Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 23 novembre 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)

(page 45) (Présidence de VandenpeereboomE.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Florisone, secrétaire, fait l'appel nominal à deux heures et un quart ; il donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est adopte.

Pièces adressées à la chambre

Il présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre : ^

« Des habitants de Gand, membres du Cercle commercial et industriel de cette ville, demandent qu'il soit frappé de la monnaie d'or belge et que l'on donne cours légal à la monnaie d'or de France. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner la proposition de loi relative à la monnaie d'or.


« Les membres du conseil communal et des habitants de Molenbeek-Wersbeek déclarent adhérer à la pétition ayant pour objet la construction d'un chemin de fer de Louvain à Hasselt, par Diest. »

« Même adhésion des membres du conseil communal et des habitants de Cortenaeken, Becquevoort. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. Beeckman. - Je demande, en outre, que la commission soit invitée à faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Les sieurs Voortman, Rosseel et autres habitants de Gand demandent la création : 1° de timbres-poste de cinq centimes pour l'affranchissement des lettres dans les villes ; 2° de timbres-poste servant à affranchir les imprimés ; et 3°, de timbres adhésifs, tenant lieu de la formalité du timbre. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Dechamps, ancien préposé des douanes, demande une indemnité ou un emploi. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Gosselies demande la suppression des droits de barrières. »

- Même renvoi.


« La chambre de commerce d'Audenarde demande qu'il soit donné cours légal à la monnaie d’or de France. »

- Même renvoi.

Projet de loi tendant à accorder la naturalisation ordinaire au vice-consul de Belgique à Tripoli

Dépôt

Projet de loi interprétatif de l'article 87 de la loi sur la garde civique

Dépôt

Projet de loi interprétatif de la relative au poids des voitures employées au roulage et aux messageries

Dépôt

Projet de loi interprétatif de l'article 69 du Code pénal

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau :

1° Un projet de loi tendant à accorder la naturalisation ordinaire au sieur Isaac Yanni, vice-consul de Belgique à Tripoli ;

2° Un projet de loi interprétatif de l'article 87 de la loi du 8 mars 1848 sur la garde civique ;

3° Un projet de loi interprétatif de la loi du 29 floréal an X, relative au poids des voitures employées au roulage et aux messageries ;

4° Un projet de loi interprétatif de l'article 69 du Code pénal.

- Il est donné acte à M. le ministre de la justice de la présentation de ces quatre projets de loi, qui seront imprimés et distribués.

Le premier est renvoyé à l'examen de la commission des naturalisations, et les trois autres sont renvoyés à l'examen de trois commissions spéciales qui seront nommées par le bureau.

Motion d’ordre

M. Vilain XIIII. - Je prie M. le ministre des affaires étrangères de me prêter un moment d'attention ; je me propose de faire une interpellation qui rentre peut-être dans les attributions de son département .

Messieurs, j'ai à vous parler d'une question d’étiquette, mais les questions d'étiquette intéressent souvent la dignité nationale. Voici ce que je lis dans le Moniteur de ce matin, à l'occasion de l'arrivée de l'impératrice d'Autriche à Anvers :

« On a remarqué que, pour se conformer sans doute au cérémonial allemand, la Duchesse de Brabant et le Comte de Flandre ont mis le genou en terre pour baiser la main de l'impératrice Elisabeth. »

Messieurs, je n'étais pas à Anvers ; je ne sais rien ; mais je dis que cela n'est pas vrai.

- Des membres : Très bien !

M. Vilain XIIII. - Cela n'est pas vrai, parce que c'est impossible.

J'ai eu l'occasion, pendant que j'étais au ministère des affaires étrangères, de constater que madame la Duchesse de Brabant unit à une très grande dignité personnelle une haute idée de ses droits comme princesse belge, et de plus, que personne aussi bien qu'elle ne connaît les lois de l'étiquette.

Or, tous ceux qui connaissent les lois de l'étiquette savent qu'il n'y a pas de souverain ni de souveraine, de prince ni de princesse qui s'agenouille devant qui que ce soit, si ce n'est devant le souverain pontife seul. Telle est l'étiquette. Une seule fois en sa vie quand une princesse vient dans un pays étranger ou elle doit épouser un prince royal, en arrivant près du roi elle fait le geste de plier le genou devant son futur beau-père.

Mais, à part ce fait isolé, jamais une princesse ne plie le genou devant une personne étrangère, quelque élevée qu'elle puisse être en dignité.

Je suis certain, messieurs, que le fait est faux, mais j'avoue qu'en le lisant dans le Moniteur le rouge m'est monté au visage.

Peut-être M. le ministre des affaires étrangères aura-t-il éprouvé le même sentiment, peut être aura-t-il pris des informations au château et pourra-t-il nous dire quelque chose.

Il est possible aussi qu'il n'ait pas lu le Moniteur, ce qui arrive souvent aux ministres comme à beaucoup d'autres, mais je lui demanderai d'avoir l'obligeance de s'adresser au Roi ou à Mgr le Duc de Brabant, afin de venir demain ou lundi nous dire officiellement ce que je dis officieusement ; c'est que le fait rapporté par le Moniteur n'est pas vrai.

Il faut une explication, messieurs, parce que cet article va courir toutes les chancelleries et toutes les cours de l'Europe, parce qu'on rira de nous, et que je ne veux pas que l'on rie de nous.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Messieurs, je regrette que l'honorable membre ne m'ait pas prévenu de son interpellation.

M. Vilain XIIII. - Je vous en demande pardon, mais je viens de lire la chose au Moniteur.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Je ne regrette pas moins de n'avoir pas été prévenu.

La Chambre doit comprendre que le sujet est fort délicat.

Je n'ai aucune connaissance des faits dont vient de parler l'honorable M. Vilain XIIII, et j'avoue que je n'avais pas lu l'article du Moniteur. Cet article figure dans la partie non officielle. Or le gouvernement n'accepte la responsabilité que de la partie officielle de ce journal.

Il m'arrive assez souvent de trouver dans le Moniteur, àla partie non-officielle, des communications qui auraient subi des changements si elles avaient passé par l'examen de mon département. J'y rencontre parfois des expressions et des qualifications qui ne sont aucunement conformes, soit à l'organisation politique du pays, soit aux usages de notre cour.

Je prie la Chambre de me permettre de ne pas entrer dans d'autres explications. J'ignore absolument ce qui s'est passé à Anvers ; mais ce dont je suis certain, je n'ai pas besoin de le dire, c'est que nos princes et nos princesses sont incapables d'avoir rien fait qui soit contraire à leur dignité et à celle de la nation.

M. Devaux. - Messieurs, je prends la parole parce que je crois que nous n'avons pas à intervenir dans l'appréciation de faits de ce genre qui n'ont même aucun caractère officiel. Il s'agit de pures questions d'étiquette de cour ou d'usage de famille.

Le parlement n'a pas plus à y voir qu'un autre pouvoir n'aurait à (page 46) intervenir dans la tenue de nos séances ou dans les usages que nous pratiquons au sein de nos familles.

Si nous nous occupions ici de matières semblables, cela nous mènerait loin, car il n'y a presque pas de cérémonie, pas de fêtes dans lesquelles figure la cour ou la diplomatie, où quelque point d'étiquette ne soit contesté.

L'honorable M. Vilain XIIII, j'en suis persuadé, a une parfaite connaissance de ces règles ; mais je dois confesser que, quant à moi, mon instruction sous ce rapport est beaucoup moins accomplie, et je suis fort peu disposé, en ma qualité de représentant, à étudier et à approfondir cette matière.

Je ne crois pas qu'en entrant ici, nous ayons reçu cette mission, Nous avons des droits plus importants à exercer dans cette enceinte. Pour que l'exercice en soit respecté par tous, respectons aussi les droits d'autrui. Restons dans nos attributions et que chacun se forme sur le récit exact ou inexact du Moniteur telle opinion qu'il jugera convenable.

M. Vilain XIIII. - Je n'ai pas du tout demandé que la Chambre se constitue juge de l'étiquette de la cour.

Je me suis borné à demander que M. le ministre des affaires étrangères veuille bien, s'il ne juge pas nécessaire de faire une déclaration à la Chambre, faire démentir par le Moniteur un acte qui, j'en suis certain, n'a pas été posé et qui, s'il n'était pas démenti, humilierait la nation.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Je demande à ajouter une observation qui me paraît importante, c'est que la réception dont le Moniteur a rendu compte n'a eu aucun caractère officiel ; c'était une réception de famille, rien de plus ; de sorte que, alors même qu'il y aurait eu de la part des augustes personnages qui se rencontraient, quelques démonstrations qui dans une réception officielle seraient contraires à l'étiquette des cours entre elles, on ne saurait y voir, dans les circonstances présentes, que l'observance d'une de ces formes de respect commandées par des usages de famille dans les relations privées et intimes, et d'autre part un acte d'hommage chevaleresque envers une souveraine jeune, belle, et de plus souffrante. De pareils actes entièrement personnels n'auraient aucun des caractères de l'étiquette officielle.

C'est là une distinction qui me paraît essentielle ; car enfin si, dans l'enceinte du palais, si les princes entre eux, les princesses entre elles, jugeaient à propos de se faire certaines démonstrations ou amicales ou respectueuses qui nous paraîtraient inusitées, aurions-nous quelque chose à y voir, quelque chose à y redire ? La dignité nationale ne pourrait être blessée que dans le cas où certaines règles commandées par l'usage des nations, par l'usage des cours dans leurs relations politiques n'auraient pas été observées.

Je conçois que si, dans les rapports politiques, un souverain posait un acte qui pût, aux yeux de la nation, aux yeux de l'Europe, le placer dans une position d'infériorité vis-à-vis d'un autre souverain, un acte qui blessât l'égalité qui doit régner entre les têtes couronnées, je conçois, dis-je, que la susceptibilité nationale pût s'en trouver froissée. Mais dans ce cas un pareil acte serait couvert par la responsabilité ministérielle.

Rien de pareil ne se présente dans l'occurrence ; il s'agit ici d'une rencontre toute particulière, n'ayant aucun caractère officiel et dont le récit, d'ailleurs, aura probablement été emprunté, à quelque autre journal, comme il arrive souvent.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il y a souvent dans les comptes rendus empruntés par le Moniteur à d'autres journaux des choses que nous désavouons complètement.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Je n'ai certes pas l'intention de faire un reproche à l'honorable comte Vilain XIIII de son interpellation ; j'honore sa patriotique susceptibilité ; mais je crois qu'après y avoir réfléchi, il reconnaîtra lui-même que l'article qu'il a signalé n'ayant aucun caractère officiel, ne saurait avoir aucune portée, et que les faits qu'il a relevés, fussent-ils exacts, ce que je ne crois nullement, appartiendraient par leur caractère privé et intime à un ordre de choses qui n'est pas du domaine de la Chambre.

M. le président. - L'incident est clos.

Nomination du bureau définitif

Nomination du président

M. le président. - Le premier objet à l'ordre du jour est laa nomination du président de la Chambre.

M. H. de Brouckere. - Je viens d'apprendre que quelques membres de la Chambre se proposaient de me donner leurs voix. Je les supplie de n'en rien faire.

Je crois qu'il est de notre intérêt de nous diviser le moins possible dans le choix que nous avons à faire,

Il est procédé à l'appel nominal pour la nomination du président.

Nombre des votants, 94.

Billets blancs, 2.

Bulletins valables, 92.

Majorité absolue, 47

M. Vervoort a obtenu 55 suffrages.

M. de Theux, 29.

M. Orts, 4

M. Jouret, Martin, 3.

M. de Brouckere, 1.

M. E. Vandenpeereboom, 1.

M. Vervoort ayant réuni la majorité des suffrages est proclamé président.

M. le président. - J'invite M. Vervoort à prendre place au fauteuil.

M. le président. - Messieurs et chers collègues, le sentiment qui me domine en prenant possession des éminentes fonctions que vous daignez me conférer, c'est le désir de les remplir dignement et de me placer à la hauteur de l'assemblée de laquelle relèvent mes fonctions. Ce sentiment prend sa source dans ma reconnaissance envers vous, messieurs, qui me témoignez une si honorable et si bienveillante confiance, et dans mon attachement au régime représentatif dont la sage pratique a affermi le règne de l'ordre et de la liberté dans le pays.

Je comprends toute l'étendue de mes devoirs ; et sans illusion sur ma faiblesse, je m'en effrayerais davantage, si je n'avais pour guide l’exemple de mes dignes devanciers, et pour appui le respect affectueux dont vous entourez la présidence et la sollicitude qu'au milieu de vos luttes parfois vives et passionnées, mais toujours loyales, votre sagesse sait conserver pour les prérogatives et la dignité du parlement.

Vous m'aiderez tous, messieurs et chers collègues, à conserver intact ce dépôt sacré.

De votre côté, vous pouvez compter sur ma fermeté, sur mon zèle, sur mon impartialité.

Sans rien abdiquer de mes principes, ni de mes opinions, je ne ferai aucune distinction entre mes amis et mes adversaires politiques. Du haut de ce fauteuil, je ne verrai que des collègues investis des mêmes droits, liés par les mêmes règles, unis par le patriotique contact d'un inviolable attachement à la Constitution et d'un amour ardent pour la patrie et le Roi.

Et maintenant, mes chers collègues, sanctionnez votre vote en soutenant et en encourageant mes efforts.

Nomination du premier vice-président

Il est procédé au scrutin pour la nomination du premier vice-président.

En voici le résultat ;

Nombre des votants, 93

Bulletins blancs, 10

Bulletins valables, 83

Majorité absolue, 42

M. E. Vandenpeereboom a obtenu 64 voix.

M. de Naeyer, 12.

M. Moreau, 3.

M. A. Vandenpeereboom, 1.

M. Vilain XIIII, 1.

M. Vander Donckt, 1.

M. Jouret, 1.

En conséquence, M. E. Vandenpeereboom est proclamé premier vice-président.

Nomination du second vice-président

Il est procédé à un troisième scrutin pour la nomination du second vice-président :

Nombre des votants, 90

Bulletins blancs, 17.

Bulletins valables, 73.

Majorité absolue, 37.

(page 47) M. Moreau obtient 58 suffrages.

M. M. Jouret, 6.

M. Hymans, 3.

M. Vilain XIIII, 3.

M. Laubry, 1.

M. Tack, 1.

M. de Naeyer,1.

En conséquence, M. Moreau est proclamé second vice-président.

Prompts rapports de pétitions

M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Geet-Betz, le 20 mai 1860, des habitants de Geet-Betz appellent l'attention de la Chambre sur des faits qui se rattachent aux élections et demandent une enquête à ce sujet.

Messieurs, des habitants de Geel-Betz signalent plusieurs abus qui auraient eu lieu dans les élections communales de cette commune dès 1848, et d'autres qui se sont présentés de nouveau aux élections de 1854, 1859 et 1860. C'est surtout quant au défaut de sincérité des listes électorales qu'ils signalent des abus. Ils disent aussi qu'il y a eu malentendu en ce que 46 voix ont été données à un nommé Henri Van Olst Drinkteel, nom du hameau qu'il habitait.

L'autre, qui était son homonyme, habitait ailleurs, et toutes les voix données à celui qui habitait le hameau Drinkteel ont été rejetées par le bureau.

Pour ce motif, messieurs, la députation permanente a déjà statué et rejeté les réclamations de Geet-Betz, et voire commission, sans vouloir préjuger la question, vous propose le renvoi pur et simple à M. le ministre de l'intérieur.

M. De Fré. - Messieurs, je ne pense pas que la Chambre puisse voter le renvoi à M. le ministre de l'intérieur. Les faits qui sont consignés dans la pétition ont été l'objet de l'examen de la députation permanente du Brabant, qui a confirmé la décision du conseil communal. La loi indique, en matière de formation de liste électorale, le pourvoi en cassation comme recours contre toute décision de la députation permanente.

Ce n'est donc ni la Chambre ni M. le ministre de l'intérieur qui puissent s'occuper de l'examen des faits signalés dans la pétition. Et si ceux qui ont des griefs à articuler contre la députation permanente veulent faire casser sa décision, ils doivent se pourvoir en cassation. La cour de cassation aura à juger alors si la décision de la députation a été rendue en fait ou en droit.

Je demande, messieurs, lorsqu'il y a une procédure indiquée par la loi, si la Chambre peut ne pas s'y conformer et substituer à la procédure indiquée par la loi une procédure nouvelle.

Les faits ont été examinés ; il y a eu décision passée en force de chose jugée. Dès lors il n'y a plus lieu de renvoyer à M. le ministre de l'intérieur.

En second lieu les faits signalés dans la pétition ont été l'objet d'une plainte au procureur général près la cour d'appel de Bruxelles, et le procureur général, si je suis bien informé, n'a pas jugé convenable d'y donner suite.

Je pense donc, messieurs, qu'au lieu d'adopter la conclusion de la commission des pétitions qui tend au renvoi au ministre de l'intérieur, il convient de voter le dépôt au bureau des renseignements.

M. Vander Donckt. - Quant à moi personnellement, il m'est assez indifférent qu'on vote le dépôt au bureau des renseignements ou le renvoi au ministre de l'intérieur.

Je tiens cependant à soumettre une observation à la Chambre.

C'est celle-ci : les électeurs de Geet-Betz réclament contre les abus commis dans l'accomplissement des formalités relatives aux élections ; ils ne demandent pas que M. le ministre de l'intérieur réforme les élections qui ont eu lieu ; ils se bornent à signaler des irrégularités, et demandent que pour l'avenir M. le ministre prenne les mesures qu'il jugera à propos, pour prévenir des abus du genre de ceux qu'ils signalent.

Le dépôt au bureau des renseignements laissera nécessairement l'affaire sans aucune suite ; la question est cependant d'une grande importance pour les élections en général et pour les élections communales en particulier. La commission, en vous proposant le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur, n'a d'autre but que d'appeler l'attention de ce haut fonctionnaire sur les irrégularités qui se commettent assez fréquemment dans plusieurs localités. La Chambre décidera.

M. Manilius. - J'appuie la proposition qui a été faite par la commission, je l'appuie d'autant plus que d'après les explications que vient de donner l'honorable rapporteur, le gouvernement a tout intérêt à examiner la question, pour proposer ensuite éventuellement des modifications à la législation actuelle. Si mes souvenirs sont exacts, M. le ministre de l'intérieur a promis de déposer dans cette session un projet de loi ayant pour objet de réprimer les fraudes électorales. Or, je crois utile que toutes les réclamations qui se rattachent aux élections soient renvoyées à M. le ministre de l'intérieur, afin que ce haut fonctionnaire puisse être renseigné sur tous les points.

J'appuie dans ce sens la proposition de la commission des pétitions.

M. le président. - M. De Fré insiste-t-il sur le dépôt au bureau des renseignements ?

M. De Fré. - Oui, M. le président.

- Le dépôt au bureau des renseignements est mis aux voix et n'est pas adopté.

La Chambre décide ensuite que la pétition sera renvoyée purement et simplement à M. le ministre de l'intérieur.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Poperinghe le 15 novembre 1860, des habitants de Poperinghe, prient la Chambre de donner cours légal à la monnaie d'or de France.

Même demande de propriétaires, industriels et commerçants, à Comines.

La Chambre me permettra de comprendre dans un seul et même rapport deux nouvelles pétitions qui sont arrivées hier et aujourd'hui et qui sont relatives au même objet. L'une de ces deux pétitions émane de la chambre de commerce d'Audenarde ; l'autre d'habitants de la ville de Tamise.

Messieurs, il s'agit d'une question qui est pendante en ce moment et sur laquelle notre honorable collègue, M. B. Dumortier, a déjà présenté un projet de loi. La question est très grave ; elle intéresse les populations en général, et spécialement les petits industriels, les détaillants. Ce sont ces habitants-là qui souffrent le plus de la loi du 28 décembre 1850.

Le grand propriétaire, le banquier n'est exposé, lui, à aucune perte.

II refuse, si bon lui semble, l'or qu'on lui offre en payement ou il réalise un bénéfice illicite au détriment de son débiteur s'il l'accepte ; mais il en est tout autrement de l'ouvrier qui reçoit de l'or pour son salaire ; alors qu'il veut payer ses dettes, on refuse ou l'on ne reçoit son or qu'avec une réduction, laquelle, renouvelée tous les mois, occasionne à l'ouvrier, sur un petit capital, une perte douze fois aussi grande que celle qui serait causée à la banque, si le cours légal était adopté.

Le petit commerçant doit faire circuler son capital dix et douze fois de plus que le grand négociant.

C'est donc la classe ouvrière, la classe moyenne qui souffre de l'état actuel des choses, est c'est dans ce sens que la plupart des pétitions réclament aujourd'hui. Presque toutes les chambres de commerce du pays ont émis l'avis qu'il y avait lieu de donner cours légal à l'or ; dans les grandes villes, Gand, etc., il n'y a qu'une voix pour que la situation actuelle vienne à cesser.

Eh bien, votre commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer le renvoi de ces pétitions à M. le ministre des finances, surtout par cette considération que c'est la classe moyenne et inférieure, la petite industrie qui perd douze ou vingt fois ce que les grands propriétaires ne perdraient qu'une fois si l'état actuel continue d'exister.

D'ailleurs, on dit généralement dans le pays que c'est pour favoriser les billets de banque que l'on refuse de laisser un cours libre à l'or. Et effectivement les billets de banque perdraient infiniment de leur valeur, alors que l'or serait reçu sans perte dans le commerce et dans l'industrie.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pourquoi perdraient-ils de leur valeur ?

M. Vander Donckt, rapporteur. - Ils seraient moins recherchés parce qu'on pourrait s'en passer.

M. Van Renynghe. - Messieurs, je viens appuyer de toutes mes forces les considérations qu'a fait valoir l'honorable M. Vander Donckt en faveur du cours légal de la monnaie d'or de France.

Cet objet est d'une grande importance, surtout pour nos communes et villes frontières qui ont des relations commerciales journalières avec ce grand pays limitrophe.

Les pertes et les tracasseries de toute nature que de ce chef nos (page 48) commerçants, nos industriels et nos agriculteurs subissent, sont inappréciables ; c'est pourquoi il faudra de manière ou d'autre, mettre fin à cet état de choses qui devient insupportable.

Les dommages que l'on supporte actuellement sont incessants, tandis que les pertes que l'on suppose devoir subir au cas que cette monnaie d'or fût démonétisée, ne sont que problématiques.

Je conjure donc M. le ministre des finances de revenir promptement de sa décision à cet égard et de faire décréter le cours légal de la monnaie d'or de France.

Dans cet espoir, je me rallie très volontiers aux conclusions de votre commission.

M. Vermeire. - Messieurs, contrairement aux orateurs qui ont parlé sur cette question, je demande que les pétitions ne soient pas renvoyées à M. le ministre des finances ; je demande que ces requêtes, comme toutes les autres pétitions du même genre, soient déposées au bureau des renseignements.

Dans cette question, on invoque, surtout, l'intérêt des industriels, des commerçants et des ouvriers pour établir la nécessité de donner cours légal à l'or français.

Il ne me sera pas difficile d'établir d'une manière péremptoire, selon moi, que ni les industriels, ni les négociants, ni les ouvriers, surtout, n'ont aucun intérêt à ce qu'on adopte cette mesure.

Effectivement, toutes les transactions, aujourd'hui, sont faites en prenant pour base un métal dont la valeur est supérieure au métal par lequel on veut le remplacer.

Ainsi, s'il y a une différence entre la valeur de l'argent et celle de l'or et que cette différence soit 'au détriment de l'or, il est certain que si vous permettez à ceux qui ont à payer de se libérer dans une monnaie de moindre valeur, vous faites essuyer une perte à celui qui doit recevoir.

Je pense donc que cette question, qui est très importante et qui a déjà été traitée d'une manière incidente à plusieurs reprises, devrait être une bonne fois examinée à fond ; et, pour les motifs que j'ai déjà fait valoir bien souvent, je propose de déposer la pétition au bureau des renseignements, me réservant de démontrer ultérieurement que les ouvriers n'ont aucun intérêt à ée qu'on change la situation.

Effectivement, supposons un moment qu'on donne cours légal à l’or. Nécessairement, si l'or a une moindre valeur que l'argent, l'argent doit disparaître dans le cas où l'on maintiendrait le poids légal de la pièce de cinq francs.

L'argent disparaissant, vous n'aurez que de l'or pour payer les ouvriers ; car avec quoi les payerez-vous alors qu'ils n'ont pas à recevoir 10 francs par semaine ? Avec du cuivre.

Mais la monnaie de cuivre a une valeur de 50 à 40 p. c. moindre que la valeur intrinsèque. Pour l'or, la différence n'est que de 1/2 ou 1/4 p. c.

L'intérêt de l'ouvrier n'est donc pas qu'on donne cours légal à l'or, puisque cette mesure aurait pour conséquence de le faire payer en monnaie de billon. Son intérêt réel est de recevoir une monnaie qui a la valeur pour laquelle il a consenti de donner son travail.

Ce serait l'ouvrier qui serait frappé principalement si l'on donnait aujourd'hui cours légal à l'or.

M. Magherman. - Messieurs, je pense que le moment n'est pas arrivé de traiter cette question à fond.

La Chambre est saisie d'une proposition de l'honorable M. Barthélemy Dumortier et de quelques autres membres.

Ce projet de loi sera incessamment transmis à l'examen des sections.

Lorsque les sections auront fait leur rapport, il sera soumis à l'examen ultérieur de la section centrale.

Je crois donc que la meilleure marche à suivre serait de renvoyer cette pétition et celles qui pourront être adressées encore à la Chambre sur le même objet, à la section centrale qui sera chargée de l'examen de cette question. Elfe ferait à la fois son rapport sur le projet de loi déposé par l'honorable M. Dumortier et sur les diverses pétitions relatives à cette question.

Cela serait de beaucoup préférable à une discussion qui en ce moment ne pourrait aboutir.

M. le président. - M. Vermeire se rallie-t-il à la proposition de renvoyer la pétition à la section centrale qui sera chargée de l'examen du projet de loi déposé par l'honorable M. B. Dumortier ?

M. Vermeire. - Oui, M. le président.

M. Tack. - Je croyais faire la même observation que l'honorable M. Magherman. Ces discussions sont prématurées et ne peuvent aboutir. Elles ne servent qu'à faire perdre du temps à la Chambre. Il faut que cette question, comme vient de le dire l'honorable M. Magherman, soit traitée à fond, et le meilleur moyen de couper court, c'est de fixer le jour pour la discussion de la proposition de l'honorable M. B. Dumortier, qui est soumise en ce moment à l'examen des sections.

M. Vander Donckt. - Je ne m'oppose pas à l'adoption de la proposition de l'honorable M. Magherman.

- La Chambre décide que la pétition sera renvoyée à la section centrale qui sera chargée d'examiner la proposition de loi relative à la monnaie d'or.

Ordre des travaux de la chambre

M. Van Humbeeck. - Messieurs, je crois que la conséquence naturelle à tirer des observations qui ont été présentées par les honorables MM. Vermeire et Tack et auxquelles la Chambre est venue se rallier, c'est la fixation immédiate d'un jour où la proposition des honorables MM. Dumortier et consorts, relative à la circulation des monnaies d'or, sera mise à l'ordre du jour des sections.

Je propose de fixer ce jour à partir d'aujourd'hui.

M. le président. - Les sections ont été saisies de l'examen de la proposition de MM. Dumortier et consorts. Elles vont être convoquées incessamment pour procéder à cet examen, et lorsqu'elles auront fait leur rapport, une section centrale sera nommée pour s'occuper de cette question.

M. Van Humbeeck. - Je demande que dès aujourd'hui on fixe le jour où cette question sera examinée. Le terme « incessamment » me paraît un peu vague.

M. le président. - L'auteur de la proposition n'est pas là. Je pense qu'il serait convenable d'attendre sa présence.

M. Orts. - Je voulais faire la même observation que vient de faire l'honorable président, c'est qu'il est dans les usages de la Chambre, quand on a à examiner dans les sections une proposition due à l'initiative d'un des membres de l'assemblée, d'attendre que ce membre soit présent pour la discuter.

L'honorable M. Dumortier étant absent pour cause d'indisposition, je pense donc qu'il est convenable d'attendre son retour pour aborder cette discussion.

M. Van Humbeeck. - Je n'insiste pas.

- La séance est levée à 4 heures et un quart.