(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)
(page 851) (Présidence de M. Vervoort.)
M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à une heure et un quart.
M. de Boe, secrétaire, lit le procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est adoptée.
M. Thienpont, secrétaire., présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Des négociants, commissionnaires et entrepreneurs dans la province d'Anvers se plaignent de la tolérance laissée aux éclusiers et pontonniers du canal de jonction de l'Escaut à la Meuse, d'exercer, en dehors de leurs fonctions administratives et en concurrence avec les contribuables, des professions soumises à la patente. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« L'administration communale de Ryckevorsel demande la révision de la loi du 18 février 1845, relative au domicile de secours. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion concernant des pétitions relatives au même objet.
« Les membres des conseils communaux de Gerdingen, Gruitrode, Meuwen, Wyshagen et Ellicom présentent des observations contre la demande ayant pour objet le rétablissement du commissariat d'arrondissement à Maeseyck. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« M. le ministre des finances transmet à la Chambre le compte des remboursements effectués pendant l'année 1860 sur les bons du trésor émis jusqu'au 11 novembre 1859. »
- Impression et distribution aux membres de la Chambre.
« M. Van Renynghe, obligé de s'absenter pour affaires de famille, demande un congé. »
- Accordé.
M. Rodenbach. - Messieurs, je n'ai pas demandé la parole pour une question personnelle ; mais d'après le désir exprimé par plusieurs de mes honorables collègues, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre de s'ajourner, après la séance de demain, jusqu'à mardi 11 mars.
J'aurais proposé à l'assemblée de ne s'ajourner que jusqu'à jeudi 6 mars, mais on ne serait pas en nombre.
M. Goblet. - Si la discussion du budget de l'intérieur devait se prolonger, ne serait-il pas utile d'avoir une séance du soir, pour que le budget soit voté avant l'ajournement de la Chambre ? J'en fais la proposition.
M. Allard. - Messieurs, je demande que la Chambre ne statue sur la motion de l'honorable M. Rodenbach qu'après la discussion du budget de l'intérieur ; en d'autres ternies, je demande que la Chambre ne se sépare pas avant le vote du budget de l'intérieur.
M. Goblet. - La proposition de l'honorable M. Allard n'exclut pas la mienne ; il est très probable que la solution que recevra ma proposition rendra celle de l'honorable M. Allard moins nécessaire.
M. le président. - Nous sommes d'accord pour ne pas nous séparer avant le vote du budget de l'intérieur.
Quant à la séance de soir, je propose à la Chambre de n'y statuer qu'à la fin de la séance. (Adhésion.)
- Des membres. - Aux voix la proposition de M. Rodenbach.
- D'autres membres demandent l'ajournement à jeudi 6 mars.
M. Rodenbach. - Je répète que nous ne serons pas en nombre jeudi 6 mars. Il est arrivé plusieurs fois que lorsque la Chambre s'est ajournée, à l'occasion du carnaval, jusqu'au lendemain du jour des Cendres, elle ne se trouvait pas en nombre.
Il est très désagréable pour des membres qui viennent de 20 à 30 lieues, de rester ici à ne rien faire pendant 2 ou 3 jours. Ce sont ordinairement les plus éloignés qui sont les plus exacts.
Je persiste à demander que la Chambre s'ajourne après la séance de demain jusqu'à mardi 11 mars.
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, le retard fâcheux du vote des budgets nous met dans la nécessité de solliciter de nouveaux crédits provisoires pour le département des affaires étrangères et pour le département delà guerre.
Le budget du département de la guerre est voté par la Chambre, mais il n'a pas encore reçu l'approbation du Sénat.
Comme il est possible qu'il ne soit pas voté par cette assemblée en temps opportun, il sera indispensable d'allouer un crédit provisoire au gouvernement.
Quant au département des travaux publics, le crédit provisoire qui lui a été alloué sera suffisant jusqu'à la rentrée des Chambres.
La Chambre vient de prendre la résolution de s'ajourner au 11 mars ; comme les projets dont il s'agit ne peuvent souffrir aucun retard, ni présenter d'ailleurs aucune espèce de difficulté, il me semble qu'ils pourraient être renvoyés aux sections centrales qui ont été constituées pour l'examen des budgets.
M. le président. - M. le ministre des finances propose le renvoi aux sections centrales chargées d'examiner les budgets.
- Cette proposition est adoptée.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai à soumettre à la Chambre quelques observations sur la proposition qui vous a été faite dans le but d'augmenter d'une somme très notable le crédit destiné à être réparti en subsides entre les communes, pour les aider à supporter les dépenses occasionnées par le service de l'enseignement primaire.
Il s'agit d'une augmentation de dépense de 700,000 fr. à peu près pour le trésor public.
Messieurs, c'est sans doute une position fort singulière que celle du gouvernement dans cette affaire.
Habituellement, ce sont les Chambres qui disputent aux ministres les crédits qu'ils sollicitent pour assurer les services publics.
Dans les cas qui nous occupe, c'est, tout au contraire, le gouvernement qui déclare n'avoir pas immédiatement besoin de ce crédit. Il est obligé de le repousser.
Les rôles sont donc absolument intervertis.
Dans l'ordre régulier de nos institutions constitutionnelles, d'après les principes essentiels du gouvernement représentatif, c'est au ministère que revient surtout, et je dirai presque exclusivement, l'initiative en matière de dépenses ; et c'est à la Chambre d'exercer sur les propositions du gouvernement, sur les demandes de crédit, sur les dépenses, un contrôle rigoureux.
Je crois, messieurs, que la marche suivie par l'honorable auteur de l'amendement, n'est ni régulière ni même prudente. Les assemblées délibérantes cèdent très facilement à une sorte d'entraînement qui les porte, d'une part, à la suppression de certaines taxes, de certains impôts, c'est-à-dire à la réduction des ressources, et, d'autre part, à voter en même temps des dépenses nouvelles, deux ordres de faits qui sont tout à fait inconciliables.
D'après les principes qui nous régissent, des devoirs particuliers sont imposés au gouvernement, lorsqu'il soumet aux Chambres des propositions de dépenses.
S'il s'agit des dépenses ordinaires, le gouvernement présente les budgets ; c'est-à-dire, d'un côté, le chiffre total des ressources dont il peut disposer, et d'un autre, l'ensemble des dépenses qu'il est tenu de faire.
(page 852) Il est obligé, par cela même, de mettre ces deux éléments en équilibre, il est tenu à ne point proposer de dépenses, sans indiquer en même temps les moyens d'y faire face. S'agit-il de crédits extraordinaires, la loi de comptabilité lui fait un devoir d'indiquer, à l'aide de quelles ressources il entend y subvenir.
Si, au contraire, l'initiative en matière de dépenses s'exerce par la Chambre, les membres qui fout des propositions de cette nature sont affranchis de toute espèce d'obligation, de toute espèce de responsabilité. Sans doute, un tel rôle est à la fois agréable et facile. Mais ne serait-il pas juste qu'en proposant de créer des dépenses nouvelles, on indiquât en même temps quels sont les moyens d'y faire face ?
C'est, je le répète, messieurs, une pratique très anomale, dont je ne connais pas, bien entendu pour des sommes de quelque importance, de précédents dans les pays à gouvernement représentatif.
En Angleterre, c'est une maxime constitutionnelle que l'initiative des dépenses appartient au gouvernement. Chacun doit être dans son rôle, et chacun doit y rester.
Cependant, remarquez-le-bien, messieurs, je me hâte de protester contre l'idée que l'on pourrait vouloir m'attribuer, de contester en aucune manière le droit de la Chambre ; ce droit ne saurait être remis en question : bien certainement la Chambre a le droit et elle a le pouvoir incontestable de voter des dépenses, toutes les dépenses qu'elle trouve bon de décider. Ce droit, je le répète, n'est pas discutable. Mais, ce que je soutiens, c'est que l'initiative prise par des membres de la législature en matière de propositions de dépenses, constituerait en fait une pratique mauvaise, une pratique dangereuse dans l'exercice du gouvernement représentatif.
Un publiciste très distingué, un publiciste anglais du plus haut mérite, dans les opinions sont fort avancées, qui peut même, sous certains rapports, être placé dans l'école radicale, John-Stuart-Mill enseigne formellement la doctrine que je viens d'exposer. Je lisais, il y a très peu de jours, un livre qu'il vient de publier, et dans lequel j'ai remarqué le passage suivant :
« Il y a, dit l'auteur, une différence radicale entre contrôler la besogne du gouvernement et l'accomplir réellement :1e même homme ou le même corps peut être capable de tout contrôler, mais ne peut pas tout faire ; et, dans bien des cas, moins il essayera d'agir par lui-même et plus son contrôle sur toutes choses sera satisfaisant. Le chef d'une armée ne pourrait pas si bien en diriger les mouvements s'il combattait dans les rangs ou s'il montait à l'assaut. Il en est de même des assemblées humaines : certaines choses ne peuvent être faites que par des assemblées ; d'autres ne peuvent être bien faites par elles. En conséquence, savoir ce qu'une assemblée populaire doit contrôler est une question ; savoir ce qu'elle doit faire en est une autre.
« ... Par exemple, l'office qu'on regarde comme appartenant plus particulièrement que tout autre à une assemblée représentative du peuple, c'est celui de voter l'impôt. Néanmoins, dans aucun pays, l'assemblée représentative n'entreprend de préparer le budget, soit elle-même, soit par des délégués. Quoique les budgets et les dépenses ne puissent être votés que par la chambre des communes, et quoique la sanction de la chambre soit exigée également pour l'appropriation des revenus aux différents item de la dépense publique, c'est une maxime et une pratique habituelle de la constitution, de n'accorder l'argent que sur la proposition de la couronne. Il fut compris, sans doute, qu'on ne peut espérer de la modération quant à la somme, du soin et du jugement dans le détail de son application, que lorsque le gouvernement exécutif par les mains duquel cet argent doit passer, est responsable des plans et des calculs sur lesquels se basent les appels de fonds. »
En effet, messieurs, une assemblée ne peut avoir en cette matière des vues d’ensemble, une assemblée ne peut connaître les besoins réels du service auquel il faut pourvoir et si nous voulions emprunter à ce qui se passe un argument en notre faveur, il nous suffirait de faire remarquer que l'honorable auteur de la proposition ignore complètement s'il y a réellement nécessité de voter une telle augmentation, il ignore dans quelle mesure il faudrait faire l'application de ces fonds ; le gouvernement avisera, dit-il, sur la solution à donner à ces questions.
Or, le gouvernement répond que, pour l'application des règles admises en cette matière, il n'a pas, quant à présent, à réclamer de la Chambre un crédit plus élevé que celui qu'il a indiqué dans le budget.
Si quelque accroissement de ce crédit est nécessaire plus tard, il en fera la demande à la législature. Qu’importe ? réplique l'honorable M. Guillery ; vous appliquerez ces fonds comme vous appliquez les autres.
En outre, en matière de dépenses, les assemblées ne sont pas en mesure de connaître, parmi les choses utiles, nécessaires, indispensables même, quelles sont celles qui ont un plus grand degré d'urgence, car parmi les dépenses urgentes et indispensables, il y a encore bien des degrés ; je ne serais pas en peine de soumettre à la Chambre une liste très variée d'objets éminemment utiles, pour lesquels il y aurait à dépenser des sommes s’élevant à 40, à 50, à 100 millions peut-être. Mais peut-on tout faire à la fois ? Quand et comment faut-il agir, et dans quelle mesure ? Ce sont là toutes questions qu'il faut examiner, et pour la solution desquelles le gouvernement a seul les éléments d'une appréciation rationnelle.
Cette seule considération suffirait pour que, sans entrer dans l'examen de la proposition, la Chambre l'écartât quant à présent. Mais il est encore d'autres motifs, très sérieux, qui ne permettent pas au gouvernement de s'y rallier.
J'exprimerai d'abord le regret véritable que j'éprouve, en voyant qu'en toute circonstance on représente les agents de l'Etat, à des degrés quelconques, comme étant dans la position la plus misérable, la plus déplorable, la plus honteuse pour un pays civilisé !
Il y a peu de temps on parlait des soldats : eh bien, au dire de certains orateurs, les soldats étaient plus mal traités que des criminels ; ils n'étaient ni aussi bien logés, ni aussi bien nourris que les malfaiteurs dans les prisons. L'autre jour, il s'agissait des fonctionnaires en général, Or, ces fonctionnaires, nous les laissons mourir de faim ! Aujourd'hui il s'agit des instituteurs ; on vient affirmer qu'ils sont plus mal traités que des charretiers ! Mais, messieurs, si tout cela était vrai, si ce tableau si sombre n'était pas évidemment chargé de couleurs exagérées, ne serait-ce pas une situation intolérable ? Ne faudrait-il pas s'insurger contre une société qui laisserait dans une pareille situation des serviteurs à tous les degrés ? Ne faudrait-il pas s'insurger contre un gouvernement assez oublieux de ses devoirs, pour condamner ceux qui le servent à vivre dans la situation déplorable que l'on vient d'indiquer ?
Heureusement, messieurs, et pour le gouvernement et pour les fonctionnaires eux-mêmes, il y a dans toutes ces allégations de grandes, de très grandes exagérations.
Sans doute, je l'ai dit déjà et je me hâte de le répéter, je suis le premier à reconnaître qu'il y a quelque chose à faire. Nous avons signalé nous-mêmes à diverses époques, en maintes circonstances, la situation des fonctionnaires comme devant être améliorée ; mais, non pas, cependant, parce que cette situation serait aussi mauvaise, je dirai aussi honteuse, qu'on l'a prétendu.
Je ne saurais assez protester contre de telles exagérations. Je convie les honorables membres qui émettent ces opinions exagérées que le devoir du gouvernement l'oblige à combattre, à regarder à côté des serviteurs de l'Etat, et à considérer la position sociale des citoyens en général ; car il ne faut pas perdre de vue que ces citoyens sont des contribuables, auxquels il faut s'adresser pour obtenir les ressources nécessaires à la marche des divers services publics. Eh bien, messieurs, combien y en a-t-il parmi ces contribuables qui soient dans une position relative aussi favorable que les fonctionnaires, que les agents de l'Etat, que les instituteurs même dont on vous parle ? Combien y en a-t-il surtout qui soient dans une position aussi sûre, aussi tranquille, aussi bien abritée contre les vicissitudes des événements ?
C'est là, messieurs, l'ensemble de faits qu'il faut surtout considérer, et il faut, avant tout, mesurer les sacrifices que l'on demande au trésor public, aux moyens, aux ressources de ceux à qui l'on s'adresse pour l'alimenter.
Et puis, messieurs, je ne le dissimulerai pas : dans cette matière de l'instruction primaire qui nous tient tant au cœur, à nous en particulier, et qui, je le sais, tient également au cœur de tous les membres de l'assemblée, j'éprouve un certain froissement à voir se produire une proposition qui, malgré les protestations dont on l'entoure, signifie manifestement que le gouvernement ne remplit pas tous ses devoirs.
Eh bien, je n'accepte pas ce reproche ; je ne l'accepte ni pour moi ni pour aucun des membres de cette assemblée. Je dis que toujours, à toutes les époques, depuis que la loi sur l'enseignement primaire existe, le gouvernement, et j'entends par là tout le monde, pouvoir législatif et pouvoir exécutif, provinces et communes, a fait largement son devoir.
Les chiffres successifs du budget le démontrent d'une manière incontestable ; et pour ce qui nous regarde, en considérant spécialement les faits accomplis par notre administration, peu éloignés de l'époque où la loi sur l’enseignement primaire a été mise à exécution, puisque alors elle avait à peine quatre années de date, voici les résultats que nous avons à présenter à la Chambre et au pays.
Quelle était, en 1847, la part de l'Etat dans le crédit consacré au service de l'enseignement primaire ? 900,000 fr.
Quelle est-elle aujourd'hui ? Grâce à l'initiative du ministère, initiative qui s’est donc utilement exercée, nous avons augmenté la dépense de plus de cent pour cent ; elle a presque atteint deux millions en 1860. Dans l'espace de dix années, de 1850 à 1860, nous avons augmenté ces (page 853) mêmes dépenses de 58 p. c, Nous l'avons fait, messieurs, dans une juste mesure ; nous l’avons fait proportionnellement aux efforts que devaient faire les communes et les provinces pour arriver à une bonne, à une complète organisation de cet enseignement.
Chaque année, il y a eu accroissement et accroissement notable, et je dois même supposer que la proposition faite par l'honorable M. Guillery est la conséquence d'une erreur d'appréciation dans laquelle il sera tombé.
L'honorable M. Guillery aura pensé que le fonds consacré à l'enseignement primaire était en quelque sorte stationnaire. Il a en effet cité le chiffre de 1857.
Il nous a dit qu'à cette époque les dépenses étaient de 5 millions environ, et il a ajouté « que ces dépenses n'avaient pas beaucoup varié depuis lors. » Mais l'honorable membre a été fort mal renseigné ; les dépenses ont été notablement accrues depuis 1857 jusqu'à ce jour ; elles étaient, en effet, de 5,200,000 francs en 1857, mais elles sont aujourd'hui de 6,341,000 fr. Ainsi, de 1857 à 1800, elles ont subi une augmentation de 1,141,000 fr., c'est-à-dire de 22 p. c. environ.
L'honorable membre s'est donc évidemment trompé dans son appréciation. Dès lors, je comprends fort bien que, croyant qu'on en était toujours au chiffre de 1857, il a pu penser qu'il y avait lieu de demander un nouveau crédit de 700,000 francs ; mais il y a là une erreur matérielle, comme je viens de le démontrer.
Maintenant, remarquons que les dépenses sont plus considérables pour 1861, et qu'elles seront augmentées encore pour 1862 ; nous proposons, en effet, des crédits nouveaux, et mon honorable collègue le ministre de l'intérieur l'a dit, il est possible, il est même vraisemblable qu'il faudra demander des crédits supplémentaires pour faire face à des nécessités qui sont pressenties dès maintenant, et qui ne tarderont pas sans doute à être dûment constatées.
Ainsi, ni pour la Chambre ni pour le gouvernement, je ne puis accepter le reproche, exprès ou implicite, d'avoir négligé quoi que ce soit qui pût intéresser l'enseignement primaire.
Mais, messieurs, quelle qu'ait été notre sollicitude, on ne peut cependant contester qu'il est désirable que la condition des instituteurs et des sous-instituteurs soit encore successivement améliorée ; j'en tombe volontiers d'accord avec l'honorable M. Guillery. Mais il me semble que l'on doit se demander à qui incombe le soin, le devoir d'améliorer cette position. Qui doit le faire ?
Messieurs, la solution de cette question résulte de la nature même des choses. L'enseignement primaire est sans doute d'intérêt général, il est même d'intérêt social ; mais il est, avant tout, quant à la dépense, un objet essentiellement communal.
Et ce n’est pas seulement parce que la loi le déclare, ce n'est pas seulement parce que la loi se borne à demander, à la province d'abord et à l'Etat ensuite, leur concours en faveur des communes qui ne peuvent par elles-mêmes suffire aux dépenses de l'enseignement primaire, que je prétends que ce service est avant tout un objet communal ; je le proclame comme un principe essentiel et excellent.
Je maintiens que si ce principe n'était pas écrit dans la loi il faudrait l'établir.
En effet, messieurs, il est réellement important que la dépense de l'enseignement primaire soit communale. Vous devez faire que la commune s'impose tous les sacrifices possibles en faveur de cet enseignement, et c'est seulement lorsqu'elle s'est imposé tous les sacrifices possibles, que vous pouvez lui venir en aide.
C'est avant tout pour elle-même, c'est dans son propre intérêt qui cet enseignement primaire est donné.
C'est plus particulièrement pour assurer son bien-être, pour garantir sa sécurité. C'est à ces titres que le premier devoir, celui de la rémunération, est imposé à la commune, en matière d'enseignement primaire.
Or, lorsque, ne sachant indiquer un emploi précis du crédit proposé, vous parlez de l'appliquer à l'augmentation des traitements des instituteurs et que vous voulez faire supporter cette augmentation pur l'Etat, vous changez radicalement cette condition ; de l'instituteur, qui est nécessairement et avant tout un fonctionnaire communal, nommé par la commune, révoqué par la commune et qui doit être autant que possible rémunéré par la commune, vous feriez en très peu de temps un fonctionnaire de l'Etat.
Nous n'avons donc pas ici à voter les traitements des instituteurs communaux ; c'est à la commune à le faire, et si vos reproches sont fondés, quant à l'insuffisance des traitements, ce n'est pas le gouvernement, c'est la commune qu'ils atteignent directement.
Au lieu d'accuser ici le gouvernement, dites donc résolument aux communes, si vous le croyez juste, qu'elles ne remplissent pas leur devoir.
Messieurs, nous trouvons, dans la proposition qui nous occupe, une tendante extrêmement dangereuse, et qui aurait pour conséquence de faire transporter les dépenses locales dans le budget général. Qu'il s'agisse de routes, d'hygiène, d'un service quelconque qui est essentiellement communal ; qu'il s'agisse de secrétaires communaux, de l'instruction primaire, c'est au trésor public que l'on voudrait faire supporter toutes les dépenses.
Messieurs, prenez-y garde : vous arriverez très facilement ainsi à faire abdiquer toutes les communes dans les mains du gouvernement. Vous pouvez faire des phrases très pompeuses sur la liberté communale, sur l'importance de l'institution communale ; mais la liberté communale n'existera plus du jour où il n'y aura plus de dépenses communales, la liberté communale est dans la caisse communale ; la liberté communale, c'est l'obligation de faire face aux dépenses locales, c'est le pouvoir de se taxer dès que les ressources qu'elle possède sont insuffisantes pour que la commune remplisse tous ses devoirs. Si vous affranchissez la commune de ces obligations et de ce pouvoir, vous avez supprimé de fait la liberté communale.
Il faut donc prendre bien garde de se livrer à cet entraînement ; car sous prétexte de faire ici les affaires qui incombent aux communes et qu'il importe de laisser aux communes, sous prétexte même de faire les choses les plus utiles au point de vue de l’enseignement primaire, nous en ferions une déplorable au point de vue du développement des intérêts politiques du pays.
La commune, c'est l'école primaire pour les citoyens : c'est là que l'on forme des hommes ; c'est là qu'ils apprennent à s'occuper d'autres intérêts que leurs intérêts privés ; ils y apprennent qu'il n'y a pas seulement des avantages et des droits dans la société, mais encore des charges et des devoirs ; et leur intelligence se développe, leur horizon s'étend en venant en aide à ceux qui ont besoin non seulement de secours, mais de matériels, moraux et intellectuels. C'est ainsi que l'on arrive à former des citoyens.
M. Nothomb. - Vous avez bien raison : c'est ainsi que l'on forme des hommes ; je suis aussi surpris que satisfait de vous entendre émettre ces maximes ; ce sont les seules salutaires. Pratiquez-les mieux, désormais.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ces maximes, je les ai toujours pratiquées ; jamais, dans aucune circonstance, je n'ai fait entendre dans cette Chambre un langage qui leur fût contraire. Ce sont des maximes que j'ai toujours défendues.
M. Nothomb. - Nous en garderons bonne note pour l'avenir.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Soit. Prenez-en note. Je ne les démentirai pas plus dans l'avenir, que je ne les ai méconnues dans le passé.
Cependant, tout en proclamant cette doctrine, nous n'excluons pas pour cela l'intervention de l'Etat et moins qu'en toute autre matière, en matière d'enseignement primaire. L'Etat intervient, il stimule, il protège, il indique la voie, à suivre ; il a de bons enseignements à donner, car la lumière vient d'en haut ; il doit éclairer ; il exerce une action utile à la nation tout entière, en venant en aide aux communes ; il fait une chose excellente en provoquant, par des subventions sur le trésor public, les communes à faire de leur côté des dépenses que la loi met à leur charge. En agissant ainsi, le gouvernement rend un double service à la société.
Mais si l'Etat était chargé de tout faire, il serait, comme l'a dit spirituellement un écrivain, un instituteur se chargeant de faire les devoirs de ses élèves à leur place ; il serait assurément très populaire parmi les élèves ; mais il leur rendrait un très mauvais service ; de même, si nous voulions agir exclusivement, nous rendrions un très mauvais service à la société.
Le caractère de l'allocation qui se trouve au budget ne doit pas être dénaturé. C'est une subvention qui doit être répartie entre les communes ; mais avant tout, je le répète, aux communes incombe l'obligation de pourvoir, pour une large part, aux dépenses de l'enseignement primaire. Avant donc de nous engager, assurons-nous de ce qui a été fait, de ce qui peut et doit être fait par les communes.
D'ailleurs, le moment est-il bien choisi pour faire une proposition dû cette nature ? Depuis 1800, les communes sont en possession de ressources considérables qu'elles ne possédaient pas antérieurement.
Le fonds communal donne plusieurs millions aux communes rurales. Comment ce fonds a-t-il été employé ? Comment le sera-t-il à l'avenir ? L'honorable auteur de la proposition s'en est-il enquis ? Sait-il si la condition des instituteurs n'a pas été améliorée depuis lors, conformément au vœu qui a été manifesté par le législateur, conformément aux propositions du gouvernement à cet égard, propositions textuellement insérées dans le projet de loi sur l'abolition des octrois ? L'honorable M. Guillery sait-il ce qui s’est fait déjà et ce que les communes se proposent de faire désormais ?
Messieurs, j'ai lieu de croire qu'on n'a pas négligé, sinon dans toutes les communes, au moins dans un grand nombre d'entre elles, de faire (page 854) quelque chose à l'aide de ces ressources nouvelles en faveur de l’enseignement primaire, et notamment en faveur des instituteurs. Mais en tout cas, bien loin d'encourager les communes à ne pas employer ces ressources d'une manière aussi utile, nous devons les engager énergiquement à le faire. Or, leur accorder un accroissement de subvention, dont rien jusqu'ici n'est venu démontrer l'urgence, la nécessité absolue, n'est sans doute pas un moyen bien efficace d'engager les communes à prendre, sous ce rapport, l'initiative qui leur appartient comme droit et qui leur incombe comme devoir.
Enfin, il est une dernière considération, qui sera peut-être accueillie avec beaucoup de dédain, considération que j'ai indiquée en commençant. « Ce n'est qu'une question d'argent, dit l'honorable auteur de la proposition. S'occupe-t-on de ces choses-là, quand il s'agit d'un si grand intérêt ? Le premier budget d'un pays civilisé doit être celui de l'enseignement. »
Si l'honorable membre qui désire avoir l'honneur de la proposition qu'il fait, veut partager aussi la charge résultant de l'obligation d'y faire face, nous pourrions peut-être nous entendre. Car ce n'est pas la dépense même que nous contestons ; nous demandons de la pouvoir faire à notre heure, en temps utile, quand nous aurons les éléments nécessaires pour en apprécier l'étendue et que nous indiquerons les moyens d'y pourvoir. Qu'il nous fasse une proposition, qu'il nous dise : Il est nécessaire de pourvoir à de grands besoins dans les communes en fait d'enseignement primaire ; eh bien, voici le budget des dépenses et le budget des recettes pour cette affaire. Une telle proposition serait raisonnable : elle pourrait être examinée par des hommes sérieux ; mais se borner à proposer des dépenses, sans tenir compte de la situation financière, est un acte que je considère comme ne pouvant en aucune façon recevoir l'approbation de la Chambre.
Messieurs, voyons un peu où nous en sommes au point de vue de nos finances. Ce sont des comptes que chacun peut faire.
Nos ressources sont engagées de 1859 à 1865. Nous avons supposé que de l859 à 1865, nous aurions, d'une manière constante, des excédants de ressources ordinaires notables qui nous permettraient de faire face à des dépenses extraordinaires.
Eh bien, messieurs, les crédits imputables sur les excédants présumés des ressources ordinaires, sont engagés pendant 1861 à concurrence de fr. 9,237,236, pendant 1862, pour fr. 8,112,234, et pour une même somme pendant les années 1863, 1864 et 1865.
Il faut donc que, de ce chef, pour faire face à nos engagements, sans nous exposer à des déficits, nous ayons plus de 8 millions d'excédants de ressources ordinaires sur les dépenses ordinaires.
Et notez bien qu'il n'y a là rien d’imprévu, qu'il n'est tenu compte d'aucune de ces dépenses extraordinaires qui se présentent inévitablement dans le cours des exercices ; c'est uniquement ce qui a déjà été voté par les Chambres.
M. Coomans. - C'est effrayant.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non. ! ce n'est pas effrayant, Si l'on veut bien être prudent, nous pourrons faire face à cette situation. Mais il faut y mettre de la prudence.
Les budgets que nous avons proposés sont déjà, à l'heure qu'il est, par les votes de la Chambre, de 700,000 à 800,000 fr. plus élevés que lorsqu'ils ont été proposés.
Certains travaux sont décrétés, mais on n'a voté jusqu'ici que les premiers crédits nécessaires à leur exécution, et il y aura de nouveaux crédits à demander pour leur achèvement. Eh bien, pour compléter ces travaux votés, il faudra des crédits jusqu'à concurrence de 15 millions de francs.
Nous avons, messieurs, déclaré nous-mêmes qu'à partir du budget prochain, nous proposerons des augmentations de traitement pour les fonctionnaires publics. Nous n'avons pas dit que l'on accorderait 10 p. c. d'augmentation à chacun. Nous avons, par hypothèse, supposé que la moyenne des augmentations représenterait 10 p. c. de l'ensemble des traitements, ce qui nous conduira, de ce chef seulement, à une dépense nouvelle de 3 à 4 millions de francs.
J'ai déjà eu soin de dire qu'il nous serait impossible de payer toutes les augmentations de traitement en une seule fois dans la première année, qu'il faudrait les diviser, donner d'abord la première moitié, puis le troisième quart, puis enfin le quatrième quart, pour rester dans des limites qui nous permettraient de maintenir une bonne situation financière. Mais, malgré cette réserve, voici donc qu'il faudra, à partir de 1864, arriver à 12 millions d'excédant de recettes sur nos dépenses actuelles, pour pouvoir faire face à toutes ces nouvelles obligations.
M. de Theux. - Et les dépenses imprévues ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'en dis mot. Je demande comment il serait possible de maintenir dans un pays une bonne situation financière, si l'on procédait comme veut le faire l'honorable auteur de la proposition. Je concéderai que cette proposition constitue l'objet le plus désirable, le plus utile, le plus indispensable si l'on veut ; mais je demande encore comment on y pourra faire face. Notre situation financière est excellente, cela est vrai ; mais faut-il, par cela même, la détruire ?
Lorsque j'ai proposé en 1859 le plan qui s'exécute et qui s'est réalisé jusqu'à présent, lorsque j'ai indiqué que nous pourrions vraisemblablement compter sur des excédants de recettes que je signalais, on a dit que j'étais bien téméraire, que je faisais un plan bien compromettant, que j'escomptais l'avenir.
Aujourd'hui, il semble que toute idée de crainte, de réserve, de prudence ait disparu. On n'en tient aucun compte, et l'on veut d'une excellente situation faire une situation fort regrettable.
Mais, je le répète, jusqu'à présent cette situation est réellement rassurante. Nous serons en mesure, j'en ai la conviction, de satisfaire à tous les engagements qui ont été pris, sauf, bien entendu, des calamités, des événements tout à fait imprévus que l'avenir pourrait nous réserver. Certainement, quand on est obligé de raisonner pour des années ultérieures, on ne peut tout prévoir ; mais sauf ces cas fortuits, nous pourrons faire face à toutes nos obligations.
Les sommes déjà encaissées me donnent l'assurance que nous pouvons procéder avec sécurité ; mais je prie la Chambre de vouloir bien faire en sorte que le gouvernement ne soit pas obligé de compromettre, par des entraînements irréfléchis, une situation financière que nous avons eu autrefois tant de peine à établir sur les bases qui en font aujourd'hui toute la force. Je prie la Chambre de laisser au gouvernement le soin de lui faire, en temps opportun, les demandes de crédit qu'il croirait utiles pour assurer les services publics et, en particulier, le service si intéressant de l'enseignement primaire.
(page 876) M. Vander Donckt. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour motiver en très peu de mots mon vote. Je n'ai pas besoin de dire à la Chambre quel sera ce vote.
Vous connaissez tous mon opinion au sujet des crédits extraordinaires qui partent de l'initiative des membres de la Chambre, alors surtout que le gouvernement ne les demande pas, alors même qu'il les repousse.
Je me suis expliqué catégoriquement à ce sujet il y a peu de jours. Le chiffre des budgets augmente tous les ans, dans une proportion notable, par l'initiative du gouvernement, sans qu'il soit besoin que la Chambre y pousse et aggrave encore cette situation.
Messieurs, deux considérations principales ont servi de bases à l'argumentation de l'honorable membre et ont motivé son amendement qui a pour but l'amélioration de la position des instituteurs, trop peu rétribués selon lui ; de ce premier grief, les honorables ministres ont fait justice, ils ont fait ressortir tout ce que ses assertions contiennent d'exagération.
Le second grief, c'est la prétendue ignorance de nos populations qu'il a essayé de prouver par la statistique des conseils de milice qui accuse encore le nombre de 14,000 miliciens qui ont déclaré ne savoir ni lire ni écrire. Il a reconnu, toutefois, que ce nombre avait diminué depuis la loi de 1842, puisqu'il y en avait à celte époque 18,000, mais il a déclaré qu'il y en avait encore beaucoup trop et qu'il fallait marcher plus vite.
Messieurs, je crois que la statistique sur laquelle l'honorable M. Guillery s'est basé est très fautive. C'est ce que l'honorable M. de Haerne et l'honorable ministre de l'intérieur ont déjà prouvé à toute évidence. J'y ajouterai encore cette observation surtout au sujet du tirage au sort, auquel, en ma qualité de bourgmestre, j'ai assisté, pendant plusieurs années. J'ai entendu les commissaires d'arrondissement demander aux miliciens s'ils savaient lire ou écrire, et la réponse a été généralement non. Pourquoi ? Pour les raisons que l'honorable M. de Haerne et l'honorable ministre de l'intérieur ont parfaitement bien développées.
Les miliciens s'attachent à déclarer qu'ils ne savent ni lire, ni écrire pour éviter tous les désagréments qu'ils s'exagèrent et qu'ils craignent.
Eh bien, messieurs, si au lieu de prendre ces statistiques si erronées on s'attachait à constater, au moyen d'une enquête, le nombre exact des jeunes gens de 10 à 12 ans qui ne savent ni lire, ni écrire, la statistique serait profondément modifiée en sens contraire.
Or, messieurs, prenons-y garde. Les statistiques, et surtout toutes les statistiques qui émanent des campagnes sont de nature à induire les membres en erreur ; elles sont toujours données avec une certaine défiance : on craint de nouvelles charges, on craint des vexations, et voilà pourquoi ces statistiques sont erronées.
Il est donc évident, messieurs, que la proposition de l'honorable membre repose sur une erreur radicalement fausse ; et que l'on verserait dans une erreur complète si l'on se fondait sur les renseignements statistiques qui sont fournis en cette matière pour en conclure qu'il faille marcher plus vite, et qu'il faille stimuler davantage les communes pour développer l'instruction primaire.
Un célèbre diplomate disait à ses employés : « Messieurs, surtout pas trop de zèle. »
Eh bien, je crois pouvoir appliquer la même remarque à l'honorable auteur de la proposition.
Je crois aussi qu'il ne tient pas compte de certaines circonstances qui se rattachent à l'exécution de la loi de 1842 : en 1842, je dois le dire, cette loi ne rencontrait pas beaucoup de sympathie dans nos campagnes, parce qu'elle imposait de nouvelles charges aux communes.
Voilà pourquoi cette loi n'a pas produit, à son origine, tous les bons effets qu'on en avait attendus ; voilà pourquoi il a fallu plusieurs années d'exécution de la loi de 1842 pour arriver à la situation satisfaisante où nous nous trouvons aujourd'hui sous ce rapport. Attendons, patientons un peu, et d'ici à peu de temps, il est permis de l'espérer, il n'y aura plus, en Belgique, que peu de jeunes gens ne sachant ni lire ni écrire.
Je ne puis donc pas admettre l'augmentation de dépense proposée par l'honorable membre pour augmenter les traitements des instituteurs communaux, et je ne puis mieux faire, pour justifier complètement le vote que j'émettrai, que de me référer aux excellentes raisons données par MM. les ministres de l'intérieur et des finances et par l'honorable M. de Haerne.
(page 854) M. Guillery. - Si le ministère considère ma proposition comme un blâme, je comprends parfaitement qu'il la repousse. Cette explication me montrerait quel est le motif principal de sa conduite : elle l'excuserait même, en partie ; car, évidemment, le ministère ne mérite aucun blâme pour la manière dont il a géré les intérêts de l'instruction primaire ; il mérite même, de ce chef, les plus grands éloges.
En effet, c'est le ministère libéral qui a présenté, en 1851, la demande d'un million de francs pour les écoles ; c'est lui encore qui a présenté, en 1859, une seconde demande d'un million pour construction de bâtiments d'école ; enfin, c'est encore le ministère actuel qui, comme j'ai eu soin de le rappeler la première fois que j'ai pris la parole, a fait porter d'un million à 1,300,000 francs le crédit dont je propose aujourd'hui l'augmentation.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Indépendamment d'un million de francs qui de 1854 à 1861 a été compris aux budgets ordinaires également pour construction de bâtiments d'école.
M. Guillery. - Ainsi, messieurs, sous ce rapport, le ministère ne mérite que des éloges.
Mais ma proposition a un tout autre but : il est permis d'avoir une idée bienveillante, généreuse même, sans que, forcément, à côté de cette idée vienne se placer une idée malveillante. En d'autres termes, on peut s'intéresser aux instituteurs primaires sans que ce sentiment si naturel, si général, implique un sentiment contraire à l'égard de qui que ce soit.
S'il en était autrement, il serait impossible de demander aucune espèce de réforme, aucune espèce de progrès, car il est évident que demander le changement de ce qui existe, c'est blâmer le passé. Nous ne sommes pas obligés d'être ici des laudatores temporis acti.
Quant à moi, je n'ai pas encore l'âge exigé pour vivre dans cet état de satisfaction et de béatitude parfaite.
L'honorable organe du gouvernement a critiqué ma proposition et quant au fond et quant à la forme.
Quant à la forme, sans contester à la Chambre le droit de prendre l'initiative en matière de dépenses, il croit cependant que la pratique en est dangereuse.
Je crois, comme lui, qu'il ne faut pas abuser du droit d'initiative parlementaire ; mais, dans une question aussi importante que celle-ci, il est nécessaire de formuler une opinion, de formuler une proposition par des chiffres : sans cela, elle n'aurait aucune signification.
On a cité l'exemple de l'Angleterre.
J'avoue que je ne connais guère l'Angleterre ; mais un honorable collègue qui la connaît parfaitement me communique une note où je trouve ceci :
(page 855) « En 1852, le premier crédit voté pour l'organisation des écoles de dessin fut voté par la chambre des communes d'Angleterre sur l'initiative de M. Milner Gibson. C'est sur sa proposition que le gouvernement intervint dans cette dépense et c'est sur sa proposition que la dépense fut votée. »
En Belgique, sans aller chercher bien loin nos exemples, et sans surtout aller chercher dans des livres théoriques les principes qui doivent nous guider, nous, comme parlement, dans la pratique, nous avons vu la section centrale prendre l'initiative d'une dépense très considérable ; c'est sur la proposition de la section centrale que le crédit ordinaire de la voirie vicinale fut porté à un million. C'est sur la proposition des honorables MM. Orts et Ernest Vandenpeereboom, éclairés tous les deux par une grande expérience parlementaire que fut augmenté, l'année dernière, le crédit des écoles normales.
Le gouvernement eût pu dire alors aussi : « Que voulez-vous que je fasse d'un million pour la voirie vicinale ? Je ne vous demande pas cette somme, elle est au-dessus de ce que je regarde comme nécessaire aux besoins du service. »
Mais la section centrale lui eût sans doute répondu : « Nous allons plus loin que vous ; nous voulons que l'intervention du gouvernement soit plus grande que celle que vous avez jugée nécessaire. » C'est là une question d'appréciation.
Sans doute, les propositions du gouvernement ont un caractère d'autorité que ne peut pas avoir la proposition d'un simple député. Cette position est tout à l'avantage du gouvernement et de ses propositions, et il est évident que pour qu'un membre de la Chambre l'emporte dans une pareille lutte, il faut qu'il ait dix fois raison ; la Chambre sera toujours un peu en défiance contre une demande de crédit qui n'aura pas les mêmes épreuves que les propositions émanant du gouvernement.
Tout cela, je le reconnais volontiers. Mais il est des cas où l'initiative parlementaire est un devoir.
Voilà, messieurs, ce que j'avais à répondre quant à la forme, quant à la manière dont la demande a été introduite.
Sur le fond, il y a dissentiment entre M. le ministre de l'intérieur et moi sur la question de savoir quel traitement doivent avoir les instituteurs.
Je crois, avec l'honorable M. de Haerne, que les instituteurs sont fort mal payés ; je crois qu'il y a urgence d'augmenter leurs traitements ; je crois que le plus grand intérêt social auquel nous ayons à veiller, c'est l'amélioration de l'instruction primaire, et que pour améliorer l'instruction primaire il faut avant tout que les instituteurs soient capables et par conséquent qu'ils soient mieux payés.
Je crois que la position qui leur est faite n'est pas ce qu'elle devrait être, non seulement parce que leurs fonctions sont mal rétribuées, mais parce que la position qu'on leur fait dans l'échelle des fonctionnaires publics n'est pas celle qu'ils devraient occuper ; c'est-à-dire que, selon moi, on devrait les placer au-dessus de tels ou tels autres fonctionnaires au-dessous desquels ils sont placés aujourd'hui. Les instituteurs sont déclassés ; il faut les remettre à leur place. Par conséquent, je crois qu'il y a urgence de perfectionner le système qui a été suivi jusqu'à présent.
Je ne répéterai pas ce que j'ai dit à cet égard, je m'en réfère aux paroles que j'ai eu l'honneur de prononcer dans la séance d'hier.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce sont des fonctionnaires communaux.
M. Guillery. - J'y viendrai ; mais je veux, auparavant rassurer M. le ministre des finances sur mes intentions.
Je n'ai pas la moindre envie de proposer une insurrection ; je ne désire pas que personne vienne s'insurger contre la société. C'est parce que nous sommes dans un temps de calme, que l'on peut, entre gens sensés, consciencieux, unanimement désireux de faire le bien que l'on peut parfaitement discuter des questions semblables.
Mais, dit-on, les instituteurs sont des fonctionnaires communaux, vous voulez faire porter sur l'Etat une charge essentiellement communale. Eh bien, la pratique du gouvernement est entièrement conforme à ce que j'ai l'honneur de proposer, le système de la loi de 1842 l'est également.
Quel est le principe de l'organisation de l'enseignement primaire ? D'après l'article 25, c'est que les communes interviendront à raison de 2 centimes additionnels que cette intervention étant complète, l'intervention de l'Etat est obligatoire.
Elle est donc facultative, quand la commune n'est pas intervenue pour ces deux centimes. Dans quelle mesure, c'est une question que le gouvernement apprécie et qu'il résout d'une manière différente suivant les communes. Ainsi il ne donne rien à la ville de Bruxelles parce qu'il la juge assez riche et qu'elle a suffisamment pourvu aux besoins de l'enseignement ; dans d'autres cas il intervient pour une somme plus considérable que la commune elle-même ; c'est le principe qui a été appliqué pour la construction de la voirie vicinale et la construction de maisons d'école. Le gouvernement a cherché à obtenir le concours des communes.
Il a dépensé deux millions en construction de maisons d'école, il en dépensera encore. Respectons la liberté communale sans doute ; mais de même que pour la loi des octrois nous avons compris qu'il fallait consentir à une modification de notre loi communale ; de même que la loi communale a soumis les communes rurales aux commissaires d'arrondissement, il faut savoir quelquefois recourir à l'intervention du gouvernement.
Je le demande à un administrateur expérimenté : si le gouvernement n'était pas intervenu dans l'amélioration, je devrais dire la création de la voirie vicinale, qu'auriez-vous aujourd'hui en fait de chemins vicinaux ? S'il n'était pas intervenu dans l'enseignement primaire, que serait l'enseignement primaire ? Respectons donc la liberté communale, mais ne respectons pas l'ineptie communale, l'insouciance pour les intérêts les plus précieux des populations.
Mais enfin, l'honorable ministre des finances, et ici, il est tout à fait dans son rôle de gardien du trésor, ne voit jamais sans regret qu'on vienne le forcer à lâcher quelques centaines de mille francs. Je reconnais combien cette sollicitude est louable, je reconnais combien elle est utile au trésor public ; c'est à elle sans doute que nous donnons notre situation financière. Mais croit-on que cette situation puisse être ébranlée par un crédit de 600,000 francs ?
Où sont vos calculs, nous dit-on, où est votre budget, sur quelles ressources allez-vous prendre ces 600 mille fr. ?
Je réponds : Sur quelles ressources allez-vous prendre toutes vos dépenses ? (Interrupion.)
Le budget général de l'Etat n'est jamais présenté en une fois, comme cela devrait être. On présente un premier budget, un deuxième, un troisième et à la fin de l'année lorsqu'il est voté, il n'est jamais tel qu'il a été présenté ; nous ne voyons jamais l'ensemble des dépenses de l'Etat ; quand nous les votons successivement, il est impossible au gouvernement d'évaluer les recettes ou les dépenses
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si ! si !
M. Guillery. - Le gouvernement fait un travail d'ensemble ; soit, mais les évaluations des dépenses sont bien modifiées. Au budget de l'intérieur, plusieurs modifications ont été apportées dans le courant de l'année.
Nous verrons plus tard arriver des crédits extraordinaires. On a demandé un crédit de 5 millions pour une société d'entrepreneurs ; on dit que 5 millions (bagatelle) en plus seront nécessaires pour les fortifications d'Anvers ; il en faudra d'autres. Les recettes sont nécessairement incertaines, en 1858 elles ont dépassé de 8 millions les prévisions. On ne peut donc pas calculer les recettes ou les dépenses à 600 mille francs près. On n'a jamais essayé de le faire, ces évaluations ne sont qu'approximatives ; jamais le gouvernement n'a dépensé le budget ; il n'est pas d'année, si calamiteuse qu’elle soit, où il ne rentre dans la caisse de l’Etat des sommes votées, mais restées sans emploi.
Jamais, à un centime près, on n'a pu calculer les dépenses et les recettes. Il suffit d'examiner les comptes rendus par les ministres sur les exercices clos, pour voir combien les prévisions changent.
C'est ainsi que M. le ministre des finances fait toujours des prévisions très modérées quant aux recettes ; aussi ont-elles toujours été dépassées.
C'est ce que je faisais observer l'année dernière dans mon rapport sur le budget des voies et moyens.
Ce n'est donc pas 600,000 fr. qui peuvent compromettre l'équilibre d'un budget de 160 millions.
Notre situation financière est bonne. Mais je dirai toute ma pensée, je crains bien moins une mauvaise situation financière qu'une mauvaise instruction primaire, et si je devais choisir je n'hésiterais pas à sacrifier la bonne situation financière.
Mais je ne puis pas admettre que la proposition que j'ai l'honneur de faire puisse modifier en quoi que ce soit la situation financière ; je ne puis pas admettre que la Belgique, le pays le plus riche du monde, ne soit pas assez riche pour rétribuer convenablement des fonctionnaires aussi utiles que les instituteurs.
Je ne puis pas admettre que la Prusse qui est loin d'être aussi riche que la Belgique ; que la Prusse, écrasée plus que nous encore par ses (page 856) dépenses militaires, puisse avoir de grandes et belles écoles que fréquentent tous ses enfants et que la Belgique ne le puisse pas,
Je ne puis pas croire que la Belgique ne soit pas assez riche pour subvenir aux dépenses de première nécessité. Voilà pour la question financière. Quant à la question de forme, je dirai que si la législation s'oppose à une mesure utile et urgente, c'est qu'elle est mauvaise ; il faut changer tout ce qui est obstacle à une semblable mesure ; modifier, s'il le faut, la loi communale, la loi provinciale et la loi d'enseignement primaire. Assurer un bon enseignement primaire, telle elle la première de nos obligations ; telle sera la plus belle de nos conquêtes, la plus précieuse de nos garanties ; tel sera le plus sûr moyen d'assurer la liberté communale et toutes les libertés.
On a contesté les chiffres statistiques que j'ai présentés sur l'état de l’enseignement ; si vous voulez bien consulter l'enquête faite sur les classes ouvrières en 1846, vous verrez si l'état de l'enseignement n'était pas aussi déplorable que le disent les statistiques officielles.
Je doute qu'un changement radical ait eu lieu depuis dans la situation des classes ouvrières. Si une nouvelle enquête avait lieu, je suis certain qu'on serait frappé de l'ignorance qui existe encore chez la grande majorité des ouvriers.
Lorsque j'ai parlé des Etats-Unis, on a contesté l'intervention du gouvernement, permettez-moi de lire trois lignes d'un discours d'un des hommes d'Etat les plus considérables de ce pays ; c'est un discours prononcé en 1821 par M.Webster, devant la convention du Massachussets.
« Au sujet des écoles libres,l a Nouvelle-Angleterre est en droit de prétendre à une gloire toute particulière. Elle adopta dès le premier jour et a constamment maintenu ce principe que c'est un droit incontestable et un devoir rigoureux pour l’Etat, que de pourvoir à l'instruction de toute la jeunesse.
« Quand il s'agit de l'instruction publique, nous tenons que tout homme est sujet à l'impôt, en proportion de sa fortune... »
Aux Etats-Unis, un impôt spécial est consacré à l'enseignement, de telle sorte que les dépenses exigées pour cet objet sont toujours couvertes ; on élève l'impôt autant qu'il le faut pour qu'il soit satisfait aux exigences de l'enseignement, sans compromettre l'équilibre financier. Et puisqu'on a parlé de l'impossibilité de pourvoir aux dépenses, je déclare que je n'hésiterais pas, s'il le fallait, s'il n'y avait pas d'autres ressources, s'il n'y avait pas moyen de réduire certaines dépenses de nos budgets, à voter un impôt spécial pour arriver à couvrir les dépenses nécessitées par l'enseignement primaire.
Je ne cherche donc pas, comme on l'a dit, à prendre la position facile de dépenser sans songer aux ressources.
En résumé, ma proposition n'a rien de bien exorbitant ; si elle est adoptée, elle aura simplement pour effet de constater le désir énergique des Chambres de modifier le plus promptement possible l'état de l'enseignement primaire.
Quant aux fonds, ils seront mis à la disposition du gouvernement, qui continuera à les répartir comme il l'a fait jusqu'à présent en vertu de l'article 23 de la loi de la loi de 1842. Et à cet égard, je n'ai pas été compris.
J'ai dit : Je ne sais pas comment le gouvernement va répartir les fonds. J'ai entendu dire par là : Je ne sais pas, et M. le ministre ne sait pas non plus, ce qu'on donnera à chaque commune ; mais ce que je sais, c'est quelle doit être la ligne de conduite, c'est le principe que le gouvernement a suivi jusqu'à présent dans la répartition des subsides aux communes.
Ce principe, est inscrit dans le premier rapport triennal, c'est-à-dire que le gouvernement apprécie pour chaque commune quelle est la part de subside qu'il peut et doit fournir ; et si les communes, en vertu de la loi qui supprime les octrois, trouvent dans le fonds communal des ressources importantes, tant mieux.
Puis la commune interviendra, plus le gouvernement pourra intervenir, et comme le crédit pour construction de maison d'écoles se trouve sous le même numéro que le chiffre dont je m'occupe, il est évident que le transfert est permis entre ce chiffre et celui qui regarde la construction de maisons d'école.
De leur côté, les communes qui auront l'argent nécessaire, appliqueront le surplus de leurs ressources à construire des maisons d'école, à les séparer, à les améliorer ; et si enfin le gouvernement trouve que, dans toutes nos communes, il a été satisfait à ce que réclame l'enseignement primaire, ce que je ne crois pas possible, mais si enfin les communes avaient assez, au moyen du fonds communal, pour rétribuer convenablement leurs instituteurs et avoir de bonnes maisons d'école, le gouvernement n'épuiserait pas le crédit, mais il viendrait nous dire l'année prochaine, en proposant la réduction du crédit : Je ne l'ai pas dépensé, parce que le traitement des instituteurs a été porté à tel taux, parce que le vœu que vous avez émis s'est trouvé réalisé. Mais je ne crois pas que, quelle que puisse être l'amélioration financière résultant du fonds communal, on arrive au point de pouvoir se passer de l'intervention énergique du gouvernement.
Mon amendement aurait pour effet, comme je l'ai dit déjà, d'augmenter le traitement des instituteurs ruraux, en moyenne, de 200 francs. Eh bien, ce ne serait pas, selon moi, assez faire ; mais ce serait un grand progrès, et au moyen des sacrifices que font les communes et les provinces nous arriverions successivement au but que nous nous proposons.
- La discussion est close.
M. le président. - Nous devons voter par division.
Je mets d'abord aux voix la proposition d'ajournement faite par M. Thibaut et ainsi conçue :
« J'ai l'honneur de proposer d'ajourner jusqu'après la publication du sixième rapport sur l'enseignement primaire, le vote sur la demande des 145,520 fr. destinés à augmenter le crédit porté primitivement à l'article 99, littera B. »
- Cette proposition est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée,
M. le président. - M. Thibaut a proposé subsidiairement à l’article 99, littera B, le chiffre de 129,800 fr.
Le gouvernement et la section centrale proposent le chiffre de 275,320 fr. Je mets aux voix le chiffre le plus élevé.
- Le chiffre de 275,320 fr. est adopté.
M. le président. - Vient maintenant l’amendement de M. Guillery. Il tend à augmenter de 667,810 fr. 51 c. le crédit figurant au littera C, service annuel ordinaire de l’instruction primaire communale ; subsides aux communes, ce qui porterait ce crédit à 2 millions.
- Plusieurs membres. - L’appel nominal est demandé.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l’amendement de M. Guillery.
En voici le résultat :
84 membres sont présents.
31 adoptent.
51 rejettent.
2 s'abstiennent.
En conséquence, la proposition n'est pas adoptée.
Ont voté l'adoption : MM. de Baets, de Boe, Dechentinnes, De Fré, de Gottal, de Lexhy, de Liedekerke, de Rongé, Goblet, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Mouton, Nothomb, Orts, Prévinaire, Sabatier, Savart, Thienpont, Van Bockel, E. Vandenpeereboom, Van Humbeeck, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Volxem, Beeckman, Crombez et Vervoort.
Ont voté le rejet : MM. David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, de Florisone, de Haerne, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Muelenaere, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ridder, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Devaux, d'Hoffschmidt, B. Dumortier, H. Dumortier, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, Kervyn de Lettenhove, Lange, C. Lebeau, J. Lebeau, Magherman, Mercier, Moncheur, Moreau, Muller, Nélis, Notelteirs, Orban, Rodenbach, Royer de Behr, Snoy, Tesch, A. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Verwilghen, Allard, Braconier et Coppens-Bove.
MM. Thibaut et Coomans se sont abstenus.
M. Thibaut. - Messieurs, j'approuve, au fond, la pensée qui a dirigé l'honorable M. Guillery ; c'est pourquoi je n'ai pas voté contre une proposition tendante à augmenter les subsides que le gouvernement accorde aux communes pour l'instruction primaire.
D'un autre côté, je n'ai pas voté pour cette proposition, parce que j'aurais voulu qu'elle coïncidât avec une interprétation, plus favorable aux communes, de l'article 23 de la loi sur l'instruction primaire.
M. Coomans. - Je suis de ceux qui pensent qu'il y a lieu d'améliorer la position de presque tous les fonctionnaires publics, mais je voudrais que cette réforme s'opérât d'une manière générale et sans charges nouvelles pour le pays,
N'ayant pu obtenir l'ajournement de la proposition de M, Guillery, j'ai cru devoir m'abstenir.
(page 857) - L'article est mis aux voix et adopté tel qu'il a été proposé par le gouvernement et par la section centrale.
« Art. 100. Subsides en faveur d'établissements de sourds-muets et d'aveugles : fr. : 20,000. »
- Adopté.
« Art. 101. Subsides et encouragements ; souscriptions, voyages et missions littéraires, scientifiques ou archéologiques ; fouilles et travaux dans l'intérêt de l'archéologie nationale ; sociétés littéraires et scientifiques ; dépenses diverses ; secours à des littérateurs ou savants qui sont dans le besoin ou aux familles de littérateurs ou savants décédés ; subsides aux dames veuves Van Ryswyck, Vankerckhoven, Gaucet et Denis Sotiau ; subsides à des élèves de l'enseignement supérieur libre, prix quinquennaux fondés par les arrêtés royaux du 1er décembre 1845, du 6 juillet 1851 et du 25 novembre 1859 ; publication des Chroniques belges inédites ; table chronologique des chartes, diplômes, lettres patentes et autres actes imprimés, concernant l'histoire de la Belgique ; bureau de paléographie, publication de documents rapportés d'Espagne ; exécution d'une description géographique et historique du royaume de Belgique : fr. 87,400.
« Charge extraordinaire : fr. 12,400. »
- Adopté.
« Art. 102. Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique ; publication des anciens monuments de la littérature flamande et d'une collection des grands écrivains du pays ; publication d'une biographie nationale : fr. 40,000.
« Charge extraordinaire : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 103. Observatoire royal ; personnel : fr. 18,020. »
- Adopté.
« Art. 104. Observatoire royal ; matériel et acquisition : fr. 7,500. »
- Adopté.
« Art. 105. Bibliothèque royale ; personnel : fr. 30,360. »
- Adopté.
« Art. 106. Frais de la fusion des trois fonds de la bibliothèque royale et frais de la rédaction du catalogue général. Charge extraordinaire : fr. 6,000. »
- Adopté.
« Art. 107. Bibliothèque royale ; matériel et acquisitions : fr. 33,320. »
- Adopté.
« Art. 108. Musée royal d'histoire naturelle ; personnel : fr. 10,220. »
- Adopté.
« Art. 109. Musée royal d'histoire naturelle ; matériel et acquisitions : fr. 7,000. »
- Adopté.
« Art. 110. Subside à l'association des bollandistes pour la publication des Acta Sanctorum. Charge extraordinaire : fr. 6,000. »
- Adopté.
« Art. 111. Archives du royaume. Personnel : fr. 35,650.
« Charge extraordinaire : fr. 18,000. »
M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, il n'est point de pays qui attache plus de prix à ses archives que la Belgique, car elle y retrouve tous ces grands souvenirs du passé qu'elle revendique avec une légitime fierté.
On raconte qu'au XVème siècle des ambassadeurs étrangers qui visitaient pour la première fois nos provinces, et qui avaient souvent entendu célébrer les luttes héroïques de nos populations, demandèrent dans une de nos cités communales, qu'on leur mît sous les yeux le secret d'une si grande puissance, d'une si noble persévérance, d'une si infatigable énergie.
On leur ouvrit les portes d'un arsenal : ils avaient vu ailleurs plus d'armes et plus de canons ; mais de l'arsenal on les conduisit aux archives, et ce qu'ils n'avaient pas rencontré jusqu'alors dans les pays où régnait la féodalité, on leur montra quelques vieilles chartes conservées avec un respect religieux.
On leur apprit qu'il y avait là des titres de liberté, supérieurs aux caprices, aux intérêts, aux passions d'un moment, des titres que les générations tenaient à honneur de se transmettre intacts l'une à l'autre. Là en effet, messieurs, était la véritable force du pays, le secret de son patriotisme et de son dévouement.
Aujourd'hui encore ces vénérables débris, ces restes sacrés du passé doivent être l'objet de toute notre sollicitude ; ce sont autant de titres séculaires qui attestent nos droits à l'indépendance et à la nationalité.
Ne l'oublions pas d'ailleurs, le sentiment communal, dont les archives nous révèlent avant tout les développements et les progrès, sera longtemps encore en Belgique la base du sentiment national ; et je m'en applaudis pour ma part, car c'est là qu'il faut chercher l'obstacle le plus efficace à cet esprit de centralisation contre lequel s'élevait tout à l'heure M. le ministre des finances.
Je ne veux pas toutefois insister sur ce point.
Après une discussion si longue, et en présence du désir de la Chambre de clore le plus tôt possible ces débats, je me renfermerai strictement dans l'examen du paragraphe qui est soumis en ce moment à nos délibérations, et je me bornerai à rappeler à M. le ministre de l'intérieur qu'il a eu l'honneur d'être placé à la tête de l'administration d'une commune qui, autrefois consultée par les bourgeois de Saint-Dizier sur un cas de servage, leur répondait : « Adressez-vous ailleurs ; chez nous, nous ne connaissons ni serfs, ni servage. » Je rappellerai à M. le ministre de l'intérieur qu'à Ypres, sous sa direction et avec la coopération d'un archiviste habile et instruit, on a procédé à un classement des anciens documents qui peut être cité comme un modèle et comme un exemple, et je lui demanderai de vouloir bien faire pour le pays tout entier, comme ministre de l'intérieur, ce qu'il a fait avec tant de succès comme bourgmestre, pour une de nos villes.
Nous savons tous, messieurs, qu'à côté des villes que crée ou que développe le mouvement industriel, il en est d'autres qui, par suite des guerres et des révolutions, ont été entraînées à une décadence rapide.
Le plus souvent, on y rencontre des hommes instruits, désintéressés, modestes, qui s'appliquent avec zèle à recueillir les vestiges d'une prospérité évanouie.
Dans d'autres localités, on se trouve, au contraire, en présence d'une incurie et d'une négligence déplorables. Là, le plus souvent, les documents les plus précieux sont relégués dans des caves ou dispersés dans des greniers, et presque toujours avec cette étiquette : « Documents très anciens, très difficiles à lire, à mettre au rebut. »
Le gouvernement peut-il intervenir dans cet état de choses ?
A mon avis, la question n'est pas douteuse, car l’article 131 de la loi communale, en déterminant certaines dépenses qui peuvent être portées d'office au budget des communes, n'est pas limitatif, et se réfère d'une manière générale à toutes les dépenses que la loi peut imposer aux communes. Or, ce n'est pas une loi subséquente, c'est la loi communale elle-même qui, dans l'article 100, impose à la commune représentée par le collège des bourgmestre et échevins, l'obligation d'assurer la conservation et le classement des archives.
Je ne veux pas toutefois engager M. le ministre de l'intérieur à abuser de cette disposition. C'est là un de ces cas extrêmes auxquels il faut recourir le moins souvent possible. Ce que je viens lui demander, c'est de rappeler itérativement aux communes l'importance de la conservation de leurs archives, et surtout de leur offrir le moyen de les classer, en mettant à leur disposition des hommes capables de faire ce classement, c'est-à-dire des employés, soit des archives générales du royaume, soit du bureau paléographique récemment organisé, qui pourraient exécuter ce travail de classement d'une manière rapide et régulière.
Si je rentre dans la capitale du royaume, je n'ai plus à m'occuper de cette question de classement, mais je saisis ici l'occasion de rendre un public et solennel hommage à l'érudit éminent qui depuis plus de 30 ans dirige les archives du royaume, aux applaudissements de l'Europe savante ; de l'érudit éminent dont il faut louer au même degré et les excellents travaux et l'infatigable activité.
Chaque année, les notes explicatives du budget vous retracent, messieurs, les incessants services qu'il rend à la science historique ; et cette année encore, dans les développements du budget que j'ai sous les yeux, il vous signale l'accomplissement d'un travail de classement qui s'applique aux anciens registres de la chambre des comptes et qui n'embrasse pas moins de 52,000 volumes.
Mais est-il permis de se féliciter au même titre de tout ce qui touche à la conservation de ce célèbre dépôt ? Et ne devons-nous pas reconnaître que s'il est placé au premier rang par l'admirable classement qu'il nous présente, il est peut-être relégué aussi bas que les dépôts de nos bourgs (page 858) et de nos villages, si l'on ne s'occupe que de ce qui a été fait pour la conservation des archives ?
Le mal est déjà bien ancien, et bien souvent déjà, on a cherché à y porter remède.
En 1743, au moment où Marie-Thérèse sortait à peine des orages qui avaient signalé son avènement, elle écrivait qu'on prît soin des archives des Pays-Bas, et vingt-deux ans après, lorsque la guerre de sept ans venait d'arriver à son terme, elle s'adressait de nouveau au comte de Cobenzl, pour déclarer que, dès que l'état des finances le permettrait, il y aurait lieu de s'occuper de la construction d'un local convenable pour y déposer les archives.
Ce fut peu de temps après que s'élevèrent ces nombreux monuments, ces remarquables édifices qui embellissent les abords du Parc.
On recueillit les archives dans les dépendances du nouvel hôtel de la chambre des comptes, et elles y restèrent jusqu'en 1822.
Mais alors s'engagèrent de nouvelles discussions ; les intérêts intellectuels se trouvèrent aux prises avec les intérêts matériels ; d'une part, il y avait des souvenirs du passé ; de l'autre, les nécessités pressantes de notre siècle.
Les parchemins qui racontaient les exploits et les vertus de nos pères succombèrent dans cette lutte : Virtus post nummos. Les archives firent place aux bureaux du ministère des finances.
On les transféra dans les greniers d'un vieux couvent de jésuites, qu'on avait décoré de quelques colonnes de style grec ou romain pour l'appeler solennellement le palais de justice. Mais dès cette époque on reconnaissait qu'il n'y avait là qu'un local provisoire ; aujourd'hui ce local provisoire sert encore de refuge à nos archives.
Mais depuis 35 ans elles se sont considérablement accrues, et à l'heure où j'ai l'honneur de parler à la Chambre, elles ne contiennent pas moins de 90,000 registres, de 45,000 cantons et de 24,000 liasses ; mais ce local qui renferme des documents si importants, si considérables, quelles garanties de conservation présente-t-il ? Ce sont des murailles presque ruinées, lézardées, minées par le salpêtre et l'humidité, qui supportent nos archives, et c'est sous ce poids immense de parchemins et de papiers que nos honorables magistrats siègent et délibèrent tous les jours.
Savent-ils le danger qui les menace ? Tout à l'heure, je parlais des documents historiques, mais il y a d'autres documents plus nombreux encore qui appartiennent à la série judiciaire. Nos magistrats se doutent-ils qu'au-dessus de leurs têtes, est suspendue, comme une épée de Damoclès, une masse de 340,000 sacs à procès ? (Interruption.) Et certes l'on peut appliquer à nos magistrats d'aujourd'hui le vieil adage : Impavidum ferient ruinae.
Mais, messieurs, ce n'est pas le danger le plus sérieux ; il y en a un autre : c'est que le dépôt des archives est exposé tous les jours à l'incendie. Nos magistrats se plaignent du froid pendant l'hiver ; mais les cheminées, quelque peu nombreuses qu'elles soient, le sont encore beaucoup trop pour les archives.
Vous savez, messieurs, quelle est d'ailleurs la situation de ces bâtiments ; ici ils touchent à une boulangerie, là à des hôtelleries, à des estaminets, à des boutiques.
Si jamais un désastre survenait, il pourrait avoir les plus terribles résultats. N'oubliez pas que le palais de justice est séparé à peine par une rue étroite d'un vaste carré de maisons, qui se prolonge le long de la Montagne de la Cour jusqu'à la place Royale et qui embrasse tout ce que le commerce a de richesses et aussi ce qu'ont de précieux nos collections, nos bibliothèques et nos musées.
Il y a à peine quelques jours, nous recevions avec une profonde émotion les nouvelles qui nous arrivaient d'Anvers, menacé par un horrible incendie.
Si une pareille catastrophe se produisait au milieu de la capitale, on n'oserait en prévoir les désastreuses conséquences.
De nos anciennes archives il est resté, à Lille, des fragments qu'on appelle encore les archives de Flandre. Sur le sol étranger, on leur a élevé un bâtiment spacieux, convenable, qui assure leur conservation. N'appartient-il pas à la Belgique de faire, sinon plus, au moins autant pour ses archives nationales ?
Le gouvernement se trouve placé aujourd'hui dans une position dont on ne peut se dissimuler l'urgence.
La construction d'un nouveau palais de justice est résolue. Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur ce qu'il fera lorsque cette construction sera achevée.
Les vastes terrains sur lesquels s'élève le palais de justice actuel appartiennent à l'Etat. Dans l'intérêt du trésor, il faudra en tirer un parti immédiat dès que nos magistrats seront installés dans le nouveau local. Que fera alors M. le ministre de ce dépôt d'archives si considérable et si pré -cieux ?
Je le répète, si dès ce moment le gouvernement ne prenait pas des mesures qui sont commandés par tant de considérations, qui sont urgentes à tant de titres, il se rendrait coupable d'une grave imprévoyance.
Je signalais tout à l'heure, messieurs, l'importance de nos collections historiques, parmi lesquelles il faut citer les lettres du XVIème siècle, si fréquemment citées par toutes nos illustrations modernes ; cependant, je ne puis m'empêcher de rappeler que le savant directeur des archives du royaume constatait avec douleur, il y a plus de trente ans, dans un rapport présenté au gouvernement et distribué aux membres de la Chambre, que la plupart de nos titres nationaux manquent à la Belgique.
L'histoire de ces vieux titres nationaux est l'histoire même des destinées du pays et sans aller bien haut, sans remonter jusqu'à l'histoire de ces princes qui les confisquèrent, après les désastres de nos communes ; sans remonter jusqu'à Charles-Quint qui oublia sa patrie et ne se souvint plus que de sa puissance quand il y porta la main, je les vois jusque dans les temps modernes mêlés à tous nos périls et à toutes nos épreuves. Une partie fut enlevée par les conquêtes de Louis XIV.
Une autre partie fut saisie à Bruxelles, après la bataille de Fontenoy ; et enfin lorsque la bataille de Fleurus eut amené l'évacuation complète des Pays-Bas, ce fut le gouvernement autrichien lui-même qui ordonna de transférer à Vienne les titres de nos archives.
Plus tard, après la journée de Wagram, plusieurs de nos chartes, mêlées aux archives autrichiennes, arrivèrent à Paris, d'où elles rentrèrent en Belgique après la bataille de Waterloo ; mais la plupart de nos vieux titres nationaux, sur lesquels j'appelle avec une vive sollicitude l'attention du gouvernement, se trouvent encore aujourd'hui dans la capitale de l'Autriche.
Si la guerre a dépouillé la Belgique de ses anciennes archives, elle peut invoquer, pour en réclamer la restitution, tout ce qu'il y a de plus respectable, le droit des gens et les traités.
Le droit des gens consacre aujourd'hui ce grand principe que les titres des peuples suivent leur souveraineté et leur nationalité. De plus tous les traités ont consacré le principe de la restitution. Il a été admis par les traités de Nimègue, de Ryswyk et d'Aix-la-Chapelle, aussi bien que par les traités de Campo-Formio et de Lunéville. Enfin en 1856 une convention a été conclue entre la Belgique et l'Autriche. L'Autriche s'y est engagée à restituer à la Belgique ses anciennes archives et la Belgique de son côté a promis de rendre au gouvernement autrichien tous les titres qui concernent les empereurs et l'empire d'Allemagne, ainsi que la maison de Habsbourg.
Quelques échanges ont eu lieu à cette époque ; mais voici le bilan actuel de la situation. Quatre à cinq mille chartes, les plus importantes que nous possédions, ont été envoyées à Vienne ; 950 seulement nous ont été rendues. Le gouvernement autrichien avait emporté 64 layettes se rapportant à différentes provinces. Sur ce nombre dix ont été restituées partiellement.
Mais il y a des provinces comme la Flandre et le Hainaut, il y a des villes comme Anvers et Tournai dont toutes les chartes, enlevées en 1794, se trouvent encore aujourd'hui en Autriche.
Lorsque aujourd'hui on cherche à étudier les anciennes annales du pays, lorsque l'on s'efforce de porter quelque lumière dans l'histoire de nos institutions, on est réduit à aller consulter, à Vienne, les documents dont le besoin se fait le plus indispensablement sentir... Je suis le premier à reconnaître toute l'obligeance, toute la courtoisie de notre honorable représentant à Vienne ; je rends le même hommage aux sentiments que j'ai rencontrés chez M. le directeur des archives impériales. Mais il s'agit ici, non pas de recherches personnelles, mais d'une restitution complète à la Belgique, restitution légitime et sur laquelle il est de notre devoir d'insister, car si nos chartes représentent les plus glorieux souvenirs du patriotisme et du dévouement, il est juste qu'au moment où la Belgique est parvenue à reconstituer sa nationalité, elle revendique ces titres qui pendant longtemps ont été le gage de ses libertés.
Je demande donc à M. le ministre de l'intérieur qu'il reprenne les négociations, afin d'arriver à ces échanges fondés sur une juste réciprocité qui paraissent ne pouvoir rencontrer aucun obstacle, que tout semble, au contraire, devoir faciliter et accélérer, car d'après les renseignements que j'ai reçus, les dispositions de l'Autriche sont aussi favorables qu'on peut le désirer, et elle est disposée à répondre aux sentiments qui animent le gouvernement belge.
L'Autriche n'ignore pas que le serment de la joyeuse entrée défendait aux empereurs de toucher aux archives de la Belgique, et ce serment ils l'ont toujours observé. Des circonstances exceptionnelles expliquent ce qui s'est passé en 1794 ; mais aujourd'hui que des relations régulières et (page 859) amicales sont établies entre l'Autriche et la Belgique, entre l'Autriche qui ne peut oublier combien de héros belges versèrent leur sang pour elle sur les champs de bataille de l'Allemagne, et la Belgique qui salue avec respect le souvenir de Marie-Thérèse, associé aux espérances du pays et de la dynastie, aujourd'hui que l'Autriche jouit d'un intervalle de calme et de repos dont nous ne pouvons mesurer la durée, il est utile, il est urgent que le gouvernement se hâte de réclamer une restitution qui répond aux exigences les plus légitimes de notre sentiment national.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, les observations que vient de présenter l'honorable député d'Eecloo méritent d'être prises en sérieuse considération par le gouvernement.
Nul mieux que l'honorable M. Kervyn de Lettenhove ne pouvait parler de nos dépôts d'archives, car personne, je crois, en Belgique, ne les a mieux employées que lui. Il appartenait à l'auteur de la remarquable Histoire de Flandre, l'un des beaux monuments historiques élevés dans notre pays, depuis que la Belgique est indépendante, de venir recommander la bonne conservation de nos vieilles chartes, de nos antiques livres de privilèges et de keuren, preuves irrécusables de la gloire et de la prospérité de nos puissantes communes ; c'est dans nos dépôts d'archives que notre honorable collègue a trouvé les matériaux du splendide monument qu'il a élevé à l'histoire du pays.
Je remercie l'honorable membre de ce qu'il a bien voulu dire de flatteur pour la ville à laquelle j'ai été heureux de prêter, pendant vingt années, mon concours administratif le plus sympathique ; je le remercie aussi d'avoir, du haut de cette tribune, rendu hommage à mon savant ami M. Diegerick, le modeste et laborieux archiviste, qui, depuis dix-huit ans, a si largement contribué à classer et à faire connaître les trésors historiques que renferme le riche dépôt d'archives de la ville d'Ypres.
Je n'ai pas oublié, messieurs, que mon honorable collègue nous a plus d'une fois aidé de ses conseils éclairés ; je l'en remercie encore, son expérience nous a guidés dans l'exécution du travail dont il a bien voulu constater le succès et dont je me glorifie pour ma ville natale.
Ce que l'honorable M. Kervyn nous a dit des archives communales en général est parfaitement exact : il existe, en Flandre, surtout dans nos petites villes qui, elles aussi méritent d'occuper des pages honorables dans l'histoire de Flandre, et qui, au moyen-âge contribuèrent, dans une certaine mesure à assurer au pays la liberté, l'indépendance et la prospérité, il existe, dis-je, des documents remarquables, mais trop peu connus.
Les villes de Comines, de Wervicq, de Warneton, de Poperinghe, possèdent encore de curieuses archives qui méritent d'être précieusement conservées. Mais, ces trésors historiques sont entassés pêle-mêle dans des réduits dont l'honorable membre vient de tracer le tableau malheureusement trop vrai ; dans d'autres localités, les archives sont placées dans les tours des églises paroissiales, et, comme l'a fort bien dit l'honorable M. Kervyn, on y lit sur les liasses, pour toute inscription et pour tout inventaire, ces mots : « Vieux papiers sans valeur ! »
Messieurs, le mal est facile à signaler, car tout le monde le connaît, mais il est plus difficile d'y porter remède. Les communes ne montrent aucun mauvais vouloir, elles désirent voir classer leurs archives, car depuis quelques années surtout, elles comprennent toute l'importance de ces vieux documents. La bonne volonté ne leur manque pas, on ne peut le nier. Mais ce qui manque ce sont des hommes spéciaux, capables de classer ces archives ; de déchiffrer les anciennes écritures.
Dès mon avènement au département de l'intérieur, la question des archives communales m'a vivement préoccupé, l'honorable M. Kervyn conseille d'envoyer en province quelques attachés du bureau paléographique, mais je me suis demandé s'il ne serait pas utile aussi de faire appel à la bonne volonté de quelques jeunes gens intelligents et instruits, dans no arrondissements, et de les prier de vouloir bien, sous la savante direction de notre habile archiviste, M. Gachard, se charger du soin de visiter et classer les archives de nos communes. On développerait ainsi le goût des études historiques et l'on créerait une pépinière de jeunes historiens dans les diverses parties du pays. Ce résultat ne serait pas, je pense, impossible à atteindre.
Tous ceux qui se sont livrés à l'étude des anciens documents et aux recherches historiques, reconnaîtront que ces études sont peut-être celles qui procurent à l'homme les jouissances les plus agréables et les plus sérieuses. On se sent bien vite entraîné et bientôt, si je puis parler ainsi, cette poussière vénérable des archives est comme un parfum qu'on savoure avec un véritable plaisir et souvent on a de la peine à se séparer de ces anciens documents. Ce sont de vrais et bons amis.
M. B. Dumortier. - C'est très vrai.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - J'en parle un peu en connaissance de cause. J'ai subi cette influence, et je l'avoue. Pendant vingt années, j'ai passé des heures bien agréables dans le dépôt d'archives de ma ville natale, et, je l'espère, qu'elles me reverront un jour.
Je crois donc, messieurs, que si, tout en envoyant des délégués du bureau paléographique de Bruxelles en province, on pouvait trouver dans chaque arrondissement quelques jeunes gens instruits, dans une position aisée et disposés à se livrer par goût à ce genre de travaux, on obtiendrait les résultats les plus avantageux.
Dans ces conditions l'Etat n'aurait à supporter que de faibles dépenses en accordant, à titre de subsides, quelques indemnités pour frais de voyage et d'impression des inventaires. Bientôt on parviendrait ainsi à classer toutes ces archives qui, pour être locales, ne sont pas moins très intéressantes, car l'histoire de nos anciennes communes constitue, en grande partie, l'histoire générale du pays.
L'auteur de l'Histoire de Flandre a attiré aussi l'attention du gouvernement sur le local actuel du dépôt des archives générales du royaume.
Le local où sont actuellement déposées ces archives a été d'abord un local provisoirement destiné à cet usage ; malheureusement, c'est là un de ces provisoires qui, comme beaucoup d'autres, se prolongent et menacent de s'éterniser. Plusieurs fois déjà des propositions ont été faites, soit pour approprier, soit pour construire un hôtel digne de ce précieux dépôt ; jamais les projets n'ont pu aboutir. Dès 1834, il fut question de placer le dépôt des archives du royaume dans un hôtel situé au Petit-Sablon, l'ancien hôtel Van Maanen.
La chambre ne vota pas les crédits nécessaires pour réaliser ce projet, et on proposa de placer les archives dans l'ancienne porte de Hal, mais les salles de ce monument, bien que très spacieuses, furent bientôt reconnues insuffisantes.
Plus tard, on examina dans cette Chambre la question de savoir s'il ne serait pas utile de construire un palais des archives soit au Quartier-Léopold, soit au Petit-Sablon. Mais toutes ces questions, longuement discutées, n'aboutirent à aucune solution.
Bientôt, je l'espère, il y aura moyen de donner à nos archives un hôtel digne de leur importance. Le gouvernement pourra, d'ici à peu d'années, disposer de bâtiments nombreux. Ainsi, le palais de justice sera déplacé ; par conséquent, l'ancien bâtiment qui appartient à l'Etat, deviendra disponible et il sera possible, peut-être, de trouver dans ce bâtiment convenablement approprié, des locaux suffisants pour y placer nos archives. D'un autre côté, les ministères de la justice et des travaux publics seront également déplacés, et là encore des édifices deviendront disponibles.
Je comprends qu'il ne faut pas attendre, pour étudier ces questions, que les bâtiments qui deviendront disponibles soient complètement évacués et qu'il est temps d'y songer. C'est, du reste, ce que l'on a déjà fait ; j'ai sous les yeux un premier rapport sur cette question, et je puis dire à la Chambre que je m'occuperai activement de la solution. Les locaux d'autres établissements doivent également être améliorés. La bibliothèque royale, par exemple, devrait être agrandie et il est d'autres collections encore qui réclament une meilleure installation.
L'honorable député d'Eecloo vous a parlé des archives belges qui se trouvent en Autriche. Ces archives, messieurs, sont fort considérables ; enlevées par ordre du comte, depuis prince de Metternich, après la perte de la bataille de Fleurus en 1794, elles furent envoyées à Anvers et transportées sur plusieurs navires par le Rhin à Wurtzbourg et plus tard à Ratisbonne, puisa Linz, enfin à Vienne. Ces archives remplissaient 438 caisses !
Ces documents appartiennent à la Belgique, car, lors de la conclusion du traité de Campo-Formio en 1797, il fut stipulé que les archives des pays cédés ou étrangers seraient remis, dans l'espace de trois mois, aux puissances qui en auraient acquis la propriété.
Le gouvernement consulaire se borna en 1803 à charger l'envoyé français de recevoir les pièces que l'Autriche voudrait bien remettre ; ces pièces renfermées dans 125 caisses, furent renvoyées à Bruxelles.
En 1809, pendant l'occupation de Vienne par les armées françaises, une grande quantité d'archives belges furent enlevées par ordre de l'empereur Napoléon, transportées à Paris, puis rendues en 1815 au gouvernement des Pays-Bas.
Malheureusement, la partie la plus importante des archives belges n'avait pas été comprise dans la restitution de 1803, ni dans l'enlèvement de 1809.
Le gouvernement néerlandais semble avoir ignoré longtemps que des archives belges se trouvaient à Vienne ; ce ne fut qu'à la suite d'une mission remplie à Paris en 1828, par M. Gachard, aujourd'hui archiviste (page 860) général du royaume que l'on parvient à prouver que de précieuses archives Belges étaient retenues encore à Vienne.
Depuis cette époque, de nombreuses démarches ont été faites par la légation belge à Vienne, mais les premières négociations marchèrent lentement,
Après 1850, on proposa un échange et ces propositions furent acceptées. En 1856 et 1857 quelques archives furent restituées à la Belgique.
En 1860, on annonça que de nouveaux envois étaient préparés, mais rien n'est arrivé à Bruxelles. Le gouvernement n'est cependant pas resté inactif, il a insisté souvent, et il y a deux mois, j'ai donné des instructions très pressantes à notre ministre à Vienne et je l'ai prié de s'occuper activement de cette affaire.
Il y aurait peut-être une mesure efficace à prendre, ce serait d'envoyer en Autriche un homme spécial, pour s'entendre directement avec le conservateur des archives impériales à Vienne.
Je crois avoir répondu aux différentes questions posées par l'honorable M. Kervyn de Lettenhove ; je termine comme j'ai commencé, en disant que je tiendrai bonne note des réclamations faites par l'honorable représentant d'Eecloo.
M. B. Dumortier. - Je ne veux pas prolonger la discussion ; la Chambre a hâte d'en finir.
Messieurs, il ne faut pas se tromper sur la portée de l'enlèvement de nos archives par l'Autriche ; l'Autriche n'a aucune espèce de droit sur ces archives.
Dans la perspective de l'invasion française, ce sont nos corps constitués qui ont déposé entre les mains de l'Autriche nos archives, elle ne les a pas rendues quand les événements ont changé.
Ce n'est pas la conquête qui les a mises en son pouvoir ; c'est un dépôt, et rien n'est plus sacré qu'un dépôt ; un dépôt, vous le savez, ne se prescrit jamais.
Je me borne à ce peu de mots pour caractériser le titre auquel ces monuments si précieux pour nous sont entre les mains de l'Autriche ; les Etats de Brabant, du Tournaisis et des Flandres, pour sauver nos archives, les ont confiées à l'Autriche ; ce serait une singulière prétention, quand nous n'avons fait que confier nos archives pour les sauver, de vouloir les garder pour elle-même. Je crois que l'Autriche est trop loyale pour vouloir faire un pareil acte.
- L'article 111 est mis aux voix et adopté.
« Art. 112. Archives du royaume. Matériel ; atelier de reliure pour la restauration des documents : fr. 4,700.
« Charge extraordinaire : fr. 1,000. »
- Adopté.
« Art. 113. Archives de l'Etat dans les provinces ; personnel : fr. 20,200. »
- Adopté.
« Art. 114. Frais de publication des Inventaires des archives ; frais de recouvrement de documents provenant des archives tombés dans des mains privées ; frais d'acquisition ou de copie de documents concernant l'histoire nationale ; dépenses de matériel des dépôts d'archives dans les provinces ; subsides pour le classement et pour la publication des inventaires des archives appartenant aux provinces, aux communes, aux établissements publics ; dépenses diverses relatives aux archives. Recouvrement d'archives restées au pouvoir du gouvernement autrichien ; frais de classement, de copie et de transport, etc. : fr. 5,800.
« Charge, extraordinaire : fr. 7,000. »
- Adopté.
« Art. 115. Location de la maison servant de succursale au dépôt des archives de l'Etat ; charge extraordinaire : fr. 3,000. »
- Adopté.
« Art. 116. Personnel du bureau de la librairie : fr. 6,920. »
- Adopté.
« Art. 117. Matériel du bureau de la librairie : fr. 3,000. »
- Adopté.
M. Hymans. - Messieurs, mon intention était de présenter des observations assez étendues sur ce chapitre. Mais la Chambre et le pays sont fatigués de cette interminable discussion du budget de l'intérieur, je renonce donc au discours que j'avais l'intention de prononcer ; je l'ajourne au prochain budget ; cependant je désire dire deux mots sur une question spéciale qui a son importance
J'ai demandé le dépôt sur le bureau du dossier de l'affaire relative à la porte de liai ; il s'agit, dans cette affaire, d'une question d'économie, il s'agit d'éviter que nous ayons, d'ici à quelque temps, à liquider un compte comme celui de l'église de Laeken.
Nous avons voté l'année dernière, à la fin de la session, un crédit de 440 mille francs au département de l'intérieur ; dans ce crédit figurait une somme de 25 mille francs pour la restauration de la porte de Hal.
Cette demande de crédit nous a été remise accompagnée d'un plan qui a été communiqué à la section centrale et qui était prétendument approuvé par la commission des monuments et la commission directrice du Musée d'armures et d'antiquités. Or, à l'heure qu'il est, ce plan est si peu approuvé, que ces deux commissions s'opposent à son exécution.
Cela a une certaine importance, parce que la section centrale, dans son rapport dont j'étais l'auteur, a mis le gouvernement en garde contre les modifications qu'introduisent trop souvent dans les projets de ce genre les commissions qui n'ont aucune responsabilité et derrière lesquelles viennent se retrancher ensuite le gouvernement et l'architecte lui-même.
Or, malgré nos recommandations, le gouvernement s'est laissé entraîner et circonvenir par deux commissions, après nous avoir déclaré, dans l'exposé des motifs du projet, que le plan de restauration de la porte de Hal répondait à toutes les exigences.
Je tiens en main une dépêche du 5 novembre dernier, postérieure de six mois au vote du crédit, et dans laquelle une commission propose l'exécution d'un plan nouveau qui n'implique en rien l'ornementation de l'édifice et pour lequel on propose d'absorber tout le crédit voté par la législature.
Aussi le législateur a alloué un crédit pour l'ornementation extérieure et la réparation de la porte de Hal ; la commission ne veut pas du projet du gouvernement, elle propose de consacrer tout le crédit à un projet nouveau qui exigera des dépenses bien supérieures si l'on veut en faire une œuvre d'art.
Il y a, dans cette affaire, une preuve nouvelle de la tendance que j'ai déjà signalée plusieurs fois dans cette enceinte, et qui domine au département de l'intérieur, à se laisser constamment circonvenir et pousser en avant dans la voie des dépenses par des commissions de toute espèce dont on pourrait parfaitement se passer.
C'est grâce à des commissions que les fêtes du mois de juillet 1856 qui devaient coûter 500,000.fr. en ont coûté 1,200,000 ; c'est grâce à des commissions que l'église de Laeken qui devait coûter 800,000 fr. coûtera 4 ou 5 millions ; c'est encore grâce à ce système que, sans rien faire à la porte de Hal, on trouvera probablement le moyen de dépenser le crédit demandé.
Mes observations empruntent une plus grande importance à celles que faisait avec tant de raison l'honorable M. Kervyn de Lettenhove, à propos des archives du royaume. La question du local où seront déposées ces archives a déjà été implicitement décidée quatre ou cinq fois. Un local pour les archives de l'Etat était compris dans le plan du palais des beaux-arts que le pays a payé, non pas le palais, mais le plan, 25,000 fr.
On nous a refusé le palais des beaux-arts, le petit ; car il y en avait deux : un grand et un petit. On nous a refusé le moins coûteux, le petit palais qui devait coûter un million, sous prétexte qu'il coûtait trop cher, et nous avons dépensé, pour ne pas avoir ce palais et ne satisfaire à aucune des exigences auxquelles il fallait pourvoir, non pas un million, mais 1,049,000 fr. Si nous n'avons pas dépensé ce million aujourd'hui, il le sera l'année prochaine.
Nous avons dépensé 350,000 fr. pour démolir le palais ducal, et puis 300,000 fr. pour le reconstruire, ce qui fait 630,000 fr.
Nous avons voté 250,000 fr. pour la restauration de la porte de Hal qui ne se fait pas. La somme n'est pas dépensée, mais elle le sera ; les ministres n'ont pas l'habitude de rendre l'argent qu'on leur donne.
Nous avons payé 25,000 fr. à la veuve de l'architecte Dumont pour le palais des beaux-arts qui n'a pas été exécuté.
On s'est engagé à payer 80,000 francs pour la décoration du palais ducal.
De plus, l'architecte dont le plan avait été communiqué à la section centrale pour la restauration de la porte de Hal, (erratum, page 873) réclame 4,000 fr. d'honoraires que l'on sera obligé de lui payer pour un travail qui ne sera pas exécuté.
Enfin, nous serons obligés de voter, au prochain budget de l'intérieur, un crédit de 40,000 fr. au moins pour construction d'une baraque dans laquelle sera établie l'exposition triennale des beaux-arts en 1863.
(page 861) Toutes ces sommes réunies font 1,049,000 fr., sans que nous avons autre chose que ce palais ducal qui ne répond, en définitive, à aucune destination.
On, a dit que l'on placerait les Académies, et les Académies refusent d’y entrer.
On devait y placer le Musée moderne, et la commission du Musée moderne refuse de laisser placer ses tableaux dans des salles où l'on donne des concerts.
Je sais que M. le ministre de l'intérieur n'accepte pas ici l'opinion de la commission, parce que, par hasard, elle a raison (interruption) ; mais le Musée n’en sera pas mieux logé pour cela.
On devait en outre organiser dans le palais ducal les expositions triennales des beaux-arts. L'honorable M. Rogier nous a dit l'année dernière dans cette enceinte qu'on rentrerait pour les expositions dans le système des baraques qui a coûté si cher depuis 1830.
Ainsi nous avons dépensé 1,049,000 francs pour ne rien avoir. Eh bien, je veux, autant que possible, empêcher que les 250,000 fr. votés pour la porte de Hal soient dépensés en pure perte. Je veux tâcher de les sauver, et je demande à M. le ministre de l'intérieur qu'il fasse en sorte que le nouveau projet qu'il adopte ne dépasse pas le devis qui avait été fait pour celui dont la Chambre a reçu communication.
Je demande que, si c'est possible, on soumette la question à un nouvel examen. II ne sera pas nécessaire, pour cela, de nommer une nouvelle commission ; car j'ai vu dans le dossier que la commission des monuments elle-même est très peu édifiée sur la valeur artistique, archéologique et architecturale de la porte de Hal ; tout en reconnaissant que les salles intérieures sont très bien appropriées pour la collection des armures, la commission se montre peu enthousiaste de ce monument.
Ainsi j'aimerais mieux, pour ma part, que l'on mît les 250,000 francs de côté, et qu'on les réservât, comme premier crédit, pour l'exécution d'un palais des beaux-arts.
J'appelle sur ces observations l'attention de M. le ministre de l'intérieur.
Je crois qu'il peut en faire son profit, dans l'intérêt du trésor, et profiter de cette occasion pour lutter contre l'influence de plus en plus absorbante des commissions.
M. le président. - La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - J'attendrai que l'honorable M. Dumortier ait parlé.
M. B. Dumortier. - Je voulais parler d'un tout autre objet que celui dont l'honorable membre vient d'entretenir la Chambre ; mais puisque M. le ministre dit qu'il nous répondra à tous deux à la fois, je prendrai la parole.
Le crédit que nous avons à voter est celui relatif aux beaux-arts. Pour faire face à cette dépense, on porte au budget 540,000 fr., au -d'un demi-million.
Cette somme est en rapport certainement avec les ressources de la Belgique. Mais quant à l'emploi de cette somme, je dois dire que j'ai des observations sérieuses à présenter.
Les beaux-arts, on ne peut le méconnaître, sont la gloire la plus immortelle et la plus incontestée de notre pays.
L'école flamande figure partout, dans toute l'Europe, au premier rang des créations du génie humain et, comme je le disais un jour dans cette enceinte, lorsque à certaines époques de l'histoire du monde, la Belgique avait disparu de la carte politique, les œuvres de l'école flamande restaient encore dans les cabinets des souverains comme des ambassadeurs permanents pour rappeler aux têtes couronnées l'ancienne Belgique et demander la reconstitution de notre nationalité.
La peinture flamande est donc, comme je le disais, la gloire la plus incontestable et la plus incontestée de notre pays. Mais que faisons-nous au fond pour notre école flamande ? Voici un chiffre d'au-delà d'un demi-million volé chaque année par les Chambres pour les beaux-arts. Eh bien, je me demande où va ce demi-million que la Chambre vote chaque année ?
Il va en grande partie figurer dans le chapitre dont a parlé l'autre jour mon honorable ami M. Vander Donckt, dans le chapitre des gaspillages, et le reste dans le chapitre de la camaraderie et du favoritisme. Pour moi, j'ai hâte de le dire, j'ai confiance dans le directeur actuel des beaux-arts ; il a du zèle, de l'activité, de l'intelligence ; on peut compter sur lui.
Il ne s'agit donc pas ici d'une question de personnes, mais l'emploi que l'on fait de ces fonds use paraît déplorable, et surtout je crois qu'on se lance maintenant dans une masse de dépenses qui n'ont aucune espèce de raison. Je veux parler, messieurs, de la peinture murale. Dans un document qui a été fourni à la section centrale, je vois que le gouvernement s'engage pour un demi-million de dépenses.
M. Hymans. - Plus.
M. B. Dumortier. - Pour au delà d'un demi-million de dépenses en fait de peintures murales.
A tels artistes, à de grands artistes, on donne 200,000 francs à chacun et cela pourquoi faire ? Pour peindre dans telle ou telle localité. Ainsi, par exemple, je vois qu'on donne pour décoration de l'hôtel de ville d'Anvers, à M. Leys. 200,000 francs en dix ans, dont 12,500 fr. seront annuellement payés par l'Etat et 7,500 par la ville d'Anvers.
Voilà donc 125,000 francs donnés par l'Etat à un seul artiste sans qu'il en revienne rien à l'Etat.
A M. de Keyser pour peindre le vestibule du musée d'Anvers, aussi 200,000 francs dans les mêmes conditions. Puis vient une église à Anvers, c'est-à-dire pour ces trois postes seulement 523,418 fr. plus d'un demi-million réparti entre trois artistes.
Eh bien, je dis que c'est là un système déplorable. J'admire profondément le talent de ces éminents artistes, mais, je dis que le gouvernement ne doit point entrer dans un système qui crée quelques favoris et laisse de côté tous les autres artistes.
Vous arriverez ainsi à dépenser un million pour la peinture murale.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - En dix ans.
M. B. Dumortier. - Remarquez bien, messieurs, que je ne critique pas les dépenses que l'on fait pour les beaux-arts. Je les approuve au contraire, mais à une condition, c'est qu'elles se fassent d'une manière utile.
Que faisait-on dans les premières années de la révolution ?
On avait une pensée vraiment grande, c'était de créer un musée national moderne, et c'est alors qu'on a commandé des œuvres d'art : l'Abdication de Charles-Quint à M. Gallait, une Scène de la révolution à M. Wappers, la Bataille de Woeringen à M. de Keyser, et des tableaux à MM. Leys, Verboeckhoven, Madou, de Biefve, Brackeleer, etc. ; en un mot, à tous nos grands artistes de cette époque.
Vous êtes ainsi eu possession de plusieurs chefs-d'œuvre. C'était inaugurer une création qui manque essentiellement à la Belgique, une création qui lui est indispensable, que j'ai toujours réclamée et que je viens réclamer encore, la création d'un musée national moderne de peinture.
Je dis que c'est là la plus grande de toutes les nécessités pour un pays qui a la gloire nationale à cœur.
Plus tard, dans 50 ans, dans cent ans, notre école, belge moderne qui a tant de valeur, qui est une gloire si pure pour notre époque, quand on voudra en voir les œuvres, il faudra sortir de la Belgique et parcourir l'Europe pour les connaître.
Nous aurons dépensé un demi-million tous les ans, et il n'en restera rien, absolument rien en possession de l'Etat.
Au point de vue de l'art sérieux, la peinture à fresque n'a jamais été et ne sera jamais que de la décoration. (Interruption.)
Je sais fort bien qu'on me citera les stanze de Raphaël, mais indiquez-moi donc encore une œuvre pareille.
La peinture à fresque ne se faisant pas à l'huile, n'est pas susceptible d'être reprise, d'un travail profondément artistique.
J'ai visité une grande partie de l'Europe, j'ai vu beaucoup de peintures à fresque, et je dois dire que pour les hommes sérieux ce n'est là que de la peinture décorative ; la peinture à l'huile, voilà de la peinture nationale.
Le tableau de l'Agneau par Van Eyck vaut plus, à lui seul, que toutes les peintures à fresque de la Belgique et de l'Allemagne.
Tous les chefs-d'œuvre de l'art, la Transfiguration de Raphaël, la Descente de croix de Rubens, la Ronde de nuit de Rembrandt, l'Assomption du Titien, etc., sont en peinture à l'huile, la seule qui permette la naïveté de la nature.
Commandez à MM. Leys et de Keyser des tableaux à l'huile pour le Musée de peinture moderne, cela vaudra beaucoup mieux.
D'ailleurs, messieurs, la peinture à fresque n'est nullement appropriée à notre climat.
On a voulu faite de la peinture à fresque sur le fronton de l'église de Caudenberg ; on assurait qu'elle aurait toujours duré, et déjà elle est à demi passée.
Quand ce serait à l'intérieur des édifices, le pays est trop sujet à l'humidité et aux changements de température pour que les peintures qui ont l'eau pour liniment puissent être de durée dans nos climats.
Puis, messieurs, la peinture à fresque c'est un cadeau que vous faites à certaines localités, aux dépens de la nation qui a son domicile à Bruxelles et qui doit avoir dans sa capitale un grand musée national moderne, et ce cadeau se fait au détriment de la création de ce musée.
(page 862) Il y a quelques années, messieurs, j'ai entendu parler d'offres qu'on aurait faites à un homme dont je m'honore d'être l'ami, pour le grand tableau qu'il a depuis longtemps projeté.
Il s'agit d'une œuvre monumentale, de l'œuvre la plus importante qui soit jamais sortie d'un pinceau belge, sous le règne du roi Léopold Ier.
Je ne sais si je suis bien renseigné, mais on m'a parlé de 100,000 francs pour cette œuvre grandiose.
L'administration des beaux-arts trouvait ce prix trop élevé, elle voulait marchander et le premier artiste de notre époque et son œuvre la plus capitale.
Et on donne 200,000 francs à un artiste pour des peintures à fresque. C'est le double de la somme, et l'Etat ne possédera rien.
On devrait faire pour la Belgique, messieurs, ce qu'on fait à Paris, et j'appelle sur ce point toute l'attention de M. le ministre de l'intérieur, tout artiste belge de mérite devrait avoir au moins un tableau au Musée national moderne, comme à Paris tout artiste de mérite figure au Musée du Luxembourg.
L'artiste qui figure ainsi au Musée national est classé ; il a là une exposition permanente et cette considération influe beaucoup sur les conditions qui sont faites au gouvernement.
Maintenant quand l'artiste meurt, son œuvre est transférée au Musée des articles décédés. Voilà, messieurs, comment les choses se passent à Paris,
MfFO. - Il y a des fresques aussi à Paris.
M. B. Dumortier. - En fait de fresques anciennes, vous n'avez absolument que les stanze de Raphaël ; et encore qu'est-ce qui en reste ? Je les ai examinées avec soin, et par l'effet du temps sur les couleurs à l'eau il n'en reste presque plus rien. (Interruption.)
Je les ai encore visitées il y a cinq ans. Qu'est devenue la Cène de Léonard de Vinci ?
- Un membre. - Ce n'est pas une fresque.
M. B. Dumortier. - Vous ne l'avez donc pas vue ? Je le répète, messieurs, ce genre de peinture auquel on veut consacrer des sommes aussi énormes ; ce genre de peinture n'a pas de durée. Les Loges de Raphaël ont dû être vitrées tant elles disparaissaient.
Je vous demande, messieurs, s'il convient d'introduire en Belgique un pareil système.
On me dira peut-être : « Allez voir à Paris l'église de Saint-Germain des Prés ; Flandin y a fait des peintures à fresque. » Je le conçois parfaitement : cette église appartient au style roman ; or, le style roman se prête à ce genre de peinture ; en Belgique, vous n'avez que des églises dans le style ogival, et le style ogival ne comporte pas la peinture à fresque ; il ne se prête qu'à la peinture polychrome. Allez à Sainte-Gudule, à la Sainte-Chapelle, à la cathédrale de Tournai, vous n'y voyez pas de la peinture à fresque, vous y voyez des tableaux.
Messieurs, je reviens à ce que je disais en commençant : il est indispensable de créer au plus tôt un musée de tableaux modernes dans la capitale. Oui, pour moi la première de toutes les questions, c'est la création d'un musée national moderne.
Je désire que le gouvernement revienne aux traditions de 1830 à 1840, c'est-à dire de l'époque à laquelle l'honorable M. de Theux présidait aux affaires.
On a obtenu alors pour la Belgique de magnifiques chefs-d'œuvre ; tandis que j'ignore complètement ce qu'on a fait des fonds votés pendant vingt ans. On ne saurait montrer des tableaux acquis avec les fonds que la législature vote chaque année.
Je désire vivement que le gouvernement abandonne le système qu'il suit actuellement ; qu'il renonce à ces dépenses énormes qui constituent un privilège pour quelques-uns ; qu'il laisse là la peinture murale ; qu'il crée à Bruxelles un musée national moderne où chaque artiste de talent puisse trouver sa place ; et alors nous pourrons conduire l'étranger qui vient visiter la capitale, nous pourrons le conduire dans ce musée et lui dire avec fierté. :
« Voilà l'école belge ; admirez-la, inclinez-vous devant elle. »
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, l'honorable M. Hymans a soulevé plusieurs questions relatives au chapitre XIX. Il nous a parlé d'abord des travaux de restauration à faire à la porte de Hal.
Cette affaire, autour de laquelle on a fait beaucoup de bruit depuis quelque temps, n'est pas cependant aussi grave qu'on paraît le croire ; elle n'est pas de nature à mériter au gouvernement tous les reproches qu'on lui a faits. Tout, en effet, s'est passé régulièrement.
L'honorable membre a soutenu que cette affaire a été mal menée, qu'elle a traîné ; mais je ferai remarquer, messieurs, qu'il y a à peine un an que le crédit a été voté pour la restauration de la porte de Hal.
La question posée n'est pas facile à résoudre : la porte de Hal est un ancien vestige de notre architecture militaire ; il n'est pas aisé d'en faire un bijou, en lui conservant son cachet primitif. L'architecture militaire est toujours peu gracieuse, peu artistique, nos forteresses en général ne sont pas des monuments.
Il est donc très difficile de transformer la porte de Hal en un monument intéressant, et de lui laisser en même temps, son caractère ancien.
Cette circonstance explique parfaitement pourquoi les artistes ne parviennent pas à se mettre d'accord.
Un plan a été soumis à la Chambre en 1861, lors de la discussion du crédit ; mais ce plan a été communiqué en quelque sorte à titre de renseignement, et non à fin d'approbation ; la commission des monuments qui a été consultée n'a pas cru pouvoir donner son approbation au projet.
Fallait-il exécuter le plan dans de pareilles circonstances ? N'était-il pas préférable de le soumettre à révision, car il ne s'agit pas seulement de faire vite, mais encore et surtout de faire bien.
Du reste, le gouvernement n'a pas encore dépensé un centime du crédit de 250,000 francs que la Chambre a alloué pour travaux de restaurations à faire à la porte de Hal.
La seule dépense à liquider en ce moment est la rémunération due à l'architecte dont le plan n'a pas été exécuté.
L'honorable M. Hymans nous a parlé du palais ducal. Ce palais a subi, en effet, une transformation considérable, mais n'a-t-on obtenu aucun résultat ?
Autrefois on n'avait pas de local pour les grandes solennités musicales. Aujourd'hui on trouve dans le palais Ducal, une salle parfaitement appropriée à ces solennités. Les jardins du palais, récemment tracés, ne contribuent pas peu à embellir un des beaux quartiers de la capitale.
D'un autre côté, messieurs, le palais Ducal abritera le musée moderne. Déjà le musée de sculpture y est installé, et l'ordre est donné d'y transporter les tableaux de l'école moderne ; ils y seront installés dans très peu de temps.
Messieurs, je crois inutile de parler des plans de feu l'architecte Dumont, plans qui n'ont pu être exécutés jusqu'à présent, mais dont, à une autre époque, on pourra tirer un très utile profit.
L'honorable M. B. Dumortier, au début de son discours, a risqué un mot bien dur et très injuste.
Il a dit que le chapitre des beaux-arts aurait pu être nommé le chapitre des gaspillages. Je proteste, messieurs, contre cette expression injustifiable.
II faut bien le reconnaître, le gouvernement, à l'aide des crédits qui lui ont été alloués, a fait de fort bonnes choses ; on peut se tromper quelquefois ; mais, je le répète, en général, la direction des beaux-arts a fait, depuis trois ans, de fort bonnes choses ; et il n'est pas juste dire que les crédits ont été gaspillés.
C'est sur ces crédits que le gouvernement accorde des subsides aux villes pour la restauration de leurs monuments. L'honorable M. B. Dumortier reconnaîtra que ces restaurations sont bien faites et font honneur à la Belgique.
Les restaurations des hôtels de ville de Bruxelles, de Bruges, d'Audenarde, d'Ypres et de Louvain sont des restaurations en général très bien exécutées et que les étrangers admirent.
Le gouvernement accorde encore sur ce crédit les subsides demandés par les villes pour l'érection de statues aux hommes illustres de la Belgique. Cette dépense présente également un caractère d'utilité.
On prélève encore sur ce chapitre des subsides au profit des communes, pour la conservation des objets d'art. C'est là une dépense fort utile ; car dans beaucoup de localités, faute de ressources, on néglige souvent d'entretenir en bon état les objets d'art qui se trouvent, soit dans les églises, soit dans les monuments publics.
L'honorable M. B. Dumortier, voudrait que le Musée moderne fût complété.
L'honorable membre voudra bien reconnaître, je pense, que le gouvernement a déjà beaucoup fait pour le musée ; il n'est pas complet sans doute, mais il contient des œuvres de la plupart de nos grands artistes.
Je pourrais vous citer le tableau de Gallait, l'abdication de Charles V, le tableau de De Biefve, le Compromis des Nobles, celui de Leys, le rétablissement du culte catholique à Anvers, des tableaux de Bossuet qui a fait des œuvres d'un grand mérite.
Il est peu de nos artistes de premier mérite qui n'aient aujourd'hui un tableau au Musée.
(page 863) M. B. Dumortier. - Il n'y en a pas un quart.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Du reste, je suis tout disposé à consacrer une partie des crédits mis à la disposition du gouvernement pour compléter le Musée moderne.
Je reconnais, comme l'honorable M. Dumortier, que c'est là une chose à faire dans l'intérêt et pour l'honneur du pays.
Sur ce crédit on donne aussi aux villes des subsides pour acheter des tableaux destinés à leurs musées locaux. C'est encore une dépense extrêmement utile. Je n'ai pu partager l'opinion de quelques personnes qui voulaient centraliser à Bruxelles tous les objets d'art et tous les tableaux remarquables du pays dans un grand musée général ; je me suis opposé à cette espèce de centralisation.
Je pense que les petites villes, qui à juste titre sont fières des chefs-d'œuvre qu'elles possèdent, doivent pouvoir les conserver.
Je suis disposé à accorder aux communes pour la conservation de leurs œuvres locales, si je puis m'exprimer ainsi, des subsides en rapport avec les sacrifices qu'elles pourraient faire, car je pense que l'art doit briller non seulement dans la capitale, mais encore dans les villes de province et dans tous les recoins du pays.
J'éprouve toujours une émotion réelle quand, entrant dans une petite ville, je rencontre des gens du peuple qui viennent me dire avec un certain orgueil : Voulez-vous me permettre de vous faire voir telle ou telle chose curieuse et remarquable que nous possédons ici.
Messieurs, je ne suis nullement d'accord avec l'honorable M. Dumortier quand il parle de la peinture murale. Je crois que la grande peinture, la peinture murale est dans notre pays comme dans beaucoup d'autres une nécessité ; que c'est une des plus belles expressions de l'art, elle restera longtemps après nous.
L'honorable membre se plaint des sacrifices que l'on fait en faveur de quelques artistes.
Mais, messieurs, qu'on veuille bien le remarquer, ces sacrifices sont faits en faveur d'artistes que nous croyons de premier mérite.
Des travaux de cette importance ne peuvent se faire en un an et quand un artiste de talent consent à consacrer son existence entière à l'exécution d'une œuvre grandiose, il me semble que l'Etat ne doit pas trop calculer avec lui et ne doit pas en quelque sorte mesurer au mètre carré le travail de l'artiste.
Les villes ont fait des sacrifices considérables pour l'embellissement extérieur de leurs monuments, elles commencent à en faire aussi pour la décoration intérieure au moyeu de peintures murales.
De petites villes votent 30,000 fr., 40,000 fr., 50,000 fr. pour des peintures murales.
Il faut seconder ce mouvement, et si la Belgique portait au budget de l'Etat un million en dix ans pour cet objet, je crois que ce ne serait pas trop.
M. B. Dumortier. - Il vaudrait beaucoup mieux les employer au Musée moderne.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je ferai observer à M. Dumortier que si le Musée moderne doit être encouragé, la peinture murale doit l'être également.
Du reste, il y a à peu près unanimité dans la Chambre et dans le pays sur ce point.
Tout le monde, sauf l'honorable M. Dumortier, et je crois que son opinion n'est pas absolue, est d'accord que la grande peinture murale est la plus belle expression de l'art.
Je termine, messieurs, la Chambre désire en finir, en lisant un passage d'un rapport fait par un de nos collègues et qui rend beaucoup mieux que je ne pourrais le faire moi-même, mes idées sur la peinture murale.
Voici ce que disait l'honorable comte de Liedekerke, dans un rapport qu'il adressait à un de mes prédécesseurs à l'occasion des expositions :
« Les hommes d'Etat comprendront que la renommée d'un pays ne repose pas uniquement sur sa prospérité et sa richesse matérielle, mais que la grandeur des beaux-arts, l'éclat de sa littérature, forment autant de liens qui y rattachent plus intimement encore les citoyens, et que, multiplier les titres de célébrité de la patrie, c'est la rendre plus chère au cœur de ses enfants !
« C'est donc du gouvernement que doit venir l'impulsion des travaux importants, qui, seuls, peuvent, pousser l'art et lui procurer un essor dont l'influence s'étendra à tous les degrés. Car la hauteur d'où part la lumière en fait mieux pénétrer la vivifiante action.
« Nous croyons qu'il faudrait rapprocher plus qu'on ne le fait habituellement, dans notre pays surtout, l'architecture et la peinture. Cette association a donné dans d'autres temps des résultats magnifiques. Les pinceaux les plus célèbres en ont légué d'ineffaçables traces, et les plus célèbres écoles italiennes du moyen Age ont perpétué leur renommée par d'immortelles fresques. L'Allemagne et la France n'ont pas laissé dans l'oubli ces souvenirs, et avec raison, car tout ce qui est monumental, tout ce qui revêt un caractère national, développe les talents, leur inspire d'incalculables efforts et grandit l'art.
« On se sent fier de travailler pour tous les âges, de devenir la propriété du public qui ne meurt pas, et d'être adopté par l'histoire de son pays. A l'apathie, à l'indifférence, aux étroites perspectives, succèdent une brillante émulation, l'amour du grand et du beau et l'ardeur nécessaire à les réaliser. Heureuses dépenses donc que celles qui excitent les talents, évoquent parfois le génie, qui entretiennent dans un peuple les pensées élevées, lui en prodiguent les exemples et qui le détournent d'une trop constante application aux égoïstes calculs de la richesse. C'est d'elles qu'un ministre sage et économe, le pénétrant Colbert, a pu dire avec l'assentiment de la postérité : « Rien ne marque davantage la grandeur et l'esprit des princes que les bâtiments, et toujours la postérité les mesure à l'aune de ces superbes machines qu'ils ont élevées pendant leur vie. »
Messieurs, le monopole de faire de grandes choses et de laisser de grands souvenirs n'appartient pas à l'ancien régime. Prouvons que les princes constitutionnels et les peuples libres peuvent aussi accomplir de grandes œuvres et laisser à la postérité de grands et nobles souvenirs.
- Plusieurs membres. - Aux voix !
- D'autres membres. - La clôture.
M. Janssens. - Messieurs, j'éprouve le besoin de dire que je ne puis me rallier aux appréciations faites par l'honorable M. Dumortier relativement à la peinture murale.
Je considère la peinture murale comme l'art sous sa forme la plus populaire, la plus nationale et la plus élevée.
La plus populaire, parce qu'elle se fait ordinairement dans nos monuments publics qui sont ouverts à tout le monde.
La plus nationale, parce que les peintures murales ne nous seront jamais enlevées comme tous les chefs-d'œuvre que nous avons perdus par différentes circonstances.
Ces peintures resteront incrustées en quelque sorte dans nos monuments.
Je crois encore pouvoir dire que c'est l'art sous sa forme la plus élevée parce que c'est l'art pratiqué dans les conditions les plus favorables.
Il est, en effet, extrêmement avantageux pour l'artiste de pouvoir complètement approprier ses œuvres à la place qu'elles sont destinées à occuper à jamais ; de pouvoir les mettre en harmonie avec le monument qu'elles décorent ; de pouvoir juger exactement des conditions de jour et de position dans lesquelles elles sont exposées ; de pouvoir enfin mettre de l'unité entre les différents sujets qui ornent un même monument.
Il est encore à remarquer, et toutes les personnes qui suivent avec quelque attention les travaux de ce genre en ont certainement acquis la conviction, que la peinture murale exerce une grande influence sur la disposition d'esprit de l'artiste, et cette influence doit naturellement se refléter sur son œuvre.
L'artiste se pénètre du caractère et de la destination du monument dans lequel il exécute ses compositions, il s'inspire des souvenirs et des espérances qui s'y rattachent. Il sait quels sont les spectateurs qui se réunissent habituellement autour de son œuvre, dans quel but ils seront assemblés et quels sentiments il doit provoquer en eux. Et certes, messieurs, rien n'est plus propre à porter l'art à la hauteur de sa mission.
Je ne puis donc me rallier aux appréciations de mon honorable ami, dont j'aime tant cependant à partager les opinions, même en matières d'art.
Ce que je comprendrais, c'est que l'on émît un doute sur la question de savoir si la peinture murale, qui mérite à tant de titres d'être encouragée, doit l'être par le budget de l'Etat.
Cette question, sur laquelle je fais toutes mes réserves, ne peut évidemment pas être examinée en ce moment, et du reste, la Chambre n'est pas disposée, je pense, à modifier le chiffre porté au budget. Mais nous devons être d'accord sur ce point que les dépenses faites pour les peintures murales doivent être réparties de la manière la plus judicieuse et de manière à constituer un encouragement réel. A cet égard, je me permettrai d'adresser quelques questions à M. le ministre de l'intérieur.
Je lui demanderai, d'abord, si le gouvernement, lorsqu'il fait des commandes en fait de peinture murale, prend quelques précautions quant (page 864) aux procédés employés par l'artiste, les procédés en usage n'offrant pas tous les mêmes garanties de durée et d'inaltérabilité.
Les artistes sont les premiers intéressés, sans doute, à la conservation de leurs œuvres, mais l'exemple d'autres pays prouve que, sous ce rapport, on ne se repose pas uniquement sur eux du soin de déterminer les meilleurs procédés. Ainsi, en Bavière, où l'on a fait tant de peintures murales, on a lieu de croire que les procédés sont parfaitement connus ; cependant, quand il s'est agi de donner des commandes pour des monuments publics, on a exigé que les procédés des artistes fussent soumis à certaines épreuves, à certains examens. Je demanderai donc à M. le ministre s'il ne jugerait pas prudent de s'entourer les mêmes garanties.
Je demanderai en second lieu si le gouvernement a soin de ne payer des à-compte sur les subsides qu'il alloue, qu'à mesure de l'avancement des travaux. C'est là un point important au point de vue de la comptabilité et de la prudence administrative. Je sais que la peinture murale exige un travail préparatoire très important, la production des cartons. Il en faut tenir compte sans doute, mais toujours faut-il qu'une proportion existe entre le travail fait et la somme payée. Je crois que M. le ministre en comprendra toute la nécessité, et voudra bien me dire si, sous ce rapport aussi, il a soin de prendre quelques précautions.
Je demanderai encore s'il n'y aurait pas lieu d'établir une certaine proportion entre les subsides alloués par le gouvernement et ceux qui sont accordés par les administrations locales ou des associations particulières.
Le gouvernement, dans une pièce qui nous a été communiquée, a dit que les peintures murales se font avec la coopération des villes ; mais pour que les subsides de l'Etat soient un véritable encouragement, il faudrait que la part de l'Etat fût, autant que possible, proportionnelle à celle des localités.
Les choses ne se passent pas ainsi. Il est arrivé que le gouvernement donnait le moins à ceux qui avaient eux-mêmes fait le plus. Entendue de cette manière, l'intervention de l'Etat ne constituerait pas un encouragement, mais un découragement pour ceux qui ont commencé par s'imposer des sacrifices. (Aux voix ! aux voix !)
Je suis cependant obligé d'adresser encore une question à M. le ministre de l'intérieur.
Messieurs, je suis aussi concis qu'il est possible de l'être, et d'ailleurs, je n'ai plus qu'un mot à dire.
J'ai entendu M. le ministre dire qu'il tâchera d'employer une certaine somme à encourager la peinture sur toile et à enrichir le Musée national.
Je demande à M. le ministre s'il est bien entendu que les 60 mille fr. demandés pour la peinture murale seront exclusivement employés à cet objet, sans qu'il y soit imputé aucun subside pour encourager une autre branche de l'art ou une peinture sur toile quelle qu'elle soit.
Je serais désireux d'obtenir à cet égard une réponse formelle de la part de M. le ministre.
- Voix diverses. - Aux voix ! aux voix ! La clôture !
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je demande la parole.
- Plusieurs membres. - Aux voix !
- D'autres membres. - La clôture.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je demande la parole sur la clôture. Si l'on veut m'accorder la parole pendant quatre minutes, cela me suffira pour répondre aux quatre questions posées par l'honorable M. Janssens.
- De toutes parts. - Parlez.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - L'honorable M. Janssens m'a demandé, d'abord, si le gouvernement avait des garanties de la bonne exécution des peintures murales. Je lui réponds : On suit, à cet égard, les conseils de la commission des monuments.
On prend donc toutes les précautions de bonne exécution qu'il dépend du gouvernement de prendre.
L'honorable membre m'a demandé en second lieu, je crois, si les artistes offraient les garanties nécessaires.
Je réponds : On fait avec les artistes des contrats et on tient la main à leur stricte exécution.
L'honorable membre m'a demandé en troisième lieu si l'on proportionne toujours les subsides de l'Etat à la part contributive des localités intéressées dans l'exécution de peintures murales ? Je réponds : non, cela ne serait pas possible, car il faut tenir compte de la situation financière des villes et surtout de l'importance des monuments. Il est des édifices qui constituent en quelque sorte des monuments nationaux et pour lesquels l'Etat doit nécessairement accorder une part plus forte que pour d'autres.
Enfin (vous voyez, messieurs, que je tiens compte de l'impatience de la Chambre), l'honorable M. Janssens m'a demandé, en quatrième lieu, si une partie du crédit de 60,000 francs demandé pour la peinture murale recevrait une autre destination. Je lui réponds le plus brièvement possible, car je me home à lui dire : Non !
- Voix nombreuses. - La clôture !
M. B. Dumortier. - Je demande la parole contre la clôture. (Aux voix ! aux voix !) J'ai beaucoup de choses à dire encore.
- Un membre. - Il fallait les dire plus tôt !
- De toutes parts. - Aux voix ! aux voix !
M. B. Dumortier. - J'ai beaucoup de choses à répondre à mon honorable contradicteur M. Janssens. Je voudrais lui dire...
- Voix nombreuses. - La clôture est demandée.
M. le président. - Bornez-vous, M. Dumortier, à parler sur la clôture.
M. B. Dumortier. - -C'est bien mon intention et j’aurais déjà fini si l'on ne m'interrompait sans cesse.
M. le président. - Vous n'avez la parole que sur la clôture.
M. B. Dumortier. - Je le sais bien. J'aurais donc besoin de dire que tous les chefs-d'œuvre sont faits en peinture à l'huile et je voudrais qu'on ne commandât à nos artistes...
- De toutes parts. - C'est la question. Aux voix ! aux voix.
M. B. Dumortier. - ... que des tableaux. Je me réserve de développer cette idée dans une autre circonstance.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
« Art. 118. Subsides à de jeunes artistes pour les aider dans leurs études ; encouragements à de jeunes artistes qui ont déjà donné des preuves de mérite ; voyages dans le pays et à l'étranger pour les aider à développer leurs talents ; missions dans l'intérêt des arts ; secours à des artistes qui se trouvent dans le besoin ou aux familles d'artistes décédés ; encouragements à la gravure en taille-douce, à la gravure en médailles, aux publications relatives aux beaux-arts ; subsides ; souscriptions ;acquisitions d'œuvres d'un intérêt artistique ou archéologique ; subsides aux sociétés musicales, aux sociétés instituées pour l'encouragement des beaux-arts, aux expositions locales ; encouragements à l'art dramatique (littéraire et musical), etc. ; commandes et acquisitions d'œuvres d'artistes vivants ou dont le décès ne remonte pas à plus de dix ans ; subsides aux établissements publics pour aider à la commande ou à l'acquisition d'œuvres d'art ; encouragements à la peinture murale, avec le concours des communes et des établissements intéressés ; académies et écoles des beaux-arts autres que l'Académie d'Anvers ; conseil de perfectionnement de l'enseignement des arts du dessin ; encouragements pour la composition musicale, la peinture, la sculpture, l'architecture et la gravure ; pensions des lauréats ; frais relatifs aux grands concours ; dépenses diverses : fr. 249,500. »
- Adopté.
« Art. 119. Académie royale d'Anvers : fr. 31,750. »
- Adopté.
« Art. 120. Conservatoire royal de musique de Bruxelles. Dotation de l'Etat destinée, avec les subsides de la province de Brabant et de la ville de Bruxelles, à couvrir les dépenses tant du personnel que du matériel : fr. 55,340.
« Deuxième tiers de la part du gouvernement dans les frais d'acquisition d\»n orgue ; charge extraordinaire : fr. 13,000. »
- Adopté.
« Art. 121. Conservatoire royal de musique de Liège. Dotation de l'Etat destinée, avec les subsides de la province et de la ville de Liège, à couvrir les dépenses tant du personnel que du matériel : fr. 27,000. »
- Adopté.
« Art. 122. Musée royal de peinture et de sculpture. Personnel : fr. 8,240. »
- Adopté.
« Art. 123. Musée royal de peinture et de sculpture. Matériel et acquisitions ; frais d'impression et de vente du catalogue : fr. 23,400. »
- Adopté.
(page 865) « Art. 124. Musée royal d'armures et d'antiquités Personnel : fr. 6,000. »
- Adopté.
« Art. 125. Musée royal d'armures et d'antiquités. Matériel et acquisitions ; frais d’impression et de vente du catalogue : fr. 11,000. »
- Adopté.
« Art. 126. Entretien du monument de la place des Martyrs, des jardins et des arbustes ; salaire des gardiens. Frais de surveillance et d'entretien de la colonne du Congrès ; jardin et arbustes. Traitement du personnel préposé à la surveillance et à l'entretien du palais de la rue Ducale. Frais d'entretien des locaux du palais de la rue Ducale ; frais de surveillance du musée moderne à établir audit palais ; frais relatifs au jardin (salaire du jardinier et entretien du jardin) ; chauffage des locaux habités par les concierges : fr. 8,680. »
- Adopté.
« Art. 127. Monuments à élever aux hommes illustres de la Belgique, avec le concours des villes et des provinces ; médailles à consacrer aux événements mémorables : fr. 10,000.
« Charge extraordinaire : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art. 128. Subsides aux provinces, aux villes et aux communes dont les ressources sont insuffisantes pour la restauration des monuments ; subsides pour la restauration et la conservation d'objets d'art et d'archéologie appartenant aux administrations publiques, aux églises, etc. ; travaux d'entretien aux propriétés de l'Etat qui ont un intérêt exclusivement historique : fr. 56,000. »
- Adopté.
« Art. 129. Commission royale des arts et monuments. Personnel. Frais de copie. Jetons de présence ; frais de déplacement des membres effectifs et des membres correspondants, du secrétaire, des dessinateur», etc. ; frais de bureau, entretien des locaux, bibliothèque ; rédaction et publication du bulletin des commissions royales d'art et d'archéologie : fr. 11,500. »
- Adopté.
« Art. 130. Frais de route et de séjour pour l'inspection des établissements dangereux, insalubres ou incommodes ; personnel, dépenses diverses et travaux relatifs à cette inspection ; charge extraordinaire : fr. 12,000. »
- Adopté.
« Art. 131. Frais des commissions médicales provinciales ; police sanitaire et service des épidémies : fr. 45,000. »
- Adopté.
« Art. 132. Encouragements à la vaccine ; service sanitaire des ports de mer et de côtes ; subsides aux sages-femmes pendant et après leurs études 1° pour les aider à s'établir ; 2° pour les indemniser des soins de leur art qu'elles donnent aux femmes indigentes ; subsides en cas d'épidémies ; récompenses pour services rendus pendant les épidémies ; impressions et dépenses diverses : fr. 30,000. »
- Adopté.
« Art. 133. Académie royale de médecine : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. 134. Conseil supérieur d'hygiène publique ; jetons de présence et frais de bureau : fr. 4,200. »
- Adopté.
« Art. 135. Traitement du commissaire du gouvernement près la société concessionnaire des jeux de Spa : fr. 5,000. »
- Adopté.
« Art. 136. Traitements temporaires de disponibilité ; charge extraordinaire : fr. 10,594 16. »
- Adopté.
« Art. 137. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 9,900. »
- Adopté.
M. le président. - A l'article 11, la section centrale propose le renvoi au ministre de l'intérieur de diverses pétitions d'employés des administrations dans les provinces qui demandent l'intervention de la Chambre pour obtenir une augmentation de traitement.
- Le renvoi est ordonné
Dans le même rapport, à l'article 59, la section centrale a été saisie d'une pétition par laquelle les sieurs de Ruyck et Guillemyn, président et secrétaire de la Société des courses de Waereghem, prient la Chambre de rétablir au budget le subside qui était destiné au développement des courses de chevaux.
Cette pétition est devenue sans objet.
A l'article 65, dans une pétition datée de Bruxelles, le 15 février 1861 et renvoyé le 19 février suivant à la section centrale, les sieurs de Pitteurs-Hiegaerts et Ledocte, président et secrétaire du conseil central d'agriculture de Belgique, prient la Chambre de maintenir aux budgets futurs l'allocation d'un million de francs qu'elle a votée au budget de 1861, pour l'amélioration de la voirie vicinale.
Le désir exprimé par les pétitionnaires étant réalisé, la section centrale propose le dépôt de cette pétition au bureau des renseignements.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. le président. - Je reçois une lettre de M. Tack, qui, obligé de s'absenter, demande un congé.
- Accordé.
La Chambre consultée décide qu'elle passera immédiatement au second voie du budget de l'intérieur.
Les amendements introduits au premier vote sont successivement confirmés sans discussion.
M. le président. - Avant de passer au vote, je vais donner la parole aux rapporteurs des commissions qui ont examiné les demandes de crédit provisoire.
(MM. Ch. Lebeau et Van Iseghem donnent lecture de leurs rapports.)
La Chambre décide qu'elle passera immédiatement à la discussion des deux projets de loi de crédits provisoires.
Crédit provisoire en faveur du ministère de la guerre
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la Chambre passe à la délibération sur les articles.
« Art. 1er. Il est ouvert au ministère de la guerre un nouveau crédit provisoire de quatre millions six cent mille francs (4,600,000 fr.), à valoir sur le budget de ce département pour l'exercice de 1862. »
- Adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté par 74 voix contre 5.
Ont voté l'adoption : MM. Debaets, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Liedekerke, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Moor, de Muelenaere, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ridder, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Devaux, d'Hoffschmidt, Dolez, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Jacquemyns, Jamar, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, J. Lebeau, Magherman, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Notelteirs, Nothomb, Orban, Pierre, Rodenbach, Royer de Behr, Sabatier, Savart, Snoy, Thibaut, Van Bockel, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Volxem, Vei wil-ghen, Allard, Braconier, Coppens-Bove, Crombez et Vervoort.
Ont voté le rejet : MM. David, Goblet, Grosfils, Van Humbeeck et Coomans.
Crédit provisoire en faveur du ministère des affaires étrangères
« Art. 1er. Il est ouvert au ministère des affaires étrangères un nouveau crédit provisoire de trois cent cinquante mille francs (350,000 fr.), à valoir sur le budget de ce département pour l'exercice 1862. »
- Adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de ce projet de loi qui est adopté à l'unanimité des 76 membres présents.
Ce sont : MM. David, Debaets, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, de Liedekerke, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Moor, de Muelenaere, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ridder, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Devaux, d'Hoffschmidt, Dolez, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Magherman, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Notelteirs, Nothomb, Orban, Pierre, Rodenbach, Sabatier, Savart, Snoy, Thienpont, Van Bockel, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Volxem, Allard, Braconier, Coomans, Crombez et Vervoort.
L'article unique du budget est ainsi conçu :
« Article unique. Le budget du ministère de l'intérieur est fixé, pour l'exercice 1862, à la somme de neuf millions quatre cent quatre-vingt-deux mille huit cent trente francs trente et un centimes (9,482,830 fr. 31 c), conformément au tableau ci-annexé. »
Il est procédé au vote par appel nominal sur cet article unique qui est adopté à l'unanimité des 77 membres présents.
Ce sont : MM. David, Debaets, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, de Liedekerke, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Moor, de Muelenaere, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ridder, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Devaux, d'Hoffschmidt, Dolez, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Magherman, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Notelteirs, Nothomb, Orban, Pierre, Rodenbach, Sabatier, Savart, Snoy, Thienpont, Van Bockel, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeerebom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Volxem, Allard, Braconier, Coppéns-Bove, Crombez et Vervoort.
M. le président. - Je propose à la Chambre d'entendre demain les prompts rapports et de laisser figurer à l'ordre du jour de demain ce qui y est porté le vendredi.
- De toutes parts : Non ! non !
M. le président. - Est-on d'accord pour s'ajourner dès aujourd'hui ?
- De toutes parts : Oui ! oui !
M. le président. - La Chambre s'ajourne au mardi 11 mars à deux heures. Le premier objet à l'ordre du jour est le rapport relatif aux servitudes militaires.
- La séance est levée à 5 heures.