Séance du 12 novembre 1861
(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)
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MM. les membres du Sénat et de la Chambre des représentants se réunissent vers midi dans la salle des délibérations de cette dernière assemblée.
La salle est ornée et disposée comme antérieurement à l'occasion de semblables solennités : le bureau de la présidence et la tribune sont remplacés par un trône surmonté d'un dais garni de draperies en velours rouge ; à gauche de ce trône, s'élève une élégante tribune destinée à S. A. R. et I. la Duchesse de Brabant. Des sièges placés derrière les bancs de MM. les députés sont occupés de bonne heure par un grand nombre de dames.
A midi, les tribunes réservées et publiques sont ouvertes et bientôt envahies par le public.
A peu d'exceptions près, tous les membres des deux Chambres sont présents. Les ministres sont à leur banc.
On remarque, dans la tribune qui leur est réservée, la plupart des membres du corps diplomatique.
A midi et un quart, M. Martens, doyen d'âge des deux Chambres, prend place au fauteuil de la présidence. Il est assisté, en qualité de secrétaires, de MM. de Florisone et de Gottal, les deux plus jeunes membres de l'assemblée.
M. le président donne communication d'une dépêche du maréchal du palais, annonçant que S. A. R. et I. la Duchesse de Brabant, ainsi que LL. AA. RR. le Duc de Brabant et le Comte de Flandre assisteront à la séance.
Il est ensuite procédé au tirage au sort des députations chargées de recevoir S. M. le Roi et la famille royale. La députation chargée de recevoir S. A. R. et I. la Duchesse de Brabant est composé de deux sénateurs et de quatre représentants. Le sort désigne pour le Sénat, MM. le baron Béthune et Dupont d'Altérée ; pour la Chambre des représentants, MM. Grandgagnage, Sabatier, H. de Brouckere et Orts.
La députation qui recevra le Roi est composée de six membres du Sénat et de douze membres de la Chambre des représentants. Le sort désigne, pour le Sénat : MM. Fortamps, Zaman, baron Gilles de 's Gravenwezel, baron Mazeman, Van de Woestyne et F. Spitaels ; pour la Chambre des représentants : MM. Dechamps, Thienpont, de Man d'Attenrode, de Ruddere de Te Lokeren, Dolez, Guillery, Rodenbach, Van de Woestyne, de Breyne, Kervyn de Volkarsbeek, H. Dumortier et Moreau.
Ces deux députations se retirent immédiatement pour aller recevoir le Roi et S. A. I. et R. la Duchesse de Brabant.
A une heure moins un quart, S. A. R. et I. la Duchesse de Brabant prend place dans la tribune qui lui est réservée et est accueillie par de vifs applaudissements partis de tous les points de la salle et des tribunes.
A une heure, l'huissier en chef de la Chambre des représentants annonce : « Le Roi. »
L'assemblée se lève.
Le Roi entre, précédé de la députation, de MM. les questeurs des deux Chambres et accompagné de LL. AA. RR. le Duc de Brabant et le Comte de Flandre. D'unanimes applaudissements cl des cris de « Vive le Roi » saluent Sa Majesté à son entrée dans la salle.
S. M. est accompagnée du grand écuyer, M. le comte d'Hanins de Moerkerke, du grand maréchal du palais, M. le comte de Marnix, et de ses aides de camp.
S. M. s'assied, se couvre et prononce le discours suivant.
« Messieurs,
« C'est avec une bien douce satisfaction que je me retrouve au milieu des Représentants de cette nation fidèle, à laquelle (page 2) m'unissent depuis plus de trente ans des liens d'affection et de confiance que le temps n'a fait que fortifier.
« Les relations de la Belgique avec les pays étrangers se maintiennent dans des conditions favorables à ses intérêts et conformes à ses devoirs de neutralité.
« Un traité de commerce de la plus haute importance a été conclu dans le courant de cette année entre la Belgique et la France. Il aura pour résultat de cimenter de plus en plus les bons rapports entre les deux pays. Les mêmes principes seront appliqués dans nos relations avec la Grande-Bretagne, et ils serviront de base aux négociations que nous aurons à ouvrir encore avec d'autres Etats.
« Nous continuerons en outre de favoriser notre commerce, ainsi que notre production agricole et industrielle, en ajoutant de nouvelles voies de communication à celles, déjà si nombreuses et si variées, qui sillonnent notre territoire.
« Une convention récente conclue avec les Pays-Bas a mis fin aux difficultés qui avaient surgi relativement au régime des eaux de la Meuse. Cet arrangement contribuera à maintenir nos rapports de bon voisinage avec une nation amie dont j'ai été heureux, dans une circonstance récente, de rencontrer l'illustre Chef au sein de la patriotique cité de Liège.
« Les renseignements recueillis sur l'état de nos récoltes présentent leur résultat sous un aspect moins défavorable qu'on ne l'avait d'abord présumé. A l'étranger les récoltes sont en général satisfaisantes dans les pays qui exportent leurs céréales, et le régime libéral adopté en Belgique permet de dire que le déficit sera facilement comblé par le commerce.
« Plusieurs lois importantes, présentées dans les sessions de 1859 et de 1860, pourront, je l'espère, être discutées et votées dans le cours de la session actuelle.
« D'autres projets, non moins intéressants, seront soumis à vos délibérations.
« Nos lois de milice appellent depuis longtemps une réforme. Un projet vous sera soumis qui, en corrigeant, au point de vue administratif, les vices du système actuel, aura pour but d'assurer une équitable compensation à ceux qui consacrent une partie de leur jeunesse au noble métier des armes, pour le service de l'Etat.
« Cette réforme aura, je n'en doute pas, les conséquences les plus heureuses pour la bonne constitution de l'armée, si digne de notre sollicitude.
« La garde civique rivalise avec elle de patriotisme et de zèle, et le grand succès qu'a obtenu dans ses rangs l'institution du tir national atteste son vif désir de perfectionner de plus en plus son instruction.
« L'enseignement public à tous les degrés, les lettres, les sciences et les beaux-arts concourent au progrès général du pays et rencontrent, dans mon gouvernement comme au sein des Chambres, un appui sympathique et persévérant.
« La dernière exposition d'Anvers a fait briller l'école belge d'un nouvel éclat et les artistes de tous les pays, réunis au sein de notre métropole commerciale, y ont reçu l'accueil hospitalier que leur devait la patrie de Rubens et de Van Dyck.
« Malgré les crises de diverse nature que nous traversons, la situation financière est satisfaisante.
« L'exécution des mesures prescrites par la loi pour la révision des opérations cadastrales se poursuit avec activité.
« La contribution personnelle donne lieu à des réclamations fondées : la loi qui l'a établie sera révisée.
« Les abus qui se sont révélés dans l'exercice des droits électoraux et qui ne pourraient se généraliser sans porter atteinte à l'honneur de nos institutions représentatives, appellent des mesures répressives que commandent à la fois l'intérêt et la dignité de toutes les opinions.
« On a également reconnu la nécessité de combler les lacunes que présente la législation existante, tant pour les fondations et l'administration des biens affectés aux études que pour la gestion et le contrôle de ceux qui sont consacrés aux cultes.
« Enfin, messieurs, l'examen des questions qui se rattachent à l'organisation judiciaire étant arrivé à son terme, une loi vous sera présentée pour régler cet important objet.
« Les nombreux travaux qui s'offrent à l'activité des Chambres permettent d'espérer des résultats féconds pour la présente session.
« Représentants de la nation, que l'esprit de maturité, de modération et de calme qui distingue les Chambres belges, continue de présider vos délibérations, que le même patriotisme vous inspire, et grâce au concours actif et bienveillant que je réclame de votre confiance, il sera donné à mon gouvernement de consolider et de perfectionner de plus en plus l'œuvre nationale entreprise en commun et placée sous notre commune sauvegarde. »
- Après la lecture de ce discours, qui est couvert de longs applaudissements, S. M. le Roi et ensuite S. A. R. et I. la Duchesse de Brabant se retirent au milieu des mêmes acclamations qu'à leur entrée.
Sur la proposition de M. Dautrebande, son doyen d'âge, la Chambre s'ajourne à demain, à 2 heures, pour la nomination des commissions de vérification des pouvoirs des nouveaux membres élus.
- La séance est levée à 2 heures.