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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 22 mars 1861

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)

(page 893) Présidence de (M. E. Vandenpeereboom, premier vice-président.

M. Snoy, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

Il donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe, secrétaire, présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le sieur Detré, ancien gendarme, demande à jouir du bénéfice de la loi relative à la pension des gendarmes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Diest prient la Chambre de décider si les herbages doivent être soumis au droit de patente. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. Beeckman. - Je demande, en outre, que la commission soit priée de faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Par message du 20 mars, le Sénat-informe la Chambre qu'il a rejeté le projet de loi conférant la naturalisation ordinaire au sieur Michel Salamé, consul de Belgique à Damiette (Egypte). »

- Pris pour notification.

Projet de loi de naturalisation

M. de Paul. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau : 1° un projet de loi ayant pour objet de conférer une grande naturalisation ; 2° un rapport sur une demande de naturalisation ordinaire.

- Impression et distribution.

Projet de loi allouant un crédit au budget du ministère des finances

Rapport de la section centrale

M. de Gottal. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi ayant pour objet d'allouer un crédit de 8,500 francs au département des finances.

- Impression et distribution.

Pièces adressées à la chambre

M. De Lexhy (pour une motion d’ordre). - Messieurs, par une pétition datée du 6 février 1861, portant le n°14244, et présentée à la Chambre, le 19 du même mois, les secrétaires communaux du canton de Landen demandent qu'il soit pris des mesures pour améliorer leur position.

Cette pétition a été renvoyée à la commission des pétitions.

Je demande que la commission soit invitée à faire un prompt rapport.

- Adopté.

Ordre des travaux de la chambre

M. Rodenbach. - Messieurs, à l'occasion des fêtes de Pâques, la Chambre est dans l'habitude de se donner un congé d'une quinzaine de jours. J'ai l'honneur de proposer à la Chambre de s'ajourner jusqu'au 9 avril prochain, après la séance de demain.

M. Julliot. - Messieurs, l'ordre du jour est assez chargé ; la session sera nécessairement courte, à cause des élections ; tout le monde s'en ira du 10 au 15 mai. Je propose que la Chambre s'ajourne jusqu'au 2 avril.

M. Vander Donckt. - Messieurs, nous avons l'habitude de nous ajourner, tous les ans pour 15 jours, a l'occasion des fêtes de Pâques ; déjà beaucoup d'honorables membres ont pris des engagements jusqu'au 9 avril prochain ; il ne serait pas rationnel d'abréger de 8 jours une vacance qui d'ordinaire dure 15 jours ; huit jours de moins ou de plus que nous siégerons dans le courant du mois d'avril ou de mai, ne hâteront pas beaucoup la marche des travaux de la Chambre et, d'un autre côté, dérangeraient un grand nombre de membres de la Chambre qui ont compté sur une quinzaine de jours de vacances.

M. de Boe. - Messieurs, j'appuie la proposition de l'honorable M. Julliot ; l'ordre du jour est en effet extrêmement chargé ; il est impossible que dans un mois nous votions tons les projets de loi sur lesquels nous avons à statuer.

On ne doit pas perdre de vue qu'il y a des élections et qu'il sera presque impossible de retenir la Chambre après le 10 ou le 15 mai, c'est-à-dire qu'il nous restera tout au plus une vingtaine de séances.

Si la Chambre veut que nous ne rentrions que le 9 avril, je demande qu'on prenne des mesures pour activer le vote de certains projets de loi.

- Une voix. - Qu'on tienne séance le lundi.

- La proposition de M. Julliot n'est pas adoptée.

La proposition de M. Rodenbach est adoptée.

M. le président. - L'ordre du jour appelle en premier lieu les prompts rapports.

Prompts rapports de pétitions

M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Liège, le 28 février 1861, des sous-officiers et gendarmes pensionnés demandent à jouir du bénéfice de la loi relative à la pension des gendarmes.

Par pétition datée de Péruwelz, le 26 février 1861, le sieur Conreur, ancien brigadier de la gendarmerie, demande qu'il lui soit fait application des dispositions de la loi relative à la pension des gendarmes.

Même demande des sieurs Ovart, Smeysters, Demeulder et Bernaert, gendarmes pensionnés.

Messieurs, votre commission a examiné la demande des pétitionnaires. Il lui a paru que les pétitionnaires demandent la rétroactivité de la loi ou une modification immédiate. Elle a cru que la Chambre n'était pas disposée à modifier immédiatement la loi qu'elle a portée seulement dans le courant de l'année passée et d'autre part qu'on ne peut donner un effet rétroactif à la loi.

Votre commission, a cru, messieurs, que la loi telle qu'elle avait été portée, a eu pour but d'encourager les enrôlements dans la gendarmerie.

Or, ce n'est pas en augmentant la pension des gendarmes qui ont été pensionnés d'après les lois antérieures qu'on peut encourager l'enrôlement des gendarmes.

Par conséquent votre commission a l'honneur de vous proposer de passer à l'ordre du jour.

Cet ordre du jour n'a rien de dédaigneux pour les pétitionnaires, il n'a d'autre portée que de leur faire comprendre que la Chambre n'a pas l'intention de s'occuper de leur demande ni de modifier une loi qui fonctionne à peine depuis un an. La Chambre a agi en pleine connaissance de cause au sujet des mesures et du but qu'elle a voulu atteindre.

L'ordre du jour a surtout pour but d'empêcher les gendarmes qui seraient encore dans l'intention de pétitionner de donner suite à leur projet, car si la Chambre renvoyait les pétitions à M. le ministre de la guerre, immédiatement tous les gendarmes pensionnés du pays viendraient demander la même chose.

Si donc la Chambre n'est pas d'intention de modifier immédiatement la loi ou de lui donner un effet rétroactif, ce que je ne puis supposer, je ne puis que l'engager à adopter les conclusions de sa commission.

- L'ordre du jour est prononcé.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Mouscron, le 12 mars 1861, l'administration communale de Mouscron demande que, lors de la réorganisation judiciaire, une justice de paix soit établie dans cette commune.

Les pétitionnaires font valoir beaucoup de considérations à l'appui de leur demande.

(page 894) Parmi ces considérations, l'une est l'augmentation de la population, qui est devenue très considérable dans la localité de Mouscron.

Beaucoup d'autres considérations encore que les pétitionnaires font valoir, ont engagé votre commission à vous proposer le renvoi de cette pétition, sans rien préjuger, à l'honorable ministre de la justice.

M. H. Dumortier. - Messieurs, j'appelle la plus sérieuse attention de M. le ministre de la justice sur la pétition dont vous venez d'entendre l'analyse. J'ose le dire, parmi le très grand nombre de requêtes que nous recevons, il en est peu d'aussi fondées que cette pétition du conseil communal de Mouscron, tendante à obtenir une résidence de justice de paix dans cette localité.

Le conseil communal de Mouscron a cru que le moment était venu d'exposer cette situation au gouvernement, en présence des déclarations qui nous ont été faites depuis quelque temps, que prochainement un projet de loi sur l'organisation judiciaire sera soumis à la Chambre.

Messieurs, les circonscriptions des justices de paix, vous le savez, offrent dans beaucoup de parties du pays, une irrégularité presque incroyable. L'arrondissement de Courtrai se trouve parmi ceux où il y aura nécessairement quelque chose à faire pour changer cet état de choses, et parmi les localités qui pourraient avoir droit à réclamer une résidence de justice de paix, l'on peut citer l'importante commune de Mouscron.

Depuis une vingtaine d'années, l'industrie a tellement augmenté la population dans cette localité que beaucoup de nos petites villes n'en ont pas une, aussi considérable.

La commune de Mouscron compte de 7,000 à 8,000 habitants. Elle compte une cinquantaine de fabriques, 8,000 à 10,000 ouvriers, et à côté de Mouscron se trouve un groupe de communes qui sont encore plus éloignées que Mouscron même de la résidence du juge de paix, résidence qui est fixée à Courtrai.

Messieurs, il est important que le juge de paix réside au milieu de ses justiciables, parce que ce magistrat a non seulement à remplir un devoir qui consiste à trancher les contestations, à rendre des jugements, mais le juge de paix a une autre mission encore à remplir, c'est celle d'exercer une influence morale sur ses justiciables ; c'est de chercher par des procédés conciliants à empêcher les contestations de naître autant que de les juger. Et, pour atteindre ce but, il doit résider constamment parmi ces justiciables.

Je n'insisterai pas longuement sur cette pétition. Je ne crois pas que le moment en soit venu, pour discuter cette affaire à fond, mais j'espère que l'honorable ministre voudra dès à présent prendre bonne note de cette requête.

Un autre inconvénient que j'oublie de vous signaler, c'est que trop souvent, l’échevin chargé de remplir les fonctions de commissaire de police est obligé de se trouver à Courtrai pour assister aux audiences de la justice de paix.

Pour une commune aussi considérable que celle de Mouscron, il est nécessaire que le collège échevinal ne soit pas continuellement distrait de ses attributions ordinaires d'administration.

Et à ce propos, je ferai en passant une observation qui sort peut-être un peu de l'ordre d'idées qui nous occupe, mais qui n'est pas sans importance ; c'est qu'il est à regretter que de 1857 à 1861, le ministère ait laissé la commune de Mouscron sans y nommer un premier échevin, alors que l'échevin qui avait été réélu à une grande majorité, était conseiller communal depuis 1822 et avait été toujours réélu à la presque unanimité. Depuis longtemps il remplissait les fonctions d'échevin.

Au reste je n'insisterai pas davantage aujourd'hui sur cette pétition.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Quant au dernier fait que vient de signaler l'honorable préopinant, il m'est impossible de répondre ; j'ignore complètement les raisons qui ont pu déterminer mon collègue de l'intérieur à ne pas nommer l'échevin dont parle l'honorable membre ; je suppose qu'il a eu de très bonnes raisons pour ne pas le faire, mais je ne puis pas m'en expliquer.

M. H. Dumortier. -- La bonne raison, c'est la justice et l'intérêt des administrés.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La bonne raison pour vous, je ne sais pas ce qu'elle est ; en ce qui me concerne, je répète que je ne puis pas m'expliquer sur un fait que je ne connais pas.

Quant à l'objet principal de la pétition, je ne puis pas m'expliquer davantage, c'est une question à examiner.

D'abord y a-t-il bien lieu d'augmenter toujours le nombre des fonctionnaires ? C'est là le premier côté de la question. Nous devons plutôt tendre à élever les traitements des fonctionnaires actuels, traitement qui ne sont plus en rapport avec les besoins de la vie. Je crois qu'il ne faut pas s'engager trop facilement dans la voie dans laquelle on nous convie d'entrer.

Je dis cela d'une manière générale, sans application spéciale.

D'un autre côté, pour créer de nouveaux cantons de justice de paix, il faut examiner si les distances qui séparent les justiciables du chef-lieu sont trop grandes ; voir l'augmentation de la population et le nombre des affaires. C'est-là une étude à faire.

Mais dans tous les cas ces créations nouvelles ne feront pas partie de la loi d'organisation judiciaire.

Dans cette loi je ne proposerai pas de nouvelles circonscriptions ; ce serait le moyen de renvoyer à je ne sais quand le vote de cette loi.

Si ma mémoire est fidèle, à plusieurs reprises on a tenté de changer les circonscriptions des cantons et des tribunaux de première instance, Il me semble qu'à une époque où j'étais membre du conseil provincial toutes les provinces ont été consultées sur les nouvelles circonscriptions à établir.

De tous côtés se sont élevées des prétentions, des réclamations, des oppositions telles, qu'on n'a pas pu avancer.

Je ne m'interdis pas cependant de créer un canton là où la nécessité en sera démontrée, mais ce sera par mesure spéciale et non par mesure générale ; un travail s'appliquait à tout le pays me paraît hérissé de tant de difficultés que ce serait ajourner indéfiniment la loi d'organisation judiciaire, de vouloir l'y comprendre.

M. Tack. - La Chambre, qui se sépare demain, doit être pressée d'en finir avec deux objets importants qui figurent à son ordre du jour : l'un c'est le projet de loi portant institution d'une caisse centrale de prévoyance en faveur des secrétaires communaux ; ce projet de loi, dont le vote est attendu avec impatience, ne saurait souffrir de plus longs retards, à moins qu'on ne veuille décourager les secrétaires communaux ; l'autre est le Code pénal, dont il importe également d'achever la discussion le plus tôt possible.

Je comprends que, dans cette situation, il ne me serait guère permis de m'occuper longuement de la pétition sur laquelle il vient d'être fait rapport.

Je me bornerai donc, pour le moment, à appuyer le renvoi de la pétition à M. le ministre de la justice et à prier l'honorable chef de ce département de vouloir bien l'examiner avec la plus grande sollicitude.

La commune de Mouscron, comme l'a dit l'honorable M. H. Dumortier, est devenue un centre manufacturier très actif, les affaires y ont pris depuis quelques années une très grande extension ; la population de la commune de Mouscron s'est notablement accrue, et Mouscron ne compte pas seulement une population y domiciliée que j'appellerai autochtone, mais aussi une population flottante de travailleurs nomades. Les habitants de Mouscron et des communes wallonnes circonvoisines sont obligés, pour tout ce qui touche aux affaires judiciaires du ressort de la justice de paix, de se rendre au chef-lieu d'arrondissement ; de là des pertes de temps très sensibles.

J'insiste donc avec l'honorable M. Dumortier pour que M. le ministre veuille bien prendre la pétition de l'administration communale de Mouscron en sérieuse considération.

Je conçois qu'il serait peut-être difficile d'établir, à l'occasion de la loi sur l'organisation judiciaire, par une mesure générale, une circonscription nouvelle de tous nos tribunaux de paix. Il me suffit, quant à présent, que la question soulevée fixera l'attention de M. le ministre et fera l'objet d'un bienveillant examen.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Merbes-le-Château, le 4 mars 1861, les membres de l'administration communale et des habitants de Merbes-le-Château demandent la construction d'un chemin de fer de Peissant à Momignies.

Par pétition datée de Grandrieux, le 21 février 1861, les membres du conseil communal et des habitants de Grandrieux demandent la construction d'un chemin de fer de Peissant ou de Thuin à Beaumont et Momignies.

Les pétitionnaires, messieurs, insistent beaucoup sur l'utilité des avantages qui résulteraient pour eux de la construction du chemin de fer dont il s'agit, ces localités possédant beaucoup de richesses minérales auxquelles ce chemin de fer donnerait une valeur plus grande. Votre commission conclut au renvoi pur et simple de cette pétition M. le ministre des travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.

Motion d’ordre

(page 895) M. De Fré. - J'ai l'honneur d'interpeler M. le ministre de l'intérieur pour savoir s'il y aura le mardi de la semaine de Pâques une session de jury pour l'enseignement supérieur.

La loi du 1er juillet 1860 porte ce qui suit :

« Article unique : Le mode de nomination des membres des jurys d’examen, déterminé par l'article 24 de la loi du 1er mai 1857 et provisoirement établi pour une période de trois ans, est prorogé pour la seconde session de 1860 ; » de sorte qu'il n'y a plus de loi, en matière de jury d'examen ; car la prorogation votée, il y a quelques mois, par la Chambre n'a pas encore été votée par le Sénat, et je lis dans le rapport de sa commission que le projet a été rejeté.

Maintenant ce jury doit se réunir dans dix jours, il doit se réunir le mardi de la semaine de Pâques.

Si le Sénat modifie la loi, si, par exemple, il la divise en ce sens qu'il ne voterait que la prorogation en ce qui concerne le jury et qu'il se réserverait d'examiner ultérieurement les autres articles et notamment celui qui concerne le rétablissement du grade d'élève universitaire, alors il sera impossible que le jury siège.

Je crois que le gouvernement devrait faire connaître s'il y aura cette année-ci une session du jury d'examen.

En ce moment il n'y a pas de loi, et le jury ne peut siéger qu'en vertu d'une loi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'aime à croire que les hypothèses de l'honorable orateur ne se réaliseront pas. J'espère que le Sénat adoptera la loi votée par la Chambre. Si cependant le Sénat n'adoptait pas la loi, s'il refusait au gouvernement la continuation du pouvoir qui lui est conféré, de nommer les jurys, il n'y aurait plus de jurys et, par conséquent, pas de session de Pâques. Si le Sénat modifie la loi, la Chambre ne pourra l'examiner qu'après les vacances. Mais afin de concilier toutes les convenances, dans le cas où le projet serait modifié par le Sénat, le mode de nomination du jury étant toutefois maintenu, il faudrait ajouter une disposition qui reculerait de quelques semaines la session de Pâques : de cette manière la Chambre pourrait statuer sur le projet, après sa rentrée et la session de Pâques serait ajournée jusqu'à la publication de la loi.

Je pense, messieurs, qu'on ne sera pas obligé de recourir à cet expédient et que le Sénat voudra bien donner son approbation à la loi.

Projet de loi, amendé par le sénat, portant institution d'une caisse de prévoyance en faveur des secrétaires communaux

Discussion des articles

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur se rallie-t-il aux amendements introduits dans le projet par le Sénat ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Oui, M. le président.

- Personne n'ayant demandé la parole sur l'ensemble du projet, la Chambre passe à l'examen des articles.

M. le président. - Conformément aux précédents nombreux de la Chambre, je ne mettrai en discussion que les articles amendés par le Sénat ; mais il reste entendu que chaque membre a le droit de proposer des amendements même aux articles qui n'ont pas été modifiés.

Articles 2 et 3

« Art. 2. Le gouvernement a la direction générale de la caisse.

« Il en place les fonds en rentes sur l'Etat ou en obligations du trésor.

« La députation permanente est chargée, dans chaque province, de veiller à ce que les retenues et les versements se fissent régulièrement et en temps utile. »

- Adopté.


« Art. 3. Les pensions et secours sont accordés par arrêté royal, la députation permanente et le conseil communal qui a nommé le secrétaire préalablement entendus. »

- Adopté.

Article 6

« Art. 6. Les retenues opérées restent acquises à la caisse. En cas de suppression de l'emploi, elles sont restituées au titulaire qui en fait la demande.

M. Tack. - Messieurs, je désirerais obtenir une explication sur l'article 6 amendé par le Sénat qui a modifié l'article primitif du gouvernement dans le but d'en rendre la rédaction plus claire.

D'après l'article 6 les retenues opérées restent acquises à la caisse. La restitution n'est accordée aux participants que dans un seul cas, c'est celui où l'emploi est supprimé.

Mais deux hypothèses peuvent se présenter, ou bien, au moment de la suppression de l'emploi, le droit à la pension n'est pas ouvert, le titulaire n'avait pas dix ans de service, ou bien le droit à la pension est ouvert, le participant comptant dix ans de service.

Dans la première hypothèse, pas de difficultés.

II est évident que le titulaire a le droit de réclamer la restitution des versements faits jusqu'à l'époque de la suppression de l'emploi, il a aussi la faculté, aux termes de l'article 17, de demander à être autorisé à conserver les droits acquis en souscrivant dans les six mois l'engagement de continuer le versement des retenues.

La seconde hypothèse est celle où le droit à la pension est ouvert au moment de la suppression de l'emploi.

Le titulaire aura-t-il alors une triple option ? D'abord pourra-t-il, en vertu de l'article 6, demander la restitution des versements faits jusqu'à cette époque ? En second lieu, aura-t-il, s'il le préfère, le droit de demander la liquidation immédiate de la pension, en vertu de l'article 8 ?

En troisième lieu, l'option de demander en vertu de l'article 17, à continuer le versement des retenues opérées jusqu'alors sur son traitement.

Le doute peut naître de la combinaison des articles 6 et 8 amendés. En effet l'article 6 dit positivement sans distinguer si le droit à la pension est déjà né on non, que le titulaire aura le droit de demander la restitution des versements effectués jusqu'à l'époque de la suppression de l'emploi ; l'article 8, au contraire, dit qu'il aura le droit de faire liquider immédiatement sa pension.

Le doute naît encore de la rédaction primitive de l'article 6.

Veuillez remarquer que, d'après le texte primitif, le titulaire n'avait pas le droit de demander la restitution des versements qui avaient été opérés lorsque le droit à la pension était ouvert au moment de la suppression de l'emploi.

De même il n'avait pas non plus ce droit. dans l'esprit de l'honorable sénateur qui a présenté un amendement en vue de rendre l'article 6 moins diffus.

Je ne sais comment la chose s'est faite, mais il est arrivé que cette réserve a été remise dans la nouvelle rédaction, bien que la nouvelle rédaction n'ait eu en vue que de rendre le texte plus clair.

Quoi qu'il en soit je suis d'avis qu'il faut, dans l'intérêt du participant, lui laisser la plus grande latitude possible et lui abandonner l'option entre les trois partis : la faculté d'obtenir la restitution des versements opérés, le droit de faire liquider immédiatement sa pension, ou enfin le droit de continuer à opérer les versements, en se soumettant aux conditions voulues.

Le motif, le voici : le titulaire peut avoir eu l'intention d'acquérir, non une pension insignifiante au bout de 20 ans, mais une pension sérieuse... D'un autre côté, pouvez-vous le forcer à continuer d'effectuer des versements, alors que vous le privez de son traitement ?

Il convient donc d'interpréter le texte dans le sens le plus favorable aux titulaires.

Je désirerais connaître à ce sujet l'opinion de M. le ministre de l'intérieur ; sans cela, avec les antécédents, il pourrait y avoir certains, doutes.

M. Muller, rapporteur. - Messieurs, l'honorable M. Tack a demandé une explication sur le sens de la modification que le Sénat a fait subir à l'article 6 du projet de loi.

L'honorable préopinant a posé trois alternatives qu'il veut laisser à l'option du secrétaire communal. Selon lui, ce dernier doit pouvoir retirer le montant des retenues qu'il a versées ; il doit aussi jouir du droit de continuer les retenues ; il doit enfin pouvoir opter pour la pension, s'il a dix années de services.

Messieurs, je crois que de ces trois hypothèses il ne peut guère s'en présenter que deux ; la deuxième n'est guère probable : l'emploi étant supprimé, le secrétaire n'aura pas intérêt à continuer à acquitter des retenues onéreuses ; les versements qui sont prévus à l'article 17 sont surtout destinés à conserver des droits acquis, et beaucoup moins à consacrer de nouveaux droits résultant d'années futures de service.

Quant à l'interprétation que l'honorable préopinant donne à l'article 6 amendé par le Sénat, en ce qui concerne le secrétaire qui compte déjà dix années de service, je ne puis être de son avis. Je pense que dans l'esprit de cet amendement comme dans celui du texte primitif, lorsque le secrétaire a dix années de service, aux termes du deuxième paragraphe de l'article 8, c'est la pension qui doit lui être octroyée ; au surplus, je ne prévois pas l'hypothèse où un secrétaire communal aurait un intérêt contraire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, il est très facile de répondre aux questions posées par l'honorable M. Tack.

L'honorable membre demande d'abord si le secrétaire dont l'emploi est supprimé, alors qu'il a atteint le nombre d'années de service exigé pour la pension, a le droit de se faire restituer le montant des retenues faites sur son traitement, s'il préfère ce remboursement à la pension ; (page 896) il n'y a pas de doute à cet égard ; le secrétaire, en pareil cas, aura ce droit.

L'honorable membre demande ensuite si le secrétaire aura le droit de continuer à verser à la caisse, alors que son emploi est supprimé ; je réponds que le secrétaire aura ce droit ; l'article 17 de la loi reconnaît de la manière la plus formelle.

L'honorable membre demande, en troisième lieu, si le secrétaire, dont l'emploi est supprimé, aura le droit de se faire rembourser les versements effectués par lui ; il aura évidemment ce droit. Je crois que la loi est très claire.

- L'article 6 est mis aux voix et adopté.

Articles 7 et 8

« Art. 7. Si les ressources de la caisse sont reconnues insuffisantes, ou s'il est constaté qu'elles excèdent le capital indispensable pour mettre les participants à l'abri de toute perte, les retenues annuelles peuvent être augmentées ou réduites par arrêté royal, pris sur l'avis des députations permanentes ; mais les subventions des communes, de l'Etat et des provinces restent invariablement fixées aux taux respectifs déterminés par la présente loi.

« Dans aucun cas, les retenues sur les traitements ne peuvent dépasser 5 p. c. »

Le second paragraphe forme amendement.

- L'article 7 ainsi modifié est adopté.


M. le président. - Voici l'article 8 tel qu'il a été amendé par le Sénat :

« Art. 8. Ont droit à la pension :

« 1° Les secrétaires communaux âgés de soixante ans révolus, comptant trente années de service en cette qualité, et qui, pendant ce laps de temps, ont participé à la caisse ;

« 2° Les secrétaires communaux, quel que soit leur âge, ayant participé pendant dix ans au moins à la caisse, lorsque leur place est supprimée, ou qu'ils se trouvent pour toujours, par suite d'infirmités, dans l'impossibilité de remplir leurs fonctions.

« La condition de dix années est réduite à cinq, si les infirmités dont le secrétaire est atteint proviennent de l'exercice de ses fonctions ; aucune durée de participation n'est même fixée si le secrétaire a été mis dans l'impossibilité de continuer ses fonctions ou de les reprendre, par suite de blessures reçues ou d'accidents survenus dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.

« 3° Les veuves des secrétaires communaux décédés, après cinq années de participation à la caisse, lorsque leur mariage a duré au moins trois ans, ou lorsqu'il existe soit un, soit plusieurs enfants issus de ce mariage/

« 4° Les enfants mineurs légitimes ou légitimés, orphelins de père et de mère, lorsque le secrétaire communal est décédé après cinq ans de participation à la caisse.

« Les veuves et les orphelins du participant qui aura péri par suite de blessures reçues ou d'accidents survenus dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, auront droit à la pension, indépendamment de toute durée de la participation ou du mariage du défunt. »

- Adopté.

Article 10

M. le président. - Nous passons à l'article 10. Les trois premiers paragraphes ont été maintenus.

Le dernier paragraphe a été modifié de la manière suivante :

« La pension de la veuve qui se remarie est réduite de moitié si elle n'a pas d'enfants de son mariage avec le participant, ou si ses enfants sont majeurs. La pension cesse entièrement si la veuve a un ou plusieurs enfants mineurs, et dans ce cas ceux-ci ont droit à la pension, comme s'ils étaient orphelins de père et de mère. »

M. Wasseige. - Le paragraphe voté par la Chambre et qui a été remplacé au Sénat par celui dont M. le président vient de donner lecture, était ainsi conçu :

« La veuve sans enfant, qui se remarie, conserve la moitié de sa pension. Si elle a un ou plusieurs enfants issus de son mariage avec le participant, elle perd son droit à la pension »

C'est la règle ordinaire suivie dans toutes les lois sur les pensions.

La veuve sans enfant qui se remarie conserve la moitié de sa pension ; si elle a des enfants, elle la perd tout entière.

La loi a cru qu'un second mariage était en général peu favorable aux enfants d'un premier lit et, par la perte de la pension elle a probablement voulu les rendre moins fréquents.

Elle a pensé aussi qu'une veuve ayant un petit pécule, une pension quelque peu rondelette, pourrait être en lutte aux assiduités d'un spéculateur bien plus encore qu'à celles d'un futur mari, et elle a voulu par une certaine peine, par la diminution de la pension empêcher la spéculation de s'exercer aussi souvent, (Interruption.)

Or, en suivant cet ordre d'idées qui me paraît être l'idée de la loi en général, je ne vois pas pourquoi le Sénat mettrait sur la même ligne la veuve ayant des enfants majeurs c'est-à-dire âgés de 18 ans et la veuve sans enfant.

Il me paraît que les mêmes raisons n'existent nullement dans les deux cas ; je dirai même qu'il y a une raison très forte pour que la femme ayant des enfants de 18 ans, soit moins protégée, lorsqu'elle veut convoler en seconde noce, et cette raison vous la saisirez facilement ; car la pension, dans a cas, pourrait bien être le plus puissant attrait de la future.

Voilà les réflexions que je tenais à faire sur la première partie de l'article. Quant à la seconde, il me paraît qu'il y a une anomalie plus singulière encore.

Lorsque la veuve qui a plusieurs enfants se remarie, d'après l'amendement adopté par la Chambre elle perd ses droits à la pension sans que ses enfants en conservent rien.

Le Sénat poussé par sa commisération pour les orphelins a décidé que dans ce cas les orphelins jouiraient de la pension comme s'ils étaient orphelins de père et mère ; mais il résulte de là que la pension étant attribuée à des enfants mineurs et la loi accordant la jouissance des revenus des enfants mineurs au père ou à la mère, il en résulte, dis-je, que la mère qu'on a voulu priver de la pension en jouirait en réalité ; elle jouirait même souvent d'une pension entière, au lieu d'une demi-pension, de sorte que ce serait bien plutôt une prime qu'un empêchement aux velléités de second mariage.

Or, je ne crois pas que ce soit là ce que le législateur a voulu. Je crois que c'est aveuglé par des idées trop généreuses et trop peu réfléchies que le Sénat a ajouté aux amendements de la Chambre cette nouvelle condition pour les orphelins.

Je crois que pour rester dans les sages raisons qui ont fait introduire cette disposition dans presque toutes les lois sur les pensions, nous devons rejeter l'amendement du Sénat et revenir à l'amendement adopté par la Chambre ; car je suis convaincu que le changement introduit par le Sénat, quoique prenant sa source dans d'excellentes intentions, atteindrait un but diamétralement opposé à celui qu'il veut atteindre.

M. Van Overloop. - Je pense que mon ami M. Wasseige se trompe. Si une veuve qui a des enfants âgés de moins de 18 ans se remarie, elle ne conserve pas la jouissance des biens de ses enfants.

D'après le projet adopté par le Sénat, ce seront les enfants qui auront la pension, mais la mère n'en aura pas la jouissance.

Voici ce que dit à cet égard l'article 386 du Code civil :

« Cette jouissance n'aura pas lieu au profit de celui des père et mère contre lequel le divorce aurait été prononcé ; et elle cessera à l'égard de la mère dans le cas d'un second mariage. »

Ainsi ce seront les enfants mineurs qui conserveront la moitié de la pension dans le cas indiqué et la mère n'en jouira pas ; la contradiction que l’honorable M. Wasseige voit dans l'amendement du Sénat n'existe donc pas.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Cela vous satisfait-il, M. Wasseige ?

M. Wasseige. - En partie infinitésimale.

M. le président. - M. Wasseige faites-vous une proposition formelle ?

M. Wasseige. - Si les explications qui viennent d'être données par l'honorable M. Van Overloop peuvent jusqu'à un certain point justifier en droit l'amendement du Sénat, elles ne me satisfont nullement en fait, et c'est le fait surtout qui est important en cette matière. Car le Code pénal aura beau déclarer qu'une veuve perd le droit de jouir des revenus de ses enfants, lorsqu'elle se remarie, il est certain qu'en fait elle en aura la jouissance complète, sans que, dans la plupart des cas, ni conseil de famille, ni obligation de rendre compte, viennent y faire le moindre obstacle.

Le contraire est impossible : elle est presque toujours tutrice de ses enfants, ses enfants sont en bas âge, et dans la réalité ce sera toujours la mère qui jouira de la pension de ses enfants. Cela ne fait pas de doute, malgré le texte du Code civil.

Voilà pour la première partie de la réponse de 1 honorable M. Van Overloop ; et je le répète, si cette réponse peut paraître satisfaisante en droit, elle ne m'offre aucune garantie en fait

Maintenant, je n'ai entendu aucune bonne raison pour justifier les motifs qui ont pu engager le Sénat à ranger sur la même ligne les veuves ayant des enfants de 18 ans et celles qui n'en ont pas ; cette assimilation ne me paraît pas rationnelle.

Je propose donc à la Chambre de revenir à la disposition qu'elle a d'abord adoptée et de rejeter l'amendement du Sénat.

(page 897) M. Van Overloop. - Je crois que mon honorable ami M. Wasseige se trompe aussi bien en fait qu'en droit. En fait la mère ne jouira pas des biens de ses enfants, puisque, lorsque ses enfants seront parvenus à leur majorité, elle sera obligée de faire un compte de tutelle par lequel elle devra justifier que la pension a été employée à l'usage des enfants ou produire les annuités de cette pension qu'elle aura perçues. En fait comme en droit, donc je crois que l'honorable M. Wasseige est dans l'erreur.

M. Muller, rapporteur. -Le système que le Sénat a adopté tient, si je puis le dire, un juste milieu entre celui que la action centrale avait proposé et celui auquel la Chambre s'est ralliée. La section centrale n'avait pas cru devoir établir une restriction à la jouissance des pensions dans le cas où la veuve vient à se remarier ; pour ce cas, qui, en définitive, est exceptionnel, il n'y avait pas lieu, dans notre opinion, de réduire la pension de la veuve, qu'elle eût ou qu'elle n'eût pas d'enfants issus du premier lit.

Des motifs de moralité peuvent être invoqués tout aussi bien dans un système que dans l'autre.

Mais, sur la proposition de M. le ministre de l'intérieur, la Chambre avait décidé que la veuve qui se remarie conserverait la moitié de sa pension lorsqu'elle n'a pas d'enfants issus de sa première union, et qu'elle perdrait ses droits à la pension si elle avait un ou plusieurs enfants issus de son mariage avec le participant.

Le Sénat, lui, a trouvé qu'il y avait trop de rigueur dans cette disposition : il a placé les veuves ayant des enfants majeurs sur la même ligne que la veuve n'ayant pas d'enfant, et, d'autre part, il a jugé, à l'égard des enfants mineurs du premier lit, qui sont exposés à souffrir du convoi en secondes noces de leur mère, qu'il serait injuste de ne pas reporter sur eux une pension équivalente à celle des orphelins. Voilà, messieurs, la portée bienveillante, je dois le dire, de la disposition qui a été adoptée par le Sénat.

Quant à l'observation de l'honorable M. Wasseige, relative à la jouissance indirecte qu'aurait la mère de la pension destinée à ses enfants, je pense que l'honorable M. Van Overloop y a répondu d'une manière tout à fait concluante, car la veuve, ne pouvant pas conserver la tutelle sans l'assentiment du conseil de famille, ne pourra pas, non plus, s'emparer ni faire profit personnel des annuités de la pension. Il y aura une surveillance exercée sur ce point dans l'intérêt dus enfants mineurs.

En définitive, je ne crois pas que, pour cette légère divergence d'appréciation qui peut exister entre la pensée qui a dominé la Chambre et celle sous l'impression de laquelle le Sénat a émis son vote, il y ait lieu de renvoyer le projet de loi à ce dernier. Il y a urgence, messieurs ; si la loi ne renferme pas des défauts graves, il est vivement désirable qu'elle puisse être prochainement promulguée, afin que les secrétaires communaux soient mis à même de jouir d'un bienfait qu'ils attendent depuis longtemps.

M. Wasseige. - En présence de cette dernière considération qu'il y a urgence, considération que je trouve très plausible, et pour ne pas faire attendre plus longtemps une loi dont on espère d'heureux résultats, je n'insiste pas.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Vous ne contesterez pas cependant que la disposition ne soit bonne en elle-même.

- L'article amendé est adopté.

Article 10

« Art. 10. Les pensions des veuves sont fixées d'après les bases suivantes :

« 1° Pour la veuve du participant décédé sans laisser d'enfant mineur, la moitié de la pension à laquelle son mari aurait eu droit au moment de son décès, ou la moitié de la pension liquidée si le mari est mort pensionné ;

« 2° Pour la veuve qui a un ou plusieurs enfants mineurs issus de son mariage avec le participant, la même pension augmentée d'un sixième à raison de chaque enfant, tant qu'il n'a pas accompli sa dix-huitième année. Toutefois, la pension de la veuve ne peut en aucun cas être portée à un taux plus élevé que celle du mari.

« La veuve sans enfant, qui se remarie, conserve la moitié de sa pension. Si elle a un ou plusieurs enfants issus de son mariage avec le participant, elle perd son droit à la pension.

« La pension de la veuve qui se remarie est réduite de moitié si elle n'a pas d'enfants de son mariage avec le participant, ou si ses enfants sont majeurs ; la pension cesse entièrement si la veuve a un ou plusieurs enfants mineurs, et dans ce cas ceux-ci ont droit à la pension comme s'ils étaient orphelins de père et de mère. »

M. le président. - L'amendement consiste dans l'addition du dernier paragraphe.

- L'article 10, ainsi amendé, est adopté.

Articles 11 et 12

« Art. 11. La pension des orphelins du participant se répartit entre eux sans distinction délit, et est fixée d'après les bases suivantes :

« 1° Pour un orphelin seul, le tiers de la pension du père ;

« 2° Pour deux orphelins, la moitié ;

« 3° Pour trois orphelins, les trois quarts ;

« 4° Pour quatre orphelins et au-delà, la totalité.

« Si le père n'était pas pensionné, la pension des orphelins sera liquidée d'après les bases établies à l'article 9 et répartie dans la proportion ci-dessus indiquée. »

M. le président. - Le Sénat a ajouté le dernier paragraphe.

- L'article 11, ainsi amendé, est adopté.


« Art. 12. Lorsqu'un orphelin pensionné meurt ou lorsqu'il accomplit sa dix-huitième aimée, la pension des orphelins restants est révisée conformément à l'article précédent. »

- Adopté.

Article 14

M. le président. - Le Sénat a supprimé l'article 14.

- Cette suppression est adoptée.

M. le président. - Par suite de cette décision, les numéros des articles suivants changent.

Articles 16 à 20

« Art. 16. La démission ou la révocation d'un secrétaire le prive de ses droits à la pension dans la commune où il exerçait son emploi.

« Toutefois, le secrétaire démissionnaire, révoqué ou dont l'emploi aurait été supprimé, peut être autorisé à conserver les titres qu'il avait acquis, en souscrivant dans les six mois l'engagement de continuer à acquitter annuellement, une somme égale à la retenue ordinaire qu'il subissait en dernier lien. En cas d'inexécution de cette obligation, l'autorisation est annulée, et les sommes antérieurement versées restent acquises à la caisse.

« La demande d'autorisation sera adressée à la députation permanente, qui statuera, le conseil communal entendu.

« Dans aucun cas cette pension ne pourra être supérieure à celle qui serait attribuée au secrétaire communal, à raison de trente années de service. »

- Adopté.


« Art. 17. La condamnation à une peine infamante emporte la déchéance de la pension ou du droit à l'obtenir.

« La pension sera accordée ou rétablie en cas de réhabilitation du condamné ; elle pourra l'être en cas de grâce, le tout sans rappel pour les quartiers échus.

« Dans le cas prévu par le paragraphe premier, la femme et les enfants mineurs du condamné auront droit à une pension équivalente à celle qu'ils auraient reçue de la caisse, si le condamne était décédé. Cette pension cessera si le condamné en obtient une, ou le rétablissement de celle dont il jouissait avant sa condamnation. »

- Adopté.


« Art. 18. Les pensions ou les quartiers de pension ne peuvent être saisis ou cédés que jusqu'à concurrence d'un tiers, pour les causes exprimées aux articles 205, 205, 206 et 214 du Code civil. »

- Adopté.


« Art. 19. Des secours temporaires, dont la durée ne dépassera pas cinq ans, peuvent être accordés, par arrêté royal, dans des cas graves et exceptionnels, à des secrétaires, veuves ou orphelins non pensionnés, sans qu'ils puissent être supérieurs à la pension qui leur serait respectivement attribuée à raison de vingt années de service. »

M. le président. - Le paragraphe 2 a été supprimé ; il était ainsi conçu :

« Pendant le temps où un secrétaire reçoit des secours, le versement de la retenue ordinaire et ses droits à la pension sont interrompus. »

- Adopté.


« Art. 20. Les secrétaires en fonctions, affiliés à la caisse centrale dès le début de son organisation, sont admis à faire valoir, jusqu'à concurrence de quinze années, leurs services antérieurs accomplis dans les communes où ils occupent leurs emplois, à la condition formelle d'en transmettre au gouvernement la déclaration écrite avant l'expiration du premier semestre, et de s'obliger à subir, pour chaque année rétroactive, une retenue de 5 p. c., calculée sur le traitement dont ils jouissaient au moment de la déclaration ou sur un minimum de 200 francs s'il est inférieur à cette somme.

« Le montant de ce qui sera dû de ce chef sera prélevé successivement, en ajoutant à chaque retenue ordinaire une seconde retenue de 5 p. c. calculée pour services antérieurs, conformément au paragraphe premier.

« Il est libre aux secrétaires communaux de payer soit immédiatement, soit en cumulant plusieurs années, soit par année, le montant des retenues pour les quinze années de services antérieurs.

(page 898) « Si, au moment où la tension doit prendre cours, les redevances des quinze années ne sont pas entièrement acquittées, elles peuvent l’être en une fois ou successivement, et les redevances acquittées entrent seules en ligne de compte pour déterminer le nombre des années de service et le taux de la pension.

« Si les redevances encore ducs ne sont acquittées que postérieurement à la première liquidation de la pension, une nouvelle liquidation n'aura lieu qu'après le payement intégral de toutes les redevances. »

- Adopté.

Article 22

M. le président. - L'article 22 a été supprimé ; il était conçu en ces termes :

« Aucune pension ne peut être accordée pendant les cinq premières années de l'existence de la caisse. »

- Les deux autres articles n'ont pas été amendés.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur le projet de loi amendé. Le projet est adopté à l'unanimité des 70 membres qui ont répondu à l'appel. Il sera soumis à la sanction royale.

Ont répondu oui : MM. Coomans, David, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechamps, Dechentinnes, De Fré, de Gottal, de Lexhy, de Liedekerke, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Renesse, de Ridder, de Ruddere de Lokeren, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dolez, H. Dumortier, d'Ursel, Frison, Grandgagnage, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, Julliot, Lange, le Bailly de Tilleghem, J. Lebeau, Lesoinne, Moncheur, Moreau, Muller, Nélis, Notelteirs, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Saeyman, Savart, Snoy, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, A. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Dormael, Van Humbeeck, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen, Wasseige, Allard, Carlier et E. Vandenpeereboom.

Projet de loi révisant le code pénal (livre II, titre I à IX)

Discussion des articles

M. le président. - Les articles 580 et 587, renvoyés à la commission, sont réservés, il n'y a pas de rapport fait ; il en est de même de l’article 600.

Titre premier. Des crimes et des délits contre la sûreté de l’Etat

Chapitre premier. Des attentats et des complots contre le roi, contre la famille royale et contre la forme du gouvernement
Article 96

M. le président. - Nous reprenons le titre premier, livre III, article 96.

La commission propose de rédiger cet article de la manière suivante :

« L'attentat contre la vie ou la personne du Roi sera puni de mort.

« Ce dernier attentat sera puni des travaux forcés à perpétuité s'il n'a causé au Roi ni effusion de sang ni blessure, ni maladie. »

M. Van Overloop. - L'article 96 portait primitivement :

« L'attentat contre la vie ou contre la personne du Roi sera puni de mort.

« L'attentat contre la personne du Roi sera puni des travaux forcés à perpétuité s'il n'a causé ni effusion de sang, ni blessure, ni maladie. »

L'honorable comte de Muelenaere ayant demandé s'il suffisait que l'attentat eût causé effusion de sang, blessure ou maladie, à une personne quelconque, pour entraîner la peine de mort. Le gouvernement a répondu affirmativement à cette question.

Maintenant la commission propose une nouvelle rédaction que voici :

« L'attentat contre la vie ou la personne du Roi sera puni de mort.

« Ce dernier attentat sera puni des travaux forcés à perpétuité s'il n'a causé au Roi ni effusion de sang, ni blessure, ni maladie. »

Ainsi, d'après la première rédaction, la peine de mort était encourue si l'attentat avait causé effusion de sang, blessure ou maladie à une personne quelconque.

D'après la nouvelle rédaction la peine de mort ne sera plus encourue que si l'effusion de sang a été causée au Roi, si le Roi a été blessé ou est tombé malade.

Eh bien, je dois déclarer, pour ma part, qu'il y avait peut-être trop dans le premier projet, et qu'il y a peut-être trop peu dans le projet rédigé par la commission. Je crois que si l'attentat a causé une simple effusion de sang ou une maladie à une personne de l'entourage du Roi, la peine de mort serait par trop grave ; mais si la peine de mort est par trop grave dans ce cas, peut-on en dire autant quand, pour commettre un attentat contre la personne du Roi, je cause des blessures graves très graves, à une vingtaine de personnes qui pourraient entourer le Roi ? Si vous admettez le projet de la commission, vous arrivez à cette conséquence.

C'est qu'un simple soufffet donné au Roi peut entraîner la peine des travaux forcés à perpétuité, alors qu'un soufflet donné au Roi et accompagné de blessures graves sur des personnes qui entoureraient Sa Majesté, n'entraînera également que la peine des travaux forcés à perpétuité. Je ne vois pas qu'il y ait là une échelle. Je ne veux pas, en ce moment, me prononcer sur le point de savoir si cette échelle doit être ascendante ou descendante ; mais je trouve qu'il n'y a pas là d'harmonie. Il faut, selon moi, faire une distinction entre la peine comminée contre l'attentat simple sans effusion de sang, et la peine comminée contre l'attentat accompagné d'effusion de sang.

Je suppose (le cas, je l'espère, ne se présentera jamais eu Belgique, surtout de la part de Belges) je suppose qu'on veuille faire un attentat contre la personne du Roi. Les coupables se diront : « Pour exécuter cet attentat, nous devrons causer des blessures à ceux qui, en acquit du devoir qui incombe à tous les Belges, prendront la défense du Roi, mais que nous importe ? Malgré ces conséquences, nous commettrons l'attentat. »

Je suppose ensuite que, lors de l'exécution de l'attentat, un combat s'engage et qu'il donne lieu à une effusion de sang considérable des défenseurs du Roi.

Eh bien, messieurs, si vous adoptez le projet de la commission, la peine comminée dans ce cas contre le coupable sera la même peine que celle qui est comminée contre l'individu qui se sera rendu coupable d'un simple attentat contre la personne du Roi, sans la moindre effusion de sang, sans la moindre blessure ou maladie.

Il ne me semble pas qu'en bonne justice pénale, ces deux faits puissent être mis sur la même ligne. Et cependant, il en serait ainsi si la nouvelle rédaction de la commission était adoptée.

Je soumets ces observations à la Chambre. Je crois véritablement qu'il n'est pas possible qu'on mette sur le même rang de pénalité les deux faits complètement distincts que je viens de signaler à votre attention.

Si la Chambre partage mon opinion sur la nécessité de faire la distinction dont je parle, je redemanderai la parole pour vous dire quelle doit être, selon moi, la peine que mérite d'encourir celui qui, pour commettre un attentat contre la personne de Sa Majesté, aura volontairement blessé des gens de l'entourage du Roi.

M. Pirmez, rapporteur. - L'objection présentée par l'honorable membre se résoudra bien facilement par une simple observation.

L'article soumis en ce moment à la Chambre n'a qu'un but, c'est de prononcer la peine spéciale que mérite l'attentat contre la vie ou contre la personne du Roi.

Cette disposition porte la peine de mort pour tout attentat contre la vie ou contre la personne du Roi, mais la peine est abaissée aux travaux forcés à perpétuité, si le Roi, par l'attentat non pas à sa vie mais contre sa personne, n'éprouve ni effusion de sang, ni blessure, ni maladie.

Cet article concerne le Roi seul.

Comme vient de le faire remarquer l'honorable M. Van Overloop, il peut se trouver à côté du Roi des personnes qui, par suite de l'attentat, éprouvent des blessures ou soient même frappées de mort. Notre article n'a pas pour but de protéger ces personnes ; toutes les lésions dont elles seraient atteintes sont régies par les principes ordinaires qui protègent tous les citoyens, les faits dont elles seraient victimes tomberont sous l'application d'autres articles que nous avons votés et qui n'ont soulevé aucune objection d'insuffisance.

Dès qu'il y a attentat contre la personne du Roi, nous proposons l'application des travaux forcés à perpétuité.

Mais où nous différons avec l'honorable M. Van Overloop, c'est que nous prétendons que cette peine est assez rigoureuse, lorsque le Roi n'est pas atteint, quels que soient du reste les actes qui s'adressent aux personnes de la suite du Roi, si ces actes ne sont pas par eux-mêmes passibles de la peine capitale.

Si nous devions prononcer une peine plus sévère, parce qu'une personne de la suite du Roi serait blessée, nous ne pourrions prononcer que la mort.

Car, entre les travaux forcés et la mort, il n'y a rien.

Voici l'alternative que je soumets à la Chambre : ou prononcer la peine de mort pour tout attentat contre la personne du Roi, alors même qu'elle n'aura nullement été atteinte, et qu'une blessure peut être légère aura atteint une personne de sa suite, ou adopter le système de la commission et prononcer seulement dans ce cas la peine des travaux forcés à perpétuité.

Ce choix ne sera pas douteux.

- L'article 96, rédigé comme le propose la commission, est adopté.

Articles 97 et 98

(page 899) M. le président. - Le troisième paragraphe de l’article 97 a été renvoyé à la commission. Elle propose une nouvelle rédaction des paragraphes 2 et 3, ainsi conçue :

« L'attentat contre sa personne sera puni des travaux forcés à perpétuité, et s'il ne lui a causé ni effusion de sang, ni blessures, ri maladie, des travaux forcés de quinze à vingt ans. »

- Ce paragraphe est adopté.

L'article 97, ainsi modifié, est adopté.


M. le président. - La commission propose de rédiger le second alinéa de l'article 98 comme suit :

« L'attentat contre leur personne sera puni des travaux forcés de dix à quinze ans, et s'il ne leur a causé ni effusion de sang, ni blessure, ni maladie, de la réclusion. »

M. Wasseige. - J'ai à faire une simple observation de rédaction, et cette observation se rapporte également au dernier paragraphe de l'article 97.

Il me paraît que cette rédaction est ambiguë et obscure. Ces mots « de la réclusion » rejetés à la fin de l'article ne se comprennent pas immédiatement, et il faut une lecture attentive pour savoir ce que l'article a voulu dire. On pourrait éviter cette obscurité en disant : «L'attentat contre sa personne sera puni des travaux forcés à perpétuité ; il sera puni des travaux forcés de quinze à vingt ans, s'il ne lui a causé ni effusion de sang, ni blessure, ni maladie. »

La fin de l'article 98 serait ainsi conçue :

« L'attentat contre leur personne sera puni des travaux forcés de dix à quinze ans ; il sera puni de la réclusion s'il ne leur a causé ni effusion de sang, ni blessure, ni maladie.

M. Pirmez, rapporteur. - Je ne vois pas de difficulté à admettre la rédaction proposée par l'honorable M. Wasseige.

M. le président. - La Chambre consent-elle à revenir sur l'article 97 ?

- Plusieurs membres. - Oui ! oui !

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me rallie à l'amendement de M. Wasseige. La rédaction sera meilleure.

- L'amendement est adopté.

Disposition commune au présent titre
Article 131

« Art. 131. Seront exemptés des peines prononcées contre les auteurs des complots punis par le présent titre et des infractions punies par les articles 105 et 106, ceux des coupables qui, avant tout attentat, et avant toutes poursuites commencées, auront donné au gouvernement ou aux autorités administratives ou judiciaires connaissance de ces infractions et de leurs auteurs ou complices.

« Les coupables qui auront donné ces renseignements pourront néanmoins être placés sous la surveillance spéciale de la police pondant cinq ans au moins et dix ans au plus. »

M. Van Overloop. - Je pense, messieurs, qu'il vaudrait mieux dire : « seront exemptés des peines portées... » C'est plus conforme au style législatif ; c'est le juge qui prononce les peines, le législateur les porte.

Il y a ensuite : « ... contre les auteurs de complots punis par le présent titre. »

Je crois qu'il faudrait, ou bien supprimer les mots : « les auteurs » et dire : « contre les complots punis par le présent titre et contre les infractions punies par les articles 105 et 106 ; » ou bien, si l’on préfère conserver le mot « auteurs », ajouter après ce mot : « et complices. » De cette manière il ne pourra y avoir absolument aucun doute, et il importe que les lois pénales soient les plus claires possible.

L'article dit encore : « Seront exemptés etc., ceux des coupables qui, avant tout attentat, etc., auront donné au gouvernement ou aux autorités administratives ou judiciaires connaissance de ces infractions et de leurs auteurs ou complices. »

Il me semble qu'il vaudrait mieux dire : « Auront donné à l’autorité » ce qui comprend tout.

Une observation analogue a été accueillie par la Chambre, si ma mémoire est fidèle, à l'article 373.

Enfin, messieurs, toujours dans l'intérêt de la clarté de la loi, je crois qu'il faudrait dire : « Donné connaissance de ces complots et infractions. »

Je fais cette observation parce qu'au commencement de la disposition, il est question de complots et d'infractions et que la fin se réfère à ces deux espèces de délits.

En matière pénale, le trop ne nuit pas lorsqu'il a jour effet de rendre plus claire la volonté du législateur.

M. Pirmez, rapporteur. - On peut admettre les modifications proposées par l'honorable membre ; elles ne changent rien au fond de l'article.

M. Coomans. - Je désire soumettre à la Chambre une observation sur le fond. Est-il absolument nécessaire que la révélation soit faite directement à l'autorité ? Ne convient-il pas de laisser profiter du bénéfice de l'exemption l'individu qui aurait fourni à des tiers les moyens de prévenir l'explosion du complot ? Je suppose qu'un individu fasse des révélations à l'un de nous et que nous allions immédiatement éclairer l'autorité compétente ; il me semble que cet individu devrait profiter de l'exemption absolument comme s'il avait fait la révélation directement à l'autorité.

M. Pirmez, rapporteur. - Ce que la loi exige, c'est qu'il y ait révélation faite à l'autorité ; mais il est évident qu'elle admet la révélation indirecte comme la révélation directe ; le point de savoir s'il y a réellement révélation est une question de fait qui doit être résolue par les tribunaux.

M. Coomans. - Il va sans dire, messieurs, que les tribunaux apprécieront les faits, comme vient de le dire l'honorable rapporteur ; à cet égard, il ne peut pas y avoir de doute.

Mais l'article dit « qui aurait donné connaissance » ; ne pourrait-ou pas ajouter : « ou fait donner » en supposant, bien entendu, que le révélateur a eu l'intention formelle d'être utile à la chose publique.

Il est clair que si le complice du complot se bornait à raconter à Pierre ou Paul ce qu'il avait l'intention de faire, ce ne serait point là une révélation dans le sens légal du mot.

Je suppose le cas d'un individu qui charge expressément un tiers qui n'appartient pas à l'une des autorités énumérées dans l'article, de révéler le complot ; il me semble que cet individu devrait profiter de l'exemption pénale.

M. Pirmez, rapporteur. - Je crois, messieurs, que l'article est suffisamment clair.

Il serait dangereux d'admettre la rédaction proposée par l'honorable M. Coomans ; ce serait fournir un moyen assez facile de profiter de l'immunité de la révélation tout en ne la faisant pas. Il suffirait au coupable de charger de la révélation une personne intimement liée avec lui, qui ne remplirait pas cette mission, qui lui aurait été plus ostensiblement que réellement donnée. De cette manière, si le complot réussissait, l'agent en aurait le bénéfice, qui peut être très considérable, et s'il ne réussissait pas, il n'en recevrait pas le châtiment.

M. le président. - M. Van Overloop a rédigé son amendèrent de la manière suivante :

« Seront exemptés des peines portées contre les complots punis par le présent titre et les infractions punies par les articles 105 et 106, ceux des coupables qui, avant tout attentat, et avant toutes poursuites commencées, auront donné à l'autorité connaissance de ces complots et infractions, et de leurs auteurs ou complices. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me rallie à cet amendement, sauf à revoir la rédaction au second vote.

- Le premier paragraphe de l'article 131, ainsi amendé, est adopté.

M. le président. - Le second paragraphe de l'article 131 est ainsi conçu :

« Les coupables qui auront donné ces renseignements pourront néanmoins être placés sous la surveillance spéciale de la police pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. »

- Le paragraphe est adopté.

L'ensemble de l'article 131 est ensuite mis aux voix et adopté.

Titre II. Des crimes et des délits qui portent atteinte aux droits garantis par la Constitution

Chapitre premier. Des délits relatifs à l’exercice des droits politiques
Articles 132 à 135

M. le président. - Nous passons aux articles 132 et 133 qui avaient été réservés.

La commission propose maintenant la suppression de ces deux articles.

La suppression des articles 132 et 133 est prononcée.


M. le président. - Les articles 134 et 135 avaient été adoptés au premier vote ; la commission propose la suppression de ces deux articles.

- La Chambre consultée, prononce la suppression des articles 134 et 135.

Article 136

M. le président. - Nous passons à l'article 136.

La commission propose de rédiger ces articles de la manière suivante.

L'article 136 serait rédigé comme suit :

« Sera puni d'un emprisonnement d'un mois à trois ans et d'une amende de cinquante francs à deux mille francs, quiconque, par des discours tenus dans des réunions ou dans des lieux publics, aura offensé les Chambres ou l'une d'elles.

« La poursuite de ce délit n'aura lieu que sur la réquisition de la Chambre qui se croira offensée.

« L'outrage adressé par des faits, par paroles, gestes ou menaces, à un ou plusieurs membres de l'une des deux Chambres, dans l'exercice (page 900) de leurs fonctions, sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans.

« Les coups portés à un membre de l'une des Chambres, dans l'exercice de ses fonctions ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, seront punis d'un emprisonnement d'un an à cinq ans.

« Si les coups ont été la cause d'effusion de sang, de blessures ou de maladie, le coupable sera puni de la réclusion.

« Les coupables seront, en outre, condamnés à une amende de cent francs à mille francs. »

- L'article 136, ainsi amendé, est mis aux voix et adopté.

Article 137

M. le président. - L'article 137 avait été adopté ; la commission en propose maintenant ha suppression.

- La Chambre, consultée, supprime l'article 137.

Article 138

M. le président. - Nous passons à l'article 138. La commission, d'accord avec M. le ministre de la justice, propose de rédiger cet article ainsi qu'il suit :

« Lorsque, par attroupement et violences ou menaces, on aura empêché un ou plusieurs citoyens d'exercer leurs droits politiques, chacun des coupables sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à un an et d'une amende de vingt-six francs à mille francs. »

- L'article 138, ainsi amendé, est mis aux voix et adopté.

Articles 139 à 141

M. le président. - La commission, d'accord avec M. le ministre de la justice, propose une autre rédaction pour les articles 139, 140 et 141.

L'article 139 serait ainsi conçu :

« Art. 159. Si ce délit a été commis par suite d'un plan concerté pour être exécuté dans une ou plusieurs communes, chacun des coupables sera puni d'un emprisonnement de deux mois à trois ans et d'une amende de cinquante francs à trois mille francs. »

- Adopté.


M. le président. - L'article 140 serait ainsi conçu :

« Art. 140. Sera puni d'un emprisonnement de trois mois à cinq ans et d'une amende de cinquante francs à trois mille francs, tout citoyen qui, chargé dans un scrutin du dépouillement des billets contenant les suffrages des citoyens, sera surpris falsifiant les billets ou en soustrayant de la masse, ou y en ajoutant, ou inscrivant sur les billets des votants non lettrés des noms autres que ceux qui lui auraient été déclarés. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il y a dans l'article 140 ces mots : « contenant les suffrages des citoyens » qui me paraissent superflus. J'en propose la suppression.

M. Coomans. - Je voulais faire la même observation.

- L'article 140 est adopté avec la suppression proposée.


« Art. 141. Toute autre personne coupable des faits énoncés dans l'article précédent sera punie d'un emprisonnement d'un an à deux ans et d'une amende de vingt-six francs à mille francs. »

- Adopté.

Chapitre II. Des délits relatif au libre exercice des cultes
Articles 151 à 154

« Art. 151. Sera puni des mêmes peines celui qui par des faits, par paroles, gestes ou menaces, aura outragé le ministre d'un culte salarié ou subsidié par l'Etat dans l'exercice de ses fonctions. »

- Adopté.


« Art. 152. Quiconque aura frappé ces ministres dans l'exercice de leurs fonctions, sera puni d'un emprisonnement de deux mois à deux ans et d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs. »

- Adopté.


« Art. 153. Si les coups ont été cause d'effusion de sang, de blessures ou de maladies, le coupable sera puni d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans et d'une amende de cent francs à mille francs. »

- Adopté.


M. le président. - La commission propose la suppression de l'article 154.

- Cette suppression est prononcée.

Chapitre III. Des atteintes portées par des fonctionnaires publics aux droits garantis par la Constitution
Article 155

« Art. 155. Tout fonctionnaire ou officier public, tout dépositaire ou agent de l'autorité ou de la force publique, qui aura illégalement et arbitrairement arrêté ou fait arrêter, détenu ou fait détenir une ou plusieurs personnes, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à trois ans.

« Si la détention illégale et arbitraire a duré plus de dix jours, d'un emprisonnement d'un an à cinq ans ;

« Si elle a duré plus d'un mois, de la détention de cinq ans à dix ans ;

« Le coupable sera de plus condamné à une amende de 50 francs à 1,000 francs et à l'interdiction des droits indiqués aux n°1, 2 et 3 de l'article 42, conformément à l'article 41 »

M. de Naeyer. - Le mot « arbitrairement » n'est-il pas une superfétation après le mot « illégalement » ? Ce dernier me semble suffisant. Une arrestation est arbitraire du moment qu'elle est illégale.

M. Pirmez, rapporteur. - Nous avons maintenu le texte de la loi actuelle. Je craindrais, je l'avoue, de faire disparaître le mot « arbitrairement » dont le maintien ne peut occasionner aucun inconvénient et dont la suppression pourrait donner à croire que la peine est infligée même quand le fait n'aurait pas été accompli en parfaite connaissance de cause.

M. Van Overloop. - Je désirerais que M. le ministre de la justice consentît à laisser revenir sur cet article lors du second vote.

M. le président. - C'est de droit puisque l'article a été amendé.

- L'article 155 est adopté.

Article 156

M. le président. - Art. 156. La commission propose de rédiger cet article de la manière suivante :

« Tout fonctionnaire de l'ordre administratif ou judiciaire, tout officier de justice ou de police, tout commandant ou agent de la force publique, qui, agissant en cette qualité, se sera introduit dans le domicile d'un habitant contre le gré de celui-ci, hors les cas prévus par la loi, et sans les formalités qu'elle a prescrites, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs, et pourra être condamné à l'interdiction du droit de remplir des fonctions, emplois et offices publics, conformément à l'article. 44. »

- Adopté.

Article 160

M. le président. - Article 160. Cet article a été adopté sous la réserve d'y ajouter une peine pécuniaire. La commission propose de rédiger cet article comme suit :

« Tout autre acte arbitraire et attentatoire aux libertés et aux droits garantis par la Constitution, ordonné ou exécuté par un fonctionnaire ou officier public, par un dépositaire ou agent de l'autorité ou de la force publique, sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à deux ans. »

- Adopté.

Articles 164 et 165

M. le président. - Les articles 164 et 165 avaient été réservés.

« Art. 164. Les fonctionnaires ou officiers publics, chargés de la police administrative ou judiciaire, qui auront refusé ou négligé de déférer à une réclamation légale tendante à faire cesser les détentions illégales et arbitraires, soit dans les maisons destinées à la garde des détenus, soit partout ailleurs, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à deux ans, et de l'interdiction du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics, conformément à l'article 44. »

- Adopté.


« Art. 165. S'ils ont refusé ou négligé de déférer à une réclamation légale, tendante à constater ces détentions, et s'ils ne justifient pas de les avoir dénoncées à l'autorité compétente, pour les faire cesser, ils seront punis d'un emprisonnement de huit jours à un an, et pourront de plus être condamnés à l'interdiction, conformément à l'article 41, du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics. »

- Adopté.

Titre III. Des crimes et des délits contre la foi publique

Chapitre IV. Des faux commis en écritures et dans les dépêches télégraphiques
Article 227

M. le président. - La commission propose la suppression de l'article 227.

- L'article 227 est supprimé.

Article 229bis (disposition spéciale)

« Art. 229 bis. Tout officier ministériel qui aura altéré la vérité dans un acte de ses fonctions sans l'intention frauduleuse et sans le dessein de nuire, dont il est parlé à l'article 205, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à deux mois et d'une amende de deux cents francs à mille francs ou de l'une de ces deux peines seulement.

M. Notelteirs. - Etant moi-même notaire il ne m'appartiendrait peut être pas de prendre la parole contre l'article 229 bis, disposition spéciale, édictant une nouvelle peine contre les officiers ministériels chargés de donner l'authenticité aux actes et contrats. Mais comme l'article ne se borne pas à majorer les peines, mais qu'il introduit en outre un nouveau système de poursuites, qui à mon avis présente de graves dangers pour la sécurité dis familles reposant sur la foi due aux actes authentiques, je crois de mon devoir de présenter quelques observations.

(page 901) Aux termes de l'article 1319 du Code civil, l’acte authentique fait pleine foi de la convention qu'il renferme, l'exécution ne peut en être suspendue que par la plainte en faux.

Le faux criminel commis par un officier ministériel est une de ces énormités, dont la punition ne saurait être trop sévère ; son énormité et la gravité de sa peine servent de garantie à la société qui a besoin de se reposer sur la foi due aux actes.

L'officier ministériel lui-même trouve dans la gravité de la peine du faux sa garantie contre la mauvaise foi et contre les attaques passionnées et inconsidérées des actes de son ministère.

Il est vrai qu'à une distance immense au-dessous du faux, il y a des infractions qui peuvent se commettre par des officiers ministériels et qui ne doivent pas rester sans répression sérieuse.

Ces infractions sont d'une diversité infinie sous le point de vue de la gravité et des dangers qu'elles présentent. Le législateur de 1810 n'en a pas fait des délits, il en a laissé la répression sous une juridiction spéciale : celle des tribunaux jugeant disciplinairement.

Ainsi, le notariat a son code spécial dans la loi de ventôse an XI. Cette loi prescrit à ce fonctionnaire ses devoirs et les formalités de ses actes. Toutes ces prescriptions sont sanctionnées par des peines, des nullités, des amendes, et enfin le tribunal peut prononcer la suspension et même la destitution du fonctionnaire.

Ajoutons que celui-ci est sujet au recours en dommages-intérêts lorsque de sa part il y a faute grave, de sorte que l'on peut soutenir que les tribunaux ont les armes nécessaires pour réprimer tout ce qui est réellement répréhensible.

Que si l'on veut renforcer les moyens répressifs des tribunaux jugeant disciplinairement, je n'entends pas m'y opposer ; mais j'ai la conviction que cela ne peut convenablement se faire par le système proposé.

Le législateur de 1810 a eu sans doute des motifs péremptoires pour ne pas faire de ces infractions des délits. D'abord elles sont de nature et de gravité si diverses qu'il est impossible de les bien formuler. La formule même proposée me paraît le prouver, car l'expression « altération de la vérité » est bien vague et bien élastique. Elle donne au tribunal correctionnel un pouvoir en quelque sorte discrétionnaire, qui ne devrait appartenir qu'au tribunal jugeant disciplinairement.

Ensuite, et c'est là le principal motif de mon opposition à l'article proposé, je considère ses conséquences comme excessivement dangereuses pour la solidité des actes authentiques dont les uns deviennent radicalement nuls et les autres perdent leur authenticité à défaut d'une simple formalité.

Sous la législation actuelle, ces actes ne sont attaquables même dans leurs formalités que par l'inscription en faux.

L'article proposé n'ouvre-t-il pas une voie nouvelle plus facile d'attaquer les actes authentiques aux dépens de la sécurité des familles ? Il crée un délit nouveau qui pourra être poursuivi par simple vote correctionnelle.

L'on pourra donc désormais, au mépris de l'article 1319 du Code civil, sans s'inscrire en faux, entreprendre de saper les bases des actes authentiques au moyen d'un procès simplement correctionnel.

Ces conséquences me paraissent contraires à l'article 1319, au bon droit et au caractère essentiel de l'authenticité des actes. J'ai cru de mon devoir d'en signaler les dangers à la Chambre.

M. Pirmez. - Je demanderai la permission de signaler le but que la commission s'est proposé en soumettant à l'approbation de la Chambre l'article en discussion.

Trois conditions sont exigées pour le faux criminel ; l'altération de la vérité, la possibilité d'un préjudice et enfin l'intention frauduleuse ou méchante.

Les auteurs et la jurisprudence sont d'accord sur la nécessité de la coexistence de ces trois conditions ; mais il se présente fréquemment des faits pour lesquels il a été difficile de décider si la troisième de ces conditions, l'intention frauduleuse doit être considérée comme existante.

Ces faits sont ceux où un officier ministériel atteste des choses fausses, nous pour dépouiller un tiers ou lui nuire, mais pour s'affranchir de certaines formalités.

Un huissier chargé de signifier un exploit au lieu de le porter lui-même et de le remettre à la personne signifiée, comme il l'affirme dans l'acte, charge un commissionnaire de lui porter la copie.

Un notaire qui se trouve en dehors de son canton fait un acte en indiquant qu'il a été fait dans son ressort. Un autre, pour éviter de payer la légère taxe due aux témoins, n'en fait pas venir à la passation des contrats, mais fait signer les actes postérieurement et en masse.

Il y a en un mot des faits nombreux où les officiers ministériels s'exemptent de formalités qui leur sont impérieusement imposées par la loi, sans avoir pour but de créer des droits ou d'en enlever.

Y a-t-il dans ces faits un faux criminel punissable ?

La jurisprudence s'est divisée sur cette question, généralement elle décide que oui.

Il y a plus d'arrêts donnant à la question une solution affirmative, qu'il n'en est lui donnant une solution négative.

Et en effet qu'est-ce que l'intention frauduleuse ? C'est l'intention de réaliser le bénéfice.

Or, l'huissier qui évite la démarche en prenant le salaire, le notaire qui fait un acte en dehors de son ressort, ou qui touche la taxe des témoins sans la payer, agissent évidemment dans le but de faire un bénéfice quelconque, quoique ce ne soit pas le bénéfice de fausses dispositions.

Il ne faut pas se le dissimuler, si l'on trouve dans ces faits une intention frauduleuse, il est d'une rigueur excessive de les punir d'une peine criminelle, et l'on doit, en législation, considérer comme impossible de les frapper de la peine du faux bien caractérisé, c'est-à-dire des travaux forcés.

Mais faut-il les laisser impunis ?

L'honorable M. Notelteirs pense que ces faits ne doivent être atteints que par des mesures disciplinaires.

Ces faits sont cependant extrêmement dangereux.

L'acte de l'huissier que je signalais peut compromettre une fortune tout entière. S'il s'agit, par exemple, de la signification d'un jugement de première instance, le défaut de remise de l'exploit peut entraîner la confirmation du jugement mal fondé, à l'insu de la partie, par l'expiration du délai d'appel.

La criminalité morale du fait est d'ailleurs incontestable. Il est certain que l'officier public qui a pour mission de constater des faits vrais et qui on affirme de faux se rend coupable de l'infraction la plus destructive du ministère qu'il remplit, abuse de la confiance placée en lui et compromet le très grave intérêt social, signalé par M. Notelteirs, celui du respect des actes authentiques.

Nous pensons donc qu'une peine correctionnelle qui consiste dans un emprisonnement et une amende prononcées cumulativement ou séparément, est méritée dans ces circonstances.

Quels sont les inconvénients de cette disposition ? L'honorable M. Notelteirs nous signale surtout l'affaiblissement de la foi due aux actes publics, qui résulterait, selon lui, de l'admission de l'article en discussion.

Bien loin de partager les scrupules de l'honorable membre, je crois que la disposition que nous soumettons à la Chambre a pour résultat direct de donner une force nouvelle à l'authenticité des actes.

L'honorable membre demandait en commençant comment serait garantie la vérité des faits constatés par acte notarié ; et il nous disait que la sévérité de la peine du faux est surtout destinée à maintenir la sincérité des actes.

Mais remarquons que d'après la législation actuelle interprétée comme le fait M. Notelteirs, il se peut que le faux commis par des officiers ministériels ne soient pas punis du tout, en sorte que dans ce système on est obligé d'accorder pleine et entière foi aux actes, alors qu'aucune espèce de pénalité n'en garantit l'authenticité.

Ainsi l'huissier dont je parlais, en ne remettant pas l'exploit à domicile, s'il n'a pas eu l'intention frauduleuse de priver la partie de la connaissance de l'exploit, ne devrait pas, d'après l'honorable membre, encourir la peine de faux. Voyez cependant les conséquences de cette lacune.

La partie à qui cet exploit est censé signifié, pour éviter les conséquences de la déchéance d'appel, s'inscrira en faux. Elle sera astreinte à toutes les formalités de l'inscription de faux contre cet acte, dont aucune pénalité ne garantit la vérité. Bien plus, si l'huissier est vivant, aux termes du Code de procédure on devra surseoir à prononcer sur la vérité de l'inscription de faux, jusqu'à ce que la juridiction criminelle ait statué.

Mais qu'arrivera-t-il devant la justice criminelle ?

Si l'on admet que par cela seul que l'huissier n'a pas eu l'intention de priver la partie de la connaissance de l'exploit, il n'y a pas de faux, la cour d'assises devra acquitter.

On aura donc tenu en suspens le procès civil et lorsque la juridiction (page 902) criminelle aura prononcé qu'il n'y a pas de faux, par conséquent, la signification sera réputée valablement faite.

On voit que dans ce système il y a de graves dangers pour la vérité, d'abord parce qu'on est obligé de croire à des actes dont aucune peine ne garantit la sincérité et parce qu'on ne peut arriver à détruire les actes faux parce que la procédure conduit à un résultat négatif.

Dans le système que nous présentons, tous les actes qu'affirment les officiers ministériels sont garantis par la peine.

Il est vrai que la fausseté des faits certifiés par l'acte pourra être constatée par une décision correctionnelle au lieu de l'être par une décision criminelle, mais cela entraîne-t-il de sérieux inconvénients ?

J'admets que le jugement correctionnel influera sur la sentence civile.

Mais il en est ainsi dans toutes les matières, les jugements correctionnels rejaillissent sur les procédures civiles ; M. Notelteirs me paraît faire le procès à ces principes plutôt qu'une critique de l'application qui en est faite ici. Croit-il, du reste, que la juridiction correctionnelle soit dénuée de garantie ? Croit-il que les jugements rendus par ces tribunaux ne méritent pas autant de confiance que les arrêts rendus par les cours d'assises quand des intérêts civils sont en jeu ? Mais les tribunaux de première instance et la cour d'appel qui prononceraient en dernier ressort sur l'application de l'article en discussion statuent sur tous les intérêts civils sans exception. La défiance de M. Notelteirs se justifie peu ; il craint l'intervention des tribunaux correctionnels et des cours d'appel, parce que leur décision peut réagir sur l'instance civile, et ces tribunaux sont précisément ceux auxquels la loi a confié le soin de prononcer sur toutes les contestations où sont engagées les fortunes particulières.

Qu'arrivera-t-il du reste quand on poursuivra les faits dont il s'agit devant la police correctionnelle ?

On procédera à une enquête pour s'assurer de l'exactitude des faits.

Mais quelle que soit la procédure qu'on adopte, c'est d'après une enquête qu'il sera décidé si les faits sont faux ou s'ils sont vrais : l'enquête sera la même, que l'action soit portée devant les tribunaux correctionnels ou devant la cour d'assises.

L'honorable membre dit qu'aujourd'hui on ne peut poursuivre les faux que par la voie de l'inscription en faux ; c'est une erreur. La poursuite de faux peut naître d'une inscription en faux qui survient dans un procès civil et qui est un incident de cette instance ; mais la poursuite de la plus grande partie des faux n'est pas provoquée par une inscription de faux.

Le ministère public agit d'office, comme il le fait pour toutes les infractions.

J'en appelle aux souvenirs de M. Notelteirs ; il a eu certainement connaissance de beaucoup de faux qui ont été commis. Il doit y avoir bien peu de ces faux qui aient donné lieu à une autre procédure que la poursuite principale de la part du ministère public.

L'altération de la vérité, dont nous nous occupons, pourra être pou suivie comme tous les autres faux par une action directe, elle pourra l'être aussi par la voie de l'inscription de faux.

Toute la différence consiste en ce que l'inscription de faux pourra, suivant l'intention qui a dirigé l'officier ministériel coupable, donner lieu à une poursuite criminelle ou à une poursuite correctionnelle.

Toute la disposition nouvelle consiste à trancher une difficulté existante, à combler une lacune en créant, avec des faits placés entre l'impunité et une peine excessive, une infraction correctionnelle.

M. Van Humbeeck. - Parmi les arguments qui ont été produits par l'honorable M. Notelteirs contre la disposition proposée par la commission, il en était un qui m'avait surtout frappé, et auquel l'honorable rapporteur ne me paraît pas avoir répondu. La disposition nouvelle tend à détruire l'harmonie qui existe entre nos lois répressives et nos lois civiles.

D'après la loi civile, l'acte authentique fait foi de la convention qu'il renferme entre les parties contractantes, leurs héritiers et ayants cause, et l'article 1319 du Code civil ajoute :

« Néanmoins, en cas de plainte en faux principal, l'exécution de l'acte argué de faux sera suspendue par la mise en accusation ; et en cas d'inscription de faux faite incidemment, les tribunaux pourront, suivant les circonstances, suspendre provisoirement l'exécution de l'acte. »

Ainsi il y a deux exceptions à la force probante des actes authentiques ; le faux principal, cas dans lequel les tribunaux sont tenus de suspendre l'exécution ; et l'inscription en faux incident, cas dans lequel il est facultatif aux tribunaux de suspendre cette exécution.

Aujourd'hui que nous propose-t-on ? On veut établir dans la loi un nouveau délit spécial qui ne sera pas le faux, mais qui néanmoins permettra de constater une altération de la vérité dans un acte authentique.

De deux choses l'une, ou ce délit nouveau pourra avoir pour effet de suspendre l'exécution de l'acte et alors il atteindra la force probante de l'acte authentique telle qu'elle est déterminée par la loi civile ; ou il ne pourra avoir cet effet, et alors on n'atteindra pas le but que veut atteindre la commission.

Je crois, messieurs, qu'il est également dangereux d'introduire dans la loi pénale l'article qu'on nous propose actuellement, à moins que l'on ne veuille en même temps réviser les dispositions civiles sur la force probante des actes authentiques, ce que ne me paraît pas vouloir l'honorable rapporteur, ce que ne veut pas non plus sans doute la commission dont il est l'organe.

Les exemples cités par l'honorable rapporteur pour faire adopter la proposition de la commission par la Chambre, ne m'ont nullement convaincu de 1a nécessité de cette innovation.

Il cite l'exemple d'un huissier qui ferait porter la copie d'un exploit par un messager au lieu de la porter lui-même. Ce fait constitue un véritable faux, cela n'est pas contestable. Dans certaines espèces la jurisprudence peut mentionner des décisions contraires. Mais je suis convaincu qu'en allant au fond de ces décisions, on reconnaîtra que ce sont seulement des circonstances d'espèce qui ont pu faire juger dans ce sens.

Certainement le fait renferme toutes les conditions du faux. Il y a évidemment altération de la vérité ; il y a intention frauduleuse, puisque l'huissier veut se soustraire aux prescriptions formelles de la loi de son institution. Il est impossible de soutenir qu'un huissier qui sait qu'il tient son mandat de la loi, qui sait que la loi le charge de porter lui-même son exploit, qui cependant remet son exploit à un messager, n'ait pas une intention frauduleuse. Cette intention frauduleuse combinée avec l'altération de la vérité et le préjudice possible, que l'honorable rapporteur reconnaît exister, constitue le faux parfaitement caractérisé.

Le second exemple cité par l'honorable M. Pirmez ne m'a pas non plus paru décisif. Il nous cite l'exemple d'un notaire qui, pour passer un acte en dehors de son canton, suppose que cet acte a été fait dans un lieu autre que celui où il a été fait réellement. Alors encore il y a faux. Pour que l'acte soit authentique, il faut qu’il soit fait par l'officier public compétent, c'est-à-dire d'après l'article 1317 du Code civil, « ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé. »

Ici l'officier public n'est pas compétent pour instrumenter. et que fait-il ? Il suppose un lieu où il est compétent ; il invente ; il suppose une des conditions essentielles de l'authenticité, alors que cette condition n'existe pas. Il y a faux, et, encore une fois, ce ne sont que des circonstances d'espèces qui ont pu en faire décider autrement.

Je crois que c'est à ces termes qu'il faut réduire les divergences qui se sont manifestées dans la jurisprudence, d'après l'honorable rapporteur.

L'honorable M. Pirmez convient d'ailleurs que la plupart des arrêts rendus sur la question l'ont été dans le sens que j'indique ; c'est encore une raison de croire que l'innovation proposée est inutile. Je ne crois pas que les inconvénients qui ont pu se présenter jusqu'ici soient assez graves pour nous faire admettre une modification aussi importante, et d'une utilité aussi contestable.

On a signalé les inconvénient d'une surséance à l'action civile, inconvénients très graves, d'après l'honorable rapporteur ; je ferai remarquer que le Code de procédure civile en réglementant le faux incident, a pourvu autant que possible à cet inconvénient en disant que « le président délivrera un mandat d'amener contre les prévenus (défenseurs au civil sur l'incident du faux), et remplira à cet égard les fonctions d'officier de police judiciaire. »

C'est l'article 239 du Code de procédure qui parle ainsi. La disposition est éminemment protectrice ; elle permet au magistrat chargé de statuer sur les intérêts civils, d'accélérer l'instruction de l'affaire criminelle.

Je crois, messieurs, que la disposition proposée aurait plus d'inconvénients que d'avantage et parmi les inconvénients, j'en citerai encore un ; elle pourrait rendre punissable un fait parfaitement licite, le fait du contrat déguisé.

Il est permis de faire indirectement ce que l'on peut faire directement.

II est permis de faire une donation sous forme de vente. Cela est parfaitement licite.

(page 903) Cependant l'officier ministériel qui, sachant qu'il passe un acte de donation, consentirait à lui donner la forme de vente, tomberait sous le texte nouveau.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Pas du tout, ce n'est pas là un fait de l'officier ministériel, mais bien des parties.

M. Van Humbeeck.—Qui constate la convention que les parties veulent passer ?

N'est-ce pas l'officier ministériel ?

Et si, au lieu de rédiger la convention que les parties veulent passer réellement, il constate celle qu'elles veulent simuler, il altère la vérité ; avec le texte que vous proposez, vous arrivez à punir le déguisement des contrats. (Interruption.) Au reste je ne demande pas mieux que de voir prouver que cette conséquence n'est pas dans votre texte, ce sera un reproche de moins à lui adresser.

Mes observations précédentes n'en subsisteront pas moins et suffiront à prouver que la législation actuelle est suffisante, qu'il y a plus d'inconvénients que d'avantages à admettre la disposition que l'on propose et qu'il y a lieu de la repousser.

M. Van Overloop. - Je crois que cet article est assez important pour qu'on remette la discussion à demain.

Je suis frappé des observations que nous fait l'honorable rapporteur. Mais je déclare que je ne suis pas moins frappé des observations judicieuses qu'a présentées l'honorable M. Notelteirs. Il est certain, et je partage l'opinion de l'honorable M. Van Humbeeck à cet égard, que vous ne pouvez introduire cette disposition nouvelle dans le Code pénal et maintenir intact l'article 1319 du Code civil.

Indépendamment de cela, il est une autre disposition du Code civil qui défend de faire la preuve par témoins contre les actes eux-mêmes. A quoi arriverait-on avec la disposition que l'on propose ? Je n'ai pas eu le temps de l'examiner ; niais on arriverait peut-être à cette conséquence que des individus irrités d'avoir passé un acte et ne pouvant être admis à prouver par témoins contre les énonciations de cet acte, s'adresseraient à la juridiction correctionnelle, feraient comparoir leurs témoins et feraient ainsi une preuve que défend le Code civil.

Cela me paraît excessivement grave. Je le répète ; je n'ai pas eu le temps d'examiner l'article. Je n'oserais pas me prononcer. Mais je crois véritablement qu'il y a quelque chose de plus important que les délits prévus par la nouvelle disposition, c'est la foi due aux actes authentiques. La foi due aux actes authentiques pouvant être détruite par une simple poursuite correctionnelle, On ferait entendre devant le tribunal correctionnel des témoins qu'on ne peut pas faire entendre devant un tribunal civil.

M. Pirmez. - Il en est de même aujourd'hui.

M. Van Overloop. - Il y a aujourd'hui la garantie de l'inscription en faux. Je suppose que l'article soit admis, nous n'avez plus besoin de l'intervention de l'autorité publique, vous pouvez assigner directement devant le tribunal correctionnel. Or, vous savez, messieurs, combien il est malheureusement facile, quand il y a des questions d'argent en jeu, de trouver de faux témoins. C'est là la crainte qui me domine.

Je ne veux pas, messieurs, émettre aujourd'hui mon opinion sur l'article, je reconnais bien volontiers que les faits dont il parle méritent une peine, mais il s'agit de savoir si, en comminant cette peine, vous ne donnerez pas lieu à des inconvénients plus graves que ceux que vous voulez prévenir.

Je demande donc à la Chambre de continuer cette discussion à demain.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Sans partager toutes les craintes qui viennent d'être émises, je reconnais que l'article soulève des questions sérieuses et je propose à la Chambre de le renvoyer à la commission.

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à 5 heures.