(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862>)
(page 9) (Présidence de M. Dautrebande, doyen d’âge)
M. de Gottal, secrétaire provisoire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Pirmez, autre secrétaire provisoire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
« M. d'Hoffschmidt, obligé de vaquer à des affaires urgentes, demande un congé de cinq jours. »
- Accordé.
« MM. Carlier, de Brouckere et Lange, qui ont été admis dans la séance d'hier, prêtent serment. »
M. le président. - La parole est à M. Van Humbeeck, chargé de faire le rapport sur l'élection de l'arrondissement d'Eecloo.
M. Van Humbeeck, rapporteur. - Messieurs, la commission chargée de l'examen du dossier relatif à l'élection d'un représentant à Eecloo, en remplacement de l'honorable M. Desmaisières, croit devoir soumettre à la Chambre quelques observations sur des lacunes existant dans les procès-verbaux des opérations électorales accomplies dans cet arrondissement.
Le corps électoral d'Eecloo était divisé en deux sections ; les formules imprimées des procès-verbaux, après avoir indiqué la clôture du scrutin, portent la phrase suivante : « Il (le président) fait ensuite l'ouverture de la boîte ; et il est procédé à la constatation du nombre des bulletins, qui est trouvé se monter à ..., nombre égal à celui des électeurs inscrits. »
Ces procès-verbaux sont en flamand ; la Chambre nous pardonnera d'avoir sacrifié la correction aux nécessités d'une traduction littérale.
Dans la deuxième section électorale, le blanc destiné à recevoir le chiffre des bulletins n'a pas été rempli.
Le procès-verbal des opérations du premier bureau, bureau principal, constate que le chiffre des bulletins y était de 515, nombre égal à celui des votants. Après la répartition de ces 515 suffrages et la proclamation de ce résultat, on lit :
« Les membres des bureaux des sections, porteurs du résultat du scrutin de leurs sections respectives, ayant déposé celui-ci, il est procédé, en présence de l'assemblée, au relevé général des suffrages, qui donne pour résultat que :
« M. Joseph Kervyn de Lettenhove, propriétaire à Saint-Michel-lez-Bruges a, dans les deux bureaux réunis, obtenu 562 voix.
« M. Charles de Kerkhovec-Delimon, bourgmestre, à Gand, 453.
« M. Joseph Van Nieuwenhuyze, 1.
« M. Desmaisières, 1.
« Trois billets blancs, un sans désignation suffisante et une quittance. On a fait remarquer que cette rédaction ne faisait mention ni du nombre total des suffrages valables, ni par suite du chiffre de la majorité absolue ; cette lacune a paru à certains membres de la commission d'autant plus grave, que les renseignements combinés des deux procès-verbaux ne permettaient pas de la combler, le deuxième bureau n'ayant point indiqué le nombre total des suffrages dans son sein.
Une discussion s'est alors produite ; quelques membres de la commission proposaient de compléter les données des procès-verbaux par celles des autres pièces du dossier ; d'autres soutenaient que le procès-verbal est la pièce fondamentale, l'instrument indispensable à la constatation de toutes les conditions essentielles de l'élection ; au nombre de ces conditions, il faut nécessairement compter la fixation du chiffre total des suffrages valables et de la majorité absolue (articles 32 et 35 de la loi du 3 mars 1831).
D'ailleurs, ajoutait-on, le procès-verbal ne pourrait se compléter qu'au moyen des deux listes exigées par l'article 27 de la loi électorale ; or, le législateur considère ces listes comme tellement accessoires qu'il n'exige même pas qu'elles soient signées ; dans la pratique on y appose la signature du président, du secrétaire et du scrutateur, qui a tenu l'une des deux. Mais pour le résultat du dépouillement du scrutin, la loi exige les signatures de tous les membres du bureau (articles 30 et 37 in fine de la même loi). Le procès-verbal, concluait-on, doit être regardé comme la seule pièce entièrement probante ; celui de l'élection d'Eecloo ne mentionnant pas les deux chiffres, dont la connaissance est indispensable pour apprécier la validité des opérations, celles-ci doivent être annulées.
Ces observations ont été combattues par d'autres membres ; la Chambre, disaient ces derniers, ne doit chercher qu'à se convaincre de la sincérité des opérations soumises à son appréciation ; nul ne peut lui demander compte des moyens par lesquels cette conviction sera acquise. Partant de cette idée, ils faisaient valoir que le procès-verbal du deuxième bureau mentionne les résultats suivants :
M. Kervyn de Lettenhove, 284 voix,
M. de Kerkhove de Limon, 220,
M. Desmaisières,
un billet nul ;
un billet blanc ;
Que la somme de ces résultats amenait un chiffre de 506 bulletins, chiffre égal à celui des votants, mentionné aux listes tenues en double par le deuxième bureau ;
Que cette conformité de chiffres permettait de suppléer à la lacune signalée dans le procès-verbal de ce bureau.
Ajoutant ce chiffre de 506 bulletins aux 515 trouvés dans l'urne du premier bureau, on trouve un total de 1,021 bulletins. Or le dépouillement, par lequel se termine le procès-verbal du bureau principal, donne :
A M. Kervyn de Lettenhove, 562 voix.
A M. de Kerkhove de Limon, 453
A M. Van Nieuwenhuyze, 1
A M. Desmaisières, 1
3 billets blancs, 3
1 nul.
Ce ui donne le même chiffre de 1,021 bulletins, non compris une quittance trouvée dans l'urne au premier bureau.
Ces indications, disaient les adversaires de l'annulation, permettent de suppléer aux lacunes des procès-verbaux.
Le nombre total des suffrages a été de 1,021
A défalquer trois billets blancs, un nul, 4
Total des suffrages valables : 1,017
Majorité absolue, 509
M. Kervyn de Lettenhove ayant obtenu 562 voix, 55 de plus que la majorité absolue, et aucune réclamation ne s'étant produite, son admission doit être proclamée.
Telle était la conclusion des partisans de cette deuxième opinion.
La commission s'est prononcée pour ce dernier système par 5 voix contre 2.
Elle a néanmoins chargé son rapporteur de résumer devant la Chambre les observations échangées dans cette discussion.
Après ce vote il restait à s'assurer de l'éligibilité de M. Kervyn de Lettenhove, quant à son âge, à sa condition de Belge, à son domicile et à la jouissance de ses droits civils et politiques. Sur ces points les documents produits ne laissent aucun doute.
La commission propose en conséquence l'admission de M. Kervyn de Lettenhove, élu membre de la Chambre par l’arrondissement d'Eccloo.
M. B. Dumortier. - Je demande la parole.
- Des membres. - On est d'accord.
M. B. Dumortier. - Oui, l'on est d'accord ; mais il y a dans le rapport qui vient d'être fait des choses qu'il n'est pas possible de laisser passer sous silence : la Chambre ne peut pas admettre comme doctrine qu'un procès-verbal puisse vicier une élection par un défaut de forme ; car s'il en était (page 10) ainsi, il dépendrait d'un bureau électoral de vicier une élection chaque fois qu'il le voudrait. Ainsi, par exemple, si on avait admis cette doctrine depuis 1830, je déclare que bien peu de députés du Luxembourg n'auraient pu siéger dans cette enceinte, car il ne nous est presque jamais venu de cette province un procès-verbal en règle.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Citez des faits.
M. B. Dumortier. - On dit que dans le procès-verbal d'un bureau d'Eecloo, on a omis d'inscrire le nombre des votants ; eh bien, dans l'élection de l'honorable M. Vandenpeereboom, à Ypres, un fait absolument identique s'est passé.
J'ai été chargé, par la commission dont je faisais partie, de dépouiller le procès-verbal de cette élection ; c'est l'honorable M. Allard qui a fait le rapport ; eh bien, le procès-verbal du bureau principal faisant le relevé des votes ne mentionne en aucune manière le nombre des votants, comme ce nombre n'est pas mentionné dans le procès-verbal de l'élection d'Eecloo.
M. Prévinaire. - Il n'y a pas d'opposition.
M. B. Dumortier. - Permettez ; le nombre des votants ne figurait donc pas au procès-verbal ; qu'avons-nous fait ? nous avons cherché à nous éclairer par les autres procès-verbaux et par les listes d'appel ; et quand nous avons vu que l'élection de l'honorable M. Vandenpeereboom était parfaitement établie, non seulement nous avons proposé à la Chambre de la valider, mais nous nous sommes bien gardés de venir en faire un grief à la Chambre.
Le cas était identique ; je m'en vais vous dire pourquoi ; et ici j'appelle l'attention du gouvernement sur ce point : on envoie maintenant aux bureaux électoraux des formules imprimées de procès-verbal ; eh bien, dans la plupart de ces formules il y a des vices de forme.
Je tiens ici le procès-verbal de l'élection d'Ypres ; vous y trouvez le nombre de voix qu'a obtenues chaque candidat et dans chaque bureau ; mais le nombre total des votants n'y est pas indiqué.
Je ne sais si c'est le gouvernement qui se charge de faire imprimer les formules ou si ce sont les gouverneurs, mais, dans tous les cas, il serait fort à désirer qu'une formule, à l'abri de toute espèce de reproche, fût faite et envoyée à toutes les élections, car véritablement l'électeur qui tient le procès-verbal, et qui souvent n'est pas très instruit, croit avoir tout fait quand il a rempli le document imprimé qu'on lui donne et ce document est fallacieux.
Je pense donc que la seule morale que nous ayons à tirer de ceci, c'est que le gouvernement doit veiller à ce que dans tous les bureaux il y ait une formule à l'abri de toute espèce de reproche.
Je le répète, je tiens en mains les pièces déposées sur le bureau concernant les élections d'Ypres, et le nombre des votes n'y est pas indiqué.
M. Van Humbeeck. - Je tiens à donner une simple explication. L'honorable M. Dumortier me paraît avoir très mal compris le rapport dont lecture vient d'être donnée à la Chambre.
La troisième commission n'a nullement entendu que le vice d'un procès-verbal dût nécessairement entacher une élection entière.
Si l'on pouvait adresser un reproche à la théorie de la commission, ce serait d'être trop absolue dans le sens contraire. La doctrine de la commission consacre l'omnipotence de la Chambre en matière de vérification des opérations électorales et de validation des pouvoirs ; mais une théorie restrictive que la commission a trouvée sérieuse, a été mise en avant. Ceux qui l'avaient soutenue ont demandé qu'il en fût fait mention dans le rapport. La majorité n'a pas cru devoir se refuser à donner cette satisfaction à la minorité, et c'est dans cet ordre d'idées seulement, que les considérations auxquelles l'honorable membre a fait allusion ont été émises.
- Les conclusions du rapport sont adoptées.
M. Kervyn de Lettenhove prête serment.
Il est procédé au vote pour la nomination du président.
Nombre de votants., 84
Billets blancs, 16
Bulletins valables, 68
Majorité absolue, 35.
M. Vervoort obtient 63 suffrages.
Bulletins nuls, 3
En conséquence, M. Vervoort est proclamé président.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants, 85
Billets blancs, 16
Bulletins valables., 69
Majorité absolue, 35.
M. E. Vandenpeereboom a obtenu 60 suffrages.
M. de Naeyer, 8.
M. Vilain XIIII, 1.
M. E. Vandenpeereboom, ayant réuni la majorité des suffrages, est proclamé premier vice-président.
Il est procédé au scrutin pour la nomination du second vice-président.
Nombre de votants., 85
Billets blancs, 9
Bulletins valables, 76
Majorité absolue, 38
M. Moreau obtient 54 voix.
M. de Naeyer 22.
En conséquence, M. Moreau est proclamé second vice-président.
M. Snoy. - En remerciant mes honorables collègues qui m'ont fait l'honneur de me nommer secrétaire l'année dernière, je viens les prier, dans le cas où ils penseraient encore à moi pour la session actuelle, de vouloir bien me choisir un successeur.
- Il est procédé au scrutin pour la nomination des secrétaires.
En voici le résultat :
Nombre de votants, 83
Billets blancs, 8
Bulletins valables, 75
Majorité absolue, 38.
M. de Florisone obtient 65 suffrages.
M. de Boe, 60
M. de Moor, 60
M. Thienpont, 59
M. Van Bockel, 15
M. de Lexhy, 2
M. de Gottal, 2
M. Dechentinnes, 1.
En conséquence, MM. de Florisone, de Boe, de Moor et Thienpont sont proclamés secrétaires.
M. le président (M. le doyen d'âge) - Messieurs, conformément au règlement de la Chambre, nous avons, mes honorables collègues et moi, formé le bureau provisoire. Nous vous remercions, messieurs, de la bienveillance que vous nous avez témoignée pendant que nous avons rempli ces fonctions.
Maintenant que notre tâche est terminée, j’invite les membres que la Chambre vient de nommer à venir nous remplacer. (Très bien ! très bien !)
M. le président. - Messieurs et chers collègues, s'il fallait pour arriver à la présidence de la Chambre le prestige du mérite personnel et de grands services rendus au pays, il y a un grand nombre de nos collègues réunissant ces glorieux titres qui me manquent, et j'aurais eu à décliner déjà l'insigne honneur qui m'est échu.
Mais s'il suffit d'avoir la plus haute opinion de nos prérogatives constitutionnelles, de l'importance du parlement ; s'il suffit de vouloir la liberté de la tribune et la dignité de nos délibérations ; s'il suffit du désir de bien faire en toutes circonstances, et de la volonté de déployer toujours ici une impartiale fermeté, alors, je puis, je le sens, accepter et occuper encore ce fauteuil. Telle est aussi, je crois, votre appréciation. Les suffrages nombreux et sympathiques que vous venez de m'accorder remplissent mon cœur de reconnaissance ; ils me disent que je suis en possession de votre estime et de votre confiance, ils m'apporteront un ferme appui pour l'accomplissement de mes devoirs.
Nous entrons, messieurs, dans une session laborieuse. La nation est attentive à nos travaux, elle attend beaucoup de nous. Notre digne Roi a exprimé récemment un vœu qui, j'en suis certain, sera écouté. Je suis convaincu que vous rendrez cette session féconde en résultats ; mais c'est à la condition d'apporter dans l'examen et les discussions le sentiment bien arrêté du bien public et la résolution d'être concis et modérés.
(page 11) Nous représentons un peuple sage qui doit, même au milieu des circonstances les plus graves, conserver le calme et la dignité dans la pratique de ses libertés ; sachons conserver aussi le calme et la dignité dans la discussion de ses intérêts. Eh ! messieurs, la modération se concilie à merveille avec l'énergie et la fermeté des convictions que vous aimez â faire briller aux yeux du pays et qui sont l'honneur de l'homme politique.
Si vous vous divisez souvent sur les questions qui touchent à la direction des affaires publiques, soyez unis au moins et serrez vos rangs autour de la présidence pour maintenir intactes nos prérogatives, pour conserver les garanties réglementaires de la liberté de vos débats, pour développer la salutaire influence de notre régime parlementaire. (Très bien ! très bien !)
Messieurs, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre de voter des remerciements à notre respectable doyen d'âge et aux autres membres du bureau provisoire. (Applaudissements.)
Je déclare la Chambre constituée. Il en sera donné connaissance au Roi et au Sénat.
Nous avons reçu un message du Sénat, par lequel il informe la Chambre qu'il s'est constitué dans la séance du 12 novembre.
- Pris pour notification.
Nombre de votants, 82.
Bulletins blancs, 2.
Reste, 80.
Majorité absolue, 41.
Les suffrages se sont répartis de la manière suivante :
M. de Naeyer, 79
M. Dolez, 75
M. Orts, 75
M. Lebeau, J, 49
M. Van Humbeeck, 47
M. Devaux, 44.
Après eux, MM. Pirmez et Nothomb ont obtenu 29 voix et M. de Theux 27.
En conséquence la commission d'adresse se compose de MM. de Naeyer, Dolez, Orts, J. Lebeau, Van Humbeeck, Devaux et de M. le président de la Chambre.
Nombre de votants, 69
Majorité absolue, 35
M. Allard obtient, 63 suffrages.
M. de Baillet-Latour, 46.
En conséquence, MM. Allard et de Baillet-Latour sont proclamés questeurs de la Chambre.
- La séance est levée à 4 heures et demie.