(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)
(page 429) (Présidence de M. Vervoort.)
M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart,.
M. de Moor, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Florisone, secrétaire, présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Kangister demande une pension ou un secours en faveur du sieur Ophtiende, ancien militaire. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants de Liège demandent qu'il soit alloué des fonds pour améliorer l'armement de la garde civique. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.
« Des habitants de Beaumont demandent la construction d'un chemin de fer de Frameries-Peissant ou de Manage, Thuin à Beaumont et Momignies. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« L'administration communale d'Esschen demande la révision de la loi du 18 février 1845 relative au domicile de secours.
« Même demande de l'administration communale de Lillo. »
- Même renvoi.
« Le sieur Letoret prie la Chambre de statuer sur le rapport de la commission instituée par le gouvernement le 18 avril 1860 pour examiner et déterminer quelle part revient au sieur Fafchamps dans l'invention et la propagation des machines à traction directe destinées à l'épuisement des mines et demande qu'elle se prononce sur l'objet de sa lettre du 25 avril 1860. »
M. Allard. - Messieurs, je demande que cette pétition soit renvoyée à la commission d'industrie.
C'est une question toute spéciale que celle qui a été soulevée dans cette enceinte au sujet de l'invention de la machine d'exhaure à traction directe et je crois que la commission d'industrie est compétente pour l'examiner.
M. de Moor. - J'appuie la proposition de l'honorable M. Allard, c'est-à-dire le renvoi à la commission d'industrie de la pétition du sieur Letoret.
- Cette proposition est adoptée.
« Le sieur Spoelberghs, ancien vérificateur de première classe, réclame l'intervention, de la Chambre pour obtenir une pension ou du moins qu'elle soit accordée à sa femme. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants de Liège demandent la division de la garde civique en deux bans. »
- Même renvoi.
« M. le ministre de la justice fait hommage à la Chambre d'un exemplaire du cahier contenant les circulaires de son département pendant l'année 1860. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. le ministre des travaux publics transmet à la Chambre des modifications à son budget de 1862. »
- Impression, distribution et renvoi à la section centrale chargée d'examiner ce budget.
« M. Thienpont demande un congé pour cause de maladie. »
- Accordé.
Première section
Président : M. Van Leempoel
Vice-président : M. Laubry
Secrétaire : M. de Boe
Rapporteur de pétitions : M. Braconier
Deuxième section
Président : M. de Naeyer
Vice-président : M. Crombez
Secrétaire : M. Mouton
Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt
Troisième section
Président : M. J. Jouret
Vice-président : M. de Gottal
Secrétaire : M. de Florisone
Rapporteur de pétitions : M. Hymans
Quatrième section
Président : M. Grandgagnage
Vice-président : M. Magherman
Secrétaire : M. Orban
Rapporteur de pétitions : M. Carlier
Cinquième section
Président : M. de Renesse
Vice-président : M. Kervyn de Volkaersbeke
Secrétaire : M. Tack
Rapporteur de pétitions : M. Van Renynghe
Sixième section
Président : M. de Bronckart
Vice-président : M. Moncheur
Secrétaire : M. Notelteirs
Rapporteur de pétitions : M. Verwilghen
M. Sabatier fait rapport sur le projet de loi autorisant l'admission en franchise de droits d'entrée des matériaux destinés à la construction et à l'armement des navires.
« Art. 20. Abonnement au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation : fr. 3,000. »
- Adopté.
« Art. 21. Publication d'un recueil des anciennes lois des Pays-Bas autrichiens, de la principauté de Liège et d'autres pays, dont le territoire est compris dans le royaume de Belgique ; publication d'un recueil d'instructions-circulaires émanées du département de la justice, depuis la réunion de la Belgique à la France, en 1795 ; impression d'avant-projets de lois et autres documents législatifs ; frais de route et autres des membres des commissions de législation : fr. 15,300. »
- Adopté.
« Art. 22. Traitement d'employés attachés à la commission royale de publication des anciennes lois, nommés par le gouvernement : fr. 2,940. »
- Adopté.
« Art. 23. Pensions civiles : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 24. Secours à des magistrats et à des employés près des cours et tribunaux, ou à leurs veuves et enfants mineurs qui, sans avoir droit à une pension, ont des titres à un secours, par suite d'une position malheureuse : fr. 11,800. »
- Adopté.
« Art. 25. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés de l'administration centrale du ministère de la justice, ou des établissements y ressortissant, qui se trouvent dans le même cas que ci-dessus : fr. 1,700. »
- Adopté.
« Art. 26. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés des prisons, se trouvant dans le même cas que ci-dessus : fr. 3,000.’
- Adopté.
« Art. 27. Clergé supérieur du culte catholique, personnel enseignant et dirigeant des grands séminaires, à l'exception de celui de Liége : fr. 311,700. »
(page 430) M. Orts. - A l'occasion du chapitre du budget qui se rapporte aux cultes, j'aurais à adresser à M. le ministre delà justice une question à laquelle il ne lui sera pas difficile, je pense, de répondre.
Le discours du trône annonce la présentation d'un projet de loi vivement attendu par l'opinion publique : le projet relatif à l'administration des biens consacrés au temporel des cultes.
Je demanderai à M. le ministre de la justice s'il entre dans les intentions du gouvernement de comprendre dans ce projet de loi la matière des cimetières. La législation des cimetières donne depuis longtemps, eu Belgique, lieu â des conflits regrettables, à des abus incontestés. J'attendrai la réponse de M. le ministre de la justice,
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, jusqu'à présent, le gouvernement n'a pas délibéré sur la question de savoir si le projet de loi relatif au temporel des cultes comprendrait des dispositions relatives aux cimetières. L'honorable M. Orts n'ignore pas que le décret de 1809 ne s'occupe pas des cimetières ; il sait que cette législation fait l'objet d'un décret particulier.
Je ne puis pas, messieurs, m'expliquer en ce moment sur la question posée par l'honorable M. Orts, mais je dois dire que la législation sur les fabriques d'église qui n'a d'autre objet que de régler le temporel du culte, ne me paraît pas devoir comprendre les dispositions relatives aux cimetières, qui se rattachent à un autre ordre d'idées ; je crois au surplus que le décret de l'an XII ne présente pas autant de lacunes qu'on le dit et qu'il y a moins d'urgence qu'on le prétend, à réviser la législation actuelle.
Toutefois, je le répète, aucune décision n'est prise sur cette question, qui fera l'objet d'un examen ultérieur de la part du gouvernement.
M. Orts. - Je sais, comme M. le ministre de la justice vient de le rappeler, que le décret concernant l'administration des biens de fabrique ne s'occupe que très accessoirement des cimetières. Je sais que la matière des cimetières est l'objet de règlements, de dispositions législatives spéciales.
Mais je sais aussi que la question ne se présente pas précisément dans des termes aussi simples que M. le ministre paraît le croire, et que la jurisprudence belge a quelque peu modifié la situation.
En effet, messieurs, la Chambre ne l'ignore pas, c'a été une question longtemps et vivement controversée que celle de savoir si en Belgique les cimetières anciens appartenaient aux communes ou aux fabriques d'église : des décisions judiciaires contradictoires se sont produites, mais la majorité de nos cours d'appel et la cour de cassation se sont prononcées en faveur des fabriques d'église. De sorte que, aujourd'hui, dans l'état de la législation ou plutôt dans l'état de la jurisprudence, les cimetières anciens en Belgique, à la différence de ce qui existe en France, d'où nous est venue la législation primitive, appartiennent aux fabriques.
A raison de cette circonstance, il me semblait naturel de s'en occuper à propos de la question du temporel des cultes et des biens de fabrique.
D'ailleurs, le produit des concessions dans les cimetières, outre le revenu spontané de ces cimetières, revient pour une part aux fabriques d'église et contribue à augmenter leurs revenus.
Je n'y vois aucune espèce d'inconvénient ; au contraire, je désire que les revenus des fabriques augmentent, par l'excellente raison que si les fabriques n'ont pas un revenu suffisant, c'est aux communes de pourvoir à l'insuffisance. C'est donc à la décharge des finances communales que les finances des fabriques s'améliorent.
M. le ministre de la justice a ajouté, et ici je ne puis pas partager complètement son opinion, que, dans sa pensée, la législation actuelle sur les cimetières ne présente aucune espèce d'abus, et qu'elle est suffisante.
Je crois que cela n'est pas précisément exact ; je crois que M. le ministre de la justice se fait illusion, que la situation est bien plus grave qu'il ne le suppose et qu'il est à la veille de se trouver, faute d'une solution législative, devant des conflits excessivement pénibles, excessivement délicats.
Elle me permettra de lui en indiquer quelques-uns. Je laisse de côté, bien entendu, les questions qui touchent aux cérémonies du culte dans les inhumations, aux cas de refus de sépulture par le clergé. Je ne m'occupe que du côté matériel, et je dis que grâce à la jurisprudence qui a attribué à la fabrique la propriété des anciens cimetières, nous sommes en présence de difficultés très grosses, très sérieuses qui nécessiteront une décision législative.
En voici une première. Le développement de la population des grandes villes amène la nécessité de l'agrandissement des cimetières. Le fait se produit à Bruxelles et ailleurs ; l'agrandissement des anciens cimetières et la création des cimetières nouveaux sont une charge communale ; que les cimetières anciens appartiennent aux fabriques d'église, aux communes ou à des particuliers, ce qui existe aussi, quoique exceptionnellement, l’établissement de cimetières nouveaux comme l'agrandissement des anciens est, je le répète, une charge communale.
Les communes sont disposées à acheter des terrains soit pour créer des cimetières nouveaux, soit pour agrandir les cimetières anciens ; mais les fabriques réclament le monopole des cimetières, elles prétendent que les communes ne peuvent pas agrandir les anciens cimetières en y adjoignant des propriétés communales, que les communes n'ont pas le droit de créer des cimetières nouveaux sur leur propriété, lorsque les fabriques offrent d'agrandir ou de créer à leurs frais.
On va jusqu'à refuser de bénir les cimetières qui seraient acquis par les communes dans ces conditions.
C'est là une très grosse question ; je désirerais la voir trancher législativement, parce qu'une décision législative mettrait fin à toutes les difficultés une fois pour toutes.
Le maintien de l'état actuel des choses crée des conflits et exige pour chacun une solution spéciale à chacun de ces conflits, la question est l'objet d'un travail qui pourra présenter des solutions différentes suivant l'esprit qui présidera au ministère de la justice, suivant les temps et le hommes. Une solution unique et conforme me paraît désirable.
Ce n'est pas tout. Les fabriques d'église poussent leurs prétentions jusqu'à refuser à l'autorité communale le droit de police et de surveillance dans les cimetières qui ne sont pat situés sur le territoire de la commune : une solution judiciaire va être réclamée par la ville de Bruxelles pour résoudre une contestation de ce genre.
Déjà, en 1859, le chef du corps municipal se trouvait en lutte avec l'Eglise à raison d'inhumations et d'exhumations faites sans le concours de l'autorité communale, parce que le terrain du cimetière était en dehors du territoire de la commune de Bruxelles.
Une dénonciation, une plainte formelle a été adressée au parquet par M. Ch. de Brouckere.
Voilà un second point que je signale à l'attention du gouvernement comme important.
L'oubli des prérogatives, des devoirs de la commune a été poussé si loin en cette matière qu'il s'est passé un fait plus anomal, plus singulier encore. Aux portes de Bruxelles, une commune a vendu ses droits sur le cimetière qui lui appartenait au profit de la fabrique et s'est interdit le droit de créer à jamais un autre cimetière sur son territoire. Ce contrat a été sanctionné par arrêté royal, contresigné, si je ne me trompe, par l'honorable M. de Theux : toute cette convention exhale une odeur d'affaire de boutique au premier degré. On a voulu empêcher la concurrence dans la perception des droits d'inhumation et tuer à l'avance tout établissement rival.
Pareille convention est contraire à l'ordre public comme à la loi ; et pourtant elle a été faite et sanctionnée.
Je pourrais descendre à d'autres détails, mais je m'arrête. Comme je l'ai dit en commençant, je n'ai voulu indiquer que les plus grosses questions pour montrer les abus et les conflits et ménager les instants de la Chambre.
(Addendum, page 441) Dans un état de choses pareil, j'engage M. le ministre de la justice à vouloir bien se pénétrer des idées qui inspiraient son prédécesseur au département, l'honorable M. de Haussy, lorsque déjà, en 1849, il croyait indispensable de réviser la législation sur les cimetières et nommait une commission dont j'ai eu l'honneur de faire partie et qui m'a fait, elle, l'honneur plus grand de me choisir pour son rapporteur.
(page 430) M. B. Dumortier. - Il ne suffit pas que quelques difficultés existent entre une commune et une administration quelconque pour que d'emblée on considère la situation comme pleine d'abus et telle qu'il faudrait une loi nouvelle pour la modifier ; qu'il faudrait, à cause de deux ou trois faits, tout bouleverser.
Si l'on adoptait ce système, vous n'auriez plus de loi. Toute loi que l'on ferait, serait remise le lendemain en question, et il faudrait en faire une nouvelle. Car il n'existe pas de loi qui, dans l'application, ne donne lieu à des procès et comme on voudrait éviter les procès, il faudrait toujours de nouvelles lois. Jamais vous n'auriez de loi qui aurait une durée fixe.
Voilà les conséquences du système dans lequel verse l'honorable préopinant.
Mais, dites-vous, la situation actuelle offre d'immenses dangers. Car ii y a une commune dans laquelle le clergé d'une paroisse déclare que si la commune acquiert un cimetière et veut en avoir la propriété, il refusera de bénir la terre. Eh bien, je suppose que ce fait soit, allez-vous, par une loi forcer le curé à bénir la terre ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Du tout !
M. B. Dumortier. - Je suis heureux d'entendre l'honorable M. Frère dire : Pas du tout. Mais ce n'est pas à M. Frère que je pose cette question, c'est à l'honorable M. Orts.
L'honorable M. Orts indique cela comme un grief, comme un motif pour changer la loi.
(page 431) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais non !
M. B. Dumortier. - Laissez-moi parler.
Eh bien, la loi nouvelle, quelle sera sa sanction ?
Mais ce sera de forcer le curé à venir bénir la terre.
Eh bien, si vous avez besoin d'une terre bénie pour y reposer, c'est que vous croyez en l'Eglise et alors ne cherchez pas à vous prévaloir contre elle.
Si, au contraire, vous n'avez pas besoin de la bénédiction du prêtre, moquez-vous-en comme vous vous moquez de l'Eglise. Mais nous qui croyons à l'Eglise, nous aimons que la terre dans laquelle nous devons reposer un jour soit bénie de la main du Dieu que nous servons.
Messieurs, ce système de vouloir tout bouleverser dans toutes les questions civiles qui ont des rapports avec les questions religieuses, ne constitue qu'une seule chose : un véritable système de persécution. On a voulu d'abord contester la propriété des cimetières aux fabriques d'église ; on a soutenu que la propriété en appartenait aux communes. Qu'ont fait les tribunaux ? Ils ont décidé, et ils ont eu cent fois raison, que les anciens cimetières étaient la propriété des églises. Il suffit d'ouvrir les anciens documents de notre histoire pour voir qu'en définitive ils ont admirablement jugé.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il y a eu des décisions contraires.
M. B. Dumortier. - Il y a eu des décisions contraires ! eh bien, présentez votre loi et nous la discuterons. Mais présentez-la, soyez carré. Nous pouvons nous donner la main sur plus d'un point ; mais je sais qu'en matière de questions religieuses, nous sommes aux antipodes.
Eh bien, présentez votre projet. Le pays n'est pas dans vos idées, croyez-le bien ; la Belgique est un pays de liberté, mais ce n'est pas un pays oc voltairiens, et quand vous viendrez avec vos décrets voltairiens, il vous combattra comme il a combattu le roi Guillaume ; il vous renversera comme il a renversé le roi Guillaume. Le roi Guillaume était plus fort que vous, et il a été renversé. Vous serez aussi renversé pour vos idées voltairiennes.
Messieurs, je me suis procuré, et je regrette de ne pas les avoir avec, moi, les décrets authentiques sur les cimetières, sur les confréries, ces dispositions au sujet desquelles le grand Frédéric disait : « Mon frère le sacristain Joseph II. »
Eh bien, ce sont ces décrets qu'on voudrait faire revivre, que l'honorable M. Frère voudrait remettre à l'ordre du jour dans la Belgique régénérée.
Eh-bien, si vous avez ce système-là, ne prenez pas de détours, ne venez pas parler de notre mère la sainte Eglise pour lui faite le plus de mal possible. Abordez franchement la question, dites : « Je suis ennemi de l'église catholique » comme moi je suis ami de l'église catholique.
Nous sommes dans un pays de liberté et vous êtes assez forts, vous avez assez de talent pour soutenir vos opinions ; eh bien, que ce talent soit appuyé par la franchise, alors nous débattrons la question, et le pays jugera.
M. Orts. - Je demande la parole pour répondre à la question posée par l'honorable M. Dumortier, puisqu'il ne se contente pas de la réponse que lui a faite, en mon nom, mon honorable ami M. le ministre des finances.
On ne vient pas du tout protester, au nom de tout un côté de cette Chambre, contre l'imputation absurde que nous serions les ennemis de l'Eglise catholique.
A une imputation pareille, messieurs, on ne répond que par le silence. Mais je tiens à dire à l'honorable M. Dumortier que je n'entends pas le moins du monde condamner le prêtre à bénir ce que sa conscience lui défend de bénir.
J'ai, sous ce rapport, un profond respect pour la liberté religieuse, je ne m'en suis jamais départi et je ne m'en départirai jamais. Mais je crois que si la loi déclarait que les cimetières nouveaux, créés par les communes, sont la propriété des communes, si on levait le doute qui existe aujourd'hui sur cette question de droit et non de dogme, parce qu'il y a une solution contraire pour les cimetières anciens, le clergé belge, devant cette solution législative, serait assez sage, assez prudent, assez ami de la paix, assez ami du pays, pour suivre l'exemple du clergé français, l'exemple d'une nation chrétienne catholique et dont le chef se pare du titre de fils aîné de l Eglise.
En France, messieurs, les cimetières sont tous propriété communale, les anciens comme les nouveaux.
Le clergé français ne fait aucune difficulté.
J'ai confiance dans la sagesse du clergé belge, et je suis convaincu que si la loi lui donnait tort il se rangerait sous l'autorité de la loi à l'exemple de tous les bons citoyens.
M. B. Dumortier. - Je ne pense que dans le clergé belge il y ait un homme assez déraisonnable pour soutenir que les cimetières nouveaux, achetés par les communes, appartiennent aux fabriques. Il n'est pas nécessaire d'une loi pour dire cela ; car quand les tribunaux ont déclaré que les cimetières anciens appartiennent aux fabriques d'église, ils n'ont fait que sanctionner un fait historique.
Les cimetières anciens appartiennent aux fabriques au même titre que les églises, dont ils étaient la continuation. C'était l'ancien atrium de l'église.
A cette époque, le droit d'asile existait quand on avait mis le pied non pas dans l'église, mais sur le territoire du cimetière. Ainsi le fait qui a été sanctionné par les tribunaux est un fait historique qui a existé en Belgique en vertu de toutes les lois, depuis les capitulaires.
Maintenant, si on crée un nouveau cimetière, c'est évidemment la commune qui le crée qui en est propriétaire. Il est évident qu'une fabrique d'église serait éminemment déraisonnable de venir tenir ce langage à cette commune : « Vous avez acheté de vos deniers un cimetière : vous l’avez consacré aux inhumations des habitants d’une grande ville ; ce cimetière est ma propriété. »
Je suis profondément convaincu que, dans de pareilles circonstances, il n'v a pas un ministre du culte qui se refusât à bénir le terrain du cimetières, en laissant, bien entendu, en dehors de sa bénédiction, la partie réservée aux dissidents et à ceux qui ne veulent pas mourir avec les secoure de la religion catholique ; ceux-là n'ont pas besoin de la bénédiction du prêtre catholique.
M. Goblet. - Messieurs, je ne suis dans cette enceinte ni l'ami, ni l'ennemi de la religion catholique,' pas plus que je ne suis l'ami ni l'ennemi de la religion protestante ou de tout autre culte ; je suis ici pour défendre les intérêts du pouvoir civil dans toute leur étendue, pour défendre, les intérêts et les aspirations de mes concitoyens.
Je crois donc que l'honorable M. Orts a eu parfaitement raison de demander à M. le ministre de la justice d'insérer, dans le projet de révision de la législation sur les fabriques d'église, des dispositions qui tranchent la question si controversée des cimetières ; car si, comme le prétend l'honorable M. Dumortier, il existe des arrêts qui décident la question en sa faveur, je puis, de mon côté, citer d'autres arrêts qui la décident dans notre sens.
Messieurs, il est temps que la loi intervienne, il est temps que cette source de scandale soit tarie et que nous arrivions, par une décision législative, à faire rentrer chacun dans ses attributions el dans ses droits.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je n'ai pas dit que la législation actuelle ne donne lieu à aucune difficulté, ni à aucun abus.
Je suis tous les jours appelé à examiner des difficultés, je suis tous les jours témoin d'abus ; je ne puis donc pas prétendre qu'il n'en existe pas, que la législation actuelle est parfaite.
Mais, messieurs, je me demande, après avoir beaucoup réfléchi à cette matière, si l'on peut faire disparaître ces difficultés ; là est pour moi la question.
Si j'étais convaincu que ces difficultés pussent être aplanies par l'intervention de la législature, je n'hésiterais pas, ne fut-ce que dans l'intérêt du gouvernement, à soumettre un projet de loi aux Chambres. Mais je crois que nous n'éviterons pas les difficultés. Ainsi que vient de le dire l'honorable M. Goblet, il y a sur la propriété des cimetières des arrêts en sens contraire ; ii y a des arrêts qui déclarent les cimetières propriétés des fabriques d'église ; d'autres arrêts les déclarent propriétés des communes. Pouvons-nous saisir la législature de la question de savoir à qui appartiennent les cimetières ?...
M. Orts. - Evidemment non.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Vous reconnaissez qu'il n'y a pas lieu de soumettre la question de propriété à la législature.
Reste donc la question de savoir à qui doivent appartenir les cimetières nouvellement créés.
On semble être d'accord que ces cimetières doivent être la propriété des communes.
M. B. Dumortier. - Quand elles les achètent.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Nous prétendons, nous, qu'elles seules peuvent en acheter.
M. Orts. - C'est là la difficulté.
- Une voix. - C'est la question.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est une question, dit-on. Oui, parce que tout peut être mis en question ; mais pour qui examine la chose d'une manière impartiale et abstraction faite de tout esprit de parti, il est évident qu'en présence du décret de l'an XII, aux communes seules (page 432) incombe l'obligation d'avoir des cimetières, et la nature même de l'intérêt que présente l'existence des cimetières exige qu'il en soit ainsi.
Le cimetière est avant tout une question de salubrité publique, et une semblable question doit évidemment être confiée à la vigilance, aux soins des administrations communales.
Voilà pourquoi les cimetières doivent appartenir aux communes.
M. de Naeyer. - Je n'admets pas la conclusion.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Vous admettez donc qu'un corps exclusivement institué pour gérer le temporel des cultes soit, lui, chargé d'une question qui intéresse la salubrité publique ?
M. de Naeyer. - Pas du tout.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Alors je ne comprends plus. Je prétends que l'existence, la propriété des cimetières présentent des questions de salubrité publique, et qu'à ce titre elles doivent être réservées à la commune et non à un corps moral dont les attributions ne consistent en définitive qu'à régir le temporel du culte. Je crois que la conclusion est des plus logiques,
Telle est du reste la volonté formelle de la loi. La loi impose aux communes l'obligation d'avoir des cimetières. C'est à la commune qu'incombe la dépense.
M. de Naeyer. - Je demande la parole.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Peut-on admettre après cela qu'un autre corps moral, le conseil de fabrique intervienne et se substitue aux obligations de la commune ? Cela n'est pas admissible.
Je dis que sous ce rapport la loi est suffisante. Il résulte du décret du 23 prairial an XII que les communes ont l'obligation et qu'elles seules ont le droit de posséder des cimetières.
Ce que je défends ici est également l'opinion de mon prédécesseur qui dernièrement a donné lecture d'une note sur cet objet.
M. Nothomb. - J'y persiste.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je suis donc d'accord ici avec l'honorable M. Nothomb, bien que nous n'ayons pas l'habitude d'avoir les mêmes opinions sur des questions pareilles ; mon opinion se trouve donc fortifiée de la sienne, de celle de M. Faider, de celle de M. de Haussy, de celle de tous mes prédécesseurs, en un mot, qui ont examiné la question depuis qu'elle a été sérieusement agitée.
Si donc l'on admet d'un côté qu'un projet de loi ne devrait pas s'occuper de la propriété des anciens cimetières, si l'on reconnaît de l'autre que les cimetières à acquérir dans l'avenir doivent l'être nécessairement par les communes, il est évident qu'une loi nouvelle ne viendrait pas changer la situation actuelle :
Maintenant le clergé refuse de bénir certains cimetières appartenant aux communes. Je dirai comme mes honorables amis, MM. Frère et Orts, que personne n'a eu l'intention de forcer le clergé à bénir ces cimetières ; mais il est inexact de prétendre, comme l'a fait M. B. Dumortier, qu'alors qu'un cimetière serait acheté par une commune, aucun membre du clergé en Belgique ne refuserait de le bénir.
L'honorable membre est dans l'erreur, à cet égard. Il y a des membres du clergé en Belgique qui refuse de bénir des cimetières acquis par les communes, et sous ce rapport, je dois le faire remarquer, le clergé porte une véritable atteinte à l'indépendance du pouvoir civil.
La commune de Saint-Gilles a acheté un cimetière. Elle a demandé que Mgr l'archevêque de Malines le bénît.
Se fondant sur l'interprétation donnée par mon prédécesseur et par moi au décret de l'an XII, l'archevêque de Malines refusa de bénir ce cimetière.
Il est évident cependant que l'interprétation de dispositions administratives semblables appartient au gouvernement, au pouvoir civil et qu'il est dans son rôle et dans la vérité lorsqu'il interprète le décret de prairial an XII comme nous le faisons. C'est, je le répète, porter atteinte à l'indépendance du pouvoir civil que de refuser de bénir un cimetière acquis par une commune de ses deniers parce que le gouvernement interprète le décret de l'an XII autrement que ne l'interprète le clergé, et cela sur un point qui n'est pas même en discussion.
Car si dans l'opinion de quelques-uns les fabriques sont compétentes pour posséder, personne ne conteste cette compétence aux communes, et de ce que nous ne reconnaissons pas la compétence des fabriques, M. l'archevêque refuse de bénir les cimetières acquis par les communes auxquelles la loi impose l'obligation de cette dépense. C'est là, je le répète, une véritable atteinte à l'indépendance du pouvoir civil.
M. de Naeyer. - Messieurs, mon intention n'est pas de traiter à fond pour le moment les questions qu'on vient de soulever ; mais je dois faire mes réserves sur certaines observations présentées par M. le ministre de la justice.
J'apprends avec plaisir que, dans sa manière de voir, il ne peut être question de changer la législation en ce qui concerne la propriété des anciens cimetières.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je dis qu'il serait parfaitement inutile de soulever une semblable question.
M. de Naeyer. - Je suis, sous ce rapport, parfaitement d'accord avec vous.
Quant aux nouveaux cimetières, M. le ministre émet l'opinion qu'ils doivent nécessairement appartenir aux communes, qu'ils ne peuvent pas appartenir aux fabriques, et pour arriver à ces conclusions il se base, si j'ai bien compris, sur ces deux considérations-ci.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Sur le décret d'abord.
M. de Naeyer. - Le décret de prairial an XII ne prononce aucune incapacité dans le chef des fabriques d'église. Je défie qu'on me cite une seule disposition conçue en ce sens.
Toute la loi de prairial est faite dans cette supposition que les cimetières appartiennent aux communes, mais si la loi avait le sens que vous lui attribuez, la jurisprudence serait en opposition avec la loi.
S'il y avait incapacité pour les fabriques d'église, les cimetières anciens ne pourraient lui appartenir pas plus que les nouveaux.
Le décret de prairial s'occupe d'une manière générale des cimetières, aussi bien des anciens que des nouveaux, et en disposant dans cet ordre de choses, elle suppose que tous sont la propriété des communes. Pourquoi ? Parce qu'il en était ainsi en France, et qu'alors la Belgique ne formait qu'une faible partie de la France et qu'on ne s'occupait guère de ce qui existait chez nous dans la confection des lois et décrets.
Il y a donc ici une supposition quant à la propriété des cimetières ; mais d'une supposition à une disposition, la distance est énorme.
Voilà, messieurs, le sens du décret de prairial an XII, et je dis qu'il n'y a aucune disposition qui s'oppose à ce que les fabriques d'église acquièrent des cimetières, et la preuve de ce que j'avance, c'est l'exécution que cette loi a reçue sous le gouvernement hollandais, plusieurs fabriques d'église ont été autorisés à acquérir des cimetières et l'on sait si le gouvernement hollandais était soucieux de ce qu'on appelle aujourd'hui l'indépendance du pouvoir civil.
Maintenant, allez-vous déclarer ces acquisitions illégales, contraires à la loi ? Voilà cependant où aboutit votre système. On dit que c'est avant tout une question de salubrité publique et puis que c'est aux communes qu'incombe l'obligation de créer des cimetières, là où le besoin s'en fait sentir. Voilà les deux considérations sur lesquelles toute l'argumentation de nos contradicteurs est basée.
Oui, messieurs, c'est une question de salubrité, et, sous ce rapport, la police des cimetières appartient incontestablement aux autorités communales ; mais il ne faut pas confondre la police des cimetières avec la propriété des cimetières. Encore une fois, la police des cimetières rentre dans les attributions de l'autorité communale, les fabriques d'église ne pourraient pas posséder de cimetières sur lesquels l'autorité communale n'exercerait pas cette surveillance au point de vue de la salubrité publique.
Aux termes du décret de prairial an XII, les particuliers peuvent aussi posséder des cimetières. Or, les dispositions qui règlent les pouvoirs de l'autorité municipale en cette matière sont les mêmes pour les cimetières en général que pour les cimetières particuliers. Il est donc impossible de trouver là la solution de la question de propriété. Ainsi les considération puisées dans l'intérêt de la salubrité publique sont absolument sans valeur pour résoudre la difficulté qui nous occupe.
La question de la salubrité publique est une question de police qui est tout à fait indépendante de la question de propriété.
Maintenant, quant à l'obligation imposée aux communes de créer les cimetières reconnus nécessaires, quelle est la seule conséquence logique qu'on en puisse tirer ? Il en résulte uniquement que vous ne pouvez pas forcer ni les fabriques d'église, ni les particuliers à avoir des cimetières ; et quand le service public est en souffrance sous ce rapport, qu'il y a devoir pour les communes d'y pourvoir ; mais de là ne résulte pas du tout l'incapacité pour les fabriques d'église de posséder des cimetières, pas plus que cette incapacité n'en découle pour les particuliers.
Je crois que le moment n'est pas venu de discuter cette question à fond ; mais j'ai cru de mon devoir de relever immédiatement les erreurs évidentes dans lesquelles est tombé M. le ministre de la justice.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne puis pas admettre que ce que j'ai dit tout à l'heure soit des erreurs. Je crois, au contraire, que c'est l'honorable M. de Naeyer qui apprécie mal cette question.
Qu'est-ce qu'un conseil de fabrique ? C'est évidemment un corps moral.
L'honorable M. de Naeyer me concédera cela, je pense ? Or, la capacité (page 433) d'un corps moral par quoi est-elle réglée ? Elle est réglée par la loi qui lui donne l'existence, et il y a une différence énorme entre une personne civile, morale, des particuliers, des personnes naturelles, et de cette différence vous n'en tenez pas compte. La personne naturelle, en général, a le droit de faire tout ce qui ne lui est pas défendu.
Pour les corps moraux en est-il de même ? Non, messieurs, les corps moraux ne peuvent faire que ce que la loi leur permet de faire.
M. de Naeyer. - Je demande la parole !
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Les corps moraux n'ont dans leurs attributions que ce que la loi y place formellement., Il y a donc ici, d'une part, un conseil communal, corps moral, et d'autre part, un conseil de fabrique, autre corps moral. Et quand la loi dit au conseil communal : C'est vous qui devez avoir un cimetière, tandis qu'elle reste complètement muette à cet égard en ce qui concerne la fabrique d'église, je demande à qui incombe l'obligation d'avoir des cimetières ? Je demande si, dans des pareilles conditions, on peut attribuer aux conseils de fabrique le droit d'acquérir des cimetières et de porter à leur budget une dépense qui ne leur incombe pas ? Cela n'est évidemment pas admissible.
Ainsi que je viens de le dire, on confond toujours les corps moraux avec les particuliers et l'on dit : Les particuliers peuvent, d'après la législation actuelle, posséder des cimetières, donc les conseils de fabrique ont le même droit.
Ce raisonnement, messieurs, est complètement erroné, je viens de le démontrer. La loi a créé dans les communes différents corps moraux, les bureaux de bienfaisance, les hospices, les conseils de fabrique, les conseils communaux.
Eh bien, chacun de ces corps a ses attributions ; et il faut, sous peine de tomber dans une inextricable confusion, que chacun reste dans les limites de ses droits.
L'obligation, le droit, si l'on veut, de la commune, c'est d'avoir un cimetière ; il lui incombe de pourvoir à cette nécessité ; les conseils de fabrique, le voulussent-ils, n'ont donc pas à pourvoir à cette charge.
M. de Naeyer. - Je crois que les dernières observations de M. le ministre de la justice ne sont guère plus fondées que les premières. Il dit : « Le conseil de fabrique est un être moral. » Sans doute, messieurs, c'est simple comme bonjour. « Or, ajoute l'honorable ministre, les êtres moraux ne peuvent posséder que ce que la loi leur permet de posséder. » C'est encore évident et même élémentaire, mais cela ne décide aucunement la question, et toute cette argumentation n'est qu'une pétition de principe, car nous soutenons justement que la loi permet aux fabriques d'église d'être propriétaires de cimetières ; le décret de 1809 leur confère incontestablement la capacité nécessaire pour avoir la propriété de biens immeubles, et le décret de prairial an XII déclare que les cimetières sont des biens susceptibles même d'une propriété privée, sauf toujours les droits de la police locale. D'autre part, la jurisprudence belge reconnaît les fabriques d'église comme propriétaires des anciens cimetières, et par cela même il est impossible de contester sérieusement leur capacité de posséder de nouveaux cimetières.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban) - Pas du tout.
M. de Naeyer. - Comment, pas du tout ! mais est-ce que les cimetières nouveaux auront un autre caractère que les anciens ? Si, à raison de la nature de ces biens, il y a incapacité pour les fabriques de les posséder, cette incapacité existe nécessairement pour les cimetières anciens comme pour les nouveaux.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nullement.
M. de Naeyer. - Nullement ? Mais encore une fois, en quoi les cimetières nouveaux se distingueront-ils des anciens ? Et s'il n'existe pas de distinction entre eux, pourquoi y aurait-il capacité dans un cas et incapacité dans l'autre ? Tout votre raisonnement est toujours basé sur la confusion de la police des cimetières avec la propriété des cimetières, confusion dont je crois avoir fait pleine justice.
Je ne veux pas, je n'ai jamais voulu que la police des cimetières, qui appartient aux communes, soit dévolue aux fabriques d'église : et si quelqu'un venait proposer un pareil système, vous auriez certainement mille fois raison. Mais il ne s'agit pas de cela. Comme je l'ai dit tout à l'heure, un simple particulier peut posséder un cimetière, mais il est soumis, de ce chef, à la même surveillance que les cimetières communaux.
Tout se concilie donc parfaitement, pourvu que l'on interprète le décret de l'an XII dans son véritable esprit, pourvu qu'on n'en dénature pas les dispositions en les exagérant et en contestant des droits qui ont été respectés même par le gouvernement hollandais ; car, je le répète, le gouvernement hollandais a autorisé plusieurs fabriques d'église à acquérir des cimetières ; c'est ce qui a eu lieu notamment à Gand.
M. de Theux. - Je pense, comme l'honorable M, de Naeyer, qu'il y a une distinction essentielle à faire entre la police et la propriété de cimetières.
Je n'entends pas aborder en ce moment les nombreuses questions qui se rattachent à la matière des cimetières. La Chambre, je pense, n'est pas préparée à cette discussion ; ce n'est qu'incidemment que la question vient d'être soulevée, et je me dispenserai même de répondre aux observations que l'honorable M. Orts et M. le ministre de la justice viennent de présenter.
Encore une fois, ce n'est pas le moment de s'occuper de cette matière. Quand l'occasion s'en présentera, je ne manquerai pas de prendre part à la discussion.
- L'article est adopté.
« Art. 28. Bourses et demi-bourses affectées aux grands séminaires, à l'exception de celui de Liège : fr. 62,011. »
- Adopté.
« Art. 29. Clergé inférieur du culte catholique, déduction faite de 8,914 fr., pour revenus de cures : fr. 3,418,852. »
- Adopté.
« Art. 30. Subsides aux provinces, aux communes et aux fabriques d'église pour les édifices servant au culte catholique, y compris les tours mixtes et les frais du culte dans l'église du camp de Beverloo : fr. 469,000.
« Charge extraordinaire : fr. 525,000. »
M. Magherman. - Dans sa séance du 25 septembre dernier, la commission royale des monuments a appelé l'attention sérieuse du gouvernement sur les constructions qui entourent nos monuments religieux, et elle a signalé les inconvénients, au point de vue de l'art et du danger, que présente le voisinage de ces constructions.
Elle a signalé, entre autres, comme exemples de ces inconvénients, que, lorsque l'église de Nivelles a été incendiée, on a constaté que la tour de Jean de Nivelles avait été sapée pour y établir un passage, et que, sous une chapelle latérale, on avait construit une citerne. Ce qui s'est produit à Nivelles peut se présenter ailleurs. J'appelle l'attention du gouvernement sur ce point, afin qu'il intervienne efficacement dans les frais de démolition de ces constructions parasites qui masquent nos monuments religieux.
Il y a des communes et des fabriques qui n'ont pas de ressources suffisantes pour opérer la démolition de ces constructions, l'intervention du gouvernement leur est nécessaire. Je ne sais si, sur le chiffre soumis à vos délibérations, il sera permis au gouvernement d'allouer des subsides pour venir en aide aux communes ou aux fabriques dans les cas que je viens de signaler. Dans le cas où le libellé ne s'y prêterait pas, il faudrait le modifier.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable préopinant désire que le gouvernement vienne en aide aux fabriques d'église et aux communes quand il s'agit de faire disparaître des bâtiments qui masquent un édifice du culte ou peuvent présenter des dangers ; chaque fois que le gouvernement a pu aider les fabriques dans ces cas, il n'a pas manqué d'en saisir l'occasion.
Quant à la question de savoir si le libellé serait un obstacle à ce que des subsides pussent être alloués pour l'objet signalé, il suffit, je pense, de constater que la Chambre et le gouvernement sont d'accord à cet égard pour éviter toute difficulté de la part de la cour des comptes.
- L'article 30 est mis aux voix et adopté.
« Art. 31. Culte protestant et anglican (Personnel) : fr. 52,946. »
- Adopté.
« Art. 32. Subsides pour frais du culte et dépenses diverses : fr. 11,500. »
- Adopté.
« Art. 33. Culte israélite (Personnel) : fr. 9,350. »
- Adopté.
« Art. 34. Frais de bureau du consistoire central et dépenses imprévues : fr. 300. »
- Adopté.
« Art. 35. Pensions ecclésiastiques (payement des termes échus avant l'inscription au grand-livre) : fr. 8,000. »
- Adopté.
« Art. 36. Secours pour les ministres des cultes ; secours aux anciens religieux et religieuses : fr. 21,400. »
- Adopté.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Messieurs, la question de la (page 434) réforme des dépôts de mendicité a été plusieurs fois agitée dans cette enceinte ; si je ne me trompe, les cabinets qui se sont succédé ont reconnu qu'il était urgent d'opérer cette réforme.
Je regrette que le cabinet actuel n'ait pas jugé convenable de présenter encore son projet. Depuis longtemps les communes souffrent de l'état de choses actuel, des charges considérables pèsent sur elles ; les ressources de leurs budgets sont absorbées par l'entretien de mendiants aux dépôts de mendicité ; par suite des dépenses qu'elles sont obligées de faire pour entretenir des vagabonds valides qui peuvent par conséquent très bien travailler, mais qui préfèrent vivre à ne rien faire aux dépens de la commune au dépôt de mendicité, les communes sont dans l'impossibilité d'exécuter certains travaux dont l'urgence est constatée d puis longtemps.
La voirie vicinale, notamment, ne peut pas être améliorée, quoique le gouvernement recommande aux communes de soigner cet objet.
Je prie M. le ministre de nous dire si bientôt il présentera un projet de loi pour faire disparaître les défauts de l'organisation actuelle.
M. Rodenbach. - Messieurs, depuis plusieurs années je me suis occupé des dépôts de mendicité et de la nécessité de modifier cette institution. Il y a aujourd'hui 1,300 détenus au dépôt de la Cambre, et dans ce nombre il y a beaucoup d'individus valides, qui peuvent très bien travailler. Ce, sont des vagabonds, c'est l'écume de la société. Ils ne font là presque rien, car que leur fait-on faire, à ces hommes qui pourraient être utiles à l'agriculture ? Filer des étoupes ou de la laine, piquer des visières de casquettes ! Je vous demande si c'est là le travail d'hommes valides quand l'agriculture aurait besoin de leurs bras ! On devrait songer à modifier ces dépôts ; on a déjà pris l'initiative d'une réforme utile dans la Flandre occidentale, on y a créé deux établissements qu'on peut citer comme modèles ; en France on a suivi cet exemple, on comprend que les dépôts de mendicité doivent être des établissements agricoles, qu'on doit faire travailler ces hommes valides, se montrer même sévère à leur égard et les employer à des travaux agricoles, à des travaux utiles au pays.
Qu'on augmente le nombre de ces institutions agricoles ; on a un exemple, qu'on aille voir ce qui se passe dans l'arrondissement de Roulers, à Rumbeke et dans d'autres localités, on verra que c'est au moyen de l'agriculture qu'on peut déraciner la mendicité et améliorer les individus. Dans ces institutions il suffit de 15 centimes pour l'entretien de chaque individu. Les vieillards des deux sexes même travaillent.
Plusieurs ouvrages ont été publiés sur cette question. M. Ducpetiaux en a fait un qui est frappé au coin du véritable talent ; il y est beaucoup question de l'agriculture, M. H. Dumortier notre collègue a publié aussi plusieurs volumes remarquables que j'ai sous la main. Nous en avons un autre qui ne l'est pas moins, de M. Vandermeirsch.
L'honorable M. H. Dumortier a visité la Hollande, il a visité la France et divers autres pays où il y a des dépôts de mendicité. Il a vu que partout ailleurs on améliorait, on faisait quelque chose, on ne restait pas constamment dans le statu quo.
Voilà déjà douze à quinze ans que, notamment avec l'honorable comte de Muelenaere, nous avons soulevé cette question, et toujours elle est restée indécise.
Il en est de même des questions de domicile de secours.
Il y a cependant urgence à s'occuper de ces questions. Hier encore, on nous a analysé plus de vingt pétitions sur le domicile de secours, et si j'ai bien entendu au milieu du bruit, nous en avons encore reçu aujourd'hui.
Je suis persuadé que M. le ministre de la justice lui-même est convaincu qu'il y a beaucoup à faire.
Je sais que la question est difficile et qu'il faudra peut-être beaucoup de capitaux pour établir des institutions agricoles. Mais il s'agit d'une nécessité, nous ne pouvons tolérer plus longtemps que les vagabonds, que l'écume de la société vivent presque sans peine dans les dépôts de mendicité, alors que des pères de famille, ayant 5, 6, 8 enfants, doivent travailler constamment pour gagner leur vie.
Permettre que les mauvais sujets, que les fainéants peuplent les dépôts de mendicité, c'est en quelque sorte protéger l'oisiveté et la paresse. Je n'en dirai pas davantage.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, si le gouvernement avait le moyen, avait la puissance de supprimer la misère, il y a longtemps qu'il l'aurait fait. Mais aussi longtemps qu'on n'aura pas ce pouvoir, je crois, quelque législation que nous fassions, que tous les ans nous entendrons les mêmes réclamations.
Messieurs, il y a des mendiants, il y a des vagabonds. Je désirerais connaître le moyen de les supprimer..
M. H. Dumortier. - Il ne s'agit pas de cela.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il s'agit, au contraire, de cela, et je voudrais bien pouvoir les supprimer. Mais du moment que l'on admet qu'il y aura toujours des mendiants et des vagabonds qui seront à la charge du public, vous aurez toujours les mêmes réclamations et pourquoi ? Parce qu'il y aura toujours la même tendance de la part des communes à faire supporter par l'Etat les frais de la mendicité et du vagabondage qui retombent aujourd'hui sur elles.
Toutes ces réclamations que nous entendons, mais elles ont principalement pour objet et auraient principalement pour résultat, non de faire disparaître le mal, mais de le déplacer.
M. H. Dumortier. - On ne demande pas cela. Je demande la parole.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - On ne demande pas cela. Mais au fond c'est à ce résultat qu'on veut arriver.
M. Rodenbach. - C'est le travail qu'on demande. Vos dépôts de mendicité sont peuplés d'hommes valides et on ne les fait pas travailler.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - On les fait travailler.
M. Rodenbach. - Oui, on les occupe à des travaux d'aiguille, à piquer des casquettes.
MjT. - Il y a dans le pays des dépôts de mendicité agricoles, notamment à Reckheim et à Hoogstraeten, et les communes, les provinces sont parfaitement libres de former des instituts agricoles. Pourquoi ne le font-elles pas ? Pourquoi ne les substituent-elles pas à leurs dépôts actuels qui sont bien plus des établissements provinciaux que des établissements de l'Etat ? Si les provinces croient que c'est là le remède à la situation actuelle, qu'elles entrent dans cette voie. Ce n'est pas le gouvernement qui y fera obstacle.
Je veux bien admettre que le nombre des dépôts de mendicité dans le pays est trop grand. Je crois que l'existence de ces dépôts à la porte des villes ou dans les villes présente de sérieux inconvénients.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Je suis d'accord avec vous.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Toutes les questions relatives aux dépôts de mendicité et au domicile de secours ont été posées à toutes les députations et aux administrations communales des villes. En ce moment le dépouillement des réponses se fait. Dès que le gouvernement en sera saisi, il examinera et proposera les mesures qui lui sembleront réalisables.
Voici, entre autres, des questions qui se trouvent posées :
« Y a-t-il lieu de maintenir les dépôts de mendicité ? »
« Le nombre des dépôts de mendicité ne pourrait-il pas être réduit à deux, placés aux extrémités du pays, de manière à faire subir aux mendiants et aux vagabonds d'une partie du pays leur peine dans le dépôt le plus éloigné ? »
Nous verrons quelle sera la solution donnée à ces questions. Pour le domicile de secours, il y a également différentes questions posées.
Ces matières sont extrêmement difficiles. On a refait la législation à différentes reprises, entre autres en 1846, en ce qui concerne le domicile de secours, en 1848, quant aux dépôts de mendicité. Mais à peine la législation était-elle modifiée, que les réclamations surgissaient de nouveau et de toute part.
- Un membre. - Il faut y mettre fin.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il faut y mettre fin, dit-on. Pourquoi donc ne prenez-vous pas l'initiative ?
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Les communes n'en ont pas le moyen.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je voudrais bien avoir le remède pour faire cesser des réclamations et exonérer l'Etat, les communes et les provinces des nombreuses charges qui pèsent sur eux. Il est toujours extrêmement facile de dire : Présentez un projet de loi.
Mais il est certain que la présentation de ce projet ne ferait pas disparaître les mendiants et les vagabonds.
J'ai voulu m'entourer de toutes les lumières, j'ai appelé sur les questions du domicile de secours et des dépôts de mendicité l'attention de toutes les députations permanentes et de toutes les grandes villes. Dès que leur opinion me sera connue, je verrai ce qu'il est possible de faire et je soumettrai un projet à la Chambre.
M. H. Dumortier. - Depuis dix ans on dit cela.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La réforme date à peine de dix ans ; et comment se fait-il qu'à cette époque on n'ait pas mieux fait ?
M. H. Dumortier. - On peut mieux faire.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je regrette que l’honorable M. Dumortier n'ait pas été à la Chambre en 1846 et en 1848, lorsqu'on y (page 435) a traité ces questions. Mais je ne puis croire que les hommes qui faisaient les lois qui nous régissent étaient dépourvus d'intelligence et de perspicacité, et dans mon opinion, si l'on n'a pas fait une loi plus parfaite, c'est qu'en cette matière il y a d'invincibles difficultés.
M. Coomans. - L'honorable ministre de la justice vient de dire : Je voudrais bien que quelqu'un nous indiquât un moyen raisonnable et pratique de supprimer ou au moins de diminuer la mendicité et le vagabondage, je l'adopterais immédiatement. C'est pour répondre à cet appel que je prends la parole.
On a souvent demandé la réforme des dépôts de mendicité et l'on s'appuyait sur d'excellentes raisons ou au moins sur des faits aussi tristes qu'incontestables..
Cependant cette réforme, si souvent promise par plusieurs ministères, est encore à s'accomplir.
Messieurs, je le déclare franchement, je ne viens pas faire un grief au gouvernement de ne pas avoir rempli ces promesses ; ma conviction profonde est que la réforme demandée est impossible, qu'elle serait inefficace et qu'elle n'aurait aucun des résultats espérés, désirés par nous tous.
Oui, la réforme est impossible, inutile, aussi longtemps qu'en matière de mendicité on restera dans l'ordre d'idées qui semble prévaloir aujourd'hui.
La loi porte que la mendicité est interdite. Or, messieurs, sans en faire un grief à personne, nous savons tous que la mendicité existe, que le vagabondage existe, donc que la loi est inexécutée, que la mendicité n'est pas supprimée, qu'elle n'est pas même interdite. Nous comptons en Belgique, comme dans d'autres pays, beaucoup de mendiants, beaucoup de vagabonds.
Le législateur a été trop exigeant, trop absolu ; en voulant que la mendicité fût interdite, il a voulu l'impossible. Aussi n'a-t-il pas obtenu de bons résultats.
Les dépôts de mendicité et d'autres mesures de ce genre sont des palliatifs, de petits palliatifs tout au plus, car, je me demande s'ils n'ont pas produit plus de mal que de bien.
La loi n'est pas exécutée et elle ne peut pas l'être ; nous n'en demandons pas l'exécution, nous ne l'oserons pas, aucun de vous ne l'osera ; en effet ce serait de la barbarie. Nous sentons qu'il est impossible d'interdire complètement la mendicité.
Messieurs, l'idée que je vais avoir l'honneur de vous soumettre repose sur des faits pratiques qui ont produit surmoi une très grande impression.
Il y a une douzaine d'années lorsque le mal était beaucoup plus grave qu'aujourd'hui (car enfin il ne faut pas exagérer, je ne crois pas que la mendicité soit plus grande en Belgique que dans les pays voisins), il y a une douzaine d'années, il y avait dans le village oh je suis domicilié et que j'habite une partie de l'année, il y avait environ 335 mendiants effectifs, j'allais dire de profession.
Nous nous réunîmes à 7 ou 8 et nous trouvâmes le moyen de supprimer la mendicité.
Nous établîmes des ateliers à peu de frais. Ces ateliers, bien conduits et qui ont été ensuite légèrement subsidiés par l'Etat, ont employé à peu près tous nos mendiants, grâce aussi à l'influence salutaire qu'exerçaient tous nos souscripteurs sur les mendiants. En quinze jours de temps pas un seul de nos 350 malheureux ne tendait plus la main. Nous étions fort heureux de ce résultat lorsque des mendiants des villages voisins arrivèrent chez nous en plus grand nombre que d'habitude.
Ils pensèrent que la récolte devait être meilleure là où il y avait moins de moissonneurs ; dès lors au lieu d'avoir 50, 60 ou 70 pauvres des communes environnantes, nous en avons eu bientôt 150, 200, 300. Bref, au bout de 5 mois nous avions autant de mendiants qu'auparavant. Plus tard nous laissâmes tomber nos ateliers et découragés par cette invasion de vagabonds étrangers, nous laissâmes aller les choses comme précédemment.
La conclusion que je tire de ce fait, messieurs, c'est qu'il ne faut pas que la loi dise : « La mendicité est interdite », mais qu'elle doit dire : « La mendicité est interdite hors de la commune où le pauvre a son domicile. »
Le jour où vous permettrez aux pauvres de mendier dans leur commune sous les yeux de l'autorité communale, de leurs amis, de leurs parents, de leurs connaissances, le jour où vous parviendrez à sanctionner efficacement la localisation de la mendicité, et cela n'est ni impossible ni même difficile, ce jour-là. je ne crains pas de l'affirmer, vous verrez s'établir une noble et généreuse émulation entre toutes les communes belges ; elles s'arrangeront de manière à entretenir leurs pauvres chez elles et vous obtiendrez le meilleur des résultats que nous avons en vue, la suppression du vagabondage.
Dans mon système, messieurs, je doute que le maintien des dépôts de mendicité soit nécessaire. La gendarmerie et les différentes autorités s'entendraient pour appréhender les vagabonds, les mendiants qui ne seraient pas munis d'une médaille personnelle par exemple, ou de tout autre signe constatant qu'ils appartiennent à la commune ;o n les arrêterait, on les punirait même et on les reconduirait chez eux.
Remarquez, messieurs, que ce que j'ai l'honneur de vous dire est conforme à l'esprit et au texte de la loi.
Chaque commune est chargée de l'entretien de ses pauvres : trouvez le moyen de renfermer la mendicité dans la commune et le mendiant à son domicile, trouvez ce moyenne, reculez pas devant cette espèce d'humiliation qu'il pourrait y avoir à reconnaître que la suppression absolue de la mendicité est impossible, reconnaissez un fait patent, de force majeure, prenez des précautions contre le vagabondage, fût-ce au moyen d'une augmentation notable de la gendarmerie, et je suis convaincu que vous parviendrez, sinon à faire disparaître la mendicité, mal à jamais inévitable, du moins à en atténuer beaucoup les inconvénients.
M. H. Dumortier. - Que la Chambre se rassure ; je n'ai pas le moins du monde l'intention de lui infliger un long discours sur la réforme des dépôts de mendicité ; je dirai cependant quelques mots ; je serai aussi bref que possible.
La question de la réforme des dépôts de mendicité a fait souvent l'objet des discussions dans cette enceinte. Inutile de dire quels sont les vices généraux de ces institutions, quelles sont les principales améliorations à y introduire, quelles sont les énormes dépenses que les dépôts de mendicité entraînent ; tout cela a été dit et répété vingt fois ; tout le monde a reconnu et reconnaît encore que cette réforme a un caractère d'urgence ; un discours du trône a proclamé la nécessité de la révision ; malgré tout cela, je le dis à regret, la question reste toujours sur le métier, et personne ne vient proposer une solution, non pas une solution consistant à supprimer la mendicité ou les mendiants. Ce ne sera pas l'honorable M. Tesch, ni aucun autre ministre de la justice qui parviendra à trouver ce moyen, mais une solution consistant à atténuer le mal autant que possible.
Quels sont les principaux défauts qui existent dans l'état actuel des choses ?
D'abord, les détenus ne sont pas convenablement classés ; il y a souvent confusion entre les âges, entre les travailleurs valides et les travailleurs invalides. Ensuite, le travail qui s'exécute dans les dépôts ne produit pas ce qu'il pourrait produire ; il ne produit souvent pas de résultats moraux.
Il serait bien préférable de substituer à ce travail énervant un travail agricole très rude et même tellement rude que, comme en Angleterre. On ne verrait se réfugier pour quelques jours dans les dépôts que ceux qui seraient dans l'impossibilité absolue de trouver momentanément du travail ailleurs.
Maintenant qu'a répondu M. le ministre de la justice, depuis plusieurs années, aux réclamations concernant les dépôts de mendicité dans leur état actuel ? La réponse a toujours été uniforme ; en présence de cette uniformité, j'ai vu avec beaucoup de plaisir que la section centrale du budget de 1862 a séparé, dans les questions qu'elle a adressées à M. le ministre de la justice, ce que M. le ministre confond toujours.
Lorsque nous demandons la réforme des dépôts de mendicité, nous ne demandons pas une réforme complète de la législation sur le domicile de secours ; nous demandons beaucoup moins encore que l'on termine d'abord la grande enquête sur la bienfaisance publique ; ce que nous demandons n'a absolument rien de commun avec ces questions, ou du moins n'a pas avec ces questions assez de connexité, pour qu'on ne puisse pas opérer la réforme des dépôts de mendicité, sans s'occuper de ces autres objets. Nous voulons substituer le travail agricole au travail qui s'exécute aujourd'hui dans les dépôts ; nous voulons un classement convenable des détenus ; nous voulons qu'on introduise un système moralisant plus grand ; nous voulons, comme l'a dit tout à l'heure M. le ministre de la justice lui-même, nous voulons la suppression de certains dépôts de mendicité, et surtout de ceux qui existent dans l'intérieur des villes.
Voilà des réformes en quelque sorte matérielles qu'on peut opérer par la voie administrative et qui ne doivent pas donner lieu à de grandes difficultés. C'est dans ce sens que nous avons provoqué et que nous provoquons encore une réforme des dépôts de mendicité ; nous ne demandons pas pour cela que toute la législation sur la matière soit réformée.
M. le ministre de la justice disait tout à l'heure que les communes désirent mettre à la charge de l'Etat les frais qu'elles supportent aujourd'hui du chef des dépôts de mendicité.
C'est là une profonde erreur. J'ai lu des centaines de réclamations qui ont été adressées à la Chambre, de tous les points du pays, au sujet des dépôts de mendicité, et jamais je n'en ai rencontré qui demandassent que les frais fussent mis à la charge de l'Etat. Les communes consentent à subir (page 436) ces frais ; elles demandent seulement qu'on adopte certaines réformes propres à rendre cette charge moins lourde.
Mais si j'ai bien compris M. le ministre de la justice, il veut, lui, faire un changement en sens inverse, c'est-à-dire mettre à la charge des communes et des provinces toutes les dépenses généralement quelconques du chef de l'entretien des indigents aux dépôts de mendicité. « Faites, a dit M. le ministre, des établissements communaux et des établissements provinciaux ; mais laissez-moi, gouvernement, m'occuper d'autres objets ; et payez vos indigents dans ces établissements provinciaux et dans ces établissements communaux. » Je comprends que cette réforme sourirait beaucoup à M. le ministre de la justice ; mais ce ne serait pas là un acte de justice.
Quant à la suppression complète des dépôts de mendicité, je la déclare impossible. D'abord, pour que la société ait le droit de frapper d'une peine celui qui est dans le besoin et qui tend la main, il faut qu'elle soit en mesure de lui offrir un asile suprême où il puisse se préserver du danger de mourir de faim ; la société n'a donc pas le droit de supprimer complétement les dépôts de mendicité si elle veut d'un délit conserver à la mendicité le caractère.
Quant à l'autre système qui a été énoncé tout à l'heure par l'honorable M. Coomans, il n'est pas nouveau, et les expériences qui ont été faites dans cet ordre d'idées n'ont pas été aussi heureuses que l'honorable membre semble le croire. Si l'honorable M. Coomans veut se donner la peine de lire ce qui a été écrit sur cette matière, et notamment le travail du savant archiviste de la Flandre orientale, M. Van der Meersch, il trouvera que maintes fois, dans le siècle passé, on a essayé sans succès ce système de répression de mendicité dans les communes.
La mendicité est malheureusement un mal inévitable ; la meilleure charité qu'on puisse pratiquer à l'égard de cette classe de la société consiste à lui donner de l'instruction et du travail.
Qu'on fasse de la charité en faveur des enfants, des orphelins, en faveur des indigents invalides, rien de mieux ; mais qu'on ne la fasse que très exceptionnellement à des hommes valides, qui font un vol à la société, quand ils n'ont pas le courage d'aller chercher du travail là où il s'en trouve.
Je me bornerai à ces observations.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je ne répondrai qu'un mot aux observations de l'honorable préopinant ; il prétend que je veux une réforme des dépôts de mendicité en sens inverse ; que je désire voir répartir sur les communes la dépense qui est aujourd'hui à la charge de l'Etat.
C'est là une erreur de la part de l'honorable membre ; je ne demande pas qu'on reporte sur les communes ce qui est aujourd'hui à la charge de l'Etat ; cette dépense, en ce qui concerne les mendiants appartenant au pays, est absolument nulle pour l'Etat.
Le gouvernement n'intervient pas pécuniairement dans les dépôts de mendicité, en ce qui touche les vagabonds et les mendiants du pays ; le gouvernement ne paye, dans les dépôts de mendicité, que pour les mendiants qui n'ont pas de domicile de secours en Belgique.
En général, les dépôts de mendicité n'appartiennent pas à l'Etat.
Si ma mémoire est fidèle, celui de Mons fait partie du domaine ; la propriété de ceux de Hoogstraeten et de Bruges donne lieu à des difficultés. Les dépôts de la Cambre et de Reckheim semblent appartenir l'un à la province de Brabant, l'autre à la province de Limbourg.
Pour arriver à toutes les améliorations qu'on demande, il faut créer de nouveaux dépôts de mendicité, et là surgit une grosse difficulté.
Qui fera la dépense ?
Il faudra s'entendre avec les provinces pour vendre et aliéner ce qui existe et pour créer de nouvelles institutions.
Car, si aujourd'hui la classification n'est pas bonne, si le travail n'est pas ce qu'il devrait être, cela tient en partie à l'exiguïté et à la mauvaise distribution des locaux.
Pour la classification des reclus, il y aurait lieu d'établir une séparation complète ; cette séparation est prescrite par le règlement. Malheureusement l'insuffisance et la disposition vicieuse des locaux ne l'ont pas permis.
Il en est de même de l'organisation du travail. Les locaux ne sont pas suffisants.
Il est de même pour l'établissement des quartiers de correction, etc.
Je suis disposé à maintenir au budget les charges qui incombent actuellement à l'Etat, mais je suis très peu enclin à reporter sur le trésor public celles qui incombent aujourd'hui aux communes, car il est évident que la mendicité et le vagabondage croîtraient dans d'immenses proportions si l'Etat était obligé de pourvoir seul à l'entretien de ceux qui s'y adonnent.
- Un membre. - Personne ne demande cela.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Quand les communes demandent d'être exonérées de ces charges, leur pensée, quoique vous en disiez, c'est de transporter à un autre les charges qui pèsent sur elles. Voilà la vérité. Si les communes savaient qu'après comme avant la loi que l'on demande elles auraient toujours à payer dans la même proportion, les réclamations cesseraient.
Ces réclamations sont légitimes ; je reconnais qu'il y a des communes lourdement chargées et tout en recherchant moi-même les moyens d'arriver à les alléger...
M. Kervyn de Volkaersbeke. - C'est tout ce que nous demandons.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Laissez-nous attendre le résultat des investigations auxquelles nous nous livrons en ce moment. La question est assez grave pour devoir procéder avec maturité.
M. Tack. - Messieurs, je ne viens pas vous entretenir des dépôts de mendicité.
Je dirai cependant avec mon honorable collègue qu'il est désirable que la loi que nous attendons depuis si longtemps soit présentée le plus tôt possible aux Chambres.
Il existe au département de justice des montagnes de paperasses contenant les avis des députations permanentes, des commissaires d'arrondissement et des administrations communales sur la matière et même sur des projets de loi présentés par le gouvernement lui-même. Par conséquent, rien n'empêche que la question soit vidée dans un très bref délai.
On a fait valoir, messieurs, des observations très judicieuses et très fondées sur les lourdes charges qui pèsent sur les communes par suite de l'application de la loi sur les dépôts de mendicité et sur le domicile de secours ; mais s'il arrive fréquemment que les intérêts des communes sont lésés, l'intérêt du trésor public l'est parfois également.
Celte idée, messieurs, m'est suggérée à propos d'une question adressée au gouvernement par la section centrale.
Elle demande par l'organe de son rapporteur à M. le ministre de la justice pourquoi son département se montre si exigeant, si sévère à l'égard des communes en ce qui concerne la production de la preuve de la nationalité des indigents étrangers pour lesquels les communes ont fait des avances à charge du trésor public.
M. le ministre a répondu avec beaucoup de raison, selon moi, que les pièces dont dispose ordinairement l'administration de la sûreté publique n'établissent pas toujours l'extranéité de l'individu auquel des secours ont été fournis.
En effet il ne résulte pas toujours de ce qu'un individu est né à l'étranger qu'il n'est point Belge.
Le crédit pour secours à des indigents étrangers s'élève au budget de 1862 à 160,000 fr. Il y a une douzaine d'années, ce même crédit n'était que de 25,000 fr.
Depuis 12 à 14 ans le trésor public a payé de ce chef une somme de plus de 1,800,000 fr., près de 2 millions.
C'est un chiffre énorme, une charge considérable qu'il conviendrait, s'il est possible, de réduire.
D'où vient, messieurs, cette augmentation constante ? La cause en est connue.
Elle provient des modifications apportées dans la jurisprudence administrative suivie par le gouvernement en matière de domicile de secours.
Le domicile de secours était réglé autrefois par la loi du 29 novembre 1818. Et, comme me le fait observer M. le ministre de la justice, un arrêté royal du 15 janvier 1826.
Cet arrêté interprétait entre autres la disposition de l'article 6 de la loi de 1818 ; or l'article 6 portait que l'étranger, admis à établir son domicile en Belgique, tombait à la charge de la commune où il s'était fixé du moment qu'il y avait résidé pendant six années consécutives.
L'arrêté de 1826 interprétait cette disposition légale dans ce sens qu'il ne fallait pas que l'indigent eût été autorisé formellement par arrêté royal à établir son domicile en Belgique, conformément à' l'article 15 du Code civil, mais qu'il suffisait qu'il y eût été admis en effet, qu'il y eût eu résidence effective.
La loi du 18 février 1845 vint remplacer la loi de 1828. Elle contenait à l'article 8 la même disposition que la loi de 1818, avec cette seule différence qu'au lieu de rattacher l'acquisition du domicile de secours à une résidence de six années elle en exigeait huit. Sa portée était au fond la même, et cependant à partir de 1847 le département de la justice, changeant de système, admit le principe que les indigents qui avaient été admis à fixer leur domicile de secours en vertu d'une autorisation formelle et en conformité de l'article 15 du Code civil, pouvaient seuls tomber éventuellement à charge des communes.
(page 437) Cette jurisprudence nouvelle est, selon moi, erronée, car il est évident que le législateur en reproduisant dans l’article 8 de la loi de 1845 les termes de l’article 6 de la loi de 1818, a eu la pensée que la même jurisprudence que celle suivie jusqu'alors continuerait d'être appliquée ; sans quoi il aurait modifié le texte de la loi.
Je comprends cependant, messieurs, qu'il est difficile que le gouvernement, après 25 aimées de pratique constante, puisse consentir à modifier sa jurisprudence.
Mais si l'on pouvait soutenir que cette jurisprudence est en harmonie avec la loi, alors je serais en droit de dire que la loi est vicieuse, car elle serait en apposition avec son principe.
Ce principe, quel est-il ? C'est qu'on a droit aux secours là où l'on a rendu service à la chose publique, là où l'on a contribué par son travail à la prospérité générale.
La présomption des services rendus résulte naturellement du fait de la résidence, mais non du fait de l'autorisation délivrée à quelqu'un d'établir son domicile dans le pays.
Interprétée dans le sens que lui attribue le département de la justice, la loi est encore vicieuse parce qu'elle est illusoire, car ceux qui sont autorisés par arrêté royal à établir leur domicile dans le pays sont en général des individus aisés. On n'accorde pas cette faveur à des gens sans aveu.
Les premiers n'ont guère besoin de réclamer de l'assistance.
Les seconds au contraire forment la catégorie de ceux qui tombent à la charge de la bienfaisance publique et dont on fait supporter les frais d'entretien par le gouvernement.
La loi interprétée comme le fait le département de la justice est enfin mauvaise dans son application. Comment, messieurs, se passent aujourd'hui les choses dans la pratique ? S'agit-il d'un indigent belge, indigène, la commune qui fait les avances ne les fait qu'à son corps défendant ; elle y met la plus grande circonspection, la plus grande prudence ; elle mesure ses avances au strict nécessaire : elle sait d'avance qu'elle aura peut-être maille à partir avec la commune d'origine ; celle-ci, s'il est possible, déclinera la charge, élèvera des doutes de toute espèce sur ses obligations ; elle mettra d'autres communes en cause, fera surgir des contestations, des conflits, qui se perpétueront et sur lesquels auront à statuer différentes députations permanentes ; ces conflits se prolongeront pendant deux, trois, et jusqu'à quatre années ; les frais se seront accumulés et finalement le département de la justice condamnera l'une des communes qui ont dû intervenir dans le litige. La commune condamnée tâchera de regimber sous divers prétextes, elle fera des efforts pour retarder et éluder le payement des frais.
En dernière analyse elle défendra à la commune où réside l'étranger de continuer ses avances, elle exigera que l'indigent vienne habiter le lieu de son domicile de secours alléguant qu'elle entend le secours elle-même. (erratum, page 441) De cette manière, la commune débitrice évitera souvent le fardeau.
S'agit-il d'un indigent étranger au pays, les choses se passent différemment.
Le malheureux aura contracté dans sa commune d'adoption, si je puis ainsi dire, des habitudes auxquelles il tiendra plus ou moins ; il aura été soutenu dans cette commune par la charité privée, il s'y sera créé certaines ressources qui peut-être lui feront défaut ailleurs et il lui répugnera d'aller courir l'aventure dans une autre localité où il sera mal reçu ; de crainte de voir empirer sa position, il préférera peut-être renoncer à toute assistance ; de cette manière la commune débitrice évitera le fardeau de secourir un indigent étranger au pays. Les choses se passent différemment.
On sait que le gouvernement paye bien et qu'il n'a pas l'habitude de se soustraire à ses obligations. Aussi ne ménage-t-on pas les secours, on se laisse facilement entraîner à faire de la générosité pour le compte d'autrui.
De son côté, le gouvernement ne peut pas s'assurer si les secours sont plus ou moins bien donnés, si les besoins sont plus ou moins réels ; il sera donc bien souvent victime de certaines roueries et dupe de petites intrigues.
Voulez-vous savoir, messieurs, jusqu'où les communes poussent leurs prétentions ?
Eh bien, voici des faits assez frappants pour pouvoir être cités : un Belge prend du service à l'étranger et perd ainsi sa qualité de régnicole. Il rentre dans le pays, s'y marie, s'y crée une famille et tombe dans l'indigence.
Il s'agit de le secourir lui et les siens.
Croyez-vous que la commune où il est né et où il a toujours vécu, dont il ne s'est éloigné qu'avec esprit de retour, prendra cette charge sur elle ? Point du tout ; elle dira au département de la justice : Cet indigent est devenu étranger, c'est donc au gouvernement de pourvoir à sa subsistance et à celle de sa famille.
Cela est-il juste, rationnel ?
Supposons maintenant un étranger qui vient se fixer sans autorisation en Belgique ; il y habite pendant 10, 15, 20 ans ; il se trouve à la tête d'une famille nombreuse ; la misère vient le frapper : il a rendu d'incontestables services dans la localité où il a résidé ; il y a participé aux charges publiques, et cependant encore une fois ce sera le gouvernement qui devra intervenir, toujours en vertu du faux principe que les étrangers qui n'ont point été admis par arrêté royal à se fixer en Belgique ne peuvent jamais acquérir domicile de secours dans le lieu de leur résidence.
Il serait facile de multiplier ces exemples. Il est évident qu'il y a là des abus qu'il faut déraciner le plus tôt possible. Je ne pense pas que M. le ministre de la justice conteste les anomalies que je viens de signaler. II aura beau luxe diligence pour contrôler les communes qui font des débours pour compte du gouvernement, il est impossible qu'il y parvienne ; les indigents étrangers sont disséminés dans tout le pays, et, quoi que l'on fasse, il sera toujours difficile de découvrir la vérité.
Je voudrais donc que la disposition de l'article 8 de la loi sur le domicile de secours fût interprété législativement dans un sens contraire à la jurisprudence administrative actuellement en vigueur, et qu'on n'attendît pas pour le faire jusqu'à ce que l'enquête sur la bienfaisance soit terminée.
- L'article 37 est adopté.
« Art. 38. Subsides : 1° à accorder extraordinairement à des établissements de bienfaisance et à des hospices d'aliénés ; 2° aux communes, pour l'entretien et l'instruction des aveugles et sourds-muets indigents, dans le cas de l'article 131, n°17, de la loi communale ; 3° pour secours aux victimes de l'ophtalmie militaire, qui n'ont pas droit à une pension ou à un secours à la charge du département de la guerre : fr. 146,000. »
- Adopté.
« Art. 39. Frais de route et de séjour des membres des commissions spéciales pour les établissements de charité et de bienfaisance ; des médecins chargés de rechercher et de traiter les indigents atteints de maladies d'yeux, suite de l'ophtalmie militaire ; des membres et secrétaires de la commission permanente et de surveillance générale des établissements pour aliénés, ainsi que des comités d'inspection des établissements d'aliénés. Traitement du secrétaire de la commission permanente d'inspection ; traitement du secrétaire de la commission d'inspection de l’établissement de Gheel, ainsi que de l'employé adjoint à ce secrétaire : fr. 12,000. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'année dernière, messieurs, j'ai présenté une demande de crédit supplémentaire à concurrence de 20,000 francs pour subvenir aux frais de l'enquête sur la bienfaisance, et j'ai fait connaître, dans l'exposé des motifs que le complément de la somme nécessaire serait rattaché au budget de cette année. Mais alors le budget était déjà présenté et le crédit complémentaire n'a pas pu y être compris.
Je dois donc demander à la Chambre qu'elle veuille bien ajouter au libellé ces mots « complément de l’enquête sur la bienfaisance » et porter dans la colonne des charges extraordinaires une somme de 30,000 francs.
Je dois faire une autre observation relativement à l'article 39.
On a établi, dans quelques localités, des comités du patronage pour les aliénés indigents. Ces comités ont eu besoin de quelques légers subsides à employer principalement pour les aliénés étrangers qu'il s'agit de faire rentrer dans leur pays. Tous ces subsides réunis, qui ne s'élèvent guère qu'à quelques milliers de francs, ont été imputés sur l'article 39.
La cour des comptes ayant fait des difficultés à admettre cette imputation, en raison du libellé, je pense qu'il suffira, pour en éviter le retour, d'énoncer le fait à la Chambre comme je viens de le faire.
Je me propose de continuer à imputer ces subsides sur la même allocation. Cette simple information suffira, je pense, pour dissiper toute espèce de doute, dans l'avenir, sur la régularité de l'imputation dont il s'agit.
- L'article. 39 est adopté avec les modifications proposées par M. le ministre de la justice.
« Art. 40. Impressions el achat d'ouvrages spéciaux concernant les établissements de bienfaisance et frais divers : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Art. 41. Subsides pour les enfants trouvés et abandonnes, sans préjudice du concours des communes et des provinces : fr. 145,000. »
- Adopté.
(page 438) « Art. 42. Subsides pour le patronage des condamnés libérés : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. 43. Ecoles de réforme pour mendiants et vagabonds âgés de moins de 18 ans : fr. 220,000. »
- Adopté.
M. le président. - Je reçois à l'instant de M. le ministre de l'intérieur un dossier accompagné d'une dépêche dans laquelle il rappelle que le 20 novembre dernier, un membre de la Chambre a demandé le dépôt sur le bureau de toutes les correspondances relatives à l’agrandissement et à la restauration de la porte de Hal. M. le ministre ajoute que, bien que l'enquête administrative ne soit pas encore terminée, il n'y a aucune difficulté à ce que ces pièces soient communiquées à la Chambre.
Le dossier est donc déposé sur le bureau et mis à la disposition de tous les membres de la Chambre.
M. de Gottal. - J’ai l'honneur de déposer le rapport sur le projet de loi qui tend à allouer un crédit d'un million de francs au département de la justice.
- Ce rapport sera imprimé et distribué et le projet de loi mis à la suite de l'ordre du jour.
M. Vanden Branden de Reeth. - Je désirerais présenter quelques observations à M. le ministre de la justice relativement à une mesure récente qui concerne la prison de Vilvorde.
En 1841, des religieux, connus sous le nom de frères de la Miséricorde, furent appelés dans la prison pour y remplir certaines fonctions, et après un séjour de plus de vingt ans dans cet établissement, ils viennent d'en être congédiés.
Cette mesure me semble avoir un côté fort regrettable, et je me permettrai de le signaler.
M. le ministre de la justice, dans un discours qu'il a prononcé récemment et auquel il a été fait allusion hier, disait que « lui aussi pensait que l'Etat avait une mission morale à remplir dans la société. »
Eh bien ! je crois que lorsque, en 1841, sous le ministère de M. Ernst ou de M. Leclercq, les frères furent appelés à Vilvorde, c'était pour remplir cette mission morale dont parlait M. le ministre, sans cela je ne m'expliquerais pas la présence de religieux au milieu des détenus.
Pour agir aujourd'hui à l’encontre de ce qui s'est pratiqué pendant vingt ans, aussi bien sous les ministères libéraux que sous les ministères catholiques, il faut avoir de bien graves raisons, car, pour éviter tout juste reproche il faut qu'une mesure, qui froisse les consciences catholiques soit bien motivée.
Il n'entre nullement dans mes intentions de faire la moindre insinuation qui pourrait avoir un caractère malveillant, mais je ne puis m'empêcher de dire à M. le ministre que des mesures comme celle que je signale produisent dans le pays le plus mauvais effet, surtout dans les circonstances présentes, et semblent justifier, aux yeux de beaucoup, les défiances qu'inspire le ministère.
L'on ne s'explique pas, dans un pays catholique comme la Belgique, cette espèce de répulsion que semble inspirer dans certaines régions la robe du prêtre ou l'habit de religieux, et l'on a plus de peine encore à se rendre compte de la méfiance du gouvernement, alors que l'influence qui semble l'offusquer ne peut s'exercer qu'à l'ombre des cachots et sous les verrous d'une prison.
Je sais, messieurs, que je parle devant une assemblée dont une partie ne partage pas mes convictions, mais vous aurez beau dire et beau faire, vous n'empêcherez pas que les sympathies et l'admiration du plus grand nombre ne soient acquises dans tous les pays, à la sœur de charité au chevet du lit du malade, et au frère de la Miséricorde consolant le prisonnier et cherchant à le moraliser.
Je dis donc que la question que je traite est une question sérieuse ; elle est surtout sérieuse en Belgique où le sentiment religieux est vivace dans le cœur de notre bonne population, et où tout ce qui le froisse l'émeut profondément.
Que M. le ministre me permette de le lui dire, mais je crois qu'il s'engage dans une voie dangereuse et impolitique. En donnant satisfaction aux préjugés de quelques-uns il blesse le grand nombre. Le système que semble vouloir suivre M. le ministre n'a jamais eu de succès en Belgique et rappelle involontairement à la mémoire des époques et des noms qui lui furent funestes.
Maintenant, messieurs, alléguera-t-on un motif d'économie, comme en effet l'arrêté pris par M. le ministre l'insinue ? Mais ce serait réduire une question qui n'a d'importance que par son côté moral à une question de gros sous ; tout se réduirait à savoir si, en expulsant les frères, l'on a pu économiser quelques centaines de francs.
Je ne me sens pas le courage d'entrer dans les mesquins détails qu'un pareil examen comporte. Qu'il me suffise de vous faire connaître que le traitement des sept frères était de 600 fr. chacun, la nourriture et les frais d'entretien étant à leur charge ; en outre un de ces frères était chargé de la pharmacie et un autre tenait les écritures. Pour le moment, ils ont été remplacés par trois gardiens au traitement de 900 fr. Mais il est tout à fait impossible que ces trois gardiens fassent la besogne de sept frères. Dans tous les cas, il faudra un nouvel employé pour la pharmacie et un autre pour les écritures ; ce qui fait que la dépense ancienne sera très probablement dépassée.
Voilà pour la misérable question d'économie, mise en avant pour les besoins de la cause.
Il me reste à vous dire un mot de la manière dont les services rendus par les frères de la Miséricorde sont appréciés par des hommes sérieux qui ont fait des questions d'humanité et de morale l'objet constant de leur élude. Je puiserai mes exemples à l'étranger.
M. Maguire, membre du parlement anglais, dans un ouvrage qu'il a publié il y a quelques années (en 1857, je pense) rend pleine justice aux frères de la Miséricorde qu'il a rencontrés dans plusieurs prisons en Italie.
M. Margotti, député au Parlement sarde, dans une publication faite en 1859, leur rend le même hommage.
Enfin, j'ajouterai que les mêmes religieux se retrouvent en Angleterre, où ils desservent, au nombre de huit, au milieu de Londres même, l'école de réforme catholique.
Faut-il le dire en terminant ? C'est en Belgique seulement que l'on semble méconnaître leurs services.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, l'honorable membre qui vient de s'asseoir dénature complètement le caractère de la mesure qui a été prise et les intentions qui l'ont dictée. Je puis lui déclarer que la robe de religieux ne m'offusque aucunement, que je ne poursuis aucune espèce de système, que la mesure qui a été prise l'a été en dehors de toute espèce de préoccupation politique, sans songer si cela pouvait être dans le goût d'un parti ou contraire à ses idées.
L'honorable membre n'expose pas les faits tels qu'ils se sont passés. Il semblerait, à l'entendre, que j'ai tout à coup détruit ce qui existait depuis 1841, sans tenir compte des services rendus, ni de l'idée moralisatrice qui a fait introduire les frères de la Miséricorde dans la prison de Vilvorde.
Voici les faits tels qu'ils existent en réalité :
En 1841 des frères de la Miséricorde ont été admis dans la prison de Vilvorde, au nombre de 22, je pense.
Ils étaient chargés du rôle de gardiens, préposés au service du quartier cellulaire et chargés de l'infirmerie. Tous les services de la prison leur étaient à peu près confiés.
Quelques années après, en 1847 ou 1848, le service des gardiens laissait, je crois, beaucoup à désirer ; ou a jugé à propos de remplacer les frères par des gardiens laïques, et dès cette époque la moitié des frères de a Miséricorde quittèrent l'établissement de Vilvorde ; il n'en restait que onze dont quatre préposés au service du quartier cellulaire, et sept chargés de, l'infirmerie.
Cet état de choses a duré jusqu'en 1858 ou 1859 ; à cette époque le chef de l'ordre, M. l'abbé Schaepers a notifié à mon dépatlement qu'il retirait les quatre frères préposés au service du quartier cellulaire, et auxquels, me semble-t-il, était principalement dévolu le rôle moralisateur.
C'est spontanément qu'il a retiré ces frères ; le gouvernement a dû prendre des mesures pour les faire remplacer par des gardiens laïques, et à cette occasion, il a demandé au directeur comment on pourrait organiser de la manière la plus convenable et la plus économique le service de l'infirmerie.
Le directeur a répondu qu'il pourrait faire le service de l'infirmerie avec trois gardiens laïques, qu'il en résulterait une économie de deux mille et des cents francs. L'avis du directeur a été soumis à la commission de la prison de Vilvorde, qui y a donné son assentiment et a été partagé par (page 439) mon administration. C'est ainsi que cette mesure a été prise, et je n'y ai pas mis plus de politique que je n'en mettrais dans un changement que j’apporterais dans une prison où il n'y a que des agents laïques.
Voilà comment les faits se sont passés. C'est quand M. l'abbé Schaepers eut retiré spontanément, de son plein gré, les frères chargés du service du quartier cellulaire, qu'on s'est occupé de l'infirmerie. La commission, qui est composée d'hommes que vous n'accuserez pas de faire de l'esprit de parti, ayant été consultée, a été du même avis que le directeur ; ce n'est qu'après cela que la mesure proposée par la direction de la prison a été sanctionnée par moi.
Il suffit, je pense, d'avoir exposé les faits dans leur entière vérité pour faire disparaître les accusations qu'on a cru pouvoir articuler, à cette occasion, contre moi.
- La discussion est close.
« Art. 44. Frais d'entretien, d'habillement, de courtage et de nourriture des détenus. Entretien du mobilier des prisons : fr. 1,300,000.
« Charge extraordinaire : fr. 100,000. »
- Adopté.
« Art. 45. Gratifications aux détenus employés au service domestique : fr. 34,000. »
- Adopté.
« Art. 46. Frais d'habillement des gardiens : fr. 30,000. »
- Adopté.
« Art. 47. Frais de voyage des membres des commissions administratives des prisons, ainsi que des fonctionnaires et employés des mêmes établissements : fr. 11,000. »
- Adopté.
« Art. 48. Traitement des employés attachés au service domestique : fr. 570,000. »
- Adopté.
« Art. 49. Frais d'impression et de bureau : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 50. Prisons. Entretien et travaux d'amélioration des bâtiments : fr. 160,000. »
- Adopté.
« Art. 51. Prison cellulaire de Gand. Achèvement des travaux de construction ; charge extraordinaire : fr. 90,000. »
- Adopté.
« Art. 52. Prison cellulaire de Bruges. Parachèvement des travaux d'appropriation. Quartier des surveillants et bâtiments d'administration ; charge extraordinaire : fr. 100,000. »
- Adopté.
« Art. 53. Prison cellulaire de Termonde. Continuation des travaux de construction ; charge extraordinaire : fr. 250,000. »
- Adopté.
« Art. 54. Maison pénitentiaire de Saint-Hubert. Continuation des travaux d'agrandissement ; charge extraordinaire : fr. 40,000. »
M. Allard. - Je vois que cette somme de 40,000 francs doit servir à agrandir les locaux de la maison pénitentiaire de Saint-Hubert.
J'ai fait quelques recherches pour connaître la population de cette maison. Je n'ai pu la connaître, par les rapports de la commission centrale de statistique, que jusqu'en 1850.
C'est en 1844 que cet établissement a été créé, et l'on y a d'abord envoyé 66 enfants qui se trouvaient éparpillés dans les différentes prisons du pays. Il est étonnant de voir comment, depuis lors jusqu'en 1850, ce nombre a continuellement augmenté.
C'est en 1844 que l'établissement a été formé et à la fin de cette année le nombre des détenus était de 119.
En 1845 il était de 146, en 1846 de 289, en 1847 de 390, en 1848 de 417, en 1849 de 316 et en 1850 de 266.
On demande d'agrandir les locaux, je présume que le nombre des détenus doit avoir augmenté considérablement. Je crois que, depuis l'institution de cette maison, les tribunaux appliquent un peu trop légèrement l'article 66 du Code pénal. Effectivement, je vois que dans le nombre de 1226 délinquants écroués au pénitencier de 1844 à 1850, il y en avait 801 de 7 à 14 ans. Je vous demande si l'on peut envoyer des enfants de cet âge dans une maison de détenus. Le plus souvent, si on leur donnait quelques coups de verge sur le derrière, ils cesseraient leurs méfaits. (Interruption.) Il n'y a pas de doute que si l'on plaçait ces enfants pour un mois ou deux dans une maison cellulaire, ils ne recommenceraient plus à voler.
Et ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est que sur 839 enfants sortis du pénitencier du 1er juin au 31 décembre 1850, 271 étaient déjà en état de récidive, soit 32 1/4 p. c.
Vous voyez donc qu'on n'obtient pas de très grands résultats de cet établissement.
Je crois qu'un des motifs pour lesquels on n'en obtient pas de résultats, c'est que l'on donne aux jeunes détenus un état qu'ils ne peuvent pas exercer au sortir de cette maison. On en fait des cordonniers, des tailleurs. Mais lorsque ces enfants quittent rétablissement à 18 ans, comment voulez-vous qu'un maître reçoive chez lui de pareils ouvriers ?
M. de Moor. - On en fait aussi des ouvriers agricoles.
M. Allard. - C'est possible ; c'est comme à Ruysselede, où l'on fait des vachers.
- Un membre. - A Ruysselede on fait des mousses.
M. Allard. - Eh bien, au lieu d'en faire des vachers et des mousses, je dis que vous devriez en faire des mineurs ; et ces enfants, lorsqu'ils sortiront de prison, gagneront de 2 à 3 fr., tandis qu'aujourd'hui, en sortant du pénitencier, ils sont sur le pavé ; ils ne peuvent rien gagner et ils recommencent à voler.
Je soumets ces observations à la Chambre ; je crois qu'il y a quelque chose à faire et que si l'on continue sur le même pied, non seulement le pénitencier de Saint-Hubert ne suffira plus, mais on devra construire de ces établissements dans toutes les provinces, parce que beaucoup de nos pauvres se débarrasseront de leurs enfants qui sont admirablement bien au pénitencier de Saint-Hubert.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable préopinant ne se rend pas bien compte, je crois, des raisons qui ont fait varier la population de Saint-Hubert.
Lorsque Saint-Hubert a été établi, il y avait des enfants dans différentes prisons du pays et dans les dépôts de mendicité. Dans le principe, on a envoyé à Saint-Hubert les enfants qui se trouvaient dans ces différents établissements. C'est ainsi que vous avez vu le nombre augmenter prodigieusement jusque vers 1850.
Eu 1850, qu'est-il arrivé ? On a fait une séparation entre les individus condamnés pour vagabondage et les individus condamnés en vertu de l'article 66 du Code pénal. On a envoyé à Ruysselede les individus qui étaient simplement de petits vagabonds, et l’on a envoyé à Saint-Hubert les individus qui étaient condamnés en vertu de l'article 66.
Le nombre alors a diminué à Saint-Hubert à peu près de la quantité envoyée à Ruysselede.
On demande à agrandir l'établissement, pourquoi ? Ce n'est pas que le nombre des condamnés augmente tant. Mais nous avons supprimé la maison d'Alost, et c'est pour pouvoir appliquer à un travail agricole les jeunes délinquants qui ont été envoyés de cette maison au pénitencier de Saint-Hubert, que nous agrandissons ce dernier. Mais avant de songer à cet agrandissement et de supprimer la prison d'Alost, j'ai fait faire des démarches dans cette localité pour obtenir une certaine quantité de terres où l'on pourrait occuper ces enfants. On a reconnu que c'était impossible.
J'ai alors engagé la ville de Saint-Hubert à abandonner 50 hectares de terre qui seront joints au pénitencier et dans lesquels les détenus pourront travailler.
Je puis rassurer complètement l'honorable M. Allard sur les conséquences de ce qui se passe en ce moment à Saint-Hubert. Il ne s'agit pas d'une augmentation réelle de la population des délinquants. C'est le résultat de la suppression de l’établissement d'Alost.
M. J. Lebeau. - Je ne viens pas combattre les observations présentées par M. Allard. Cependant le peu de mots que j'ai à dire à la Chambre concernent l’établissement dont il est question en ce moment, le pénitencier de Saint-Hubert.
Après avoir visité Saint-Hubert l'année dernière, et à la suite d'une conférence assez longue avec le respectable ecclésiastique qui dirige l'établissement avec l'aide de jeunes prêtres pleins de dévouement, j'ai exprimé dans cette Chambre, conformément aux vues des administrateurs, le désir qu'on pût leur permettre de donner plus d'extension au travail agricole, réservé aux jeunes détenus.
(page 440) Je suis persuadé que personne ne comprend mieux que l’honorable ministre de la justice l'importance de cette amélioration. Je lui demanderai donc s'il a été fait quelque chose en ce sens.
Je crois, en effet, que sous le rapport de l'hygiène comme sous le rapport de la moralisation des jeunes détenus, le développement du travail agricole joint aux exercices militaires qui y sont pratiqués, sont de la plus haute importance pour l'avenir des jeunes reclus.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je viens de dire qu'à la suite de démarches faites auprès de l'autorité communale de Saint-Hubert, celle-ci a abandonné à l'Etat environ 50 hectares de terrain à proximité de l'établissement. A partir du printemps prochain, les détenus pourront se livrer au travail agricole qui, je l'admets, présente de grands avantages.
M. Allard. - J'ai également visité l'établissement de Saint-Hubert et je reconnais qu'il est parfaitement tenu. Aussi je n'ai pas voulu le critiquer ; j'ai dit seulement que, dans ma pensée, les tribunaux envoient trop souvent les délinquants à ces institutions.
Voici, par exemple, deux individus appelés Gaillard, ce sont de mauvais gaillards ; l'un a 13 ans, l'autre a 15 ans, celui de 15 ans a été condamné à 3 mois de prison et l'autre a été envoyé à Saint-Hubert. Eh bien, il me semble qu'il aurait mieux valu condamner ce dernier à un mois de prison que de le faire nourrir aux frais de l'Etat pendant plusieurs années.
Dans tous les cas, messieurs, on devrait dans ces établissements s'attacher à former des ouvriers qui pussent se placer utilement à leur sortie de prison.
Vous pourriez par exemple former à Saint-Hubert des mineurs comme vous faites les mousses à Ruysselede.
De cette manière ils seraient surs de trouver du travail à leur libération et de gagner de l'argent immédiatement.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je dois protester contre l'espèce de procès que l'on fait aux tribunaux. L'autorité judiciaire a ses attributions et elle les exerce avec une intelligence et une impartialité qui ne me semblent pas laisser place à la critique ; il n'est donc pas convenable de venir lui adresser des reproches.
Si, dans une circonstance donnée, elle a appliqué à un prévenu 3 mois d'emprisonnement et en a envoyé un autre pour quelques années dans un pénitencier, c'est évidemment qu'elle a trouvé dans le plus ou moins de moralité des délinquants, dans le plus ou moins de chances d'amendement, d'excellentes raisons pour agir ainsi, et je n'admets pas que l'on puisse, de ce chef, diriger contre les tribunaux une attaque quelconque.
Je crois que la justice est trop bien rendue en Belgique pour qu'on vienne traîner la magistrature à la barre de la Chambre.
M. Allard. - Je n'ai pas voulu faire le procès à la magistrature, j'ai seulement fait remarquer que depuis l'établissement du pénitencier de Saint-Hubert il y â beaucoup plus d’enfants dans les prisons qu'il n’y en avait auparavant.
Il y en aurait probablement beaucoup moins si ce pénitencier n'existait pas.
- L'article est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à 5 heures.