présente circulaire à leurs confrères des autres villes pour les engager à faire une semblable démarche auprès du bourgmestre de leurs localités respectives et à s'adresser en même temps à MM. leurs représentants pour que les uns et les autres assurent et votent l'accomplissement des généreuses promesses du gouvernement.

« Mais à côté de ce premier moyen d'action, il y en a peut-être d'autres.

« C'est pour les connaître et pour s'entendre, s'il y a lieu, sur leur application que les régents et instituteurs de l'école moyenne d'Anvers proposent à tous leurs confrères des autres écoles, d'envoyer dimanche prochain 12 du courant, un délégué à Malines.

« La rentrée prochaine des Chambres exige que cette réunion ait lieu le plus tôt possible ; les délégués se rencontreraient à midi à l'hôtel de la Campine.

« Les établissements qui sont trop éloignés du lieu de la réunion ou qui ne jugeraient pas à propos de s'y faire représenter, sont instamment priés de faire connaître, avant le 12 de ce mois, à l'un des membres du corps enseignant de l'école moyenne d'Anvers, ce qu'ils auraient déjà fait pour atteindre au but poursuivi, ce qu'ils comptent faire ou ce qu'ils proposent de faire. Il serait tenu compte de leurs propositions dans la réunion projetée.

« Les régents et instituteurs de l'école moyenne d'Anvers.

« Anvers, le 16 janvier 1862. »

Vous le voyez, messieurs, comme je l'ai dit avant de vous donner lecture de la pièce, le style en est convenable, mais vous voudrez bien remarquer qu'au fond la circulaire avait pour objet de former une espèce de coalition (interruption), de fédération, si l'on veut, entre les régents et les instituteurs de toutes les écoles moyennes, et de convoquer un meeting dans le but de peser sur les membres de la législature et sur le gouvernement.

Dès que j'ai eu connaissance de cette circulaire, j'ai cru de mon devoir de prendre des renseignements. J'ai appris bientôt d'une part que les régents de l'école moyenne d'Anvers avaient demandé à leur directeur l'autorisation de se réunir au local de l'école pour aviser aux mesures à prendre, d'autre part que le directeur leur avait accordé cette autorisation à condition qu'ils se réuniraient sous sa présidence.

MM. les régents semblent n'avoir pas accepté cette condition, car ils se réunirent en dehors de l’établissement, et c'est probablement là qu'ils élaborèrent la circulaire dont je viens de donner lecture. Le meeting de Malines eut lieu, mais je dois constater avec une grande satisfaction qu'il fut peu nombreux et que la plupart des membres du corps enseignant des autres écoles moyennes comprirent que cette démarche n'était ni convenable ni délicate.

Peu de jours après avoir reçu ces premiers renseignements, il m'en arriva d'autres.

On me fit connaître que dans quelques établissements de l'Etat, peu nombreux, il est vrai, il se manifestait parmi les membres du corps enseignant une certaine agitation ; que l'on s'occupait beaucoup de provoquer des mesures de nature à exercer une pression sur le gouvernement et sur les Chambres dans le but d'obtenir une amélioration de position.

C'est dans cette situation et pour couper dans sa racine ce que je considérais, moi, comme un mal réel, que j'ai adressé au directeur de l'école moyenne d'Anvers la lettre dont M. Goblet vient de donner lecture, et pour que le mal ne s'étendît pas plus loin, j'ai fait connaître aux directeurs de toutes les écoles moyennes la mesure que j'avais prise.

J'avais lieu de croire que MM. les régents de l'école d'Anvers auraient compris qu'ils avaient été trop loin. En effet, MM. les professeurs adressèrent à leur directeur, en réponse à ma dépêche, une lettre, fort convenable sous tous les rapports, et qui me fut communiquée. Dans la réponse, ils déclarent que s'ils avaient voulu se réunir et faireîdes démarches, c'était uniquement pour faciliter la tâche du gouvernement devant la Chambre et pour disposer convenablement en faveur du cabinet les membres de la législature.

Il me semble que protecteur-né du personnel enseignant, c'est là une tâche dont je pouvais probablement m'acquitter moi-même, en donnant de bonnes raisons à la Chambre, et je persiste à croire que c'est là une excuse non recevable.

Cependant vu les termes de la lettre et comme l'affaire me semblait terminée, je n'y ai donné, pour le moment, aucune autre suite, et je comptais en rester là et oublier la faute commise peut-être par légèreté.

M. Goblet me demande pour quels motifs j'ai cru devoir écrire la dépêche dont il a donné lecture ? Je réponds sans hésiter : Parce qu'il e semble qu'il ne peut appartenir à des fonctionnaires en général et moins encore à la catégorie de fonctionnaires dont il est ici question, de violer les règles administratives et de la hiérarchie auxquelles ils sont soumis pour exercer une pression que je considérais comme injuste et même comme injurieuse pour la Chambre et pour le gouvernement,

M. Goblet. - Je demande la parole.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Plusieurs motifs, messieurs, m'ont déterminé à couper ainsi vigoureusement le mal dans sa racine. D'abord, je crois que la mesure que ces instituteurs et ces régents voulaient prendre n'était digne ni de leur position ni de leur caractère.

Je crois, en second lieu, que cette mesure mettait injustement en suspicion les intentions du gouvernement et de la Chambre, et, en troisième lieu, je crois que des meetings, organisés par des fonctionnaires, et notamment par des instituteurs, pourraient nous conduire fort loin et produire de grands inconvénients pour l'administration et pour le gouvernement même.

Messieurs, lorsqu'une industrie quelconque se croit lésée dans ses intérêts, lorsque les lois qui les concernent sont à la veille d'être discutées dans cette Chambre, il est d'usage, depuis quelque temps surtout, que les industriels intéressés se réunissent en meeting pour défendre leurs intérêts. Ils ont parfaitement raison ; c'est un droit que la Constitution leur accorde incontestablement.

Mais quand des instituteurs, des fonctionnaires de l'Etat, qu'on a appelés les pionniers de la civilisation, les hommes de l'intelligence, croient pouvoir se réunir à leur tour en meeting pour arriver aux meilleurs moyens d'exploiter leur diplôme, je pense que cela est inadmissible, parce que ces fonctionnaires ont une mission plus élevée.

Les membres du corps enseignant, vous le savez tous, sont dans une position exceptionnelle en quelque sorte ; ce sont les ouvriers de l'intelligence, et je crois qu'il n'est pas digne d'eux ni de leur caractère de provoquer dans le pays une agitation, agitation factice, pour faire améliorer leur situation matérielle.

D'un autre côté, cette agitation n'était nullement justifiée. Ainsi comme je viens de vous le dire, par la circulaire même, MM. les régents reconnaissent d'abord que l'honorable ministre des finances a fait connaître que le gouvernement voulait améliorer la position des fonctionnaires publics ; ils reconnaissent, d'autre part, que leur chef et tuteur naturel, l'honorable M. Loos, notre collègue, leur a donné les assurances les plus satisfaisantes, et leur a promis d'appuyer leur réclamation ; je vous le demande, en mettant ainsi, en quelque sorte, en suspicion vos intentions et celles du gouvernement, n'y a-t-il pas là un acte d'injustice flagrante ?

Jamais depuis 1850, la Chambre ne s'est refusée à accorder les augmentations de traitement demandées par le gouvernement en faveur de l'enseignement à tous les degrés, et à diverses reprises, le gouvernement est venu spontanément demander des crédits nouveaux pour améliorer la position des professeurs, et notamment celle des régents des écoles moyennes.

Cette position a déjà été améliorée dans deux circonstances différentes. D'abord en allant plus loin que la loi de 1850 elle-même, on leur a accordé des suppléments de traitement.

Puis, comme dans quelques établissements le minerval que ces régents touchaient n'était pas élevé, on a fixé le minimum de ce minerval au chiffre de 200 fr.

Il en résulte donc que la position des régents, sans être très brillante, n'est cependant pas mauvaise, puisque leurs émoluments varient, si je ne me trompe, pour les régents de 1,700 à 1,900 fr., pour les instituteurs de 1,200 à 1,400. Là n’est pas toute la question.

(page 880) MM. les régents des écoles moyennes n'avaient aucun motif pour se réunir en meeting, pour faire de l'agitation et exercer une pression sur le gouvernement, alors qu'ils pouvaient espérer et compter que le gouvernement et les Chambres feraient pour eux ce qu'on se propose de faire pour tous les fonctionnaires.

J'ai cru encore devoir prendre la mesure sur laquelle on demande des explications, parce que je pense que, dans l'intérêt de l'instruction publique même et dans l'intérêt de l'administration en général, il n'est pas possible d'admettre que des fonctionnaires puissent ainsi se réunir dans le but d'agiter le pays et d'exercer une pression violente sur la Chambre et sur le gouvernement.

Messieurs, si nous admettions pareil système, je crois qu'il en résulterait de grands désordres. Si nous permettons aux fonctionnaires qui s'appellent régents des écoles moyennes de se réunir demain en meeting dans le but que je viens d'indiquer, il n'y a pas de raison pour ne pas permettre après-demain à tous les facteurs ruraux de se réunir pour demander la même chose, pour ne pas autoriser le surlendemain les employés des douanes du chemin de fer de se réunir également, enfin pour défendre aux sous-officiers de se réunir pour faire changer les lois sur l'avancement et pour aviser aux moyens de convertir leurs épaulettes de laine en épaulettes d'or.

Je dis, messieurs, que si un pareil système était admis, si l'on permettait à tous les fonctionnaires publics de se coaliser, de peser sur le gouvernement et sur les membres de la Chambre, nous arriverions à des résultats qui conduiraient à l'anarchie. C'est ce que je ne puis permettre.

Messieurs, il est un fait dont je m'étonne. Dans notre pays, tout le monde connaît parfaitement ses droits, ses prérogatives. La Constitution, dit-on, nous donne le droit de nous assembler, de pétitionner ; enfin la Constitution nous donne des droits superbes. Mais à côté de ces droits, il est des devoirs, et on oublie souvent de regarder au fond de sa conscience afin d'examiner si, comme fonctionnaire, on n'a pas aussi des devoirs à remplir et tout au moins des devoirs de délicatesse. Lorsqu'une personne accepte les fonctions publiques depuis le haut de l'échelle hiérarchique jusqu'au bas, elle s'impose des obligations, et un sentiment de délicatesse l'oblige à remplir, sous ce rapport, tous ses devoirs.

Il en est ainsi pour les ministres eux-mêmes. Depuis que je siège à ce banc, je n'ai plus la liberté que j'avais auparavant. Je vous prie de le croire, je mets des restrictions très grandes à ma liberté ; je suis obligé de me priver d'une foule de choses qui m'étaient fort agréables. Je ne puis user de certains droits dont j'aimais à user auparavant. Eh bien, ce qui est vrai pour un ministre doit être vrai pour tous les fonctionnaires.

Quand on accepte le bénéfice d'une position, il faut savoir aussi, au besoin, s'imposer des sacrifices.

Je crois donc, messieurs, que si l'on permettait à tous les fonctionnaires de l'administration de régler indirectement par eux-mêmes leurs affaires, de dire à leurs chefs : Si vous qui êtes élus, ne faites pas ce que je demande, aux prochaines élections je monterai un meeting contre vous ! je crois, dis-je, que si cela était permis il en résulterait une anarchie complète, car là où tout le monde commande il n'y a plus personne qui commande et là où personne ne commande, il n'y a que désordre.

Du reste, messieurs, depuis quelque temps il se répand dans le pays des idées très fausses sur la situation des divers pouvoirs en Belgique. On se figure parfois que le ministère existe uniquement pour être attaqué par les Chambres et que les Chambres n'existent que pour attaquer le ministère. On publie que le ministère est chargé d'administrer et de faire exécuter les lois, que les Chambres sont instituées pour faire des lois, pour examiner les budgets et pour mettre à la disposition du gouvernement les ressources dont il a besoin pour administrer le pays.

Depuis quelque temps l'on considère les ministres comme des prévenus et la Chambre comme une espèce de cour criminelle. En voulez-vous une preuve ? Il y a huit jours, et je tiens à citer ce fait, je reçus une lettre d'un monsieur que je ne connais pas ; j'avais été obligé de refuser l'objet d'une demande qu'il m'avait adressée. Ce monsieur me fit connaître qu'il me donnait quinze jours pour réfléchir, et revoir le dossier de l'affaire qui le concernait, et qu'il me donnait ces quinze jours parce que dans ce moment je devais être préoccupé de la discussion de mon budget.

Mon honorable correspondant était, du reste, bien aimable, il me disait : « Je vous donne ces quinze jours parce que les discussions de votre budget vous préoccupent et parce que vous ne le défendez pas trop mal. Mais si, à l'expiration de cette quinzaine, vous n'avez pas fait droit à ma demande, je vous traiterai (c'est son mot), je vous traiterai devant la Chambre ; je lui adresserai une pétition, l'honorable M. Vander Donckt fera son rapport et vous verrez ce qui arrivera.

Messieurs, si je vous cite ce fait, c'est pour vous démontrer qu'il y a parfois une véritable aberration dans les esprits.

Je reviens à l'affaire d'Anvers et je le répète, j'ai cru que c'était pour moi un devoir de conscience de maintenir l'administration dans les voies régulières et dans la subordination où je l'ai trouvée quand je suis entré aux affaires.

Il ne m'était pas possible de laisser les fonctionnaires seuls juges dans leur propre cause et de les autoriser à abuser du droit de réunion pour exercer une pression sur les membres de la Chambre et sur le gouvernement sans tenir compte de la voie hiérarchique qui est à la disposition des fonctionnaires publics.

En agissant comme je l'ai fait, je crois avoir rendu service à l'enseignement donné par l'Etat, car si jamais l'esprit de désordre venait à inspirer le personnel de cet enseignement, il y aurait là un danger sérieux et un argument puissant pour ceux qui réclament avant tout l'amoindrissement de l'enseignement donné aux frais de l'Etat.

Je crois être resté encore dans les vrais principes de gouvernement, en cherchant à faire obéir les différents rouages de l'administration à celui qui les dirige. Je pense que c'était mon droit et en même temps mon devoir.

M. Goblet. - La défense de l'honorable ministre, comme le dit son correspondant, qu'il vient de nous citer, est très habile : il a laissé de côté la question que j'avais soulevée, pour venir, très spirituellement d'ailleurs, parler de choses qui ne s'y rattachaient pas le moins du monde.

Je ne le suivrai pas sur ce terrain. Je ne chercherai pas à décider si les Chambres sont appelées à discuter la conduite du pouvoir ou si elles sont appelées uniquement à voter les budgets.

Je n'ai jamais considéré les ministres comme des accusés et quand je leur adresse des reproches, c'est parce que je crois que leur conduite politique n'est pas en rapport avec les principes que je défends.

La question soulevée par la lettre de M. le ministre de l'intérieur est beaucoup plus grave qu'on ne semble avoir l'air de le croire. Cette lettre n'a nullement pour but de défendre à des fonctionnaires défaire de l'agitation dans le pays, elle leur défend de s'adresser aux Chambres.

Il me semble surtout que le dernier paragraphe ne peut se justifier en aucune façon en présence des droits que la Constitution confère à tous les citoyens.

Le dernier paragraphe de la lettre de M. le ministre de l'intérieur dit ceci :

« Et qu'il leur est enjoint de s'abstenir dorénavant de toute immixtion dans la mesure que prépare le gouvernement pour améliorer la position des fonctionnaires publics. »

Ainsi, messieurs, laissons un moment la question du meeting comme l'appelle M. le ministre et sur laquelle nous reviendrons, mais constatons qu'il est interdit aux instituteurs de s'adresser d'une manière quelconque à la législature.

- Un membre. - En corps.

M. Goblet. - Cela n'y est pas. La lettre de M. le ministre de l'intérieur dénie évidemment à une certaine catégorie d'individus le droit de pétition et le droit d'association.

Messieurs, on a parlé de meeting, c'est un grand mot pour effrayer ; il n'y avait pas de meeting ; si vous avez écouté attentivement la lecture de la lettre de M. le ministre de l'intérieur ; vous avez vu qu'il y avait un délégué par école moyenne ; or un délégué par école moyenne dans la province d'Anvers.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Il s'agissait de tout le pays, et il y a 50 écoles moyennes.

M. Goblet. - Soit ! ce serait donc 50 personnes, c’est-à-dire un meeting que l’on tient dans une chambre et où l’on discute une pétition aux Chambres.

Dans tous les cas, messieurs, les instituteurs ont le droit, comme tous les citoyens, de tenir des meetings.

Lorsqu'il s'est agi de l'amendement de l'honorable M. Guillery, on nous a dit :

« Les instituteurs peuvent attendre ; ils n'ont pas besoin d'augmentation. »

Il est évident qu'en présence d'une circulaire comme celle de M. le ministre de l'intérieur, personne, parmi les instituteurs, ne pouvait le contredire, puisqu'on leur dénie le droit de pétition.

On reproche aux instituteurs de s'être qualifiés de « modestes et utiles », mais on leur a donné cent fois cette qualification dans cette enceinte. On leur reproche de s'être adressés à la Chambre, de n'avoir pas ajouté une foi pleine et entière aux promesses ministérielles.

(page 881) Je ne pense pas, messieurs, qu'il suffise de dire : « Nous améliorerons la position des instituteurs communaux et des instituteurs des écoles moyennes. »

D'après ce que nous a avancé l'honorable ministre de l'intérieur, lors de la discussion du chapitre de l'instruction publique, il faut attendre qu'il y ait bien des millions de dépensés pour maisons d'école avant que l'on puisse s'occuper utilement de l'amélioration du sort du corps enseignant, et parmi ceux qui trouvent que le traitement des instituteurs est trop peu rémunératoire, il en est qui peuvent dire : « Il est possible que M. le ministre tienne sa promesse. » Mais il en est d'autres qui peuvent craindre qu'il n'en soit pas ainsi et que M. le ministre ne la tienne pas.

Dans cet état de choses, est-ce donc un si grand crime que de se réunir pour arrêter les termes d'une pétition à la législature, alors surtout qu'ils respectent toutes les convenances.

Je ne vois pas en quoi cette conduite est répréhensible. Est-ce là agiter le pays ? Est-ce là soulever les masses populaires contre le pouvoir ? Ce sont là des exagérations qui ne sont nullement de mise dans les cas dont j'ai l'honneur d'entretenir la Chambre. Quel était donc le moment où les instituteurs trouvaient une occasion plus favorable pour venir aider à ce mouvement d'intérêt qui éclate chaque jour en faveur des fonctionnaires publics ? N'était-ce pas le moment où l'on discutait le budget de l'intérieur, et où la Chambre était saisie d'un amendement qui avait pour objet d'améliorer le sort des instituteurs ?

Je ne vois donc rien de blâmable dans l'initiative prise par les régents de l'école moyenne d'Anvers et dans la circulaire qu'ils ont adressée à leurs collègues des autres écoles moyennes du royaume.

Messieurs, ce n'est pas avec des plaisanteries, ce n'est pas en attirant l'attention sur des objets étrangers au débat, que l'on résout de pareilles questions. Ces questions sont populaires en Belgique, et nous touchons de plus en plus au moment où elles devront nécessairement être résolues.

Mais la lettre de M. le ministre de l'intérieur est encore malheureusement un de ces symptômes qui se révèlent à chaque instant, un de ces symptômes qui trahissent dans le ministère le désir de préconiser avant tout le pouvoir fort et d'en appliquer la théorie. C'est ce que je déplore et c'est à quoi je ne cesserai de m'opposer en toute circonstance.

M. Devaux. - Messieurs, je n'ai que deux mots à dire. Pour ce qui me concerne, je remercie M. le ministre de l'intérieur de sa circulaire.

Je le remercie d'écarter l'esprit anti-administratif de l'administration, et l'esprit d'indiscipline des écoles. En vérité ce seraient des instituteurs bien propres à maintenir la discipline dans leur école que ceux qui donneraient l'exemple public de l'indiscipline envers leurs supérieurs ! Depuis 30 ans je me préoccupe de la position des fonctionnaires de l’enseignement, et je m'efforce de leur être utile, non par des motions et des interpellations, mais par des mesures pratiques.

Comme membre de plusieurs corps qui poursuivent ce but et entre autres du bureau administratif d'une école moyenne, je sais gré à M. le ministre de l'intérieur d'éloigner des établissements de l'Etat les tendances anarchiques et les extravagances des meetings. Les instituteurs de l'Etat réunis en meeting, ce serait vraiment admirable ; il ne manquerait plus que de les laisser y conduire leurs élèves.

Conçoit-on quelque chose de plus opposé à l'esprit qui doit régner dans une école raisonnablement tenue ?

S'il est à Anvers des régents de l'école moyenne qui ont soif de meetings, ils ont à leur porte de quoi se satisfaire ; qu'ils jouissent individuellement de ce genre de plaisir, mais qu'ils se dispensent de faire de ces excentricités en corps et comme fonctionnaires de l'Etat. M. le ministre de l'intérieur mérite des éloges pour avoir, dans cette circonstance, tenu d'une main ferme les rênes de son administration.

M. Van Humbeeck. - Messieurs, toutes les questions qui se rattachent à la position des fonctionnaires sont extrêmement délicates ; la question qui se présente ici en est une preuve nouvelle.

Dans ces questions il y a toujours deux éléments en présence : l'élément citoyen et l'élément fonctionnaire, l'élément de liberté et l'élément de subordination.

Il faut pouvoir concilier ces deux éléments ; le jugement que nous avons à porter sur la circulaire ministérielle dépend tout entier de la question de savoir si les deux éléments y ont été intégralement sauvegardés.

Ces principes une fois posés, la solution ne peut pas être douteuse. M. le ministre de l'intérieur a fait son devoir jusqu'à un certain point ; il a dépassé ce devoir en allant au-delà de ce point.

On ne peut pas dénier d'une manière absolue aux fonctionnaires le droit d'adresser des pétitions à la législature ; on ne peut pas non plus dénier d'une manière absolue aux fonctionnaires le droit de se réunir pour délibérer sur leurs intérêts. On ne peut pas non plus leur accorder, d'une manière absolue, l'un et l'autre de ces droits, sans tenir compte de leurs devoirs spéciaux.

Ce sera une solution d'espèces, ce sera une question de convenance pour chaque cas particulier.

Ces questions sont très difficiles à examiner par un corps délibérant, la Chambre ne pouvant se rendre exactement compte des circonstances qui doivent déterminer de tels jugements ; aussi, me serais-je gardé d'attaquer la partie de la circulaire où l'on blâme ce qui a été fait.

Je pense que l'administration et que l'honorable ministre de l'intérieur, comme chef de l'administration, doivent avoir sur ces points une grande latitude ; que cette latitude est indispensable à la conservation de liens de la hiérarchie, des liens de la discipline administrative.

Mais M. le ministre de l'intérieur, d'après moi, est allé au-delà de ce qu'exigent la discipline et la hiérarchie, lorsqu'il a enjoint aux régents des écoles moyennes de s'abstenir dorénavant de toute immixtion dans les mesures que prépare le gouvernement pour améliorer la position des fonctionnaires ; là il a dépassé les exigences de la sévérité administrative la mieux caractérisée.

Si les régents des écoles moyennes adressent à la législature une pétition parfaitement convenable dans les termes, qu'ils signent cette pétition à 2, à 3, à 10, à 50 ; qu'ils la signent en aussi grand nombre qu'ils le voudront, peu importe, pourvu qu'ils usent de leurs droits de citoyen de manière à les concilier avec leurs devoirs de fonctionnaire ; si les régents des écoles moyennes se réunissent pour délibérer sur leurs intérêts, du moment que la réunion ne peut être considérée comme un acte de pression ni d'agitation, du moment qu'ils ne s'écartent pas des convenances que leur qualité de fonctionnaires leur impose, leur conduite ne sera nullement répréhensible.

Il est donc évident que M. le ministre de l'intérieur est allé plus loin que ne l'exigeait strictement le bien de l'administration dans la phrase finale de sa circulaire.

Si la question n'avait pas été portée à la tribune, je dois déclarer que je ne l'aurais pas soulevée pour ma part ; voici pourquoi : cette injonction qui se trouve à la fin de la circulaire, est destinée, d'après moi, à rester purement comminatoire ; elle ne doit produire aucun effet dans les termes absolus que lui prête la rédaction ministérielle.

Si des réunions ont lieu, si des pétitions se produisent, dans des circonstances où toutes les convenances seront respectées, l'honorable ministre de l'intérieur, j'en suis parfaitement convaincu, ne voudra pas tenir compte de l'injonction que renferme la dernière phrase de sa circulaire ; en pareil cas, il examinera seulement si les fonctionnaires, en faisant une semblable démarche, ont respecté toutes leurs obligations spéciales, s'ils n'ont pas voulu exercer une pression blâmable sur le gouvernement ; et dans le cas où il en sera ainsi, M. le ministre ne blâmera pas la conduite de ces fonctionnaires.

Je pense que M. le ministre de l'intérieur voudra bien faire à la Chambre la déclaration que lui-même interprète en ce sens la dernière phrase de sa lettre ; cette déclaration doit être de nature à lever tous les scrupules qui ont pu se produire à l'occasion de cette question.

Si telle est l'interprétation que l'honorable ministre de l'intérieur entend donner au dernier paragraphe de sa circulaire, l'incident actuel ne présente plus une bien grande importance.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je ne dirai plus que quelques mots.

L'honorable orateur qui vient de se rasseoir a, me semble-t-il, posé la question sur un bon terrain.

Il faut distinguer, en effet, jusqu'où va le droit du citoyen et jusqu'où va le droit du fonctionnaire ; c'est au ministre qu'il appartient d'établir la limite ; mais avant d'aller plus loin, je désire rectifier une allégation qui a été reproduite plusieurs fois, notamment par l'honorable M. Goblet.

L'honorable membre revient sur la discussion du budget et sur l'amendement de l'honorable M. Guillery, ne cesse de dire et beaucoup de monde répète après lui que les instituteurs devront attendre pour obtenir une amélioration de position jusqu'à ce que tous les bâtiments d'école soient construits.

Or, comme il y a pour 17 millions environ de bâtiments à construire ou à restaurer, on devrait, s'il en était ainsi, attendre fort longtemps.

Je n'ai rien dit et je n'ai même rien pensé de pareil, ou je me suis mal expliqué et je ne le pense pas, ou l'on m'a très mal compris.

J'ai dit qu'il y avait encore beaucoup de dépenses urgentes à faire, (page 882) indépendamment de celles qui sont nécessitées par l'augmentation des traitements des membres des corps enseignants. J'ai ajouté que la position de ces membres allait chaque année en s'améliorant, en ce sens que chaque année les communes et les provinces font plus de sacrifices, et que souvent aussi l'Etat se trouve dans la nécessité de vous demander des crédits. J'ai déjà eu l'honneur de le dire dans le cours de la session actuelle, le gouvernement viendra demander un crédit supplémentaire à joindre aux sommes payées par les communes et les provinces afin d'améliorer la position des instituteurs.

Si l'honorable M. Goblet n'avait pas rappelé cet incident, je ne serais pas revenu sur cette discussion, mais je dois rectifier des allégations qui sont inexactes

Quant à l'affaire d'Anvers, je maintiens ce que j'ai dit, et je crois avoir agi comme je devais le faire.

J'ai jugé la question dans les conditions où elle se présentait.

J'ai vu des membres du corps enseignant, des fonctionnaires de l'Etat qui doivent être calmes, se livrer à des études paisibles, je les ai vu, s'associer et se coaliser pour faire du bruit et mettre en pratique cette maxime de l'Evangile : « Frappez et l'on vous ouvrira.»

Ils ont pensé qu'ils devaient se réunir et qu'en faisant de l'agitation, ils pourraient obtenir plus vite une amélioration de position.

J'ai cru qu'il n'était pas digne du gouvernement d'admettre cette position.

L'honorable M. Van Humbeeck veut bien reconnaître que, sous ce rapport, je n'ai pas mal fait en ne permettant pas un meeting.

Mais le gouvernement, messieurs, est-il donc l'ennemi de tout ce qui concerne l'instruction publique ? On pourrait le croire, en entendant d'honorables membres ; cependant, nous ne laissons échapper aucune occasion possible d'améliorer la position de nos instituteurs.

Depuis 14 ans que j'ai l'honneur de siéger à la Chambre, j'ai souvent réclamé des augmentations, et j'ai souvent appuyé de ma parole des demandes de crédits pour améliorer la position des instituteurs en général et celle des régents des écoles moyennes ; je ne puis donc être suspecté d'indifférence envers eux.

Mais, dit-on, les régents des écoles moyennes ne pourront désormais plus s'occuper de leurs intérêts.

La lettre que j'ai écrite, messieurs, s'explique par elle-même ; elle s'explique par la mesure que les régents avaient cru devoir prendre, mesure de violence que je ne pouvais admettre. C'est en présence de cette mesure que je leur ai fait défense de s'immiscer dans ce qui a rapport à l'augmentation des traitements. Mais avant cette époque et depuis il m'arrivait et il m'arrive encore des pétitions par la voie hiérarchique et écrites dans le même but. Je les reçois avec la plus grande bienveillance, je les examine, et je les prendrai, s'il y a lieu, en considération lorsqu'il s'agira d'augmenter les traitements des fonctionnaires.

A une autre époque, je le sais, on a défendu aux régents des écoles moyennes de s'adresser à la Chambre et on leur a dit qu'ils devaient faire passer leurs demandes par la voie hiérarchique.

Je le déclare, si une pétition avait été simplement déposée sur le bureau de la Chambre, je n'aurais peut-être pas écrit ma circulaire. Mais j'ai voulu réprimer l'esprit d'agitation et d'indiscipline qui veut par des moyens illégaux exercer une pression sur la Chambre et sur le gouvernement.

M. Van Humbeeck. - Vous avez raison.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Cette pression, je ne la subirai pas, et je ne veux pas que vous la subissiez ; je veux que chacun reste dans les limites de ses droits.

M. Allard. - Vous avez bien fait.


M. Hymans. - Messieurs, je prends la parole pour demander au gouvernement s'il a reçu des renseignements sur une scandaleuse violation de la liberté des cultes qui a été commise à Malines.

Les faits dont il s'agit sont beaucoup plus graves que ce qui en a été dit dans les journaux.

Voici le récit qui m'a été fait de cet incident déplorable par des témoins oculaires. J'ai écrit sous leur dictée ce que je vais vous dire.

Mercredi dernier, un protestant appartenant à une famille des plus honorables, capitaine de la garde civique, devait être enterré à Malines. C'était le lendemain du mardi gras ; les fabriques chômaient.

L'enterrement d'un officier, auquel on rendait les honneurs dus à son grade, était un spectacle, et des groupes visiblement se formèrent devant la maison mortuaire.

Puis, un millier d'individus, conduits par un espèce de tambour-major, encore coiffé d'un chapeau de carnaval, s'organisèrent en cortège et escortèrent la dépouille mortelle, avec des huées et des chansons, depuis la maison jusqu'au temple.

Au pas des cérémonies funèbres, ce trajet dura vingt minutes. La police eut donc le temps d'agir. Quand on fut arrivé au temple, cette foule bruyante et grossière voulut y pénétrer, et les gardes civiques durent se servir de crosses de fusils pour tenir le passage libre.

Le lieutenant-colonel qui était là en uniforme envoya prévenir la police. Il fut répondu, à ce qu'on assure, qu'il n'y avait pas d'agents disponibles. La foule resta donc à hurler devant le temple pendant la cérémonie funèbre.

On s'achemina vers le cimetière. Celui-ci fut envahi par la populace qui se précipita aux abords de la fosse. Là se passèrent les faits les plus révoltants. Les officiers de la garde civique furent obligés de tirer leur sabre pour empêcher les membres de la famille d'être jetés dans la fosse.

La foule criait Smyt zy er in ! Jetez-les-y ! Des forcenés arrachèrent les voiles et crêpes que, selon la coutume anglicane, les parents portaient à leurs chapeaux, en signe de deuil.

On arracha une des épaulettes du commandant de la légion. Alors un officier de la place qui se trouvait là en spectateur, conseille aux gardes civiques de croiser la baïonnette, ce qu'ils firent, mais il s'ensuivit une honteuse mêlée, dans laquelle le père du défunt fut obligé de sauter par-dessus la fosse où l'on venait de descendre le cercueil de son fils, pour n'y pas être précipité lui-même.

Dans tout cela pas un agent de police, pas une mesure de précaution, et sans la fermeté de quelques gardes civiques, auxquels je rends un hommage d'autant plus sincère qu'ils n'appartiennent pas au culte du défunt, l'on eût vu le sang couler sur la tombe.

Dieu me garde de voir dans ces actes sauvages autre chose que le fruit d'une brutale ignorance J'avoue que je ne croyais pas qu'un tel scandale fût possible dans une ville de 30,000 âmes, qui envoie trois députés dans cette Chambre. Je crois remplir un devoir en blâmant à la tribune nationale ceux à qui il incombait de prévenir de tels faits, et qui ne les ont pas empêchés.

Je croirais faire injure à la magistrature, gardienne de l'ordre public, en supposant un instant qu'elle ne se soit pas immédiatement préoccupé des mesures à prendre pour qu'on en punisse les auteurs. Mais je demande que des explications nous soient données sur la conduite des autorités qui ont laissé faire et qu'il leur soit demandé un compte sérieux de leur indifférence.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je déplore, comme l'honorable membre, les faits scandaleux, inouïs qui se sont passés dernièrement à Malines.

Du moment que j'en ai eu connaissance, je me suis empressé d'ouvrir une information. J'ai écrit à l'honorable bourgmestre de Malines et j'ai reçu de ce fonctionnaire, ce matin même, la lettre suivante :

« Malines, le 11 mars 1862.

« Monsieur le ministre,

« Je m'empresse de répondre à votre dépêche du 10 de ce mois. La correspondance insérée dans l’Indépendance d'hier est empreinte d'une évidente exagération, je ne m'arrêterai pas à en relever les termes. Voici ce qui s'est passé.

« Mercredi dernier dans l'après-midi, la garde civique enterrait un capitaine avec les honneurs militaires et une foule considérable se trouvait sur pied.

« Ce concours de monde s'explique aisément : la circonstance qu'on était au lendemain du mardi gras, un cortège avec musique, l'enterrement, assez exceptionnel à Malines, d'un membre du culte réformé, tout devait contribuer à causer cette affluence qui au reste a été aussi subite qu'imprévue.

« Au moment du passage du convoi par la Grand-Place, M. le lieutenant-colonel de la garde civique fit demander à M. le commissaire de police d'envoyer des agents à la porte du temple protestant ; M. le commissaire fit ce qui était possible et l'adjudant des gardes de ville se trouva à ce poste avec trois agents de police.

« Une foule compacte avait envahi la rue de l'Empereur où est située la chapelle protestante, cependant tout se passa encore sans trop de désordre.

« Au cimetière il n'en fut plus de même. Plus de 3,000 personnes appartenant à toutes les classes de la société se pressaient dans l'enceinte, aux abords de la tombe ; il y eut là un tumulte et des cris causés surtout par les mouvements de la foule qui était poussée tantôt dans un sens, tantôt (page 883) dans un autre et le ministre anglican faillit en effet tomber dans la fosse par suite de cette pression.

« De pareils faits sont certes profondément regrettables, mais il est impossible de les mettre sur le compte de l'intolérance ; ils n'ont pu se produire que le lendemain d'une nuit d'orgie et dans les circonstances que je viens d'indiquer.

« Ceux qui connaissent la population de Malines seront unanimes à déclarer que nul ne pouvait s'attendre à une scène de cette nature. Il est certain que rien n'était prémédité.

« Quoi qu'il en soit, M. le ministre, des regrets ont été exprimés tant à la famille du défunt qu'au ministre protestant. Je me suis rendu en personne chez ce dernier, et il n'a pas hésité à reconnaître que ce qui s'était passé devait être considéré comme une suite du carnaval.

« J'ajouterai un dernier mot : la police n'était pas informée de l'heure du convoi ; elle n'a pu se mettre en mesure d'être en force au cimetière, et, je le répète, l'éventualité d'une pareille confusion ne serait venue, d'ailleurs, à la pensée de personne.

« Veuillez agréer, etc.

« Le bourgmestre, Broes. »

Messieurs, en recevant cette lettre, j'ai cru qu'il y avait lieu de la déférer à M. le ministre de la justice, afin que justice soit faite.

M. Hymans. - L'outrage qui a été commis à Malines est trop grave pour qu'il suffise, pour le réparer, d'exprimer quelques regrets aux particuliers qui en ont été victimes.

L'une de nos libertés fondamentales a été violée, et il importe d'apprendre aux populations à la respecter à l'avenir. Je prends acte de la déclaration de M. le ministre de l'intérieur qui vient de nous dire que des poursuites sont commencées et j'espère que l'article 264 du Code pénal qui protège le libre exercice des cultes ne sera pas un vain mot.

Quant à lettre de M. le bourgmestre de Malines, je la considère comme la plus flagrante condamnation de sa conduite. J'affirme, d'abord, d'après le témoignage des personnes les plus respectables, que la presse n'a nullement exagéré ces faits ; au contraire, elle les a considérablement atténués. M. le bourgmestre de Malines avoue que la foule se composait de trois mille personnes, et qu'on n'a envoyé que trois agents de police pour la contenir ; il avoue qu'on a fait appeler la police devant le temple, et puis, en terminant sa lettre, il dit que la police n'était pas prévenue de l'arrivée du convoi au cimetière. M. le bourgmestre de Malines prétend que l'enterrement d'un protestant, dans cette ville, est un fait exceptionnel ; cela est complètement inexact : tout le monde sait qu'un très grand nombre d'Anglais habitent la ville de Malines.

Cela est si vrai, qu'il y existe un temple consacré au culte anglican, et un ministre salarié par l'Etat.

Du reste, si cette cérémonie devait avoir un caractère exceptionnel, si l'on devait craindre pour la tranquillité publique et pour le respect des morts, à la suite de ce qu'on appelle une orgie, c'était une raison de plus pour prendre des mesures énergiques.

Je n'accepte pas, d'ailleurs, cette excuse de l'orgie ; je n'ai jamais entendu dire que la population malinoise fêtât le carnaval d'une manière moins décente que le reste de la population belge et je n'ai jamais vu, dans nos villes, d'orgie le lendemain des divertissements du carnaval.

Je n'hésite donc pas à dire que le bourgmestre de Malines, exclusivement chargé de la police, dans cette circonstance comme dans toutes les autres, a failli à ses devoirs.

Sa lettre le prouve, et je crois qu'une enquête administrative doit être faite sur cette déplorable affaire que je considère comme une honte pour un pays civilisé. (Interruption.)... Oui, comme une honte pour un pays civilisé.

M le ministre de l'intérieur nous disait tout à l'heure, en répondant à l'honorable M. Goblet, qu'il ne pouvait pas admettre qu'un homme, fonctionnaire ou autre, fût juge dans sa propre cause.

Eh bien, le cas ici est trop grave pour que la conduite de M. le bourgmestre de Malines ne soit pas soumise à un autre contrôle, à un autre examen et surtout à une autre approbation que les siens.

M. le président. - Personne ne demande plus la parole, je déclare la discussion close sur l'incident.

Nous passons maintenant à la discussion des pétitions relatives aux servitudes militaires.

- Plusieurs membres. - A demain.

- D'autres membres. - Non ! non ! Continuons, il n'est pas 3 heures.

M. Hymans. - Je désirerais savoir si M. le ministre de l'intérieur est disposé à ouvrir une enquête administrative. Je sais parfaitement que le parquet est saisi de l'affaire ; mais il importe, selon moi, qu'une enquête administrative ait également lieu.

M. le président. - La discussion est close sur l'incident.

M. Hymans. - Mais, messieurs, il est très commode de déclarer un incident clos sans qu'il soit terminé. Je prie M. le ministre de vouloir bien me répondre.

M. le président. - La Chambre consent-elle à rouvrir un instant ce débat ?

- Voix nombreuses. - Oui ! oui !

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je croyais, messieurs, avoir prévenu la demande de l'honorable membre.

J'ai dit que mon premier soin, dès que j'ai eu connaissance de l'affaire, a été de demander des explications à M. le bourgmestre de Malines et j'ai ajouté que j'ai pensé qu'il y avait lieu de déférer cette affaire à M. le ministre de la justice.

Je me propose, du reste, de demander de nouvelles explications, car j'ai l'intention bien arrêtée de ne pas laisser cette affaire sans suite. Je suis tout aussi indigné que peut l'être l'honorable M. Hymans et je réprouve autant que lui l'acte qui a été commis ; mais je ne puis cependant pas blâmer M. le bourgmestre de Malines.

M. Hymans. - Aussi n'est-ce pas ce que je demande.

M. B. Dumortier. - C'est cependant là ce qu'on fait.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je ne puis pas le blâmer avant de l'avoir entendu et de connaître l'affaire à fond.

J'ajouterai que M. le bourgmestre de Malines est venu spontanément ce matin pour me parler ; je n'ai pu le voir parce que je devais assister à une triste cérémonie ; sans cet empêchement, il est probable que j'aurais reçu des explications plus détaillées sur ce qui s'est passé.

Il n'y a donc aucun reproche à adresser jusqu'à présent à l'administration communale de Malines.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Personne ne peut discuter des sentiments que le gouvernement éprouve en présence des faits regrettables et condamnables qui se sont passés à Malines, et sans m'être concerté avec mon honorable collègue, M. le ministre de l'intérieur, nous avons, lui de son côté et moi du mien, cherché à connaître la vérité sur ce qui s'est passé. Ainsi, dès que j'en ai eu connaissance par des journaux de la capitale, j'ai provoqué des explications, et ces explications nous devons évidemment les attendre pour décider quelles mesures ultérieures il y aurait lieu de prendre à l'égard des fonctionnaires qui auraient failli à leurs devoirs.

Nul, évidemment, n'est plus à même de faire une enquête sérieuse, complète et impartiale que la justice ; cotte enquête sera faite ; la Chambre ne doit pas en douter,

Certainement, de toutes les libertés consacrées par la Constitution, la plus précieuse est la liberté de conscience. Celle-là surtout doit être, respectée et nous ferons tout ce qu'il est possible pour qu'il n'y soit porté aucune atteinte. Mais, comme vient de le dire mon honorable collègue de l'intérieur, qu'on laisse au moins au gouvernement le temps de s'enquérir ; qu'on ne provoque pas des mesures, qu'on ne demande pas que nous condamnions avant que nous ayons pu former notre conviction sur les griefs que l'on articule contre les autorités de Malines.

Je le répète, la Chambre peut être convaincue que des faits de cette nature seront réprimés s'ils sont établis. Nous n'avons pas eu besoin d'interpellation pour prendre l'initiative ; et par les explications échangées dans cette séance, l'honorable membre a pu voir que le gouvernement entend bien faire instruire et appeler la lumière sur tous les faits dénoncés.

M. Hymans. - Je me déclare satisfait.

M. le président. - L'incident est clos ; nous passons à la discussion des pétitions relatives aux servitudes militaires.

Rapports de pétitions

Rapport sur les pétitions relatives aux servitudes militaires autour d’Anvers

M. Tack (pour une motion d’ordre). - La discussion qui va s'ouvrir fera surgir des questions ardues et soulèvera de nombreuses difficultés. Nous avons besoin d'être entourés de tous les documents qui peuvent nous éclairer. Il importe que nous ayons une idée exacte du préjudice qui doit résulter pour le commerce et l'industrie en général, comme pour les intérêts privés, de l'établissement des servitudes militaires autour d'Anvers. Pour cela, il serait bon que nous ayons sous les yeux un plan sur lequel sont indiqués le périmètre de l'ancienne et de la nouvelle enceinte, les zones de prohibition anciennes et nouvelles, tant celles afférentes au mur de circonvallation que celles qui entourent les citadelles du sud et du nord et les forts détachés ; la nature des propriétés grevées de servitude, la superficie des terrains englobés dans l'intérieur de la ville d'Anvers, par suite des travaux qui s'exécutent en ce moment et les distances qui séparent l'enceinte continue des maisons et constructions existantes.

(page 884) Je ne réclame pas un plan mathématiquement exact et détaillé des fortifications ; M. le ministre de la guerre pourrait repousser ma proposition en se basant sur la nécessité de ne pas dévoiler nos moyens de défense ; ce que je demande surtout, c'est une esquisse aussi approximative que possible des zones de prohibition qui seront établies tant vers l'intérieur de la ville que dans la direction de la campagne, en un mot un croquis qui nous permette de saisir d'un coup d'œil toutes les conséquences nuisibles et dommageables qu'entraîneront, pour la ville d'Anvers et ses faubourgs, les nouvelles servitudes militaires dont les pétitionnaires se plaignent si vivement.

Je prie l'honorable ministre de vouloir déposer dès demain, si c'est possible sur le bureau de la Chambre, l'un des plans dont son département dispose et qui puisse répondre au vœu que je viens d'exprimer.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, je ferai tout ce qui dépendra de moi pour me rendre au désir de l'honorable membre. Mais je ne puis promettre que pour demain, à l'ouverture de la séance, un plan aussi considérable sera terminé.

Cependant, je vais y faire travailler immédiatement ; s'il est prêt, je le déposerai demain ; mais bien certainement ce plan sera déposé après-demain.

M. Orts. - Je crois que ce plan a été produit en 1858.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Ce plan n'indiquait pas les zones de servitude, et il faut les établir.

Le plan déposé en 1858 était un plan pris sur une carte de commerce qui n'était pas complètement exact.

Je tâcherai de vous fournir un plan qui soit rigoureusement exact, de manière qu'il ne puisse y avoir aucune erreur.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - La parole est à M. de Gottal.

M. de Gottal. - Je suis prêt à prendre la parole. Je ferai cependant remarquer qu'il me sera impossible de terminer dans cette séance. Il me serait plus agréable de ne parler que demain.

Plusieurs membres. - A demain !

D'autres membres. - Non ! non ! Parlez !

M. Royer de Behr. - Je conçois parfaitement la répugnance de l'honorable M. de Gottal à prendre la parole aujourd'hui, puisqu'il nous annonce avoir un discours assez long à prononcer. Mais nous pourrions concilier tous les intérêts en fixant la séance de demain à une heure.

M. Vanden Donckt. - Je crois que nous devons continuer la discussion. Aujourd'hui les honorables ministres sont présents. Demain il y aura réunion du Sénat et il sera impossible que tous les ministres soient ici. Nous devons profiter de ce qu'il n'y a pas séance au Sénat.

M. Jamar. - Nous pourrions concilier le désir de la Chambre d'utiliser les quelques instants qui nous séparent de l'heure à laquelle nous cessons nos séances et le désir de l'honorable M. de Gottal de ne pas commencer aujourd'hui son discours, qui serait forcément interrompu.

Nous avons à l'ordre du jour un projet de loi très important dont le commerce et l'industrie attendent l'adoption avec une vive impatience et qui ne saurait donner lieu à aucune discussion importante. Je veux parler du projet de loi accordant au département des travaux publics, un crédit de cinq millions pour mettre le matériel du chemin de fer en harmonie avec les besoins de l'industrie.

Nous pourrions employer le restant de la séance à discuter et à voter ce projet. (Interruption.)

Messieurs, la discussion ne peut être longue ; la section centrale est d'accord avec le gouvernement, et je le répète, le commerce et l'industrie attendent ce projet avec la plus vive impatience. Il ne suffira pas de voter le crédit ; la construction de ce matériel exigera un temps très long ; nous devons donc nous efforcer de voter ce crédit le plus tôt possible.

M. Allard. - Je m'oppose à la proposition de l'honorable membre ; nous ne devons pas encore une fois changer notre ordre du jour. La discussion de la question des servitudes militaires a été fixée depuis très longtemps à la suite de celle du budget de l'intérieur. Le moment est arrivé de commencer cette discussion. L'honorable M. de Gottal devrait prendre aujourd'hui la parole. Nous pouvons avoir encore une demi-heure de séance.

M. de Gottal. - Je trouve fort étonnant que l'honorable préopinant s'adresse à moi en ayant l'air de supposer que je cherche à gagner un jour de plus.

M. Allard. - Du tout.

M. de Gottal. - Il est arrivé plus d'une fois, à la fin d'une séance, que des orateurs aient demandé à ne prendre la parole que le lendemain.

La question que nous avons à traiter est de la plus haute importance. Il arrive souvent qu'à la fin d'une séance la Chambre prête peu d'attention. Je n'ai pas la prétention de captiver son attention d'une manière spéciale. C'est pourquoi je demande à prendre la parole au commencement de la séance de demain et à présenter d'un seul trait les considérations que j'ai à faire valoir.

- Plusieurs membres. - A demain !

-La proposition de remettre à demain la discussion sur les servitudes militaires est adoptée.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - La Chambre veut-elle aborder un autre objet ?

- Plusieurs membres. - Oui ! oui !

M. le président. - M. Jamar a proposé de nous occuper du projet de loi allouant un crédit de 5 millions au département des travaux publics. (Interruption.)

M. de Theux. - Quant à moi, je m'oppose à l'interversion de l'ordre du jour. Ce sont des surprises que de changer ainsi les objets à l'ordre du jour. On s'attendait à la discussion de la question des servitudes militaires, et voilà qu'on veut passera à la discussion de la question de l'augmentation du matériel du chemin de fer. Il peut y avoir des membres qui désirent prendre part à cette dernière discussion. Parce que la section centrale a adopté le projet de loi, il ne s'ensuit pas qu'il n'y ait aucune observation à faire. Une somme de 5 millions appliquée à un objet de cette importance, vaut bien une discussion sérieuse. Je maintiens que la Chambre ne doit pas changer son ordre du jour.

M. de Renesse. - Je demande que la Chambre se réunisse demain à une heure.

M. le président. - Il s'agit d'abord de savoir si on abordera un autre objet que celui qui vient d'être remis à demain. Je vais mettre aux voix la proposition de M. Jamar.

M. Jamar. - Je la retire, n'ayant pas eu la pensée de faire voter par surprise un projet de loi aussi important.

- La proposition de M.de Renesse est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.

La séance est levée à 4 heures et demie.