(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)
(page 803) (Présidence de M. Vervoort.)
M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est adoptée.
M. Thienpont, secrétaire., présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Gillet, milicien de la levée de 1860, demeurant à Ramet-Yvoz, demande qu'on l'autorise à faire valoir ses droits à l'exemption du service militaire devant le conseil de milice et la députation permanente du conseil provincial de Liège ou qu'on lui accorde une feuille de route pour Namur, aller et retour gratis, par le chemin de fer. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres de l'administration communale d'Exaerde demandent l'exécution du chemin de fer projeté de Lokeren à Zelzaete par Exaerde, Moorbeke et Wachtebeke.»
- Même renvoi.
« Les sieurs Hordy et Dujeux, anciens gendarmes, demandent que leur pension soit portée au taux déterminé par la loi du 4 juillet 1860.»
- Même renvoi.
« Des porteurs de contraintes dans l'arrondissement de Termonde demandent un traitement sur les fonds de l'Etat. »
- Même renvoi.
« Le sieur Rachette demande la révision des règlements relatifs au mariage des préposés de la douane. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Loochristy demandent que le chemin de fer projeté de Gand à Terneuzen passe par Loochristy. »
- Même renvoi.
« Les membres de l'administration communale de Harmignies prient la Chambre d'autoriser la concession d'un chemin de fer de Mons à Thuin et de cette ville à Momignies. »
- Même renvoi.
« L'administration communale de Reeth demande la révision de la loi du 18 février 1845, relative au domicile de secours. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion concernant les pétitions relatives au même objet.
« La députation permanente du conseil provincial du Hainaut prie la Chambre de soumettre à un examen approfondi la question de savoir si les frais d'impression des listes des éligibles au Sénat incombent à la province ou à l'Etat. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.
« La dame Le Houque prie la Chambre de revenir sur la décision qu'elle a prise au sujet de sa pétition, tendante à recouvrer une partie de la pension dont elle a été privée par suite d'un mariage subséquent. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Il est fait hommage à la Chambre :
« 1° Par la direction générale pour favoriser l'industrie nationale, de 110 exemplaires du compte rendu des opérations de cet établissement pendant l'exercice 1861.
« 2° Par le gouverneur de la Banque nationale, de 120 exemplaires du compte rendu des opérations de cette banque pendant l'année 1861.
« 3° Par le sieur Bailleul, de 120 exemplaires d'un mémoire du sieur Lamberty concernant la construction du chemin de fer entre le Luxembourg-Grand-Ducal et l'est de la province de Liège par Spa ou l'Amblève.
« 4° Par le sieur Grégoire, d'un exemplaire de son Essai historique sur la musique et les musiciens ».
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
« M. de Smedt, obligé de s'absenter, demande un congé. »
- Accordé.
.M. Dechamps. - Messieurs, je remercie la Chambre de m'avoir permis de répondre au discours de M. le ministre de l'intérieur, en ne prononçant pas la clôture samedi. Je n'abuserai pas de cette obligeance ; au risque d'être très aride, je me bornerai à suivre M. le ministre dans la réponse qu'il m'a faite. Je ne chercherai ni à agrandir les proportions de ce débat, ni à le passionner.
Il y a trois questions fondamentales qui dominent cette discussion :
L'article premier : Il y aura une école dans chaque commune, s'applique-t-il exclusivement aux écoles communales, ou s'applique-t-il aussi à l'école adoptée ?
L'école adoptée n'est-elle qu'une exception pour les communes pauvres n'ayant pas de ressources suffisantes pour créer une école communale ?
Cet article au contraire a-t-il pour but d'assurer l'existence d'une école dans chaque commune, en permettant à celle-ci de remplir son obligation, soit en créant, soit en adoptant une école ?
La seconde question est celle-ci : Quelles sont les conditions financières de l'école adoptée ?
Peut-on lui accorder un local et un subside supérieur à la rétribution pour les enfants pauvres ?
La troisième question est relative à la nomination de l'instituteur communal et à l'application de l'article 10 de la loi.
Messieurs, j'avais fait, je puis le dire sans trop d'immodestie, une étude sérieuse de la question ; M. le ministre a bien voulu dire une étude approfondie, je le remercie de ce compliment. Comme étant l'un des auteurs de la loi, j'avais suivi avec soin son exécution, j'ajoute que je l'ai suivie avec une inquiétude bien justifiée depuis quelques années.
Après avoir relu l'exposé des motifs, mon rapport de 1842 et les longs débats relatifs à cette loi, il me semblait que les textes étaient si formels, que l'exposé des motifs et le rapport étaient si clairs, que les témoignages que j'ai puisés dans la discussion étaient si décisifs, que j'avais espéré un instant pouvoir exercer sur les convictions de M. le ministre de l'intérieur une certaine influence.
Je me suis aperçu bientôt que je m'étais trompé. M. le ministre avait son siège fait d'avance ; quand il s'est levé, il avait ses arguments tout préparés et les raisons qui me paraissaient péremptoires et que j'avais produites avec trop d'abondance et d'étendue peut-être n'ont exercé aucune influence sur son esprit.
M. le ministre de l'intérieur, je dois le dire, s'est exprimé avec une certaine modération, je dirai même avec une certaine bonhomie de forme, mais qui ne cachaient aucune modération dans le fond ; je dois le dire ici, il a apporté des affirmations tellement absolues, et selon moi, exagérées, qu'elles m'ont étonné, même après avoir lu le rapport triennal. Ces affirmations ont-elles pour appui des preuves et des raisons ? C'est ce que je vais examiner.
Et d'abord, qu'a fait M. le ministre ? Il s'est longuement appesanti sur deux questions très intéressantes sans doute et qu'avait indiquées mon honorable ami M. Wasseige, mais dont je n'avais presque pas parlé moi-même.
M. Wasseige avait indiqué une quatrième catégorie d'écoles que la loi reconnaît et qu'une longue jurisprudence avait admise, l'école « désignée », à laquelle des subsides peuvent être accordés, en vertu de l'article 26 de la loi. Je n'avais pas traité cette question.
Mon honorable ami avait aussi prétendu, en passant, qu'un traitement peut être accordé à un instituteur adopté ; je penche à croire qu'il a raison ; mais ce point est peu important, et je ne m'y suis nullement arrêté.
M. le ministre s'est longuement appesanti sur ces deux points. Il a accumulé citations sur citations, en croyant m'en accabler, mais elles tombaient à côté de moi sans m'atteindre, et le ministre oubliait de me suivre et de me répondre.
J'avais dit que le point de départ de tout ce débat c'était la loi communale ; que la commune, en matière d'enseignement primaire, était régie par deux lois : la loi communale et la loi de 1842 ; que la loi de 1842 n'a pas aboli la loi communale, qu'elle n'avait fait qu'y déroger en certaines de ses dispositions ; que, dès lors, ces dérogations sont de stricte interprétation, et que tout ce que la loi communale autorise, sans que la loi de 1842 l'ait interdit, est permis à la commune.
Ceci est fondamental ; le rapport triennal et M. le ministre de l'intérieur partent du principe contraire, et c'est là une des causes de nos différentes appréciations. Que m'a répondu le ministre ? Rien.
(page 804) Le deuxième point de départ pour l'interprétation de la loi de 1842, c'est l'exposé des motifs de 1834, surtout lorsqu'il s'agit d'articles maintenus dans la loi de 1842. Or, les articles 1 et 3 du projet de 1834 sont des articles maintenus.
J'ai cité des passages de l'exposé des motifs et du rapport au Roi, qui établissent clairement que l'article premier avait un sens général applicable à l'école adoptée comme à l'école communale.
A ce second argument bien décisif à mes yeux, qu'a répondu M. le ministre de l'intérieur ? Absolument rien.
J'ai examiné le texte de l'article premier de la loi de 1842« qui non seulement est la reproduction de celui de la loi de 1834, mais qui est plus formel encore dans le sens de l'interprétation que nous lui donnons. M. le ministre a oublié de me suivre dans cet examen.
Après l'examen du texte, j'ai invoqué le rapport de la section centrale et la discussion.
La question qui nous occupe, la question de l'interprétation des articles 1, 2 et 3 de la loi, a été discutée quatre fois en 1842 : la première fois dans la discussion générale ; la seconde fois dans la séance du 11 août où l'on s'est occupé des article 2 et 3 ; la troisième fois dans la séance du 19 août relativement aux subsides, et la quatrième fois dans la séance du 20, relativement à l'ancien article 21.
Eh bien, messieurs, j'ai relu ces quatre discussions, dans lesquelles la question a été nettement posée et résolue ; je vous ai donné consciencieusement les extraits fidèles de ces débats, je vous ai rappelé les déclarations interprétatives si claires de M. Nothomb et les miennes ; M. le ministre, dans sa réponse, les a toutes passées sous silence et n'en a pas trouvé de sérieuses à y opposer.
M. le ministre de l'intérieur a prétendu qu'en relisant les débats de 1842, il était très difficile de saisir la pensée du législateur, qui était une espèce de dédale dans lequel on ne pouvait pas aisément s'orienter. Je le comprends pour M. le ministre de l'intérieur. Il y a cherché une pensée qui ne s'y trouve pas, la confirmation des opinions qu'il défend ; il ne l'y a trouvée nulle part.
Je conçois que la pensée du législateur lui a paru difficile à saisir, et il s'est perdu dans ce qui lui a semblé un dédale.
Evidemment, cela devait être. Mais pour moi, je n'ai pas eu de peine à y retrouver écrite pour ainsi dire à toutes les pages, la thèse que nous soutenons.
Voyons, messieurs, ce que M. le ministre de l'intérieur a trouvé à opposer aux témoignages que j'avais puisés dans les déclarations de 1842. Vous allez voir que son bagage n'est pas lourd :
« Si, sous le nom d'école primaire, était comprise l'école adoptée, dit M. le ministre, que signifierait l'article 3 ? Pourrait-on dire que la commune, qui doit avoir une école soit communale, soit adoptée, a besoin d'une autorisation pour adopter une école privée ? »
Voilà l'argument.
Mais, messieurs, il faut, d'après la loi, une autorisation pour l'école communale comme pour l'école adoptée.
Pour fonder l'école communale, la première chose c'est la nomination de l'instituteur. L'école c'est le maître, comme on l'a dit souvent. Eh bien, pour nommer l'instituteur, il faut l'agréation du gouvernement à moins que la commune ne choisisse parmi les candidats sortant des écoles normales de l'Etat !
Ainsi, pour l'école communale, la garantie c'est l'article 10 de la loi, c'est l'agréation. Pour l'école adoptée, la garantie c'est l'autorisation d'adoption. Ainsi vous voyez que pour l'une et pour l'autre de ces écoles, le législateur a posé des garanties analogues ; l'argument de M. le ministre n'a donc aucune valeur.
« Je puis invoquer, dit M. le ministre, à l'appui de ma manière devoir l'opinion de l'auteur de la loi. M. Nothomb, dans le discours qu'il prononça dans la séance du 11 août 1842, constate que le principe fondamental de la loi, c'est l'obligation, pour chaque commune, d'avoir une ou plusieurs écoles communales, et que les articles relatifs à la dispense ou à l'adoption, ne l'ont que consacrer une exception à ce principe. »
J'ai interrompu M. le ministre pour lui dire : Vous ne citez pas textuellement.
M. le ministre m'a répondu : « Je n'ai pas le texte sous les yeux ; mais je crois que je suis exact ; » et M. le ministre de l'intérieur a rappelé dans les Annales le texte auquel il faisait allusion.
Mais il a dû reconnaître, en l'insérant, que ce texte le condamne formellement. C'était la moitié de la citation que j'avais faite moi-même et qui me semblait péremptoire. J'avais rappelé les paroles de l'honorable M. Nothomb, d'après lesquelles il déclarait que la commune peut remplir l'obligation imposée par l'article premier, d'avoir une école, en adoptant une école privée.
Après cette déclaration, M. Nothomb continue ; c'est le texte cité par M. le ministre de l'intérieur :
« Le principe fondamental de la loi est celui-ci : Il y aura dans chaque commune du royaume une ou plusieurs écoles. Nous admettons une exception à ce principe. »
Quelle est cette exception, la seule ? C'est la dispense mentionnée à l’article 2, dont parlait M. Nothomb. Ainsi, d'après lui, à l'obligation prescrite par l'article premier, il n'y a qu'une exception : c'est l'article 2. Ce n'est pas l'article 3. C'est clair comme le jour.
Ainsi, la citation faite par M. le ministre de l'intérieur le condamne absolument.
M. le ministre de l'intérieur continue :
Voici, du reste, ajoute-t-il, ce que disait M. Nothomb dans la séance du 12 août 1842 :
« Il est évident que s'il est constaté par le gouvernement qu'il n'y a pas lieu de maintenir la dispense ou l'autorisation, dans ce cas la dispense ou l'autorisation vient à tomber et que la commune rentre sous l'application du principe général de la loi, principe qui est consacré par l'article premier.
« Donc, conclut M. le ministre de l'intérieur, l'article premier est la règle ; l'école adoptée, l'exception. » La conclusion me semble étrange.
L'honorable M. Nothomb dit qu'en cas du retrait de l'autorisation ou de la dispense, la commune tombe sous l'application de l'article premier. Cela est évident et cela revient à dire que lorsque, par le retrait de la dispense ou de l'adoption, il n'y a plus d'école adoptée ou valant la dispense dans la commune, celle-ci est obligée de fonder la seule chose qui reste, l'école communale ; cela est clair comme une naïveté, mais je ne comprends pas que ce soit un argument.
Messieurs, vous allez voir que M. le ministre de l'intérieur n'est pas plus heureux lorsqu'il invoque mon témoignage que lorsqu'il invoque celui de M. Nothomb. M. le ministre, après avoir cité un passage de mon rapport, dit : « L'un des motifs invoqués pour justifier l'exception était le fait existant ; on voulait le maintenir au moins momentanément, et si ma mémoire est fidèle, dans un de ses discours, l'honorable M. Dechamps exprime l'opinion que cet état de choses se modifierait, et que le nombre des écoles privées adoptées irait en diminuant. »
M. le ministre cite même, au bas des Annales, les pages du volume auquel on peut recourir pour vérifier cette citation.
Or, messieurs, cette citation est une erreur. C'est précisément dans ce discours que j'ai dit que la section centrale s'était bornée à traduire dans la loi de 1842 la phrase de l'exposé des motifs de 1834, phrase d'où il résulte que la commune, si elle le désire, peut adopter une école privée, pour tenir lieu d'école communale.
Dans le même discours, je répondais à l'honorable M. Verhaegen, qui m'opposait ce que j'avais dit de l'intérêt général et social de l'instruction primaire. Voici ce que je répondais :
« Il me semble que la question d'intérêt général est uniquement celle de savoir si dans toutes le communes l'instruction primaire est convenablement donnée, et je ne vois pas pourquoi, lorsqu'une école libre remplit ces conditions, pourquoi l'Etat viendrait faire concurrence à cette école privée. Nous n'avons pas voulu, tout en créant des écoles communales, détruire partout les écoles libres. »
Voilà une thèse bien opposée à celle que m'attribue M. le ministre de l'intérieur.
Mais voici le passage auquel il a fait allusion. Je disais : « Il y a des provinces où il y a beaucoup plus d'écoles privées que d'écoles communales. Je veux bien croire que sous l'empire de la loi une transformation lente s'opérera ; que beaucoup d'écoles privées finiront par être adoptées par la commune ou par devenir écoles mixtes ou communales. »
Messieurs, vous le voyez, j'avais raison de demander à M. le ministre de collationner les citations qu'on lui avait fournies.
Celle-ci est plus inexacte encore que les autres.
J'ai parlé de l'article 2 et non des écoles adoptées. Je disais au contraire, en parlant de la transformation de ces écoles, que ces écoles libres deviendraient en grande partie des écoles adoptées ou communales. L'erreur du ministre est donc évidente.
Après avoir cité le témoignage des auteurs de la loi, j'avais invoqué celui non moins irrécusable du principal adversaire de la loi, M. Verhaegen ; j'avais rappelé (page 805) en règle générale, était précisément celui que M. Verhaegen avait voulu faire triompher, en demandant la suppression des articles 2 et 3 de la loi.
Mais M. Verhaegen reconnaissait tellement que son principe n'était pas celui de la loi, qu'il a fait de la question de dispense et d'adoption l'un de ses griefs qui l'ont déterminé à voter contre la loi.
M. le ministre me répond en affirmant que « ni l'honorable M. Verhaegen ni ses amis n'ont fait la proposition formelle d'interdire aux communes d'adopter des écoles privées »
M. le ministre oublie que M. Verhaegen a demandé la suppression des articles 2 et 3 qu'il a vivement combattus et qu'il a voté contre. C'est une nouvelle erreur.
J'ai suivi M. le ministre dans la réponse qu'il m'a faite ; il avait gardé le plus complet silence sur les raisons que j'avais données et sur les citations nombreuses et péremptoires que j'avais produites à l'appui de l'opinion que je défends ; j'ai pesé chacune des siennes et je viens de vous démontrer qu'elles reposent ou sur de fausses inductions ou sur des erreurs.
A défaut de trouver des appuis dans la discussion de 1842, M. le ministre a eu recours aux antécédents et à la jurisprudence ; il a prétendu qu'il avait ses prédécesseurs avec lui. Nous allons voir ce que vaut cette affirmation.
La loi existe depuis vingt ans. Il ne devait pas être difficile de trouver, dans une aussi longue durée, quelques actes posés en désaccord avec les principes qui sont ceux de la loi.
Or, dans cette longue période, qu'a trouvé M. le ministre pour défendre la jurisprudence qu'il invoque ? Il a trouvé une circulaire que j'ai signée comme gouverneur du Luxembourg et une note adressée en 1837 à une section centrale de la Chambre.
J'y reviendrai tout à l'heure, mais en attendant, je vais établir que jusqu'en 1849 la jurisprudence est tout entière conforme à notre opinion et opposée à la vôtre.
Le premier rapport triennal, celui de 1847, parle en deux endroits de la question des écoles adoptées et des écoles communales, au point de vue où nous sommes placés.
L'honorable comte de Theux, dans ce rapport, après avoir cité les articles 1, 2 et 3 du premier rapport triennal, dit :
« Rien de plus clair que ces trois articles. Le législateur, ménager des deniers de contribuable, n'a point voulu décréter des dépenses inutiles, mettre à la charge du budget communal des frais que l'instruction privée pourrait lui épargner ; il dit aux communes : Profitez d'abord des ressources que vous trouvez à votre portée, dons la localité même. »
Nous sommes loin, comme vous le voyez, messieurs, du principe qui veut faire de l'école communale la règle presque absolue et des écoles privées adoptées une mesure exceptionnelle et même transitoire.
Je trouve aussi, dans le premier rapport triennal, la lettre de M. Nothomb aux évoques sur la position faite par la loi aux congrégations religieuses. Voici un passage de cette lettre.
« Les écoles tenues par des corporations religieuses peuvent être adoptées ou subventionnées par les communes : c'est encore ce qui a été admis.
« De ces deux partis quel est le plus convenable, quel est celui qui est de nature à créer le moins d'occasions de conflits, à donner le plus de stabilité à l'enseignement dans les communes ?
« Ayant mûrement examiné cette question, je n'ai pas hésité à reconnaître que le deuxième parti est préférable, c'est-à-dire la position où l'école tenue par la corporation religieuse est adoptée ou subventionnée.
« Par l'adoption ou la subvention, le supérieur ou la supérieure de la corporation religieuse conserve la faculté de tous les choix individuels et de tous les déplacements ; la subvention ou l'adoption n'est pas une marque de confiance envers un frère ou une sœur nominativement désignés, c'est une marque de confiance envers la corporation tout entière.
« Si le premier parti prévalait au contraire, il n'y aurait plus de mutations possibles sans en référer de nouveau au conseil communal.
«Je ne doute plus que Votre Eminencc ne partage cette manière de voir, et, si je crois devoir lui soumettre cette réflexion, c'est parce que je crains un malentendu ; le gouvernement n'exclut pas le choix fait individuellement d'un membre nommément désigné pour une école communale : mais ce qui lui paraît préférable, c'est l'adoption ou la subvention dans le sens sus-indiqué. Il y a préférence et non exclusion : l'une et l'autre marche est légale. »
Vous le voyez donc bien, messieurs, l'esprit qui a dirigé la jurisprudence établie pendant la première période de la loi, est en opposition formelle avec celui qui inspire la jurisprudence nouvelle qu'on veut établir.
J'ai parcouru le deuxième, le troisième et le quatrième rapports triennaux, et je n'y ai trouvé rien de relatif à cette question.
C'est cependant dans ces rapports triennaux que les faits constituant la jurisprudence se trouvent consignés. II est donc certain que M. le ministre ne peut pas les invoquer à l'appui de son système et que nous y trouvons au contraire une jurisprudence favorable au nôtre.
Ce n'est, à vrai dire, que depuis 1859 que la pratique nouvelle s'est introduite dans l'administration. La plupart des actes qui ont été posés à l'égard des écoles adoptées, pour refuser ou retirer les autorisations relatives surtout aux corporations religieuses, l'ont été depuis cette époque récente et c'est dans le dernier rapport triennal qu'on les a érigés en système.
M. le ministre de l'intérieur a cité, et il l'a fait naturellement avec une très grande complaisance, la circulaire que j'ai signée comme gouverneur du Luxembourg. Messieurs, je comprends que ce genre d'argument personnel, qui au fond ne prouve pas grand-chose et où l'on cherche à placer un orateur en contradiction avec lui-même, ce qui n'est difficile à l'égard de personne, quand il s'agit d'une carrière politique de près de trente ans, je comprends, dis-je, que ce genre d'argument peut avoir quelque succès passager à la tribune.
Je pourrais expliquer cette circulaire ; je pourrais répéter ce que je dis dans la circulaire elle-même, que, dans le Luxembourg, avant la loi de 1842, il n'y avait pas ou très peu d'écoles privées : presque toutes les écoles dans cette province étaient communales ; c'était même là ce qui distinguait essentiellement cette province des autres.
Il est donc pas étonnant que dans cette circulaire je me sois occupé surtout des écoles communales et très peu d'écoles adoptées qui n'existaient pas dans la province
Je pourrais dire encore qu'en parlant des écoles communales comme règle, en général, et d'écoles adoptées comme exception, je n'ai dit que ce que j'ai reconnu dans mon dernier discours. L'école communale est et restera le fait dominant ; l'école adoptée, le fait exceptionnel.
En effet, il y a trois mille écoles communales et 800 écoles adoptées. Personne n'a jamais cru, excepté M. Verhaegen qui exagérait ses craintes, que les écoles adoptées primeraient ou même égaleraient en nombre les écoles communales.
Je pourrais ajouter que, dans cette circulaire provinciale que l'on cite, je ne parle aucunement des deux points principaux qui nous divisent dans la discussion actuelle ; ce qui nous sépare en réalité, c'est que vous prétendez d'abord que l'école adoptée n'est qu'une exception, applicable aux communes pauvres et dénuées des ressources suffisantes pour ériger une école communale ; en second lieu, c'est que vous déniez à la commune le droit d'accorder à l'école adoptée un local, un mobilier et une subvention plus élevée que la rétribution proportionnée au nombre exact des enfants pauvres inscrits ; or, je ne dis rien qui ressemble à de telles prétentions dans cette circulaire et l'exception dont je parlais n'était pas celle que vous invoquez.
Cette justification personnelle serait suffisante, mais tout en la maintenant, j'aime mieux reconnaître, comme l'a fait récemment M. Rogier, à qui on reprochait des actes administratifs isolés, que les gouverneurs, comme les ministres, sont exposés à signer quelquefois des pièces qu'on leur présente et sur lesquelles leur attention n'a pas été suffisamment fixée. Quoique cette circulaire ne renferme rien que je ne puisse raisonnablement expliquer, je ne l'aurais pas écrite ainsi, si j'y avais mis plus d'attention. Mais quel argument en tirez-vous ?
Mon rapport de 1862 est là, mes discours sont au Moniteur, mes opinions sont connues ; une phrase écrite dans une circulaire administrative va-t-elle détruire tout cela ? et si cette phrase était en désaccord plus qu'elle ne l'est, avec mes opinions professées, avec mes discours, avec tous mes antécédents, eh bien, ce ne serait pas le rapporteur de 1842 qui aurait tort, ce serait le gouverneur du Luxembourg.
Je vous livre donc ma circulaire qui, comme vous le voyez, ne pèse en rien dans ce débat.
Je reviens à la question. Je crois avoir établi que la réponse que m'a faite M. le ministre de l'intérieur est pleine d'affirmations sans preuves et vide de raisons sérieuses à l'appui de ces affirmations.
Je puis maintenir que rien dans l'exposé des motifs de la loi, que rien dans le rapport de la section centrale, rien, absolument rien dans la discussion de 1842, ne justifie l'interprétation que le ministère donne à la loi et que tout confirme, au contraire, celle que nous y donnons.
J'aborde le deuxième point, les conditions financières de l'école adoptée. Est-il vrai qu'on ne puisse lui accorder ni local ni mobilier, ni chauffage, qu'on doive se borner à lui allouer la simple subvention proportionnée au nombre d'enfants pauvres inscrits.
(page 806) J'ai demandé, je renouvelle mon interpellation : où cela est-il écrit dans la loi de 1842 ? Dans la discussion, où cette faculté a-t-elle été interdite à la commune ? Si la loi de 1842 ne l'interdit pas, si la loi communale l'autorise, la commune doit pouvoir le faire.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Quel est l'article de la loi communale qui l'autorise ?
M. B. Dumortier. - Il y a deux articles dans la loi communale et il y a la Constitution.
.M. Dechamps. - D'après la loi communale, M. le ministre l'a déclaré lui-même l'autre jour, la commune était libre de fonder ou d'adopter, de faire les dépenses utiles pour l'enseignement, de suspendre et de révoquer, d'administrer l'école communale ou l'école subventionnée ; il n'y avait pas de limite à cette liberté.
Ainsi, la faculté de fournir un local et le mobilier est incontestablement légale. Mais, dans la discussion, cette faculté a été formellement reconnue ; je l'ai prouvé à satiété. J'ai rappelé cette séance du 19 août, dans laquelle cette question a été nettement posée par MM. Dubus et de Smedt et aussi nettement résolue par M. Nothomb, qui admettait qu'une commune, comme on l'avait fait à Bouillon et comme on voulait le faire à Alost, pouvait s'entendre avec une communauté religieuse enseignante et lui fournir un local et allouer 600 francs à chaque frère.
J'ai cité l'exemple de Dinant, invoqué par M. Pirson, qui concluait que la commune, en vertu de l'article 3, pouvait faire toutes les conventions nécessaires avec l'école privée ; j'ai rappelé les paroles de M. Devaux, qui présente un amendement qui déclare que le nombre des enfants pauvres ne doit pas influer sur le montant des subsides à accorder.
J'ai reproduit les discours de M. Nothomb et de M. de Stassart au sénat tout aussi explicites, et une circulaire du ministre de 1844.
Peut-on être plus clair, plus complet, et y a-t-il place encore pour le doute ? Qu'a répondu à tout cela M. le ministre ? Rien ; il a passé tous ces témoignages de la discussion sous silence ; en a-t-il du moins opposé d'autres ayant quelque autorité et quelque portée ? Voyons. Il a cité quelques mots de MM. Lebeau et Dellafaille qui ont dit que les dépenses de l'école adoptée seraient moindres que celles de l'école communale. Il a rappelé encore ma circulaire du Luxembourg dans laquelle je disais que les dépenses de l'école adoptée ne devaient pas atteindre ou dépasser le niveau des dépenses affectées à l'école communale.
En général, cela est vrai, et à moins d'exceptions justifiées, les dépenses pour les écoles adoptées ne doivent pas atteindre ou surpasser le niveau des écoles communales. Parmi les motifs qui engagent les communes à préférer le mode d'école adoptée, le motif d'économie est, sans doute, l'un de ceux parfois invoqués, mais il n'est pas le seul, et chacun sait au nom de quel intérêt supérieur les riches et populeuses communes de nos centres industriels appellent les congrégations enseignantes pour lesquelles, on ne le contestera pas, le principe de l'adoption a été particulièrement admis.
M. le ministre n'a trouvé à l'appui de son système qu'une seule citation tirée des débats parlementaires de 1842, c'est un passage du discours de M. Brabant.
Il s'agissait de l'amendement relatif à l'article 5, amendement que la section centrale avait proposé et qui a été rejeté par la Chambre.
M. Brabant démontrait que la subvention de 6 francs par tête d'élève que la section proposait d'allouer à toute école choisie par les parents était minime ; mais est-ce qu'il s'agissait là d'écoles adoptées ? Il s'agissait des écoles dont on parlait dans l'amendement proposé par la section centrale à l'article 5, qui permettait de donner une rétribution par tête d'élève à toute école privée ou communale, selon le choix des familles.
Ce système a disparu, puisque l'article a été rejeté ; il ne s'agissait donc pas d'écoles adoptées.
M. le ministre de l'intérieur, abordant cette question, annonçait qu'il allait me répondre ; mais s'interrompant tout à coup, il oublie de le faire et s'égare dans une longue digression sur la question de savoir si, en vertu de la loi, on pouvait accorder un traitement proprement dit à l'instituteur adopté.
C'est là qu'il a cité et M. Vandeweyer et M. Nothomb. Encore une fois, je n'avais pas dit un mot de cette question ; j'y attache en fait peu d'importance. Je crois que l'honorable M. Wasseige peut avoir raison, que cette question est au moins douteuse ; mais je ne m'en suis pas occupé. Mais pour le fond, sur la question de savoir si l'on ne peut accorder à une école adoptée qu'une subvention exactement en rapport avec le nombre d'enfants inscrits, j'ai cité des témoignages nombreux et décisifs, et vous n'en avez cité aucun.
Mais, messieurs, puisque j'en ai l'occasion, je vais produire un argument nouveau, que M. le ministre pourra rencontrer s'il juge à propos de me répondre, et que j'avais oublié dans mon premier discours.
En 1850, lorsqu'on a fait la loi sur l'enseignement moyen, le gouvernement a proposé et la Chambre a adopté précisément le principe qui est inscrit dans l'art.icle3 de la loi de 1842.
Vous savez, messieurs, que d'après la loi de 1850 sur l'enseignement moyen, il y a trois catégories d'établissements communaux : le collège communal subsidié par le gouvernement, le collège communal libre ne recevant pas de subsides de l'Etat et le collège libre subsidié par la commune, et que nous avons appelé le collège patronné.
Ce collège patronné est soumis, comme l'école adoptée, à l'inspection, et il peut recevoir des immeubles et des subsides.
Vous savez que les collèges patronnés étaient des collèges à convention avec le clergé, comme l'adoption a été indiquée comme spécialement appropriée aux écoles dirigées par des associations religieuses. C'est évidemment le même principe que celui de l’article 3 de la loi de 1842. L'honorable M. Rogier le déclarait virtuellement et explicitement. Il disait : « Quel intérêt le gouvernement a-t-il de détruire, dans une localité, un collège qui convient aux familles ? Quel est l'intérêt du gouvernement ? C'est de répandre l'instruction par tous les moyens possibles, par la liberté comme par l'action de l'Etat. »
M. Rogier ajoutait dans la séance du 27 avril :
« La loi de l'instruction primaire offre sous ce rapport des antécédents qu'il importe de ne pas perdre de vue. Elle consacre le principe de l'adoption. La commune est autorisée à adopter, en vertu de l'article 3, une ou plusieurs écoles. »
M. Rogier rappelle que ces écoles sont soumises, comme les collèges patronnés, à l'inspection.
Ainsi, d'après M. Rogier, le principe est le même. On a puisé dans la loi de 1842 le principe de la loi de 1850. Or, la loi de 1850 accorde à la commune la faculté de fournir au collège adopté un local et une subvention.
Vous voyez donc, messieurs, qu'on expliquant la loi de 1842 par celle de 1850, comme je l'ai expliquée par la loi antérieure de 1834, l'interprétation à donner à l'article 3 sur l'adoption acquiert une véritable évidence.
J'arrive à l'article 10, à la question de la nomination des instituteurs communaux.
Je l'ai longuement discutée. Je me suis demandé si, en vertu de l'article 10, une préférence presque absolue peut être accordée, comme le prétend le ministre, aux élèves diplômés des écoles normales.
J'ai rappelé toute la discussion qui a eu lieu et dont M. le ministre n'a presque rien dit. Trois systèmes étaient en présence. M. Delfosse voulait conserver pour la commune le droit absolu de nomination. écrit dans la loi communale ; MM. Lebeau et Devaux repoussaient le privilège de la non-agréation qu'on voulait accorder aux candidats normalistes, privilège que vous voulez aujourd'hui rendre absolu ; MM. Nothomb, de Theux et moi avons défendu le système de la loi. A coup sûr, ce n'est ni MM. Delfosse, Lebeau et Devaux qui défendaient votre prétention actuelle ; ils la combattaient plus que nous, au contraire. J'ai donné des extraits des discours de M. Nothomb, du comte de Theux et des miens ; ils sont clairs et explicites. La préférence, la sorte de privilège que nous avons demandé pour les candidats normalistes, c'est exclusivement le privilège de la non-agréation, tous nous avons déclaré que la commune restait tout à fait libre dans ses choix, sauf à le soumettre à l'agréation du gouvernement, quand il s'agissait d'un candidat non diplômé.
M. le ministre a laissé de côté ces citations formelles, il a invoqué quelques-unes des paroles que j'avais prononcées et celles de l'honorable M. Nothomb, veuillez-les relire ; et elles sont en parfait accord avec celles que j'ai produites. L'impuissance dans laquelle est le ministre de trouver dans la discussion un seul témoignage en sa faveur, laisse-t-elle encore place au doute ou à l'hésitation ?
Messieurs, j'ai suivi M. le ministre de l'intérieur dans tous ses arguments et dans toutes ses objections, et il me semble que je n'en ai pas laissé un seul sans réfutation suffisante. A la lumière des débats de 1842, le système d'interprétation du ministère ne supporte pas l'examen.
M. le ministre est tombé dans l'erreur en affirmant que les écoles adoptées tenues par les congrégations entraînaient pour les communes des dépenses plus élevées que celles des écoles communales.
En général, c'est le contraire qui est vrai, et modèle plus économique pour les communes, c'est l'adoption.
Voici, en général, ce qui se passe, lorsqu'il s'agit d'adopter une école religieuse :
Les fondateurs, les bienfaiteurs font les premiers frais ; la commune accorde un subside ou un local, soit par voie de location, soit autrement ; mais comme il y a des élèves solvables, la rétribution de élèves compense presque toujours le subside que la commune accorde.
(page 807) Il n'est donc pas vrai de dire qu'en général les écoles adoptées coûtent trop cher. C'est, au contraire, le moyen le plus économique d'avoir des écoles primaires convenablement tenues.
M. le ministre a cité Sivry ; c'est une exception. A Sivry on donne l'instruction gratuite à tous les enfants ; il n'y a pas de rétribution des enfants solvables parce que la commune est très riche, et la compensation trouvée ailleurs n'existe pas à Sivry.,
Mais je doute fort que les chiffres cités par M. le ministre soient exacts. Il y a quatre frères à Sivry ; ils ne reçoivent que 2,400 francs, dont il faut déduire 200 fr. pour le loyer laissé à leur charge, c'est-à-dire 2,200 fr. au lieu de 3,675 fr. indiqués par le ministre. Un instituteur laïque et deux sous-instituteurs coûtent, comme ailleurs, 3,000 fr :, je ne vois donc pas où se trouve l'économie.
Mais, en tout cas, l'exemple de Sivry est exceptionnel, et en général, l'école communale exige des dépenses moindres que l'école communale ; mais la commune doit être libre de faire pour l'école adoptée les dépenses nécessaires à son existence.
L'honorable M. de Haerne a publié un travail remarquable, où il établit que dans la Flandre orientale, par exemple, il y a 33 écoles subventionnées, qui reçoivent en tout 14,000 fr. C'est donc une moyenne de 400 fr. par école.
Dans la province d'Anvers, l'honorable membre démontre que dans les écoles communales laïques la dépense par élève est de 12 francs, tandis que pour les écoles adoptées et dirigées par les associations religieuses la dépense n'est que de 2 fr. 70 c.
Dans le Hainaut, une lutte très vive s'est engagée, depuis 1859, entre les grandes communes qui voulaient conserver l'adoption pour leur écoles religieuses et l'administration qui prétend les en exclure. Dans les communes où l'exclusion a été prononcée, qu'est-il arrivé ? Deux choses : la première c'est que l'école religieuse devenue école libre a vu le nombre de ses élèves maintenu ou augmenté et gardant une écrasante supériorité sur l'école rivale, élevée contre le vœu des familles qui protestaient ainsi ; la seconde, c'est que ces communes ont été astreintes à des dépenses plus élevées. Je citerai quelques exemples.
Ainsi, à Quaregnon, en 1859, il y avait une école des sœurs de Notre-Dame qui était adoptée et qui était fréquentée par 400 élèves. L'adoption a été retirée et, en 1861, cette école, devenue libre, avait 585 élèves sans compter les 200 enfants qui fréquentent l'école dominicale. Voilà comment les familles répondent aux tracasseries de l'administration.
Il y avait 8 sœurs qui recevaient ensemble 3,200 fr., ce qui fait de 6 à 8 francs par élève.
La nouvelle école communale compte 90 élèves ; il y a une institutrice à 1,000 fr., si je ne me trompe, et deux sous-institutrices à 500 fr., ensemble 3,000 fr. ; cela fait 55 fr. par élève !
A Châtelet, messieurs, il y avait deux écoles communales, l'une laïque l'autre tenue par les frères de la doctrine chrétienne depuis dix ans.
En 1858, après le décès du frère supérieur, la commune, à l'unanimité, demande à pouvoir adopter l'école des frères ; il y avait une école communale, on ne pouvait donc pas forcer la commune à en créer une seconde ; l'adoption était de rigueur ; le gouvernement la refusa.
Lorsque l'école des frères était communale, elle était fréquentée par 200 élèves ; depuis le refus de l'adoption elle en compte 300 ; voilà toujours la protestation des familles contre l'intolérance administrative.
La nouvelle école communale a dû, je crois, être fermée, parce qu'elle n'avait pas d'élèves, et l'ancienne école communale est fréquentée par 100 élèves.
La ville de Châtelet accordait aux frères de la doctrine chrétienne un subside d'environ 1,200 fr., ce qui revenait à 5 ou 6 francs par élève. A l'école communale, chaque élève coûte 12 fr.
A Tournai, je vois par le rapport de M. l'échevin Thieffry que les écoles des frères comptaient en 1859, 670 élèves dont 500 indigents ; les frères recevraient 1,200 francs de la commune et du bureau de bienfaisance.
Les écoles communales contenaient 660 élèves, pour lesquels la commune et le bureau de bienfaisance font une dépense de 11,000 francs. M. Thieffry dans ce rapport établit que l'élève de l'école communale coûtait 20 francs tandis que l'élève dans l'école des frères ne coûtait que 2 francs.
Ainsi, qu'on ne dise pas que les écoles adoptées et tenues par les corporations religieuses sont trop chères, c'est au contraire un allégement notable dans les dépenses des communes ; mais si cela était vrai, si les frères et les sœurs des écoles primaires ne peuvent pas s'établir, dans l'opinion du ministre, dans des communes riches et populeuses comme Sivry, parce qu'ils coûtent trop, je demande comment ils pourront être adoptés désormais dans les petites et pauvres communes pour lesquelles seules, d'après le système nouveau, l'exception relative aux écoles adoptées peut être tolérée et admise. C'est bien formellement l'exclusion.
Oui, je le répète, l'un des résultats de ce système nouveau, après la suppression de la liberté communale, c'est l'exclusion, en principe, des associations enseignantes du régime légal. Elles sont exclues de la position d'école communale, par la préférence absolue accordée aux candidats diplômés.
M. le ministre de l'intérieur a répondu :« Pourquoi les instituteurs appartenant à des instituts religieux ne prennent-ils pas un diplôme ? pourquoi ne fréquentent-ils pas les écoles normales ? »
Cela n'est pas sérieux. Il est évident que les membres des instituts religieux, le lendemain du jour où ils entrent au noviciat, ne peuvent pas en sortir pour aller fréquenter les écoles normales de l'Etat ou des écoles normales privées agréées. Cela est incompatible avec le caractère et le but de leur institution.
L'école normale, pour eux, c'est leur institut même. C'est pour s'y former à l’enseignement qu'ils y entrent. Il est donc en général impossible aux membres des associations religieuses d'obtenir un diplôme, et dès lors, comme le diplôme est exigé, comme le candidat non diplômé ne peut être agréé, d'après la nouvelle jurisprudence, que lorsque les normalistes font défaut, ces associations sont exclues de la position d'école communale.
Il existe plusieurs associations religieuses qui tiennent des écoles normales inspectées par l'Etat, comme à Malonne et à Champion.
Eh bien, rien ne semblerait plus simple que ces frères et ces sœurs qui tiennent les écoles normales pussent y obtenir un diplôme qu'ils font conférer aux autres. Des démarches ont été faites pour obtenir cette justice ; jusqu'ici elles ont échoué. Le règlement organique renferme des conditions d'âge et d'autres inapplicables aux membres des instituts religieux, dont il serait bien facile d'exempter les religieux ou les religieuses ; on le ne fait pas. C'est donc bien l'exclusion.
Cette exclusion formelle pour l’école communale, est aussi formelle, je l'ai démontrée tout à l'heure pour l'école adoptée qui n'est possible par les associations que dans les communes pauvres où elle ne pouvait s'établir et qui leur est interdite dans les communes populeuses où elles existent.
L'interdiction de fournir un local aidant, l'impossibilité financière devient absolue et la porte de l'adoption, ouverte surtout pour elles en 1842, leur est fermée. Restait l'école subsidiée en vertu de l'article 26, on la supprime. Voilà le système, et je demande si c'est là la loi de 1842 telle qu'elle a été écrite et acceptée.
M. le ministre de l'intérieur prétend que l'école adoptée n'offre pas la même garantie que l'école communale.
J'avoue que je ne comprends pas la distinction qu'il veut établir, et je lui demanderai quelle différence il fait, au point de vue des garanties, entre l'école adoptée et l'école communale.
Ainsi, on exige la désignation nominative de l'instituteur adopté. Cette désignation est une véritable nomination.
M. le ministre de l'intérieur dit que l'instituteur adopté peut renoncer à l'adoption et se retirer. C'est vrai, tout comme l'instituteur communal peut donner sa démission et se retirer. C'est exactement la même chose.
Sous le rapport de la surveillance, l'école adoptée est soumise au même régime que l'école communale ; elle est soumise, à toute heure, à tout instant, comme l'école communale, à la surveillance de la commune, à l'inspection provinciale et cantonale.
D'après la jurisprudence du gouvernement, l'instituteur adopté doit assister aux conférences cantonales, comme l'instituteur communal. On a exagéré cette prétention et on l'a érigé en obstacle ; mais je la prends telle qu'elle est établie aujourd'hui.
Encore une fois, il serait très difficile de dire en quoi consiste la différence entre l'école communale et l'école adoptée, dans le système actuel, et en quoi l'une offre plus de garantie que l'autre. Au contraire, l'école adoptée religieuse, outre la surveillance légale, a l'avantage d'être soumise à la surveillance des supérieurs des instituts religieux ; c'est une double et précieuse garantie.
On parle d'un privilège pour les instituteurs adoptés qui veulent obtenir des avantages sans supporter aucune charge. Le fait est que l'instituteur adopté a les mêmes charges que l'instituteur communal et qu'il n'a pas les mêmes avantages.
Messieurs, il est évident que, pour ces associations, le régime qu'on veut leur faire est bien pire que ce qui existait avant la loi de 1842. Avant cette loi, personne ne le niera, la commune avait le droit de faire des conventions avec une école privée, pour l'adopter, lui accorder un (page 808) local et un subside, ainsi qu'on l'a signalé plusieurs fois dans la discussion de 1842 ; la chambre de 1842 a-t-elle eu la pensée de faire aux associations enseignantes une position pire que celle qu’elles avaient avant la loi ?
N’a-elle voulu maintenir les faits existants, comme le disait M. le ministre lui-même ?
Si l'honorable M. Verhaegen avait soupçonné qu’on pût donner à la loi une pareille interprétation, il est probable qu'il n'aurait pas fait la loi une si vive opposition, et à coup sûr nous ne l'aurions pas acceptée.
Voici, je ne dirai pas le but, je ne veux pas incriminer les intentions, mais voici le résultat auquel on aboutit. Par la réforme administrative, on commence par exclure du régime légal les associations religieuses. ; plus tard, si ce jour arrive jamais, on demandera la réforme légale, la sécularisation des écoles primaires, l'enseignement religieux non obligatoire, le prêtre hors l'école.
On aura demandé en 1842 le concours du clergé pour fonder une vaste organisation d'écoles publiques ; on l'aura obtenu ; à l'aide de ce concours on aura transformé les anciennes écoles libres dirigées par le clergé en écoles officielles ; on les aura peuplées par l'influence utile que le clergé aura exercée dans ce but. Et puis, après avoir chassé les associations enseignantes de toutes les positions légales, on se passera du concours du clergé qu'on aura rendu impossible, et la sécularisation sera consommée.
Eh bien, moi je dis que ce serait là un piège déloyal dans lequel on aurait fait tomber l'opinion conservatrice.
Il ne manquera plus que de couronner cette œuvre par l'enseignement obligatoire.
Messieurs, je me sens fatigué, mais avant de finir, j'ai deux observations d'un ordre tout pratique à présenter à M. le ministre de l'intérieur.
J'ai dit, dans mon premier discours, que l'instituteur communal qui n'est pas diplômé, passe un examen ; lorsqu'il a passé un examen, il est agréé par le gouvernement comme instituteur communal ; lorsqu'il arrive qu'un changement de résidence a lieu, par une raison quelconque, on exige en général un nouvel examen ; j'ai demandé à M. le ministre de l'intérieur s'il ne serait pas convenable, dans ce cas, d'exempter d'un nouvel examen l'instituteur, porteur d'une espèce de brevet de capacité que l'examen a constaté ; je n'ai pas demandé que cet instituteur fût dispensé d'avoir l'agréation du gouvernement ; en France, c'est ce qui existe. J'ai seulement parlé de l'examen, c'est une bien faible concession que M. le ministre pourra faire sans se compromettre.
Ma seconde observation est celle-ci :
On a appliqué la loi de 1842 aux écoles de filles d'une manière générale ; c'est un véritable abus.
La loi de 1842 ne concerne pas, comme vous le savez, l'instruction des tilles.
On a admis, sur l'interpellation de l'honorable M. Rogier à M. Nothomb, qu'on pourrait administrativement appliquer certaines dispositions de la loi aux écoles de filles, à titre provisoire et à titre d'essai.
Il y a loin de là aux prétentions que l'on soulève aujourd'hui. On applique maintenant la loi tout entière aux écoles de filles, même des dispositions qui ne leur sont nullement applicables.
Ainsi on exige pour les institutrices comme pour les instituteurs, le diplôme en y attachant le droit de préférence que j'ai combattu ; on va même jusqu'à vouloir établir des conférences, auxquelles les institutrices devraient se rendre ; je n'ai pas besoin d'insister sur les inconvénients de tout genre qu'entraînerait cette application inintelligente de la loi.
Mon opinion est qu'il ne faut appliquer la loi aux écoles de filles qu'avec prudence et circonspection ; c'est par tolérance extra légale que, cette application a lieu ; il faut donc que le ministère, même en me plaçant au point de vue qu'il défend et que je combats, n'use de la loi envers les écoles de filles qu'avec une extrême réserve et une impartiale modération.
M. De Fré. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale sur un projet de loi relatif à des créances à charge de la ville de Louvain.
- Le rapport sera imprimé et distribué.
M. Muller. - Messieurs, l'honorable M. Dechamps vient de faire un appel au souvenir des idées qui, selon lui, ont présidé à la discussion et au vote de la loi du 23 septembre 1842.
Dans une précédente séance, il vous avait dit déjà (ce qui a été répété par son honorable collègue M. B. Dumortier) que si cette loi avait été présentée comme devant recevoir une application semblable et conforme à celle qui en est faite aujourd'hui, pas un membre de la Chambre ne l'aurait acceptée.
M. B. Dumortier. - J'ai dit, pas dix membres.
M. Muller. - Soit ! Pas dix membres, peu importe, je ne tiens pas au chiffre ; je réponds sans hésiter, quoique je n'aie pas été appelé à concourir à l'adoption de cette loi, que si la signification que l'honorable M. Dechamps lui donne aujourd'hui avait été clairement exposée à la Chambre lors de la discussion ; si le commentaire qu'on nous en fait après coup, avait été déroulé, développé avant qu'on eût obtenu un vote favorable, qu'on sollicitait au nom des idées de conciliation et de modération, pas un membre de la gauche n'y aurait donné son adhésion, et j'interpelle tous mes collègues qui siégeaient ici en 1842. En est-il un seul qui eût accepté le système étrange du représentant de Charleroi ?
L'honorable M. Dechamps, reprenant, quand il juge les circonstances opportunes, les doctrines qu'il a caressées longtemps en matière d'instruction publique donnée aux frais de l'Etat, doctrines qu'il avait émises notamment à propos de l'enseignement supérieur, qui, selon lui, n'était pas toujours obligatoire pour le gouvernement ; l'honorable M. Dechamps, dis-je, qui n'avait guère été aussi absolu, aussi explicite en 1842 qu'il se montre aujourd'hui, confond beaucoup trop avec les votes, avec les décisions de la Chambre, ce qui n'était qu'au fond de sa pensée et de celle d'un certain nombre de ses amis politiques, ce qu'ils se sont abstenus d'énoncer alors d'une manière aussi claire. Leurs exigences semblaient être infiniment plus restreintes.
Aussi, quel que soit le mérite dont mon honorable contradicteur a fait preuve comme rapporteur de la section centrale, chargé du travail important que réclamait le projet d'organisation de l'enseignement primaire, ce n'est pas dans ses paroles seules qu'il faut en chercher l'esprit et la portée.
Eh ! messieurs, si le système habilement développé par l'honorable membre en 1842 était le même que celui auquel il s'efforçait de rallier la gauche parlementaire vingt ans auparavant en faisant appel à la nécessité de concessions réciproques de la part des deux opinions qui divisaient le pays à cette époque, comme aujourd'hui, je demanderai quelles transactions auraient été faites d'après l'honorable membre en faveur de l’enseignement que la constitution ordonne à l'Etat d'organiser à tous les degrés ?
M. B. Dumortier. - Je crois que vous les connaissez.
M. Muller. - Je voudrais les connaître, et, les cherchant vainement, je répète ma question : Quelles transactions auraient été faites à l'opinion libérale, que lui concédait-on ?
C'est donc en vain que l'honorable M. Dechamps vient aujourd'hui contester que le principe fondamental de la loi, celui qui est inscrit, en termes formels dans son article premier, c'est l'obligation pour chaque commune d'avoir une école communale, et que les articles 2 et 3 ne sont que des exceptions qui doivent être justifiées par la situation financière de la commune ou par d'autres motifs péremptoires. L'honorable membre avait autrefois proclamé lui-même ce principe, cette obligation, et vous avez pu voir tantôt dans quel grave embarras il se trouvait, malgré tout son talent, pour expliquer ce qu'il avait signé comme gouverneur du Luxembourg, pour le concilier avec sa théorie actuelle. Il vous a objecté qu'il n'avait parlé officiellement qu'en fait ; que dans cette province il y avait très peu d'écoles adoptées, que l'immense majorité se composait d'écoles communales. Mais l'explication ne peut être considérée comme satisfaisante. L'honorable M. Dechamps ne s'occupait pas des faits dans le passage de sa circulaire que je vais relire ; il retraçait les bases sur lesquelles repose la loi.
« Le principe de la loi organique, disait-il, est que chaque commune ait au moins une école primaire communale.
« Les articles 2 et 3 établissent les exceptions à apporter à cette règle. »
Voilà ce qu'énonçait l'honorable représentant de Charleroi, et ce qui le condamne aujourd'hui. Il a beau dire à la Chambre : Fiez-vous à mon témoignage comme rapporteur, lorsque j'étais chargé du travail de la section centrale ; je me suis trompé comme gouverneur ; j'ai pu signer sans apprécier parfaitement la portée de la phrase que j'avais sous les yeux.
Ce n'est pas, messieurs, un homme de mérite, d'expérience et de valeur, comme M. Dechamps, qui peut nous présenter une pareille excuse, alors qu'il s'agissait d'une circulaire, d'une instruction importante, destinée à éclairer les administrations placées sous ses ordres, et ayant trait à une loi dont il avait été l'un des actifs et intelligents coopérateurs.
Ce n'est donc pas sérieusement qu'on essaye de soutenir que toute commune peut se dispenser d'avoir une école à elle, qu'il lui est libre de fournir un local à une institution privée, moyennant l'adoption, de subvenir, dans ce cas, aux traitements des instituteurs, au matériel, et qu'on (page 809) n'a pas le droit de la contraindre à fonder une véritable école communale, placée directement sous son autorité et sa surveillance, sous le contrôle de la députation et du gouvernement.
Une semblable prétention, messieurs, nous offre quelque réminiscence de la fameuse convention de Tournai : c’est l’abdication, l’abandon des prérogatives sérieuses des communes qu’on cherche à arracher, pour leur laisser le droit de subsidier les corporations enseignantes !
Et c'est prétendument au nom des libertés communales qu'on élève la voix ! En vérité, il faut convenir que l'on fait un singulier abus du mol et de la chose.
La liberté communale en matière d'instruction primaire, c'est la loi organique de 1842 qui l'a définie et réglée en la subordonnant, dans les cas qu'elle précise nettement, à l'action de l'autorité supérieure. La constitution avait prescrit, dans son article 17, que l'enseignement donné aux frais de l'Etat serait réglé par la loi : nous avons eu d'abord, et cela n'a pas été sans débats, celle qui concerne l'enseignement supérieur ; puis, est venue l'organisation légale de l'enseignement primaire, qu'on nous a fait si longtemps attendre et pour cause : on voulait donner le temps aux établissements religieux de prendre pied, de croître et de se développer en Belgique avant que la concurrence pût s'établir.
Cette loi de l’enseignement primaire n'a pas laissé et ne pouvait laisser intactes toutes les volontés qui peuvent se faire jour et se traduire en votes de la part des administrations communales : par une raison toute simple, c'est que l'enseignement public à tous les degrés, et notamment au degré inférieur, n'est pas un objet d'un intérêt exclusivement local, mais bien un objet d'utilité, de nécessité nationale.
Le gouvernement devant étendre sur lui sa sollicitude, la loi l'a placé sous son œil vigilant, a conféré certaines prérogatives à la commune, en a réservé certaines autres à l'Etat.
Postérieure à la loi communale, elle en est indépendante, elle a établi un régime nouveau complet, et je ne comprends pas la valeur de l'argumentation de l'honorable M. Dechamps, qui, sans toutefois citer aucun texte de la loi de 1836, qui consacrerait les libertés communales telles qu'il les explique, nous dit que, pour l'enseignement primaire, tout ce qui était facultatif alors l'est encore, à moins d'avoir été expressément interdit par la loi de 1842.
Il y a deux ans, dans cette enceinte, faisant valoir l'un des griefs nombreux d'application auxquels la loi de 1842, dont je signalais les vices en me prononçant pour sa réforme, a donné lieu aux yeux du libéralisme, je citais cet acte de violence, réputée légale, en vertu duquel on a forcé la commune de Liège, qui avait une école normale prospère, à la supprimer, par le motif que, nulle part, la loi de 1842 ne prévoit que les communes pourront posséder des établissements de cette nature !
Je demande, si le raisonnement auquel on a recours actuellement est fondé, quelle disposition interdisait formellement aux communes d'avoir ou de conserver des écoles normales.
N'est-il pas évident, après ce rapprochement, qu'on invoque la liberté communale quand il s'agit de nuire au développement de l'enseignement officiel, placé sous l'égide de l'Etat, tandis qu'on en fait bon marché à l'égard de la commune qui s'avise d'opposer un enseignement laïque à l’enseignement du clergé ?
L'honorable M. Dechamps, à deux reprises différentes, a appelé à son aide, pour en tirer argument, l'opinion exprimée en 1842 par l'honorable M. Verhaegen ; il a prétendu en inférer que l'article premier de la loi de 1842, tel que le comprenait l'ancien président de la chambre, ne posait pas en principe l'obligation pour les communes d'avoir une école dirigée par elles.
Eh bien, messieurs, c'est là une erreur, une conséquence spécieuse que je crois pouvoir détruire par un seul mot.
Dans la discussion de la loi de 1842, on n'a pas mis en doute le point de savoir si l'école communale serait ou non le principe ; cela n'a pas été sérieusement contesté.
L'honorable M. Verhaegen ne voulait, lui, aucune exception à ce principe ; il demandait d'une manière absolue qu'il y eût une école communale dans chaque commune du pays ; et c'est ce point qui a été débattu par lui et qui n'a pas été adopté.
L'opinion de l'honorable M. Verhaegen ne vous prèle donc pas un secours aussi solide que vous vous plaisez à le répéter, et le principe de l'école communale, l'obligation qui en résulte, sauf les cas de dispense dont l'autorité supérieure est seule juge, ne sont pas ébranlés par vos citations.
L'article premier de la loi ne comporte pas deux interprétations, et cela est tellement vrai, messieurs, que l'article 2 dit :
« Lorsqu'il sera pourvu aux besoins de l'instruction, etc., la commune peut être dispensée de l’obligation d’établir elle-même une école »
Voulez-vous maintenant passer à l'examen de l'article 3 ? Mais c'est encore la même chose :
« On pourra, dit-il, autoriser l'adoption d'une ou plusieurs écoles réunissant les conditions légales pour tenir lieu de l’école communale. »
Preuve nouvelle, messieurs, qu'il s'agit bien dans l'article premier de l'école communale obligatoire.
Mais, dit-on, la liberté de choisir entre tous les modes d'enseignement doit exister pour la commune. Non, messieurs, je le répète, la loi ne l'a pas voulu parce qu'il s'agit là d'un intérêt social ; ce n'est pas à la commune qu'a été déférée cette latitude d'option : l'article 4 a chargé la députation d'abord, et le gouvernement en dernier ressort, de la mission de décider quand il y aurait lieu exceptionnellement de ne pas établir une école communale, quand on pourrait en être dispensé soit en vertu de l'article 2, soit en vertu de l'article 3.
Cela est tellement incontestable et évident que chaque année l'autorité supérieure a le droit et le devoir d'examiner si la dispense d'avoir une école communale peut, oui ou non, être maintenue, si les circonstances et les motifs subsistent toujours (article. 4.)
En effet, l'adoption, messieurs, ne doit être que l'exception. Par exemple il y a lieu d'y recourir, même dans le cas où il existe une école communale, lorsque cette école est insuffisante pour la population, ou lorsqu'il y a des hameaux trop isolés les uns des autres, et que la commune n'est pas en état d'établir plusieurs écoles.
Mais il est inadmissible que toute commune soit libre, abstraction faite de ses ressources, de l'état de ses finances, de dire : Je ne créerai pas d'école ; je m'affranchirai de ce devoir en adoptant telle institution privée, ou en traitant avec telle corporation religieuse qui n'est pas même encore établie dans la localité.
Ce n'est pas ainsi que l'on peut et que l'on doit préparer, que l'on peut sauvegarder l'avenir et les bienfaits de l'enseignement primaire.
Je ne dirai pas que l'adoption constitue un système tout transitoire et de courte durée ; nous n'en sommes pas malheureusement là ; mais elle n'en offre pas moins des conséquences fâcheuses, parce qu'elle ne fournit pas à l'instruction des garanties de stabilité.
On a dit tantôt qu'un instituteur communal présentait les mêmes inconvénients, qu'il pouvait donner sa démission et placer ainsi la commune dans l'embarras, et l'on a comparé cet intérim passager avec les graves difficultés qui peuvent résulter de l'absence de toute école, par suite de la suppression ou du refus de concours d'un enseignement donné sous le régime de l'adoption. Mais, qu'on ne le perde pas de vue, sous ce régime la commune ne doit avoir ni local, ni matériel à elle, et s'il lui fait défaut, elle pourra se trouver longtemps dans l'impossibilité de donner aucune instruction primaire à ses habitants.
Je dis donc, messieurs, que si l'application de la loi peut avoir varié selon les hommes qui étaient au pouvoir, de 1842 à 1847, de 1847 à 1862, la seule portée rationnelle de cette loi, dite de transaction, c'est celle que lui a assignée l'honorable M de Decker dans la note qu'il soumettait à la section centrale ; je fais, en passant, remarquer que ce n'est pas au ministère libéral que l'on fait aujourd'hui le procès, c'est à l'administration de l'honorable représentant de Termonde ; car toute la période dont on signale les prétendus écarts et abus, toute cette application fautive, vicieuse, selon M. Dechamps, des principes de la loi de 1842, tout cela est imputable à l'ancien chef du département de l'intérieur, qui siège sur les bancs de la droite. Ses successeurs n'ont fait que suivre la voie qu'il avait loyalement tracée.
Messieurs, dans le sens des idées qu'a, tout d'abord, professées l'honorable M. Dechamps dans sa carrière politique, qu'il réservait sans doute en 1842, et avec lesquelles il n'a été en contradiction que par mégarde, lorsqu'il était gouverneur du Luxembourg, je conçois la citation qu'il vient de nous faire d'un passage de la dépêche de l'honorable M. J.-B. Nothomb, qui va jusqu'à dire, s'adressant aux membres de l'épiscopat belge, que l'adoption n'implique pas la confiance dans l'individu qui sera chargé de donner l'instruction, mais seulement dans l'ordre religieux auquel il appartient.
Mais cette opinion, exprimée alors au nom du gouvernement, nous devons la repousser énergiquement, parce qu'il n'est pas possible que l'on confie, soit à titre d'adoption, soit à titre d'école communale, l'enseignement de la jeunesse à des institutions qui ne subissent aucun contrôle, abstraction faite des titres personnels des membres qui en font partie.
(page 810) Un nouvel argument a été produit tantôt par l'honorable M. Dechamps à l'appui de sa thèse : il l'avait oublié dans une séance précédente ; il a cru pouvoir tirer un assez bon parti d'un article de la loi de 1850 sur l’enseignement moyen ; il vous a dit : Il y a des collèges patronnés, entre les différents modes d'enseignement prévus par cette loi, la liberté du choix est laissée aux communes ; pourquoi prétendre que la loi de 1842 n'ait pas voulu la même chose pour l'enseignement primaire ? Je pense que c'est bien l'argumentation à laquelle s'est livré le représentant de Charleroi.
Mais c'est précisément parce qu'il trouve dans la loi de 1850 ce qu'il cherche vainement à découvrir dans celle de 1842, que j'en conclus que les deux régimes sont différents, et ils devaient l'être en effet. L'enseignement primaire doit être répandu dans toutes les communes ; la nécessité d'y pourvoir a fait imposer par le législateur aux communes un devoir plus impérieux, plus strict que pour l’enseignement moyen. Quant à ce dernier, il y avait impossibilité de songer à créer des établissements dans toutes les communes de pays ; on a même compris qu'il pouvait y avoir de rares exceptions motivées en ce qui concerne l'enseignement primaire. Mais, à coup sûr, ce n'est pas sur l'intérêt des corporations religieuses qu'elles peuvent être basées.
Il y a une position assez commode qu'on voudrait leur faire.
On vient nous dire, dans un pays où la loi doit être égale pour tous : vous expulsez indirectement les membres des corporations religieuses de tout l'enseignement officiel ; d'une part, la règle à laquelle ils sont soumis ne leur permet guère d'être instituteurs communaux, parce qu'ils ne peuvent enseigner isolément ; d'autre part, en n'accordant à l'adoption que l'indemnité due pour les enfants pauvres, vous les privez de tout subside ; enfin, comme ils n'ont pas de diplôme, vous les écartez en préférant ceux qui en sont munis. On n'ajoute pas que leur enseignement n'est plus libre, parce qu'il est assez notoire que leur droit à cet égard n'a jamais été attaqué.
C'est à ce propos que l'honorable M. Dechamps nous a dit que dans une commune ou l'on a retiré l'adoption à une école de frères, cette école, qui avait 200 élèves quand elle était adoptée, s'est trouvée en avoir 300 après le retrait de l'adoption, preuve qu'il n'avait été porté aucune atteinte à leur droit constitutionnel.
Mais examinons le grief qu'on nous oppose : la loi peut-elle, doit-elle avoir égard à la position exceptionnelle qu'il convient aux membres des congrégations monastiques, de se faire ? Est-ce que la législature doit se dire, quand elle fait une loi : Je vais dispenser telle ou telle catégorie d'instituteurs officiels de la règle générale et commune que j'impose, notamment je les affranchirai de l'obligation d'obtenir un diplôme de capacité ?
Voilà, néanmoins, à quoi aboutissent ces récriminations que l'on ne s'explique pas sous l'empire de notre constitution.
Il est libre aux corporations religieuses de former des instituteurs, et si vous vous plaigniez que jusqu'ici l'on n'a prévu la délivrance de diplômes que pour les élèves sortant des écoles normales de l'Etat ou des écoles normales adoptées, qui sont sous la direction des évêques, il serait facile, je n'en doute pas, de vous donner satisfaction : demandez, au nom du clergé régulier, que, sans avoir été dans une école normale officielle, ou reconnue, on puisse subir les mêmes examens, et obtenir les mêmes diplômes que ceux que l'on délivre aux élèves de ces établissements ! Voilà ce que j'appellerai de l'égalité pour tous.
Mais des dispenses, des privilèges, cela est exorbitant, cela n'est pas justifiable.
Messieurs, il me reste à dire quelques mots relativement à l'enseignement des filles, aux institutrices. Je ne puis partager, sous ce rapport, l'opinion de M. Dechamps qui a semblé désirer que cet enseignement ne reçût qu'un développement très modéré, et qui a été d'avis qu'il ne fallait pas trop étendre, par voie administrative, ce que la loi de 1842 n'a pas prescrit d'une manière très explicite.
Or, si cette loi n'avait pas laissé au gouvernement de pleins pouvoirs à cet égard, si, d'un autre côté, ses dispositions n'étaient pas applicables aux institutrices comme aux instituteurs, on serait en droit de la citer comme constituant la condamnation la plus méritée des législateurs qui auraient commis un tel oubli, montré une telle indifférence. Elle n'aurait donc pourvu à l'instruction que d'une moitié des enfants qui en ont besoin ; l'éducation des femmes aurait été considérée comme chose inutile, ou plutôt, livrée, d'après vous, aux corporations religieuses.
H ne peut en avoir été ainsi, la conscience publique proteste que telle ne doit pas avoir été l'œuvre du législateur : il fallait que le gouvernement eût la même sollicitude pour l'instruction des filles que pour celle des garçons.
J'applaudis donc aux mesures qui ont été prises à cet égard et à celles que se propose de prendre encore le département de l'intérieur, pour développer cet enseignement normal, qui a été trop restreint, trop circonscrit jusqu'aujourd'hui.
Quant aux conférences déjà établies entre les institutrices par l'inspection, je puis en parler avec connaissance ; loin d'avoir produit des résultats regrettables, ou d'avoir faire naître des appréhensions à aucun point de vue sérieux, j'ai appris qu'elles ont eu des résultats dont il y a lieu de féliciter, et qu'il est désirable de voir poursuivre.
Ces conférences sont données, dans notre province, avec intelligence et dévouement, de la manière la plus convenable ; sous ce rapport, aucun reproche ne peut être adressé au gouvernement.
II me reste à parler d'un fait dont s'est étayé l'honorable député de Charleroi pour attaquer l'application qui aurait eu lieu d'une manière erronée, partiale et violente, de la loi d'enseignement primaire, dans une commune de l'arrondissement de Liège.
Il s'est apitoyé sur ce qui s'est passé à Soumagne : je croyais qu'un honorable membre de la droite se serait bien gardé de faire allusion à ces faits, car s'ils pouvaient donner lieu à un grief, certes ce n'était pas sur les bancs qu'elle occupe, mais sur les nôtres.
II y a eu, il est vrai, dans cette localité, des actes profondément regrettables ; mais qui faut-il accuser ? C'est ce que vous allez voir.
L'honorable gouverneur de la province de Liège, dont on a censuré l'administration dans cette circonstance, n'est coupable, s'il l'est réellement, que d'une trop grande longanimité.
Messieurs, en 1845, le bureau de bienfaisance de Soumagne demande à l'autorité supérieure de pouvoir acheter une maison destinée à servir d'école communale ; cela est dit tout au long dans sa délibération, dont voici un passage :
« Le loyer de cette maison avec la salle attenante étant actuellement de 200 francs, le bureau, après l'acquisition en faite, la louerait à pareille somme à la commune pour y établir son école de filles, ou bien il la mettrait sans loyer à la disposition de la commune, en s'affranchissant de pareille somme dans l'allocation votée au budget pour l'instruction, s'élevant annuellement à 300 francs. »
Telle devait être la destination spéciale de l'immeuble que le bureau demandait à acquérir, et dans ces conditions, le conseil communal émit un avis favorable : il allait avoir, sans qu'il y eût préjudice pour l'administration des pauvres, un local pour son école de filles, comme il en avait déjà un pour son école de garçons.
La députation permanente se prononça naturellement dans un sens tout à fait conforme à celui du conseil communal ; enfin, un arrêté royal approuve l'acquisition, et l'on y vise toutes les délibérations prises.
Une institutrice communale fut installée dans cet immeuble. Au mois de mai 1860, l'école prospérait tellement que le bureau de bienfaisance demande à consacrer une somme de plus de 2,800 fr. à son agrandissement : le bureau constate les succès de l'institutrice et la bonne instruction qu'elle donne.
Mais, au moment où cette administration, dont M. le doyen de Soumagne est membre, soumettait ce projet à l'autorité supérieure, les jours de l'institutrice étaient condamnés ; elle est morte, en effet, le 2 juin.
C'était bien, jusque-là, une école communale, tenue par une institutrice laïque : je vois que cette dernière, d'après le compte de l'année 1860, payait au bureau de bienfaisance 170 fr. de loyer pour le local occupé au nom de la commune.
Quelques jours après son décès, sans respect pour l'article 12 de la loi qui prescrit qu'en cas de vacance soit par révocation, soit autrement, le conseil communal doit procéder au remplacement dans les 40 jours, sauf fixation par le gouvcrnement d'un délai plus grand ; sans égard pour l'obligation de notifier ce décès conformément aux instructions en vigueur ; sans en référer même au conseil communal (l'honorable M. Dechamps l'ignore sans doute) le bureau de bienfaisance, au sein duquel siégeait, je l'ai dit, le doyen de Soumagne, inspecteur ecclésiastique cantonal, d'accord, sans doute, avec les membres du collège échevinal, traite avec trois religieuses, les installe dans le local servant d'école communale, et, s'est écrié l'honorable M. Dechamps, cette école regorgeait immédiatement d'élèves. Je le crois bien : c'étaient les élèves de l'ancienne institutrice ; on avait introduit les trois religieuses, et elles avaient recueilli toute la clientèle sans se donner la moindre peine. Voilà, messieurs, comment les choses se sont d'abord passées. Ce n'est qu'en septembre, c'est-à-dire trois mois après, que M. le gouverneur a été informé par un rapport de M. l'inspecteur provincial civil, que la demoiselle Deleval était décédée, qu'on avait, en (page 810) hâte, et sans aucune notification, installé des religieuses dans cette école, que ces religieuses fonctionnaient, qu’elles y usaient du local, du matériel, de tout.
Alors on se plaignît à l'administration communale de cette infraction flagrant à la loi, on l'invita, conformément à cette loi, à faire procéder à la nomination d'une institutrice.
Notez que le conseil communal n'est nullement intervenu dans cette prise de possession opérée par les religieuses.
Il n'v a eu de sa part aucune délibération qui ail été transmise à l'autorité supérieure ; c'est le collège, que je suppose de connivence avec les membres du bureau de bienfaisance, qui a dû conduire ou agréer ce coup de main.
On a dit que ni M. le commissaire d'arrondissement, ni M. le gouverneur n'avaient répondu à l'administration communale ; mais j'ai en mains une lettre du 5 octobre par laquelle le commissaire d'arrondissement écrit au collège : « Il est présumable que vous n'avez pas pu mettre votre école communale à la disposition des institutrices dont m'entretient votre lettre du 28 septembre, sans avoir consulté votre conseil communal. Je vous prie en conséquence de me faire parvenir un extrait des délibérations qu'il a dû prendre à ce sujet. »
Sur ce point capital, pas de réponse du collège échevinal. Le 17 octobre, le commissaire d'arrondissement informe le gouverneur qu'il a vainement réclamé les délibérations du conseil communal, et que le collège ne s'expliquait pas à cet égard : en effet, ce dernier se bornait à dire qu'on avait déféré au vœu de toutes les familles en appelant les sœurs à venir s'installer à Soumagne ; il demandait, enfin, que cet acte fût approuvé, et que l'autorisation de nommer institutrice communale, l'une des religieuses pût être soumise au conseil ; mais, de décision de ce dernier corps, il n'en produisait pas, et il n'y en a trace ni au commissariat d'arrondissement, ni à la députation permanente, ni dans les bureaux du gouverneur, ni dans ceux de l'inspecteur provincial civil.
Que devait faire alors le gouverneur ? Evidemment, procéder à une nomination d'office, en vertu de la loi, les 40 jours étant depuis trop longtemps expirés. Il nomma pour institutrice une jeune personne dont on ne pouvait pas à coup sûr révoquer en doute le mérite, car elle avait obtenu dans son diplôme le premier degré ; sur 13 ou 14 branches d'enseignement, elle n'avait perdu que quelques points ; ce qui est assez rare pour que la députation permanente ait cru devoir, pat un arrêté, lui accorder une récompense d'honneur.
Cette institutrice n'a pas eu beaucoup d'élèves, cela est vrai. Les religieuses avaient recueilli en s'installant dans l'école communale celles qu'avait eues Mlle Deleval. Elle ne parvint qu'au chiffre de 16. Mais savez-vous, en outre, pourquoi ? Parce qu'il y a eu contre cette personne laïque, qui succédait à une autre institutrice également laïque, une conspiration à laquelle aucun homme impartial ne peut donner son approbation. Comme le local appartenait au bureau de bienfaisance, quoiqu'il ne l'eût acquis par arrêté royal que pour la destination d'école communale, cette administration se crut libre de l'abandonner aux sœurs : elle le fit, je l'ai dit, avec l'adhésion expresse ou tacite du collège échevinal, et M. le gouverneur, s'il n'y avait pas mis tant de longanimité, aurait pu, en présence de violations scandaleuses de la loi, prendre une mesure de rigueur contre les membres du collège échevinal qui y prêtaient les mains, ne fût-ce que par leur inaction.
Qu'a-t-on fait contre l'institutrice ? Les familles qui recevaient des dons, des distributions du bureau de bienfaisance, ont été invitées à envoyer leurs enfants chez les sœurs et ne pas les confier à l'institutrice communale. Et savez-vous où cette dernière était réfugiée, tandis que les sœurs étaient casées dans l'ancien local, assez vaste, bien disposé, et qui n'avait été acquis que pour l'instruction communale ? A l'institutrice laïque on avait fourni pour école une chambre, une seule, sans aucun logement. Cette institutrice a été découragée, vous a-t-on appris ; elle a donné sa démission. Eh ! mon Dieu ! on serait découragé à moins, et de tels procédés ne sont pas faits pour relever le moral ; elle ne s'est pas retirée, cependant, sans obtenir ailleurs un dédommagement honorable. Elle avait un mérite assez reconnu pour que la ville d'Arlon l'ait appelée aux fonctions de directrice en chef des écoles communales.
Voilà où cette institutrice, fille d'un excellent directeur d'établissement d'école moyenne à Virton, se trouve depuis six mois environ, à la satisfaction des habitants.
Quand il s'est agi de pourvoir, en septembre dernier, à la place de Soumagne, devenue ainsi de nouveau vacante, s'il fallait en croire l'honorable M. Dechamps, qui a eu le malheur d'être très mal renseigné sur les faits, l'autorité supérieure, toujours intolérante, aurait écrit au bourgmestre d'avoir à nommer une autre institutrice diplômée pour (un mot illisible les religieuses qui n'avaient pas ce titre, et l'administration communale, en présence de la première nomination d’office, aurait cru devoir céder à une véritable violence légale en s’exécutant.
Autant de mots, autant d’erreurs.
Cette dernière nomination comme j’ai pu m’en assurer par les pièces officielles, s’est faite dans qu’il y eu besoin le moins du monde d’écrire au collège.
C'est ce dernier qui, trois jours après la démission de l'institutrice, l’a notifié au gouverneur, en le priant d’annoncer, dans le Moniteur le poste devenu vacant, ce qui fut fait, et, sans qu’on ait adressé d'invitation ni de lettre pressante, le conseil communal nomma, le 16 octobre, c’est-à-dire dans le mois, à l'unanimité des six membres présents, une institutrice diplômée, Mlle Renkin.
Ainsi, messieurs, le conseil communal n'avait pas du tout « résisté de nouveau » en faveur du choix des religieuse, et on ne l'a pas violenté !
Maintenant que l'honorable M. Dechamps se félicite de ce que l'école communale n'a aucune chance de succès ni d'avenir, je le déplore, moi, car c'est réellement en violation de toutes les prescriptions de la loi que de tels faits s'accomplissent.
Je terminerai, messieurs, par un dernier mot qui caractérisera la situation pénible dans laquelle l'institutrice communale est délaissée ; j'ai vu une lettre dans laquelle elle se plaint à M. l'inspecteur provincial civil de n'avoir ni poêle, ni houille à sa disposition pour chauffer la chambre où elle tient sa classe, et cette lettre est datée du mois de janvier ! Comment aurait-elle beaucoup d'élèves ?
Je termine : J'ai pensé, messieurs, qu'il était utile, juste même, d'expliquer des faits qui avaient été, de très bonne foi, sans aucun doute, mais complètement dénaturés dans cette enceinte. Si une opinion a le droit de se plaindre, d'en faire un sujet de grief, c'est la nôtre, et c'est des autres bancs que devraient partir les essais de justification.
M. Orts. - Messieurs, j'ai demandé la parole quand j'ai entendu l'honorable M. Dechamps terminer son discours en mettant en suspicion la loyauté d'intentions, la loyauté dans les promesses de toute cette fraction de l'opinion libérale qui a accepté la transaction de 1842.
L'honorable membre nous a dit : « En I842, le concours du clergé à l'exécution de la loi sur l'enseignement primaire a été obtenu par la promesse d'une exécution large, d'une exécution libérale par l'autorité civile des dispositions réglant les rapports de l'Etat avec le clergé. Aujourd'hui le libéralisme qui a voté la transaction de 1842 retire ses promesses dans l'application. La gauche n'a pas la franchise de céder aux réclamations de ceux de ses membres qui réclament une révision législative. » Messieurs, c'est une dangereuse histoire que l'honorable membre a. entrepris de nous raconter : l’histoire des promesses faites au sein du parlement, pour concilier, sur le terrain de l'instruction primaire, les deux grandes opinions du pays.
Il me permettra de rétablir quelque peu les faits ; je le ferai rapidement, mais je tiens à le faire parce que les souvenirs contemporains se sont affaiblis. Les témoins deviennent rares. La chambre a perdu bien des membres parmi les auteurs des grandes discussions de 1842.
La loi de 1842, messieurs., c'est l'honorable M. Dechamps qui l'a dit, reposait sur deux bases fondamentales : le régime d'inspection qu'elle créait et le régime de recrutement du personnel enseignant, c'est-à-dire, les écoles normales.
Le premier choix des instituteurs était également une troisième, chose importante, au moins vers le début de l'organisation qui succédait au vote de la loi.
Le concours du clergé, messieurs, avait été obtenu en inscrivant dans la loi la promesse que quant au régime d'inspection à côté de l'inspection civile créée par la loi, il y aurait une inspection ecclésiastique facultative pour le clergé. Facultative, car nul n'avait le pouvoir d'imposer cette inspection au clergé, s'il la refusait.
Quant au recrutement des instituteurs, on avait dit au clergé :
Vous avez des écoles normales, ces écoles vous les conserverez à condition de les soumettre au régime d'inspection.
L'Etat aura des écoles normales, mais il en aura en nombre moindre. Vous en avez 7, il n'en aura que 2.
Puis se retournant vers la gauche et pour faire passer devant l'opinion libérale dont on recherchait le concours pour le vote, pour faire passer cette énormité de donner 7 écoles normales au clergé et 2 seulement à l'Etat, on avait promis et cette promesse n'avait pas été obtenue sans peine, on avait promis qu'à côté des écoles primaires supérieures, on établirait dans les grandes villes des cours normaux en dehors des écoles normales exclusivement destinées à former des instituteurs.
Remarquez, messieurs, que personne, dans la loi de l'instruction primaire, ne stipulait au nom du clergé, ne s’engageait. La loi votée et promulguée, le clergé s'est dit : « Ce qu'on a stipulé pour moi, ne suffit pas, (page 812) il me faut davantage. » Le clergé connaissait l'importance qu'on attachait à ce concours, par le vote de l'opinion libérale, il s'est tout d’abord mis à marchander.
Est-ce là de la loyauté politique ? Vous qui nous accusez de déloyauté ? C'était pendant la discussion qu'il fallait loyalement marchander, s'il y avait à marchander.
Alors il fallait stipuler, mais, messieurs, la loi est votée, la position est conquise, il n'y a plus qu'à la prendre de la main de ceux qui ne peuvent la retirer. On marchande.
Et quelles ont été alors les conditions du concours du clergé ? Le renversement des promesses de la loi à la gauche, le renversement des promesses sur la foi desquelles l'opinion libérale avait donné son vote, quasi unanime, à la loi de 1842.
Je vais le prouver.
L'inspection ecclésiastique, par exemple, ne devait être qu'une simple faculté ; elle est devenue un droit pour l'épiscopat belge une fonction publique.
Dans la discussion de 1842, personne n'avait parlé de la rémunération officielle des inspecteurs ecclésiastiques. Au budget de 1843, on inscrit parmi les fonctionnaires publics de la Belgique les inspecteurs ecclésiastiques. (Interruption.)
Il a été si peu question de traitement ecclésiastique dans la discussion de la loi de 1842, que sur les bancs de la droite, on contestait le traitement des inspecteurs ; ce qu'on n'eût jamais osé faire pour l'inspection religieuse. Pour les fonctions d'inspecteur cantonal civil, disait M. de Mérode, on trouverait facilement nombre de citoyens dévoués et capables qui les rempliraient gratuitement. (Interruption.)
M. B. Dumortier. - Oui, pour les inspecteurs cantonaux.
M. Orts. - Peu importe, cantonaux ou provinciaux, les inspecteurs ecclésiastiques sont rémunérés sur le budget de l'Etat ; ils le sont depuis 1843.
Je ne dis pas qu'on ait mal fait de les rétribuer ; mais je tiens à constater qu'on n'a pas osé annoncer en 1842 qu'on en avait le projet. C'eût été loyal ; mais il fallait en 1842 faire voter la loi par l'opinion libérale et l'on craignait les prétextes financiers. On s'est tu.
L'inspection ecclésiastique avait été accepté par l'opinion libérale, parce que l'opinion libérale voyait dans la loi un contre-poids à cette inspection : l'inspection civile ; cette inspection civile devait être faite par les agents indépendants du pouvoir ; c'était là ce qui rendait le contrepoids sérieux, efficace. Qu'a-t-on fait dans l'exécution ?
Pas une nomination d'inspecteur n'a été faite immédiatement après la promulgation de la loi de 1842, sans qu'on ait consulté les évêques et sans qu'on ait obtenu leur agréation. Le contre-poids a disparu. En définitive, vous avez eu, au moment de la mise à exécution de la loi, au lieu de deux inspections parallèles, une inspection civile, d'un côté, une inspection ecclésiastique, de l'autre ; vous avez eu, dis-je, deux inspections ecclésiastiques, comme le déclarait M. Delfosse en 1847. (Interruption.)
Vous niez ? Mais, on vous l'a reproché le premier jour où l'opinion libérale, devenue majorité, vous a demandé compte de votre déloyauté politique à exécuter la transaction de 1842. (Interruption.)
Ne niez donc pas. Nous avons l'aveu de l'auteur même de la loi, de l'honorable M. Nothomb.
Dans la mémorable séance du 13 décembre 1847, lors de la discussion du budget de l'intérieur, l'honorable M. Nothomb a reconnu qu'il avait consulté les évêques sur ces nominations. Il n'avait pas vu de danger à le faire, ajoutait-il, parce qu'il s'agissait là de concessions administratives et non légales ; parce que les concessions administratives, à la différence des concessions légales, pouvaient toujours être retirées.
Et l'honorable M. Nothomb reconnaissait encore que si ces concessions n'avaient pas été faites, le concours du clergé, quoique annoncé dans la loi de 1842, n'aurait pas été obtenu. Voilà le langage de l'auteur même de la loi. Niez donc encore.
Ce n'est pas seulement pour l'inspection civile qu'on a procédé de la manière que j'indique. Avant le recrutement du personnel des écoles primaires supérieures par les écoles normales à organiser, il y avait une période transitoire à réglementer.
Que fait-on pour le choix des instituteurs de ces écoles ? On s'adresse aux inspecteurs ecclésiastiques, à l'épiscopat ; on demande aux évêques : Tel homme vous convient-il ? S'il vous convient, monseigneur, je l'agrée ; s'il ne vous convient pas, le gouvernement ne l'agréera pas.
L'honorable M. Nothomb, dans la même discussion de décembre 1847, se glorifiait comme d'un acte de rare courage d'avoir une fois et pour un seul instituteur admis l'homme que l'évêque repoussait !
Voilà pour les premiers temps.
Venait le recrutement des instituteurs futurs ; venait l'institution des écoles normales et les fruits qu'elles devaient porter. Qu'en avez-vous fait ?
Les évêques comptaient sept écoles normales organisées ; ils les conservent ; on soumet immédiatement ces écoles au régime d'inspection, de manière qu'elles puissent continuer à fonctionner sans interruption.
L'Etat ne possédait absolument rien ; il fallait créer. Quelques villes avaient institué des écoles normales à côté de leurs établissements d'enseignement primaire ; mais les élèves qui les suivaient avant la loi de 1842, n'avaient aucun privilège à attendre. On aurait pu peut-être leur faire des concessions administratives, comme disait M. le ministre de l'intérieur de l'époque. Point, le clergé craignait ces écoles ; il ne voulait pas de concurrence de la part des écoles civiles, il voulait que faute d'instituteurs formés dans les écoles normales laïques, on fût obligé, pour la première organisation, de prendre des instituteurs sortis des écoles normales du clergé ! Et vite à l'œuvre pour le satisfaire !
Ainsi que l'honorable M. Muller l'a dit, on s'empresse de tuer les écoles normales communales là où il en existe, sous prétexte d'illégalité ! A Liège, à Bruxelles, dans d'autres villes encore, les écoles normales communales disparaissent.
La loi à la main on avait raison ; d'après la loi, ces écoles devaient périr ; mais le gouvernement possédait un pouvoir discrétionnaire temporaire ; il pouvait beaucoup tolérer, faire des concessions administratives ; mais il se garde de rien faire ; pourquoi ? Parce que le clergé lui tient cet incroyable langage :
« Si vous instituez les écoles normales laïques prévues par la loi, je vous retire mon concours. » (Interruption.) Encore une fois, ne niez pas.
Je vous cite la réponse des évêques de Belgique à M. le ministre Nothomb, qu'ils répétèrent plus tard à M. Van de Weyer. Ce qu'ils disaient à M. Nothomb, nous le lisons dans cette fameuse correspondance épiscopale, que la chambre de 1847 a fait imprimer aux Documents parlementaires.
En 1845, sous le ministère de l'honorable M. Vande Weyer, la ville de Gand veut organiser des cours normaux auprès de son école primaire supérieure ; l'évêque rappelle à M. Van de Weyer la déclaration de tous les évêques de la Belgique, que si des cours normaux sont adjoints, conformément à la loi de 1842, aux écoles primaires supérieures, le clergé retirera son concours à l'exécution de la loi. Cela est écrit dans une lettre du 30 août 1845. Et qu'on ne dise pas que ce que je viens de rappeler, quant à la nomination des instituteurs, a été, à une époque quelconque, contesté.
Oui, les instituteurs ont été nommés d'abord et exclusivement avec la permission du clergé pour la première organisation.
Les documents de 1847, que je tiens à la main, le document auquel je viens d'emprunter quelques citations, le prouve. Le fait a été reconnu solennellement dans cette même séance du 13 décembre 1847, où l'honorable M. Le Hon est venu lire ces lettres stupéfiantes, où le gouvernement rappelait son obéissance aux évêques en termes inouïs. Là, dans un passage bâtonné par pudeur sur la minute, mais vrai, exact au fond, un ministre avouait, par exemple, ceci :
« Un père de famille se livrant avec succès à l'enseignement depuis plus de trente ans, estimé de tous les habitants, fortement appuyé par l'autorité locale, a été sacrifié au protégé de Votre Grandeur. »
Cet homme était tellement irréprochable, la note le disait encore, que l'honorable M. de Decker se portait garant pour lui, et nonobstant, le protégé de Sa Grandeur a été préféré.
L'exemple, messieurs, n'est pas unique. La lettre à laquelle je l'emprunte est une espèce de circulaire adressée à tous les évêques. Un paragraphe spécial rappelait les gracieusetés dont chacun d'eux avait été l'objet particulier de la part de M. le ministre de l'intérieur, et ce paragraphe spécial contient un avec un peu moins cru que celui du passage bâtonné en minute, mais quant au fond c'est identiquement la même chose.
Rappelons-le-nous maintenant, messieurs, ces écoles normales de l'Etat devaient être organisées immédiatement.
L'honorable M. Rogier qui siégeait en 1842 sur les bancs de l'opposition se défiait de la concurrence que feraient à la loi de 1842 les écoles normales du clergé, il prévoyait que rien de sérieux ne serait fait aussi longtemps que l'exécution de la loi appartiendrait aux chefs des diocèses et il avait proposé d'inscrire dans la loi le mot « immédiatement » que son texte primitif ne contenait pas. Le mot fut encore une des concessions libérales obtenues à cette époque. Le mot oui, mais la chose n'est pas venue. Vous l'allez voir.
(page 813) Les écoles normales de l'Etat furent organisées les dernières ; le clergé, nanti des siennes, vint dire : Je m'oppose à l'organisation de vos écoles normales laïques. Elles produiront trop d'élèves et ne laisseraient plus de débouché aux élèves sortis de nos écoles cléricales.
L'honorable M. Nothomb a répondu à ces craintes dans une lettre adressée au cardinal-archevêque de Malines, le 13 mai 1844. Avant de vous lire cette réponse, permettez-moi de vous rappeler le langage du ministre à la gauche dans la discussion de la loi de 1842.
Votez la loi, disait-il à la gauche. J'ai deux écoles normales. Elles sont organisées de telle manière que, d'après les besoins probables d'instituteurs communaux, elles fourniront, chaque année, les deux tiers des sujets nouveaux et les écoles normales du clergé un tiers.
Les libéraux, sur la promesse du ministre, acceptent la transaction. Et lorsque en 1844 les évêques s'élèvent contre la concurrence des pépinières de l'Etat, l'honorable M. Nothomb leur répond :
«D'après ce que j'ai annoncé dans la discussion de la loi, les écoles normales du gouvernement fourniront et deux tiers les écoles normales du clergé un tiers des instituteurs à recruter annuellement. « Puis, et ici je lis textuellement :
« Si le gouvernement avait maintenu cette proportion dans l'exécution, on pourrait dire qu'il s'est fait une large part, mais non pas qu'il a dépassé les bornes indiquées par lui-même.
« Mais dans l'application le gouvernement a renversé la proportion et l’a encore même forcée en faveur des écoles du clergé. ».
Ici vient toute une page de chiffres et d'opérations mathématiques pour démontrer que, renversant, comme on l'a dit, ce qu'on avait promis à la gauche en 1842, sous le rapport du recrutement des instituteurs, les écoles normales du clergé fourniraient annuellement 127 instituteurs, tandis que les écoles normales de l'Etat, en y joignant les cours normaux qu'on avait organisés sur le papier et les écoles primaires supérieures, n'en fourniraient que 68 par année.
Voilà, messieurs, le langage qui se tenait dans la correspondance administrative et occulte du gouverneur chargé de l'exécution franche de la loi de 1842, avec les évêques dont on voulait obtenir le concours.
Ce langage est complètement l'inverse de celui qu'on tenait publiquement à la Chambre.
Et vous parlez encore d'exécution loyale de la loi de 1842 ! Vous parlez de déloyauté, M. Dechamps, et c'est à nous que vous adressez une pareille offense !
Mais souvenez-vous, M. Dechamps, des discussions qui, chaque année, depuis 1842 jusqu'en 1847, ont accompagné le vote du budget de l'intérieur. Souvenez-vous des membres éminents de cette partie de la gauche qui avaient voté la loi de 1842. Entendez-les à chaque discussion de ce budget vous dire : Telle promesse que vous avez faite, vous ne la tenez pas ; telle autre, vous refusez de la tenir. Qui donc était loyal ?
Et maintenant vous vous étonnez à droite que dans l'opinion libérale il se rencontre des hommes rendant la loi de 1842 responsable de la manière dont elle a été exécutée par vous tant que vous avez été au pouvoir ! Vous vous étonnez que l'on confonde ce qui appartient à ceux qui ont fait fonctionner la loi avec ce qui appartient à ceux qui en ont voté le texte !
Et remarquez avant d'aller plus loin, pour parler de la déloyauté de la gauche dans l'exécution de la loi de 1842, vous attendez depuis 1847 jusqu'en 1862.
Pendant toute cette longue période vous vous taisez. Aucun de vous ne songe à dire qu'un ministère libéral viole les promesses faites au nom de la gauche.
Vous parlez de loyauté ! Permettez-moi de vous le dire franchement, je m'étonne du moment et surtout de la tardivité de l'heure que vous choisissez pour parler de vos griefs.
Je m'en étonne lorsque je me place en face de l'intérêt que vous pouvez avoir dans le fond de la question. Mais je ne m'en étonne plus lorsque au lieu de voir dans vos critiques et dans vos attaques de 1862 le désir de maintenir la loi de l'instruction primaire telle que vous avez prétendu qu'elle avait été votée, je n'y vois qu'une arme de guerre, une arme de parti. Je ne m'en plains pas d'ailleurs. C'est votre droit de parti que vous pratiquez. Opposition, vous devez chercher à faire tomber la majorité, vos adversaires politiques. Vous savez que la question que vous soulevez est une question difficile pour l'opinion libérale. Vous savez qu'elle suscite des dissentiments entre nous, ici sur l'opportunité des réformes, là sur la nécessité même de ces réformes.
Vous le savez, c'est là une de ces questions qui, dans un parti comme le parti libéral où chacun ne relève que de lui-même, où chacun conserve son droit de libre examen, où l'on ne se soumet à aucune espèce d'ordre supérieur, que c'est une question délicate, ardue, brûlante et que soulevée à l'improviste, sans maturité, elle peut avoir pour résultat de décomposer et même d'anéantir le parti.
Mais, si c'est là votre désir, si c'est là votre espérance, je vous dis d'avance qu'ils seront trompés. La sagesse de l'opinion libérale vous donnera un éclatant et solennel démenti.
En douteriez-vous ?
Comprenez-le bien, messieurs de la droite, ce n'est pas au sein de cette Chambre et devant nos adversaires politiques que pareille affaire se traitera entre nous membres de la gauche.
A propos de ces discussions intestines de parti dans une autre circonstance importante où il fallait aussi diviser la majorité libérale, pour la faire tomber, mon honorable ami, M. le ministre des finances, vous disait : Laissez là ces questions qui ne vous regardent pas ; nous les traiterons entre nous.
M. B. Dumortier. - En conseil de guerre.
M. Orts. - En conseil de guerre, j'allais le dire, M. Dumortier. Le mot était juste ; il vous est resté dans la mémoire et je ne le répéterai pas aujourd'hui puisqu'il vous blesse ; mais je vous en donnerai un autre. Nous traiterons ces questions, messieurs, en conseil de famille ; nous les traiterons à notre convenance, à notre heure, et j'en suis persuadé, elles ne seront jamais dans ce conseil décidées à votre satisfaction.
Pourquoi donc vous mêlez-vous de nos affaires ? Je vais vous le dire encore :
Vous voulez arriver à un résultat pratique très simple, que tout le monde prévoit et qu'on peut indiquer du doigt sans indiscrétion. Il n'y a' pas de diplomatie à faire sur un pareil terrain. Vous voulez en venir : ou bien, en nous forçant de résoudre entre nous cette question, à nous diviser, à nous affaiblir ; ou bien à donner, sur la question même, une prépondérance à l'une des deux opinions qui existent au sein du parti libéral. Et cette prépondérance, au fond de votre âme, vous espérez, vous désirez qu'elle appartienne aux partisans de la révision la plus complète de la loi.
Ce dernier résultat surtout serait pour votre parti une excellente chose, une chose plus excellente encore que d'avoir affaire, en 1863, lors des élections, au parti libéral divisé.
En face des partisans de la révision, vous diriez au pays : Les hommes qui maintenant représentent le libéralisme, ces hommes-là veulent le prêtre hors de l'école, le prêtre hors de l'église, vu la législation future sur lzs fabriques d'église et sur les établissements religieux ; ce sont gens qui rappellent Van Maanen, Joseph II et Guillaume Ier. Ces noms font bien dans une proclamation électorale ; on croit à ces énormités en temps d'élections où le public a la fièvre, et cette fièvre crédule facilite singulièrement la besogne de ceux qui les dirigent. Voilà votre désir, voilà la perspective que vous entrevoyez pour le mois de juin 1863, et c'est pour cela que vous vous plaignez en 1862 d'abus énormes, excessifs que vous n'aviez pas aperçus depuis 1847.
Ils se révèlent tout à coup à vos yeux ! la lumière se fait après quinze ans de ténèbres.
Sans doute, depuis 1847, nous travaillons, nous, hommes de la gauche, à restituer à la loi de 1842 son caractère de sincérité vis-à-vis de l'opinion libérale qui l'a votée. Partisan du maintien de la loi, j'en conviens et je n'en fais point mystère, je ne veux pas que la transaction ne profite qu'à une seule des deux parties qui l'ont acceptée. Autrement conçue, il n'y a plus de transaction, mais un marché de dupes.
Et maintenant, quel est votre grief ?
Je ne veux pas, messieurs, passer en revue et discuter dans tous leurs détails les doléances de l'honorable M. Dechamps ; mais je lui dirai : En somme, vous vous plaignez très fort de ce que nous voulons, nous, une école communale, une école appartenant à la commune, dans la plus large acception du mot, pour chaque commune de la Belgique ; nous ne voulons dispenser de cette obligation que les communes trop pauvres pour pouvoir la remplir d'une manière convenable.
Vous préférez que la commune se décharge du soin d'avoir un enseignement primaire sur des corporations enseignantes. Au fond, c'est à cela que se résume toute votre théorie, tout votre acte d'accusation ; car, n'était la question des corporations enseignantes, vous ne vous plaindriez pas davantage de l'application que fait le gouvernement de l'article 10 de la loi en donnant la préférence aux élèves des écoles normales.
En voulez-vous la preuve ? Je la tire de votre passé.
Aussi longtemps que le clergé a cru pouvoir bourrer exclusivement les écoles primaires d'élèves sortis de vos propres établissements normaux, personne à droite n'a songé à se plaindre de ce que les corporations enseignantes ne parvenaient pas à envahir les écoles publiques, à obtenir des subsides sur la caisse communale.
(page 814) Mais aujourd'hui que cet état des choses à complètement changé, aujourd'hui que la prépondérance vous échappe ou tend à vous échapper par suite du développement des écoles normales de l’Etat, vous vous plaignez dans les termes les plus amers. Abstraction faite de toute autre considération, votre attitude chaque fois qu'il est question de renforcer les moyens de recrutement du personnel civil de l’enseignement primaire le prouve.
Il y a deux ans, j'avais avec deux de mes honorables amis, MM. E. Vandenpeereboom et Muller, si je ne me trompe, demandé une petite augmentation de 10,000 francs pour tâcher de créer une école normale civile dans les Flandres qui n'en ont pas.
M. E. Vandenpeereboom. - 12,000 francs.
M. Orts. - Soit ; je sais que ce n'était pas lourd. Eh bien, on craint tellement à droite la concurrence que tous vous avez voté, comme un seul homme contre cette faible augmentation de crédit.
Je le répète, messieurs, aussi longtemps que vous avez cru tenir, par vos écoles normales, le monopole du personnel enseignant des écoles primaires, vous ne vous êtes pas plaints. Aujourd'hui, cette ressource vous échappe, vous sentez que la concurrence avec les établissements de l'Etat n'est plus possible ; il faut se plaindre d'autre chose ; et de quoi ? De ce que les corporations religieuses sont assujetties aux prescriptions de la loi ; comme si, par cela seul qu'elles sont corporations religieuses, elles pouvaient être dispensées de l'obligation imposée aux instituteurs laïques !
SI nous venions, nous, à gauche, au nom d'une corporation enseignante civile, demander pour les membres de cette corporation le privilège de pouvoir enseigner bien qu'ils ne soient point pourvus d'un diplôme, que diriez-vous, que répondriez-vous à une pareille demande ?
Probablement ce que nous répondons nous-mêmes à la prétention identique que vous élevez aujourd'hui. Ou plutôt vous nous diriez plus crûment : Votre prétention n'a pas l'ombre du sens commune ! Et vous auriez raison.
Je ne veux pas me servir envers vous d'un pareil langage, aussi vrai que peu parlementaire ; je me borne à déclarer votre prétention extraordinaire. Il est extraordinaire en effet de prétendre que, par cela seul qu'on fait partie d'une corporation religieuse on aurait droit à une position' privilégiée.
Je ne conteste pas que les corporations enseignantes ne rendent des services à l'instruction, et je serais le premier à les défendre si on les attaquait en leur refusant la liberté d'enseigner, qui appartient à tous les citoyens ; je les défendrais avec vous parce que la liberté c'est le patrimoine de tous, et que je la veux pour les corporations comme pour les individus. Mais du moment où il s'agit de faire conquérir à leurs membres la position d'instituteur communal à d'autres conditions que celles imposées par la loi aux individus, je ne marche plus avec vous, et je vous combats. Votre prétention n'est pas admissible, elle n'est pas sérieuse. Vous ne pouvez vouloir que, par cela seul qu'on porte un habit autre que celui des instituteurs laïques, par cela seul qu'on appartient à une corporation au lieu d'être simple particulier dégagé de tout lien, on puisse devenir instituteur communal sans passer par l'école normale ; lorsque tous les Belges sont tenus d'aller y gagner leur diplôme de capacité.
J'ai donc le droit de proclamer vos plaintes tardives ; j'ai le droit de dire que je les crois factices en les voyant reproduites aujourd'hui, tandis que vous vous êtes tus pendant les dernières années, et je puis ajouter qu'au fond, en vous exprimant comme vous le faites, vous pensez beaucoup plus à 1863 que vous ne pensez à 1842.
- Plusieurs membres. - A demain !
- D'autres membres. - La clôture.
.M. Dechamps. - Je demande la parole.
M. le président. - La section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi présenté par M. Guillery, sur la composition des cours d'assises, n'est plus complète ; il y manque un membre par suite du décès de M. Deliége. La Chambre consent-elle à ce que le bureau se charge de compléter cette section ?
- Plusieurs voix. - Oui, oui !
M. le président. - M. Dechamps a demandé la parole ; c'est pour une motion d'ordre, sans doute ?
.M. Dechamps. -Non, M. le président ; je désirerais répondre quelques mots à l'honorable M. Orts.
- Plusieurs voix à gauche. - Parlez, parlez !
.M. Dechamps. - Je n'ai que peu de chose à dire et je ne rentrerai pas dans le fond du débat.
M. le président. - Vous avez la parole.
.M. Dechamps. - J'avais espéré que l'honorable M. Orts, qui s'est déclaré plusieurs fuis partisan de la loi de 1842, en opposition avec plusieurs de ses amis, serait entré dans la discussion que nous avons soulevée sur la manière dont la loi est éventée et nous eût éclairés de ses lumières sur des questions importantes si en rapport avec ses études. M. Orts ne l'a pas lait, et je ne sais pas encore ce qu'il pense de la réforme administrative contre laquelle nous nous élevons.
M. Orts. - M. le ministre de l'intérieur m'en a suffisamment dispensé par la réponse qu'il vous a faite.
.M. Dechamps. - L'honorable ministre a porté le débat sur un tout autre terrain. Lui qui m'a fait le reproche un jour de revenir souvent sur les idées que je défends, il me permettra de lui dire à mon tour que le discours qu'il vient de prononcer n'est pas nouveau non plus ; je me souviens de l'avoir entendu plusieurs fois déjà. En 1856, il a renouvelé tous ces vieux griefs contre l'auteur de la loi de 1842, l'honorable M. Nothomb. Ces faits-là ont été discutés plusieurs fois dans cette enceinte et cette correspondance confidentielle citée à la tribune, parmi laquelle un projet de lettre supprimé et désavoué par le ministre a été invoqué contre lui, cette correspondance a témoigné contre ses adversaires et non contre lui.
L'honorable M. Orts vient de dire qu'il n'était pas étonnant que l'opinion libérale ait rendu la loi de 1842 responsable de la manière partiale, à ses yeux, avec laquelle elle avait été exécutée en 1843 ; ce serait donc une revanche que l'on prendrait aujourd'hui contre les griefs de 1843...
M. Orts. - J'ai dit que c'était votre faute.
.M. Dechamps. - Bien ; mais c'est donc une revanchc ; on ferait de la partialité aujourd'hui, parce que vous supposez que nous en avons fait autrefois.
A votre point de vue même, cela serait-il juste et digne ?
Messieurs, l'honorable membre a rappelé que les inspecteurs ecclésiastiques avaient été rétribués par le budget.
Je crois que personne ne s'est opposé à ce que cette mesure fût adoptée ; elle n'était pas inscrite dans la loi, mais elle y était supposée. D'ailleurs, c'est une question de trop mince importance pour s'y arrêter.
L'honorable M. Orts a rappelé que quand il s'est agi de la nomination des inspecteurs civils, le gouvernement s'était mis d'accord avec les évêques sur les choix à faire. Il oublie d'ajouter qu'on s'est mis également d'accord sur les nominations à faire par les évêques.
Il n'y a là rien d'étonnant ; c'était une loi de conciliation, d'entente et non une loi de lutte et d'hostilité ; ces mesures d'harmonie et d'entente adoptées pour l'exécution de la loi ne peuvent être considérées comme des griefs ; cela devait être, le ministre ne s'en est jamais défendu, il a dit que la loi reposant sur l'alliance entre le pouvoir civil et le clergé, pour fonder ensemble une œuvre durable, cette entente dans l'exécution de la loi était non seulement légitime, mais nécessaire.
Pour vous, qui rêvez la rivalité, la concurrence et l'hostilité, je comprends que ce soit là un grief, mais pour ceux qui ont accepté la loi de 1842 comme une transaction et une œuvre sociale, ce n'en est pas un.
L'honorable membre a renouvelé un vieux grief sur les écoles normales et sur les cours normaux ; on y a répondu cent fois. Les écoles normales épiscopales préexistaient ; celles de l'Etat ont été établies plus tard ; cela devait être ; on a mis trop de temps, d'après l'honorable député de Bruxelles, à les organiser ; je ne le pense pas ; ces écoles sont excellentes ; il n'y en a pas peut-être de meilleures eu Allemagne et en France, sauf la tendance à exagérer leur programme, ce sur quoi je reviendrai plus tard ; elles sont citées comme modèles à l'étranger ; si on a mis trop de temps à les fonder, ce que je ne crois pas, on a réussi et le succès absout.
Vos plaintes sont bien tardives, a dit l'honorable membre, vous avez attendu jusqu'à présent pour les produire. J'ai dit que c'était successivement, lentement, sans bruit, à l'insu de l'opinion, que les faits s'étaient produits et que ce n'était que par la publication du dernier rapport triennal que nous avilis compris dans son ensemble le système nouveau que nous combattons.
L'honorable membre nous accuse de faire de ce débat une spéculation politique en vue des élections de 1863. Notre but, dit-il, est un but politique. C'est une erreur ; si nous avions pu éviter cette discussion, nous l'aurions fait ; beaucoup de mes amis m'ont déconseillé d'engager ce débat. Je comprenais que j'allais faire au gouvernement et à nos adversaires une position facile à exploiter.
II pourra se placer entre les partisans de la réforme légale et les adversaires de la réforme administrative, et se faire en apparence une position de juste milieu et de modération qui au fond n'existe pas. Les adversaires de la loi de 1842, de leur côté, pourront s'armer de nos griefs et dire que puisque la loi dont ils repoussent le principe ne convient plus (page 815) à ses partisans, à cause de la manière dont on l'interprète et on l'exécute, mieux vaut l'abandonner,
Nous avons compris cet inconvénient ; aussi, sans le rapport triennal, nous nous serions tus ; il y avait à craindre aussi d'engager le ministère plus avant qu'il ne l'est dans la mauvaise voie où il se trouve ; j'aurais préféré qu'il fût possible d'exercer sur lui une influence officieuse, toujours mieux acceptée. Mais en présence du rapport triennal, le silence était impossible ; il eût été une adhésion que notre conscience se refusait à donner.
Je n'ai plus qu'un mot à répondre à l'honorable M. Orts. Pour les congrégations religieuses, dit-il, vous demandez l'exemption de l'examen et du diplôme, vous exigez un privilège. Mais c'est le contraire que nous demandons, nous demandons le droit commun. Nous prétendons que la commune conserve son libre choix entre le candidat diplômé et celui qui ne l'est pas ; mais lorsqu'il s'agit d'un religieux, nous acceptons l'examen et l'agréation comme pour tous les autres ; pas de privilège, mais le droit commun.
- Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !
M. B. Dumortier. - Je demande la parole contre la clôture. J'ai cédé mon tour à M. Orts, je suis certain qu'il sera le premier à demander qu'on me laisse parler.
M. Orts. - Certainement.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je crois qu'il serait utile que je répondisse au discours de l'honorable .M. Dechamps.
- La discussion est continuée à demain.
La séance est levée à 5 heures dix minutes.