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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 6 décembre 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)

(page 139) (Présidence de M. Vervoort, président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Florisone lit le procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le sieur Berghmans, brigadier de la gendarmerie pensionné, demande qu'il lui soit fait application de la loi relative à la pension de gendarmes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Wagnelée demandent la construction d'un chemin de fer grand-central franco-belge partant d'Amiens et aboutissant à Maestricht, projeté par le sieur Delstanche. »

- Même renvoi.

« Des habitants de Lapscheure demandent qu’il soit donné cours légal à la monnaie d'or de France. »

« Même demande d'habitants de Mouscron, de Leke et des membres du conseil communal de Dixmude. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi relative à ia monnaie d'or.


« Il est fait hommage à la Chambre, par l'administration communale de Mons, de deux exemplaires du rapport fait au conseil communal sur l'administration et la situation des affaires de cette ville. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. Van Overloop, retenu pour affaires de famille, demande un congé. »

- Ce congé est accordé.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1861

Second vote des articles

Articles 3, 48, 59, 65 et 68

Les articles 3, 48, 59, 65 et 68, amendés au premier vote, sont définitivement adoptés.

Article 70

« Art. 70. Subsides aux ateliers d'apprentissage et écoles manufactures ; distribution de métiers, etc. : fr. 54,000 fr. »

M. Rodenbach. - Messieurs, vous avez sans doute tous lu le volumineux et important rapport qui nous a été distribué avant-hier. Dans ce judicieux travail, il est prouvé que les ateliers d'apprentissage ont rendu d'éminents services. Je regrette, pour ce qui me concerne, que l'allocation en faveur de ces établissements, qui était de 140,000 fr., ait été successivement réduite d'année en année et ne soit plus aujourd'hui que de 54,000 francs.

Maintenant que les années calamiteuses sont passées, que les Flandres se relèvent et redeviennent prospères, je conçois qu'il est inutile de consacrer à ces établissements la somme de 140,000 fr., somme que l'on jugeait nécessaire alors. Mais si ces établissements conservent dans les circonstances ordinaires un caractère éminemment utile, s'ils contribuent à corriger un mal que l’on ne peut assez combattre, le vagabondage ; enfin, si matériellement et même moralement parlant, ils présentent sur une moindre échelle des avantages aussi précieux que nos établissements consacrés à l'instruction, je me demande pourquoi l'Etat, qui augmente chaque année le crédit annexé aux différentes branches d'instruction, croit pouvoir, chaque année, enlever partiellement l'argent consacré aux ateliers d'apprentissage ?

Messieurs, j'ai ce matin jeté un coup d'œil sur ce que coûtent dans nos universités les personnes qui y apprennent une carrière, par exemple la carrière du droit, la carrière de la médecine.

Eh bien, messieurs, un médecin coûte à peu près à l'Etat 14,000 fr. Or, savez-vous combien le pauvre qui n'a pas de ressources pour apprendre un état et qui entre comme apprenti dans un atelier d'apprentissage, coûte à l'Etat ? Il lui coûte 10 francs.

J'ai vu aussi que l'instruction moyenne nous coûtait annuellement l'énorme somme de 900,000 fr., les deux universités 900,000 fr., l'instruction primaire 1,900,000 fr., total à peu près 4,000,000. Je pourrai encore vous parler de l'école militaire qui nous a déjà coûté, depuis son organisation, 4,000,000 de francs.

Quel est le but de ceux qui entrent dans ces divers établissements ? C'est d'acquérir de l'instruction, des connaissances et surtout de se créer une position ; et ce sont les personnes fortunées, les personnes aisées qui profitent de ces établissements, tandis que les pauvres, les malheureux sont condamnés à la misère, faute de pouvoir apprendre un métier.

Autrefois il y avait des corporations, des maîtrises ; je sais bien qu'on a eu parfaitement raison de les abolir, mais au moins le pauvre alors pouvait faire son apprentissage.

Remarquez, messieurs, que dans certains ateliers on ne se borne pas à apprendre un métier aux enfants ; on leur apprend aussi à lire, à écrire et à calculer. Je le répète, messieurs, au lieu de cette piètre somme de 54,000 fr., je voudrais voir figurer au budget un crédit permanent, oui permanent, de 100,000 fr.

Certes, ce ne serait pas beaucoup, alors qu'on dépense 4 millions pour l'enseignement proprement dit, de consacrer 100,000 francs à des établissements si utiles sous le double rapport matériel et moral.

En effet, ils sont d'abord une grande ressource pour les familles pauvre. Dans ces familles où le gain journalier est toute la fortune, et suffit à peine aux dépenses ordinaires du ménage, on ne peut réserver une part considérable de ce gain à faire apprendre aux enfants un métier quelconque : il suffit bien déjà que leurs jeunes bras ne rapportent rien.

Il est en outre un autre mal qu'on ne peut assez prendre en considération, qu'il faut combattre par tous les remèdes possibles, et que les ateliers d'apprentissage contribuent en grande partie à corriger : je veux parler de la déconsidération et de la méfiance qu'apportent avec eux les malheureux que la justice a dû frapper, ces malheureux qu'une première faute a amenés en prison, et qui, après avoir subi leur condamnation, n'y retournent bien souvent que parce qu'ils n'ont pu trouver de l'ouvrage.

En voulez-vous un exemple ? Deux jeunes gens sortent de l'école pénitentiaire de Ruysselede. Ils viennent déposer entre mes mains une petite somme, fruit de leurs économies, et aussitôt ils se mettent en quête d'ouvrage. Huit jours se passent ; quinze jours. Malgré une recommandation du conseil de régence, ou ne les accepte pas, et sans l'atelier d'apprentissage de Rumbeke, ces malheureux à bout de ressources auraient dû chercher, pour vivre, des moyens illicites ou honteux.

Maintenant, messieurs, pour en revenir à la question, je maintiens ce que j'ai dit, c'est-à-dire que les ateliers d'apprentissage sont des établissements dont le caractère est éminemment utile en tous temps. On prétend qu'ils existent au détriment de l'industrie privée. S'il en est encore de cette catégorie le nombre en est certainement bien restreint. D'ailleurs je suis loin d'être partisan de la centralisation exagérée, et s'il existe des abus, je serai le premier à les dénoncer et à les réprouver.

Il y a une foule de malheureux qui n'ont besoin que de travail pour sortir de la misère et de la dégradation. Ce sont, messieurs, les ateliers d'apprentissage qui ont puissamment contribué à extirper la mendicité dans les Flandres. Ce qui a fait beaucoup de bien également, ce sont les hospices agricoles des vieillards qui ne coûtent au bureau de bienfaisance que 16 centimes par tête.

En Angleterre, le paupérisme se rencontre partout.

A Rumbeke et notamment à Roulers et dans l'arrondissement de Thielt-Roulers, nous sommes parvenus à le restreindre considérablement. Je dis que supprimer les ateliers d'apprentissage ce serait une mesure anti-libérale.

Je voudrais que les philanthropes belges vinssent visiter les Flandres ; nous avons eu, il y a environ deux ans, la visite d'un touriste anglais ; il a parcouru le pays ; il a été émerveillé de nos ateliers d'apprentissage et de nos hospices de vieillards.

« Mieux vaut, disait-il qu'un Etat se ruine par des dépenses utiles, que d'être rongé au cœur par la lèpre honteuse du paupérisme comme dans nos trois royaumes. »

Enfin, messieurs, je conclus. S'il est des motifs plausibles, mais je ne le crois pas, pour diminuer le crédit alloué à ces établissements, que du moins on affecte l'argent qu'on leur retire à de nouveaux établissements qui leur ressemblent et par le caractère et par le but ; je veux parler des écoles d'arts et métiers. Anvers, Gand, Bruges, Liège, Verviers, les principales villes en possèdent. Les besoins qui les ont fait naître au milieu de ces grands centres d'industrie, existent maintenant pour (page 140) d'autres villes de moindre rang que, grâce à ces temps prospères joints à leur grandi activité, ont vu leur industrie et leur commerce prendre des développements sérieux ; au nombre de ces villes, je puis surtout citer Thielt, Iseghem et Roulers.

La population croissante et prospère de cette dernière ville, l'esprit industrieux des habitants, le grand nombre de ses fabriques, tout enfin motive la proposition que je viens de faire.

Le gouvernement provincial paraît avoir accueilli favorablement la demande que la ville de Roulers et la chambre de commerce avaient adressée à ce sujet.

J'espère que M. le ministre leur donnera un accueil analogue.

Messieurs, si des membres demandaient la parole pour contester l'utilité des ateliers d'apprentissage, je me réserve de leur répondre avec toute l'assurance que donne le bon droit.

M. Magherman. - Messieurs, depuis quelques années les ateliers d'apprentissage ont été, dans cette Chambre, l'objet d'amères critiques, et chose fâcheuse à dire, ces critiques émanent de membres appartenant aux Flandres, seules contrées, pour ainsi d'ire, où existent ces ateliers. Je me hâle d'ajouter que ces établissements ont aussi rencontré de chaleureux défendeurs parmi les députés de ces mêmes provinces.

On regarde généralement les ateliers d'apprentissage comme le produit de la terrible crise industrielle qui a pesé sur les Flandres, quand au déclin de l'ancienne industrie linière sont venues se joindre d'abord la maladie des pommes de terre, et plus tard la disette des grains. C'est une erreur : ces circonstances malheureuses ont donné un grand développement à ces ateliers, parce qu'alors surtout s'est fait sentir la nécessité de transformer l'ancienne industrie et d'introduire de nouvelles industries dans certaines parties de ces provinces ; mais la création des premiers ateliers est beaucoup plus ancienne et l'existence légale de ces établissements se trouve consacrée par la loi organique de l'instruction primaire du 23 septembre 1842.

L'article 25 de cette loi porte :

« Une partie du subside voté annuellement par la législature pour l'instruction primaire aura pour destination spéciale :

« 3° De propager lei écoles connues sous le nom d'ateliers de charité et d'apprentissage. »

Lors donc que le gouvernement porte annuellement au budget de l'intérieur une allocation en faveur des ateliers d'apprentissage, il ne fait que remplir un devoir que lui impose la loi, devoir auquel il ne peut pas se soustraire, tant que la disposition citée de la loi de 1842 n'est pas modifiée. Et quant aux Chambres, puisque le budget n'est qu'une loi d'application, le même devoir leur incombe.

Mais y a-t-il lieu de modifier la disposition précitée ? Je dis sans hésiter non. Cette disposition est sage et bien appliquée est éminemment utile à la propagation de l'instruction primaire, elle répond à un besoin social.

Messieurs, vous savez de quelle manière dans les Flandres se combinent les travaux manufacturiers, notamment du tissage avec ceux de l'agriculture. L'honorable chanoine de Haerne vous l'a exposé l'année dernière. On s'y adonne alternativement aux travaux de l'un et de l'autre espèce. Pendant l'été on se livre aux travaux de la campagne ; pendant la saison morte, et lorsque le mauvais temps ne permet pas de s'adonner aux travaux des champs, on monte sur le métier ; c'est là tout le secret de l'existence d'une population aussi dense sur une espace relativement restreint, c'est là aussi tout le secret de la perfection à laquelle l'agriculture est parvenue dans ces contrées ; car lorsque les besoins de l'agriculture l'exigent, tous ces bras sont disponibles pour les travaux de la campagne.

Autrefois, lorsque florissait l'ancienne industrie linière, le tissage, était simple, le tisserand se formait dans la maison paternelle, le fils imitait le travail de son père, il ne devait pas aller au-delà pour se procurer une existence honnête et même une certaine aisance. Aujourd'hui les conditions sont changées ; le tissage s'est perfectionné, il est devenu plus difficile, plus compliqué, l'ouvrier a besoin de se former aux bonnes méthodes dans une école professionnelle et l'atelier d'apprentissage n'est que cela, c'est une véritable école professionnelle.

Le besoin d'écoles de cette espèce se fait sentir dans tous les centres industriels, et si ce besoin se manifeste plus vivement, plus généralement dans les Flandres que partout ailleurs, cela tient à l'organisation que je viens d'exposer, à ce que chaque ferme, chaque maison y est un atelier industriel.

Les villes de Gand et de Liège n'ont-elles pas leurs écoles industrielles ? La ville de Verviers n'a-t-elle pas ses écoles de tissage et des artisans et ouvriers ? Les villes de Huy, de Bruges, de Tournai, de Soignies, la commune de Seraing ne sont-elles pas dotées d'institutions analogues ? Est-ce parce que nos communes des Flandres sont plus pauvres qu'elles devraient être privées de leurs modestes écoles professionnelles ? Ce serait contraire à tous les principes de doter richement les riches et de délaisser les pauvres.

En général les institutions fondées en vue des classes riches et aisées trouvent des moyens d'existence dans les rétributions imposées aux élèves qui les fréquentent ; celles-là peuvent être abandonnées à leur propre force, l'intervention de l'Etat y est moins nécessaire. Mais il n'en est pas de même des établissements érigés en vue des classes pauvres et ouvrières ; l'admission des élèves doit y être gratuite, et par conséquent l'intervention de l'Etat se justifie.

On a reproché aux ateliers d'apprentissage de faire la concurrence à l'industrie privée avec les deniers de l'Etat, c'est-à-dire avec l'argent de tous.

Ce reproche n'est rien moins que fondé.

Il est vrai, certains ateliers sont sous la direction d'industriels et l'on y travaille pour leur compte. Mais les subsides qu'ils reçoivent sur les caisses publiques ne sont que l'équivalent des sacrifices que s'imposent ces industriels pour l’enseignement : tels que location des bâtiments, fiais de contre-maîtres, malfaçon des premières pièces tissées par les apprentis. Si les subsides accordés dépassaient ces limites et dégénéraient en faveur pour les entrepreneurs, alors véritablement il y aurait concurrence organisée, aux frais de l'Etat contre l'industrie privée ; ce serait un abus, je serais le premier à le combattre.

Aussi, suivant moi, doit-on préférer les ateliers dirigés par des personnes qui n'y font pas travailler pour leur propre compte ou pour leur compte exclusif, mais où la libre concurrence des industriels est admise. Telle est entre autres l'organisation des ateliers de Cruyshautem, de Renaix et de plusieurs autres localités. Tous les industriels indistinctement peuvent y faire travailler ; on donne la préférence à ceux qui accordent les meilleures conditions aux tisserands.

Mais pour que ces ateliers répondent pleinement au but de la loi de 1842 sur l'instruction primaire, il faut qu'à l'enseignement professionnel on joigne, dans ces établissements, l'instruction primaire littéraire. L'instruction littéraire des enfants qui fréquentent les ateliers d'apprentissage n'a pas besoin d'être très développée ; il suffit à ces enfants de savoir lire, écrire et de posséder les notions élémentaires de l'arithmétique. A cet effet, une heure d'enseignement par jour peut suffire. C'est ce qui se pratique à l'atelier de Renaix, et l'on y obtient les meilleurs résultats.

L'enquête qui vient de nous être distribuée nous apprend que l'instruction primaire se donne avec succès dans un grand nombre d'ateliers. Cette manière de joindre l'instruction professionnelle à l'instruction littéraire est peut-être le meilleur moyen de répandre l'instruction parmi les classes ouvrières ; car quel est le principal obstacle à ce que les enfants de cette classe fréquentent les écoles ? C'est la nécessité où se trouvent les parents de tirer parti le plus tôt possible du travail de leurs enfants. Il arrive donc que dès que les enfants ont fait leur première communion, que leurs forces commencent à se développer, les parents mettent ces enfants en apprentissage pour les former à un métier, et à moins que ces enfants ne fréquentent une école dominicale, ce qui pour le plus grand nombre est insuffisant, à partir de leur admission dans un atelier, ils ne reçoivent plus aucun enseignement littéraire.

J'engage donc instamment le gouvernement à introduire dans tous les ateliers publics d'apprentissage l'enseignement élémentaire littéraire. Ce sera le moyen le plus efficace de répandre l'instruction dans les classes pauvres. Il sera incontestablement plus efficace que le recours à l'enseignement obligatoire ; car toute contrainte répugne à nos mœurs, et l'on obtiendra toujours difficilement des parents pauvres le sacrifice du travail de leurs enfants, quelque mince que soit le salaire qu'il leur rapporte.

Je conclus en votant le chiffre de 54,000 francs proposé au budget ; je considère cette inscription au budget comme l'exécution de la prescription de l'article 25 de la loi organique de l'instruction primaire du 23 septembre 1842 ; et dès lors cette inscription doit y être maintenue.

M. Royer de Behr. - Messieurs, je n'ai qu'à motiver mon vote, qui dépendra de la réponse à la question que j'aurai l'honneur de poser à M. le ministre de l'intérieur.

Je ne suis pas l'adversaire des ateliers d'apprentissage, tant s'en faut : je suis le premier à reconnaître que ces établissements ont produit la (page 141) plus grand bien dans les Flandres, et qu'en les instituant, l'honorable ministre de l'intérieur a mérité la reconnaissance de ces deux provinces. Mais je poserai cette question ; je demanderai s'il s'agit de rendre ces ateliers permanents, à l'égal des écoles primaires, des écoles moyennes, des athénées, des universités. En cas d'affirmative, je ne pourrai pas accorder un vote favorable au subside qui est demandé pour les ateliers d'apprentissage.

Je pense que, dans un pays de liberté comme le nôtre, l'intervention de l'Etat doit, autant que possible, diminuer. Et ici, il s'agirait, au contraire, de l'augmenter, en la rendant permanente.

Et d'ailleurs, s'il était utile, ce que je ne crois pas, d'établir des ateliers permanents d'apprentissage, je pense que les autres provinces auraient peut-être aussi quelque chose à réclamer.

Ce ne sont pas seulement les ouvriers des Flandres qui auraient besoin d'ateliers d'apprentissage, si toutefois, dans un temps normal, l'utilité de ces ateliers était parfaitement reconnue. Je m'en réfère, à cet égard, à l'opinion qui a été exprimée, l'année dernière, par l'honorable ministre de l'intérieur lui-même.

Voici les paroles qu'il a prononcées à la dernière session :

« J'ai répondu que d'année en année nous diminuons les subsides pour les ateliers d'apprentissage. Est-ce la suppression que l'on veut ? Nous serions deux ou trois pour la voter, en supposant que ce fût mon avis. Ce qui a été fait a été bien fait, on continuera à réduire le subside successivement jusqu'à ce qu'on arrive à l'état normal, si tant est qu'il faille un jour le supprimer entièrement. »

Je demande donc si cet état normal n'est pas arrivé ! S'il n'est pas arrivé et que les ateliers d'apprentissage soient encore nécessaires dans les Flandres, je serai le premier à voter le subside.

Mais je ne veux pas stipuler pour l'avenir, je veux réserver toute mon opinion. Je voterai le subside à la condition que mon vote n'ait pas pour signification : l'intervention permanente de l'Etat.

Je prie M. le ministre de vouloir bien me donner une réponse à cet égard.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je prierai la Chambre de vouloir écouter avec bienveillance et peut-être avec un peu de patience les développements dans lesquels je me propose d'entrer.

Les questions qui touchent à l'instruction, à la moralisation du peuple sont bien faites d'ailleurs pour exciter les sympathies et la sollicitude d'une Chambre telle que celle à laquelle je m'adresse.

Messieurs, à voir l'insistance que l'on a mise à vouloir faire des ateliers d'apprentissage l'objet d'une discussion spéciale, j'ai dû croire qu'on portait à cette partie de mon budget un intérêt tout particulier.

J'ai cru aussi pouvoir en conclure que cet article du budget donnerait lieu à une opposition qui déjà s'était produite dans les sessions antérieures et que cette opposition aurait encore grandi.

Jusqu'ici cette opposition ne s'est pas fait jour. J'eusse désiré, avant de prendre la parole, de pouvoir entendre les objections auxquelles pourrait encore donner lieu l'institution telle qu'elle existe.

On vient, messieurs, de me poser une question à laquelle je répondrai tout d'abord.

L'honorable député de Namur, qui, en économiste politique, appartient, je pense, à l'école contraire à l'intervention de l'Etat dans les affaires d'un pays, après avoir reconnu les heureux résultats produits par les ateliers d'apprentissage, après avoir constaté les grands avantages qu'une partie du pays en a recueillis, ne voudrait pas cependant que ces ateliers devinssent permanents.

Il cite l'opinion que j'ai exprimée l'année dernière et de laquelle il résulterait que moi-même j'aurais renoncé en principe à ces ateliers d'apprentissage le jour où l'utilité n'en serait plus reconnue.

Dans ces termes-là je déclare que je renoncerai non seulement aux ateliers d'apprentissage, mais à toute espèce d'institution du jour où l'utilité n'en serait plus constatée.

Mais, messieurs, ce jour n'est pas venu en ce qui concerne les ateliers d'apprentissage.

Je ne sais si mes honorables collègues ont eu le loisir de lire l'enquête qui a été faite dans les Flandres, à la suite d'une dépêche que j'avais adressé à MM. les gouverneurs.

Je voulais éclairer complètement la Chambre. J'ai voulu une enquête impartiale où toutes les opinions ont pu librement se produire.

Eh bien, messieurs, si vous avez lu cette enquête (et si vous ne l'avez pas lue, je vous engage fortement à la lire), vous y aurez puisé la preuve et, je n'en doute pas, la conviction qu'à l'heure qu'il est, on ne peut pas songer à la suppression des ateliers d'apprentissage Partout, dans près de 80 communes (il n'y a que trois ou quatre exceptions) ils sont défendus avec une énergie incroyable : la seule perspective de la suppression de ces ateliers fait jeter des cris d'alarme aux administrations communales. Toutes supplient l'administration supérieure de ne pas retirer sa main bienfaisante, et constatent les grands résultats qui ont été obtenus par ces institutions, pour la suppression complète de la mendicité et du vagabondage, pour le progrès de la moralité et du bien-être du peuple.

Toutes, presque sans exception, se prononcent en ce sens dans les termes les plus énergiques, et moi-même, je l'avoue, je ne m'attendais pas à une pareille démonstration ; je ne m'attendais pas à des adhésions aussi vives, aussi unanimes ; je croyais à peine que l'institution des ateliers d'apprentissage eût produit des bienfaits aussi considérables.

En présence de cette enquête, et une des communes consultées le dit positivement, « nous ne pensons pas (c'est son langage) qu'il existe un seul homme d'Etal en Belgique qui ose jamais songer à la suppression des ateliers d'apprentissage. » Eh ! messieurs, ce ne sont pas là des opinions de commande ; ce ne sont pas des avis mendiés aux administrations communales, c'est la pure expression d'opinions indépendantes et surtout d'opinions basées sur les faits.

Je recommande donc la lecture de cette enquête à tous ceux de mes honorables collègues qui attachent de l'importance au bonheur et à la moralisation des classes populaires ; ils y verront quels sont les heureux effets du travail, non seulement sur la prospérité publique, mais, ce qui est bien plus important, sur la moralité du peuple.

Messieurs, l'enquête posait cette question : « Y a-t-il lieu de conserver, à l'état d'institution permanente, les ateliers d'apprentissage ?» Et c'est à cette question que 80 communes, je pense sur 80, ont répondu affirmativement dans les termes les plus énergiques : II y a lieu de conserver les ateliers d'apprentissage à l'état d'institution permanente. »

Si l'on veut connaître, messieurs, après cela, la mesure de l'intervention de l'Etat dans ces institutions, on constate qu'elle est bien faible ; si nous la traduisons en chiffres, il s'agit d'une somme, l'année dernière, de 60,000 francs, cette année de 54,000 francs, répartie entre 85 ateliers d'apprentissage. Si l'on objecte l'intervention directe de l'Etat, je dirai que l'Etat n'intervient que très indirectement dans ces ateliers. Il y exerce une surveillance aussi active que possible ; mais ces institutions sont avant tout communales, elles sont placées entre les mains de la commune, sous la direction et la surveillance de comités communaux, et nous voulons de plus en plus (c'est encore une amélioration à y apporter) rendre ces établissements tout à fait communaux, c'est-à-dire d'utilité publique, ouverts à tout le monde.

Nous voulons, autant que possible, enlever à ces établissements ce qu'ils pourraient conserver encore du caractère de la spéculation privée ; c'est là une réforme qui conviendra à l'un des adversaires des ateliers d'apprentissage et dont je me suis occupé depuis assez longtemps. Cette réforme consiste à remettre exclusivement aux communes la direction des ateliers d'apprentissage, à ne plus subsidier les établissements dirigés par des industriels, par des particuliers. Il y a encore des contrats ; mais nous chercherons à municipaliser les ateliers d'apprentissage, et à les rendre ainsi plus accessibles à tous.

M. Rodenbach. - Tous les contrats tombent dans une année.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demanderai d'ailleurs à la Chambre, s'il nous serait permis de supprimer les ateliers d'apprentissage, sans toucher à la loi d'instruction primaire.

La loi de 1842 prescrit au gouvernement d'encourager par des subsides les ateliers de charité et d'apprentissage ; elle le prescrit formellement. Si on voulait supprimer les ateliers d'apprentissage, il faudrait commencer par supprimer cette prescription de la loi de 1842, l'article 25 de cette loi ; mais je l'accorde, ce n'est pas parce que la loi le prescrit qu'il faudrait les maintenir. Il peut arriver qu'une loi prescrive des choses inutiles, mauvaises ; ce n'est pas une raison pour conserver une chose mauvaise parce que la loi le prescrit, seulement il faudrait modifier la loi. Mais les faits prouvent, d'une manière accablante pour le petit nombre d'adversaires des ateliers d'apprentissage, que la loi a été très prévoyante en obligeant la législature à intervenir pour subsidier ces ateliers.

En réfléchissant, messieurs, à la discussion qui devait avoir lieu aujourd'hui et en m'y préparant par la lecture des pièces, je me suis trouvé en face de l'état général de l'instruction publique dans le pays ; l'instruction publique, dont les ateliers d'apprentissage forment aujourd'hui (page 142) un des éléments les plus humbles, si l'on veut, mais non un des éléments les moins utiles, les moins efficaces. Il y a, messieurs, pour un pays comme la Belgique, où, à côté de la liberté d'enseignement et de la liberté d'association, la Constitution a prescrit l'enseignement de par l'autorité publique, il y a de grands et de nombreux devoirs à remplir ; ces devoirs nous les accomplissons, Chambres et gouvernement. Je ne sais si on s'est rendu compte suffisamment de tout ce que fait le pays pour l'instruction publique dans ses diverses branches et à ses divers degrés.

Commençons, messieurs, par l'instruction qui s'adressa à tous, qui donne à tous le pain moral, la chose la plus nécessaire à l'existence de tous, l'instruction primaire ; nous l'avons établie sur de très larges bases. La Chambre, dans ces dernières années, a largement augmenté les subsides destinés à l'enseignement primaire ; nous avons tous reconnu la haute nécessité de multiplier les bonnes écoles, il n'y en a pas assez, et de multiplier les bons maîtres, il n'y en a pas assez.

Quant à la situation des instituteurs eux-mêmes, la Chambre a généreusement contribué à améliorer cette position, et un temps viendra, sans doute, où nous ferons encore puisque nous n'avons fait pour les instituteurs primaires.

En attendant, les soins de l'administration doivent particulièrement se porter, se portent sur l'augmentation et l'amélioration de nos locaux d'école, sur l'augmentation de l'amélioration des instituteurs.

Et ce que je dis, messieurs, des instituteurs, je dois également le dire des institutrices. De ce côté, messieurs, que nous avons encore des améliorations bien considérables, à introduire. Nous avons fait beaucoup pour les écoles de garçons ; nous n'avons pas fait assez pour les écoles de filles. Les femmes en général ne sont pas suffisamment, ne sont pas équitablement protégées par nos lois. Nous devons donc multiplier nos efforts et, au besoin, nos sacrifices financiers en faveur de l'instruction des femmes, en faveur de l'enseignement primaire destiné aux jeunes filles. Car elles aussi ont particulièrement besoin de cette instruction.

De l'instruction primaire nous passons à l'école moyenne ; l'école moyenne qui complète, en le relevant, l'enseignement primaire. Nous en avons établi 50 dans le pays.

De l'école moyenne nous avons, pour les besoins plus élevés, aux collèges et aux athénées, pour arriver finalement aux universités.

Voilà pour l'enseignement littéraire. Voilà l'enseignement que l'on destine aux personnes qui veulent se livrer aux professions dites libérales.

Mais il y a, messieurs, dans la société autre chose que des professions libérales. Il y a d'autres professions tout aussi nobles et tout aussi utiles à la société. Il y a l'agriculture, il y a l'industrie, il y a les arts. Eh bien, dans ces diverses branches de l'activité sociale, permettez-moi de vous mettre aussi sous les yeux le tableau de ce qui existe en Belgique.

Je ne parlerai pas de nos écoles militaires si bien organisées, et de nos écoles de navigation. Je ne m'occupe que de l'enseignement qui ressortit au département de l'intérieur.

Pour l'agriculture, dans la dernière session, vous avez organisé l'enseignement : l'enseignement primaire, l'enseignement moyen, l'enseignement supérieur.

L'enseignement primaire se propagera par les conférences agricoles, que la loi a prescrites et que le gouvernement pourra encourager. Il se propagera parmi les instituteurs auxquels des conférences agricoles élémentaires sont données chaque trimestre.

Il se propagera par les instituteurs et par les conférences données à tous les habitants des campagnes, conférences portant naturellement sur les éléments de l'agriculture et de l'horticulture.

A un degré supérieur, nous plaçons les écoles de Vilvorde et de Gand. C'est l'enseignement moyen de l'agriculture.

Puis vient, comme couronnement, l'enseignement supérieur de Gembloux et l'enseignement donné à l'école vétérinaire.

Voilà une organisation simple, mais qui, je n'en doute pas, pourra produire de très bons résultats, au point de vue de l'instruction agricole.

Je réserve pour la fin l'instruction industrielle, parce que cela me ramènera aux ateliers d'apprentissage.

Quant à l'enseignement des arts, nous sommes un pays agricole, industriel et non moins artistique.

Il ne convient pas à une nation, à un peuple, de se faire trop valoir, de s'exalter lui-même et de faire résonner bien haut son mérite. Mais enfin il est permis de constater ces diverses aptitudes du pays : industrielles, agricoles et artistiques.

Au point de vue de l'art, n'est-ce qui se fait pour l'enseignement de nos classes très nombreuses qui s'y adonnent ? Nous avons là aussi l'enseignement primaire, l'enseignement moyen et l'enseignement supérieur.

L'enseignement primaire de l'art, où le rencontrons-nous ? Nous le rencontrons dans les nombreuses écoles, que beaucoup de nos villes et même de nos communes ont établies. Il y a, messieurs, plus de 12,000 enfants d'artisans qui fréquentent nos écoles de dessin. Le gouvernement n'intervient pas dans ces écoles de dessin ou n'y intervient que pour la distribution de quelques médailles Eh bien, il y a là des améliorations sérieuses à introduire et le gouvernement s'en est occupé. Nous avons voulu rechercher ce qui se passait au sein de ces écoles. La plupart manquent de surveillance, de direction. Il ne s'agit pas d'accaparer ces écoles pour les faire entrer dans le domaine ministériel. Mais il s'agit d'y jeter la lumière, d'y faire pénétrer de bons avis et des encouragements.

Un conseil de perfectionnement des arts du dessin a été créé au département de l'intérieur. Il a visité toutes ces écoles. Nous avons établi une sorte de concours entre les élèves qui fréquentent ces écoles ; nous avons réuni les meilleures compositions, et les résultats que nous avons vus nous ont apporté des révélations intéressantes.

On a découvert des germes d'artistes parmi plusieurs de ces jeunes gens instruits à ces écoles obscures dont personne ne s'occupe en dehors de la localité. Il y a à diriger ces établissements, fréquentés surtout par des fils d'artisans, à y introduire des innovations qui rendront de plus en plus le dessin applicable à l'industrie.

Au-dessus de ces écoles primaires de dessin, s'élève ce que j'appellerai des écoles moyennes, des écoles qui ne sont pas encore destinées à former des artistes, qui s'adressent aussi plutôt à des artisans, mais à des artisans d'une classe supérieure. Là encore, il s'agit de diriger les études des élèves surtout vers des applications utiles, surtout vers l'industrie. Mais si dans ces diverses écoles il se produit des jeunes gens ayant la vocation d'artiste, il faut aller les y chercher, les encourager et les faire monter plus haut. C'est la marche que nous poursuivons.

Au sommet de cette branche d'enseignement se trouvent les Académies royales, celle d'Anvers, dont les traditions et la réputation sont trop connues pour que j'aie ici à en faire l'éloge. Puis vient aussi l'Académie royale de Bruxelles.

Voilà pour les arts du dessin.

Pour la musique, je pourrais en dire autant, et j'espère que la Chambre ne sera pas indifférente à cette revue générale de l'instruction. (Non ! non !) Pour la musique, qui est aussi une branche de l'art dans laquelle la Belgique a le bonheur de se distinguer, nous avons aussi à peu près ces différents degrés.

Nous avons d'abord ce que j'appellerai renseignement primaire, sans parler de celui qui se donne dans nos écoles communales.

L'enseignement primaire se propage en quelque sorte de lui-même, dans cette multitude d'associations de tout genre qui s'occupent de chant ou de musique instrumentale. Le gouvernement aide, par des subsides des plus modestes, tout cet enseignement primaire, qui est d'une si haute utilité au point de vue de la moralisation des classes inférieures.

Au-dessus de ces écoles primaires se trouvent les écoles de musique de certaines villes ; là le gouvernement n'accorde également que quelques faibles subsides.

Puis vient l'enseignement supérieur qui se donne au Conservatoire de Liège et au Conservatoire de Bruxelles ; tous les membres de la Chambre connaissent parfaitement les grands résultats que produit cet enseignement.

Vient maintenant une autre branche d'enseignement qui a plus besoin encore d'encouragements et de développements, c'est l'enseignement industriel, l'enseignement professionnel proprement dit. Eh bien, cet enseignement professionnel, où commence-t-il ? Il commence à l'atelier d'apprentissage. L'atelier d'apprentissage, c'est l'enseignement primaire professionnel.

Nous avons ensuite les écoles d'arts et métiers, telles qu'elles sont établies à Bruges, à Gand, à Tournai, à Soignies, à Seraing, à Verviers, à Charleroi. Le gouvernement intervient dans ces écoles par les subsides portés au budget, par la surveillance et par une direction utile. Il les soumet à certains règlements, à certaines conditions, et il y introduit des améliorations.

(page 143) Au-dessus de cet enseignement industriel moyen, qui se divise en deux branches, comme je l'expliquerai, se trouve un enseignement industriel supérieur, qui se donne dans nos universités : les écoles des arts et manufactures, les écoles des mines, les écoles du génie civil viennent couronner l'enseignement industriel.

Mais j'appelle surtout l'attention de la Chambre sur l'importance de ce que j'appelle l'enseignement industriel moyen. Là, il y a beaucoup à faire pour l'amélioration de l'éducation professionnelle.

Il y a non seulement à enseigner à l'artisan l'art ou le métier qu'il doit professer, mais il y a dans certaines villes, comme à Bruges, à Gand, à Verviers, à Soignies, des écoles spéciales qui ont pour but l'application pratique du dessin à l'industrie. A Bruges, à Gand et à Verviers, c'est l'application du dessin à l'industrie manufacturière, notamment aux tissus. A Soignies, c'est l'application du dessin à la taille des pierres, et tout récemment j'ai eu l'occasion de visiter l'école de Soignies, et j'ai été frappé des progrès faits en quelques années par ces braves artisans qui, les mains endurcies par les matériaux avec lesquels ils sont aux prises toute la journée, viennent le soir s'exercer à l'art du dessin et parviennent à faire des choses d'un goût, d'une délicatesse qui surprendraient tout le monde.

On comprend, messieurs, et l'Angleterre à la suite de l'exposition universelle s'en est parfaitement rendu compte, on comprend ce que notre industrie aura encore à gagner lorsque les arts du dessin auront fait plus de progrès, lorsque le goût s'y mêlera de plus en plus, lorsque le dessin et la façon ajouteront une valeur souvent décuple au plus simple produit.

Eh bien, nous marchons dans cette voie, et déjà nous avons obtenu des résultats qui doivent nous engager à persévérer.

Comme écoles préparatoires à ces écoles moyennes destinées particulièrement aux artisans des villes, viennent, messieurs, les ateliers d'apprentissage, qui ont été mon point de départ dans cette revue générale que je me suis permis de faire devant la Chambre. Eh bien, pour les ateliers d'apprentissage, dont il me semble que l'existence ne peut plus être mise en doute, il y a aussi des améliorations à introduire et nous nous en occupons.

Je l'ai déjà dit, notre but est de municipaliser autant que possible ces institutions afin surtout d'assurer plus de garanties aux enfants qui les fréquentent. Ces garanties doivent porter sur deux points, et ici je rends la Chambre attentive : il y a des ateliers d'apprentissage libres, entièrement libres ; il y a des ateliers d'apprentissage administratifs qui n'ont pas et qui ne peuvent pas avoir cette liberté absolue. L'intervention de l'autorité publique a cet excellent résultat qu'elle peut imposer des conditions, prescrire des règles pour garantir la moralité et la santé des enfants qui fréquentent ces écoles. Ailleurs ces garanties manquent, et l'en abuse assez fréquemment de la santé et de la force des enfants.

Nous avons, dis-je, deux devoirs à remplir, en ce qui concerne les ateliers d'apprentissage communaux : à côté de l'enseignement manuel, assurer aux enfants deux heures au moins d'enseignement primaire par jour, voilà notre premier devoir ; nous veillerons à ce que cette mesure se généralise de plus en plus ; elle est dé à établie dans un grand nombre d'écoles, j'espère qu'elle le sera partout avant la discussion du budget prochain.

Voilà pour les soins de 1 âme, pour les soins de l'intelligence. Mais nous devons aussi soigner la santé des enfants, la force des enfants ; nous limitons et nous réglons les heures de travail.

Ceux qui ont lu l'enquête y auront remarqué un projet de règlement, dans lequel l'administration supérieure décide que le travail des enfants, dans aucun cas, ne pourra dépasser 12 heures par jour, y compris les heures de récréation et de repas ; les enfants ne seraient jamais tenus de travailler plus de trois heures de suite.

Voilà, messieurs, de quelle manière nous envisageons les ateliers d'apprentissage.

Mais, dit-on, si les ateliers d'apprentissage sont une bonne institution, il faut les étendre à toutes les industries et au pays tout entier.

Messieurs, en administration comme en législation, il faut se garder de faire des choses inutiles. Il ne faut faire que des choses utiles, réclamées par les besoins constatés. Partout où la nécessité d'ateliers d'apprentissage ne se fait pas sentir, partout où l'artisan trouve des garanties suffisantes pour son instruction et son éducation, partout où les communes se montrent satisfaites, le gouvernement n'intervient pas.

Il est, d'ailleurs, un grand nombre d'industries qui ne seraient pas susceptibles de passer par les ateliers d'apprentissage. Ce genre d'institutions ne peut guère s'appliquer qu'à certaines catégories d'industries.

En général, nous ne sommes pas sortis des Flandres pour les ateliers d'apprentissage ; il y en a quelques-uns dans les localités du Hainaut, voisines des Flandres ; à l'exception de ces localités, tous les ateliers d'apprentissage sont dans les Flandres et particulièrement dans la Flandre occidentale.

C'est là qu'existe le plus grand nombre d'ateliers ; c'est là aussi qu'on les défend, le dirai-je ?, avec le plus d'acharnement. Dans les localités où l'industrie fleurit, où les bons ouvriers sont nombreux, on ne réclame pas d'ateliers d'apprentissage. Il est même arrivé que plusieurs des ateliers ont cessé d'exister, parce qu'ils n'avaient plus de raison d'être, ce qui a eu lieu notamment dans quelques localités de la Flandre orientale.

Maintenant, quand on compare l'état de choses que je viens de vous exposer avec les sacrifices que s'impose l'Etat, on est frappé des résultats obtenus au prix de ce qu'ils nous ont coûtés.

Pour l'enseignement industriel, abstraction des ateliers et sans tenir compte des écoles spéciales annexées aux universités de l'Etat, vous avez, à l'article 68, une somme de 89,000 francs, et dans ce chiffre se trouve compris un établissement que j'ai omis de citer tout à l'heure et qui doit figurer au sommet de l'édifice de l'enseignement public industriel, je veux parler de l'institut supérieur de commerce d'Anvers. Donc : fr. 89,000.

Pour les ateliers d'apprentissage : fr. 54,000.

Total : fr. 143,000.

Je ne pense pas, messieurs, que l'intervention pécuniaire de l'Etat aille ici trop loin. J'espère, cependant, qu'en restant dans ces limites, nous pourrons de plus en plus perfectionner l'enseignement industriel. Je ne vois pas dans l'avenir de cause sérieuse de grandes augmentations à proposer au budget pour l'enseignement industriel.

Dans de pareilles conditions, la Chambre voudra sans doute, par un vote formel, encourager le gouvernement dans la voie qu'il a suivie, maintenir au budget un enseignement qui s'est concilié les sympathies profondes de toutes les populations auxquelles il est destiné, et faire cesser un état d'incertitude qui a jeté le découragement dans beaucoup de nos communes. En voyant le crédit des ateliers d'apprentissage contesté chaque année, nos communes, elles le disent dans l'enquête, se sont prises de découragement. Beaucoup d'entre elles ont fait construire des locaux ; elles craignent d'être privées du fruit des sacrifices qu'elles se sont imposés ; elles n'osent plus introduire aucune amélioration et restent dans une incertitude fâcheuse. Elles demandent à en sortir, et j'espère que la Chambre répondra au vœu des communes.

M. Vander Donckt. - Messieurs, après le discours remarquable de l'honorable ministre de l'intérieur, je dois le déclarer, je n'ai que peu de chose à ajouter.

Je me suis donné la peine de revoir dans les Annales parlementaires les discussions qui ont eu lieu annuellement depuis 1852 à l'occasion de la discussion du budget de l'intérieur, article 70, crédits demandés pour les ateliers d'apprentissage, et j'y ai puisé la conviction intime que c'est pour avoir déplacé la question, pour s'être formé une fausse idée de ces utiles institutions, qu'on a persévéré jusqu'aujourd'hui à les combattre.

Ainsi que vous venez de l'entendre, et comme l'enquête l'a établi à toute évidence, on ne peut contester les grands bienfaits que les ateliers d'apprentissage ont répandus, depuis leur institution, surtout au profit des ouvriers et enfants d'ouvriers dans nos campagnes des Flandres.

Messieurs, déjà en 1852, un honorable membre de cette Chambre, M Osy, disait, en combattant l'allocation pour les ateliers d'apprentissage, que c'était une prime accordée à l'industrie.

Eh bien, messieurs, il n'y a pas de prime à l'industrie, il ne s'agit pas de primes, il s'agit tout simplement d'instruire les enfants de la classe nécessiteuse, de venir en aide au père de famille pauvre pour procurer à ses enfants un état que ses moyens restreints ne lui permettent pas de lui donner, et s'il n'a pas à sa portée l'atelier d'apprentissage, qu'en résulte-t-il. C'est que l'enfant, arrivé à un certain âge quitte sa commune, et pourquoi ? Parce qu'il ne trouve pas moyen d'y occuper ses bras. Et c'est précisément pour prévenir ce grave inconvénient que les ateliers d'apprentissage sont d'une haute utilité.

(page 144) En effet, si on attire la jeunesse dans les villes, on dépeuple la campagne ; cependant, au point de vue d'une saine économie politique, il y a un intérêt dominant : c'est de conserver les jeunes gens dans les localités où ils sont nés et où ils peuvent s'occuper de l'état de leurs pères qui est surtout l'agriculture.

Messieurs, je me permettrai de vous donner lecture de la réponse que l'honorable M. Rogier faisait à l'honorable M. Osy, qui combattait les ateliers d'apprentissage.

Voici ce que disait l'honorable M. Rogier (séance du 7 mars 1857, page 1001, Annales parlementaires) : « Les ateliers dont il s'agit constituent une sorte d'enseignement professionnel pour les ouvriers et pour les enfants d'ouvriers.

« D'après le compte rendu que j'ai distribué aux Chambres dans le courant de l'année dernière, on a pu se convaincre des excellents résultats obtenus par l'établissement de ces ateliers d'apprentissage, et j'ajouterai, messieurs, ainsi que j'ai eu l'honneur de vous le dire, les générations se succèdent ; à mesure que les jeunes gens deviennent capables d'apprendre un état, les ateliers d'apprentissage leur en procurent le moyen par lequel ils peuvent, pour le reste de leurs jours, pourvoir à leurs moyens d'existence. J'engage le gouvernement à examiner s'il n'y a pas lieu de proposer à l'avenir ce crédit comme allocation permanente au budget. »

Messieurs, il est une chose incontestable, c'est qu'on a constamment attribué comme un subside à l'industrie l'allocation portée au budget pour les ateliers d'apprentissage.

Il n'en est rien, et je suis en ce point parfaitement d'accord avec mes honorables contradicteurs dans les sessions précédentes que l'industrie de notre pays est assez robuste, assez solidement assise pour voler de ses propres ailes, pour se tenir en dehors des secours du budget.

Mais ceux qui ont besoin de subsides, ce sont les enfants de nos ouvriers agricoles, de la classe intéressante des petits cultivateurs.

Messieurs, il est évident que l'agriculture ne peut à elle seule occuper tous les bras oisifs pendant la morte saison. Il faut dans nos campagnes, surtout dans les Flandres où la population est si dense, une branche industrielle quelconque pour occuper les bras pendant l'hiver. Autrefois c'était le filage et le tissage du lin. C'est pour cela que les ateliers d'apprentissage ont été une ressource immense pour cette classe intéressante de nos populations quand la crise linière a envahi nos contrées.

On a dit : c'est un subside accordé à l'industrie et d'un autre côté, c'est une concurrence à l'industrie libre.

Messieurs, cette concurrence n'existe pas et l'honorable ministre de l'intérieur vous l'a dit dans une session précédente, Annales parlementaires, séance du 12 février 1858, partout où il a cru reconnaître dans les ateliers d'apprentissage une concurrence, une entrave à l'industrie libre, il les a insensiblement supprimés.

Eh bien, messieurs, je crois donc que les ateliers d'apprentissage sont une institution des plus utiles, et comme M. le ministre vous l'a fait voir parfaitement bien, il ne serait pas possible, dans les circonstances actuelles de les supprimer.

La grande question aujourd'hui, la divergence d'opinion qui existe encore porte sur la permanence de l'allocation.

Cette permanence, messieurs, est inévitable, et M. le ministre vous a démontré combien était nuisible à l'extension des bienfaits de cette institution, cette incertitude dans laquelle on place les administrations communales en les menaçant tous les ans de la suppression de l'allocation portée au budget.

On dit, et c'est l'opinion de beaucoup de membres de cette Chambre : Nous voulons bien encore continuer pendant quelque temps l'allocation, mais nous ne voulons pas la rendre permanente.

Messieurs, on perd de vue que ce n'est pas la permanence de l'allocation dans le strict sens du mot que nous demandons. Nous demandons que l'on fasse pour cette allocation ce que nous faisons pour tous les articles du budget.

Tous les ans le budget est remis en question, et nous ne voulons pas nous soustraire à la loi commune. Nous admettons que tous les ans l'allocation des ateliers d'apprentissage soit remise en question comme tous les articles du budget, mais ce que nous ne pouvons admettre, c'est que l'allocation soit portée dans la colonne des dépenses extraordinaires et temporaires.

Il est évident que les ateliers d'apprentissage qui ne satisferaient pas aux prescriptions u gouvernement pourront être supprimés, et que le gouvernement pourra proposer des réductions dans cette allocation bien qu'elle soit permanente au budget.

Si, au contraire, d'autres besoins surgissent, s'il est reconnu nécessaire d'établir de nouveaux ateliers d'apprentissage dans des localités qui n'en sont pas pourvues pour le moment, le gouvernement vous proposera une augmentation de crédit pour les subsidier.

Voilà comment nous entendons la chose.

Ce ne sont pas seulement les deux Flandres dans lesquelles ces ateliers sont établis. M. le ministre vient de le dire, il y en a déjà dans la province de Hainaut, et leur utilité est d'autant mieux justifiée que les parties de cette province qui sont limitrophes de la Flandre se trouvent identiquement, sous le rapport de la densité de la population et du travail industriel, dans les mêmes conditions que les Flandres.

L'agriculture y constitue aussi la principale industrie et, par conséquent, il est indispensable d'avoir un autre moyen d'occuper les bras pendant la saison rigoureuse.

C'est ce qu'ont déjà démontré l'honorable ministre de l'intérieur et mon honorable collègue M. Magherman.

L'honorable M. Rodenbach vous a cité des touristes anglais qui sont venus visiter ces établissements et qui en ont parlé avec beaucoup d'éloges.

J'ajouterai que j'ai moi-même été en rapport avec des délégués du gouvernement prussien chargés spécialement devenir étudier et prendre des renseignements sur ces institutions et munis de lettre de recommandation de M. le gouverneur de la Flandre orientale.

Ils sont venus inspecter l'atelier et recueillir sur son organisation des renseignements fort détaillés, destinés à être soumis au gouvernement prussien qui se proposait de fonder des institutions de ce genre en Prusse.

Cela est, me semble-t-il, glorieux pour la Belgique, et cela prouve une fois de plus l'excellence de ces ateliers et les avantages immenses qui en résultent pour les populations ouvrière de nos campagnes.

No l'oublions pas, il y a une autre considération plus importante encore en faveur de ces établissements, c'est d'obvier à l'émigration de nos populations rurales. C'est malheureusement la partie la plus valide et la plus courageuse de ces populations qui abandonne tous les ans nos communes pour se rendre en France.

Dans les environs de Lille, il y a, à l'heure qu'il est, au-delà de cent mille citoyens belges, qui y sont momentanément ou définitivement fixés.

N'est-ce pas là un mal ? et ne serait-ce pas, au contraire, un bienfait que de pouvoir retenir cette population en Belgique ?

On dira : Mais la population est surabondante, elle est excessive, il faut bien se débarrasser du trop-plein.

C'est là une erreur, car il est évident que la population ouvrière fait la richesse du pays. C'est elle qui est la plus grande source de bien-être et de la richesse territoriale, c'est elle qui augmente constamment les produits de la terre comme les produits de l'industrie.

Je dis donc que la richesse d’un pays, c'est sa population ouvrière et industrielle, et je demande de nouveau, comme je l'ai fait depuis plusieurs années, toutes les fois que l'occasion m'en a été offerte, que cette allocation devienne permanente de temporaire qu'elle est jusqu'à présent ; je demande qu'on la traite à l'égal des autres allocations du budget ayant le même caractère d'utilité. J'ai dit.

- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. le président. - Une proposition vient de parvenir au bureau. Elle est ainsi conçue :

« Nous proposons de porter le chiffre de 54,000 francs, demandé pour les ateliers d'apprentissage dans la colonne des charges extraordinaires.

« Signé : Janssens, Wasseige, Royer de Behr, Verwilghen et de Naeyer. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Mais cette somme figure parmi les charges extraordinaires.

M. le président. - C’est ce que je viens de faire remarquer à l'un des signataires de l'amendement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'allocation figure aux charges extraordinaires. Cependant, comme conclusion de mon discours, j'aurais pu proposer à la Chambre de la faire passer dans la (page 145) colonne des charges permanentes ; mais je déclare que si ce transfert n'est pas opéré au budget actuel, je le proposerai au budget prochain.

- Plusieurs voix. - Faisons-le immédiatement.

M. Wasseige. - D'après l'explication de M. le ministre de l'intérieur, de laquelle il résulte que l'allocation de 54,000 francs est maintenue dans la colonne des charges extraordinaires, cela n'est guère logique après son discours, mais enfin, je déclare mon amendement sans objet et je le retire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Mais voire amendement n'en est pas un ; il n'a aucune raison d'être. Quant au budget prochain, je me réserve d'y opérer le transfert dont il s'agit.

M. Wasseige. - Eh bien, nous discuterons alors la question.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Pourquoi pas cette année, si vous avez de bonnes considérations à faire valoir ?

M. Wasseige. - Parce que vous maintenez l'allocation dans la colonne des charges extraordinaires.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Permettez : il me semble que l'honorable M. Wasseige doit être prêt à la discussion ; continuons. Nous avons sous les yeux l'enquête ; je viens de prononcer un assez long discours sur la question ; pourquoi donc ajourner encore la discussion ?

- Plusieurs voix. - Proposez le transfert immédiat.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Eh bien, je propose à la Chambre de transférer la somme de 54,000 fr. de la colonne des charges extraordinaires à la colonne des charges ordinaires et permanentes.

M. Wasseige. - M. le ministre ayant changé d'opinion depuis tout à l'heure...

- Plusieurs voix. - Oh ! oh !

M. Wasseige. - Je répète que M. le ministre de l'intérieur ayant changé d'opinion depuis tout à l'heure, c'est lui qui propose un amendement, et qu'au lieu de défendre le mien, je viens combattre celui de M. le ministre.

Une des raisons qui m'ont fait présenter cet amendement, c'est, quant à moi, que je suis convaincu que nous n'avons pas eu le temps d'étudier mûrement cette question. M. le ministre paraît, d'ailleurs, l'avoir implicitement reconnu en engageant ses collègues à lire l'enquête ; il supposait donc, et il avait raison, que nous n'avions pas eu le temps d'en prendre connaissance, et dès lors il serait, convenable, me semble-t-il, d'ajourner toute décision jusqu'au moment où nous aurons pu tous prendre une lecture attentive de l'enquête.

Au lieu de réclamer un vote immédiat, il eût été beaucoup plus rationnel et plus convenable de le différer et d'obtempérer à la demande que j'ai faite il y a deux jours. L'enquête forme un volume de loi pages et il n'y a que vingt-quatre heures que ce volume nous a été distribué ; i] est donc impossible que chacun de vous ait pu en prendre une connaissance suffisante.,

M. le ministre nous a dit que c'était une enquête qui devait porter la conviction dans tous les esprits ; que c'était une enquête parfaitement impartiale. Je ne ferai qu'une seule observation à cet égard ; c'est que l'enquête a été précisément faite chez les parties intéressées et chez les parties intéressées seulement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ce sont celles qui payent.

M. Wasseige. - De quoi est-il question ? De rendre permanente une somme de 51,000 fr. à donner par la Belgique entière, par les neuf provinces aux deux Flandres, et principalement à la Flandre occidentale. Je doute fort que, dans cet état des choses, on trouve beaucoup de gens disposés à repousser les faveurs du gouvernement, car, au résumé, si la chose n'est pas absolument nécessaire ou excessivement utile, elle est du moins fort agréable à recevoir, et l'on s'explique parfaitement que les intéressés consultés se montrent on ne peut plus disposés à accepter les faveurs que le gouvernement offre avec tant de générosité.

Nous n'avons pas été l'adversaire du crédit alloué pour les ateliers d'apprentissage, lorsque nous l'avons considéré comme un secours que nous étions heureux d'offrir à nos concitoyens des Flandres, alors qu'il y avait réellement urgence de le leur accorder, comme nous sommes convaincus qu'ils nous l'offriraient généreusement si les mêmes nécessités se faisaient sentir dans les autres provinces. Mais la situation étant complètement changée aujourd'hui, il me semble que ce n'est pas du tout le moment de rendre permanente une allocation qui, alors qu'elle était reconnue le plus indispensable, figurait dans la colonne des charges extraordinaires : (Interruption.)

De l'aveu de tout le monde, les Flandres sont aujourd'hui prospères, florissantes, l'industrie y a subi une transformation complète et elle marche au gré de tout le monde. Je vous le demande, le moment est-il bien choisi pour opérer le transfert qui est proposé ?

On vous a dit, messieurs, que les ateliers d'apprentissage sont une chose utile et que le gouvernement devait faire toutes les choses qu'il reconnaissait utiles.

Je ne le crois pas, messieurs ; pour que le gouvernement intervienne exceptionnellement en faveur d'une partie du pays, il faut qu'il s'agisse d'une chose qui soit non seulement utile, mais encore tout à fait nécessaire. Prétendra-t-on qu'il y ait nécessité réelle à faire ce que l'on propose aujourd'hui ? Mais, messieurs, il serait tout aussi utile d'instituer des ateliers d'apprentissage pour les autres industries ; par exemple, pour la coutellerie dans la province de Namur, pour la fabrication des armes dans la province de Liège. Ces ateliers seraient tout aussi utiles que les autres, au moins pour ceux qui recevraient les subsides.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Faites une proposition.

M. Wasseige. - M. le ministre vous a déclaré qu'il fallait organiser complètement l'enseignement industriel et que cet enseignement avait plusieurs degrés ; qu'il comprenait l'enseignement primaire, l'enseignement moyen et l'enseignement supérieur ; que l'enseignement primaire consistait dans l'établissement des ateliers d'apprentissage. Si cela est exact, pourquoi donc ne pas leur donner plus d'extension ?

L'enseignement primaire, proprement dit, est répandu dans tout le pays. ; pourquoi donc faut-il que deux provinces seulement possèdent un enseignement primaire professionnel ? S'il est utile, nous avons tous des droits égaux à la sollicitude du gouvernement ; s'il n'est pas nécessaire, pourquoi le maintenir dans les deux Flandres, au détriment du reste du pays ?

Je le répète, l'industrie est florissante dans les Flandres, l'honorable M. Vander Donckt vient encore de le proclamer en déclarant que, sous ce rapport, elles pouvaient se passer de l'intervention du gouvernement ; mais il a ajouté que les ateliers d'apprentissage étaient très utiles pour les enfants d'ouvriers pauvres, surtout pendant la morte saison.

Mais, messieurs, est-ce que nos manœuvres, nos maçons ne sont pas également dignes d'intérêt ? Est-ce qu'ils n'ont pas, eux aussi, la morte saison ; et ne seraient-ils pas heureux, eux aussi, de trouver des salles d'asile et de gagner quelque argent lorsque le travail leur fait défaut ?

Je le répète donc, messieurs, je crois que les ateliers d'apprentissage ont eu leur raison d'être pendant plusieurs années ; mais leur existence exceptionnelle ne se justifiait que par l'état déplorable dans lequel se trouvaient les deux Flandres et par la transformation que subissait alors leur principale industrie.

Ils étaient alors justifiés ; je remercie ceux qui ont eu l'idée de les créer et j'ai été heureux d'accorder à plusieurs reprises mon vote aux allocations réclamées en faveur de ces institutions.

Mais je dis que l'état de choses sous l'empire duquel ils ont été établis s'étant complètement modifié, il n'est pas juste de prélever à charge du pays tout entier le prix de faveurs accordées à deux provinces seulement, lorsqu'elles sont rentrées dans leur état normal, lorsqu'elles sont, sous tous les rapports, égales au restant du pays.

Je ne veux cependant pas faire cesser l'état des choses immédiatement ; je comprends qu'il faut mettre ici de la modération et de la prudence ; il peut y avoir des engagements pris par l'Etat, c'est pour cela que je ne veux pas faire disparaître le crédit de 54 mille fr. du budget, mais je ne veux pas qu'on change sa nature, je ne veux pas que d'une dépense essentiellement temporaire, d'une dépense extraordinaire on fasse une dépense permanente.

Voilà quel était l'objet de mon amendement et voilà pourquoi je combats celui de M. le ministre de l'intérieur.

Remarquons enfin que c'est la première fois que cette idée se fait jour dans la Chambre. La dernière fois encore que la question des ateliers d'apprentissage a été discutée, l'année dernière, M. le ministre a dit : Il n'est pas question de supprimer le crédit, de faire tomber les ateliers d'apprentissage, mais on diminuera le crédit petit à petit pour arriver à un état normal ; c'est-à-dire à sa suppression complète, s'il y a lieu. L'honorable M. Tack a déclaré en défendant le crédit que les ateliers d'apprentissage n'étaient pas une chose qui dût durer éternellement, qu'ils devaient cesser un jour d'être à la charge de l'Etat, mais qu'il y avait des engagements pris, et que ces engagements devaient être respectés ; aujourd'hui, au contraire, on nous propose de passer à un changement complet de système.

Après avoir déclaré que ces ateliers disparaîtraient avec les causes qui les avaient fait naître, on veut, maintenant que ces causes ont disparu, (page 146) faire passer la dépense pour cet objet de la colonne des dépenses extraordinaires dans celles des dépenses ordinaires, et faire ainsi des ateliers d'apprentissage une institution permanente ; c'est contre cet état de choses que je m'élève et c'est pour l'empêcher que j'avais proposé mon amendement.

Pour justifier ce changement, on nous a remis une enquête excessivement volumineuse qui devrait être l'objet d'une étude approfondie, et on ne nous a donné que 24 heures pour l'examiner. Il eût été plus sage et plus juste que M. le ministre de l'intérieur persistât dans sa première détermination ; il nous avait dit : Je consens pour cette année à laisser le crédit dans la colonne des charges extraordinaires, mais je vous préviens que, l'année prochaine, je ferai figurer cette dépense dans la colonne des charges ordinaires. Nous étions alors prévenus, et nous pouvions nous préparer à examiner à fond la question.

Je dois le dire, la première idée de M. le ministre, c'était l'idée juste, impartiale, gouvernementale, c'était la bonne ; la seconde n'est qu'une boutade de mauvaise humeur, c'est une concession à ses amis, c'est la mauvaise.

M. le président. - Je n'ai pas voulu vous interrompre, mais je dois vous faire observer que votre proposition n'est pas un amendement ; au premier vote la Chambré a adopté le crédit porté aux charges extraordinaires en le réduisant de 6,000 fr., qui avaient été transférés à l'article 68. J'allais consulter la Chambre pour savoir si elle maintient ce vote, quand vous m'avez fait parvenir votre proposition qui n'est pas, je le répète, un amendement, puisque vous proposez ce qui a été adopté au premier vote.

M. Wasseige. - C'est M. le ministre de l'intérieur qui propose un amendement.

M. le président. - Précisément. M. le ministre de l'intérieur propose de porter le crédit de la colonne des charges extraordinaires à la colonne des charges ordinaires, mais votre proposition n'est pas un amendement.

M. Wasseige. - Je ne propose pas d'amendement, je combats l'amendement de M. le ministre.

M. le président. - L'amendement que vous proposiez est donc retiré ; vous combattez l'amendement du ministre.

Quant à cet amendement, je ferai observer qu'on ne peut proposer un amendement au second vote qu'autant qu'il soit motivé sur un amendement antérieurement adopté ou recelé. Si la Chambre n'y fait pas d'opposition, je mettrai aux voix la proposition de M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Mon amendement m'a été inspiré par l'amendement de M. Wasseige. L'honorable membre n'avait probablement pas lu le libellé de l'article. Quand j'ai dit que je consentirais à laisser le crédit pour les ateliers d'apprentissage à la colonne des dépenses extraordinaires, l'honorable membre s'est emparé de cette concession pour dire : à la bonne heure, vous renoncez à l'idée de faire de cette dépense une charge ordinaire.

M. Wasseige. - Non pas, j'ai dit : Nous remettrons la discussion à l'année prochaine, nous aurons le temps de nous y préparer.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne voulais pas proposer d'amendement, parce que dans trois mois, en présentant mon budget, je me proposais de faire figurer le crédit aux charges ordinaires. Mais comme l'honorable membre a paru induire de mes paroles que je n'insistais pas sur le caractère à donner au crédit, j'ai dit que je proposais de le porter dès maintenant à la colonne des charges ordinaires et permanentes. C'est ce qu'a combattu l’honorable membre ; je lui répondrai en quelques mots.

L'honorable membre trouve injuste qu'on impose le pays entier au profit de deux provinces. L'opposition qu'il fait ici est un peu tardive ; il y a vingt ans que ce crédit figure au budget avec cette destination ; en suivant cette manière de raisonner, la Flandre occidentale, qu'on représente particulièrement comme privilégiée, n'aurait-elle pas le droit de dire à la province de Namur : vous m'avez enlevé une institution importante, l'école d'agriculture qui était établie à Thourout, et qu'on a transportée à Gembloux ; vous m'avez dépouillée.

La province de Namur ne s'est pas sentie indignée contre cette injustice, elle a profité de la dépouille de la Flandre occidentale ; c'est ainsi encore que le haras de l'Etat a été enlevé à la province de Brabant pour être donné à la province de Namur. (Interruption.)

M. Wasseige. - Ce sont des établissements qui intéressent la généralité du pays.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Est-ce que tout le pays ne se ressentait pas des souffrances des Flandres ?

Jamais on n'a reproché au budget de venir en aide aux souffrances d'une partie du pays ; c'est là une manière de discuter qui n'est pas admissible. Les Flandres ont tout, dit-on ; nous, nous n'avons rien. Qui empêche les communes de la province de Namur de fonder des ateliers d'apprentissage ? Déjà riches, elles viennent de voir augmenter encore leurs ressources par la loi qui abolit les octrois ; qu'elles fassent des ateliers. L'Etat ne s'appauvrit pas en accordant quelques centaines de francs pour les ateliers, là où ils peuvent rendre des services, être utiles ; là où ils ne sont pas nécessaires, il ne faut pas forcer la main aux communes.

L'article 70 est conçu en termes généraux ; il ne s'applique pas aux Flandres en particulier, mais à tout le pays. Si donc dans la province de Namur des communes veulent établir des ateliers d'apprentissage dans de bonnes conditions, on leur viendra en aide, si tant est qu'elles aient besoin de subsides. (Aux voix ! aux voix !)

M. de Theux. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le ministre de l'intérieur, en présence de l'observation de M. le président, insiste-t-il pour le transfert du crédit de la colonne des dépenses extraordinaires à la colonne des dépenses ordinaires ? Il a déclaré sou intention formelle d'effectuer ce transfert au budget prochain. C'est, selon moi, ce qu'il y aurait de plus convenable ; d'une part, on aurait le temps d'étudier les documents qui nous ont été distribués et de se préparer à une discussion approfondie ; d'autre part on déférerait à un sentiment de convenance et à la nécessité de se conformer au règlement : le chiffre seul du crédit a été amendé, par conséquent ce chiffre seul est en question, on ne peut pas introduire d'autre modification qu'une modification de chiffre.

Je sais très bien que dans cette occasion l'importance n'est pas extrêmement majeure, mais il n'en est pas moins vrai que c'est un penchant dangereux et qu'en aucune circonstance nous ne devons permettre de dérogation au règlement.

M. le président. - Ainsi, la question est de si voir si l'amendement peut être présenté au second vole.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, toute la discussion de l'article a été remise au second vote. Il n'y a pas eu de réserve à cet égard. Il peut donc sortir de cette discussion telle ou telle proposition nouvelle, et je crois qu'alors même que ma proposition ne serait pas la conséquence de l'amendement, elle serait admissible, la question tout entière ayant été réservée.

Mais si l'on veut pousser les choses à l'extrême rigueur, interpréter d'une manière très subtile l'article du règlement, je dirai ceci : l'amendement est une diminution du chiffre. Supposons la diminution beaucoup plus forte ; on comprend qu'une dépense très forte figure au budget comme charge extraordinaire et temporaire, mais je réduis cette dépense et je propose de la rendre permanente. Cette proposition n'est-elle pas la conséquence de l'amendement, de la diminution du chiffre ?

Eh bien ! c'est ce qui arrive. Aussi longtemps que le chiffre a paru très élevé, ou l'a rendu temporaire ; il avait été porté dans le principe à 150,000 fr. ; maintenant que le chiffre est réduit dans de sages limites, et qu'on ne peut plus introduire de réduction, portons-le, comme conséquence, dans la colonne des dépenses permanentes.

Voilà comment on peut consciencieusement adopter la proposition.

M. de Decker. - Il s'agit de savoir si, en présence de notre règlement, nous pouvons, au second vote, non seulement changer le chiffre, mais changer la nature de la dépense, car c'est à la rigueur de changer la nature de la dépense que l'on propose. Il est évident que.la question qui sépare les partisans d'un chiffre temporaire des partisans d'un chiffre permanent est radicale. II s'agit donc de voter non seulement sur le chiffre, mais sur la nature et le caractère à donner au crédit. Or, si l'on soulève cette question, je crois qu'elle est digne de toute l'attention de la Chambre.

C'est pour moi un motif de plus d'arriver à cette conclusion : c'est que, dans l'intérêt même du gouvernement dont, en cette occasion, je suis prêt à soutenir les idées, il vaut mieux n'introduire cette modification de permanence qu'au budget prochain. Je crois, d'ailleurs, que c'est une question de convenance. Il est évident que la plupart des membres n'ont pas lu l'enquête importante dont les résultats nous ont été communiqués. L'année prochaine, si la discussion s'ouvre, j'aurai peut-être l'occasion de défendre aussi ma manière de voir, et cette (page 147) manière de voir est favorable à l'organisation régulière et normale d'un enseignement industriel.

M. B. Dumortier. - On peut discuter très longtemps le point de savoir si le règlement fait obstacle à ce que le crédit voté jusqu'ici comme dépense extraordinaire et temporaire soit porté au second vote dans la colonne des charges ordinaires et permanentes, mais il y a un fait incontestable, c'est que toute dépense portée au budget est une dépense temporaire puisque les dépenses ne sont votées que pour un an. Ainsi je ne vois pas on quoi l'on doit attacher tant de prix à ce que cette dépense passe de la colonne des charges temporaires à la colonne des charges permanentes.

Cela ne changera rien à l'état des choses.

Mats je crains qu'en insistant fortement sur ce point, qui au fond n'a pas d'importance, on ne crée une opposition plus grande contre le chiffre en discussion. J'adjure donc M. le ministre de l'intérieur de laisser pour cette année les choses comme elles sont Dans trois mois, M. le ministre de l'intérieur nous présentera un nouveau budget ; et il pourra faire figurer alors cette dépense dans la colonne des charges ordinaires.

Le parti le plus sage me paraît donc de maintenir l'article tel qu'il est. Nous voterions d'ailleurs cette année le chiffre comme dépense ordinaire et permanente, que l'année prochaine la Chambre pourrait rejeter le crédit. La modification que l'on propose n'offre donc pas un grand avantage ; c'est toujours la même chose.

M. de Decker. - Cela a une grande importance pour les communes.

M. B. Dumortier. - Je maintiens que la question de savoir si une dépense figurera au budget comme temporaire ou comme permanente, est toute secondaire. Car en vertu de la Constitution, toute dépense est temporaire et doit être votée chaque armée. Lorsque vous aurez transféré le chiffre de la colonne des charges extraordinaires et temporaires à la colonne des charges ordinaires et permanentes, vous ne pourrez dénier à une autre législature le droit de revenir sur ce vote.

Je ne comprends donc pas, je le répète, l'importance que le gouvernement attache à la proposition qu'il nous fait, tandis que j'y vois cet inconvénient que je prends la confiance de signaler à M. le ministre de l'intérieur, que comme beaucoup de personnes paraissent attacher un prix, que je ne conçois pas non plus, à cette question, il vaut mieux ne pas accumuler des oppositions de tout genre qui pourraient compromettre le crédit. Je crois donc qu'il vaut mieux ne rien changer à l'article, que cela vaut mieux, vu la situation des provinces des Flandres et des nécessités constatées.

M. Magherman. - Messieurs, je pense que la proposition de M. le ministre de l'intérieur peut parfaitement être discutée en ce moment, et que le règlement ne s'y oppose en aucune manière. Lorsque la Chambre est arrivée au chapitre « industrie », il a été convenu de tenir ce chapitre en suspens. Par conséquent, nous pouvons en ce moment proposer tous les amendements que nous jugeons convenables, en un mot tous les amendements que nous aurions pu proposer alors.

Voilà quant au point de vue du règlement. Quant au fond, M. le ministre de l'intérieur, en proposant de transférer cette allocation de la colonne des charges extraordinaires et temporaires à celle des charges ordinaires et permanentes, ne fait, ce me semble, que rentrer dans la légalité.

Jusqu'ici, à ce point de vue, ce que nous avons fait relativement aux ateliers d'apprentissage n'a pas été parfaitement régulier. La loi de 1842 nous prescrit de porter annuellement au budget une somme poulies ateliers d'apprentissage. Je me permettrai de répéter à la Chambre le texte de l'article 25 de cette loi : « Une partie du subside voté annuellement par la législature pour l'instruction primaire aura pour destination spéciale : 3° De propager les écoles connues sous le nom d'ateliers de charité et d'apprentissage. »

Ces ateliers, comme vous le voyez, messieurs, existent en vertu d'une prescription formelle de la loi, et nous devons porter au budget ce que la loi nous prescrit d'y porter. Ce n'est donc pas dans la colonne des dépenses extraordinaires et temporaires que cette allocation doit être portée, aussi longtemps que la loi sur l'instruction primaire n'est pas modifiée. Libre à nous, de contester et de modifier le montant de l'allocation ; mais la loi veut que la somme votée soit portée comme dépense ordinaire et permanente.

Je ne répondrai pas aux autres observations présentées par l'honorable député de Namur. Elles ont été suffisamment rencontrées par M. le ministre de l'intérieur.

M. Devaux. - J'engage la Chambre à décider la question cette année-ci. S'il le faut, qu'on prolonge la discussion ; rien n'empêche de discuter la question encore demain, s'il est des membres qui n'aient pas encore pu lire les documents. Quant à moi, j'ai eu le temps d'en prendre connaissance.

Je ne comprends pas le motif d'opposition qu'on tire des règlements. Il est bien certain que la Chambre a réservé la discussion de l'article, or à quoi servirait de réserver la discussion d'un article, si l'on ne pouvait pas présenter d'amendements ? Pourquoi veut-on borner le droit d'amender un chiffre ? Personne n'a limité en ce sens la décision de la Chambre. Si on n’a pas le droit de présenter l'amendement proposé par M. le ministre de l'intérieur, on n'a pas le droit non plus de diminuer le chiffre. De ce qu'on a réservé la discussion, résulte le droit de proposer des amendements, et de ce qu'on n'a pas limité ce droit, il résulte qu'on peut préposer des amendements quelconques.

Je demande, messieurs, que la question soit résolue. Qu'on remette la discussion à demain s'il le faut, mais les établissements dont il s'agit ne peuvent pas rester dans l'incertitude. On dit que plusieurs contrats expirent l'année prochaine ; c'est une raison de plus pour qu'il faille savoir à quoi s'en tenir.

M. le président. - Je vais mettre aux voix la question de savoir si l'amendement de M. le ministre de l'intérieur peut faire partie de la discussion.

M. Coomans. - On ne peut pas mettre le règlement aux voix.

M. le président. - Quand il y a dissentiment sur l'application du règlement, la Chambre doit être consultée.

- La Chambre décide que l'amendement de M. le ministre de l'intérieur fera partie del'a discussion.

- Plusieurs membres. - A demain !

- D'autres membres. - Votons !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Quelques orateurs se sont plaints de ne pas avoir pu prendre connaissance de toutes les pièces ; pour que la discussion soit complète, et qu'on ne puisse plus invoquer le défaut de connaissance des documents, je demande que la discussion soit continuée à demain.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi interprétatif de l’article 69 de la loi du 22 frimaire an VII

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet interprétatif de l'article 69 de la loi du 22 frimaire an VII.

Projet de loi révisant le code pénal

Communication du gouvernement

Messieurs, dans les sessions de 1851 et 1852, les Chambres ont examiné et voté le premier livre du Code pénal. Depuis lors, le deuxième livre a été élaboré et soumis à la Chambre et les huit premiers titres en ont été votés. Les discussions auxquelles le deuxième livre a donné lieu et les décisions qui sont intervenues ont rendu nécessaire une étude nouvelle des différentes dispositions du livre premier et quelques additions. Ces dispositions additionnelles, j'ai l'honneur de les déposer également sur le bureau, la Chambre est donc, en ce moment, saisie de tout le travail qui se rapporte au Code pénal.

Je demanderai que le projet interprétatif de l'article 69 soit renvoyé à une commission spéciale et les dispositions relatives au Code pénal à la commission qui examine en ce moment le livre II.

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à quatre heures et demie.