(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)
(page 288) (Présidence de M. Vervoort.)
M. Snoy fait l'appel nominal à une heure, et un quart, et lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. de Boe présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants de Marche, demandent qu'il soit donné cours légal à la monnaie d'or de France. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi relative à -la monnaie d'or.
« Le sieur Popelier, blanchisseur et cabaretier à Schaerbeek, réclame l'intervention de la Chambre pour être indemnisé des pertes subies par ses établissements pendant les journées du tir national en septembre dernier. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Léonard-Joseph Cassée, menuisier à Bruxelles, né à La Haye, demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le conseil communal et des propriétaires à Curange demandent l'exécution du chemin de fer projeté entre Louvain et Hasselt par Diest. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les curés dans le Luxembourg demandent une augmentation de traitement. »
- Même renvoi.
« Des électeurs à Oostacker signalent comme pris en contravention à l'article 46 de la loi communale, l'arrêté de la députation permanente de la Flandre orientale eu date du 25 de ce mois, qui annule les élections de cette commune. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Van Overloop. - Je demande que la commission soit invitée à faire un prompt rapport sur cette pétition après les vacances de Noël. Les faits que signalent les pétitionnaires semblant d'une nature assez grave, et il importe que le rapport ne se fasse pas trop attendre.
- La proposition de M. Van Overloop est adoptée.
« Le sieur Guenaert, ancien employé de l'octroi à Bruxelles, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir un traitement d'attente. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Par message en date du 20 décembre, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté le projet de loi qui met à la disposition du département de la justice un crédit supplémentaire de 50,000 fr. pour continuer la construction de l'église monumentale de Laeken. »
- Pris pour notification.
M. de Boe et M. de Bronckart déposent plusieurs rapports sur des demandes en naturalisation ordinaire.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et les met à la suite de l'ordre du jour.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition sans date, les bourgmestres de Bihain, Les Tailles, Odeigne, Malempré, Vaux-Chavanne et Grand-Ménil, appellent l'attention de la Chambre sur la situation de la classe indigente dans cette partie du Luxembourg, et demandent, pour ces communes, un secours de quelques milliers de francs, à employer au salaire d'ouvriers indigents, qui travailleraient à la réparation ou à la construction de chemins vicinaux.
Messieurs les bourgmestres font valoir que les récoltes ont complètement manqué dans leurs localités, par suite des pluies excessives qui oui surtout contrarié la rentrée des blés et des avoines. Ils demandent que le gouvernement leur vienne en aide pour permettre à la classe ouvrière de s'occuper de travaux de la voirie vicinale sans que les communes soient obligées d'intervenir dans la dépense. Vous comprenez, messieurs, que votre commission n'a pu émettre un avis favorable sur cette pétition.
Il est d'usage en effet, quand le gouvernement accorde des subsides pour la voirie vicinale, que les communes interviennent tout au moins par les corvées ; d'un autre côté si les récoltes ont manqué dans les communes dont il s'agit, il en a été de même dans le pays entier ; partout les mêmes causes ont produit les mêmes effets.
Il importe que le gouvernement examine la situation financière des communes demanderesses : d'un côté si elles sont en possession de biens communaux, de terrains boisés importants, et d'autre part si elles ont un octroi de capitation établi chez elles ou des centimes additionnels extraordinaires ; dans ces conditions votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, j'appuie les conclusions de la commission. Je ne crois pas devoir entrer dans la discussion des motifs que vient de faire valoir M. le rapporteur. Je me borne à recommander la pétition à M. le ministre de l’intérieur.
- Les conclusions de la commission des pétitions sont adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Sugny, le 7 décembre 1860, la dame Leys, veuve du sieur Jastrzembski, ancien médecin de bataillon, demande une pension ou un secours annuel.
La dame Leys se trouve dans une position vraiment malheureuse et exceptionnelle. Elle s'est trouvée une première fois veuve d'un officier de l'année, avec 4 enfants en bas âge ; elle s'est remariée et par là elle a perdu la pension dont jouissent les veuves des officiers. Elle a épousé ensuite un officier polonais pensionné. Celui-ci encore est venu à décéder, et sa veuve a perdu de nouveau toute espèce de secours, et elle a eu encore trois enfants de cet officier polonais. Il résulte de là que la pétitionnaire est réduite à implorer en quelque sort la commisération des âmes bienfaisantes pour pourvoir à son entretien et à celui de ses sept enfants en bas âge.
Il nous semble que la patrie devrait prendre en considération la position précaire et fâcheuse de cette veuve qui en strict droit n'a rien à réclamer ni pour elle ni pour les 7 enfants de ces serviteurs de la patrie.
Votre commission s'est rappelé que, dans une autre, occasion, madame Doliln Dufresnel a obtenu une pension de la générosité de la législature ; la pétitionnaire ne demande pas de pension ; la commission n'en fait pas non plus la proposition, elle se borne à recommander à la bienveillance du gouvernement la position douloureuse dans laquelle cette malheureuse veuve se trouve aujourd'hui. Il ne sera pas dit que la Belgique aura laissé dans la misère les enfants des officiers qui ont versé leur sang pour la patrie.
Par ces considérations la commission a l'honneur de vous proposes le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. le président. - La Chambre est arrivée au chapitre IX, Marine.
« Art. 37. Personnel : fr. 188,090. »
M. de Gottal. - Messieurs, ce n'est pas un intérêt purement local qui me fait prendre la parole : la question dont je vais avoir l'honneur d'entretenir la Chambre intéresse le pays tout entier.
Les destinées commerciales de la Belgique sont intimement liées à celles du port d'Anvers ; je me demande dès lors s'il est juste de faire peser sur le commerce maritime une contribution exorbitante.
Quand plusieurs honorables membres de cette Chambre sont venus proposer, il y a quelque temps, une réduction sur les péages du canal de Charleroi, cette proposition n'a soulevé aucune opposition dans cette enceinte.
(page 289) Les débats qui ont eu lieu ont roulé uniquement sur la question de la quotité de cette réduction.
Nous avons tous reconnu, à cette époque, qu'il était juste que le gouvernement retirât de ce canal la rémunération des services qu'il rendait au commerce et à l'industrie, mais nous n'avons pu admettre ce principe qu'il pouvait faire du canal une exploitation lucrative, c'est-à-dire en retirer des bénéfices.
Ce que nous avons cru juste alors pour un canal, ne le trouverions-nous plus aujourd'hui qu'il s'agit d'un fleuve, de l'Escaut ?
Le gouvernement prête au navire les services de son pilotage pour le conduire dans les ports belges.
De ce chef il touche une redevance, rien de plus naturel.
Rien non plus ne serait plus juste si cette redevance était proportionnée ; malheureusement c'est ce qui n'existe pas.
En effet, messieurs, la moyenne du produit des droits de pilotage pendant ces trois dernières années, s'élève à une somme globale de 680,000 fr. environ.
C'est le montant de la recette brute. Il faut en défalquer les remises accordées aux pilotes ainsi qu'à d'autres employés du pilotage.
En défalquant en outre les frais que nécessite l'organisation de ce service, l'Etat a encore un bénéfice d'environ 200,000 fr., ce qui fait à peu près 3 p. c. de la recette.
Je demande si cet état de choses est juste et si dans des condition pareilles le port d'Anvers peut lutter avec les ports étrangers.
Quand la Hollande, cette rivale si rapprochée, ce pays qui nous fait une si rude concurrence, a depuis plus de 8 ans, par un arrêté du 7 février 1852, réduit le droit de pilotage de 20 p. c. sur les navires à voiles, de 25 p. c. pour les navires remorqués et de 30 p. c. pour les bateaux à vapeur, je demande pourquoi le gouvernement belge ne pourrait prendre une résolution analogue.
Quand le gouvernement hollandais a supprimé d'une manière radicale depuis le 1er janvier 1856 tous les droits de pilotage, pourquoi l'Etat belge continue-t-il à frapper d'une contribution annuelle de 800,000 fr. le commerce de son pays ?
Je n'ai aucun doute que le gouvernement qui s’intéresse au commerce de la Belgique prendra une décision qui donnera satisfaction à une demande légitime.
Je me bornerai donc à examiner uniquement ici la question concernant le pilotage.
D'après le traité de 1839, le gouvernement belge aurait pu demander au gouvernement néerlandais de réduire le droit de pilotage qu'il perçoit sur l'Escaut.
Cette demande n'a pas été faite et la raison en est fort simple. Le gouvernement persiste dans le système que je combats, aujourd'hui de retirer de ce service un bénéfice annuel.
A l’époque du traité de 1839, on avait cru que le service du pilotage se ferait uniquement par la Hollande.
Depuis, comme vous le savez, le gouvernement a établi un service pareil en Belgique, service qui lutte avec succès contre le pilotage néerlandais.
Mais le traité n'existerait pas. Rien n'empêche le gouvernement de forcer d'une manière indirecte le gouvernement hollandais à faire cette réduction.
Il faudrait uniquement pour cela que nous prissions l'initiative. Dès lors le gouvernement néerlandais, s'il veut continuer à lutter avec quelque succès avec nous devrait également diminuer ses droits de pilotage.
Qu'il n'ait pas pris l'initiative cela se conçoit, car il a un intérêt trop grand à ce que le droit de navigation perçu sur les navires se rendant en Belgique soit le plus élevé possible.
Je conclus donc à ce que le gouvernement belge veuille bien s'occuper également de cette question et sans exiger que l'on opère d’un seul trait la réduction de 30 p. c. qui, je le crois, n exposerait le trésor à aucune perte, je me bornerai à demander que le gouvernement suivît au moins le gouvernement hollandais dans les dispositions qu'il a prises, c'est-à-dire qu'il prît une décision identique à celle que j'ai signalée et qui a été prise par la Hollande en vertu de l'arrêté de 1852. Si le gouvernement se décidait à prendre cette mesure, je ne doute pas qu'elle n'aurait les meilleurs résultats pour notre commerce et j'aurais l'espoir que ce ne serait là que le prélude à d’autres mesures du même genre qui nous permettraient de lutter avantageusement avec les ports étrangers.
Messieurs, je ne saurais trop le répéter en terminant, nous ne devons pas oublier que l'intérêt commercial d'Anvers, c'est l'intérêt commercial du pays tout entier.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Je m'étonne que l'honorable préopinant ait demandé, de nouveau, au gouvernement une réduction sur les droits de pilotage, attendu que dans la session dernière, M. le ministre des finances et moi-même nous avons déclaré que le gouvernement était disposé à opérer une réduction analogue à celle qui a été faite par le gouvernement néerlandais. Seulement nous avons voulu que cette réduction fût une chose sérieuse et réellement utile au commerce. Nous avons demandé que la ville d’Anvers voulût bien en même temps simplifier d’abord et surtout réduire les nombreuses taxes qu’elle perçoit sur le commerce.
Nous avons rencontré une opposition très vive de la part de la ville d'Anvers à cette demande. Mais le gouvernement n'en a pas moins persisté dans ses exigences qu'il croyait légitimes et d'autant plus légitimes que la chambre de commerce d'Anvers, et une grande partie du commerce de cette ville, reconnaissaient qu'il était hautement désirable que la ville apportât de profondes modifications dans les taxes qui grèvent à son profit la navigation.
A la suite des conditions que nous avions mises à la réduction des droits de pilotage, le conseil communal d'Anvers a nommé dans son sein une commission pour examiner la question. Cette commission a fait un volumineux travail, dont les conclusions tendent à la fusion des différents droits prélevés par la ville sur le commerce, et à certaines modifications à introduire dans l'assiette de ces droits.
Le collège échevinal n'a pas adopté ce projet. Il y a substitué un contre-projet, et ce contre-projet ainsi que le projet lui-même ont été renvoyés à l'examen de la chambre de commerce.
La chambre de commerce est donc aujourd'hui saisie de la question, Le gouvernement attend la résolution définitive que prendra le conseil communal, en suite des observations qu'il recevra de la chambre de commerce, et quand cette résolution nous sera connue, nous aurons à examiner si les réductions que la ville consent à faire sont suffisantes pour que de notre côté nous puissions faire les réductions que nous avons annoncées.
Le gouvernement, messieurs, examinera la question avec la plus parfaite bienveillance et le plus grand désir de diminuer les charges du commerce ; mais, je le répète, il lui a semblé inutile de faire une réduction sur ses recettes, tandis que la ville prélève à son profit des recettes relativement aussi importantes.
L'honorable préopinant, messieurs, en insistant pour que le gouvernement prenne une décision, vous a dit de nouveau que c'était une des conditions nécessaires pour que le port d'Anvers pût rivaliser avec ses voisins ; c'est, en effet, le thème au moyen duquel le commerce d'Anvers cherche depuis plusieurs années à être exonéré de tous les droits de navigation ; et chaque fois que ce thème s'est produit je me suis trouvé dans l'obligation de déclarer que quelque disposé que fût le gouvernement à diminuer toutes les charges qui pèsent sur la navigation, je ne pouvais pas admettre que ces charges, telles qu'elles existent aujourd'hui, fussent un empêchement à ce que le port d'Anvers pût rivaliser avec les ports rivaux. Vous vous rappellerez, messieurs, les cris de détresse jetés il y a deux ans jusque dans cette enceinte ; on déclarait le commerce d'Anvers anéanti ou sur le point de l'être.
J'ai prouvé alors que la situation était loin d'être aussi mauvaise qu’on la représentait, je disais qu'il fallait faire la part des circonstances exceptionnelles, et j'en appelle à un avenir prochain pour faire justice de ces doléances.
Les faits ont démontré que ce que je disais était l'exacte vérité. Depuis lors, le mouvement maritime suivant la marche ascendante du progrès industriel, n'a pas cessé de s'accroître.
Nous avons eu, comme d'autres pays, des moments difficiles ; mais le port d'Anvers a traversé les crises avec plus de succès que beaucoup d'autres ports européens et sa situation actuelle, je suis heureux de le constater, est extrêmement favorable.
Ainsi, messieurs, le mouvement maritime qui, comparativement à 1858, avait légèrement diminué en 1859 pour le nombre des navires et pour le tonnage, avait cependant augmenté pour le degré de chargement.
Mais en 1861 nous avons regagné le terrain perdu ; le mouvement maritime d’Anvers a augmenté, pour les 10 premiers mois, de 363 navires c'est-à-dire de plus de 20 p. c, pour le tonnage il a grandi de 84,187 tonneaux. Vous voyez, messieurs, que la situation est loin d'être désespérée et que l'on a tort d'attribuer à l'existence de certains droits de navigation une influence déterminante sur le mouvement maritime.
(page 290) J'ajouterai que la grande navigation, celle que l'on disait ne plus présenter qu'une importance secondaire, s'est accrue dans une proportion aussi forte que la navigation en général ; nous trouvons pendant les 10 premiers mois de cette année 59 navires de long cours de plus que pendant les 10 mois correspondants de l'année précédente.
Ces provenances de long cours seront divisées ainsi : 15 venant des Grandes-Indes, 58 de l'Amérique, 29 du Brésil, 31 de Cuba, 13 de Saint-Domingue, 94 de la Plata, 5 du Mexique et 27 du Pacifique. Ces derniers sont des navires de 1,200 à 1,800 tonneaux, ayant de 22 à 26 pieds anglais de tirant d'eau.
Messieurs, je n'insisterai pas davantage sur ces observations, que je ne me permets de présenter qu'afin de calmer les impatiences trop vives qui se manifestent à Anvers au sujet de la réduction des droite de navigation. Dès que la ville d'Anvers mettra le gouvernement à même de prendre une décision relativement aux droits de pilotage, je me hâterai de prendre à cet égard la résolution la plus favorable possible.
Quant au droit de tonnage auquel on a fait également allusion, la Chambre sait que cette question est liée à d'autres combinaisons d'un ordre supérieur, et que sans renoncer à l'abolition de ce droit, le gouvernement doit suspendre sa résolution à cet égard.
- L'article est mis aux voix et adopté.
« Art. 38. Remises à payer au personnel actif du pilotage et aux agents chargés de la perception des recettes des divers services de la marine (crédit non limitatif) : fr. 222,468 51. »
Le gouvernement a demandé une augmentation de 35,000 francs et la section centrale propose de porter le crédit à la somme de 258,000 francs.
- Le chiffre de 258,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. 39. Payement à faire à l'administration du pilotage néerlandais en vertu des traités existants, du chef du pilotage et de la surveillance commune ; restitution des droits indûment perçus et perte par suite de fluctuations du change sur les sommes à payer à Flessingue, (crédit non limitatif) : fr. 13,500. »
- Adopté.
« Art. 40. Personnel : fr. 14,300. »
- Adopté.
« Art. 41. Traitements du personnel des paquebots, des bateaux à vapeur de l'Escaut et d'autres bâtiments de l'Etat, ainsi que du personnel à terre : fr. 236,671 67. »
- Adopté.
« Art. 42. Vivres : fr. 88,600. »
- Adopté.
« Art. 43. Traitements des courriers et agents des paquebots à vapeur, faisant le service entre Ostende et Douvres : fr. 14,710. »
- Adopté.
« Art. 44. Personnel : fr. 12,690. »
- Adopté.
« Art. 45. Personne : fr. 30,300. »
M. Van Humbeeck. - Je me permettrai de soumettre à M le ministre des affaires étrangères une modeste question de détail. Les développements relatifs à l'article 45, qui nous ont été distribués, nous apprennent que la Belgique a cinq commissaires maritimes de la cinquième clause et que le traitement de ces fonctionnaires n'est fixé qu'a 600 fr. Evidemment si l'on prend en considération l'importance de leurs fonctions, si l'on prend en considération surtout le décorum auquel leur position les oblige, c'est là un chiffre de traitement tellement insuffisant, qu'il est presque ridicule.
Mais à côté de cette insuffisance de traitement, ces développements nous signalent une autre anomalie, c'est que dans les commissariats maritimes d'un ordre plus élevé, comme celui d'Anvers, celui d'Ostende, il y a de simples agents subalternes qui sont les inférieurs de tous les commissaires maritimes, à quelque classe qu'ils appartiennent, et que ces agents subalternes touchent un traitement de 840 fr. Je ne dis pas que ce traitement soit trop élevé ; mais ce que je trouve tout à fait anomal, c'est que ces agents inférieurs touchent un traitement plus élevé que celui dont jouissent leurs supérieurs en grade appartenant à d'autres localités.
J'appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la question de savoir si les commissaires maritimes de cinquième classe n'ont pas droit à une augmentation de traitement, ou tout au moins, si leur traitement ne devrait pas être fixé à un chiffre au-dessus de celui de leurs inférieurs en grade appartenant à d'autres ports.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Messieurs, les commissariats maritimes ont été effectivement divisés en plusieurs classes, et la dernière a été portée au traitement de 600 fr.
Mais il est à remarquer que les commissaires maritimes de cette catégorie ont été placés dans des ports intérieurs.
Comme leur besogne n'est pas très grande, on a cherché partout à faire nommer commissaires maritimes les capitaines de port.
Ces capitaines sont des agents commerciaux, ces agents cumulent partout l'indemnité qu'ils reçoivent du trésor avec un traitement sur la caisse communale.
Messieurs, il y a une grande distinction à faire entre les attributions des commissaires maritimes placés dans les véritables ports maritimes et ceux qui exercent leurs fonctions dans les ports intérieurs. Dans ces derniers ports, le commissaire maritime n'a presque rien à faire ; car il n'a pas de police à exercer sur les navires étrangers, c'est l'affaire du consul ; à moins qu'il ne soit appelé à bord par le capitaine pour prêter assistance, il n'a aucune fonction de police à exercer.
En cas de rixes ou de délits à terre, c'est l'affaire de la police communale.
Enfin, ces agents n'ont aucune des attributions spéciales des commissaires attachés aux ports directs : comme par exemple, les revues d'entrée et de sortie. Ainsi pour Bruxelles, ces opérations se font à Gand et à Anvers ; il en est de même de la plupart des engagements.
Voilà pourquoi les commissaires maritimes, dans les ports intérieurs, n'ont pas été considérés comme méritant un traitement aussi élevé que certains agents placés dans les ports directs, qui n'ont pas hiérarchiquement une position aussi élevée, mais qui ont beaucoup plus de besogne.
M. Van Humbeeck. - Messieurs, les raisons exposées par l'honorable ministre des affaires étrangers légitiment parfaitement la différence qui existe entre les commissaires maritimes des ports directs et ceux des ports intérieurs ; mais il m'est impossible de vérifier immédiatement jusqu'à quel point sont fondées les raisons que donne M. le ministre des affaires étrangères pour établir que le traitement de 600 fr. pour les commissaires de cinquième classe est suffisant. Il est une anomalie à laquelle M. le ministre des affaires étrangères n'a pas répondu, j'ai signalé cette singularité, qui consiste en ce que des fonctionnaires inférieurs reçoivent un traitement plus élevé que celui d'autres agents, leurs supérieurs en grade. En tout cas, cette circonstance ne s'explique point par les raisons qu'a données M. le ministre des affaires étrangères.
Je me permets donc de l'engager à examiner encore la question que je lui ai soumise.
(page 291) M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Messieurs, les agents inférieurs dont parle l'honorable préopinant, sont salariés en raison des services qu'ils rendent. Dans les ports comme celui d’Anvers, par exemple, leur travail ne peut pas être comparé à celui des commissaires maritimes dans les ports intérieurs.
Ce n'est pas la première fois que la question s'agite ; on s'en est occupé à la Chambre il y a quelques années, et alors il a été fait observer par un de mes honorables prédécesseurs, que la somme allouée aux commissaires maritimes de cinquième classe n'était pas un véritable traitement, mais seulement une indemnité.
Il s'agissait du port de Bruxelles ; et le ministre déclarait que l'on cherchait ordinairement à donner cette position à quelqu'un qui était déjà revêtu d'autres fonctions.
Il ajoutait qu'il avait demandé maintes fois à la ville de Bruxelles de nommer capitaine du port la personne qui remplissait alors les fonctions de commissaire maritimes, afin de lui assurer une meilleure position financière.
Ce que désirait alors le ministre a été réalisé et depuis lors tous les commissaires maritime des ports secondaires cumulent les deux fonctions.
- Personne ne demandant plus la parole, l'article 45 est mis aux voix et adopté.
« Art. 46. Primes d'arrestation aux agents, vacations et remises aux experts, commis chargés de la surveillance de l'embarquement des émigrants (crédit non limitatif) : fr. 4,000. »
- Adopté.
« Art. 47. Traitements des gardiens du matériel : fr. 2,120. »
- Adopté.
« Art. 48. Frais divers. : fr. 354,914.
« Charge extraordinaire : fr. 2,960. »
- Adopté.
« Art. 49. Secours aux veuves et aux marins blessés médicaments, etc. : fr. 4,000. »
- Adopté.
« Art. 50. Grosses réparations au bateau à vapeur Topaze. Charge extraordinaire : fr. 100,000. »
- Adopté.
« Art. 51 (nouveau, proposé par le gouvernement, d'accord avec la section centrale). Construction et armement complet d'une goélette en fer destinée au service du pilotage ; charge extraordinaire : fr. 80,000. »
- Adopté.
La Chambre passe au texte du budget.
« Art 1er. Le budget du ministère des affaires étrangères est fixé, pour l'exercice 1861, à la somme de 2,725,462 fr. 67 c, conformément au tableau ci-annexé. »
M. Thibaut. - Messieurs, le gouvernement insère au Moniteur tous les arrêtés de nomination et de promotion dans l'ordre de Léopold.
Je crois qu'il serait utile de donner aussi de la publicité aux arrêtés qui confèrent des titres de noblesse.
En 1856, M. le ministre des affaires étrangères de cette époque, cédant à la demande qui lui avait été faite dans une séance de la Chambre a publié par la voie du Moniteur, la liste de tous les titres de noblesse qui avaient été reconnus ou accordes depuis 1830.
Quatre ans se sont écoulés depuis lors, et il est infiniment probable que la prérogative royale aura trouvé l'occasion de s'exercer pendant ce laps de temps.
Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères, s'il ne croit pas, pour les motifs qui sont indiqués dans le rapport au Roi du 26 septembre 1856, qu'il serait utile de continuer le travail fait sous le ministère de l'honorable comte Vilain XIIII.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Je répondrai simplement qu'on est en train de faire le travail que demande l'honorable membre.
M. Coomans. - Ce point est donc vidé.
Je prierai M. le ministre des affaires étrangères de s'entourer de renseignements au sujet d'un fait tout nouveau que je viens de lire dans les journaux, et qui est de nature à intéresser la Chambre.
Comme la publicité de ce système a été contestée dans cette enceinte ou du moins révoquée en doute, je suis heureux de pouvoir signaler ce fait au gouvernement, et j'exprime le ferme espoir que nous aurons la mesure le plus tôt possible.
L'arrêté dont je parle est du 3 de ce mois. Il importe non seulement à toute la presse, mais aussi au public, de pouvoir user de ce moyen si facile d'expédier des journaux et de petits imprimés sans devoir se rendre au chef-lieu du bureau de perception.
- L'article premier est adopté.
« Art. 2. Les fonds qui, à la clôture de l'exercice 1860, resteront disponible sur les sommes reportées des exercices antérieurs, pour être employées à titre d'encouragement de la navigation entre la Belgique et les ports étrangers, pourront être transférés à l'article 33 du budget de 1861.
- Adopté.
Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble du projet de loi. Il est adopté à l'unanimité des 82 membres présents.
Ce sont : MM. Faignart, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, J. Lebeau, Lesoinne, Mercier, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Neyt, Notelteirs, Nothomb. Orban, Pirmez, Rodenbach, Saeyman. Savart, Snoy, Tack, Thibaut, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, E Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Dormael, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen, Wasseige, Allard, Ansiau,- Coomans, David, de Baillet-Latour, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, de Liedekerke, Deliége, de Naeyer, de Portemont, de Renesse, de Ridder, de Ronge, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, H. Dumortier, d'Ursel et Vervoort.
- Le projet de loi sera transmis au Sénat.
M. Rodenbach. - Messieurs, à propos de la fête de Noël et de la nouvelle année, la Chambre a l'habitude de se donner un congé d'une quinzaine de jours.
Je propose donc que nos travaux parlementaires cessent lorsque l'ordre du jour sera épuisé jusqu'au mardi 15 janvier.
M. le président. - L'honorable M. Rodenbach propose à la Chambre de s'ajourner à partir de demain jusqu'au 15 janvier prochain.
M. Guillery. - Je demanderai que MM. les rapporteurs soient autorisés à faire imprimer et distribuer les rapports pendant les vacances.
- Plusieurs voix. - Oui ! oui !
M. Guillery. - Nous avons notamment le rapport sur la propriété littéraire ; l'honorable M Hymans a bien voulu nous l'annoncer plusieurs fois et cependant nous n'avons pas encore eu le plaisir de le recevoir. Il nous serait infiniment agréable de le recevoir pour nos étrennes.
M. le président. - Des travaux urgents ont empêché la section centrale de se réunir pour entendre et discuter le rapport préparé par l'honorable M. Hymans. Il n'est pas probable qu'elle pourra terminer son travail avant la rentrée de la Chambre. S'il en était autrement, le rapport serait distribué immédiatement après l'impression.
- La proposition de M. Rodenbach est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - La Chambre se séparera donc à partir de demain jusqu'au 15 janvier.
Si les rapports sont achevés, ils seront imprimés et distribués avant le 15 janvier.
- Plusieurs voix. - Et envoyés à domicile.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, on me fait craindre que le Sénat ne se sépare aussi demain.
Le budget des affaires étrangères vient seulement d'être voté par la Chambre. Il ne le serait donc pas par le Sénat avant le 1er janvier prochain.
Il est possible que le Sénat siège plus longtemps ; mais par mesure de prudence je crois devoir en mon nom personnel, car je n'ai pas pu faire préparer un projet de loi, proposer d'ouvrir au département des affaires étrangères un crédit provisoire de 460,000 fr. à valoir au budget des dépenses du département pour l'exercice 1861.
(page 262) M. le président. - Voici la proposition de M. le ministre des finances :
« Art. 1er. Il est ouvert au ministère des affaires étrangères un crédit provisoire de 460,000 francs à valoir au budget des dépenses de ce département pour l'exercice 1861.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1861. »
M. de Theux. - Messieurs, je crois qu'au fond cette proposition ne présente aucune espèce de difficulté, mais pour la régularité il faudrait la renvoyer en commission.
Je pense aussi, quant au mode d'introduction de cette proposition, qu'elle ne peut être considérée comme émanant de l'initiative du gouvernement, car il n'y a pas d'arrêté royal, mais bien comme provenant de l'initiative de M. le ministre en sa qualité de membre de la Chambre.
Puisqu'il a le droit de faire la proposition en son nom personnel, pourvu qu'elle ait ce caractère et qu'elle soit soumise à l'examen de la commission, la chose est régulière et ne présente aucune difficulté.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai pris le soin de déclarer que, ne prévoyant pas que le Sénat pourrait se séparer avant d'avoir voté le budget des affaires étrangères, je n'avais pas fait préparer un projet de loi, et que j'y substituais une proposition due à mon initiative, comme membre de cette Chambre. Il ne peut donc y avoir aucun doute à cet égard.
- La proposition est prise en considération et, renvoyée à la section centrale qui a été chargée de l'examen du budget des affaires étrangères.
La discussion générale est ouverte.
M. de Gottal. - Comme, j'ai eu l'honneur de faire partie de la section centrale, et que je suis du nombre de ceux qui ont repoussé le projet, je tiens à présenter les observations que ce projet m'a suggérées et qui m'ont guidé pour émettre un vote négatif.
La section centrale, comme on a pu le voir dans le rapport de l'honorable M. Goblet, a subdivisé le projet de loi en deux parties ; elle a pris deux résolutions distinctes.
La première consiste à transférer les 70,000 fr. restés disponibles à l'article 34 du budget de 1860 pour les appliquer au même article du budget de 1861. L'effectif du corps de gendarmerie qui, malgré les nombreux avantages qui lui ont été faits depuis deux ans, n'a pu encore se compléter. Tout nous fait même supposer qu'il ne pourra pas l'être dans le système actuel, et ce qui me porte à émettre cette opinion, c'est que M. le ministre de la guerre a, depuis le 1er juillet de cette année, appliqué au corps de la gendarmerie les dispositions qui, d'après les intentions de la Chambre, ne devaient être mises en vigueur qu'à partir du 1er janvier 1861, et ce sans arriver cependant, à compléter l'effectif.
La majorité de la section centrale a donc cru qu'il était d'un haut intérêt de compléter ce corps dont les services et l'utilité ne sont pas contestés ; qu'il était d'un haut intérêt d'affecter la somme de 70,000 fr. non pas comme indemnité de solde, mais plutôt en primes d'engagement et de réengagement, afin d'arriver à ce résultat qu'on a depuis si longtemps désiré.
Je viens donc vous dire, messieurs, que, dans l'intention de la section centrale, cette somme de 70,000 fr. doit être affectée à des primes, et j'insiste sur ce point, parce qu'il me semble réfuter l'objection que l'honorable ministre de la guerre a présentée à la section centrale, objection qui est consignée au rapport. Cette objection consiste à dire que si la somme de 70,000 fr. était portée, aux charges permanentes ordinaires du budget de 1861, la somme affermée au traitement et à la solde de la gendarmerie se trouverait ainsi augmentée de 70,000 fr. et, si, pendant cette année 1861, d'après ce système, l'effectif venait à être complété, la gendarmerie aurait joui d'une solde supérieure à celle qu'elle aurait eue d'après les budgets votés jusqu'à cette époque. Il faudrait, d'après ce système, majorer le crédit ordinaire d'une somme de 70,000 fr. tous les ans. Je ne verrais pas grand inconvénient à cène majoration, mais telle n'a pas été mon opinion ni celle de la majorité de la section centrale.
Du reste il est un autre motif pour que cette somme soit écrite sous la rubrique des charges extraordinaires et temporaires, c'est qu'en l'affectant à des primes, il est impossible que cette somme soit absorbée en un an. En effet, d'après les renseignements qui nous ont été communiqués par M. le ministre, 1'effectif de la gendarmerie, pour être complet, devrait encore être augmenté de cent hommes. Certainement ce n'est pas une prime de 700 fr. qu'on va affecter aux engagements qui se feront d'ici à la fin de 1861 dans le corps de la gendarmerie. Remarquons en outre que l'engagement est de 9 mois, et vous comprendrez facilement qu'il est impossible d'absorber en un an la somme de 70,000 fr.
Je passe au second point, c'est-à-dire un transfert de la somme de 530,000 francs qui était restée disponible à l'article 29 « remonte » et que le gouvernement désire voir transférés au budget de 1800 à l'article 20 : « matériel d'artillerie. »
La majorité de la section centrale a admis ce transfert. Je n'ai pas partagé son avis et voici mes motifs.
J'ai d'abord regretté, comme la majorité de la section centrale, le mode qui a été employé pour vous proposer ce crédit. Je ferai remarquer qu'à l'article 20 du budget de 1860 figure un chiffre de 761,000 francs comme crédit ordinaire affecté au matériel de l'artillerie. Si la proposition de M. le ministre de la guerre est acceptée, cette somme serait ainsi presque doublée.
De nouveaux besoins nécessitent-ils ce supplément de crédit ? Il est permis d'en douter. Toujours est-il que lorsque le budget de 1860 nous a été présenté, le département de la guerre n'ignorait pas qu'en demandant à l'article 29 du budget pour la remonte, le crédit de 560,000 francs, cette somme ne saurait en aucune manière être employée, et ce qui le prouve à l'évidence c'est l'exposé même des motifs du projet qui nous est soumis. Une remonte extraordinaire venait d'être faite en 1859.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Le budget a été rédigé avant cette remonte.
M. de Gottal. - Il a été voté à la fin de 1859
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Le budget était rédigé depuis le mois de mars, et la remonte a eu lieu en juillet et août au moment de la guerre d'Italie.
M. de Gottal. - L’observation que vient de faire l'honorable ministre fait tomber celle que j'avais présentée à la Chambre.
Mais à l'époque où le budget de. 1861 nous a été présenté, nous ne pouvions certes pas entrevoir qu'à la fin de cette année on nous présenterait une demande nouvelle, une demande de transfert, c'est-à dire une demande, de crédit extraordinaire déguisé. A cette époque l'honorable ministre devait parfaitement connaître les besoins auxquels il s'agit aujourd'hui de satisfaire, et je me demande dès lors, pour en revenir au mode dont ce crédit est sollicité, pourquoi ce crédit extraordinaire, n'a pas été sollicité à cette époque au lieu d'être demandé au moment où nous allons nous séparer.
A-t-on cru que la Chambre aurait voté plus facilement le crédit, grâce à ce mode, rarement employé par le département de la guerre, mais auquel les autres départements ont très souvent recours ? Toujours est-il que si l'on a fait ce raisonnement, il était assez juste. Effectivement, lorsque le projet de loi est venu dans les sections, c'est à peine si 20 membres ont assisté à leurs réunions. Personne ne se préoccupait de ce crédit.
Quant à l'urgence dont on se prévaut également pour ne pas joindre celle demande à celle du nouveau crédit qui est annoncé, c'est là un moyen que nous voyons employer pour toutes les demandes de crédits extraordinaires et dont je viens de relire tous les développements dans un rapport de la section centrale présenté il y a plusieurs années. On nous a dit à la section centrale que les circonstances étaient très favorables à l'achat de certaines matières et qu'il ne fallait pas laisser échapper cette occasion ; que des contrats provisoires venaient d'être passés. Je ferai remarquer que ces contrats provisoires ont été passés à peine, il y a dix jours, c'est à-dire trois semaines après la présentation du projet ; je n'ai pas connaissance de ces contrats, mais je dois supposer qu'ils ont été faits de telle manière que quand même le crédit ne serait voté qu'en 1861 ils ne viendraient pas à tomber. Du reste ces contrats peuvent exiger pour certaines matières mais je doute qu’ils existent pour toutes. La plupart des fournitures du département de la guerre sont mises en adjudication, et hier encore deux adjudications ont eu lieu à Anvers pour des objets identiquement les mêmes que ceux pour lesquelles le crédit est sollicité.
Messieurs, il y a une observation qui n'a pas trait directement au projet de loi soumis en ce moment à la Chambre, mais qui concerne le projet de loi dont nous serons saisis prochainement ; en la présentant (page 293) aujourd'hui je pourrai peut-être me dispenser de prendre la parole plus tard.
En 1854 plusieurs millions étaient déjà affectés au matériel d'artillerie, outre les crédits ordinaires votés annuellement au budget, lorsque à cette époque on présenta à la Chambre une nouvelle demande de crédit de 1,736,000 francs.
La section centrale saisie de ce projet de loi demanda au département de la guerre combien il faudrait encore pour compléter le matériel et pour en finir avec ces demandes successives.de crédits extraordinaires Le ministre de la guerre de cette époque répondit qu'une somme de 15 millions 80 mille francs serait encore nécessaire. Cette somme fut votée par crédits successifs répartis sur divers exercices qui s'étendaient, je pense, jusqu'à celui de 1861. On pouvait donc croire qu'après tant de sacrifices on serait en possession d'un matériel complet, d'autant plus que M. le ministre de la guerre l'affirmait, d'autant plus encore que lors de la présentation du projet de loi concernant les fortifications d'Anvers le ministre actuel affirmait qu'il ne faudrait plus aucun crédit.
D'après lui, les crédits portés ordinaires portés au budget suffiraient. Cette affirmation, il l'a produite en sections comme à la Chambre. Tout au plus pouvait-il s'agir encore de quelque crédit de peu l'importance, sauf peut-être quelques dépenses peu élevées pour le transfert du matériel.
Maintenant le crédit de 15 millions est épuisé, et l'honorable ministre annonce à la section centrale qu'un nouveau crédit de 45 millions sera demandé prochainement à la Chambre
Messieurs, les dépenses militaires ne font qu'augmenter. Depuis 1830 le département de la guerre a dévoré plus d'un milliard 200,000,000 de francs, sans compter les pensions militaires qui s'élèvent à plus de. 50,000,000 de francs.
Je me demande s'il n'est pas temps d'arrêter cet appétit vorace. Beaucoup de membres partagent cet avis, beaucoup de membres pensent que nos dépenses militaires ne sont pas du tout en harmonie avec les ressources de notre pays et cependant le nombre de ceux qui votent dans ce sens diminue d'année en année.
Est-ce qu'ils auraient changé d'avis, ou bien se rangent-ils à cette théorie des faits accomplis, qui est aujourd'hui à l'ordre du jour ? Sont-ce d'autres considérations qui les font agir ? C'est ce que je n'ai pas à examiner. Mais quant à moi, bien que je désespère de voir se reformer nos rangs pour arriver à des diminutions, je ne consentirai jamais à sanctionner par mon vote ce que je n'approuve point.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, le rapport fait au nom de la section centrale qui a été chargée d'examiner la demande de transfert soumise à la Chambre, renferme quelques erreurs, des reproches et même des insinuations, involontaires sans doute, que je ne puis accepter et que je ne crois pas devoir laisser sans réponse. Je demande donc à la Chambre la permission de donner quelques explications pour la mettre à même d'apprécier les motifs qui m'ont engagé à présenter cette demande de crédit.
On me fait un grief d'avoir employé le mode des transferts pour obtenir un crédit. L'honorable rapporteur de la section centrale voit là-dessous des énormités, c'est cependant fort simple. S'il est un département ministériel qui mérite peu le reproche de demander des transferts, c'est à coup sûr le département de la guerre ; je crois que c'est la première fois que j'en demande. (Interruption.)
Quant à moi, je n'ai pas souvenir d'en avoir demandé, à moins que cela ne soit arrivé exceptionnellement, il y a douze ans, pendant mon premier ministère.
Quoi qu'il en soit, un transfert n'est pas une chose interdite, illégale, inusitée. Quand un ministre le demande, il faut qu'il ait pour cela des motifs raisonnables ; c'est à la Chambre à examiner ces motifs. Si elle reconnaît qu'ils sont légitimes, que le transfert est un acte de bonne administration, la Chambre l'accorde ; si, au contraire, elle n'approuve pas les motifs qui ont dirigé le ministre, elle le refuse.
Or, si la section centrale propose d'accorder le transfert que je demande, probablement c'est qu'elle en admet la convenance, et alors je ne m'explique pas que l'honorable rapporteur me reproche d'avoir recours à ce moyen.
Et ce qu'il y a de plus étrange, c'est qu'au moment où l'honorable rapporteur me fait ce reproche, je le prends en flagrant délit de transfert et de transfert irrégulier, contraire aux règles d'une bonne administration et à l'esprit de la loi sur la comptabilité.
Au lieu du transfert d'un article d'un budget à un autre article du même budget, il propose le transfert du budget d'un exercice au budget d'un autre exercice. Au reste, là n'est pas la question. Il s'agit de savoir si les motifs qui m'ont dirigé sont justes, légitimes et de bonne administration.
J'ai demandé à transférera l'article « artillerie » les fonds restés disponibles sur l'article « remonte de la cavalerie », et une somme de 70,000 fr. qui est demeurée également disponible sur l'article « gendarmerie. »
Les besoins de l'artillerie ne sont pas nouveaux ; il y a très longtemps, messieurs, que vous les connaissez ; et quoi qu'en ait dit l'honorable rapporteur, la Chambre a été avertie ; elle a reconnu que ces besoins existent, et c'est elle-même qui a indiqué le moyen d'y faire face ; elle a déclaré que les besoins extraordinaires ne figureraient pas au budget ordinaire, mais qu'il y serait pourvu par des crédits spéciaux, au moment où le gouvernement jugerait opportun d'y satisfaire.
Néanmoins l'honorable rapporteur me reproche de signaler ces besoins pour la première fois, subrepticement et de les introduire par surprise.
Ces besoins, comme je vous le disais tout à l'heure datent de loin, ils ont été signalés avant 1854 et constatés depuis par la Chambre. Je vais vous en donner la preuve. En 1854 le ministre de la guerre demanda un crédit extraordinaire de 15,080, 419 fr. pour faire face aux premiers besoins du matériel de l'artillerie et du génie. La demande de M. le ministre de la guerre fut renvoyée à l'examen des sections.
Voici comment s'exprima la section centrale chargée de faire un rapport sur cette demande :
« La section centrale rappelle encore qu'un comité spécial a jugé nécessaires les travaux dont il s'agit. La grande commission mixte a approuvé les conclusions du rapport de ce comité l'utilité des dépenses ne peut, par conséquent, être révoquée en doute, ce serait assumer une grande responsabilité que d'entraver les réparations ou les constructions indispensables pour faire respecter au besoin, la nationalité belge La section centrale a approuvé également la décision du ministre, de répartir les 15 millions sur plusieurs exercices, la situation financière ne permettant pas d'en agir autrement. »
Ainsi dès 1854, il avait été reconnu par les Chambres que les besoins de l'artillerie pour compléter le matériel, s'élevaient à la somme de 8,193,413 fr. et pour le génie à 6,887,000, soit un total de 15 millions, et qu'il serait pourvu à cette dépense par des crédits spéciaux demandés par le gouvernement lorsqu'il le jugerait nécessaire.
En conséquence de cette décision, la Chambre a accordé plusieurs crédits spéciaux au département de la guerre. Elle a déjà, pour satisfaire à ces besoins constatés, voté, pour l'artillerie seule, des crédits qui s'élèvent à environ 5 millions.
Les besoins reconnus pour l'artillerie étant de 8,193,000 francs, il resterait donc encore à allouer 3 millions pour faire face aux anciens besoins de l'artillerie, besoins constatés, je le répète, depuis 1854.
Mais depuis cette époque, il s'est produit un fait nouveau qui a aggravé la situation de l'artillerie, augmenté ses besoins. Ce fait nouveau, que tout le monde connaît, est un perfectionnement qui s'est opéré dans l'artillerie et qui, de progrès en progrès, a complètement transformé le matériel de cette armée.
Peut-on accuser le département de la guerre de cette situation. Devait-il la dissimuler à la Chambre ? Peut-on le rendre responsable des nouvelles dépenses qu'elle entraînera ?
J'ai été d'autant plus surpris de voir l'honorable rapporteur nier en quelque sorte les besoins de l'artillerie, qu'il avait sous les yeux le rapport de la section centrale de 1854, les différentes décisions prises par la législature et l'opinion de plusieurs membres de cette assemblée dont personne ne peut méconnaître la compétence et l'autorité en cette matière.
Dans la séance du 2 juin 1855, l'honorable M. Thiéfry, dont la Chambre se rappelle toute la sévérité administrative et l'esprit investigateur, s'exprimait ainsi :
« Messieurs, les projets de loi sur lesquels nous sommes appelés à délibérer concernent les dépenses pour le matériel de l'artillerie et du génie et celles relatives au camp retranché d'Anvers.
« Aucune objection n'a été présentée sur l'utilité des premières ; c'est qu'en effet personne n'ignore que, pendant de longues années, on a porté au budget de la guerre des sommes insuffisantes pour le matériel ; il en résulte l'impossibilité de renouveler une infinité d'objets confectionnés de 1818 à 1821 et dont le temps de durée était expiré. Heureusement que les Chambres ont enfin compris le danger qui pouvait résulter de cette imprévoyance, et que depuis quelques années, on a consacré d'importantes sommes pour mettre le matériel en bon état. »
(page 294) Dans la même séance, un autre membre dont l'honorable M. Goblet ne récusera ni l'autorité ni la compétence, M. le général Goblet, s'énonçait en ces termes :
« J'ai vu longtemps avec douleur l'espèce d'abandon dans lequel on laissait le matériel de l'artillerie et du génie ; je n'ai pas attendu que les événements extérieurs vinssent émouvoir le pays, pour attirer l'attention de cette Chambre sur un état de choses dont bs conséquences pouvaient être si fatales.
« Je puis rappeler ce que je disais à ce sujet dans la séance du 3 février 1846, et justifier ainsi, en grande partie, les demandes de crédits considérables qui ont été depuis quelque temps et successivement réclamés, sou pour restaurer les places fortes, soit pour augmenter et améliorer leur matériel.
« A cette époque, de tous les budgets, celui de la guerre était considéré comme le plus élastique ; l'on croyait pouvoir lui imposer une limite qui n'était fixée par d'autres considérations que celle de niveler le montant des budgets de tous les départements ministériels aux recettes générales de l'Etat.
« L'on remettait à d'autres temps tout ce qui, à la rigueur, pouvait être différé et l'on agissait ainsi, sans s'arrêter à la pensée, que certains objets doivent être créés et réunis à loisir, si l'on veut ne pas être surpris par les événements.
« Le matériel de l'artillerie se trouvait dans une situation analogue : En 1843, il présentait un déficit d'une valeur d’environ 14 millions de francs, et cela, sans même y comprendre les objets qui étaient à renouveler, comme ayant atteint la limite de durée qui leur est généralement assignée. »
« Il était donc évident que, pour l'artillerie comme pour le génie, les sommes réclamées jusqu'à l'époque dont il s'agit, étaient tout à fait inférieures aux besoins réels. »
Vous voyez donc que ces besoins ne datent pas d'aujourd'hui, que je n'ai pas cherché à introduire cette demande de transfert d'une manière eu quelque sorte subreptice ; que ce n'est pas au dernier moment que j'ai déposé le projet de loi, puisque je l'ai présenté le 21 novembre, c'est-à-dire il y a un mois ; et que je ne mérite pas les reproches de l'honorable rapporteur de la section centrale.
En voyant la transformation générale, complète, que subit l'artillerie des autres puissances, je me suis préoccupé des moyens à employer pour pouvoir mettre notre artillerie sur le même pied, le plus tôt et le plus économiquement, en imposant le moins de charges possible au trésor public. Convaincu qu'il y avait de grandes dépenses à faire, j'ai cherché à réaliser des économies compatibles avec une bonne administration.
Vous vous rappellerez que l'an dernier lorsque éclata la guerre en Italie, toutes les puissances, craignant une conflagration générale, mirent leurs armées sur le pied de guerre.
Nous fûmes nous-mêmes obligés de nous mettre en mesure de faire face aux événements qui menaçaient l'Europe. Nous fîmes entre autres dépenses une remonte extraordinaire pour mettre notre artillerie et notre cavalerie sur un demi-pied de guerre. La paix de Villafranca vint tout à coup surprendre l'Europe au milieu de ses préparatifs belliqueux. Que devions-nous faire dans cette situation ? Nous efforcer d'arrêter nos dépenses d'armement, nous débarrasser des chevaux que nous avions d'acquérir et qui étaient au-dessus du complet de pied de paix.
Si nous les avions vendus à ce moment où tout le monde désarmait, nous eussions essuyé une perte énorme. Si nous lsa conservions, nous étions obligés de faire une dépense considérable pour les nourrir et de maintenir sous les armes, au détriment de l'agriculture et de l’industrie, un très grand nombre de soldats pour les soigner.
Voici donc le parti que j'ai pris. J'ai fait vendre peu à peu tous les vieux chevaux, les moins propres au service qui existaient dans les corps et je les ai remplacés par les meilleurs de la nouvelle remonte ; ensuite malgré toutes les difficultés administratives que cela présentait, j'ai fait placer le plus de chevaux que j'ai pu chez un certain nombre de particuliers.
Par ce moyen, j'évitais les frais de nourriture et d'entretien de ces chevaux, et si des événements critiques surgissaient, si la paix ne se consolidait pas, je les avais sous la main pour les besoins de l'armée.
Lorsque j'ai vu les chances de guerre s'éloigner, et aussi que les chevaux confiés aux particuliers ne recevaient pas partout les soins et ta nourriture nécessaires, qu’ils étaient surchargés de travaux hors de proportion avec leur force, j'ai pris la résolution de les faire rentrer dans les corps avant qu'ils eussent perdu toute leur valeur et j'ai fait vendre alors tous ceux qui n'étaient pas nécessaires aux besoins de l'armée.
Ces mesures ont eu pour résultat d'épargner au trésor une dépense considérable que je n'évalue pas à moins de deux millions, pour la nourriture des chevaux et la solde et l'entretien des hommes qu'il aurait fallu conserver sous les armes pour les soigner ; elles ont fait rentrer au trésor au moins trois cent mille francs par la vente des chevaux en trop et permis enfin de ne pas dépenser le crédit de 530,000 fr., que vous aviez mis à ma disposition pour la remonte de 1860.
Je ne puis croire que la Chambre désapprouve ces mesures, je les crois de bonne administration et elles ne m'ont été inspirées que par le désir de réaliser des économies afin de rendre moins lourdes les charges à supporter pour l'artillerie.
Ces économies réalisées, n'était-il pas tout naturel de vous demander de m'autoriser à les appliquer aux besoins si urgents, si bien constatés de l'artillerie ? N'y-a-t-il pas un intérêt national qui exige que nous ne perdions pas un instant pour mettre notre artillerie en état de lutter avec l'artillerie des autres puissances ?
La situation de l'Europe, que vous connaissez tous, ne nous commande-t-elle pas de nous presser, de ne pas perdre un seul jour ? Quelque activité qu'on y mette, cette transformation de nos canons sera longue à opérer, surtout si l'on ne prépare pas à l'avance les matériaux nécessaires et l'outillage indispensable.
J'ai cru, en conscience, qu'il fallait gagner le plus de temps possible et que chaque jour que je gagnerais serait un bénéfice pour la sécurité du pays.
C'est inspiré par ce sentiment que j'ai eu la pensée de vous demander ce transfert si simple et cependant si singulièrement interprété.
Ces mêmes considérations m'ont engagé à vous demander le même transfert pour la somme de 70,0000 fr. restée disponible sur le chapitre relatif à la gendarmerie.
Voyons maintenant si, à ce sujet encore, je mérite les reproches de l'honorable rapporteur de la section centrale et si je n'ai pas fait tous les efforts imaginables pour répondre aux désirs manifestés par la Chambre de voir augmenter l'effectif de la gendarmerie.
En-1856, sur la proposition du gouvernement, vous avez accordé une augmentation de solde de 20 centimes par jour aux gendarmes, afin de faciliter le recrutement ne ce corps. Cette mesure n'a pas suffi pour atteindre le but poursuivi.
L'année derrière, vous avez examiné encore cette question. Je vous ai fait connaître d'où provenait la difficulté du recrutement de cette arme, et j'ai eu l'honneur de vous indiquer quelques mesures qui me semblaient pouvoir produire un résultat avantageux. Sur mes indications, la section centrale prit l'initiative de proposer une nouvelle augmentation de solde de 20 centimes par jour pour la gendarmerie à cheval, et de 10 centimes pour les gendarmes à pied, et d'accorder, en outre, à tous les simples gendarmes la pension de sous-officier.
La Chambre accueillit avec empressement ces propositions. En les indiquant à la section centrale, je ne lui avais pas dissimulé cependant qu’elles ne suffiraient pas pour pouvoir compléter l'effectif de la gendarmerie. La difficulté du recrutement de ce corps, leur disais-je, provient du manque de volontaires dans l'année. Depuis cinq ans le nombre des volontaires a diminué de moitié, et le nombre des remplaçants au contraire est double. Cela prouve la grande prospérité du pays ; il y a aujourd'hui le double plus de familles qui peuvent faire la dépense de mettre un remplaçant qu'il y a cinq ans, bien que le prix des remplaçants ait augmenté. Cette situation qui prouve la prospérité croissante du pays, est très fâcheuse pour l'armée, c'est dans la catégorie seule des volontaires que nous trouvons à recruter la gendarmerie.
Nous ne pouvons admettre dans cette arme le premier venu, des remplaçants par exemple, ou des miliciens qui rentreraient dans leurs foyers avant que leur instruction du service de cette arme soit terminée.
On ne peut admettre dans la gendarmerie que des hommes éprouvés, des hommes qui ont donné dans l'armée des preuves de moralité, d'intelligence et de fermeté. Si nous agissions autrement, la gendarmerie perdrait son caractère, au lieu d'être un élément d'ordre, elle pourrait devenir un élément de désordre, elle deviendrait peut-être aussi un élément de corruption dans les campagnes où les hommes de ce corps sont presque livrés à eux-mêmes. Si nous admettions dans cette arme d'élite des hommes qui n’entreraient que par l'appât d'une prime de 700 fr., comme les remplaçants, il faudrait bientôt un gendarme pour garder chaque nouveau gendarme. A quoi cela aboutirait-il ? Vous ne pouvez avoir pour gendarmes, pour ces gardiens isolés de l'ordre dans les (page 295) campagnes que des hommes sur lesquels on peut compter, qui savent leur métier, et qui donnent la certitude que là où il y a un gendarme il y a un honnête homme. Si on enlève ce caractère à la gendarmerie, elle perdra son influence morale et sa confiance en elle-même. Si on recrute la gendarmerie en dehors de l'armée, elle n'inspirera plus de confiance à personne. Ainsi donc, messieurs, en voulant trop nous hâter de compléter l'effectif de cette arme, ne nous exposons pas à en altérer l'excellente composition.
Après avoir rappelé les mesures que vous avez adoptées en faveur de la gendarmerie, permettez-moi de vous dire ce que j'ai fait, afin de vous prouver que j'ai cherché sérieusement à seconder vos vues. Je veux que vous puissiez juger si je ne me suis pas identifié avec votre pensée, si je ne me suis pas mis en rapport de sentiment avec vous à cet égard.
D'abord, j'ai fait connaître à l'armée les augmentations que nous avions accordées à la gendarmerie. A trois appels différents, tous les corps en ont été informés. J'ai invité tous les chefs de corps à me signaler les candidats qui se présenteraient pour entrer dans la gendarmerie. Les inspecteurs généraux ont été invités à les rechercher, à les encourager.
J'ai fait plus encore. On exigeait jadis des militaires qui passaient dans la gendarmerie, un cautionnement de 600 fr. J'ai supprimé ce cautionnement pour tous les militaires qui avaient deux ans de service.
On exigeait aussi que chaque gendarme à cheval eût à sa masse un boni de 600 fr., et chaque gendarme à pied un boni de 300 fr. J'ai diminué de moitié ces sommes.
On n'admettait dans la gendarmerie, pour les gendarmes à cheval, que des hommes ayant la taille de 1 m 73, et pour les gendarmes à pied que des hommes de 1 m 70. J'ai réduit de 3 centimètres la taille des premiers et de 2 centimètres la taille des seconds.
Enfin, messieurs, pour atteindre plus promptement le but que vous m'aviez indiqué, j'ai fait plus encore : l'augmentation de solde que vous avez accordée à la gendarmerie ne devait prendre cours qu'à dater du 1er janvier prochain. J'ai pris sur moi de proposer au Roi un arrêté pour qu'elle lui fût accordée à dater du 1er juillet dernier. Vous voyez par là jusqu'à quel point j'ai cherché à répondre à vos intentions.
Pouvais-je faire davantage ?
Croyez-vous qu'il y avait encore autre chose à faire. Je ne le pense pas, je ne saurais l'imaginer.
J'oubliais de vous dire que j'ai prié mon collègue M. le ministre de l'intérieur de porter ces mesures à la connaissance des bourgmestres afin que s'il se trouvât dans les communes quelques miliciens en congé quelques bons sujets qui voulussent profiter de ces avantages, les bourgmestres pussent les leur expliquer, les leur faire apprécier.
Ces différentes dispositions ont déjà produit un excellent résultat. En cinq mois, depuis le mois de juillet dernier nous avons eu 74 engagements volontaires dans le corps. Il y a longtemps que nous n'avions eu un semblable succès. Il me fait espérer que nous réussirons peu à peu à compléter l'effectif. Je continuerai de m'efforcer d'atteindre ce but.
J'espère, messieurs, que ces explications vous auront mis à même d'apprécier les mesures que j'ai prises et que vous accueillerez favorablement la demande de transfert que je vous ai soumis.
M. Goblet, rapporteur. - Je regrette beaucoup, messieurs, qu'en commençant son discours pour combattre le rapport de la section centrale, l'honorable ministre de la guerre ait cherché à faire dégénérer le débat en un débat personnel, en séparant le rapporteur de la section centrale elle-même. Je n'ai été, dans mon rapport, que l'organe de la section centrale, et si je me suis trouvé dans une position délicate, j'ai, dans cette position, que j'expliquerai, rendu compte de toutes les opinions, quelles qu'elles fussent, qui avaient été exprimées
Lorsque j'ai été nommé rapporteur, la section centrale avait repoussé la proposition de M. le ministre de la guerre par 5 voix contre 2 ; et lorsque, par suite d'une nouvelle décision de nos collègues, le résultat du vote fut modifié, j'ai offert sans succès d'abandonner mon rôle de rapporteur.
L'honorable ministre de la guerre, ayant eu indirectement connaissance des résolutions de la section centrale, écrivit au président pour être entendu. Ses explications modifièrent sur le second point l'opinion de deux membres de la section, qui, en changeant de manière de voir, modifièrent ainsi la majorité.
Qu'avais-je à faire, si ce n'est de relater les opinions émises de part et d'autre ? Et je les ai relatées assez fidèlement pour qu’à la lecture de mon rapport en section centrale pas une voix ne s'élevât contre la rédaction.
Le blâme que M. le ministre de la guerre a adressé au rapporteur seul était donc injuste, puisque le rapport exprime l'opinion de la section centrale tout entière et non pas l'opinion personnelle du rapporteur.
Maintenant je défie M. le ministre de la guerre de trouver dans mon rapport une seule insinuation.
Permettez-moi, messieurs, de reproduire les phrases principales de ce rapport pour vous mettre à même de juger s'il renferme des insinuations.
J'ai parlé au nom de la minorité de la section centrale et j'ai relaté les objections de la majorité en concluant comme celle-ci, parce que là je n'exprimais pas mon opinion, j’étais historien, mais je me suis appliqué à être historien fidèle.
« La minorité de la section centrale s'étonne de la brièveté de l'exposé des motifs. »
Cette brièveté n'est-elle pas constatée par les questions adressées à M. le ministre et par les longues réponses qu'il y a faites.
La deuxième section avait demandé comment il se faisait qu'en présentant le budget on n'avait pas prévu les besoins signalés maintenant. Cette opinion a été exposée à la Chambre par l'honorable M. de Gottal.
« Pourquoi attendre au dernier moment pour venir demander des sommes considérables en argumentant de l'urgence ? »
Cette objection a également été faite par l'honorable M. de Gottal.
« Il est impossible de ne pas admettre que le transfert pétitionné ne soit pas une augmentation de dépenses extraordinaires ; n'eût-il pas été dès lors plus naturel aussi de joindre à la demande de crédit extraordinaire que M. le ministre de la guerre nous annonce comme très prochaine, la demande des 600,000 francs ? - Désire-t-on obtenir cette somme à l'avance pour paraître demander moins ? A-t-on voulu que parmi les dépenses faites et à faire pour notre état militaire cette dépense de 600,000 francs passe inaperçue ? »
Voici la partie où j'émets une opinion générale :
« En présence des sacrifices constants et nombreux, tous les jours plus considérables et plus lourds que le département de la guerre impose au pays, il paraît de toute nécessité de ne pas se bercer d'illusions. - Des crédite extraordinaires ont déjà été antérieurement votés ; quoique s’élevant à un chiffre très élevé, ils ne peuvent suffire. »
Ai-je dit qu'il ne fallait pas accorder ces crédits ?
« D'après M. le ministre de la guerre, outre les 3,000,000 qui rester à dépenser sur les sommes déclarées indispensables en 1854, pour mettre l'artillerie en bon état, des sommes très considérables vont être très incessamment exigées pour l'introduction d'un nouveau système d'artillerie. »
Où donc ai-je blâmé l'opinion de M. Thiéfry, l'opinion du général Goblet, qui disaient qu'il était nécessaire de faire des dépenses considérables pour mettre en bon état le matériel du génie et de l'artillerie ? J'ai constaté les faits, rien de plus.
« L'armement de la place d'Anvers, la démolition des places fortes devenues inutiles, la modification urgente des armes de l'infanterie et de la cavalerie doivent avant peu accroître, d'une manière notable encore nos dépenses militaires. »
Est-ce encore une insinuation ?
« Dans une telle situation il importe que les instructions du département de la guerre, dont la loyauté ne peut être mise en suspicion, aient également et avant tout le même cachet, quand elles se traduisent en faits. »
Est-ce un témoignage assez éclatant que je vous donne, M. le ministre, de la confiance que j'ai dans vos affirmations ?
« Ceux-là mêmes qui trouvent que notre état militaire est hors de toute proportion avec nos ressources et le rôle politique qui nous est assigné, ont assez de patriotisme pour accepter ce qui est démontré nécessaire à la défense nationale ; il ne faut donc pas qu'on puisse supposer qu'on cherche à dissimuler toute l'étendue des exigences de la position qui nous est faite. »
Voilà, messieurs, les insinuations du rapport ! C'est la constatation de faits qui tous les jours viennent se traduire en demandes de crédits énormes. C'est ensuite l'opinion que ceux qui, même en trouvant ces demandes exorbitantes, sont prêts à les voter, si cela est démontré nécessaire pour assurer la défense nationale.
Messieurs, je pose en fait que si l'honorable ministre de la guerre avait tout bonnement demandé un crédit spécial, ces discussions n'auraient pas eu lieu.
Quelles étaient les conclusions de la majorité ?
Sans discuter la nécessité du crédit demandé par voie de transfert, (page 296 la section centrale par 5 voix contre 2 repoussait le crédit à cause du mode employé pour l'obtenir.
Vous le voyez donc bien, M. le ministre, personne dans la section centrale n'était hostile à votre demande de crédit.
Ici, je me suis mis, disait mon honorable contradicteur, en contradiction avec moi-même en repoussant le transfert et en demandant un autre qui est illégal et en dehors de toutes les voies constitutionnelles.
M. le ministre devrait savoir que ce n'est pas là encore uniquement mon œuvre. C'est l'œuvre de la majorité de la section centrale et il n'est nul besoin de m'isoler.
Pourquoi ne pourrions-nous, par voie d'amendement, demander des transferts de crédit au budget de l'année prochaine ? Je sais bien qu'il y a des membres, dans cette enceinte, qui ont cette opinion que la section centrale n'a pas le droit de proposer des amendements aux projets du gouvernement ; mais je nie que le reproche qu'on nous fait soit fondé.
Je crois avoir le droit, comme membre de la section centrale, comme membre de la Chambre, de faire toutes les propositions que je crois dans l'intérêt du pays.
Dans une de ses réponses, M. le ministre exprime la crainte que si la Chambre se montrait par trop sévère dans l'admission des transferts, elle ne dégoûtât les administrateurs bien intentionnés qui cherchent à faire des économies sur le budget de leur ministère.
Je ne puis admettre cette doctrine qui consiste à supposer que toute somme, votée à tort ou à raison, abstraction faite des économies qui peuvent être opérées pendant l'année, doit être dépensée nécessairement au profit du même département. Le cas contraire ne doit pas le moins du monde décourager un bon administrateur. Il comprend évidemment que si des économies peuvent être réalisées elles serviront tout aussi bien au pays en retournant au trésor.
En demandant un crédit spécial, M. le ministre a lui-même avoué qu'il aurait peut-être suivi un mode plus rationnel.
Je ne vois donc point qu'il y ait lieu de s'indigner si fort de ce que nous trouvions ce mode défectueux, alors que lui-même ne le trouve pas excellent.
L'urgence, voilà le grand mot ! Elle doit faire passer l'éponge sur tout. Il faut que cette somme soit votée. La Belgique est en danger, dit M. le ministre.
Je ne vois pas le moins du monde qu'il y ait urgence, et ce qui le prouve, c'est la nomenclature des objets eux-mêmes pour lesquels M. Je ministre de la guerre demande des fonds.
La répartition des 600,000 fr. est composée de quoi ?
De 120,000 fr. pour achat de plomb.
Il doit y eu avoir dans les magasins de l'Etat. On a fait des expériences au polygone de Brasschaet où l'on a usé beaucoup de plomb et de poudre.
Il n'y a donc pas de danger à reculer cet objet de quelques semaines.
44,000 fr. pour achat de papier ; 75,000 fr. pour achat de fer a canons, métaux, bois de fusil pour la manufacture d'armes. Tout cela doit se trouver dans les magasins ; à moins d'une imprévoyance bien grande.
Ce n'est pas en trois semaines que vous devez approvisionner vos magasins. On sait que toutes ces choses doivent se trouver à la disposition de l'Etat, ou vous êtes en défaut.
100,000 fr. pour achat de bois, d'outils, de métaux, d'objets d'approvisionnement et d'une machine à vapeur dont le besoin surgit instantanément ; il était impossible de le prévoir plus tôt. Il faut que cette machine à vapeur vienne là comme un champignon.
Vous voyez bien, messieurs, que ces demandes de crédit sont destinées à acheter des choses qui doivent se trouver dans les arsenaux de l'Etat.
Il n'y a pas péril en la demeure.
M. le ministre nous dit : Il faut se hâter de faire des expériences. Nous sommes pressés par le temps et en attendant que je vienne vous demander les 12 millions dont j'ai encore besoin, outre les 5 millions qui sont encore disponibles sur le crédit de 1850, je gagnerai du temps.
Mais, messieurs, les expériences sont faites, le système est arrêté. On sait la somme qu'on doit demander, on connaît le genre de canons qu'on doit faire construire ; pourquoi tant de hâte pour faire ce qui est fait ?
Messieurs, la minorité de la section centrale, dans la seconde question, a surtout été mue par cette pensée qu'il fallait que la plus grande circonspection fût mise dans les demandes de ces grands crédits, si nombreux et si fréquents.
Ses scrupules, dans le cas présent, n'ont pas encore été levés par la réponse de M. le ministre de la guerre. Le crédit sollicité doit, selon elle, couvrir une dépense normale et par suite aurait dû être prévu lors de la présentation du budget. Nul parmi nous ne songe à s'opposer aux demandes légitimes, mais je suis convaincu que si l'on ne met aucune mesure dans les dépenses, on en arrivera à accroître d'une manière factice les besoins de la défense nationale, au point de ne plus trouver, sans grande perturbation dans nos ressources, de quoi y suffire.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On a soulevé ici une question de régularité qui me regarde bien plus que mon honorable collègue de la guerre qui s'occupe du fond de l'affaire. Mais j'avoue qu'après avoir lu le rapport de la section centrale et après avoir entendu les deux orateurs qui ont soutenu la doctrine énoncée dans ce rapport, je suis encore à me demander ce que cela signifie. Je vous avoue que je n'y comprends rien.
L'indignation si grande qu'on manifeste se produit parce qu'on a proposé un transfert. Si l'on avait demandé un crédit spécial, c'était à merveille ; mais un transfert, c'est l'abomination de la désolation !
J'ai recherché, messieurs, quelle différence il y avait entre un transfert et un crédit spécial. Je me suis adressé aux hommes les plus compétents ; personne n'a pu me donner une explication satisfaisante. On a appliqué à la chose un mot qui déplaît, à ce qu'il paraît. Si les honorables membres désirent que nous effaçons le mot « transfert » et que nous le remplacions par « crédit spécial », je n'y vois, pour ma part, aucun inconvénient.
Il y a des centaines de lois votées par la Chambre et qui sont relatives à des transferts.
Qu'est-ce que demander un transfert ?
C'est user d'un mode qui peut être employé et qui est l'équivalent de vingt autres modes que je pourrais indiquer, pour se conformer à une prescription de la loi de comptabilité portant que lorsqu'on propose un crédit en dehors des allocations du budget, il faut indiquer les ressources au moyen desquelles on y fera face.
C'est donc une manière d'exprimer que le crédit spécial que l'on sollicite sera couvert par les excédants disponibles de certains articles du budget.
Maintenant veut-on un autre mode ? C’est une question de forme. Appelons donc le projet de loi un crédit spécial et non un transfert, pour être agréable aux honorables membres, car nous sommes animés des intentions les plus conciliantes ; et nous dirons que les sommes disponibles à tels articles du budget seront affectés à cette dépense. Ne veut-on pas de cette formule ? Déclarons que la dépense sera couverte par les sommes disponibles au budget d'une manière générale. Ce mode ne vous satisfait-il pas encore ? Mettons que la dépense sera couverte par les ressources ordinaires du budget. Ce mode ne vous convient-il pas enfin, parce que vous supposeriez qu'il n'y a pas de ressources ordinaires ? Dites alors que la dépense sera couverte par les ressources extraordinaires ; que s'il n'y a pas de ressources extraordinaires, créez-en en autorisant une émission de bons du trésor, et de cette manière, sans doute, les honorables membres sont satisfaits.
Les honorables opposants se sont imaginé, et cela est réellement inadmissible, que, parce qu'on avait appelé le projet de loi un transfert, le projet devait passer sans discussion. Pourquoi la Chambre ne discuterait-elle pas, quand on lui demande un transfert, et pourquoi discuterait-elle, alors seulement qu'on lui demande un crédit spécial ?
Je prie donc très instamment les honorables membres de vouloir bien faire connaître les motifs pour lesquels ils ont une si profonde aversion pour les transferts ; s'ils ont des raisons péremptoires à invoquer et s'ils réussissent à me convaincre, je ne demande pas mieux que de changer d'opinion. Mais je ne vois dans cette affaire qu'une querelle de mots.
Je persiste à croire, quant à présent, que le mode qui a été suivi par le gouvernement est parfaitement régulier, qu'il est conforme à la loi et que c'est par erreur qu'il a t.é critiqué par la section centrale.
M. Coomans. - M. le ministre des finances reconnaît comme il doit le reconnaître, que le transfert proposé par la section centrale est une opération régulière.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pas du tout, je n'en ai rien dit.
M. Coomans. - Ah ! blâmez-vous, oui ou non, l'opération financière qui a été critiquée par votre honorable collègue, M. le ministre de la guerre ?
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Me permettez-vous de donner une explication ?
M. Coomans. - Volontiers.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - J'ai dit que l'honorable (page 297) rapporteur de la section centrale, ou la section centrale si vous le préférez, ne pouvait pas me reprocher de demander un transfert, de prendre le mode d'une demande de transfert pour obtenir un crédit, puisqu'elle-même faisait une proportion identique, en demandant de transférer au budget de 1861 le crédit resté disponible sur l'article relatif à la gendarmerie du budget de 1860.
M. Coomans. - Messieurs, je croyais avoir entendu, et d'autres membres le croyaient aussi, que M. le ministre de la guerre avait trouvé irrégulière et même illégale la proposition de la section centrale.
- Plusieurs membres. - Oui, cela a été dit.
M. Coomans. - Eh bien, tout ce que j'ai à constater comme membre de la section centrale, c'est que la proposition faîte à la section centrale est parfaitement régulière ; qu'elle a, comme nous l'avons tous, le droit de proposer un transfert d'un budget à un autre budget déjà voté et non clos.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cela ne s'est jamais fait.
M. Coomans. - Cela s'est fait très souvent ?
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - L'honorable M. Coomans me permet-il de compléter ma première explication ?
M. Coomans. - Sans doute.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - J'ai dit que la différence, entre le transfert que j'ai demandé et celui qui est proposé par la section centrale, c'est que le mien est régulier, tandis que celui que la section centrale soumet à la Chambre est irrégulier.
M. Coomans. - La section centrale a trouvé, messieurs, que son transfert était plus naturel, plus simple, que celui qui a été proposé par le gouvernement, parce que le transfert de la section centrale portait d'un article au même article, c'est-à-dire que la section centrale affectait à la gendarmerie pour 1861 une somme affectée à la gendarmerie pour Tannée 1860.
Du reste, je suis de ceux qui pensent que l'un et l'autre transfert sont réguliers ; je crois que M. le ministre de la guerre était dans son strict droit en proposant le transfert.
Quant à moi, je n'abomine pas les transferts ; je reconnais qu'ils sont quelquefois utiles, mais je ne les admets que lorsqu'ils sont nécessaires. Les paroles de M. le ministre des finances ne vont donc pas à mon adresse.
Messieurs, je ne voterai pas ce transfert, non parce que c'est un transfert, non parce que ce n'est pas un crédit spécial ; je ne le voterai pas, parce que je ne veux pas du crédit, crédit spécial ou transfert (c’est au fond la même chose), à cause de la nature de la dépense ; je suis d'accord avec M. le ministre sur la question de formalité ; or, si je n'avais pas d'autre raison pour émettre un vote négatif que celle qu'a combattue M. le ministre des finances, je n'aurais certainement pas pris la peine de parler.
Voici cependant une différence entre le transfert et le crédit spécial : c'est que l'expérience me prouve que les transferts passent beaucoup plus facilement que les crédits spéciaux.
Au fond c'est bien la même chose, mais on tient un autre langage sur le transfert que sur le crédit spécial.
Pour un transfert, on vient toujours nous dire : C'est une économie, cela ne vous coûte rien. Nous transférons ; c'est de l'argent déjà voté et remerciez-nous, nous ministres, d'avoir opéré cette économie ; transférons. Et là-dessus on ne discute guère, j'en appelle à la mémoire de la Chambre.
Un crédit spécial c'est autre chose. Pour le crédit spécial on se donne ordinairement la peine de présenter des raisons un peu développées, d'expliquer les choses, de les discuter en sections plus attentivement que le transfert.
Pour un transfert au contraire on se contente de 2 ou 3 lignes et j'en vois encore, pour preuve le projet de loi présenté par le gouvernement dans cette affaire-ci.
Voilà donc, messieurs, les points de détail réglés en ce qui me concerne.
Pour le fond je ne voterai pas ce transfert parce que nous ne sommes pas éclairés sur la dépense totale du matériel de l'artillerie.
Je suis de ceux qui n'aiment pas à voter une grosse dépense en détail, par à-compte. J'aime, quand je vote une dépense, à me rendre compte de son importance totale afin qu'on ne vienne pas vous dire ce qu'on a dit souvent : « Mais votez aujourd'hui la queue, la grosse queue parce que la tête a déjà passé il y a 6 mois, il y a un an, il y a deux ans, sous la forme bien anodine d'un transfert ou d'un à-compte. »
Je crois qu’il est très régulier que toutes les dépenses pour un même objet nous soient demandées globalement.
Aujourd'hui l'honorable ministre de la guerre nous demande un léger petit à-compte pour le matériel d'artillerie, 600,000 francs en ayant la loyauté de nous dire que nous aurons encore 13 millions à voter bientôt.
Je ne vois pas pourquoi l'honorable ministre de la guerre ne nous présente pas immédiatement cette demande de crédit de 13 millions puisqu’il en reconnaît l'urgence et qu'il n'ajourne pas jusqu'à l'époque où il nous saisira de cette demande de crédit la demande de 600,000 fr. dont il s'agit.
En fait de matériel de guerre, messieurs, je suis devenu très soupçonneux. Je me rappelle que, lors de la grande discussion sur les fortifications d'Anvers, on ne nous a guère entretenus de ces dépenses de matériel, j'ose dire qu'on les a cachées, dissimulées, soit par erreur, soit par prudence.
Quelques membres ont demandé alors quelles seraient les dépenses de matériel militaire qu'entraînerait l'agrandissement d'Anvers, et je crois que c'est l'honorable général Chazal lui-même qui nous a déclaré que nous n'avions guère à nous préoccuper de ce point, que la transformation de notre artillerie serait la chose la plus facile du monde, une vraie bagatelle, qu'il suffirait de 5 à 6 fr. au maximum par pièce de canon pour opérer la transformation.
S'il n'en coûte pas plus de 5 à 6 francs par canon, messieurs, nous allons être le pays le plus riche du monde en artillerie parce que, outre les millions que nous avons déjà votés, on va vous demander encore 13 millions. Or quand je divise 15 à 18 millions par 6, je vois que nous allons avoir des millions de canons en Belgique. Un seul million de canons serait déjà trop. (Interruption.)
Je ne plaisante pas, je cite des chiffres officiels et je demande au moins des éclaircissements. Me les donnera-t-on ? J'en doute.
J'avoue que je n'y comprends plus rien, seulement j'ai de la mémoire, j'ai pris la liberté de faire des notes que j'ai gardées.
J'ai annoté particulièrement les 5 ou 6 fr. par pièce d'artillerie, chiffre qui me plaisait beaucoup. Je l'ai sous les yeux et encore une fois, je demande à quoi nous servira le million de canons que nous allons avoir en Belgique d'après les chiffres du gouvernement.
Maintenant j'ai à peine besoin de vous le dire, je me joins de tout cœur à l'opinion exprimée par l'honorable M. de Gottal que notre établissement militaire excède nos ressources et nos besoins.
Je crois que, militairement parlant comme politiquement, nous avons fort dévié depuis 1830, que nous avons dénaturé la pensée du Congrès, des auteurs de notre indépendance et la pensée de toutes les Chambres qui se sont succédé en Belgique jusqu’en 1852.
Puisque j'ai le plaisir d'avoir sous les yeux l'honorable général Chazal qui, je le déclare, m'inspire une sympathie toute particulière, je lui rappellerai encore un souvenir.
Lorsque je suis entré pour la première fois dans cette Chambre, l'honorable général Chazal y était aussi, C'était à une époque de trouble où l'Europe était au moins aussi agitée qu'elle l'est aujourd'hui et où la Belgique était autrement menacée qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Aujourd'hui elle ne l'est encore que dans quelques journaux tout au plus ; à cette époque elle l'était effectivement.
Nous étions attaqués, envahis. Nous avions à repousser une invasion, pas bien sérieuse, je le veux bien, mais une invasion qui par son origine et ses conséquences possibles constituait pour la Belgique un danger bien plus grand que celui dont elle est menacée aujourd'hui.
Or à cette époque le budget de la guerre, tout compris, s'élevait à 26 millions 700,000 ou 800,000 fr.
- Un membre. - Environ.
M. Coomans. - A coup sûr, il n'atteignait pas le chiffre de 27,000,000 et je me rappelle parfaitement que l'honorable M. Chazal, très bon patriote répondant à de bons patriotes, déclarait que ce chiffre suffisait et que même il s'efforcerait de faire des économies sur ce chiffre de 26 à 27 millions.
L'année suivante, alors que le danger n'avait pas disparu et l'année subséquente encore alors que le danger persistait, de bons patriotes de cette Chambre, la majorité de la gauche, et je me suis joint à elle, trouvaient que ce budget était beaucoup trop élevé et exigeaient que le chiffre du budget général fût réduit à 25 millions au plus.
J'approuvais beaucoup ce langage, ce qui n'est pas surprenant de ma part ; mais il fut approuvé également par les trois honorables ministres à qui j'ai le plaisir de m'adresser en ce moment. Ils déclaraient qu'il était bon de faire des études sérieuses pour examiner s'il n'y avait pas moyen de réduire le budget à 25 millions.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - De faire examiner la question.
(page 298) M. Coomans. - Oui, de faire examiner la question, avec le désir de la résoudre dans un sens d'économie ; bref, vous considériez la chose comme praticable, comme soutenable.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Comme bonne, si c'était possible.
M. Coomans. - Comme désirable, sinon il est vraisemblable que vous ne l'auriez pas étudiée. Si le chiffre de 25 millions ne vous paraissait pas désirable, vous vous seriez refusé à l'étudier et vous auriez bien fait.
Mais vous faisiez plus que de promettre une étude sérieuse ; vous disiez unanimement qu'il entrait dans vos vues de réduire le budget à 25 millions. La phrase est officielle.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - On a répondu vingt fois à cela.
M. Coomans. - On a répondu vingt fois, mais si l'on n'a pas répondu une seule fois bien, je puis bien poser la question une vingt et unième fois, d'autant plus que j'arriverai à une conclusion.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est vous qui avez inventé ce thème.
M. Coomans. - Comment ! c'est moi qui ai dicté vos programmes, vos lettres et vos discours ! Cela est bien fort.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demande la parole.
M. Coomans. - Je ne rappelle pas cette histoire qui, hélas ! est devenue de l'histoire ancienne pour me donner le triste et stérile plaisir de vous embarrasser. J'en parle pour arriver à une solution pratique.
Eh bien, donc, si en 1848 et 1849, alors, je le déclare, que l'état de l'Europe devait nous inspirer moins de confiance qu'aujourd'hui, vous pensiez que le budget normal de la guerre pouvait être réduit à 25 millions, puisque ce chiffre-là était dans vos vues, ne trouvez pas étonnant que nous pensions aujourd'hui que le chiffre de 32 à 33 millions pourrait suffire, et qu'il y ait répugnance de notre part à voter sans cesse des crédits extraordinaires qui élèvent le budget de la guerre au chiffre nominal moyen, non pas de 32 millions, mais de 43 millions, sans compter les fortifications d'Anvers, et sans compter les nouvelles dépenses qui seront proposées pour le matériel de l'artillerie.
Car, messieurs, voilà à quoi servent les crédits spéciaux qui, dans beaucoup de cas, sont aussi perfides que les transferts. Ils servent à enfler démesurément le budget, presque à l'insu de la Chambre. Nos dépenses militaires étaient, en moyenne, l'an dernier, depuis 1852, de 43 millions, le tiers des ressources de la Belgique, le chemin de fer déduit, parce qu'il exige des dépenses à peu près équivalentes.
Eh bien, ce chiffre est trop fort. Je ne puis pas le voter, je ne le voterai jamais.
L'honorable ministre de la guerre voit que j'ai d'autres raisons que des raisons de formalité et de règlement pour m'opposer à la somme qu'il nous demande et qui est l'avant-coureur de l'énorme somme qui nous est annoncée.
Du reste, je veux bien, messieurs, me placer un instant au point de vue des hommes d'Et3a et des officiers très distingués qui ont cru nécessaire d'élever au chiffre de 32 à 33 millions le coût normal de notre établissement militaire. Mais je fais ici un appel à la mémoire et à la loyauté de la Chambre tout entière. Lorsque le chiffre de 32 à 33 millions nous a été soumis comme devant être en quelque sorte la mesure définitive de nos dépenses militaires, il était bien entendu que ce budget comprendrait toutes les dépenses militaires, et qu'avec cette somme annuelle de 33 millions, il serait fait, face à tous les besoins de notre établissement militaire. Cela a été déclaré plusieurs fois dans cette enceinte, et le bon sens dit que telle était la pensée du gouvernement et de la grande majorité qui a voté ce chiffre normal.
Or, messieurs, par des moyens détournés, je le dis sans attaquer personne, on est arrivé à un chiffre normal annuel moyen de 43 millions. Je le répète, c'est beaucoup trop. Le Congrès et les Chambres n'ont jamais songé à faire de la Belgique une puissance militaire. Le rôle de la Belgique neutre et libre était tout autre.
Voilà, messieurs, quelques-unes des observations que j'aurais faites, si M. le ministre de la guerre était arrivé avec le gros projet qu'il nous a annoncé. Je suis forcé de les présenter aujourd'hui à propos du transfert demandé.
Et, permettez-moi de le dire, je crois que c'est pour éviter de pareils souvenirs et de pareilles discussions que l'on vient souvent nous proposer des transferts au lieu de demander des crédits spéciaux, et surtout que l'on a soin de diviser toujours les crédits spéciaux et de nous les faire voter par quantités infinitésimales.
Il faudrait que la dépense jugée nécessaire nous fût proposée en une fois, globalement, qu'on la fondât sur toutes les bonnes raisons qu'on a à alléguer et qu'on ne vînt pas nous engager de temps à autre à voter, dirai-je, les budgets par petits morceaux. Il y a, comme on le dit à côté de moi, une sorte d'engagement pris, quand on vote une dépense quelque petite qu'elle soit, qui doit être suivie de beaucoup d'autres pour le même objet.
Je regrette beaucoup que l'honorable ministre de la guerre n'ait pas ajourné sa demande actuelle jusqu'à l'époque où il nous aurait fait l'autre ; je regrette, puisque la discussion est entamée aujourd'hui, qu'elle ne porte pas sur le tout ; nous aurions procédé plus vite et d'une manière plus approfondie.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je regrette infiniment que l'honorable préopinant ait cru devoir, à propos des petites et insignifiantes questions qui étaient soulevées d'abord, provoquer une discussion dont le caractère serait fâcheux et qui me semble fort inopportune.
L'honorable membre a cru utile aujourd'hui de renouveler une vieille querelle vidée depuis longtemps.
M. Coomans. - Non 1 non ! de tout ! On a vidé les poches, oui.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - ... Une vielle querelle vidée depuis longtemps et qui avait été pendant de longues années envenimée par les plus violentes et les plus haineuses animosités de parti.
On avait trouvé bon, à certaine époque, de représenter le gouvernement comme voulant sacrifier l'armée.
M. Coomans. - Moi pas, M. le ministre, au contraire.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous comme les autres.
M. Coomans. - Moi ! jamais !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Et je vais vous rappeler votre histoire.
M. Coomans. - Faites cela.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, pendant de longues années à partir de la conclusion de nos arrangements avec la Hollande, on a défendu dans cette Chambre l'opinion que notre état militaire était établi sur un pied trop considérable. On a soutenu que le budget de la guerre pouvait être réduit, qu'il pouvait être établi d'une manière normale à 2S millions de fr. Cette opinion a pris naissance sur les bancs de la droite et y a trouvé un défenseur inébranlable, convaincu, eu l'honorable M. Brabant (interruption), aidé par l'honorable M. Dumortier qui m'interrompt en ce moment.
M. B. Dumortier. - C'est inexact, complètement inexact.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne dis pas que toute la droite fut de cette opinion ni qu'elle fut seule de cette opinion ; il y avait également sur les bancs de la gauche certains membres (interruption), beaucoup, si vous le voulez, qui étaient du même avis. Mais cette opinion est née sur les bancs de la droite et elle a été vigoureusement défendue par d'honorables membres qui siègent de ce côté de la Chambre.
M. B. Dumortier. - C'est inexact.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Elle a été défendue, je le répète, par 1 honorable M. Brabant ; elle avait été produite et défendue énergiquement par lui dans la Chambre. En 1843, elle se formula définitivement ; un vote décisif eut lieu, et quoique le ministre de la guerre de l'époque eût déclaré qu'il lui était impossible de répondre de la sécurité du pays avec l'armée qu'on voulait lui imposer par le budget réduit, le ministre de la guerre fut renversé par un vote formel de la Chambre, l'honorable M. Brabant en tête de l'opposition, suivi de l'honorable M. Dumortier.
M. B. Dumortier. - Je vous expliquerai cela.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La question ne fut cependant pas résolue à cette époque. Elle se représenta dans la discussion du budget de la guerre, et pour essayer de la résoudre, on proposa une loi d'organisation en 1845. On croyait avoir satisfait par là à toutes les exigences de la Chambre. Il n'en fut rien ; il y eut de nouvelles discussions ; les conditions de notre établissement militaire furent de plus en plus contestées, et telle était encore la situation en 1847, lorsque nous arrivâmes au pouvoir.
En1847, en 1849, en 1850, chaque année, nous avons combattu, moi tout le premier, de la manière la plus vive, la réduction réclamée du budget de la guerre. Mais les circonstances devinrent de plus en plus difficiles.
(page 299) Les ressources du trésor étaient insuffisantes ; il fallait en demander de nouvelles. Une fraction de la majorité refusait de les voter aussi longtemps que des réductions ne seraient point opérées sur le budget de la guerre. La droite était résolue à refuser les impôts que proposait le cabinet.
Il devenait dès lors impossible au gouvernement de diriger les affaires s'il ne parvenait pas à reconstituer la majorité, le seul appui sur lequel il pût compter.
Que fit alors le gouvernement ? Vint-il proposer la réduction du budget de la guerre ? Eu aucune façon ; Il déclara, comme tous les gens de bon sens sont prêts à le déclarer, que s'il était possible de constituer une armée telle que l'exigeait la situation de la Belgique au moyen d'une somme de 25 millions, il était préférable que cela fût, et je dis encore aujourd'hui que s'il était possible d'assurer la défense du pays avec 25 millions plutôt qu'avec 32 millions, je m'arrêterais assurément au chiffre le moins élevé.
Mais, s'il entrait dans nos vues de réaliser toutes les économies compatibles avecune bonne organisation de l'armée, nous n'avions aucun élément pour nous décider avec sécurité ; et quel fut le parti auquel nous nous arrêtâmes ?
Nous fîmes une proposition qui ne fut pas accueillie unanimement, il est vrai, par nos amis, mais qui réunit une immense majorité ; ce fut de soumettre à l'examen d'une commission mixte toutes les questions relatives à notre établissement militaire.
Et grâce à ce compromis, loyalement accepté par nos amis, nous avons conservé une majorité qui a voté tous les impôts nécessaires ; nous avons obtenu cet immense résultat, que, depuis lors, les conditions de la constitution de l'armée, son organisation et son budget ont été acceptés, sans contradiction nouvelle, par la Chambre et par le pays. C'est là notre justification. Depuis lors jusqu'à ce jour, on n'a plus remis en question ce qui a été décidé. C'est aujourd'hui - et l'heure est singulièrement choisie - qu'il nous faut entendre des plaintes sur les dépenses de notre état militaire.
Or, messieurs, que signifie cette discussion ? Entend-on marchander la défense du pays ?
M. Coomans. - Non.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Alors à quoi bon ces récriminations !.
Avez-vous quelque article à indiquer qui constitue une dépense excessive et qu'il faille supprimer ? Dites-le. Et si vous n'indiquez rien, nos paroles ne sont que de vaines et vagues déclamations que vous jetez en pâture au public. Vous affirmez que l'on dépense trop ; vous faits entendre que l'on gaspille des millions, que l'on dépense des millions inutilement ! Qu'en savez-vous ? E tsi vous ne le savez pas, pourquoi le dites-vous, Ou si vous le savez, pourquoi ne précisez-vous pas ce qui devrait être réduit ou supprimé ? Si vous connaissez quelque chose à cet égard, et si vous vous taisez, nous ne faites pas acte de bon citoyen.
A quel prix, au surplus, estimez-vous l'honneur et l'indépendance du pays ? Combien, à votre sens, faut-il prendre au trésor pour satisfaire à ees grands intérêts ?
Et songez donc au temps où nous vivons !
Est-ce que, messieurs, depuis trente ans, depuis quarante ans, l'Europe a été dans la situation où elle se trouve aujourd'hui ?
Vous avez parlé des convulsions de 1848 et de 1849 ; est-ce qu'il y a la moindre analogie entre ces deux situations ?
Alors, des pays étaient agités, il y avait des révolutions ; mais où étaient les craintes d'une guerre générale ? Ce n'était pas là ce qui inquiétait et troublait le continent. Et aujourd'hui lorsque tout le monde est en armes, lorsque nul ne sait quel sera le lendemain ; lorsque de tous côtés on n'entend que de préparatifs de guerre ; lorsque des appréhensions sinistres jettent l'inquiétude dans les esprits ; lorsqu'on marque en quelque sorte l'époque où peut-être la guerre générale embrasera l'Europe, vous vous livrez à des déclamations sur les dépenses de notre établissement militaire !
Messieurs, je crois que l'honorable membre se trompe singulièrement s'il croit répondre ainsi au véritable sentiment du pays ; je crois, moi, que le pays accuserait hautement le gouvernement qui hésiterait à proposer aux Chambres tout ce qui serait nécessaire pour assurer l'indépendance nationale.
- Des membres. - Très bien !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Que nous importent, après tout, quelques millions de plus ou de moins quand il s'agit d'un si grand intérêt ; qu'importe d'avoir dépensé, comme vous le dites avec une exagération que rien ne justifie, d'avoir dépensé annuellement 43 millions pour notre établissement militaire ? Cela fût-il vrai, qu'importerait si telle était la condition de notre sécurité ? Mais cela n'est pas conforme à la vérité. Où sont vos chiffres pour prouver votre assertion ? Vous n'en produisez pas.
On a voté des crédits extraordinaires ! mais a-t-on supposé, comme vous venez de le faire tout à l’heure ; a-t-on supposé, lorsqu'on a fixé à 32 millions le chiffre ordinaire du budget de la guerre, qu'on n'aurait jamais à demander des crédits pour renouveler le matériel de l'artillerie, que jamais on n'aurait à faire des fortifications ?
S’il fallait se mettre sur le pied de guerre, vous imaginez-vous que ce soit avec une dépense de 32 ou 43 millions qu'on pourrait satisfaire aux nécessités de la défense nationale ? Ne vous faites pas illusion : il faudrait augmenter de beaucoup les sommes qui sont votées aujourd'hui.
Et quant à nous, nous déclarons dès à présent que nous n'hésiterions pas à venir demander aux Chambres ces dépenses, et même à engager notre responsabilité pour en prendre l'initiative, si les Chambres n'étaient pas réunies. (Applaudissements dans les tribunes.)
Maintenant que la discussion a été posée sur un tout autre terrain, je ne crois pas devoir revenir sur les petites questions qui ont été soulevées au commencement de ce débat.
Je m'arrête donc sans m'occuper de nouveau du transfert. La Chambre a pu apprécier les raisons que j'ai fait valoir. Du reste, déjà ce qui est un grand grief, aux yeux de la section centrale, me semble s'évanouir complètement, en présence des explications données par l'honorable M. Coomans. Cet honorable membre est le premier à reconnaître qu'il n'y a aucune différence entre un transfert et un crédit spécial.
Quant à la question du transfert du budget d'un exercice au budget d'un autre exercice, soulevée par l'honorable M. Coomans, j'avais pris soin de ne pas en dire un mot, par la raison toute simple que c'était une autre vétille, passez-moi le mot, qui ne méritait pas d'occuper un instant la Chambre.
Mais au fond il n'est pas régulier de transférer du budget d'un exercice au budget d'un autre exercice. C'est jeter la confusion dans la comptabilité.
En outre, la Chambre n'a jamais admis qu'une section centrale, saisie d'un projet de loi, put venir vous proposer tout autre chose, sous prétexte d'amendement, car si la section centrale peut proposer de transférer une somme du budget de la guerre de 1860 à celui de 1861, elle peut, au même titre, proposer un transfert du budget de la guerre, à celui de l'intérieur ou à celui des affaires étrangères. Or, cela serait complètement inadmissible.
Mais je n'ai pas voulu insister, parce que je suis convaincu que l'opinion de l'immense majorité de la Chambre sera conforme à celle du gouvernement.
M. le président. - Je dois rappeler aux tribunes que leur premier devoir est de garder un religieux silence en assistant aux délibérations du parlement. Si des applaudissements se manifestaient encore dans les tribunes, je les ferais immédiatement évacuer.
- Des membres. - Très bien t
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, je regrette que la discussion, qui n'était qu'une discussion d'affaires, ail dégénéré en quelque sorte en un débat politique. Sans vouloir prolonger ce débat, j'éprouve cependant le besoin de répondre aux honorables MM. Coomans et Goblet.
L'honorable M. Coomans a dit tout à l'heure que, pendant mon premier ministère, je me contentais d'un budget de 27 millions et demi.
Je répondrai à l'honorable membre que chaque année j'ai déclaré à la Chambre que cette somme n'était pas suffisante, mais que je m'en contentais, parce que je n'entrevoyais pas la possibilité d'obtenir davantage. On ne peut se dissimuler qu'à cette époque, la majorité de la Chambre désirait des réductions. Les convictions relativement aux nécessités de l'état militaire n'étaient pas arrêtées et il y avait à la fois sur les bancs de la droite et sur ceux de la gauche de grands partisans des économies et de zélés défenseurs de l'armée.
Il est très vrai que l'honorable M. Brabant était un des hommes qui demandaient le plus d’économies ; mais il est très vrai également que l'honorable comte Félix de Mérode soutenait toujours énergiquement l'armée, et je me rappelle son appui avec une profonde reconnaissance.
A cette époque, j'ai fait observer aux partisans des économies, qui demandaient la révision de notre organisation militaire, que si on nommait une commission composés d'hommes compétents on serait (page 300) amené à faire une dépense beaucoup plus considérable, et qui serait de 32 millions au moins. On ne voulait pas me croire. Une commission a été instituée.
On y a fait entrer les partisans des économies et ils ont reconnu que cette somme était nécessaire.
La Chambre l’a toujours votée depuis, et il est passé en force de chose jugée, maintenant, que le budget de la guerre doit s'élever à 32 millions.
Je ne vois donc pas quelle inconséquence l'honorable M. Coomans peut trouver entre l'attitude que j'ai prise en 1847 et 1848 et celle que je prends aujourd'hui.
L'honorable M. Coomans me fait encore un grief de demander un crédit spécial pour l'artillerie, comme si les besoins de cette arme venaient de naître.
J'ai déjà exposé que ces besoins sont anciens, qu'ils ne peuvent plus être méconnus, et que c'est par des crédits spéciaux que la Chambre a entendu y pourvoir.
Mais, dit l'honorable M. Coomans, puisque vous vous proposez de demander incessamment un crédit considérable, pourquoi n'y ajouteriez-vous pas les 600,000 fr. en discussion ?
J'ai déclaré, messieurs, que je ne me suis pas trouvé en mesure jusqu'ici de demander ce crédit considérable, parce que je ne pouvais évaluer encore la dépense à faire pour la construction du nouveau matériel, du système d'artillerie qui serait adopté.
Il est évident que le gouvernement ne pouvait s'arrêter d'emblée à un système.
Il fallait qu'il sût positivement et formellement à quoi s'en tenir sur le système qu'il adopterait. Il y a trois grands systèmes en présence, le système français, le système anglais et le système allemand. Ces trois systèmes d'artillerie sont complètement différents, et cependant chacun d'eux a une très grande valeur.
Mon devoir, comme ministre de la guerre, est de procurer au pays le système le plus avantageux et le plus économique. Il y avait pour remplir ce but de grandes recherches à faire, recherches d'autant plus difficiles que toutes les puissances s'entourent d'un mystère absolu et que, malgré toutes nos démarches, nous ne parvenons pas à découvrir ce qui a été fait à l'étranger.
Depuis ma rentrée aux affaires, je n'ai pas cessé un instant de provoquer et d'ordonner des recherches et des expériences de toute nature.
Nos efforts ont été couronnés de succès et après de laborieux et incessants travaux, nous en sommes arrivés, j'en ai la conviction, à la détermination d'un système d'artillerie répondant à toutes les nécessités, et qui sera plus économique que ceux qu'on a proposés jusqu'à présent.
Mais là ne s'est pas bornée notre tâche ; après l'adoption du système, il a fallu songer à l'outillage, aux machines et aux approvisionnements nécessaires pour le créer. Ces divers points ont exigé de nouvelles études, de nouvelles recherches et c'est seulement dans ces derniers jours que nous sommes parvenus à les éclaircir et à nous fixer sur le chiffre présumable de la dépense.
Voilà pourquoi je n'ai pas encore demandé un crédit considérable ; mais, comme dans la situation actuelle de l'Europe, il y a des approvisionnements, indépendants du système d'artillerie, que nous ne pouvons nous dispenser de faire, je n'ai pas hésité à vous demander les fonds nécessaires pour y pourvoir immédiatement.
L'honorable M. Goblet prétend que ces approvisionnements doivent exister en magasin ; mais si tous les approvisionnements existaient, on n'aurait pas eu à constater les besoins de l'artillerie ; c'est principalement parce que les approvisionnements ne sont pas complets et qu’entre autres objets cités par l'honorable membre, il nous manque du plomb et du papier qui entreront pour une proportion considérable dans la confection du nouveau matériel, qu'il est indispensable et urgent de s'en procurer.
Il faut avoir ces objets, les préparer, et les mettre en œuvre pour ne pas retarder la construction du matériel.
Il est évident que si nous possédions ce qui nous manque nous ne demanderions pas d'argent pour nous le procurer.
Si l'honorable M. Goblet connaissait la situation des choses et avait une simple idée du nouveau système d'artillerie, il saurait que les objets dont j'ai soumis la nomenclature sont d'une indispensable nécessité.
Je dois encore répondre un mot à l'honorable M. Goblet. Je disais tout à l'heure que dans le rapport de la section centrale il y avait des reproches à l'adresse du gouvernement et des insinuations sans doute involontaires.
M. Goblet. - Vous n'avez pas dit involontaires.
- Plusieurs voix. - Si ! si ! il l'a dit.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - L'animation avec laquelle l'honorable M. Goblet s'en défend, me prouve que ces insinuations out été involontaires ; cependant je puis, le rapport à la main, prouver qu'elles existent.
En effet, je lis dans ce rapport les phrases suivantes :
« Dans une telle situation il importe que les instructions du département de la guerre, dont la loyauté ne peut être mise en suspicion, aient également et avant tout le même cachet, quand elles se traduisent en faits... Il ne faut donc pas qu'on puisse supposer qu'on cherche à dissimuler toute l'étendue des exigences de la position qui nous est faite. »
Je pourrais citer d'autres phrases de ce genre, mais je crois que je n'ai pas besoin d'insister sur ce point.
Lors de la discussion des fortifications d'Anvers, je crois vous avoir parlé avec une entière franchise. Je vous ai offert communication de tous les documents officiels relatifs à cette affaire, je me suis rendu dans les sections pour répondre à toutes les objections, j'ai fait tout ce que j'ai pu pour vous satisfaire sur tous les points. Lorsque je présenterai le projet de crédit pour le matériel de l'artillerie, je suivrai la même marche, je me mettrai à votre disposition, je vous donnerai tous les éclaircissements que vous désirerez, et vous déciderez cette grande et importante question avec connaissance de cause.
Quant à la demande de transfert actuelle, je persiste à croire qu'elle est régulière et opportune.
Si vous reconnaissez, messieurs, comme je n'en doute pas, qu'il est urgent de transformer notre matériel d'artillerie, vous voterez ce transfert avec l'assentiment du pays, car je suis certain que le pays tient à ce que l'armée puisse faire face à toutes les éventualités et à ce qu'elle ne se trouve pas, sous le rapport du matériel, dans un état d'infériorité relative.
M. B. Dumortier. - Messieurs, j'ai été cité comme le promoteur d'une chose qui a été qualifiée de mauvaise, de criminelle contre la nationalité. La Chambre me permettra donc de répondre.
Je commence par féliciter du plus profond de mon cœur l'honorable ministre des finances de la conversion qui s'est opérée en lui. Quand on a commis une faute, il est toujours bien qu'on se convertisse à de meilleurs principes, et cela est surtout très heureux et très honorable quand c'est pour arriver à des sentiments du plus pur patriotisme comme ceux qui ont été exprimés dans cette enceinte.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demande la parole !
M. B. Dumortier. - Je félicite donc l'honorable membre de cette conversion qui l'honore. Mais je ne crois pas cependant que lorsqu'on fait soi-même une conversion, lorsqu'on renie ses précédents pour développer des principes nouveaux, il soit nécessaire de déverser le blâme sur la partie de l'assemblée dans laquelle on ne siège pas, et sur quelques orateurs en particulier.
Je ne crois pas surtout qu'il soit nécessaire de le faire contre toute vérité, lorsqu'il existe, heureusement pour nous, des Annales parlementaires qui donnent le démenti le plus formel à tout ce qui a été dit dans cette séance par l'orateur auquel je réponds.
L'honorable membre pour Liège a osé dire que le projet de réduire le budget de la guerre à 25 millions de francs était le fait de l'opinion conservatrice, que cette pensée était née sur les bancs de la droite, et après avoir présenté celui qui vous parle comme l'un de ceux qui voulaient désorganiser l'armée, il s'est présenté, lui, comme ayant sauvé l'armée et avec elle le sentiment national des attaques du grand parti conservateur qui, suivant lui, aurait marchandé la nationalité elle-même.
Eh bien, cela est complètement inexact, entièrement contraire aux vérités historiques consignées dans les Annales parlementaires.
Qui a été l'auteur, le premier auteur, l'unique auteur du budget de 25 millions ? C'était un ministre qui n'a jamais appartenu qu'au parti libéral, qui n'a jamais cessé de siéger un seul instant sur les bancs de la gauche.
- Une voix. - Qui était-ce ?
M. B. Dumortier. - C'était M. Charles de Brouckere.
Voilà l'unique auteur du budget de l'armée réduit au chiffre de 25 millions ; il est donc contraire à la vérité de venir déclarer ici que le budget, que cette pensée était née sur les bancs de la droite, alors que c'est un des hommes les plus éminents de l'opinion libérale qui lui a donné le jour.
(page 301) Mais, dit l'honorable membre, c'est sur les bancs de la droite qu'on a demandé, qu'où a voulu le budget à 25 millions Ce sont les honorables MM. Brabant et Dumortier qui l'ont voulu ; en 1843 un vote formel eut lieu.
Je dis que de deux choses l'une : ou bien l'honorable membre n'a jamais su ce qui s'était passé dans cette Chambre en 1843, ou bien il n'a point dit ce qui s'y est passé quand il s'est exprimé de la sorte.
Nous voulions, en 1843, remplir une prescription de la Constitution. La Constitution nous obligeait à avoir une loi d'organisation de l'armée.
Cette loi n'existait pas depuis 13 ans et le ministre de la guerre d'alors refusait obstinément à la présenter. Ce n'était point pour créer un budget normal de telle ou telle manière que la discussion était engagée avec lui, c'était pour avoir une loi d'organisation de l'armée, et c'est pour cela qu'un vote a eu lieu sur un amendement de détail.
L'honorable général de Liem a quitté le ministère pour s'être opposé à ce qu'il y eût une loi d'organisation de l'armée et c'est le général Dupont qui, lui ayant succédé, est venu la présenter ensuite.
Pourquoi vouloir cette loi ?
Etait-ce pour désorganiser l'armée. Mais c'est précisément le contraire, c'étiat pour constater, pour consacrer ses droits par une loi, pour rendre sa position certaine et la mettre à l’abri de toutes ces discussions et faire cesser l’arbitraire ministériel.
Voilà ce que faisait cette droite, cette droite patriotique, que vous accusez aujourd'hui d'avoir voulu détruire l'armée !
L'armée le savait, elle savait où étaient ses défenseurs. Ce que nous voulions c'était donner à l'armée la charte que la Constitution exigeait et qu'on refusait de lui donner.
En 1847 eut lieu l'installation de la politique nouvelle. Nouvelle, en effet, car c'était l'antithèse de la politique de 1830, de toutes les traditions nationales de notre régénération politique. C'est alors que le ministère dont l'honorable membre faisait partie, présenta comme son programme, de ramener le budget de la guerre au chiffre de 25 millions de francs.
Qui donc est venu présenter à la Chambre cette note fameuse qui existe encore dans les annales du parlement ?
Qui est venu lire cette note fameuse que j'ai sous les yeux ?
Il y est dit que le vœu du gouvernement dont vous étiez membre était de ramener le budget de la guerre à 25 millions, en faisant cette réduction dans le terme de trois années. Qui est venu lire cette déclaration de principe, ce programme ministériel dans la séance du 17 janvier 1851 ? C'est l'orateur auquel je réponds, l'honorable M. Frère, le même qui nous accuse aujourd'hui d'avoir voulu désorganiser l'armée !
Nous, désorganiser l'armée ! Répondez : Est-ce nous qui siégions en 1851, est-ce nous qui avions la majorité ? N'était-ce pas vous, le dictateur de la gauche ?
En 1850, déjà une grande lutte avait eu lieu, souvenez-vous-en, l'honorable M. Chazal qui était là, l'a soutenue avec le cœur que vous savez.
Quels étaient alors les défenseurs de l'armée ? Rappelez-vous le vote. C'était toute la droite avec un petit nombre de membres de la gauche.
Dans cette lutte, qui donc s'est porté défenseur de l'armée ? Rappelez-vous les votes ; c'était la droite ; oui, toute la droite avec un petit nombre de membres de la gauche. C'est nous alors qui avons sauvé l'armée contre la hache que vous vouliez y porter !
Et qu'êtes-vous venu dire l'année suivante, le 17 janvier 1851, lors de la discussion du budget de la guerre ? Vous êtes venu dire qu'il ne convenait pas à votre dignité, à vous, ministère libéral, d'avoir, dans une question toute nationale, l'appui de patriotes comme nous. Vous êtes venu dire que vous ne vouliez pas d'un appui équivoque, comme si l'appui de notre patriotisme avait jamais été équivoque. Vous ne vous êtes pas borné à cela ; vous êtes venu dire qu'il y avait un intérêt bien supérieur à tous les autres, c'était que le parti libéral ne fût pas divisé.
Et c'était, disiez-vous, pour que le parti libéral ne fût pas divisé, que vous vouliez réduire le budget de la guerre à un chiffre que vous appeliez de transaction et qui n'était autre que le chiffre de 25 million : ! Et c'est nous que vous osez venir accuser, lorsque ce sont vos actes que je cite en ce moment !
La note que vous avez présentée alors est inscrite aux Annales parlementaires : « Les vues du cabinet, disiez-vous, sont, ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire à la section centrale, d'arriver à ramener le budget normal de l'armée, sur le pied de paix, au chiffre de 25 millions, d'atteindre ce chiffre par des réductions successives réparties sur un espace de trois ans. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Voulez-vous lire toute la note ?
M. B. Dumortier. - On peut la lire tout entière. Mais contestez-vous cette phrase ? Je puis lire toute la note, mais il n'en est pas moins vrai que vous vouliez réduire le budget de la guerre à 25 millions.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ce sont des inventions de parti. Ce sont des mensonges.
- Plusieurs membres. - A l'ordre !
M. B. Dumortier. - M. le président, je demande si de pareilles expressions sont permises dans cette assemblée.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous venez de vous servir des mêmes expressions.
M. B. Dumortier. - Je ne m'en suis pas servi. Ce langage n'est pas dans mes usages ; il n'est pas dans mon dictionnaire ; je le laisse aux hommes soi-disant modérés du gouvernement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous avons répondu depuis des années à ces mensonges.
M. le président. - M. le ministre, je ne puis pas laisser dire que l'on profère ici des mensonges. Veuillez-vous expliquer.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je dis que l'on nous impute l'intention formelle d'avoir voulu réduire le budget de l'armée à 25 millions, et je dis que ce sont des mensonges.
M. de Theux. - C'était le programme du cabinet.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Du tout.
M. B. Dumortier. - Je me borne à lire la pièce jusqu'au bout. Vous n'ayez rien à gagner à cette lecture :
« Monsieur le président.
« Les vues du cabinet sont, ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire à la section centrale, d'arriver à ramener le budget normal de l'armée, sur pied de paix, au chiffre de 25 millions de francs, et d'atteindre ce chiffre par des réductions successives réparties sur un espace de trois ans.
« Le ministre de la guerre déclare qu'il est prêt à introduire et à rechercher toutes les économies qu'il reconnaîtra possible de faire, sans porter atteinte à la force organique de l'armée.
« Il propose dès maintenant une première réduction pour 1851 ; il continuera de rechercher les économies qu'il jugera possibles ; mais il ne croit pas opportun de faire connaître en ce moment sur quelles bases il se propose d'opérer.
« Il n'a en vue que le bien de l'armée ; il serait heureux d'arriver à une solution qui, en maintenant la force publique sur un pied respectable, tiendrait désormais l'institution de l'armée en dehors de tout débat.
« Veuillez agréer, etc. »
Voilà, messieurs, la note du gouvernement, le programme du gouvernement en 1851 sur la question de l'armée. Jugez si c'est un mensonge. Et pour rendre plus évident le programme du ministère libéral, M. Frère, après avoir donné lecture de la note du général Brialmont, ajoutait dans cette même séance du 17 janvier 1851 : L'honorable général a déclaré qu'il était disposé à entrer dans les vues du cabinet ; en présence de cette intention, manifestée par nous, de ramener le chiffre du budget de la guerre à 25 millions de francs, si c'est un crime de parler du budget de la guerre ramené à 25 millions, M. le ministre de la guerre est notre complice, » et plus loin : « M. le ministre de la guerre s'est mis à l'œuvre, qu'a-t-il fait, il a réalisé la première partie de notre programme, il a proposé un budget portant le premier tiers des réductions que nous avions demandées. » La réduction du budget de la guerre au chiffre de 25 millions était donc votre fait, c'était, comme vous le disiez vous-même, le programme de votre ministère.
Je vous l'ai dit, le ministère d'alors qui est le même que celui d'aujourd'hui, voulait tenir l'armée en dehors du débat. Et pourquoi ?
Parce que son parti voulait cette réduction et qu'il regardait l'appui patriotique que nous avions donné à l'armée comme une équivoque ; parce qu'il ne voulait pas de division dans le parti libéral dont il était le représentant et parce que, ajoutait-on, l'union du parti libéral était avant tout la chose qu'il fallait sauver même aux dépens de l'armée, c'est-à-dire qu'une question de parti dominait, écrasait la grande question nationale qui trouve aujourd'hui dans M. Frère un si brillant défenseur.
Mais ce n'est pas tout. Que s'est-il passé ? Ne nous rappelons-nous pas encore le jour où, dans cette enceinte, un grand conflit éclata (page 302) entre l'honorable général Brialmont, ministre de la guerre, et M. le ministre des finances qui vient de parler ? Ne vous rappelez-vous pas encore cette scène dans laquelle l'un et l'autre disaient qu'ils ne voulaient pas accepter la position qui leur était faite réciproquement ? Ne vous rappelez-vous pas que l'honorable général Brialmont donnait sa démission, ne voulant pas rester à son poste pour démolir l'armée, comme le voulait M. le ministre des finances ? Et ne vous rappelez-vous pas ces belles paroles prononcées par un homme de 1830 qui n'a jamais failli dans les questions de patriotisme, par l'honorable M. Devaux que je suis heureux de citer en cette circonstance ; lorsqu'il disait dans cette grande discussion, dans cet immense débat : Je me sépare de vous, parce qu'il vaut mieux se séparer que s'égarer !
Messieurs, qu'on ne vienne dons plus nous accuser, nous qui avons été les soutiens, les seuls soutiens sérieux de l'armée, avec un certain nombre de membres de la gauche, et je le déclare, les membres les plus éminents. Mais surtout qu'on ne nous accuse pas d’être les auteurs des actes qu'on désapprouve, alors qu'on les a posés soi-même, de ces actes qu'on a voulu poser par esprit de parti et dont on semble rougir aujourd'hui.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, la Chambre nous rendra cette justice de reconnaître que nous n'avons pas provoqué ce débat. Il a été ouvert sans aucune raison, par les violentes provocations de l'honorable M. Coomans.
M. Coomans. - Violentes ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oui, incontestablement. Vous nous avez accusés d'être infidèles à nos antécédents, à nos principes ; vous nous avez accusés de ne pas persévérer dans cette opinion prétendue que nous aurions eue, qu'il fallait réduire le budget de la guerre à 25 millions. Cela est-il vrai, oui ou non ?
M. Coomans. - Cela est vrai, mais cela n'est pas violent.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est ainsi que vous vous croyez modéré, comme l'honorable M. Dumortier.
Nous n'avons, messieurs, rien fait autre chose que nous défendre. Nous avons fait de l'histoire aussi brièvement que nous l'avons pu, en parlant de faits incontestables et qui viennent d'être incroyablement dénaturés par l'honorable M. Dumortier.
M. B. Dumortier. - Il faut arracher les pages du Moniteur alors.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). -- J'ai expliqué comment l'idée d'un budget de 25 millions, une espèce de chiffre fatal, était née dans la Chambre ; comment elle y avait été accréditée, comment développée, comment défendue et par qui défendue. J'ai rappelé qu'on était arrivé en 1843 à faire une proposition formelle de réduction du budget de l'armée pour arriver précisément à ce chiffre de 25 millions et que cette proposition fut votée par M. Dumortier et ses amis.
Que vous dit aujourd'hui l'honorable M. Dumortier qui cherche à effacer ce vote inscrit dans nos annales ?
Ce n'était pas une réduction du budget de la guerre que nous demandions, c'était une loi d'organisation que nous réclamions ! Et voilà pourquoi nous avons réduit le budget et renversé le ministre de la guerre ! J'avoue qu'il faut avoir toute l'assurance de l'honorable M. Dumortier pour oser expliquer ainsi un pareil vote.
M. B. Dumortier. - Lisez dans le Moniteur. C'est imprimé.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est imprimé que le ministre de la guerre, l'honorable général de Liem nous disait : « Votre proposition de réduction met en péril l'armée ; vous allez sacrifier plus de mille officiers ; » il est imprimé que, nonobstant cette déclaration du ministre de la guerre, vous avez voté la réduction et vous avez renversé le ministre.
M. B. Dumortier. - Pour avoir l'organisation.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ainsi vous n'aviez d'autre moyen d'obtenir l'organisation que de décider, hic et nunc, sans examen, que le budget de la guerre serait réduit ! Vous ne pouviez pas faire la proposition de cette organisation ! Vous ne pouviez pas émettre un vote de défiance contre le cabinet, contre le ministre de la guerre, s'il refusait d'apporter un projet d'organisation !
Non ! non ! le but que vous poursuiviez était consigné dans le rapport de l'honorable M. Brabant ; c'était d'arriver à une réduction du budget de la guerre, et l'on soutenait que l'organisation de l'armée était possible avec une somme de 25 millions.
Et l'honorable M. Dumortier s'est permis tout à l'heure de me féliciter d'une prétendue conversion ! Je serais revenu aujourd'hui, à son grand étonnement, à des sentiments bien différents de ceux que j'aurais exprimés à diverses époques sur l'armée, sur la nécessité de l'année et sur les dépenses nécessaires pour la défense nationale. L'honorable M. Dumortier, croit-il donc que nos annales sont déchirées ? Ne sait-on pas combien de fois en 1847, en 1849 et 1850, j'ai pris de la manière la plus absolue, avec mon honorable collègue le ministre de la guerre qui siège encore à mes côtés, la défense du budget de l'armée, même contre mes amis de la gauche qui l'attaquaient alors, qui demandaient une réduction ?
J'ai à cette époque tenu le même langage que je tiens aujourd'hui ; j'ai à cette époque et invariablement déclaré que je mettais l'intérêt de la défense nationale fort au-dessus de tous les intérêts financiers, quels qu'ils fussent.
Cela est aussi au Moniteur et cela prouve que vous ne dites pas la vérité lorsque vous venez parler de conversion.
M. H. Si nous ne disons pas la vérité, nos paroles sont donc des mensonges !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - M. B. Dumortier a dit tout à l'heure que tout ce que j'énonçais était faux ; il a donné à mes assertions un démenti formel.
M. B. Dumortier. - J'ai dit que c'était inexact.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai donc le droit à mon tour de qualifier votre langage comme je viens de le faire. Il est vrai, messieurs, qu'à une époque où le sort du gouvernement était singulièrement menacé, où la majorité était profondément divisée et où ceux de nos amis qui demandaient une réduction, proclamaient hautement qu'ils ne voteraient point de ressources nouvelles, jusqu'à ce que l'on eût fait les économies qu'ils croyaient possibles ; il est vrai que dans cette situation et lorsque nous considérions que l'intérêt de l'armée était sérieusement compromis par la pénurie même du trésor, nous avons dû prendre une résolution ; nous avons dû nous demander ce qu'il convenait de faire pour sauvegarder un aussi grand intérêt, et la résolution que nous avons prise, vivement critiquée par quelques-uns de nos honorables amis seulement, a été en définitive de soumettre toutes les questions relatives à l'organisation militaire à l'examen d'une commission.
Nous n'avons point dissimulé, je l'ai dit tantôt et je le répète encore, que s'il a était possible d'obtenir la réduction du budget de la guerre a 25 millions, nous aurions été heureux de pouvoir satisfaire avec cette somme à tous les besoins de la défense nationale. Mais lorsqu'on vient prétendre que nous voulions, sans examen aucun, réduire le budget de la guerre à 25 millions, comme on l'avait tenté en 1843, je dis qu'on énonce alors la chose qui n'est pas.
En effet ne tombe-t-il pas sous le sens que si nous avions eu l'idée préconçu de réduire le budget de la guerre à 25 millions, il était inutile de se livrer à l'examen de la question ?
Pourquoi donc examiner ? pourquoi donc une commission ?
Nous avons recherché consciencieusement si cette réduction était possible, si elle était praticable, et nous avons obtenu un grand résultat sur lequel je ne puis trop insister, c'est d'avoir empêché la division de la majorité ; c'est d'avoir obtenu ainsi des ressources ; c'est d'avoir définitivement, depuis cette époque, place la question du budget de l’armée en dehors des débats ordinaires des Chambres. Depuis lors, plus une discussion ne s'est élevée à ce sujet, et il a fallu attendre jusqu'aujourd'hui pour que l'honorable M. Coomans fît entendre des récriminations qui resteront sans écho dans cette Chambre.
Je n'ai pas prétendu, je le répète, que toute la droite en masse, à certaine époque, eût eu l'intention de réduire le budget de la guerre à 25 millions. Il suffit de lire les Annales parlementaires pour se convaincre que si des membres de la droite, en nombre plus ou moins considérable, soutenaient le système de l'honorable M. Brabant, d'autres le combattaient. Il suffit de lire les Annales parlementaires pour reconnaître que sur les bancs de la gauche il y avait des membres qui défendaient le système de l'honorable M. Brabant, mais qu'il y en avait aussi un grand nombre qui le combattaient.
Ce sont là des faits incontestables, connus de tout le monde et qui aujourd'hui ne devraient plus susciter des récriminations aussi violentes et aussi injustes que celles auxquelles vient de se livrer l'honorable M. Dumortier.
- La clôture est demandée.
M. Coomans. - Il est impossible de clore non seulement après le discours d'un ministre, mais après les attaques violentes auxquelles (page 303) M. le ministre des finances vient de se livrer. Il est impossible de clore dès maintenant un débat dans lequel il s'agit de 13 millions. Je demande à m'expliquer.
- Des membres. - Laissez clore, vous n'avez pas besoin de vous défendre.
- Des membres. - Parlez 1 parlez !
M. Coomans. - Je n'ai pas demandé la parole pour répondre à M. le ministre de la guerre ; il a surtout insisté sur des questions d'artillerie et sur des détails militaires qui me sont étrangers. (Interruption.) J'évite un tel débat ; mais j'ai à répondre à son honorable collègue des finances, qui a jugé habile de passionner ce débat et de se constituer très injustement, très arbitrairement, le censeur de ma conscience de patriote.
M. Goblet, rapporteur (contre la clôture). - Messieurs, il est vrai que la question a été singulièrement changée- mais surtout à un point de vue qui n'a aucun rapport avec le transfert. J'ai été contredit par MM. les ministres de la guerre et des finances, et je tiens beaucoup à leur répondre quelques mots. Je ne serai pas long.
M. Devaux. - Messieurs, je ne m'oppose pas à ce qu'on entende, suivant l'usage, l'honorable rapporteur avant la clôture du débat ; mais je demande qu'on se borne là.
M. Coomans. - Pas du tout.
M. Devaux. - Oui, M. Coomans ; je demande la clôture de ce débat regrettable, qui a déjà duré trop longtemps.
A propos d'une question oh nous devions tous être d'accord, M. Coomans, en revenant sur le passé, a éveillé la susceptibilité du ministère ; le ministère, à son tour, en se défendant, a éveillé celle d'une autre partie de l'assemblée.
Supposez que des deux côtés les reproches fussent fondés, qu'en résulterait-il ? C'est que sur le question des nécessités de la défense du pays, il y a eu dans la Chambre, comme dans le pays lui-même, une certaine incertitude dans des rangs divers, et que des deux côtés, grâce à cette expérience que nous acquérons tous chaque jour, grâce à d'immenses événements, on a fini par arriver à se mettre d'accord sur une commune et patriotique solution de cette question fondamentale.
Qu'avons-nous à rechercher dans le passé nos anciennes divisions ? Ce qu'il importerait de constater, c'est que nous sommes tous d'accord aujourd'hui sur ce point, excepté quelques voix isolées et que j'appellerais retardataires.
Lorsque l'honorable M. Coomans a été une de ces voix, il n'a représenté ni l'opinion du pays, ni celle de son parti, il n'a émis qu'une opinion purement personnelle.
Mettons fin, messieurs, à ce débat inutile, constatons notre accord sur ce grand intérêt, en votant d'une voix unanime la loi qui nous est soumise.
M. Coomans (contre la clôture). - L'honorable M. Devaux demande que la Chambre n'entende plus que le rapporteur. Je m'oppose à cette proposition. Il est impossible que je reste sous le coup des attaques violentes et injustes de M. le ministre des finances. M. Frère-Orban me reproche formellement de manquer de patriotisme. Je tiens particulièrement à lai répondre, parce que j'ai la prétention d'être aussi bon patriote que M. le ministre des finances, et notamment sur la question militaire.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne le conteste pas.
M. Coomans. - Je demande que la Chambre respecte le droit que j'ai de répondre à M. le ministre des finances. Je n'ai pas été violent ; je n'ai pas accusé d'honorables collègues de dire des mensonge, de manquer de patriotisme ; je me suis borné à des arguments qui au fond étaient des compliments ; je faisais l'éloge du ministère de 1848 e de 1849, du moins en ce qui touche à la question militaire.
Je demande que mon tour de parole vienne. Du reste, je déclare d'avance que je tiens tant à exercer mon droit de représentant du peuple que je parlerai sur l'article premier, conformément au règlement, si on me ferme la bouche dans ce moment.
M. le président. - Je ne puis laisser passer certaines paroles de l'honorable M. Coomans, sans faire observer que, d'après l’explication donnée par M. le ministre de l'intérieur, il n'a pas entendu accuser personnellement M. B. Dumortier de mensonge, car j'aurais dû rappeler M. le ministre à l'ordre. Il résulte de cette explication que M. le ministre de l'intérieur parlait d'une manière générale de ceux qui ont prétendu ou prétendent que le ministère libéral a, dans d'autres temps, voulu réduire d'une manière définitive le budget de la guerre à 25,000,000.
Voilà comment j'avais compris les paroles de M. le ministre de l'intérieur ; sans cela, je le répète, j'aurais dû le rappeler à l'ordre, comme tout autre membre de la Chambre. Il est donc bien entendu que M. le ministre de l'intérieur n'a pas adressé une imputation personnelle à M. B. Dumortier, et je le prie de vouloir bien confirmer mes paroles.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai qualifié de mensongères toutes les assertions répétées tant de fois et qui consisteraient à représenter le ministère comme l'ennemi de l'armée, comme ayant voulu réduire les dépenses de l'armée. Voilà les assertions que j'ai traitées et que je continuerai de traiter de mensongères.
M. le président. - Votre imputation avait donc un caractère, général. Le mot qui a soulevé ces explications ne pourrait être introduit dans nos débats, s'il était adressé à un membre de la Chambre.
- Des membres. - Aux voix ! la clôture !
M. B. Dumortier (sur la clôture). - Messieurs, j'aurais désiré dire encore quelques mots, mais si la Chambre, qui paraît pressée d'en finir, veut clore, je perdrai naturellement mon tour de parole ; mais je ne proteste pas moins contre tout ce que les ministres m'ont répondu, et je prierai chaque membre de la Chambre de vouloir bien relire le compte rendu de la séance du 17 janvier 1851.
M. Guillery (contre la clôture). -Messieurs, j'avoue que je considérerais comme contraire à toutes les règles de la loyauté de clore la discussion en ce moment. Que nous soyons unis sur les questions de patriotisme, pas de doute à cet égard, supposer le contraire serait une injure indigne de cette Chambre. Nous sommes donc tous unis dans un même sentiment patriotique, et nous ne discutons pas le patriotisme ; nous discutons des questions de comptabilité, des questions de dépenses.
Qu'à l'occasion de ces questions de dépenses, la discussion soit calme et digne ; qu'elles soient défendues par les discours les plus modérés, les plus conciliants, certes je ne m'en plaindrai pas ; mais lorsqu'il y a eu des discours qui ne sont ni modérés, ni conciliants, lorsqu'il y a eu, à l'endroit de membres de la Chambre, des imputations qui ne sont malheureusement que le triste écho d'autres plus graves, clore la discussion, en disant aux membres attaqués : « Vous ne répondrez pas ! » ce serait un acte de violence ; ce serait dire que, dans une Chambre, les lois sont votées sous la pression de la violence ; je ne m'associerai jamais à une pareille manière d'agir.
M. de Brouckere (sur la clôture). - Messieurs, je ferai remarquer à la Chambre qu'il a été pour ainsi dire entendu que M. le rapporteur aurait encore la parole. Quand l'honorable rapporteur se sera expliqué, alors peut-être, on renouvellera la demande de clôture ; mais dans ce moment-ci elle n'est plus faite.
M. Coomans. - Je rappelle à la Chambre que j'avais la parole, et je désire qu'on me la maintienne.
- Des membres. - Qu'on donne la parole à M. le rapporteur.
M. le président. - Y a-t-il de l'opposition à ce que l'honorable M. Goblet soit entendu ?
M. Coomans. - Je demande à conserver mon tour de parole, M. le président, et je vois avec plaisir que l'honorable M. Goblet est de mon avis.
M. le président. - Insiste-t-on pour la clôture ?
M. Coomans. - L'honorable M. Goblet a la bonté de me céder son tour de parole.
M. le président. - M. Coomans, la clôture est demandée, vous, n'avez pas la parole.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On va perdre un temps précieux, qu'on laisse parler M. Coomans, parce que, si la clôture est prononcée, cela n'empêchera pas l'honorable membre de parler sur l'article premier ou sur l'article 2. Ainsi on arrivera au même résultat. Qu'on entende d'abord M. Coomans et puis l'honorable M. Goblet.
M. Coomans. - Messieurs, l'honorable ministre des finances a très nettement insinué que je manquais de patriotisme.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pas du tout.
M. Coomans. - Il a demandé si je voulais marchander l'armée, à quel chiffre j'évaluais le salut du pays ; voilà la question qu'il m'a posée. Eh bien, on ne pose pas de questions pareilles à de bons citoyens, on ne les pose pas par insinuations, et cela parce qu'il n'y a pas de réponse à y faire. On ne peut y opposer que le silence du mépris.
Quoi ! j'ai manqué de patriotisme, parce que je viens aujourd'hui, dans un bien moindre mesure, tenir le même langage qui a été tenu pur l'honorable ministre à une autre époque, le même langage tenu, je ne dirai pas par beaucoup de mes honorables amis, mais par beaucoup de mes honorables adversaires ; si c'est un manque de patriotisme que (page 304) de demander que la dépense de notre établissement militaire n'excède pas 32 millions, et c'est tout ce que je demande à cette heure, je manque de patriotisme en bonne et nombreuse compagnie.
Il n'est pas vrai qu'on manque de patriotisme parce qu'on croit inutile de voter des sommes énormes, exagérées, pour notre établissement militaire.
Il y a deux manières de manquer de patriotisme sur la question militaire.
Il y a moyen de compromettre le pays par une défense incomplète, insuffisante ; il y a moyen de le compromettre par une défense exagérée ; la vérité est dans un juste milieu, et l'on nous ferait un crime de croire que ce juste milieu puisse être de 32 millions, alors que vous avez désiré un budget de 25 millions, alors qu'il est évident que vous avez émis les mêmes idées et les mêmes vœux que moi ; est-ce là manquer de patriotisme, vous avez donc manqué de patriotisme et vous vous accusez vous-même.
Il y a une étrange habitude chez l'honorable ministre des finances, il ne discute pas le fond des choses avec ses adversaires ; dès qu'on n'est pas de son avis, même sur un chiffre, on manque d'intelligence, de mémoire, ce qui n'est encore lieu, mais même de patriotisme, ce qui très grave. Dès qu'il se sent dans son tort, il attaque la personne de l'orateur, au lieu de réfuter ses arguments.
Vraiment, nous devons déplorer ce moyen de discussion, cette ficelle oratoire. M. le ministre introduit dans cette Chambre une sorte de domination personnelle, de satrapie parlementaire à laquelle je m'opposerai de toutes mes forces.
Permettez, M. le ministre, qu'on professe aujourd'hui les opinions que vous avez professées, les opinions que professent encore aujourd'hui beaucoup de vos amis, car je ne suis pas le seul dans cette enceinte ; vous dites que le budget de la guerre a été mis par vous en dehors de tout débat ; mais c'est une erreur ; chaque année il y a des votes négatifs sur ce budget.
La plupart viennent de vos rangs, et c'est encore un compliment que je fais volontiers aux dissidents, parce que j'y ai ma part.
Vous ai-je reproché d'avoir manqué de patriotisme parce que, selon moi, vous compromettiez le pays, en dépensant 43 millions pour le budget de la guerre ?
Non, je ne l'ai pas fait. Pourtant ma conviction profonde est que le vrai patriotisme consiste en Belgique à avoir peu d'impôts, beaucoup de liberté, et une bonne petite armée, au lieu d'un vaste établissement militaire.
On peut se tromper avec beaucoup de patriotisme, on peut être excellent patriote sans être pour cela infaillible ; du reste, l'opinion que vous préconisez aujourd'hui n'est pas la vôtre, c'est celle de la commission que vous avez nommée.
Inclinez-vous devant elle, vous en avez le droit, c'est votre affaire, mais où est-il écrit que je doive abdiquer mon opinion devant la décision d'une commission ?
J'ai été assez souvent, moi indigne, membre des commissions militaires, pour savoir qu'elles arrivent aux conclusions les plus opposées dans un court intervalle.
Je n'admets pas l'infaillibilité des commissions. Je n'abdique pas mon opinion très patriotique sur le budget de la guerre, je la défends, je la soutiendrai chaque année.
Vous dites que je manque de patriotisme. Pourquoi ? Parce que je rappelle votre histoire authentique, des souvenirs officiels, parce que j'ai emprunté vos arguments, les meilleurs arguments, selon moi, que je pusse présenter à la Chambre pour diminuer nos dépenses militaires.
Je me fais votre écho, je trouve que votre opinion d'il y a dix ans était la bonne, je l'approuve, j'y reste fidèle, et vous osez me blâmer, m'accuser, m'insulter ! Je vais moins loin que vous n'avez été, je suis beaucoup plus modéré que vous ne vous êtes montré, et vous m'insultez ! Cela est extraordinaire.
L'honorable M. Frère était-il donc moins bon patriote en 1848 qu'aujourd’hui ? L'affirmative sortirait naturellement de son langage, mais je la repousse.
Laissons donc désormais ces insinuations en dehors de nos débats. (Interruption.)
On parle de provocations. C'est à moi qu'elles ont été adressées.
- Plusieurs voix. - Non ! non ! Assez ! assez !
M. Coomans. - Je pourrais en dire bien davantage, mais la Chambre trouvant que c'est assez, j'en resterai là.
M. Goblet. - Messieurs, je serai très bref et n'ajouterai que quelques mots.
Nous sommes bien loin du débat relatif au transfert,
Le transfert des 530,000 fr. économisés sur la remonte n'a pas été repoussé par la section centrale ; si j'ai' défendu l'opinion contraire, c'est que je faisais partie de la minorité dans ce vote, comme je vous l'ai dit dès le début. J'ai tenu naturellement à vous donner les motifs qui m'avaient engagé, ainsi que deux de mes honorables collègues, à repousser la proposition du gouvernement.
Je crois encore, et les honorables MM. de Gottal et Coomans vous ont dit qu'ils pensaient comme moi, que l'urgence n'a jamais été bien établie ; il n'y a pas de péril en la demeure, et si la somme de 600 000 fr. est nécessaire, on pouvait la joindre au grand crédit qui va vous être demandé pour la modification de l'artillerie. A part les autres raisons que ces messieurs ont développées suffisamment, c'est là le motif principal qui a amené les votes négatifs de la section centrale.
Quant au blâme infligé au mode de transfert, il l'a été à l'unanimité et je n'ai pas le moins du monde fait en cette question preuve ni d'exagération trop grande. Je me permettrai seulement pour répondre au reproche que m'a fait l'honorable M. Frère, de m'être fait un fantôme des transferts, de vous lire la dernière phrase de mon rapport et de vous citer les membres qui l'ont votée.
« La section centrale était présidée par l'honorable M. Moreau et était composée de MM. Mouton, Goblet, Orban, Le Bailly de Tilleghem, Coomans et de Gottal. »
La dernière phrase votée à l'unanimité est celle-ci :
« La section centrale, en se rangeant à l'avis de M. le ministre de la guerre, ne peut toutefois s'empêcher d'exprimer le regret qu'elle éprouve de voir son département employer le mode de transferts pour obtenir un crédit important. Elle charge à l'unanimité son rapporteur de déclarer que la demande d'un crédit spécial eût été de beaucoup préférable. »
Vous voyez donc, messieurs, que je n'ai été ni exagéré, ni absolu ; je n'ai été que l'organe de la section centrale qui, elle-même, n'a pas été non plus exagérée ni absolue.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne vous ai pas cité. J'ai parlé de la section centrale.
M. Goblet. - Vous avez parlé d'exagération ; vous avez dit que la section centrale avait qualifié les transferts d'abomination des abominations.
Messieurs, je pense, comme M. le ministre des finances, que l'on doit sacrifier à la défense nationale et sa dernière goutte de sang et son dernier écu. Mais je pense aussi avec d'autres membres de cette Chambre, que, quelles que soient les nécessités, quelles que soient la position et les circonstances, lorsque nous sommes réunis ici, nous avons le droit de dire notre opinion, et que lorsque nous disputons les propositions et les demandes de crédit qui nous sont présentées, personne n'a le droit de nous accuser de manquer de bon vouloir et de patriotisme dans les questions de défense nationale.
- La clôture de la discussion générale est demandée et prononcée.
« Art. 1er. Les sommes indiquées ci-après et qui sont restées disponibles aux articles 29 et 34 du budget des dépenses de la guerre pour l'exercice 1860.
« Savoir :
« A l'article 29, remonte : fr. 530,000.
« A l’article 34, traitement et solde de la gendarmerie : fr. 70,00.
« Ensemble la somme de six cent mille francs. (600,000) sont transférées à l'article 20, matériel de l'artillerie du budget susmentionné. »
M. le président. - Voici comment pourrait être libellé l'amendement de la section centrale :
« Art. 1er. Les sommes indiquées ci-après et qui sont restées disponibles aux articles 29 et 34 du budget des dépenses de la guerre de l'exercice 1860.
« Savoir :
« A l'article 29, remonte : fr. 530,000
« A l’article 34, traitement et solde de la gendarmerie : fr. 70,000
« Sont transférées, la première de ces sommes à l'article 20, matériel de l'artillerie du budget susmentionné, et la seconde à l'article 34 du budget de la guerre de l'exercice 1861. »
Le gouvernement se rallie-t-il à la proposition ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le gouvernement ne se rallie pas à cette proposition. Comme il demande que le transfert pour le matériel de l'artillerie soit 600,000 fr. son chiffre est le plus élevé et doit être mis le premier aux voix.
M. Coomans. - Je crois que M. le ministre des finances a raison ; c’est le chiffre le plus élevé qui doit être mis le premier aux voix. Mais il y a ici deux chiffres, il y a le chiffre de 70,0.00 relatif à la gendarmerie, et il y a le chiffre de 50,000 économisé sur la remonte. Je demande le division. Je demande qu'il j ait un vote distinct sur chacun de ces chiffres, »
(page 305) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je reconnais que l’'honorable M. Coomans a le droit de demander la division ; mais ce n'est pas l'amendement de la section centrale qui doit être mis le premier aux voix.
M. le président. - Ainsi je mets d'abord aux voix le transfert du chiffre de 530,000 fr. de l'article 29, « remonte », à l'article 20, « matériel de l'artillerie », du budget 1860.
- Ce transfert est adopté.
M. le président. - Il s'agit maintenant du transfert de 70,000 fr. Le gouvernement demande que ce chiffre soit porté de l'article 34 à l'article 20 du budget de 1860 ; la section centrale demande qu'il soit transféré à l'article 34 du budget de la guerre de 1861.
Cette dernière proposition forme amendement, je la mets aux voix.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je crois qu'il faut d'abord voter sur la proposition du gouvernement qui demande que le transfert pour le matériel de l'artillerie soit de 600,000 fr.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On a demandé la division, on en avait le droit. La Chambre a voté la première partie de la proposition du gouvernement. Il faut maintenant voter sur la seconde partie.
M. Coomans. - Le chiffre du gouvernement et celui de la section centrale est le même. Dès lors l'amendement doit être mis aux voix avant la proposition principale.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai demandé que l'on mît d’abord aux voix le chiffre du gouvernement qui était le plus élevé. Tout le monde a reconnu, et l’honorable M. Coomans comme les autres, que c’était le chiffre de 600,000 fr. qui devait être mis le premier aux voix, mais l'honorable M. Coomans a demandé la division. La première partie de la proposition du gouvernement a été mise aux voix ; il faut maintenant voter sur la seconde.
M. le président. - Puisqu'il y a désaccord, je consulte la Chambre sur le point de savoir si c'est la proposition du gouvernement ou celle de la section centrale qui sera mise la première aux voix.
- La Chambre décide qu'elle votera d'abord sur la proposition du gouvernement.
Cette proposition est adoptée.
L'ensemble de l'article premier est adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet qui est adopté par 72 voix contre 10.
Ont voté l'adoption : MM. Faignart, Frère-Orban, Grandgagnage, Hymans, Jamar, J. Jouret, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Mercier, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Neyt, Orban, Pirmez, V. Pirson, Rodenbach, Rogier, Saeyman, Snoy, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Volxem, Vermeire, Allard, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechamps, de Decker, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Liedekerke, Deliége, de Naeyer, de Paul, de Portemont, de Renesse, de Ridder, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, B. Dumortier, H. Dumortier, d’Ursel et Vervoort.
Ont voté le rejet : MM. Goblet, Grosfils, Guillery, Van Humbeeck, Ansiau, Coomans David, Dechentinnes, de Gottal et de Lexhy.
M. Van Iseghem donne lecture du rapport suivant : Messieurs, un projet de loi tendant à accorder au ministère des affaires étrangères un crédit provisoire de 460,000 francs à valoir sur le budget des dépenses de ce département pour l'exercice 1861, vient d'être soumis à la Chambre par l'initiative de l'un de ses honorables membres, M. Frère-Orban.
La Chambre l'ayant pris en considération, l'a renvoyé à l'examen de la section centrale qui a fait rapport sur le budget des affaires étrangères, et qui a reconnu, à l'unanimité, l'urgence de ce projet de loi et vient, par mon organe, vous en proposer l'adoption.
La Chambre décide qu'elle s'occupera immédiatement du projet qui est ainsi conçu :
« Art. 1er. IlH est ouvert au ministère des affaires étrangères un crédit de 460,000 fr., à valoir sur le budget des dépenses de ce département pour l'exercice 1861. »
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1861. »
- Les deux articles sont successivement mis aux voix et adoptés.
Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 73 membres présents.
Ce sont : MM. Faignart, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jamar, J. Jouret, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Mercier, Moncheur, Moreau, Mouton, Nélis, Nothomb, Orban, Pirmez, V. Pirson, Rodenbach, Rogier, Saeyman, Snoy, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Dormael, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen, Allard, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Boe, de Breyne, de Bronckart, H. de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Liedekerke, Deliége, de Naeyer, de Paul, de Portemont, de Renesse, de Ridder, de Rongé, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, H. Dumortier, d'Ursel et Vervoort.
- La séance est levée à 5 1/2 heures.