(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)
(page 357) (Présidence de M. Vervoort.)
M. Snoy, secrétaire, fait l'appel nominal à deux heures et un quart. Il lit le procès-verbal de la séance précédente ; la réduction en est approuvée.
M. de Boe, secrétaire, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants de Muysen demandent que les deux métaux soient employés à la confection des monnaies belges ; qu'on batte de préférence celui des deux métaux qui est le plus abondant ; que le rapport légal soit conservé dans toute son intégrité et qu'on admette l'or français sur le même pied que la France admet l'or belge. »
« Même demande d'habitants de Wilderen, Mouscron, Tournai, Dinant, Iseghem, Ottignies et Herenthals. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi relative à la monnaie d'or.
« Des habitants de Courtrai demandent qu'il soit donné cours légal à la monnaie d'or de France. »
« Même demande d'habitants de Vlamertinghe et de Hulste. »
- Même décision.
« Des industriels, fabricants et commerçants de Bruxelles et de sa banlieue demandent le rétablissement de l'étalon d'or et une monnaie d'or belge de 20, 10 et 5 francs, au même titre et au même diamètre que les monnaies d'or française et piémontaise.
« Même demande d’industriels, fabricants et commerçants de Wavre er de Braine-l’Alleud. »
- Même décision.
« Des habitants de Meerdonck prient la Chambre d'accorder à la compagnie Bouwens les concessions d'un chemin de fer de Malines par Tamise et Saint-Nicolas vers la frontière de Zélande. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Jacob, gendarme pensionné, demande à jouir du bénéfice de la loi relative à la pension des gendarmes. »
- Même décision.
« D'anciens employés des taxes communales à Namur réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir du gouvernement soit le traitement d'attente prévu par l'article 14 de la loi relative à la suppression des octrois, soit une indemnité pour les pertes qu'ils ont essuyées par suite de la promulgation de cette loi. »
M. Wasseige. - La pétition dont vous venez d'entendre la lecture, messieurs, émane d'anciens employés qui, du service de la ville de Namur sont passés au service d'un entrepreneur, après que l'octroi de cette ville a été affermé.
Ils réclament le bénéfice de la loi votée récemment, qui leur garantit un traitement d'attente pendant trois années. Leur condition d'anciens employés communaux passés au service de finances paraît soulever quels que difficulté.
En attendant, ces malheureux ne reçoivent rien, leurs ressources sont épuisées et plusieurs d'entre eux sont dans la plus profonde misère. La question me paraît de la plus haute importance ; elle intéresse les fonctionnaires des 18 ou 20 commune où l'octroi était affermé, et une solution est de la plus extrême urgence.
Je propose donc le renvoi de cette réclamation à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Des habitants de Bassilly demandent la construction des chemins de fer de Louvain à Bruxelles, de Hal à Ath et de Tournai à la frontière française, ou du moins l'exécution de la ligne de Hal à Ath avant celle de Bruxelles à Louvain. »
« Même demande d'habitants d'Hérinnes. »
- Même décision.
« Le sieur Massart, ancien soldat congédié pour infirmité contractée (page 358) au service, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une pension. »
- Même décision.
« Les membres du conseil communal d'Enines demandent que la société concessionnaire exécute le chemin de fer de Tamines à Landen avec embranchement de Perwez à Tirlemont par Jodoigne. »
« Même demande des conseils communaux de Marilles, Autre-Eglise et Geest-Sainte-Marie. »
- Même renvoi.
« Plusieurs commerçants et manufacturiers à Bruxelles font hommage à la Chambre de plusieurs exemplaires d'un écrit qu'ils ont publié sur la question monétaire. »
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
« M. Frison, retenu chez lui par indisposition, demande un congé de quelques jours. »
- Accordé.
M. le président. - A la fin de la séance d'hier, M. Van Humbeeck m'a fait parvenir une série d'amendements qui ont été distribués aux membres de la Chambre après avoir été imprimés.
- Ces amendements sont appuyés ; ils font partie de la discussion.
M. de Haerne. - A la séance d'hier, messieurs, vous avez entendu plusieurs orateurs qui ont exprimé leur opinion sur la matière, intéressante sous tant de rapports, qui fait l'objet, de ce débat. Permettez-moi devenir, à mon tour, vous faire connaître mon opinion sur cette question. Je le ferai en m'inspirant des soins que réclament les bonnes études et de l'esprit de nos institutions.
On a soutenu hier que le niveau des études littéraires était baissé en Belgique ainsi que dans d'autres pays. Messieurs, à ne voir les choses que d'une manière superficielle et d'après les faits qui se passent sous nos yeux, on doit dire que les études littéraires proprement dites, les études classiques qui se rapportent surtout aux langues anciennes, sont moins suivies et moins approfondies qu'elles ne l'étaient autrefois ; mais je pense que le système d'examen officiel ne peut guère remédier à cet état de choses. Cela tient à des causes différentes de celles que l'on a signalées, à des causes sociales
Et d'abord, il en est une première que la Chambre reconnaîtra aisément ; c'est que, depuis assez longtemps, on a augmenté, dans plusieurs collèges de différents pays, le nombre des branches qui font partie des études humanitaires, à tel point qu'il est devenu impossible de s'adonner d'une manière aussi approfondie qu'autrefois à l'étude des langues anciennes ; les jeunes gens ne peuvent pas les embrasser toutes ; l'esprit humain est borné ; les forces du jeune âge surtout ne suffisent pas pour embrasser d'une manière également sérieuse et complète l'ensemble des branches très nombreuses qui sont proposées au programme.
Il suffit de ce simple aperçu pour faire comprendre la décadence de l'étude des langues anciennes, l'abaissement de ce qu'on appelle le niveau des études humanitaires. On étudie plus les sciences qu'autrefois, et par conséquent, on étudie moins bien les langues. Le projet n'obvie pas d'une manière satisfaisante à cet inconvénient, ce que je démontrerai quand nous en viendrons à la discussion des articles du projet.
Mais je dois faire remarquer dès à présent que l'article qui se rapporte aux mathématiques, tout en diminuant cette matière d'une manière notable, conserve la géométrie à trois dimensions, puisque pour obtenir le grade de candidat en sciences, il faut subir à l'entrée de l'université un examen sur la géométrie à trois dimensions ; il en résulte, que les collèges seront obligés à enseigner cette branche des sciences dans toute son étendue.
Il ne s'agit pas de savoir si cela est utile, mais si l'on a la liberté d'avoir un autre système d'enseignement. C'est imposer aux collèges un programme que tous les collèges n'admettent pas. Cela ne peut se faire sans froisser la liberté d'enseignement. Ce n'est là qu'une cause accessoire de ce qu'on appelle la décadence des études littéraires anciennes ; elle tient à des causes bien supérieures que j'ose appeler sociales.
En Angleterre, a-t-on dit, les études classiques ont aussi considérablement baissé de niveau, cela est vrai jusqu'à un certain point. Cela provient de ce que, dans ce pays, une des causes sociales auxquelles je viens de faire allusion, l'esprit industriel est très développé. Ce qui prouve que l'industrialisme est pour beaucoup dans la décadence des études, c'est qu'on remarque dans le royaume-uni une grande différence entre les classes industrielles et l'aristocratie, oh l'on rencontre des études littéraires très sérieuses, une connaissance approfondie des langues anciennes ; on en trouve la preuve dans le parlement anglais où il est de bon ton de faire des citations en vers latins.
Une des causes de la décadence des études anciennes, cause qui me paraît radicale, c’est que l'enseignement universitaire ne se donne plus, comme autrefois, en latin ; cela provient de ce que le progrès des sciences est tel, qu'on ne trouve plus dans les langues anciennes de termes pour exprimer exactement les faits, les idées, les théories qui se rapportent aux sciences modernes.
Autrefois c'était la langue latine qui était la base de l'enseignement universitaire ; on comprenait par là mieux la nécessité d'apprendre les langues anciennes dans les collèges.
Il y a une quatrième cause que je crois devoir signaler, elle est aussi, selon moi, très importante ; elle tient aux progrès des langues et des littératures modernes, qui ont atteint une perfection telle, qu'elles sont arrivées on peut dire les unes à leur Age d'or, d'autres même à leur âge de décadente, après avoir atteint leur apogée.
Sous ce rapport, messieurs, on comprend que les langues modernes, ayant atteint ce haut degré de perfection, ont dû nécessairement remplacer les langues anciennes dans la littérature, dans les sciences et dans les usages du monde.
A cet égard je dirai un mot de ce qui a été avancé, dans la séance d'hier, par l'honorable M. de Boe, qui nous a cité l'Allemagne comme faisant exception à l'état de choses qu'il a indiqué quant à la décadence des études.
Il a parfaitement raison de dire que cette décadence se fait moins sentir en Allemagne que dans d'autres pays.
Mais la raison de ce fait tient à ce que je viens de dire par rapport au perfectionnement des langues modernes. Vous savez que la langue et la littérature allemandes n'ont atteint leur haut degré de perfection qu'un siècle environ après plusieurs autres langues modernes.
Ainsi les Klopstock, les Goethe, les Schiller, les Kotzebue, les Lessing, les Wieland, les deux Schiller ont fleuri au XVIIIème siècle ; et avant cette époque, en Allemagne comme précédemment dans d'autres pays, la langue latine était vivante, elle était vulgaire, elle était la langue de la science et de la littérature même.
Ces traditions favorables à l'étude des langues ancienne et à leur usage sont moins usées en Allemagne que dans d'autres pays, parce qu'elles n'ont pas eu le temps de s'y user comme ailleurs. Il en résulte que dans ce pays éminemment scientifique on recourt encore beaucoup à ces langues pour la rédaction d'ouvrages scientifiques. Je citerai entre autres le magnifique commentaire de l'Iliade et de l'Odyssée par Bothe, commentaire qui est écrit en latin et dans un latin qui n'aurait pas été désavoué pur Quintilien. C'est un ouvrage tout moderne.
Voilà ce qui explique l'estime qu'on a en Allemagne pour l'étude et la connaissance approfondie des langues anciennes.
J'ajouterai un mot quant à la nature de la langue allemande : c'est qu'elle a beaucoup plus d'analogie que les autres avec les langues anciennes, par rapport à la construction et aux inversions des phrases, par rapport aux quantités qui sont réellement aussi accentuées dans cette langue que dans les langues anciennes, et quant à l'harmonie qui en résulte. Ainsi l'auteur que je citais tout à l'heure, Klopstock a écrit son épopée la Messiade en hexamètres qui, par les quantités réelles, par les spondées et les dactyles, reproduisent souvent l'harmonie non seulement mécanique, mais imitative, du grec et du latin.
Ces qualités, messieurs, sont aussi propres à notre langue flamande, et nous pourrions peut-être entrer dans la même voie. Un de mes amis, décédé l'année dernière, M. Cracoo, a fait une belle traduction de l’Iliade en hexamètres flamands.
Mais il n'est guère possible aujourd'hui de fonder de grandes espérances à ce sujet, parce que, je ne sais par quelles causes, on est tellement francise en Belgique, passez-moi l'expression, que l'on ne comprend pas cet avantage national.
Voilà, messieurs comment s'explique la supériorité littéraire de l'Allemagne, par rapport à la connaissance approfondie des langues anciennes.
Vous voyez donc, messieurs, d'après les faits que je viens d'avoir l'honneur d'exposer, d'après les détails dans lesquels j'ai cru devoir entrer, que l'on ne peut pas attribuer à des mesures gouvernementales, à des examens plus ou moins bien réglés, la cause de cette décadence que l'on signale dans les études classiques.
Les examens officiels, messieurs, ne font presque rien à cet état de (page 359) choses, et souvent même ils font plus de mal que de bien parce qu'il est très difficile, abstraction faite de tout, si les appréciations qui se rapportent à notre pays, il est très difficile de régler convenablement ces matières ; et les examens qui ont été institués dans les différents pays dont nous sommes entourés, y ont donné lieu à tontes sortes de réclamations, à tontes sortes de plaintes, aussi bien qu'en Belgique.
Messieurs, permettez-moi, puisque je viens de dire que l'on s'est plaint des examens, dans d'autres pays comme en Belgique, permettez-moi d'entrer dans quelques détails sur ce qui s'est passé à cet égard en Hollande.
La Hollande, messieurs, a beaucoup de rapports avec la Belgique, à ce point de vue comme à d'autres points de vue. Ainsi le point de départ est le même pour les deux pays, puisque nous avons été en Belgique très longtemps soumis au même régime, régime établi en Hollande en 1815, et en Belgique en 1816, et qui a fonctionné chez nous jusqu'aux premières années de notre émancipation politique, et en Hollande jusqu'à une époque, un peu plus rapprochée.
Remarquez, messieurs, qu'en Hollande comme en Belgique on a fait toutes sortes d'essais pour améliorer la situation des études ; on a en recours en Hollande à des institutions semblables à celles qui ont existé en Belgique, notamment à l'établissement du grade d'élève universitaire qu'on propose de rétablir.
L'examen d'entrée à l'université a été établi en Hollande en 1845, c'est par un arrêté du mois d'août que cet examen y a été introduit. Ou avait constaté qu'il y avait décadence dans les études, et on voulait y obvier.
Il y a eu, en effet, par suite de cet examen, beaucoup moins d'élèves qui obtinrent l'accès aux universités ; à la première épreuve de l'application de ce système, en 1845, 53 élèves furent rejetés sur 131 récipiendaires. Voilà quel fut le premier résultat.
Ceux qui soutenaient ce système du grade d'élève universitaire avaient introduit un programme des plus sévères et des plus compliqués, un système tout aussi compliqué que le programme qui a fonctionné en Belgique et qui comprenait 14 branches Les partisans de ce système crurent que l'épuration n'était pas encore assez forte, ils voulurent aller plus loin, et ils proposèrent d'ajouter au premier examen si compliqué, si sévère, un deuxième examen, un examen supplémentaire.
Cet examen ne fut pas admis, parce que le bon sens fit comprendre que l'on touchait à une institution qui tournait à la chinoise. Vous savez qu'en Chine, dans la vaste centralisation qui y existe, c'est par un réseau d'examen à tous les degrés qu'on enlace pour ainsi dire toute la nation. ; c'est ce qui a été signalé en Hollande, et on a cru qu'il fallait revenir de ce système.
Les inconvénients d'un examen d'entrée à l'université furent donc constatés dès la première épreuve.
J'ajouterai que le système avait déjà été combattu auparavant par des autorités très importantes ; c’est ce qu'a signalé le ministre de l'intérieur de Hollande dans la séance de la seconde chambre du 17 octobre 1850, où il a dit que le conseil d'Etat s'était élevé, dès le principe, avec la plus grande force (ten allersterkste) contre l'arrêté de 1845 instituant l'examen d'entrée à l'université.
C'est ce qui détermina le ministre à porter un nouvel arrêté, celui du 1er juillet 1850.
Par cet arrêté, dans les considérants duquel on établit en principe que l'accès aux universités doit être libre pour tout le monde, on admit encore un examen, mais cet examen n'était pas une condition sine qua non de l'admission à l'université ; c'était une simple épreuve qui devait servir de stimulant aux études.
Tel fut le système que M. Thorbeke établit en 1850.
Ainsi que je viens de le dire, le principe de l'admissibilité de tout le monde aux cours universitaires est proclamé dans les considérants de l'arrêté du 1er juillet 1850 ; on y dit :
Het betaamt de inrigtingen van het hooger onderwys voor ieder zonder belemmering opentestellen.
C'est-à-dire que l'université doit être accessible à tout le monde, sans aucune entrave.
Des membres des états généraux, M. Hugenin entre autres, déclarèrent que, sans cette condition, l'académie n'était plus une université ; l'institution n'étant pas ouverte à tout le monde, ne peut, selon eux, s'appeler université.
Il y a plus, l'examen, tel qu'il avait été institué en 1850, parut même une formalité inutile, et en 1852, M. Thorbeke le lit supprimer, de manière qu'à cette époque l'admission à l'université n'était pas même subordonnée à l'accomplissement d'une simple formalité.
Ce nouveau système fonctionna jusqu'au 4 août 1853 ; mais cette mesure avait été trop brusque, trop radicale pour ne pas donner lieu à quelques abus. On remarqua bientôt que beaucoup de jeunes gens incapables allaient s'asseoir sur les bancs des universités. Beaucoup de jeunes gens, dit M. le ministre de l'intérieur de 1853, Van Reenen, n'étaient pas mûrs pour cette liberté et en abusèrent. Telles sont les expressions dont se sert M. le ministre de l'intérieur, dans un mémoire explicatif communiqué aux états généraux en 1853.
C'est cet état de choses qui donna lieu à l'introduction d'un nouveau système que je vais avoir l’honneur de vous expliquer.
Ce système est formulé dans l'arrêté du 4 août 1853 par M. Van Reenen.
Il exige un examen public, purement littéraire, à défaut de certificat de fréquentation des cours d'humanités, non pour l'admission à l'université, mais un examen qu'on subit devant le corps académique après l'immatriculation, pour être admis au premier examen académique, qui était et qui est encore un examen en mathématiques.
C'est notre système de certificats, sauf qu'il n'est appliqué qu'après l'immatriculation aux cours universitaires.
Cet examen littéraire exige la connaissance approfondie du latin, du grec, de l’histoire et de la langue néerlandaise sans autre condition.
Cette épreuve purement littéraire, notez-le bien, est requise avant l'admission au premier examen académique pour les élèves qui ne peuvent pas administrer un certificat constatant qu’ils ont suivi avec fruit un cours complet d'humanités. Mais du moment que l'on peut produire ce certificat, on est admis au premier examen académique, l'examen en mathématiques, et par conséquent après avoir passé un temps plus ou moins long à l'université. Ce n'est qu'à défaut de pouvoir produire ce certificat, qu’on est obligé de subir l'examen littéraire dont je viens de parler et qui a été introduit par l'arrêté du 4 août 1853, contresigné par M. Van Reenen.
C'est sous ce régime qu'on se trouve encore aujourd'hui en Hollande. Il n'a donné lieu jusqu'ici à d'autres plaintes, à d'autres réclamations que celles qui résultent de ce que l'on doit subir l'examen, lorsqu'on ne peut produire de certificat, devant un des trois corps académiques.
Il en résulte un inconvénient dont on a parlé bien des fois dans les états généraux de Hollande, parce qu'on n'a pas la même méthode dans toutes les universités. Quelques-uns disent qu'on n'y rencontre pas toujours la même impartialité devant les diverses autorités et qu'il existe surtout une différence notable entre cet examen conditionnel et celui qu'on subit dans les gymnases (eindexamen) pour obtenir le certificat.
Cependant le ministre, pour obvier à ces inconvénients, pour repoudre à ces objections et faire droit à ces plaintes, a encore amélioré le régime dans ce sens, qu'il a prescrit une même méthode d'examen à suivre partout, qu'il a permis de subir l’examen devant une université quelconque, alors même qu'on ne prendrait pas d'inscription à cette université.
Ainsi les élèves qui veulent fréquenter les cours de l'université de Leyde peuvent très bien subir leur examen conditionnel, à défaut de certificat, devant le corps académique de l'université d'Utrecht ou de Groningue. Cela leur est facultatif ; mais, malgré cette mesure très sage, très impartiale, on se plaint encore de ce qu'on appelle l'inégalité de l'examen d'après les usages, la méthode, la manière de voir des divers corps scientifiques d'universités ou de collèges.
Voilà ce qui suscite encore aujourd'hui des plaintes en Hollande. Ces plaintes se font jour dans la presse, dans des pétitions, dans des discours prononcés à la tribune de l'une et l'autre chambre des états généraux.
Depuis sept ans que ce système fonctionne, le ministre Van Reenen a répondu plusieurs fois à ces plaintes. Il a fait entendre que le régime actuel qui, selon lui, est bon et ne donne pas lieu à de graves abus, n'obvie pas cependant à tous les inconvénients, qu'il n'est pas des plus efficaces pour améliorer les études, mais il trouve que pour remédier aux inconvénients signalés par rapport à l'abaissement de la connaissance des langues anciennes, il faut recourir à l'organisation générale des cours d'humanités, en les combinant avec les études universitaires et que c'est par des mesures d'application intérieure et de détail qu'on doit améliorer l'état de choses dont on se plaint.
Tel est le raisonnement qui a été tenu plusieurs fois par le ministre (page 360) de Hollande à ce sujet. Toutefois il maintient ce qui existe jusqu'à ce qu'on trouve à propos de présenter une loi à ce sujet.
L'enseignement supérieur et moyen n'est pas encore régi par la loi, il n'y a que l'enseignement primaire qui le soit jusqu'ici.
Le régime actuel est maintenu et ce n'est pas dans le sens de renforcer les examens qu'on demande un changement, mais bien au contraire en vue d'améliorer la situation et de mettre plus d'impartialité et d'égalité dans les examens existants.
Tel est le but qu'on se propose dans l'opposition, contre le ministre qui n'a pas jugé à propos jusqu'à présent de modifier le statu quo.
Du reste, je le répète, il n'y a pas eu d'autres plaintes sérieuses que celles dont je viens de parler. Et à notre point de vue ces plaintes n'ont évidemment aucune signification, vu que le système d'enseignement supérieur eu Hollande diffère tout à fait du nôtre et ne saurait convenir en aucune façon à la Belgique, qui a ses universités libres, tandis que dans les Pays-Bas il n'y a que des universités de l'Etat.
C'est ce qui explique pourquoi en Hollande il n'y a pas de jury central, qui serait peut-être un acheminement vers les examens académiques à subir devant ce jury central et peut être aussi vers la création d'universités libres.
Ceci est une appréciation toute personnelle ; mais enfin on veut maintenir les principes de l'arrêté de 1853 qui est à peu près le régime sous lequel nous nous trouvons aujourd'hui en Belgique, régime des certificats ou des examens quand on ne peut pas produire de certificats, sauf que le système hollandais est plus large, plus libéral en ce que l'examen, lorsqu'il est requis, ne doit pas se faire sur le seuil de l'université, mais seulement quand on a fréquenté l'université quelque temps et qu'on se croit à même de subir le premier examen académique. Ce système est donc plus libéral que le nôtre.
Remarquez aussi, messieurs, que ce système est éminemment propre à favoriser la liberté des études, parce qu'il laisse aux collèges une entière liberté d'action pour ce qui concerne les études littéraires, par exemple les discours en langues anciennes ; il résulte de ce système que les élèves des collèges, qui se trouvent dans les classes supérieures, n'ont pas constamment cet examen fatal devant les yeux ; et que, par suite de cette considération, ils peuvent s'adonner librement aux études pour lesquelles ils ont le plus de penchant, au lieu de devoir se livrer uniquement à l'étude matérielle, en quoique sorte, des branches sur lesquelles ils devront nécessairement répondre quand ils seront appelés devant le jury. Sous ce rapport le système hollandais me paraît évidemment propre à favoriser le développement des études et surtout des études littéraires.
Messieurs, on vous a cité l'exemple de l'Angleterre, à propos de la question qui nous occupe. Il est vrai, comme l'a dit un honorable député d'Anvers, M. de Boe, qu'en Angleterre on a constaté aussi une décadence notable dans les études, mais cette décadence ne s'est guère manifestée que dans les études de la classe moyenne et de la classe industrielle, comme je l'ai déjà dit ; on ne l'a presque point remarquée dans les études de la classe élevée, de l'aristocratie, où les bonnes traditions des hautes études littéraires existent toujours. Mais si, en cherchant un remède au mal que personne ne cherche à nier, on a émis des idées favorables au système soutenu par l'honorable orateur auquel je fais allusion, si l'on a émis des idées dans le sens de celles qu'on veut faire prévaloir en Belgique, en établissant l'examen d'entrée à l'université, je dois dire que ces idées n'ont pas été formulées en loi, n'ont pas été mises en pratique. Eh bien, il me semble que l'exemple de l'Angleterre est tout à fait en opposition avec le système que l'on préconise, puisque l'Angleterre n'a pas jugé opportun d'introduire ce principe dans sa législation.
Mais, messieurs, si vous me permettez d'entrer dans quelques détails pour faire ressortir l'esprit anglais en cette matière, j'irai chercher quels sont les examens usités en Angleterre. Je dois dire que je les aperçois à peine. J'en découvre un cependant pour ce qui concerne les écoles normales. J'aurai l'honneur de vous en dire un mot.
Les écoles normales, dans la Grande-Bretagne, comme les écoles moyennes, comme les écoles primaires, comme les universités, sont des institutions privées et libres ; mais il y existe un système de subside, en faveur de l'instruction primaire pour développer les connaissances vulgaires dans la masse du peuple. Or, ce système existant en Angleterre, il faut nécessairement que le gouvernement puisse se rendre compte de l'état des écoles pour être à même de répartir ses subsides en connaissance de cause ; et voici comment il procède en cette matière ; ceci vous prouvera une fois de plus à quel point on respecte la liberté en Angleterre.
Il y a, pour les écoles normales, des comités de direction, des commissions directrices qui sont libres. Pour les écoles normales catholiques, par exemple, et ces écoles sont au nombre de trois, dont l'une, établie à Liverpool, et destinée aux filles, est dirigée par des dames d'origine belge de l'institut des sœurs Notre-Dame et compte 3,000 élèves en Angleterre ; pour ces écoles, dis-je, il y a une commission composée en partie d'ecclésiastiques et en partie de laïques ; il y a, de plus, un inspecteur comme pour les écoles normales ; cet inspecteur est nommé par le conseil privé d'instruction publique, mais sur la proposition de la commission directrice de l'établissement ; il est chargé de visiter les écoles normales et de constater l'état des études dans ces écoles ; et c'est d'après son rapport que l'on admet les élèves à la jouissance des subsides d'entretien et au droit de subsides pour les écoles qu'ils ouvriront dans le royaume, à la sortie de l'école normale.
C'est ainsi que les élèves destinés à devenir instituteurs sont admis, et reçoivent le subside nécessaire pour leur entretien pendant un ou deux ans à l'école normale ; sur la déclaration de l’inspecteur ils deviennent instituteurs et autorisés à recevoir les subsides du gouvernement pour leurs écoles primaires, qui sont visitées de la même manière par les inspecteurs respectifs, mais seulement lorsqu'elles sont placées sous le régime des subsides.
Voilà comment fonctionne le système anglais pour les quarante écoles normales des divers cultes, voilà jusqu'à quel point on respecte la liberté.
Quand des individus se présentent pour être instituteurs, et qu'ils n'ont pas passé par les écoles normales, ils doivent subir un examen, qui se passe à Noël ; ce sont les inspecteurs qui se réunissent avec les directeurs des écoles et examinent les réponses des récipiendaires ; pour ce qui regarde les questions religieuses, on s'en rapporte à chaque directeur d'école ou à chaque ministre du culte, selon la profession religieuse des candidats, on s'en rapporte à son jugement pour fixer les points requis en matière religieuse.
On subit l'examen devant cette commission mixte, devant les inspecteurs réunis, qui tous examinent les réponses écrites des divers récipiendaires, mais de telle manière que, pour les catholiques, par exemple, leur admission se décide sur l'avis des trois inspecteurs catholiques avec le concours de la commission, qui ne sert que de contrôle et de garantie morale.
Voilà le système anglais ; pour ces écoles on a dû admettre un système d'examen au point de vue de la bonne application des subsides, mais quant aux études moyennes et supérieures, on ne connaît qu'un examen pratique, qu'on pourrait appeler professionnel, reconnu nécessaire pour embrasser une profession, dont l'exercice peut être plus ou moins nuisible à la société.
Pour ce qui regarde l'application du système général d'Angleterre et la comparaison qu'on pourrait en faire avec ce qui existe dans notre pays, je dirai que nous avons une organisation pour les écoles normales belges, qui a été établie par l'arrêté du 15 décembre dernier, et qu'on pourrait, je crois, appliquer aux examens supérieurs.
Dans la commission d'examen établie par cet arrêté, l'influence du gouvernement est égale à celle de l'enseignement libre ; s'il y a parité de voix, l'élève n'est pas admis ; si un pareil système était proposé pour le jury universitaire, au point de vue de la liberté, je ne verrais pas d'inconvénient à m'y rallier, tout en maintenant pour le fond le système des certificats actuel, qui n'a pas existé assez longtemps pour qu'on puisse le supprimer.
Il y a un autre point dont je désire dire un mot, dont j'ai parlé déjà, quand on a introduit l'examen du grade d'élève universitaire ; je veux parler de la langue flamande ; j'ai fait en 1849 ce que j'ai pu pour faire prévaloir les droits de l'une de nos langues nationales ; j'ai réussi en partie.
Pour développer la littérature flamande, pour former le goût, l'esprit littéraire des élèves flamands, je voudrais qu'on leur permît de faire des discours flamands aussi bien que des discours français. La difficulté n'est pas la même pour les Wallons que pour les Flamands ; les Flamands doivent étudier deux langues, tandis que les Wallons ne doivent en étudier qu'une seule. En pratique, cela présente de grands inconvénients. Pour te qui concerne le concours, par exemple, il y a un âge fixe, passé lequel on n'est plus admis à concourir.
Dans les collèges des Flandres, surtout dans ceux des villes les moins populeuses où l’on attache plus de prix à la langue flamande que dans les grandes villes, il arrive que le tiers ou la moitié des élèves ne peuvent pas être admis au concours parce qu'ils sout trop âgés ; dans les villes wallonnes et dans quelques grandes villes flamandes tous les élèves (page ée361) sont admis, et on veut porter après cela un jugement sur les divers collèges d'après le résultat des concours.
On ne peut pas établir un jugement impartial, car l'infériorité relative que l'on constate résulte de la nécessite pour les Flamands qui attachent de l'importance à leur langue maternelle, d'étudier deux langues au lieu d'une, ce qui les empêche de terminer leurs études aussi vite que les Wallons ; c'est un inconvénient que je dois signaler au gouvernement et à la Chambre. On ne tient pas assez compte de la langue flamande ; on devrait admettre, pour l'examen d’entrée à l'université, le Flamand à faire un discours flamand, comme le Wallon à faire un discours français, sans cela on froisse par la loi la liberté d'enseignement et on nuit évidemment au développement des facultés qui font le littérateur.
Messieurs, j'ai dit un mot du système hollandais qui fonctionne depuis sept ans ; l'examen conditionnel quand on ne peut pas fournir de certificat est à peu près le système belge, avec cette différence qu'il est plus large et plus libéral.
Pour ce qui regarde notre système, on ne s'en plaignait guère si ce n'est dans les établissements de l'Etat. Ce n'est pas dans les établissements de Hollande qu'on a élevé des plaintes contre le système qui fonctionne depuis sept ans ; on n'a pas entendu de plaintes dans le genre de celles qu'on fait valoir eu Belgique.
Le système belge n'a pas fonctionné assez longtemps pour pouvoir être jugé en connaissance de cause ; il n'a pas fonctionné assez, surtout, pour qu'on puisse le condamner, comme on veut le faire par le projet qui nous est soumis.
M. de Gottal. - Le projet qui nous est soumis se divise en deux parties : celle qui a pour objet de proroger le mode de nomination des membres des jurys d'examen, fixe par la loi de 1827, et la seconde qui a pour but le rétablissement de l'examen du grade d'élève universitaire.
Quant au premier point, je ne viendrai plus demander à la Chambre de fixer un délai plus court pour l'application de l'article 24 de la loi de 1857, persuadé que cette proposition, fût-elle admise, ne hâterait, n'avancerait en rien les études que le gouvernement, à la fin de la session dernière, nous a dit faire de cette question.
D'ailleurs, une proposition dans un autre sens a été déposée par M. Van Humbeeck, sous forme d'amendement. Elle est soumise à l'appréciation de la Chambre ; pour le moment, je n'ai point à m'en occuper.
Je me bornerai donc, messieurs, à vous présenter quelques observations quant au second point. Je commence par me déclarer partisan en principe de l'examen d'élève universitaire. Ce n'est pas que je pense que hors de cet examen, les études sérieuses soient impossibles : il y avait des savants longtemps avant qu'il y eût des examens, ce n'est pas non plus que je croie que, par cet examen, on relèvera d'un seul coup le niveau des études ; non, messieurs, cet examen par lui seul ne saurait produire cet effet.
C'est en faisant renaître le goût des études, c'est en ranimant le désir d'étudier, que les études se relèveront d'elles-mêmes. Or, c'est là la tâche, non pas de l'examen, mais de l'enseignement, du professeur. Que le professeur inspire le goût du travail, et les études, par cela même, en seront plus fortes et plus nourries. Il ne s'agit pas de faire acquérir aux jeunes gens un bagage plus ou moins lourd de connaissances, il s'agit, je le répète, de leur inspirer le désir de continuer à étudier, même après leur sortie du collège, de l'université. Ce que l'on doit surtout s’attacher à apprendre aux jeunes gens dans les collèges, dans les athénées, dans les universités même, c'est à étudier.
Mais pourquoi je crois l'examen utile, c’est d'abord parce que j'y vois un moyen de constater l'acquisition de certaines connaissances, mais surtout, et c'est à mon point de vue le point capital, un moyen de s'assurer de cette aptitude, de cette capacité intellectuelle sans laquelle les études supérieures sont impossibles, ou du moins doivent rester stériles.
Messieurs, lors de la discussion de la loi du 15 juillet 1849, dans laquelle cet examen fut introduit pour la première fois, tout fut dit sur l'utilité de cette mesure.
Aussi m'abstiendrai-je de venir introduire devant la Chambre les arguments qui ont été présentés à cette époque, arguments que tous ceux, du reste, qui ont étudié cette question, doivent avoir à la mémoire.
Vous vous rappellerez également comment, dans la séance du 24 février 1855, cet examen fut supprimé, j'allais dire escamoté.
Les effets de cette suppression ne tardèrent pas à se faire sentir. L'affaiblissement des études fut général en ce moment, et cela se concevra sans peine, lorsqu'on veut se rappeler dans quel but cet examen avait été créé, avait été introduit,
L'examen d'élève universitaire avait eu pour but d'abord de relever l’enseignement supérieur en fortifiant les études moyennes, on voulait ensuite alléger l'examen de candidature en philosophie et lettres qui était réellement surchargé ; il comprenait, si je ne me trompe, 14 ou 15 matières.
L'examen d'élève universitaire formait donc en quelque sorte la première partie de l'examen de candidat en philosophie et lettres que l’on avait dédoublé, Cette première partie étant supprimée, il en résultait que des jeunes gens pouvaient passer leur examen de candidature en philosophie et lettres sans être suffisamment préparés et arrivaient ainsi trop facilement aux cours supérieurs.
Aussi ne tarda-t-on pas à chercher un remède à cet état de choses. A peine un an après, si je ne me trompe, l'honorable M. de Decker, alors ministre de l'intérieur, présenta à la Chambre un projet de loi rétablissant cette épreuve préparatoire.
Depuis tors les professeurs des universités, les préfets des études, les présidents des jurys d'examen, presque tous, à l'unanimité, ont réclamé le rétablissement de cette mesure.
Du reste, cet examen, messieurs, existe à côté de nous. Il existe dans les Pays-Bas.
En Angleterre, des établissements privés l'ont introduit de leur propre mouvement.
En Allemagne, ce pays scientifique par excellence, l'admission aux universités est subordonnée à des conditions de capacité.
Pourquoi donc, dans notre pays, cet examen ne produirait-il pas de bons résultats alors que nos voisins en ont reconnu l'utilité, l'efficacité ?
On a contesté et l'on contestera probablement encore cette efficacité. On entassera des chiffres ; on fera de la statistique, les uns pour appuyer le système, les autres pour le combattre ; mais de ce que le principe n'aura pas produit les résultats qu'on en attendait, s'ensuit-il qu'il soit mauvais, qu'il faille le condamner ? Ce serait là, me semble-t-il, une conclusion peu logique. Vous aurez beau me prouver que le résultat a été négatif, je vous répondrai que cet examen, vous l'avez mal organisé, mal appliqué.
Aussi si, en commençant, j'ai dit que j'étais eu principe partisan de l’examen d'élève universitaire, je suis loin d'en dire autant quant au mode d'organisation, quant à la manière dont on veut l'appliquer. Je n'entends pas, messieurs, dans la discussion générale, suivre pas à pas les différentes dispositions du projet du projet de loi. Je me réserve, si je le crois nécessaire, d’y revenir lors de la discussion des articles. Je me bornerai pour le moment à présenter quelques observations générales.
Et d'abord, je regrette de voir introduire dans le projet de loi une certaine classification des examens d'après les différentes carrières auxquelles les récipiendaires se destinent. Cette distinction, je la trouverais rationnelle, je pourrais l'admettre, s'il s'agissait d'un examen pratique. Mais qu'on ne perde pas de vue que cet examen-ci, tout en constatant certaines connaissances, a surtout pour but de s'assurer de l'aptitude, de l'intelligence, des élèves. Je me demande dès lors comment on peut justifier cette distinction. Et qu'on ne me dise pas qu'un pharmacien, qu'un notaire n'a pas besoin de savoir telle ou telle matière sur laquelle sera examiné le docteur en droit ou en science.
Il ne s'agit pas de savoir si dans tel état, dans telle position, telle ou telle connaissance est nécessaire, est indispensable. Vous ne nierez pas au moins que toutes sont utiles aux uns comme aux autres. Ce que vous voulez, c’est relever le niveau des études en général, et non pas le niveau de telles études particulières.
Dès lors, je me demande pourquoi vous ne soumettriez pas à un même examen, à un examen sérieux, tous les jeunes gens qui se destinent aux études supérieures Et quel mal y aurait-il, après tout, qu'un pharmacien fût obligé de subir un examen sur le grec tout aussi bien qu'un docteur en droit, qu'un docteur en médecine ?
Craindrez-vous de le rendre trop savant en le soumettent à l'examen sur les éléments de la géomètre, dont la connaissance lui est cependant indispensable, s’il veut étudier avec succès la minéralogie ? Craindriez-vous, en soumettant à un examen uniforme tous les récipiendaires, que le nombre de candidats notaires ne vienne à diminuer ? Pour moi, je n'y verrais pas grand mal, et je ne doute pas que, sur ce point, l'honorable ministre de l.t justice et beaucoup de mes honorables collègues partagent ma manière de voir.
Dès lors pourquoi faire trois classes d'examen, comme le propose le projet de la section centrale ? Celui du gouvernement, il est vrai, n'en admet que deux ; à mon avis, c'est encore un de trop.
Je passe à un autre point qui mérite une attention spéciale.
(page 362) C’est avec regret, messieurs, que je vois que le gouvernement persévère dans le système mixte des matières à examen et des matières à certificat. Je m'en étonne d'autant plus, que lui-même en reconnaît tous les inconvénients, tous les vices. C'est ainsi que nous lisons dans l'exposé des motifs ce qui suit ;
« Nous ne pensons pas qu'il y ait un seul élève d'un établissement d'instruction moyenne, organisé régulièrement, reconnu tel par la notoriété publique ; nous ne pensons pas qu'il y ait un seul élève, dont le certificat, délivré par le chef de l'établissement, et dans la forme prescrite par la loi et les règlements organiques, ait été refusé par le jury central. Le jury doit nécessairement déclarer valables les certificats qui lui sont présentés dans ces conditions. Nous allons plus loin : le jury sût-il qu'un élève, porteur d'un certificat rédigé en bonne et due forme, eu parfaitement ignorant, encore devrait-il homologuer ce certificat. Et voilà précisément où gît, non seulement l'inefficacité, mais même le danger du système qui a prévalu dans la loi du 1er mai 1857.
« La loi du 1er mai 1857 n'améliora donc pas la situation qui avait été faite à l'enseignement moyen et à l'enseignement supérieur par l'abolition de l'examen d’élève universitaire. La grande majorité des élèves humanistes travailla avec peu d'ardeur, persuadée qu'elle était qu'il ne lui fallait pas de grands efforts pour conquérir les certificats de sortie. Les certificats sont admis par le jury : ces élèves se font inscrire à l'une des universités et viennent, à leur premier examen, fournir la preuve, devant les jurys, que les connaissances, acquises par eux au collège, laissent infiniment à désirer.»
Ces observations, messieurs, il est vrai, s'appliquent directement à la loi de 1857, dans le système de laquelle il fallait, pour être admis aux universités ou, pour être plus exact, aux grades académiques, un certificat constatant la fréquentation de certains cours ou de tous les cours dans un établissement d’instruction moyenne. Mais ces observations s'appliquent dans toute leur portée, avec la même justesse, aux certificats appelés à remplacer l'examen supplémentaire dont il est parlé à l'article 5 du projet de loi. A mes yeux, le système des certificats est le plus détestable qu'on puisse imaginer.
De deux choses l'une, messieurs, ou bien les matières à certificat constituent des connaissances dignes d'une étude sérieuse, et vous devez les soumettre à un examen sérieux, et je ne conçois pas que l'on puisse remplacer cet examen par un certificat qui, après tout, prouve uniquement la fréquentation, une assiduité plus ou moins grande, mais qui ne prouve en aucun cas ni l’aptitude, ni la capacité. Ou bien vous n'accordez à ces matières qu'une importance très secondaire, vous les considérez en quelque sorte comme superflues, et dans ce cas, messieurs, supprimez-les tout d'un coup.
Quant à moi, messieurs, je préférerais voir ajouter ces matières à la suite de l'article 3.
Car remarquez-le, messieurs, les matières dont il est parlé à l'article 5 ne constituent, en définitive, que de ces connaissances que ne peut ignorer quiconque a reçu une instruction, une éducation un peu soignée. Or, c'est bien là le moins que l'on puisse exiger de ceux qui se destinent aux études universitaires.
Les observations que je viens de présenter concernent surtout le mode d'organisation de l'examen ; il me reste à dire quelques mots concernant le mode d'organisation du jury.
Jusqu'ici, et le gouvernement semble vouloir persévérer dans ce système, jusqu'ici le jury d'examen été composé exclusivement de professeurs de l'enseignement moyen.
Ce système présente de grands inconvénients, entre autres celui que l'élève réponde d'après des manuels sans s'être assimilé la science, comme le disait l'honorable M. Devaux dans une autre discussion.
L'examen d'admission aux études supérieures a surtout pour but de constater l'aptitude à ces études. Eh bien, je le demande, qui de cette aptitude peut mieux juger que les professeurs de l'enseignement supérieur qui sont chargés précisément d'initier les jeunes gens aux connaissances qu'ils viennent chercher à l'université ?
Je pense donc, messieurs, que ce serait une mesure excellente que d'introduire des professeurs de l'enseignement supérieur dans le jury d'examen ou de le composer entièrement de professeurs de cette catégorie.
Ce sont, selon moi, les hommes les plus capables d'apprécier les jeunes gens qui se destinent à ces études, à ces carrières qu'on est convenu d'appeler libérales.
Mais, messieurs, pour que cette appréciation puisse se faire on con" naissance de cause, ce n'est pas à l'examen par écrit seul, comme le veut le projet de loi, qu’il fait soumettre le récipiendaire ; cet examen doit se compléter par l'examen oral, le seul qui permette de juger réellement de l’intelligence de l'élève.
L'examen écrit souvent ne fait preuve que d'une mémoire heureuse, trop souvent secondée par des moyens artificiels et mécaniques.
Que les étudiants ont su se créer des aide-mémoire très multiples est un fait à la connaissance de tout le monde.
En résumé donc, messieurs, je vois avec plaisir le gouvernement proposer le rétablissement du grade d'élève universitaire, mais je ne puis accorder une adhésion aussi complète au mode d'organisation qu'il veut donner à cet examen. Je partage entièrement l'appréciation contenue dans le rapport du Sénat, rapport présenté au nom de la commission chargée d'examiner le budget de l'intérieur de 1860, et où il est dit :
« Si l'examen d'élève universitaire n'a pas produit tous les bienfaits qu'on était en droit d'en attendre, c'est moins à son principe qu'au défaut de sou organisation qu'il faut en attribuer la cause. »
C'est cette organisation, messieurs, que j'ai eu principalement en vue dans les observations que j'ai eu l'honneur de présenter à la Chambre. Vous apprécierez, messieurs, ce qui s'y trouve de fondé ; peut-être amèneront-elles quelques modifications en ce sens dans le projet de loi qui nous est présenté.
M. Jacquemyns. - Messieurs, je viens me déclarer partisan de l'examen pour le grade d'élevé universitaire et du projet tel qu'il a été proposé par le gouvernement. Ce n'est pas, messieurs, que je considère comme exactes, comme fondées, les attaques contre l'état actuel de l'enseignement supérieur, et je ne pense pas que le niveau des études, eu général, ait baissé, ni que le goût des langues anciennes ait diminué depuis un certain nombre d'années.
Le but de l'enseignement supérieur n'est pas plus de former absolument des savants ou des hommes de lettres que des avocats ou des médecins ; tout au moins l'enseignement supérieur est nécessairement insuffisant par lui-même pour les former.
Il est nécessaire à peu près comme les finances sont nécessaires pour la guerre.
On ne fait pas la guerre sans argent et l'on ne forme guère des savants, des hommes de lettres sans l'enseignement supérieur ; mais celui-ci ne peut que jeter les bases des études spéciales et bien plus approfondies, à donner cet ensemble de connaissances préliminaires.
Si donc il est vrai qu'aujourd'hui moins que dans le passé on s'applique à l'étude approfondie des langues anciennes, s'il est vrai qu'on n'y attache pas cette haute importance qu'on y attachait il y a un certain nombre d'années, s'il est vrai que moins d’hommes chercheront à étudier spécialement, a approfondit d’une manière particulière une branche déterminée des connaissances humaines, cela ne tient pas nécessairement à ce que l'enseignement supérieur serait moins bien organisé. D'autres causes évidemment peuvent avoir produit ce résultat.
Pour ma part je suis à même ne juger par comparaison de l'état de l'enseignement à une époque dont on a beaucoup parlé, sous l'ancien gouvernement, et à l'époque actuelle.
J'ai fait mes études de 1824 à 1829, et j'ai suivi alors tout au moins la moitié des cours qui se donnaient dans nos universités ; or, je dois à la vérité de déclarer que, ni en Belgique, ni à l'étranger, je n'ai réussi à cette époque à acquérir en aucune branche des connaissances assez approfondies pour être satisfait de mes études.
J'étais persuadé que les grands efforts faits en faveur de l'enseignement supérieur depuis un certain nombre d'années, que les dépenses considérables consacrées à la bonne organisation de cet enseignement, que la libre concurrence, introduite dans l'instruction, avaient déterminé un progrès remarquable ; j'étais persuadé qu'il en était ainsi, lorsque, dans la discussion en sections du projet de loi actuel, on m'assura que ce progrès n'avait pas été réalisé. Depuis, j'ai recueilli mes souvenirs, j'ai examiné plus à fond les choses et je dois le dire, il y a des faits frappants qui montrent qu’un progrès considérable a été réalisé.
Ainsi, j'en appelle aux souvenirs, qui témoignage de ceux des membres de cette Chambre qui ont fréquenté les anciennes universités, et ils ne sauraient ne pas reconnaître que les études généralement étaient moins fortes qu'aujourd'hui. Mais on a tort de comparer les hommes sortis de nos anciennes universités et qui, depuis cette époque, ont continué leurs études ; de les comparer aux jeunes gens qui sortent aujourd'hui de nos universités ; on a le tort de comparer ceux-ci à ceux qui ont eu le temps de continuer, pendant de longues années, l'étude plus approfondie des lettres ou des sciences., eu ne tenant aucun compte de ceux qui ont négligé ce soin.
(page 363) Cette comparaison est injuste : elle revient à comparer les avocats qui se sont développés par de longues études postérieurement à leur sortie de l'université ; à les comparer, dis-je, à des jeunes gens qui viennent de quitter les bancs de la faculté de droit. Ce n'est pas ainsi qu'il faut faire la comparaison.
Il faut, pour établir la comparaison, entre l'état de l’enseignement à deux époques plus ou moins éloignées, se trouver à même de comparer l'ensemble, la moyenne des études faites par les jeunes gens aux deux époques, et dans ce cas la comparaison est tout entière à l'avantage du temps actuel.
Il est d'ailleurs une foule de circonstances qui prouvent que l'état intellectuel du pays n'a pas baissé, il est même évident que le goût des études sérieuses s'est considérablement propagé. Ainsi, dans la plupart des villes, on organise actuellement avec un plein succès les conférences publiques sur les branches les plus ardues des connaissances humaines, sur les parties philosophies de l’histoire et de la littérature, sur la philosophie proprement dite. Il y a vingt ou trente ans, ces conférences n’eussent obtenu aucun succès, par la raison que les notions qu’elles présupposent étaient loin d’être suffisamment répandues.
Si pourtant j'étais forcé, d'admettre nue le niveau des études a baissé, et en présence des faits, il me semble que cet abaissement est complètement inadmissible ; si les efforts multipliés en faveur du progrès n’avaient pas répondu à l’attente, ni créé assez d’hommes spéciaux, j’en chercherais la cause dans ce fait qu’aujourd’hui, nous n’avons plus le même moyen qui existait sous l’ancien gouvernement, pour encourager les intelligences d’élite. Dans nos universités, nous avons beaucoup plus de professeurs qu’il n’y en avait il y a trois ans, nous en avons deux et peut-être trois fois autant. Mais donnons-nous aux hommes d’élite faisant partie du corps enseignant les mêmes encouragement qu’on leur donnait à l’époque à laquelle je fais allusion ?
Avant 1830 les professeurs ordinaires de nos universités avaient un traitement fixe de 3,000 florins ; leurs cours étaient fréquentés par 100, 120 et même 150 élèves, payant chacun 63 francs et des centimes.
De plus, ils avaient le bénéfice des examens et ils recueillaient ces divers avantages en une dizaine de mois. Aujourd'hui le revenu attaché aux fonctions de professeur ordinaire dans nos universités est généralement réduit à la moitié de ce qu'il était. On fait donc aux professeurs des universités une situation beaucoup plus modeste qu'alors, et, on les met dans la nécessité, pour se procurer quelques centaines de francs de plus, de consacrer leurs vacances entières à l'exercice de leur profession, c'est-à-dire de siéger au jury d'examen ; de sorte que pour réaliser un revenu incontestablement moindre que celui qu'ils avaient il y a 30 ans ils sont obligés de renoncer complètement à toute distraction, de renoncer à ce moyen de progrès que procurent les voyages et le contact avec les savants étrangers.
Ajouterai-je qu'à l'époque dont je viens de parler, les besoins étaient beaucoup moindres, que la valeur de l'argent était incontestablement plus grande ? Tout le monde sait qu'avant 1830 tous les objets nécessaires à la vie étaient beaucoup moins chers et que, la richesse publique étant moindre, les besoins du luxe n'étaient pas aussi répandus qu'aujourd'hui.
D'un côté, le revenu des professeurs se trouve réduit dans une très grande proportion ; de l'autre, la position modeste, qu'on leur fait devient pénible, à cause du renchérissement de toutes les denrées et par les nécessités que le luxe a créées. Voilà une des causes principales pour lesquelles beaucoup plus d'hommes s'attachent aujourd'hui à acquérir un ensemble de connaissances qui leur ouvrira une carrière professionnelle autre que l'enseignement.
La belle position que l'ancien gouvernement faisait aux professeurs lui permettait de faire venir dans le pays des savants étrangers. Je sais que ces savants n'ont pas tous réalisé les espérances qu'on avait fondées sur eux ; mais il n'est pas moins incontestable que les Warnkœn'g, les Raoul, les Haus, les Levi, les Baud ont contribué pour une large part aux progrès incontestablement réalisés en Belgique.
Aujourd'hui, il est bien difficile d'attirer dans le pays des savants étrangers.
Je tiens autant que personne à ce qu'on donne la préférence aux professeurs belges à mérite égal ; mais il peut être avantageux que le gouvernement soit à même de faire un appel à des savants étrangers pour certaines branches, et la position que l'Etat est à même de leur : offrir est évidemment devenue trop modeste.
Si l’abaissement des études était réel, j'en trouverais peut-être une autre cause dans la multiplicité des matières de quelques examens.
Un honorable membre, qui a parlé avant moi, a cité un examen qui s portait sur 14 branches différentes. Or, est-il possible qu'un jeune homme ait approfondi 14 branches différentes en un ou deux ans ?
Est-il possible de tenir en mémoire à la fois les détails de ces 14 branches de l'enseignement ?
Avant 1830 généralement les examens roulaient sur 4 branches différentes. 3 ou 4 autres faisaient l'objet d'examens subis en présence de professeurs isolés et formaient ce qu'on appelait les cours à certificats.
Il n'y avait point alors, comme aujourd'hui, de simples certificats de fréquentation qui sont des espèces de quittances délivrées par le professeur.
Il fallait se présenter chez le professeur et lui donner des preuves d'application et de progrès. Il fallait se soumettre à des examens qui étaient quelquefois beaucoup plus difficiles et plus minutieux que l'examen public.
A la faveur de ce système, on réduisait le nombre des branches sur lesquelles roulaient les examens publics, en général, à 4.
Qu'est-il résulté de la grande multiplicité des branches de l'examen ? C'est qu'on a eu recours à une foule d'expédients pour faciliter les examens. De là l'usage de n'étudier un grand nombre de branches que dans des cahiers manuscrits.
Ainsi pour la plupart des cours il y a des cahiers écrits contenant les réponses aux questions qu'on pose habituellement devant le jury. Il y a même des professeurs qui littéralement ne donnent pas de leçons et qui arrivent en chaire avec des cahiers écrits qu'ils se bornent à dicter à leurs élèves.
A mon sens ces professeurs ont à peu près le mérite d'un appariteur qui viendrait à leur place donner le cours, et ce n'est pas pour ceux-là que je parlais tout à l'heure quand je m'occupais des hommes qui se distinguent dans la carrière de l'enseignement.
Mais entre ces extrêmes, du professeur qui dicte son cours et ne donne pas de leçon, et de professeur qui enseigne, qui développe la science, il y a un terme moyen que je voudrais presque limiter aussi, c'est l'usage des cahiers par les élèves.
Dans les anciennes universités, sous le gouvernement des Pays-Bas, les élèves se divisaient généralement en deux catégories : les uns qui étudiaient, travaillaient, compulsaient les grands écrivains, qui étudiaient avec soin les ouvrages didactiques sur les cours qu'ils suivaient, les autres qui se contentaient d'écrire pendant la leçon et de compulser les courtes notes qu'ils avaient prises pendant la durée du cours.
Les élèves qui prenaient des notes aux cours écrivaient tant bien que mal ce que le professeur disait et se bornaient à étudier ces cahiers étaient rangés parmi les moins bons.
Et pourtant ce système, dit-on, devient nécessaire en présence de la grande multiplicité des cours.
Il est en effet impossible que les élèves étudient pour un seul examen et d'une manière convenable 14 branches différentes.
Il est impossible, quand même ils les auraient étudiés simultanément ou successivement, qu'ils se rappellent, à la fois tous les détails scientifiques de ces diverses branches.
Ces considérations me porteraient à soutenir qu'au lieu de multiplier les branches de l'enseignement, il vaudrait mieux qu'on multipliât de préférence les examens, et c'est à ce titre que je reviens aujourd'hui prendre la parole en faveur de l'examen d'élève universitaire.
Chaque examen forme en quelque sorte un point de repère pour l'élève.
L'élève qui a subi un examen peut se reposer des fatigues qu'il a éprouvées : il peut commencer en quelque sorte à oublier les détails les moins importants de la science, qu'il étudie pour ne s'attacher qu'aux points culminants.
Ce n'est qu'à partir de ce moment que l'ensemble de la science commence à se classer dans l'intelligence de l'élève.
L'élève qui ne sait si l'examinateur l'interrogera sur les points secondaires ou sur les points les plus importants sera obligé d'entrer dans tous les détails. Il se livre à des exercices continuels de mémoire. Dès qu'il a subi son examen il s'attache aux faits dominants. C'est alors que l'étude devient pour lui fructueuse et approfondie.
De plus l'examen sert à donner à l'élève la mesure de ses progrès et il est bon qu'on ait de temps à autre la mesure des progrès qu'on a réalisés.
Mais la considération principale qui me porte à demander le rétablissement de l'examen du grade d'élève universitaire, c'est la position des parents.
(page 364) Ainsi, les parents font suivre à leurs enfants les cours d'humanités pendant six ans. Au bout de ce temps, les élèves se rendent momentanément dans leur famille, et on les croit suffisamment préparés aux études humanitaires ; la famille se réjouit parce que c'est une époque qui marque dans la vie que celle où le fils quitte les bancs du collège, pour passer à l'université. Fort peu de parents sont en état de juger par eux-mêmes si leurs fils ont réellement profité de l'enseignement du collège.
Je crois qu'il y a avantage pour les parents à ce qu'ils reçoivent, par un examen à l'entrée de l’université, la preuve que leurs fils sont capables de suivre les cours universitaires et qu'ils ont profité des études préliminaires.
Ainsi je connais des jeunes gens qui, entrés à l'université en l'absence de l'examen d'élevé universitaire, se sont présentés plusieurs fois aux examens lorsqu’enfin, après plusieurs années, les parents ont appris des examinateurs que leurs fils étaient incapables de profiter de l'enseignement supérieur.
Cependant, messieurs, si je suis favorable au rétablissement du grade d'élève universitaire, je ne saurais toutefois confondre ce grade avec celui de grade en lettres, ni en rendre l'obtention aussi difficile que le voudrait l'honorable M. Van Humbeeck.
Je ne sais si le projet de l'honorable M. Van Humbeeck est réalisable ; mais à coup sûr s'il a quelque chance de réalisation, je dois avouer que les études classiques sont aujourd'hui énormément plus fortes qu'à l'époque oh j'ai fait mes études.
En effet, par l'article premier, on demande des explications d'auteurs latins à livre ouvert avec exercices littéraires sur le passage expliqué. Il y a trente ans, messieurs, permettez-moi ce rapprochement, puisqu'on fait des comparaisons, il y a trente ans, les plus forts élèves en philosophie et lettres étaient capables d’expliquer les passages des auteurs latins que les professeurs des universités leur avaient développés ; ils étaient généralement capables d’établir une discussion littéraire sur ces passages.
Mais il y avait très peu d'élèves dans nos anciennes universités qui fussent capables de traduire à livre ouvert un des auteurs latins les plus difficiles, et surtout de soutenir une discussion littéraire sur l'interprétation d'un passage donné. Et pourtant on exigerait cela par le projet, non seulement des élèves qui se destinent à la carrière des arts et des lettres, mais même des candidats pharmaciens et des candidats notaires : on exigerait même de ces candidats des explications d'auteurs grées également avec des exercices littéraires sur les passages expliqués.
L'honorable M, de Gottal nous demande quel mal il v aurait à ce que les pharmaciens connussent parfaitement le latin et le grec. Sans doute, il n'y aurait pas le moindre mal à cela ; mais je doute que cela offrît de bien grands avantages ; et l'on tient aven quelque raison à ce que les pharmaciens s'attachent plus à l'étude de la pharmacie ou des sciences accessoires à la pharmacie qu'à l'étude des auteurs latins et grecs. Mais l'inconvénient que je trouve à exiger ces connaissances littéraires de la part des pharmaciens ou des candidats notaires, c'est, qu'on finirait par ne plus trouver de candidats notaires et de pharmaciens pour nos campagnes.
Nos universités sont de véritables écoles professionnelles, et il faut qu'elles fournissent un nombre de pharmaciens et de candidats notaires en rapport avec les besoins du pays.
M. Orts. - Il y en a pour dix ans à Bruxelles.
M. Jacquemyns. - II y en a pour dix ans à Bruxelles, il y en a pour dix ans à Gand et dans d'autres grandes villes encore ; mais il n'en est certes pas ainsi dans les petites villes et dans les campagnes, et si nous en venons encore à interdire aux médecins le débit de médicaments, ce qui devrait être, les campagnes manqueront évidemment de pharmaciens. On nous dit qu'il y a des pharmaciens pour dix ans.
M. Orts. - J'ai parlé de candidats notaires.
M. Jacquemyns. -- Je sais, en effet, qu'il y en a beaucoup et je crois que nous sommes à peu près tous dans le cas de le savoir ; mais je pense qu'il n'en serait pas du tout ainsi, messieurs, si l'on avait exigé antérieurement des candidats notaires la connaissance approfondie du grec et du latin ; et peut-être serait-on fort embarrassé pour pourvoir aux emplois qui deviennent vacants dans le notariat.
Le même fait se reproduirait en ce qui concerne les pharmaciens et peut-être avec plus d'intensité encore, car dès maintenant déjà le nombre des pharmaciens est extrêmement restreint dans nos campagnes.
Ainsi, quand une personne y tombe malade, on appelle tout d'abord le médecin, et il faut parfois parcourir une distance de deux lieues pour se rendre chez le pharmacien le plus voisin ; voilà donc 4 heures qui s'écoulent entre l'arrivée du médecin et le moment oh le malade peut recevoir les secours de l'art.
Il est des cas messieurs, où la présence du notaire est tout aussi urgent et on l'on éprouve, ls mêmes difficultés. Que serait-ce donc si vous alliez exiger des pharmaciens et des candidats notaires une étude tout à fait approfondie des langues anciennes !
Je viens combattre encore à un autre point de vue le projet de l'honorable M. Van Humbeeck. Selon moi, pour que les examens soient réellement utiles, il faut qu'ils soient échelonnés, il faut qu'ils soient séparés par un intervalle de temps déterminé.
D'après le projet de l'honorable M. Van Humbeeck, au contraire, voici ce qui peut arriver : Un jeune homme, au sortir du collège, représente à ses parents qu'il n'est pas assez fort pour subir l'examen de gradué en lettres, tel qu'il est prescrit par la loi, que ce n'est pas là l'objet de l'enseignement des collèges et il demande à pouvoir, pendant une année tout au moins, suivre, les cours universitaires.
Et, en effet, plusieurs de ces branches appartiennent plutôt à l'enseignement universitaire, qu'à l'enseignement moyen ; il se trouvera donc que l'élève arrivera aux cours de l'université comme auparavant, c'est-à-dire sans pouvoir donner à ses parents aucune preuve de capacité, sans avoir lui-même la mesure du mérite de l'enseignement qu'il a reçu au collège.
Ce projet reviendrait donc à maintenir la suppression du grade d'élève universitaire.
En conséquence, je voterai en faveur du projet du gouvernement, sauf les changements de détail qui pourraient être reconnus nécessaires.
M. Tack. - Je motiverai par quelques considérations générales le vote que je compte émettre sur le projet de loi qui nous est soumis.
Je suis hostile à l'examen pour le grade d'élève universitaire, je me suis prononcé autrefois en faveur de l'abolition de ce grade ; je me suis refusé postérieurement à en voter le rétablissement sous forme d'épreuve préparatoire, mon opinion n'a pas varié depuis lors.
Je ne suis pas partisan du grade d'élève universitaire, parce qu'il présente des inconvénients assez nombreux et que le peu d'avantages qu'il offre ne les compensent pas.
Dans une autre circonstance un honorable collègue qui ne siège plus parmi nous, disait à propos de grade d'élève universitaire :
« On examine, trop en Belgique ; la moitié du pays s'occupe à examiner l'autre moitié. »
Ce mot a fait fortune, parce qu'il est vrai, parce qu'il fait toucher du doigt l'inconvénient que présente cette grande multiplicité d'épreuves et d'examens qu’on fait subir à tous ceux qui sont censés devoir fournir des preuves de capacité n'importe en quelle matière.
L'honorable M. de Gottal faisait observer tout à l'heure avec beaucoup de justesse que le grade d’élève universitaire ne date pas de fort loin. Cependant dans les temps antérieurs, les lettres et les sciences étaient florissantes. Pourquoi ce grade est-il devenu de nos jours une nécessité à laquelle on ne saurait se soustraire ?
Dans d'autres pays s'obstine-t-on à recourir à ce moyen dans le but de fortifier les études moyennes ?
Non, l'honorable M. de Haerne vous a démontré tout à l'heure que ce qu'on avait avancé au sujet du rétablissement du grade d'élève universitaire en Hollande où il a été supprimé était inexact, et que les allégations produites quant à l'Angleterre sont également controuvées puisque les avis émis par ceux qui avaient prôné les examens préparatoires aux études supérieures n'ont pas passé dans la loi ; ainsi donc les partisans de cette espèce d'épreuve n'ont pas obtenu raison dans les pays qu'on citait comme des modèles à suivre.
Nous serons donc isolés dans la voie où l'on nous convie d'entrer si le projet du gouvernement est adopté.
Ce qui prouve, selon moi, le vice du système, c'est qu'en définitive on n'est d'accord sur rien ; on ne parvient à s'entendre ni sur le programme, ni sur la composition du jury, ni sur le mode d'examen. Pour ce qui concerne le programme...
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il n'y a pas de divergence.
M. Tack. - Je ne sais pas où est l'accord, quoi qu'en dise. M. le ministre ; à coup sûr au sein de cette Chambre, nous sommes fort loin d’être du même sentiment sur les points que je viens de signaler. Pour ce qui est du programme, serait-on par hasard d'accord pour y (page 365) comprendre indifféremment le thème latin et la version latine ou le discours latin et les explications littéraires des auteurs ? Ce sont là des questions très importantes, il importe beaucoup dans le choix des matières de se bien pénétrer du but des humanités. Ce but est-il d'étudier machinalement, mécaniquement les langues anciennes ? Dans ce cas on pourra, avec le projet de loi, borner l'examen au thème et à la version.
Le but des humanités est-il au contraire de développer les facultés du jeune homme, de lui former le goût, de l'initier aux sentiments délicats, de guider et de perfectionner son imagination ?
Oh ! alors il faut un programme tout différent de celui qu'on nous propose, autre même que celui que met en avant l'honorable M. Van Humbeeck.
En ce qui concerne le mode d'examen, l'entente à laquelle M. le ministre de l'intérieur faisait tantôt allusion existe-t-elle davantage ?
Nullement ; déjà des divergences très notables se sont produites et la discussion est à peine ouverte.
M. Van Humbeeck veut rétablir, à côté de l'examen écrit, l'examen oral dont le projet du gouvernement et celui de la section centrale font bon marché. Ce sont là, qui peut le nier, des dissentiments profonds, radicaux. D'autres viendront peut-être proposer l'examen oral à l'exclusion de l'examen écrit. Et nous nous trouverons, dans ce cas, en présence de trois systèmes divers sur un point capital.
On n'est pas d'accord non plus sur la composition du jury ; l'amendement de M. Van Humbeeck tend également à la modifier.
Je n'avais par conséquent pas tort d'affirmer qu'on ne s'entend sur rien et que cela prouve que le système en soi est mauvais.
Quelle a été la conséquence de ces divergences d'opinions ? D'ôter aux études le calme qui leur convient, de jeter le trouble dans les collèges et les athénées, de bouleverser constamment le régime de l'enseignement au détriment de la jeunesse studieuse.
Je n'exagère point en m'élevant contre cette instabilité dont on aura une idée nette en se ressouvenant des rétroactes.
En 1849 on établit le grade d'élève universitaire, en 1855 on l'abolit, en 1857 on inaugura le système des certificats, aujourd'hui on veut revenir au système qu'on a aboli autrefois.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il ne fallait pas l'abolir.
M. Tack. - C'est la question, je prétends qu'il ne fallait jamais l'établir et se borner à corriger et à améliorer la loi de 1835.
Maintenant l'expérience en ce qui concerne les certificats est-elle faite ? C'est à peine si on en a fait l'essai, et déjà on y renonce. Voyez au reste la contradiction dans laquelle on tombe. D'un côté on admet le certificat pour certains cours qu'on appelle accessoires ; évidemment s'ils sont bons pour ces cours, ils ne sont pas moins efficaces pour les cours principaux ; il faut les supprimer totalement ou les admettre comme on l'a fait sous l'empire de la loi de 1857, c'est-à-dire pour toutes les branches indistinctement. Une autre contradiction du projet de loi m'a frappé encore davantage, celle-là a été signalée hier par l'honorable M. Van Humbeeck.
C'est que pour les études privées on applique ou à peu près le programme tel qu'il figurait dans la loi de 1849.
Or, ce programme est jugé condamné ; le gouvernement le condamne lui-même et il n'oserait plus le reproduire et l'imposer aux élèves qui fréquentent les collèges et les athénées.
De deux choses l'une, vous ne sortez pas de ce dilemme, ou vous adopterez un programme complet, embrassant toutes les matières ou vous vous prononcerez pour un programme restreint, insignifiant ; l'expérience du programme complet a été faite sous l'empire de la loi de 1849, quels ont été les résultats ?'
Les voici :
Les professeurs ont été vinculés ; ils ont été privés de spontanéité, ils ont perdu toute initiative ; les élèves ont été assujettis à d'immenses efforts de mémoire.
L'épreuve préparatoire a été plus nuisible qu'utile à l'éducation et à l'instruction ; elle a été énervante pour l'intelligence autant que préjudiciable souvent à la santé des jeunes élèves dont on avait exigé l'impossible, et quant aux études humanitaires en elles-mêmes, le grade d'élève universitaire en dénatura le but qui est, comme je le disais tantôt, de développer les facultés, de les étendre, de donner aux jeunes gens l'aptitude nécessaire pour acquérir des connaissances et non de les occuper d'une foule de notions disparates aussitôt oubliées qu'apprises. On a fait des cerveaux encyclopédiques ; les études se sont réduites à des exercices mnémotechniques. On a répété, messieurs, sur tous les tons que la jeunesse universitaire étudie trop en vue des examens et point par amour pour la science.
Eh bien, à peine le grade d'élève universitaire a-t-il été institué en 1849, que la même tendance utilitaire s'est manifestée pour les études moyennes.
Il a fallu avouer qu'on étudiait trop dans les collèges et dans les athénées en vue des examens, qu'on étudiait même exclusivement en vue des examens.et c'est après une pareille expérience qu'on vient nous demander de faire revivre le grade d'élève universitaire.
Aurez-vous des résultats meilleurs au moyen du programme simplifié que vous voulez faire prévaloir aujourd'hui ? Mais nullement. Sera-ce stimuler l'ardeur des jeunes gens, naturellement enclins, dit-on, à la paresse, que de leur faire passer leurs examens sur un programme insignifiant ?
Il me semble que c'est le résultat tout à fait inverse auquel on va aboutir ; qu'au lieu de fortifier les études, on s'expose à les affaiblir. L'enseignement s'écartera très peu du programme. Comme pour les grades académiques, le programme dominera encore ici l'enseignement. Le professeur sera encore enfermé comme dans un cercle inflexible. Il perdra toute initiative et toute spontanéité, paralysé qu'il sera par le programme.
Si, messieurs, l'on prétendait le contraire, si l'on venait dire que le jury se montrera sévère, fermera l'accès des universités à une foule d’incapacités, je répondrais que, selon moi, il ne faut pas se montrer trop difficile sous ce rapport.
Quel mal y a-t-il à ce que les jeunes gens, après avoir passé un ou deux ans par l'université, soient forcés de cesser leurs études ? Il faut, sous ce rapport, laisser quelque chose à la liberté et à la responsabilité des parents, et non pas s'obstiner à vouloir se substituer complètement à eux.
L'honorable M. Jacquemyns vient de le dire avec raison ; il y a aussi certaine exagération à prétendre que le niveau des études a baissé d'une manière compromettante pour l'avenir intellectuel de notre pays.
On a souvent fait ici la comparaison entre les études universitaires actuelles et les études universitaires telles qu'elles étaient réglées sous le régime hollandais et cela pour exalter ces dernières et critiquer les autres. _
L'honorable M. Jacquemyns vient d'en faire lui-même l'aveu, les études sous le régime hollandais n'étaient pas à beaucoup près aussi fortes qu'elles le sont aujourd'hui. Je prends volontiers acte, pour ma part, de cette déclaration de l'honorable membre qui, par son expérience personnelle, est à même de constater quel est sûr ce point la vérité.
Voulez-vous relever le niveau des études universitaires si tant est qu'il est notablement baissé ? Comme le disait tantôt l'honorable M. Jacquemyns, ayez un bon programme universitaire et que les professeurs sachent limiter leur enseignement.
Aujourd'hui que se passe-t-il ? C'est à qui abordera le plus grand nombre de questions controversées, c'est à qui présentera le plus grand nombre d'arguments pour et contre une opinion. L'élève qui l'emporte dans les examens, qui obtient le plus de succès, c'est celui qui a retenu le plus grand nombre des arguments développés par son professeur.
C'est un système détestable. Qu'on modifie ce mode d'enseignement. Qu'on en agisse de même pour les études humanitaires. Que l'on restreigne les cours ; que l'on n'enseigne pas dans les collèges, dans les athénées des matières qui sont du domaine de l'enseignement universitaire. Ayez des professeurs éminents. Le bon professeur est certain de se faire écouter, si j'ose dire : tant vaut le professeur, tant vaut l'élève.
En un mot faites de vos établissements officiels des établissements modèles, et nécessairement vous entraînerez les institutions libres, vous les forcerez de se mettre à la même hauteur que vos propres établissements. N'ayez aucune crainte de voir dépérir vos collèges et vos athénées ; si votre enseignement est bon, vos établissements seront fréquentés à l'égal des établissements privés ; ils le seront peut-être davantage.
Les parents savent parfaitement bien distinguer les institutions où l'enseignement est donné dans de bonnes conditions et les établissements où ! ces conditions font défaut.
C'est là le vrai moyen d'assurer aux études moyennes et aux études supérieures un niveau satisfaisant.
En 1849, on a commis, selon moi, une grande faute en créant le grade d'élève universitaire. Il y avait autre chose à faire, il y avait à simplifier le programme des études supérieures, à cela devaient se borner les innovations. Il y avait, par exemple, pour la candidature en philosophie, dont on a tant parlé déjà, à supprimer certaines branches et à dédoubler l'examen qui comprenait quinze branches. Il y avait impossibilité (page 366) absolue à ce qu'un jeune homme, à quelque peine qu'il se fût donnée, quelque fortes qu'eussent été ses études, abordât avec confiance un pareil examen, et en effet, on a vu échouer les sujets les plus capables.
Pour remédier à cette anomalie, quoi de plus élémentaire que de supprimer certaines branches.de l'examen, par exemple, de retrancher certaines parties des mathématiques, la physique, les antiquités romaines, pour les comprendre dans l'examen de candidat en droit ou pour les confondre avec l'histoire du droit romain ? quoi de plus simple ensuite que de dédoubler cet examen ?
Qu'est-ce qui se passait pour la candidature en philosophie sous l'empire de la loi de 1835 ? Les cours de philosophie et lettres se donnaient en deux ans.
Il y avait deux espèces d'élèves, le plus petit nombre était ceux qui fréquentait sérieusement les cours et dont quelques-uns essayaient de passer leur examen au bout d'un an ; il y en avait qui réussissaient, mais on ne pouvait pas dire d'eux qu'ils avaient fait de solides études. Une autre catégorie d'élèves, c'était le grand nombre, qui pendant la première année travaillaient fort peu, préféraient se distraire, croyaient avoir assez de temps devant eux et finissaient par devoir tout apprendre pendant la seconde année.
Si l'on avait dédoublé l'examen, si l'on avait fait pour la candidature en philosophie ce qui se pratiquait pour la candidature en sciences, on répondait à toutes les nécessités, à toutes les exigences ; on obligeait par là les jeunes gens à étudier dès le jour de leur entrée à l'université et on les arrêtait au bout de fort peu de temps s'ils étaient notoirement incapables.
Messieurs, si j'étais partisan du grade d'élève universitaire, il y a une disposition du projet qui me déciderait à le repousser, et cette disposition, c'est celle qui supprime l'épreuve orale et n'exige qu’une épreuve par écrit.
Je ne veux pas d'examen sans publicité. La publicité, pour moi, est la grande garantie de l'examen. Je m'effraye du huis-clos. La disposition qui le consacre, je le répète, me déterminerait à elle seule, à voter contre le projet de loi ; nous aurons occasion de revenir sur ce point lors de la discussion des articles.
- Plusieurs membres. - A demain !
M. le président. - A quelle heure la Chambre veut-elle se réunir demain ?
- Des membres. - A deux heures.
- D'autres membres. - A une heure.
- La Chambre, consultée, décide qu'elle se réunira demain à une heure.
M. le président. - L'appel nominal se fera à une heure et un qua.t. S'il y a lieu à un réappel, il se fera immédiatement après l'appel.
- La séance est levée à quatre heures et demie.