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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 27 juin 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 1655) (Présidence de M. Orts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe, secrétaire, procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. de Moor, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe, secrétaire, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Par message du 26 juin, le Sénat informe la Chambré qu'il a adopté le budget de la guerre pour l'exercice 1861. »

- Pris pour notification.


« M. Moncheur nous écrit la lettre suivante :

« M. le président,

« Des affaires urgentes me rappelant en province, je suis forcé de demander à la Chambre un congé de quelques jours, et je le regrette d'autant plus que j'aurais voulu donner mon vote en faveur de la loi qui est en discussion sur l'enseignement agricole.

« Agréez, etc.

« Bruxelles, 26 juin 1860. »

- Ce congé est accordé.

Projets de loi allouant des crédits aux budgets des ministères des travaux publics, de l’intérieur et des finances

Rapports de sections centrales

M. J. Jouret. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi qui alloue au département des travaux publics un crédit de 105,000 fr. pour l'établissement d'un pont définitif sur la Sambre, à Oignies.

M. Jacquemyns. - J’ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur la demande d'un crédit de 94,000 fr. faite par le département de l'intérieur.

M. Van Iseghem. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale, sur le projet de loi qui alloue au département des finances des crédits supplémentaires jusqu'à concurrence de 15,472 fr. 38 c.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et les met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi relatif à l’enseignement agricole

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale continue.

M. de Naeyer. - Messieurs, le projet de loi en discussion soulève des questions très graves et très importantes qui se lient intimement à l'avenir de la plus grande de nos industries, l’industrie agricole. Je regrette que cette discussion arrive à la fin de la session, dans un moment où il n'est guère possible de se livrer à un examen approfondi, sans abuser un peu de l’attention de la Chambre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous avez déjà fait un volume de discours sur la question.

M. de Naeyer. - C'est possible ; mais ces discours, je ne puis les répéter ; la matière d'ailleurs est loin d'être épuisée.

Je tâcherai donc d'exposer brièvement les motifs qui me déterminent à ne pas adopter le projet du gouvernement, en ce qui concerne l’érection d'un institut agricole à Gembloux.

Messieurs, nous avons depuis douze ans environ, dans le pays des écoles d'agriculture. Elles doivent avoir coûté jusqu'à ce jour quelque chose comme 800,000 fr. ou peut-être un million. Il faut bien le reconnaître, les résultats que nous avons obtenus sont insignifiants. Notre agriculture n'a pas cessé de faire de grands progrès et je ne crains pas d'affirmer que les écoles d'agriculture ne sont pour rien dans ces progrès.

Est-ce à dire que je viens contester l'utilité de l'institution agricole ? En aucune façon. Je dirai même que je ne pourrais énoncer une opinion plus diamétralement opposée à mes convictions les plus anciennes et les plus intimes. Je suis profondément convaincu que les sciences qui ont contribué si puissamment aux progrès de l'industrie en général, ont déjà rendu aussi de grands services à l'agriculture et peuvent lui rendre des services plus grands encore.

Sous ce rapport je répéterai l'opinion que j'ai énoncée il y a cinq ou six ans : c'est que, depuis un certain nombre d'années, il s'opère visiblement une grande, une magnifique transformation dans l'industrie rurale. L'agriculture s'efforce de secouer le joug de l'empirisme et de la routine et elle appelle la science à son secours pour lui expliquer les lois de la nature qui président aux phénomènes de la production agricole. C'est là une grande et magnifique transformation. C'est ce qui excitait, il y a quinze ans, mon enthousiasme, et je dirai que cet enthousiasme n'a pas diminué, bien que depuis lors trois nouveaux lustres soient venus me courber un peu vers la terre.

Les faits que je viens de constater suffisent pour prouver l'utilité, je dirai même la nécessité de l'instruction agricole. Il faut, il est indispensable d'élever le niveau intellectuel des cultivateurs en général, afin qu'ils puissent vivre en communauté d'idées avec la science.

Et la science n'aura pas à se plaindre de cette alliance. Il y a là aussi pour elle de grands bienfaits à recueillir, car les sciences ne se développent que par l'observation des faits ; or, dans le monde agricole, que de faits qui, bien observés, peuvent contribuer puissamment à la solution d'une foule de problèmes non encore résolus par les savants !

Pour moi, messieurs, l'enseignement agricole se résume en ces termes : faire pénétrer partout parmi les agriculteurs des notions scientifiques qui les mettent à même de bien raisonner leurs opérations, qui leur permettent de comprendre et d'apprécier sainement tous les phénomènes physiques, chimiques, physiologiques, au milieu desquels, ils sont obligés de se mouvoir. Voilà, suivant moi, le caractère de l'instruction agricole réellement utile en Belgique.

Voilà ce qu'elle doit être si nous voulons conserver à notre agriculture toute sa virilité, si nous voulons lui conserver son caractère véritablement industriel qui constitue son grand mérite.

Je viens de définir le but que je désire atteindre et je crois qu'à cet égard je suis assez d'accord avec le gouvernement et avec M. le rapporteur de la section centrale.

La question qu'il s'agit spécialement de résoudre est celle-ci : Quelles sont les mesures les plus efficaces, les meilleures pour répandre l'instruction agricole telle que je viens de la caractériser ?

Eh bien, je dirai franchement qu'il n'est pas de problème qui m'ait plus vivement préoccupé que celui-là. Il y a 15 ans je croyais de très bonne foi que le grand moyen, le plus puissant moyen, c'étaient des écoles d’agriculture avec des fermes modèles, des fermes d'expérimentation ; si je n'ai plus aujourd'hui la même opinion, c'est que je me suis éclairé par l'expérience et surtout par un examen plus approfondi de la question.

Messieurs, les instituts agricoles, les écoles d'agriculture, les fermes modèles et les fermes expérimentales existent dans plusieurs pays étrangers et même on peut dire que plusieurs de ces établissements jouissent d'une grande réputation et font l'admiration de ceux qui les visitent. Mais, messieurs, j'ai constaté en général une lacune dans ce que j'ai lu sur les établissements dont il s'agit ; on ne s'est pas assez attaché à bien apprécier, à bien déterminer, à bien préciser l'influence réelle qu'ils ont exercée sur les progrès de l'industrie rurale.

Les élèves sortant de ces établissements ont-ils été réellement des apôtres du progrès agricole, et n'est-il pas arrivé souvent qu'ils ont subi de tristes mécomptes en passant de l'atmosphère un peu artificielle de l'école dans les dures réalités de la vie ? Ces points, je le répète, ne sont pas suffisamment éclaircis.

Il y a, d'ailleurs, des faits incontestables qui ont exercé une grande impression sur mon esprit. Nous sommes entourés de pays qui sont dotés largement de tous ces établissements dont nous parlons, la Belgique ne les a pas eus jusqu'ici d'une manière sérieuse, et cependant nous pouvons dire que notre agriculture en général est au moins au niveau des pays qui nous entourent, et même que nous sommes certainement plus avancés que plusieurs autres pays qui possèdent depuis longtemps des écoles spéciales d'agriculture, des fermes modèles, etc.

Je ne dis pas, bien entendu, que notre agriculture n'a plus de progrès à faire ; cette pensée absurde est bien loin de mon esprit ; je ne crois pas même exagérer en disant que notre production agricole pourrait être doublée. Ce qui y met principalement obstacle, c'est que le personnel et les capitaux nécessaires pour accroître la production agricole sont attirés d'une manière plus puissante vers l'industrie manufacturière. Quoi qu'il en soit des progrès encore possibles, je maintiens que notre agriculture, telle qu'elle est, peut soutenir la comparaison avec celle des pays qui nous entourent sans exclure les pays les plus avancés.

Je sais bien que l'honorable rapporteur nous dit que nous ne devons pas exagérer les progrès que nous avons faits. C'est très sage et très (page 1656) prudent. Mais enfin nous pouvons toujours constater la situation où nous nous trouvons, et je dis que nous ne sommes pas inférieurs à nos voisins. Il est bien vrai que nous n'excellons pas dans tout ; je l'admets avec l’honorable rapporteur ; je crois que vouloir exceller en tout, c'est le bon moyen de n'exceller en rien du tout. Il faut savoir se contenter de certaines spécialités et n'avoir pas l'énorme prétention d'être supérieur en tout. Ce serait alors les cas de dire que « qui trop embrasse mal étreint. »

J'admets avec l'honorable rapporteur qu’en ce qui concerne la fabrication du fromage, les Hollandais sont nos maîtres ; mais je ne serais plus d'accord avec lui s'il s'agissait de tous les autres produits énoncés dans le rapport. Ainsi, pour le beurre dont il est également parlé, notre statistique commerciale constate que nos exportations ont été deux ou trois fois plus considérables que nos importations. D'un autre côté, nous savons qu'à l'intérieur le beurre n'est pas à bon marché. Donc, à ce point de vue, la situation de notre agriculture n'est certainement pas dans un état d'infériorité

En ce qui concerne l'industrie chevaline, on nous parle de la supériorité de l'Angleterre ; mais ici encore, au point de vue économique, la Belgique ne le cède ni à l'Angleterre ni à aucun autre pays. Nulle part peut être les exportations ne dépassent aussi considérablement les importations.

Il est vrai que nos cultivateurs ne s'occupent guère de la production des chevaux de luxe, parce qu'ils savent qu'ils sont dans des conditions beaucoup meilleures pour produire des chevaux de gros trait ; or à l’égard des chevaux de cette espèce, nous sommes réellement au premier rang et ce résultat nous le devons aux efforts de l'activité privée sans l'intervention du gouvernement.

Messieurs, il y a un autre fait qui m'a frappé. En France, depuis longtemps, de fermes-modèles, des instituts et des écoles agricoles sont répandus, ont été organisé sur une très grande échelle. Eh bien, quoique nous n'ayons pas tous ces établissements, allons-nous chercher des cultivateurs eu France ? Mais non ; ce sont les Français qui viennent en chercher chez nous, et sous ce rapport ils font un tort à notre agriculture parce qu'ils lui enlèvent quelquefois des hommes très capables.

Croyez-vous d'ailleurs que dans les pays étrangers où existent les établissements agricoles dont nous nous occupons, on soit généralement d'accord sur leur grande utilité ? Je pense que, vus de loin, ces établissements éblouissent beaucoup plus que quand on les examine de près, surtout au point de vue de leur véritable influence sur les progrès de l’agriculture.

J'invoquerai à cet égard l'opinion d'un journal que M. le ministre des finances a cité dernièrement avec des éloges très légitimes.

Je veux parler de l’Economiste anglais qui traite avec une rare intelligence les questions d'intérêts matériels. Ce journal hebdomadaire consacre, dans chacun de ses numéros, un article très intéressant à l'agriculture ; or, dans son numéro du 12 mai dernier, il s'occupe spécialement des mesures d'intervention et de protection relatives à l'industrie rurale, et il déclare formellement que ces mesures n'ont jamais donné des résultats satisfaisants, au contraire, que l'agriculture ne cesse de prospérer sous 1'influence bienfaisante de la liberté, c'est-à-dire, lorsqu'on l'abandonne à ses propres efforts débarrassés de toutes entraves. « When left to its own unimpedid efforts, it invariably prospers. »

Je demande pardon d'écorcher un peu l'anglais par ma prononciation, mais le texte est si énergique que je n'ai pu m'empêcher de le lire.

Il parle ensuite de l'institut royal de Cirencester, dont il est également fait mention dans le rapport de la section centrale, et il nous fait connaître que cet établissement, fondé en faveur de l'éducation de fils de fermiers, a si peu répondu à sa destination, que ce que l'on a toujours trouvé le moins parmi les élèves, ce sont précisément les fils de fermiers.

Il parle encore de l'autorisation qui a été donnée à la société d'agriculture, de procéder à des examens et de délivrer des diplômes de capacité, et il constate que cette ambitieuse entreprise, comme il l'appelle, a échoué de la manière la plus complète. Il arrive ainsi à cette conclusion, parfaitement logique, que celui qui exerce la profession de cultivateur a plus besoin d'énergie personnelle et de capital que de connaissances scientifiques : « It is a business requiring energy and capital more then scientific attainments. » Toutefois, il ajoute qu'en agriculture, comme dans toutes les autres entreprises, les connaissances scientifiques peuvent être des éléments de succès pour celui qui est doué, avant tout, de sagacité naturelle, et pourvu du capital nécessaire.

Messieurs, j'ai eu l'honneur de développer cette même opinion dans la séance du 15 février 1855, tout en proclamant alors, comme aujourd'hui, l'utilité de l'instruction agricole. Je disais que l'instruction n'est qu'un moyen auxiliaire et que la direction d'une exploitation rurale exige, avant tout, des qualités que l'instruction ne saurait donner ; que c'est l'éducation qui sert principalement à former les bons cultivateurs, et à leur inculquer les qualités morales indispensables pour réussir ; or l'éducation agricole de même que l'éducation industrielle, pour être bonne et solide, doit se faire dans les réalités de la vie, dans la firme, dans l'atelier, établi dans des conditions normales, et je ne puis m’empêche de voir un grand danger pour l’avenir de notre agriculture dans ces éducations faires dans un milieu artificiel, créé avec le budget de l’Etat. Il en résultera, j’en ai l’intime conviction, non seulement des mécomptes pour ceux qui auront été élevés en serre chaude, mais une véritable perturbation dans l’organisme de notre industrie rurale.

Le journal que je cite, après avoir constaté dans ce même article qu'en Angleterre comme en Irlande les fermes modèles ont été sans influence réelle sur les progrès de l'agriculture, entre dans quelques détails en ce qui concerne les fermes modèles qui ont été établies en Irlande sous la direction des commissaires des travaux publics ; il nous apprend que ces établissements ont laissé un déficit de vingt mille livres sterling, et il en conclut que de tels résultats doivent être considérés bien p'us comme un congé donné à l’agriculture administrative que comme des exemples propres à instruire les fermiers irlandais. « Certainly the results look more like warnings against government farming than examples to instruct the irish farmers. »

Voilà les dernières appréciations faites en Angleterre où l’agriculture est certainement très avancée et ces appréciations émanent d'hommes sincèrement dévoués au progrès et qui sont parfaitement à même de bien observer les faits.

Messieurs, je crois donc qu'il y a beaucoup à rabattre de tous les merveilleux effets que l'on attribue à ces instituts agricoles établis à l'étranger et que l'on voudrait nous faire imiter en Belgique. Ces établissements, comme je l'ai dit, éblouissent de loin ou même de près quand on ne fait que les visiter ; mais il n'en est plus de même quand on recherche sérieusement l'influence réelle, l'influence véritable qu'ils ont pu exercer sur les progrès de l'industrie agricole. Je le répète, nous nous sommes passés de tout cela, et néanmoins nous pouvons soutenir la comparaison avec les autres pays. J'ajouterai que notre agriculture jouit d'une supérieure incontestable à l'égard des pays qui sont le plus richement dotés en fait d'instituts agricoles.

Maintenant, messieurs, les essais que nous avons faits pour imiter, sous ce rapport, les autres sont véritablement malheureux, je ne puis m’empêcher de le dire. Je crois qu’ils ont fait plus de mal que de bien, et voici comment : c’est qu’au lieu de propager l’amour de l’instruction agricole, ils ont renforcé la répugnance qui existait à cet égard.

Mais on me dira : Nous allons améliorer tout cela ; nous allons mettre à profit tout ce que l’expérience nous a révélé. Nous allons adopter une organisation meilleure qui sera de nature à nous conduire au but que nous nous proposons.

Messieurs, quand un principe est mauvais, il faut toujours organiser, réorganiser et organiser encore et l'on n'arrive jamais à une bonne organisation.

Voilà, je crois, ce qui se présente relativement à des écoles spéciales d'agriculture. Vous avez déjà remanié ; vous remanierez encore ; vous remanierez quatre, cinq, six fois ; et vous échouerez toujours, puce que l'institution est basée sur un mauvais principe.

Je ne critique en rien ceux qui se sont mêlés de ces établissements. J'attaque le principe et rien de plus. Ainsi aujourd'hui on nous dit : Cela n’a pas réussi parce que l'exploitation rurale ne se faisait pas au compte du gouvernement. Eh bien, il y a eu une école où l'exploitation rurale se faisait au compte du gouvernement ; c'est celle de Rollé. Elle est tombée plus vite que les autres.

Messieurs, je crois qu'en cette matière surtout, il faut examiner les circonstances. Ce qui est bon dans un pays peut ne pas l'être dans un autre. Il faut tenir compte de la situation de l'agriculture et des besoins qui se font sentir.

Ainsi, il est possible qu'une ferme modèle, qu'un institut spécial puisse être utile dans un pays où l'agriculture est très arriérée, où le gouvernement peut avoir la prétention d'enseigner aux cultivateurs une agriculture inconnue. Mais, Dieu merci, nous ne sommes pas dans une telle situation.

Notre agriculture nationale, on ne peut le nier, est parvenue à un certain degré de perfectionnement qui fait honneur au pays et il y a quelque chose que je ne m’explique pas dans cette prétention du gouvernement de vouloir enseigner une agriculture modèle. A cet égard je laisserai parler l’honorable M. Mascart qui trouvait aussi assez extraordinaire cette prétention du gouvernement. Vous savez que cet honorable membre était très compétent en matière agricole et que dans toutes les questions de cette nature il avait l'habitude de prendre une part active à nos discussions.

Voici comment il s'est exprimé dans la séance du 15 février 1855, Annales, p. 718, 2ème colonne :

« Nous avons la prétention d'indiquer aux paysans ce qu'ils doivent faire ; mais, à ce propos, je crois que Gros Jean pourrait en remontrer à son curé et lui dire : Vous possédez aux portes de Bruxelles la magnifique forêt de Soignes, d’une étendue de 4,300 hectares, d'excellentes terres, valant de 15 à 20 millions. Cette forêt vous donne annuellement 40,000 ou 50,000 francs, ou 10 francs par hectare : cette terre que vous administrez ne vous donne donc que 25 centimes au lieu de 5 francs par 100 francs que nous obtenons par notre travail. Nous comprendrions votre intervention dans la production, si on intervertissait les rôles, si nous arrivions à d'aussi piètres résultats que vous ; mais nous, nous faisons donner à la terre 5 ou 6 p. c. de sa valeur, (page 1657) vingt fois plus qu'elle ne produit dans vos mains. Au lieu de monter en chaire pour instruire les gens, vous avez besoin vous-même d'être chapitré. Mêlez-vous de vos affaires et ne nous rompez pis la tête davantage. »

Vous voyez que l'honorable membre s'exprimait assez vertement et avec une conviction entière.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - M. Mascart a encore dit autre chose ; il a soutenu l'utilité d'un institut supérieur. Vous ne le citez pas tout entier.

M. de Naeyer. - Je ne puis lire tout son discours, vous lirez le reste, si vous le jugez convenable. Mais il critiquait amèrement ce que vous appelez l'enseignement pratique que vous voulez donner dans une ferme exploitée par le gouvernement ; il admettait l'institut agricole avec beaucoup de réserve uniquement comme moyen d'éclairer les opérations agricoles par des notions scientifiques et non comme un établissement ayant la prétention de servir de modèle aux cultivateurs.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je n'ai pas cette prétention.

M. de Naeyer. - Messieurs, je crois que l'on se fait assez souvent une idée absolument fausse et erronée de l’instruction agricole, et voilà comment on fait d'une chose très simple à mon avis, une chose compliquée nécessitant une foule de dépenses stériles parce qu'elles vont au-delà de ce qui est réellement utile et nécessaire.

L'agriculture n'est pas un art manuel qu’on puisse apprendre dans les écoles d’apprentissage. C’est une grande industrie qui est dominée avant tout par une idée économique, par celle de produire de façon à obtenir le plus de produits avec le moins de frais possible.

Sous ce rapport l'enseignement agricole devrait être absolument taillé sur le patron de l'enseignement industriel. Eh bien, les principes qui doivent dominer en matière d'enseignement industriel ont été parfaitement élucidés par une commission qui a été instituée en 1855, qui a été nommée, si je ne me trompe, par M. le ministre de l'intérieur Rogier. Cette commission était composée de douze membres ; elle était présidée par l'honorable M. Prévinaire.

Cette commission a démonté à la dernière évidence que deux principes doivent dominer en cette matière.

Le premier, le voici : c'est que les notions scientifiques destinées à éclairer les procédés d'un art ou d'un métier doivent s’enseigner à l'école, mais que l'apprentissage pratique ne peut se faire qu'à l'atelier.

Le second principe, c'est que l'Etat ou les administrations publiques ne doivent pas chercher à faire de l'industrie normale plus avancée que l'industrie libre, d'où il résulte que l'enseignement proprement dit doit avoir ce but que je viens de dire, c'est-à-dire de faire pénétrer parmi les cultivateurs des notions scientifiques qui sont de nature à les éclairer sur leurs opérations, qui sont pour eux des instruments d'observation, afin qu'ils puissent bien apprécier tous !es faits qui se passent sous leurs yeux, et ainsi améliorer, d'après les circonstances, d'après le milieu dans lequel ils se trouvent placés, leur méthode, leurs procédés, leur culture.

Voilà le véritable enseignement reconnu utile dans l'industrie et qui est également utile dans l'agriculture, parce qu'enfin l’agriculture est une grande industrie ; il ne faut pas la comparer à autre chose. Seulement c'est une industrie où l'enseignement pratique, proprement dit, est plus impossible que dans l'industrie même. Pourquoi ? Parce que la pratique varie d'un champ à l'autre ; tandis que dans l'industrie proprement dite, vous pouvez vous créer un milieu artificiel qui reste le même partout. Mais pour l'agriculture, vous êtes dans la dépendance des circonstances locales, et notamment dans la dépendance du sol ; et ce qui est bon, ce qui réussit dans une localité, pourra échouer complètement dans une autre localité.

Vous voyez donc qu'il faut se borner à donner aux cultivateurs ce que j'appelle les instruments d’observation et laisser à leur jugement le soin d'apprécier les circonstances et de déterminer leurs méthodes de culture d'après le milieu dans lequel ils sont placés.

Voilà l’enseignement réellement utile.

La commission de 1851 disait en outre que l’Etat et les administrations ne doivent pas chercher à faire de l’industrie normale plus avancée que l'industrie libre. Cela est encore de la plus haute vérité en ce qui concerne l'agriculture. Nous devons dire aussi : que le gouvernement ne s'ingénie pas à faire une agriculture modèle, une agriculture plus avancée que l'agriculture libre ; il est incapable de le faire le résultat auquel il arrivera, comme je l'ai dit, c'est de créer un milieu artificiel qui ne servirait que trop souvent à fourvoyer les jeunes gens.

Messieurs, on a objecté contre le système que je viens d'indiquer, que l'enseignement agricole est impossible sans la pratique. Cela est parfaitement vrai, de même que l’enseignement industriel, étant isolé de la pratique, devient impossible. Mais que faut-il entendre par-là ? C’est que cet enseignement ne serait pas compris par des élèves qui seraient étrangers à la pratique agricole et aux faits qui se passent dans l'industrie rurale.

Il en est de même de l’enseignement industriel ; s'il s'adressait à des jeunes gens étrangers à ce qui se passe dans les fabriques et dans les ateliers, les élèves ne comprendraient pas le professeur. Cela est incontestable.

Mais remarquez, messieurs, que l'enseignement agricole, tel que je le conçois, s'adresse évidemment à des jeunes gens nés dans l'agriculture et élevés dans l'agriculture, qui ont manié les instruments agricoles dès l’enfance, qui, dès l’enfance, ont été témoins de tous les phénomènes de la production agricole, et en fonctionner tous les rouages de la ferme ; dès lors le professeur sera parfaitement compris lorsqu’il expliquera à ses élèves les lois qui président aux faits qui constituent l’industrie dont il s’agit et avec lesquels ils sont absolument familiarisés.

Vous voyez donc, meneurs, qu'il ne s'agit pas du tout de donner un enseignement isolé de la pratique, puisque les élèves sont intimement liés à la pratique et n’ont, en quelque sorte, jamais vu autre chose.

Pour que l’enseignement marche de pair avec la pratique, il n’est pas du tout nécessaire que le professeur pratique l’agriculture sous les yeux de ses élèves, par plus qu’il n’est nécessaire au professeur industriel de pratiquer l’industrie, de faire fonctionner une usine ou une fabrique sous les yeux de ses élèves.

Messieurs, dans ma manière de voir, l’instruction agricole devrait faire partie de l'enseignement ordinaire ; il faudrait qu’elle commençât dans les communes rurales à l’école primaire, qu'elle se développât considérablement dans les écoles moyennes établies surtout pour les besoins des populations agricoles, et je ne sais trop pourquoi elle serait exclue des universités ; il me semble qu'elle occuperait une place très légitime dans les écoles des arts et manufactures annexées aux universités.

L'honorable rapporteur de la section centrale m'a fait une objection à cet égard. Il a admis l'utilité d'un pareil enseignement ; mais, dit-il, où trouver les professeurs ? Je crois que c'est à une grave erreur : pour enseigner aux cultivateurs des choses éminemment utiles à l'exercice de leur profession, il ne faut pas être cultivateur, ainsi un savant qui ne serait peut-être pas en état d'exploiter une ferme pourra leur communiquer des notions scientifiques qui leur viendront puissamment en aide, par exemple : pour amender le sol, pour traiter convenablement les engrais, pour aérer les étables, enfin pour diriger les opérations relatives à une exploitation rurale ; les professeurs ne sont donc pas difficiles à trouver.

Je crois, d'ailleurs, que dans les écoles primaires normales on a soin d'initier les élèves aux notons scientifiques applicables à l'agriculture, qui peuvent être répandues utilement parmi les populations agricoles : mais ce que vous ne trouverez pas, ce sont les professeurs d'agriculture pratique, dans le sens que vous attachez à ce mot, ce sont des hommes possédant au plus haut degré l'art de retirer de la terre le plus de produit possible avec le moins de frais possible ; car, incontestablement, celui qui possédera cet art l'exploitera à son propre profit, et ne viendra pas se mettre à la disposition du gouvernement, pas plus qu'un grand industriel réalisant des bénéfices considérables n'accepterait la position de professeur de pratique industrielle.

En résumé, messieurs, je suis contraire à la création de l'institut supérieur d'agriculture tel qu'il nous est proposé, parce que, suivant moi, c'est une dépense qui sera sans utilité réelle pour le progrès de notre agriculture, parce que, comme je le disais tout à l’heure j'y vois même un danger. Il y a, suivant moi, un véritable danger à préparer les jeunes gens au rude métier de l’agriculture en les faisant vivre dans une situation absolument artificielle, créée avec les deniers de l’Etat, il est bien à craindre qu’après avoir fait une masse d'expériences, ils n'éprouvent de tristes mécomptes lorsqu’ils auront à lutter avec les réalités de la vie et qu’ils seront appelés à pratiquer l'industrie normale qui doit réaliser des bienfaits sous peine d’être frappée de mort.

Ensuite croyez-vous que les jeunes gens sortis de là vont faire une propagande agricole bien féconde ? Eh bien, messieurs, ils formeront une classe à part et une classe exceptionnelle, assez peu nombreuse en Belgique.

Quand je considérais les écoles spéciales et les fermes modèles comme des moyens efficaces de propager l'instruction agricole, je ne me bornais pas à un seul établissement ; j'en voulais partout ; pourquoi ? Parce qu'un seul établissement ne peut avoir d'autre résultat que de former une classe exceptionnelle, et en quelque sorte dépaysée qui, loin d'exercer une propagande utile, excitera une véritable défiance, et cette circonstance fera que souvent ces jeunes cultivateurs formés par le gouvernement ne resteront pas dans l'agriculture et qu'ils embrasseront d'autres carrières, comme on vous le disait hier, qu'ils viendront encore grossir le nombre déjà trop considérable de demandeurs de places.

Eh bien, messieurs, c'est là un mal très grand déjà aujourd’hui, l'industrie manufacturière et les professions libérales enlèvent à l'agriculture beaucoup d'intelligences et beaucoup de capitaux. Je sais qu’on lutterait vainement contre ce courant naturel des choses, mais au moins il faut éviter d'aggraver le mal, et, sous ce rapport, je crois qu'il est désirable que les jeunes gens destinés à l'agriculture aient à leur disposition les moyens d'acquérir l'instruction agricole sans devoir quitter leurs familles, ainsi que cela aurait lieu d'après les idées que je viens d'indiquer sommairement alors l’instruction serait réellement donnée à l'école et l’éducation se ferait dans la ferme proprement dite.

Dans tous les cas, messieurs, je prie l’honorable ministre de l'intérieur, s'il érige un institut agricole, de ne pas perdre de vue les autres moyens d'instruction agricole qui sont, suivant moi, beaucoup plus efficaces, parce qu'ils agissent d’une manière plus générale et plus naturelle.

(page 1658) Ainsi je me permettrai de faire observer que les conférences agricoles ont déjà produit de bons résultats dans plusieurs localités. Ceci, je le sais, a un caractère assez modeste, mais quant à moi j'y attache plus d'importance qu'à des établissements créés à grands frais et qui sous des apparences magnifiques, restent au moins stériles pour le bien quand ils ne sont pas nuisibles.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je regrette infiniment de rencontrer l'opposition de l'honorable M. de Naeyer, mais ce qui me rassure un peu, c'est que sa parole écoutée toujours avec attention par ses collègues ne peut pas, dans cette circonstance, exercer une grande influence. L'honorable M. de Naeyer l'a reconnu lui-même, ce qu'il combat aujourd'hui, il l'a défendu et prôné autrefois avec une énergie remarquable ; il a fait entrer dans beaucoup d'esprits l'idée que la Belgique, manquant d'enseignement agricole, était, sous ce rapport, dans une position d'infériorité honteux à l'égard de tous les autres pays de l'Europe...

M. B. Dumortier. - Je demande la parole.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je rappelle ce que l'honorable M., de Naeyer a fait entrer dans les idées ; il a consacré des discours très longs et très remarquables que j'ai relus pour mon instruction personnelle ; il les a consacrés à patronner, à vanter l'enseignement agricole. Cela se passait en 1845. Il adressait au gouvernement d'alors les reproches les plus sanglants ; il disait : « Vous montrez une apathie coupable pour les campagnes ; vous ne faites rien pour les campagnards ; vous les condamnez par votre inaction à la routine et à l'ignorance. »

C'est à la suite de ces excitations de l'honorable M. de Naeyer qui exerçait, dans ces sortes de questions, une grande influence, que l'honorable M. de Theux proposa en 1846 un système d'organisation de l'enseignement agricole. Hier, j'ai attribué à l'honorable M. de Naeyer l'origine en quelque sorte de l’enseignement agricole. Il est un ancien membre de la Chambre auquel je dois rendre justice. L'honorable M. de Naeyer n'a pas été le premier à patronner l'enseignement agricole. Déjà, en 1836, l’honorable M. Desmet, dans le rapport qu'il présenta à la Chambre sur le projet de loi concernant l'école vétérinaire, a beaucoup insisté pour que la loi comprît dans le programme de l'école vétérinaire l'enseignement agricole. Le rapport de l’honorable M. Desmet était remarquable dans plusieurs de ses parties. Je dois donc, tout en rendant justice à l'honorable M. de Naeyer, rendre aussi justice à l'honorable M. Desmet qui dès 1836 avait recommandé l’enseignement agricole.

Je désire de garder une grande réserve vis à-vis de l'honorable M. de Naeyer. Mais, quelque estime que je porte à son caractère, à son talent, à ses connaissances variées, il m'est impossible de na pas faire ressortir l'inconséquence radicale et complète dans laquelle il se trouve à l'égard de lui-même. S'il arrivait à un ministre un pareil revirement, il n'y aurait pas dans la Chambre assez de sifflets pour en faire justice. (Interruption.)

Sans doute, l’honorable M. de Naeyer a mis beaucoup de bonne foi à constater ce revirement ; je le constate à mon tour, sans y mettre aucune espèce d’aigreur. Je dis seulement que cette conversion complète doit enlever aux discours que l’honorable membre propose aujourd’hui sur cette question, une grande partie de leur autorité.

L’honorable M. de Naeyer a été éclairé, dit-il, par l’expérience ? Par quelle expérience ? Par l’expérience des faits qui se sont passés en Belgique ? Mais que s’est-il passé en Belgique ?

En 1849, toujours sous l’empire de cette impulsion qui avait été imprimée au gouvernement, je commençai à organiser certaines écoles dans des proportions modestes, les unes théoriques, les autres pratiques. Des subsides furent accordés au gouvernement pour soutenir ces écoles. Elles n'étaient pas établies de deux ans que déjà elles excitaient dans le sein de cette assemblée les critiques les plus acerbes ; elles venaient à peine de naître, qu'on les traitait déjà comme ces institutions anciennes et surannées qui ne produisent rien.

Voilà donc dans quelles conditions est né et a vécu en Belgique l'enseignement agricole. Il n'est pas étonnant que dans ces conditions l'entreprise n'ait pas complétement réussi.

Je n'admets nullement que l’enseignement agricole n'ait rien produit, quoiqu'on l'ait dit hier et répété aujourd'hui ; mais j'assigne cette première cause aux difficultés, aux défectuosités qui se sont présentées dans la marche de l’enseignement agricole en Belgique ; on ne lui a pas donné le temps de se développer, on l'a frappé moralement aux yeux des populations.

L'enseignement agricole, dit-on, n'a rien produit et il a coûté des sommes énormes. C'est une singulière manière de juger une institution que de supputer année par année ce qu'elle coûte. Nos universités coûtent aujourd'hui à peu près un million par an ; supposons-leur 30 années d'existence. Voilà 30 millions. Combien d'avocats ci de médecins très distingués seront sortis de nos universités en trente ans. Comptons 30 avocats très distingués, 30 médecins très distingués, ce sera un demi-million par tête ! Appliquez ce raisonnement à tous les autres genres d’enseignement, vous arriverez à des conclusions tellement ridicules qu’elles devraient perdre toute espèce de valeur à vos yeux.

Sans doute, on dépense, chaque année, environ 100,000 francs pour l'enseignement agricole. Mais dans un pays essentiellement agricole comme le nôtre, en présence d'un budget de 140 à 150 millions, venir dénoncer cette modique dépense de 100,000 francs, ce n'est pas le fait d'un esprit sérieux et véritablement modéré.

On me demande ce que sont devenus les élèves qui sont sortis de nos établissements agricoles ? D'abord, je dirai qu'il faudrait avant d'en exiger des fruits qu'on eût donné à ces établissements le temps de vivre ; j'ajouterai que ceux qui ont résisté aux attaques ont produit de bons résultats.

Nous avions introduit un système qui consistait à avoir un enseignement théorique dans certaines localités, et un enseignement pratique dans d'autres. On nous disait alors : « Ce système ne peut produire aucun résultat ; à côté de l'enseignement théorique, il faut nécessairement l'enseignement pratique. » Aujourd'hui, par un singulier revirement, il ne faut plus d'enseignement pratique ; il ne faut plus que l'enseignement théorique ; il faut en donner dans les écoles primaires, dans les écoles moyennes, dans les universités même. Quand le gouvernement faisait de la théorie, il fallait de la pratique ; et quand le gouvernement vient proposer de faire de la pratique avec de la théorie, il ne faut plus que de la théorie.

Nos essais n'ont duré que quelques années ; on n'a pas permis au gouvernement de les compléter.

Ils étaient commencés depuis 3 ou 4 ans qu'on a obligé M. Piercot à renoncer aux arrangements qui avaient été pris soit avec des villes, soit avec des particuliers.

Nous avions un enseignement théorique annexé à différents collèges ou écoles à Chimay, à Verviers, à Tirlemont, à Leuze ; ces écoles étaient très fréquentées, mais sous l'empire des critiques dont elles ont été l'objet dans cette Chambre, elles ont été successivement supprimées ; elles ne sont pas tombées comme un jeu de cartes, ainsi qu'on l'a prétendu ; les subsides du gouvernement ont été retirés ; les écoles pour la plupart n'ont pu continuer à exister. Parmi celles qui ont persisté il en est une, celle de Thourout, sans parler de celles de Vilvorde et de Gendbruggen qui se trouve dans de bonnes conditions ; ce qui lui manque, c'est l'enseignement pratique. Cette école a été critiquée parce qu'à côté de l'école il n'y a pas de terrains pour la culture, parce qu'a côté de la théorie ne se trouve pas l'application. Voilà pourquoi nous avons été obligés de changer l'emplacement de l'école.

L'école de Thourout a été toutefois appréciés dans le pays et hors du pays. Quoique jeune encore, car elle compte à peine 10 ans, déjà elle a produit des hommes appréciés dans le pays et à l'étranger. On vient de dire que la France nous enlève nos agriculteurs.

Eh bien ! parmi les élèves de Thourout j'en compte quatre qui ont été recherchés en France. J'ai indiqué nom par nom les élèves sortis de cette école qui ont trouvé un placement avantageux soit dans le pays soit à l’étranger ; on trouvera les noms à la page 51 de l'exposé des motifs. Il n'est donc pas exact de dire qu'on ne sait pas ce que sont devenus ces élèves et que les écoles n'ont rien produit.

On nous objecte qu'elles n'ont pas donné de prodiges ; les écoles les mieux constituées ne produisent que par exception des sujets hors ligne. On dit que nous avons promis des merveilles en fait d'agriculture ; nous sommes restés dans des termes modestes ; nous savons qu'on ne fait plus de miracles, et nous n'avons pas la prétention d'en faire, nous avons la prétention de répandre l’instruction dans les campagnes, parce que nous pensons que l'agriculture, comme l'industrie, a besoin d'être stimulée, éclairée, agrandie par la science.

Pourquoi certaines de nos écoles n'ont-elles pas réussi ? J'en ai dit une des principales causes. Chose remarquable ! on vient conseiller au gouvernement de constituer ses écoles en s’associant avec des particuliers, c'est dans les écolos ainsi constituées que l'insuccès s'est produit. La raison en est simple ; il y a là deux intérêts contraires, l'intérêt de l’Etat qui est qu'on cultive en vue de la science, du progrès agricole, et l'intérêt du particulier qui est qu'on cultive en vue de ses profits personnels ; il y a antagonisme entre l'action du particulier qui n'a d'autre but que son intérêt et l'action de l'Etat qui a pour objet l'intérêt de tous.

Quand le gouvernement s'est associé à des particuliers, cela a été une source de conflits, de difficultés et de pertes pour l’Etat ; là aussi a été la cause de l'insuccès de plusieurs établissements.

On conseille au gouvernement de s'associer avec des particuliers. Où sont-ils ?

Il s'est présenté une société il y a quelques années, mais dans des conditions telles que le gouvernement n'aurait pas osé proposer à la Chambre de sanctionner les arrangements par lesquels cette société voulait faire passer le gouvernement.

Messieurs, l'honorable M. de Naeyer devra le reconnaître, il ne peut pas soutenir que ce que nous proposons en ce moment soit une dépense bien onéreuse pour le trésor.

Il doit reconnaître que nos propositions se renferment dans des limites très restreintes, que nous ne pouvons pas faire moins que ce que nous faisons ; mais nous prétendons que ce que nous faisons suffit pour le but que nous voulons atteindre, et rentre même dans les vues que vient d'énoncer l'honorable membre. S'il renonce maintenant à l'institut supérieur, il en voulait en 1845, il en voulait encore en 1852, dans la discussion du budget.

(page 1659) A part l’institut supérieur, ce que l'honorable membre a recommandé nous le faisons maintenant et nous le ferons à l'avenir en vertu de la loi ; 1'enseignement normal primaire comprend des notions agricoles, et comme je l'ai dit hier, des conférences ont lieu et continueront d'avoir lieu dans les réunions des instituteurs.

Je puis rassurer à ce propos un honorable représentant du Luxembourg, qui a demandé si l’on se proposait de donner des conférences sur le drainage dans le Luxembourg. Rien de plus facile que de satisfaire à ce désir, les agents du gouvernement sont à la disposition des comices agricoles partout où ils sont réclamés.

Je dis donc que notre projet répond en très grande partie aux vues que vient d'exprimer l'honorable M. de Naeyer. Je dis qu'au point de vue de la dépense, il serait impossible de la renfermer dans des limites plus étroites.

Hier un honorable député de Namur a critiqué le contrat provisoire passé avec le propriétaire de Gembloux, relativement à la ferme. Il aurait voulu que le gouvernement construisît lui-même la ferme ou bien qu'il payât au propriétaire l'intérêt des capitaux dépensés pour cette construction. Eh bien, l'un et l'autre système eût été plus onéreux pour l'Etat que le système qui a été adopté.

Dans le système adopté, le gouvernement paye les deux tiers de la dépense. La construction est évaluée à 68,000 fr. Le gouvernement s'engage à rembourser les deux tiers, soit 45,000 francs, en vingt-deux ans, soit en moyenne 3,100 francs par an, intérêts compris. Dans le système de l'honorable député de Namur, si nous payions l'intérêt de 68,000 francs, ce serait 3,400 fr. par an. Si nous nous étions chargés des dépenses de construction, le budget eût été grevé, en fait, de la même somme eu supposant que nous eussions pu construire aussi économiquement que le propriétaire.

On ajoutera à cela : Vous auriez la ferme au bout du vingt-deux années. Mais, je demanderai à l'honorable membre ce que nous ferions de la ferme, si nous devions quitter la propriété.

Nous faisons dans la propriété de Gembloux une emprise de 37 hectares 21 ares. Mais cette propriété, qui a 200 hectares, n'a pas besoin de ferme ; elle a sa ferme, elle la loue. A une autre époque, l'honorable M. Faignart, qui a quelque peu varié sur cette matière, recommandait au gouvernement de rester maître chez lui, de rester sur son terrain. Eh bien, c'est ce que nous avons fait à Gembloux ; nous sommes maîtres du terrain pendant vingt-deux ans. Mats pour être maîtres chez nous, il nous a fallu une ferme, et le propriétaire a consenti à construire une ferme dont il n’avait pas besoin et dont il supporte le tiers des frais.

Voilà comment les choses se sont passées. Or, je crois qu'il vaut mieux que le gouvernement concoure pour une part dans les frais, que de se charger des constructions qui coûteraient plus cher et ne lui seraient plus, d'aucune utilité, si, à la fin du bail, il abandonnait le terrain.

Nous serons donc maître chez nous à Gembloux. Cependant il y a des établissements accessoires annexés où nous ne serons pas les maîtres absolus ; c'est la distillerie et la sucrerie. Ces établissements, toutefois, aideront singulièrement à l'enseignement pratique.

Le gouvernement éclairé par l'expérience aura soin de passer des contrats avec les exploitants, de manière à ne pas retomber dans d'anciens mécomptes. Donc les conditions seront très nettes, très précises, garantissantes, de manière que là aussi le gouvernement ait autant que possible sa liberté d'action. Mais il y aura peut-être, parfois, des conflits entre l'administration et les propriétaires de ces établissements industriels. C'est presque inévitable. Nous devons faire en sorte de rendre ces conflits le moins fréquents possible et en utilisant pour l'instruction pratique de l'école ces deux grandes usines qui se trouvent d'une manière si heureuse placées à quelques pas de la ferme et de l'école même.

J'ajoute qu'indépendamment de cette sucrerie et de cette distillerie la commune de Gembloux offre aussi des brasseries renommées et que nous avons l'espoir de pouvoir faire exercer nos jeunes gens dans l'une ou l'autre brasserie de Gembloux.

En parlant hier d'économie, on a aussi cherché à démontrer l’utilité qu'il y aurait eu pour l'Etat à établir l'école sur un terrain appartenant au domaine public et à y faire des constructions.

Messieurs, nous avons fait des recherches. Un terrain convenable appartenant au domaine n'est pas déjà facile à trouver. Mais un terrain ne suffit pas ; il faut une ferme, il faut un pensionnat, une école. Il faut donc construire, et pour construire tout cela, ce n'est pas 68,000 fr. qu'il faudrait ; il nous faudrait 3 à 4 cent mille fr. Est-ce là ce que l'on veut ? Est-ce là ce qu'on peut appeler de l'administration économique ? Je ne le crois pas. Je crois que le gouvernement aurait le plus grand tort de se lancer dans des dépenses aussi considérables, alors qu'il n'a pas la certitude qu'il va faire une chose définitive et stable pour toujours. Je n'énonce pas même cette prétention.

Partout, dans tous les pays, il y a eu des essais, il y a eu des établissements qui ont réussi et d'autres qui n'ont pas réussi. Mais nulle part, dans aucun pays, on n'est venu nier la nécessité, l’indispensabililé, comme on le disait en 1845, d'un enseignement agricole.

En Belgique nous ne faisons que commencer et nous ne pouvons avoir la prétention de réussir immédiatement, de fonder, tout d'un coup, un établissement modèle. Nous traverserons probablement encore des circonstances difficiles ; nous aurons peut-être encore quelques mécomptes. Il y aurait présomption à promettre d'ici à quelques années un établissement à l'abri de tout reproche. Mais le gouvernement, éclairé par les Chambres, fera ce qu’il peut pour conduire à bien cet établissement.

Nous avons la condition première, nous avons de bons professeurs formés dans nos écoles ; nous avons des hommes très distingués, et j'attache le plus haut prix à cette circonstance qui nous permet d'avoir un espoir presque assure de succès pour notre établissement.

Mais je demanderai aussi, lorsque la loi sera mise à exécution, lorsqu'elle commencera à fonctionner, un peu d'indulgence de la part des honorables représentants ; je demanderai que, dès les premiers temps de l'installation, l'on ne vienne pas se livrer à des critiques qui ruinent moralement l'établissement, mais qu'on attende quelques années pour constater et critiquer, s'il y a lieu, les résultats. Ces sortes de critiques, qui sont dans le droit de la Chambre, je le reconnais. ont exercé sur le personnel des établissements une influence très fâcheuse, en même temps qu'elles ont semé le discrédit dans la population.

On dit que l’enseignement agricole excite dans le pays de la répugnance. Cela n’est pas exact. J'ai prouvé au contraire que les habitants du pays se précipitent vers l'enseignement agricole avec une ardeur remarquable. Mais si nos habitants des campagnes lisent les journaux, et s'ils y voient que des hommes éclairés, des hommes de bonne foi, des hommes importants, discréditent les établissements d’enseignement agricole, disent qu'on n’y fait lieu de bon, qu’on n'y apprend rien de bon, que les esprits s'y gâtent et s'y perdent, comment voulez-vous qu'ils y aient confiance ? Ce n'est pas là une propagande de nature à rendre l'enseignement agricole populaire.

Mais malgré ces attaques si nombreuses et si injustes dont l’enseignement agricole a été l'objet dans cette enceinte, les habitants du pays n'ont pas cessé de se porter vers l'enseignement agricole avec sympathie et ardeur.

J'ai cité des chiffres qui ne sont pas à récuser. Nos cultivateurs ne vont pas tous à l'école, mais chaque fois qu'il y a une conférence où on les appelle pour recevoir l'instruction, ils y arrivent en très grand nombre ; je vous l'ai fait voir hier pour l'enseignement donné à l’école de Vilvorde, pour l’enseignement donné à l’école de Gand. Je vous parlerai aussi des cours de maréchalerie qui se donnent à l’école vétérinaire.

Sans doute dans beaucoup de villages, il y a des maréchaux qui se prétendent très savants, qui disent qu'on ne leur apprendra pas à ferrer mieux que ne l'ont fait leurs pères. Mais cela n'empêche pas que les leçons de maréchalerie données à l'école de Cureghem ne soient suivies par de centaines maréchaux qui viennent des quatre coins du pays.

On n'a donc pas en Belgique, pour l’enseignement agricole, ce dégoût qu'on attribue aux populations. Les populations, en dépit des critiques dont l’enseignement agricole est l'objet, se portent vers cet enseignement comme vers une source de prospérité et d'affranchissement moral pour elles.

Je ne sais pas messieurs, si j'ai rencontré toutes les observations des honorables orateurs. Le Moniteur a paru d'une manière incomplète. Je n'ai pu lire tous les discours. Si j'avais omis quelque point, je prierais les honorables membres de les signaler ; je tâcherais autant que possible d'y répondre.

M. Jacquemyns. - Messieurs, déjà l'honorable ministre de l'intérieur a répondu à la plupart des objections auxquelles je comptais répondre. Je tâcherai donc d'être aussi bref que possible, persuadé que je n'en sera que plus agréable à la Chambre.

Diverses objections ont été présentées contre le projet de loi ; on peut les ranger en deux catégories, les unes tendent à ne pas avoir d'enseignement agricole du tout, à supprimer celui qui existe ; les autres tendent à introduire de simples modifications dans le projet de loi du gouvernement. Je les examinerai successivement, mais d'une manière très rapide.

Avant tout, je désire dire quelques mots relativement aux conférences agricoles dont l'honorable M. de Moor et l'honorable M. de Naeyer ont parlé.

J'ai accueilli avec beaucoup de plaisir la promesse faite par M. le ministre de l'intérieur d'encourager ces conférences agricoles. Jusqu'à présent, elles ont marché sans encouragements de l'Etat, si je ne me trompe. Ainsi les conférences qui ont été données jusqu'à présent dans le Luxembourg n'ont pas eu besoin des encouragements de l'Eut ; un agronome étranger, qui se charge de les douter, puise dans son dévouement à la science et dans la reconnaissance pour l'hospitalité que la Belgique lui a accordée, tout ce qu’il a rencontré jusqu'à présent d'encouragements. J'accueille avec plaisir le présage que le gouvernement fera à l'avenir tout ce qu'il pourra pour encourager ces conférences agricoles.

Ces conférences sont, dans l'enseignement de l'agriculture, ce que les écoles d'adultes sont dans l'enseignement primaire. Elles rendent peut-être moins de service que ceux que l'on peut attendre de l'institut agricole. Mais elles rendent des services immédiats et par conséquent peut-être mieux appréciés. Il est beaucoup plus facile d'apprécier cet (page 1660) enseignement spécial dont l'action est immédiate, que d'apprécier l'enseignement donné dans un institut agricole à des jeunes gens qui ne peuvent rendre des services réels que plusieurs années après la sortie de l'école.

Du reste, je pense que, sous ce rapport, l'honorable M. de Moor et l'honorable M. de Naeyer trouveront dans le projet une entière satisfaction, puisque, pour la première fois, il est donné en quelque sorte consécration légale à ces conférences. Elles entraîneront d'ailleurs à des dépenses très faibles, comme cela a été constaté dans la réponse à une question adressée par la section centrale à M. le ministre de l'intérieur.

Je ne reviendrai pas, messieurs, sur les reproches qui ont été adressés aux écoles d'agriculture, de n'avoir pas produit des résultats. Si l'on jugeait au même point de vue nos universités, je crois que, réellement, on trouverait qu'elles aussi produisent peu de résultat.

Les écoles d'agriculture ont été organisées il y a onze ans. Les premiers élèves qui y sont entrés, en sont sortis il y a huit ans, à l'âge de 20 à 21 ans. Ils ont aujourd'hui 29 ans, peut-on espérer trouver parmi eux des sujets très distingués, des agronomes ayant déterminé dans le pays des progrès remarquables, peut-on reprocher à ces jeunes gens de n’être pas l’origine, de n’être pas la cause des progrès que l’agriculture a réalisés dans ces dernières années ? Ira-t-on reprocher aux élèves de nos universités qui ont quitté depuis sept ans les bancs de l’école, de n'avoir encore rien fait pour la science médicale ou pour la science du droit ? Ces reproches ne seraient pas fondés. Certes il n’est pas sorti un grand homme de nos universités depuis sept ans. Mais il y a de l’avenir dans cette jeunesse. C’est sur cet avenir qu’il fait compter ; et je dis qu’il y a de l’avenir dans cette jeunesse studieuse ; et il y en a d’autant plus qu’elle mène actuellement une vie plus modeste et plus retirée. Eh bien, il y a aussi, chez les jeunes gens sortis des écoles d’agriculture, de l’avenir comme il y en a chez les jeunes gens qui sont sortis des universités.

On a supputé, messieurs, ce que coûte chaque diplôme délivré par nos écoles d'agriculture. Le calcul est très simple et très facile à faire. On additionne tout ce que coûtent les écoles d'agriculture et l'on divise la somme par le nombre des diplômes délivrés ; on arrive ainsi à ce résultat que chaque élevé diplômé, comme on le dit, coûte 7,000 à 8,000 francs.

Je pense que le calcul est exact ; je ne l'ai pas vérifié, et j'en admets volontiers l'exactitude ; mais, messieurs, pourquoi les élèves qui se trouvent dans les écoles d'agriculture prendraient-ils des diplômes ? A quoi leur serviraient ces diplômes ? Je conçois qu'un élève qui quitte nos universités pour pratiquer la médecine tienne à prendre un diplôme de docteur en médecine parce que sans ce diplôme ses études ne lui serviraient de rien ; il ne peut pratiquer avant d'avoir pris le grade de docteur ; mais on peut pratiquer l'agriculture sans avoir pris le diplôme de l'institut agricole. IL suffit d'avoir acquis des connaissances et il ne faut pas que le diplôme eu fasse preuve.

Messieurs, parmi les diverses branches de l'enseignement encouragé par l'Etat, je crois qu'il en est peu qui coûtent moins par élève que l'enseignement industriel.

Eh bien, j'ai été professeur pendant une douzaine d'années dans une école industrielle, qui était fréquentée par plusieurs centaines d'élèves. Nous avons voulu distribuer des diplômes, nous avons stipulé quelles seraient les conditions de l'obtention d'un diplôme, et personne ne s’est présenté pour en obtenir. Je me trompe, un seul élève s'est présenté et voici le cas. C'était un petit apprenti formé à l'école industrielle de Gand. Il fut envoyé à Quito pour y monter une affaire de coton. Arrivé aux fonctions de directeur et à la qualité d'associé, il revint à Gand et l'idée lui prit qu'il lui serait avantageux de retourner en Amérique avec un titre scientifique de l'école de Gand. Il se présenta donc pour obtenir un diplôme.

Eh bien, messieurs, si l'on répartit par diplôme ce que coûte l'école industrielle de Gand, ce diplôme coûtera 300,000 francs. C'est beaucoup plus qu'un diplôme agricole. Répartissez la dépense sur les services rendus, non sur les diplômes délivrés.

On nous a dit aussi : L'Angleterre a réalisé de grands progrès sans école d'agriculture.

Cela est vrai, messieurs ; mais d'abord il y a en Angleterre des éléments de progrès tout autres que ceux qui existent en Belgique et si à certaine époque il n'y avait pas d'écoles d'agriculture, il y avait en Angleterre de jeunes lords qui comprenaient qu'il fallait s'attacher à l'étude de l'art agricole, afin de faire valoir leurs immenses propriétés territoriales. Ils comprenaient que ces propriétés réclamaient de leur part des études approfondies et de grandes mises de fonds.

Ils ont étudié l'agriculture à l'université d'Edimbourg, ils ont suivi les cours d'agriculture qui se donnent à l'université d'Oxford, ils ont parcouru l'Europe pour étudier les diverses cultures et arrivés chez eux ils ont établi des fermes modèles qui sont inimitables pour l'étranger car il faut toute la force de caractère propre aux Anglais pour créer de pareils établissements.

Et, messieurs, que l'on ne pense pas que les Anglais dédaignent les écoles d'agriculture, que l’on ne pense pas que ces lords qui ont fait des études si obstinées dédaignaient les écoles d'agriculture ; ce sont eux qui ont établi l'école de Cirencester.

Cette école est critiquée eu Angleterre, mais j'ai lu aussi les résultats détaillés d'expériences qu'on y a faites et qui sont dignes de la plus grande attention et j'ai rencontré en Angleterre des jeunes gens sortis de l’école de Cirencester faisant leur stage pratique dans les fermes modèles.

Je ne répondrai que peu de mots, messieurs, à l'objection tirée de l'état de notre agriculture. Depuis mon enfance j'ai entendu dire : « Nous sommes les premiers agriculteurs du monde », et je l'ai tant entendu dire que j'ai fini par me demander la preuve. Et en réalité on me ferait beaucoup de plaisir, mon amour propre serait réellement flatté si ou parvenait à me prouver que nous sommes les premiers agriculteurs du monde.

M. de Naeyer. - Nous avons soutenu la comparaison.

M. Jacquemyns. - Je ne dis pas que nous n'avons pas soutenu la comparaison, ce n'est pas à l'honorable M. de Naeyer que je réponds en ce moment, c'est à l'honorable M. de Ruddere de Te Lokeren, qui était membre de la section centrale.

Nous pouvons soutenir la comparaison, je le reconnais volontiers, et ce serait bien malheureux si nous ne pouvions, sous aucun rapport, soutenir la comparaison ; mais il y a loin de là à dire que nous sommes les premiers du monde et que nous n'avons plus rien à apprendre. Pour cela, nous devrions être les premiers en tout, et encore ferions-nous bien alors d'apprendre un peu pour maintenir notre supériorité.

Je me demande : Cette supériorité de notre agriculture, qui est presque proverbiale, repose-t-elle sur nos bénéfices ? Est-ce que l'agriculture belge réalise des bénéfices tels, qu'elle n'ait plus rien à a prendre, qu'elle ne doive en aucune manière viser à les augmenter ? Eh ! messieurs, on vient nous dire en même temps que notre agriculture manque des capitaux nécessaires pour imiter l'agriculture anglaise ; or, s'il en est ainsi, on ne peut pas soutenir que nous réalisons des bénéfices très considérables.

De plus la question du crédit agricole est à l'étude depuis plusieurs années, des hommes très remarquables s'en sont occupés et jusqu'à présent elle est restée sans solution. Pour ma part, je crois que la solution de cette grave question se trouve surtout dans l'enseignement agricole, je crois que le crédit viendra facilement, lorsque l'industrie agricole sera aussi éclairée que l'industrie manufacturière.

Serait-ce dans le rendement que consisterait notre supériorité ?

Mais, messieurs, en 1858, d'après le bulletin du conseil supérieur d'agriculture, tome XII, la moyenne du produit des terres en froment était estimée en Belgique à 20 hectolitres 1/5 par hectare ; à la même époque, d'après le Times, la moyenne du produit en froment par hectolitre dans l’est de l’Angleterre, était estimée à 40 hectolitres.

Prendrons-nous pour preuve l'élévation des loyers ? Mais, messieurs, dans plusieurs pays voisins, notamment en Angleterre et en Hollande, tes loyers sont tout au moins aussi élevés. (Interruption.)

C'est que vous voyez certaines parties de la Hollande, et je fais allusion à d'autres parties ; je citerai notamment les terres destinées à la culture du tabac.

- Un membre. - C'est exceptionnel.

M. Jacquemyns. - Les loyers très élevés sont exceptionnels en Belgique aussi. Ainsi les terres à 200 francs l'hectare sont une très rare exception tout aussi bien en Belgique qu'en Hollande.

Se basera-t-on sur le bétail ? Mais nous importons, nous tirons de l'étranger plus de bétail que nous n'en exportons.

M. de Naeyer. - L'Angleterre également.

M. Jacquemyns. - Oui, mais l'Angleterre a sur nous l'avantage de fournir des reproducteurs très recherchés : on les y vient demander de toutes les parties du monde. Trouvera-t-on chez nous des reproducteurs de race bovine de quelques milliers de francs ?

Quant aux frais de production, malgré nos grands progrès en agriculture, nos frais de production sont si élevés qu'en 1858, nos importations de produits agricoles dépassaient nos exportations de 42 millions.

Nous importions du froment, de l'orge, des graines oléagineuses en quantités considérables ; et nos grandes exportations en produits agricoles se bornaient au beurre, à la chicorée, au lin. Et dans ces 42 millions je ne comprends pas les engrais. Outre ces 42 millions d'excédant à l'importation, nous demandions à l'étranger 10 millions d'engrais, 12 millions de bois de construction, 35 millions de laine pour alimenter nos fabriques ; notre industrie manufacturière était obligée de maintenir la balance commerciale, de fournir à l'étranger 97 millions de produits, soit des produits minéraux, soit des produits manufacturés, en payement des produits agricoles.

Voilà l'état de noue agriculture.

A tous ces arguments on nous répond : « Ce qui prouve la supériorité de notre agriculture, c'est que des agriculteurs étrangers, des agriculteurs anglais viennent visiter nos cultures. »

Je l'admets très volontiers. Le propre des hommes instruits, c'est de vouloir s'instruire encore, c'est de profiter de toutes les occasions pour s'initier à la connaissance des détails de leur branche, et l'agriculteur un peu zélé va visiter les exploitations rurales partout où il voyage.

Sans être un agriculteur instruit, je tâche d'imiter de mon mieux les (page 1661) agriculteurs instruits. J'ai visité notamment de très pauvres cultures dans les bruyères du Luxembourg, sans avoir jamais eu l'idée de les imiter.

J'ai visité dans la Westphalie des habitations rurales de l'ancien système, sans cheminées, où les habitants vivent dans une étrange confusion avec des animaux de toutes races ; et si les habitants de ces maisons pensent que je suis allé chez eux pour imiter leurs constructions, je déclare qu’ils se trompent singulièrement.

L’honorable comte de Renesse nous engage à remplacer les écoles d'agriculture par des expositions agricoles.

Messieurs, c'est une très bonne chose que les expositions agricoles. J'en fais beaucoup de cas. Mais il y en a peu qui soient dans les mêmes idées que moi. Le nombre des personnes faisant cas des expositions agricoles est relativement peu considérable.

Qu'on ne s'y méprenne pas : dans ces expositions agricoles, on rencontre généralement beaucoup plus de produits d'amateurs que de produits de cultivateurs de profession.

Et savez-vous ce que disent les cultivateurs de profession quand ils parcourent ces expositions ? Ils disent : « Voilà tous produits qui coûtent beaucoup plus cher qu'ils ne valent ; voilà toutes extravagances que nous devons éviter, si nous ne voulons pas nous ruiner. »

Et pourquoi disent-ils ainsi ? Parce qu'il faut déjà un ensemble de connaissances déterminées pour profiter des expositions agricoles, parce qu'il faut les voir d'un coup d'œil spécial, qui n'est pas donné à l'agriculteur de profession, pour en tirer tout le parti qu'on peut réellement en tirer.

L'honorable M. Faignart est tout dévoué à l'agriculture, quoique peu partisan de l'enseignement. Il voudrait que l'agriculteur fût encouragé et s'il trouve que l'institut agricole coûte un peu cher, en revanche il ne se montre pas très parcimonieux quant aux encouragements à donner à l'agriculteur.

Ainsi, l'honorable membre reproche au gouvernement de ne pas proposer la suppression des barrières, d'encourager trop peu la culture de la betterave. Mais, messieurs, je crois que cela coûterait beaucoup plus que l'institut agricole. La suppression des barrières, à elle seules, coûterait à 1l’Etat un million.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - 17 à 18 cent mille francs.

M. Jacquemyns, rapporteur. - Indépendamment de ce qu'elle coûterait aux provinces, aux communes et aux particuliers.

M. Faignart. - Cela ferait aussi beaucoup de bien.

M. Jacquemyns. - Oui, non seulement aux cultivateurs, qui sont exemptes dans beaucoup de cas de les payer, mais aussi à tous les particuliers Mais cela coûterait cher.

J'engagerais certainement le gouvernement à supprimer les barrières, s'il y a moyen de le faire. Mais ce n'est pas assez que de supprimer les barrières d'un trait de plume, il y a encore autre chose à faire : c'est de trouver le moyen de restituer au trésor public, aux provinces, aux communes et aux particuliers le revenu dont on les priverait par la suppression des barrières.

Quant aux encouragements à donner à la culture de la betterave, oh ! certainement, c'est une très bonne chose, c'est une excellente chose pour l'honorable M. Faignart ; mais pour ses voisins, en est-il bien de même ? J'en doute. Et pour les cultivateurs des environs de Saint-Nicolas, pour les cultivateurs des environs de Turnhout, qui ne peuvent produire avantageusement la betterave à sucre, ils aiment beaucoup mieux d'autres encouragements. Il leur est parfaitement indifférent que le gouvernement encourage la culture de la betterave, tandis que les notions scientifiques, répandues chez eux par les élèves sortis de l'Institut agricole leur feront un très grand bien.

Messieurs, j'arrive à une autre série d'observations : elles laissent debout l'enseignement agricole, mais elles attaquent le projet du gouvernement.

Et d'abord l'honorable M. de Renesse désire joindre à l'institut agricole une étendue de terre plus considérable. L'on a souvent parlé d'une culture de 100 hectares comme devant être annexée à un institut agricole. C'est un nombre rond que 100 hectares, et il faut que l'institut agricole donne l'exemple d'une culture lucrative.

Je me défie très fort des cultures lucratives annexées aux instituts agricoles, et je désire vivement pour ma part que le gouvernement ne se lance pas dans cette voie sans bien peser toutes les chances de succès à l'avance.

On peut être très bon professeur d'agriculture sans être bon cultivateur, comme on peut être très bon professeur de droit sans être un bon avocat, comme on peut parfaitement posséder la tenue des livres au point de donner des leçons parfaites, sans être pour cela un bon teneur de livres ; parce qu'il faut, pour bien tenir les livres, des qualités qu'il ne faut pas pour enseigner la tenue des livres.

J'avais compté dire quelques mots en réponse à l'honorable M. de Montpellier, quant au contrat passé avec M. Piéton, je crois que c'est par l'effet d'une simple distraction que l'honorable membre a trouvé que le gouvernement aurait mieux fait de payer les intérêts des constructions que les deux tiers de la dépense cela revient au même à bien peu de chose près.

Dans mes calculs, j'avais pris pour chiffre de la dépense totale 66 mille francs. C'est une somme intermédiaire entre 65 et 70 dont il est parlé dans les réponses du gouvernement. (Interruption.) Le calcul est le même pour 68, mais il est plus facile avec 66. Dans ce cas M. Piéton payera 22 mille francs sans intérêt pendant 22 ans. On ne peut pas calculer sur un intérêt moindre que 5 p. c. quand il s'agit de construire ; ce capital se trouvera doublé en 14 à 15 ans.

Si l'on y ajoute les intérêts simples et composés à 5 p. c, au bout de 22 ans et demi, il se trouvera triplé ; de sorte qu'en réalité M. Piéton se trouve dans les conditions d'un homme qui s'engagerait à reprendre toutes les constructions et appropriations, y compris un chemin dont il n'a pas besoin, au bout de 22 ans, au prix coûtant, payable au jour, il rentrera en jouissance de son immeuble.

Peu de particuliers accepteraient un pareil marché ; pour ma part, à moins de trouver une compensation dans d'autres conditions, je ne l'aurais pas accepté. Ajoutez que M. Piéton est chargé d'entretenir les bâtiments pendant la durée du bail, 22 ans.

Que dirai-je à M. Faignart qui trouve que M. Piéton aurait dû payer la moitié ? Voici à quoi revient cette thèse. Au bout de vingt-deux ans, quand il rentrerait en possession d'un chemin qu'il ne demande pas, de bâtiments dont il n'a pas besoin, et détériorés par vingt-deux ans d'usage, d'appropriations qui sont sans but utile pour lui, car vingt-cinq chambres d'élèves ne lui sont pas nécessaires, il reprendrait le tout en en donnant 50 p. c. de bénéfice au gouvernement sur les dépenses primitives ; 33 mille francs payables au comptant équivalent en effet à 93 mille francs payables à l'expiration des vingt-deux ans. Cette thèse n'est évidemment pas soutenable.

Je regrette d'avoir à vous occuper de ces détails infimes sur lesquels je pense qu'on n'insistera pas, et je les abandonne pour répondre aux observations de l'honorable M. de Naeyer.

Messieurs, j'ai passé une bonne partie de ma carrière dans l'enseignement de diverses branches des sciences physiques, et je suis arrivé à cette conviction profonde que tout enseignement de sciences physiques doit être pratique, parce que si l'on se borne à un enseignement théorique on donne aux élèves des notions incomplètes et souvent inexactes ; de plus, l'étude devient fastidieuse.

Ainsi pour l'école militaire par exemple, où l'enseignement se compose d'un ensemble d'études appartenant aux sciences physiques, on comprend dans tous les pays la nécessité d'en faire un enseignement pratique.

De même tour l'étude de la médecine. Que dirait-on d'un enseignement médical sans clinique, sans hôpital, où l'on pût faire voir des malades ? Ces descriptions de maladies sont toujours incomplètes, elles n'ont rien de saisissant, tandis qu'un seul coup d'œil de l'élève lui en dit beaucoup plus que la meilleure description.

C'est la même chose quant à l'enseignement agricole. Essayez de décrire sans aucun moyen pratique la plus simple opération d'agriculture, qu'on essaye de décrire la manière de panser un cheval sans avoir un chevalet les instruments nécessaires. Il faudra un temps très long, des détails à n'en pas finir pour enseigner bien incomplètement ce qu'on ferait comprendre d'une manière exacte en très peu de temps, si on pouvait mettre la chose en pratique.

Prenons un autre exemple :

L'enseignement sera incomplet si l'élève ne sait pas pratiquer la saignée dans un cas pressant, alors que le médecin vétérinaire ne peut être appelé en temps utile.

Dans les écoles moyennes d'agriculture, on prend un cheval destiné à être abattu, et chaque élève est appelé à pratiquer l'opération.

Je défie qu'on l'enseigne aussi bien dans une chaire ; il faudrait être bien habile professeur pour enseigner cela dans une chaire, et un homme vulgaire le fera comprendre en un instant quand l'élève aura l'animal sous la main.

D'un autre côté, pour les instruments d'agriculture perfectionnés les élèves trouveront difficilement l'occasion de se familiariser avec cette série d'instruments si on ne les leur montre pas dans l'institut agricole. Ces instruments se répandent avec trop de lenteur pour que les élèves trouvent aisément l'occasion de les employer.

D'ailleurs dans cet apprentissage on s'expose à voir les instruments dérangés par les élèves. Très peu de particuliers consentiraient à mettre les instruments mécaniques, les instruments perfectionnés entre les mains de jeunes gens qui ne les ont jamais maniés.

L'honorable M. de Naeyer objecte la décision d'une commission qui avait été nommée dans le temps pour l'enseignement industriel. Si mes souvenirs sont fidèles, je faisais partie de cette commission qui a émis l'avis que dans les écoles industrielles il ne fallait pas apprendre la pratique de l’industrie, mais seulement les sciences appliquées à l'industrie. Et voici le motif de cette décision ; c'est que l'industrie manufacturière est infiniment variée dans sa production ; et que par conséquent il est impossible de donner un enseignement pratique complet. Voudriez-vous enseigner dans une école industrielle le filage du lin, de la laine, du coton ? C'est une chose impossible. Dans ce cas, faites ce qui est possible ; enseignez les sciences préparatoires à ces industries ; mais, ces sciences, enseignez-les d'une manière pratique.

J'ai été pendant plusieurs années professeur dans une école (page 1662) industrielle ; je ne me suis jamais imaginé que j'enseignais l'industrie, je me suis imaginé que j'enseignais la chimie appliquée à l'industrie.

Pour l'agriculture, c'est autre chose. Il est possible de l'enseigner d'une manière pratique. Les moyens sont faciles à trouver. Il suffit d'une étendue limitée de terre sur laquelle les élèves puissent s'exercer. D'ailleurs il y a une science agricole. L'honorable M. de Naeyer a cité un cours très remarquable d'agriculture. Il n'y a pas, que je sache, de science du filage du lin ou de la laine, de science du tannage.

L'honorable M. de Naeyer a cité un passage d'un discours prononcé par l'honorable M. Mascart. Celui-ci, parlant de l'administration de la forêt de Soignes, reprochait au gouvernement d'être mauvais cultivateur. Je le crois. Cela est très possible.

Mais cela empêche-t-il que le gouvernement ne choisisse des hommes pour enseigner l'agriculture ? Ainsi parce qu'un procès pour le gouvernement aura été mal plaidé, sera-ce un motif pour qu'il n'organise pas d'école de droit ? Evidemment ce raisonnement est inexact. D'abord les hommes qui seront choisis pour donner l'enseignement agricole, ne sont pas ceux qui sont chargés d'administrer la forêt de Soignes. Mais quand ce seraient les mêmes hommes, j'ai déjà dit qu'il y a une énorme distance entre l'enseignement et la pratique ; qu'il faut des qualités déterminées pour l'enseignement, qu'il en faut d'autres pour la pratique ; que ceux qui possèdent les unes ne possèdent pas nécessairement les autres ; ils sont même très rares, les hommes qui réunissent les unes et les autres.

Un autre reproche qu'a adressé M. de Naeyer aux écoles d'agriculture, c'est qu'elles n'enseignent que la culture d'un genre déterminé de terre. Je crains que l'honorable membre n'ait confondu la routine avec l'enseignement raisonné. Ainsi un agriculteur routinier qui enseigne son art à un jeune homme, se borne à enseigner la culture des terres qu'il a en exploitation. C'est le cas des valets de ferme. Ils vont dans une ferme pour y apprendre leur état, ils finissent par connaître parfaitement la culture de la terre à laquelle ils ont été employés. Mais s'ils quittent la contrée, s'ils sortent de l'arrondissement où ils sont nés, pour se transporter dans un autre arrondissement, ils ne s'y connaissent plus. Ils étaient habitués à cultiver des terres légères, on leur donne à cultiver des terres fortes, ils n'y sont plus. Pourquoi ? Parce qu'ils sont routiniers, parce qu'ils n'ont pas reçu un enseignement convenable. Mais il est évident que dans les écoles on doit enseigner les différentes cultures des diverses espèces de terres ; de même que dans une école d'équitation l'on apprend à monter des chevaux qui ont des défauts et des qualités que n'a pas celui qu'on monte en premier lieu ; si l'on n'apprenait à monter qu'un seul cheval dans un cours, je ne pense pas que beaucoup de jeunes gens voulussent apprendre l'équitation.

En résumé, messieurs, beaucoup d'entre vous se rappellent avoir vu nos richesses souterraines délaissées ; nos gisements de houille, de fer, étaient sans valeur.

Notre activité, mais notre activité guidée par la science, leur a donné une grande valeur, tout en offrant les produits à plus bas prix et en continuant ainsi au bien-être général.

Si nous appliquions à l'exploitation de la surface du sol autant de savoir, autant d'intelligence, que nous en appliquons à faire valoir les richesses qu'elle couvre, nous réussirions en peu de temps à augmenter dans une proportion notable la valeur de la surface du sol. Car la valeur d'un instrument de production est subordonnée au produit qu'on sait en tirer.

Partout notre agriculture a des progrès à réaliser, et il est telles localités où elle est d'une déplorable infériorité.

Pour la perfectionner, employons les moyens que nous avons employés pour d'autres industries, ayons tout au moins une école d'agriculture, comme nous avons une école des mines et des écoles industrielles.

Le progrès agricole amène nécessairement une production plus abondante, une production plus économique. Il équivaut donc à une hausse générale des salaires.

M. B. Dumortier. - Si j'avais à critiquer le projet en discussion, je trouverais la critique des deux discours qui viennent d'être prononcés à la page 50 de l'exposé des motifs. Que porte le tableau qui se trouve à cette page ? Le nombre des élèves reçus à l'école d'agriculture a été, en 10 années, de 81 élèves belges et de 20 étrangers. Total 101. Ce qui revient à ceci que l'école a été fréquentée chaque année par 8 élèves belges et 2 étrangers. Quand je vois un établissement distingué, où se trouvent des professeurs de mérite, répondre si peu aux dépenses que nous faisons, je me demande à quoi bon toutes ces grandes dépenses, lorsqu'en définitive le pays n'y songe même pas. Vous avez eu 80 élèves belges et 20 étrangers, c'est-à-dire 10 élèves par an. Voilà, à mon avis, la plus grande condamnation du projet de loi, et c'est l'exposé des motifs qui l'a prononcé.

Mais, messieurs, j'ai demandé la parole pour protester contre ce qui a été dit par les deux orateurs précédents au sujet de la situation de l'agriculture de notre pays.

L'honorable ministre de l’intérieur, dans le but de montrer l'importance et les grands avantages de l'école qu'il projette, est venu prêter à mon honorable ami M. de Naeyer...

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Prêté ? pas du tout. J'ai rappelé les discours de l’honorable M. de Naeyer. Je ne dénature jamais les faits.

M. B. Dumortier. - Vous avez prêté à l'honorable M. de Naeyer une opinion qui certes n'est pas dans les idées, et qu'il n'a pas exprimée. Suivant cette opinion, la Belgique, manquant d'écoles agricoles, serait dans un état d'infériorité honteuse.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il l'a dit en 1845.

M. B. Dumortier. - Par rapport à l'enseignement, c'est possible ; mais pas par rapport à l'agriculture. Eh bien, quant à l'enseignement, je crois qu'il est jugé. En voici le résultat : Vous avez eu huit élèves belges par année. C'est vous-même qui donnez ce résultat dans l'exposé des motifs.

L'honorable rapporteur est entré aussi dans cette voie ; suivant lui, l'agriculture de notre pays ne justifie pas du tout les éloges que l'étranger semble vouloir lui donner. On vient nous visiter, dit-il, c'est vrai, mais j'ai visité dans la Westphaliedes maisons sans cheminées, et dans lesquelles hommes et animaux couchaient ; et l'on n'a pu croire que j'aie été en Westphalie pour suivre cet exemple.

On veut des preuves de la supériorité de notre agriculture. Messieurs, ces preuves sont faciles à trouver. Si l'honorable rapporteur a voyagé, moi aussi j'ai beaucoup voyagé, et j'ai voyagé en observateur, j'ai beaucoup étudié dans mes voyages. Eh bien, je déclare nettement que l'agriculture des Flandres est incontestablement la première agriculture du monde, et que l'agriculture de l'Ecosse, que j'ai visitée sur les lieux, ne peut lui être comparée. La démonstration est des plus simples.

Oui, l'agriculture des Flandres est la première agriculture du monde, parce que c'est celle qui nourrit le plus de population sur son sol, et qui, indépendamment de cela, fournit le plus de produits pour la consommation des autres. Trouvez-moi, dans le monde entier, une agriculture qui nourrisse autant d'habitants sur son sol et qui, indépendamment de cela, fournisse autant pour les besoins de l'étranger, et je dirai que l'agriculture des Flandres n'est pas la première des agricultures.

Mais si vous ne pouvez pas m'en citer, et vous ne pourriez pas me citer une agriculture qui soit dans les mêmes conditions, j'ai le droit de dire que toutes les autres sont dans un état d'infériorité honteux vis-à-vis de notre glorieuse agriculture flamande.

C'est là la situation. La Flandre est le pays qui contient le plus d'habitants par lieue carrée, et c'est en même temps le pays qui, après avoir suffi à la consommation de ses habitants, fournit le plus de matières pour la consommation de ceux qui ne l'habitent pas.

Voilà une preuve, et une preuve déterminante de la prospérité de l'agriculture de notre pays.

Ne ravalons pas, messieurs, cette glorieuse agriculture flamande, une des gloires les plus pures et les plus incontestées de notre pays. Comment ! quand l'étranger écrit sur l'agriculture, c'est le Flamand qu'il cite comme modèle ; et ici, dans cette Chambre, dans un parlement belge, à la tribune nationale, on voudra la représenter comme inférieure à bien d'autres ! Je dis que cela n'est pas tolérable.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande la parole. M. Dumortier ne doit pas dénaturer mon discours comme il le fait.

M. B. Dumortier. - Vous aurez le temps de me répondre. C'est à l'honorable rapporteur que je m'adresse en ce moment.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous avez dit que le ministre de l'intérieur avait représenté la situation de l'agriculture des Flandres comme honteusement inférieure à celle d'autres pays. Je n'ai pas dit un mot de cela, j'ai rappelé les paroles de l'honorable M. de Naeyer.

M. de Naeyer. - Je n'ai pas dit cela.

M. B. Dumortier. - L'honorable M. de Naeyer n'a pas dit cela.

M. le président. - Vous êtes inscrits tous les deux, vous répondrez. La parole est continuée à M. Dumortier.

M. B. Dumortier. - Messieurs, pour établir que l'agriculture est dans un état d'infériorité, que fait l'honorable rapporteur ? Il vient vous dire : La moyenne des évaluations de notre pays est de 20 hectolitres par hectare et le Times a cité une contrée en Angleterre, où l'on récolte 40 hectolitres de froment par hectare. Mais est-ce qu'en Belgique nous n'avons pas de contrées qui rapportent 40 hectolitres par hectare ?

- Plusieurs membres. - Non !

M. B. Dumortier. - Je dis oui et je l'affirme.

- Plusieurs membres. - Où ?

M. B. Dumortier. - Messieurs, c'est votre statistique que vous mettez en question. Qu'est-ce donc que votre statistique ? Savez-vous comment elle se fait ? Je vais vous le dire, voici comment se fait la statistique agricole.

Chaque bourgmestre reçoit un écrit qu'il doit remplir et dans lequel il doit indiquer combien, dans sa commune, on cultive d'hectares en froment, en pommes de terre, en navets, en carottes. Or, voici ce que fait le bourgmestre. Il fait appeler son secrétaire et il lui dit : Nous devons remplir ce tableau ; eh bien, nous y mettrons tant d'hectares en froment, tant en pommes de terre, tant en navets, tant en carottes. Cela (page 1663) se fait au coin du feu, sans que jamais on se rende sur les champs. Voilà votre statistique.

Il s'agit ensuite de dire combien la terre rapporte. Ah ! c'est autre chose. Le fermier se gardera bien de dire la vérité. Il diminue la production pour tons les produits. Ainsi, si une terre a rapporté 30 hectolitres de blé, il en indiquera 20.

Voilà la valeur de votre statistique et vous vous basez sur des renseignements qui ne signifient absolument rien, qui donnent énormément d'ennui à nos bourgmestres, à nos échevins, à toutes les autorités, et qui ne sont de nulle valeur.

Mais où trouverez-vous un pays qui fournit tout ce que la Belgique fournit et en pareille abondance ? Dites-moi, par exemple, où vous irez chercher des produits comme ceux de notre sol ? L'Angleterre que vous citez comme modèle, où va-t-elle chercher les lins fins dont elle a besoin ? Elle vient les chercher dans les Flandres et dans le Hainaut.

Et où vient-elle chercher les plus beaux grains ? N'est-ce pas sur notre sol ? Qu'avons-nous vu dans les années de disette, dans les années calamiteuses que nous avons traversées ? On venait chercher nos grains fins et l'on nous envoyait des grains communs ; hommage et grand hommage rendu à notre agriculture.

L'agriculture fait ces progrès par elle-même ; elle les fait dans un pays de liberté. Elle les fait par l'intérêt qu'a chaque agriculteur d'améliorer la culture et d'en retirer le plus de produits possible.

Qu'est-ce qu'en définitive l'étranger nous a tant donné en fait d'améliorations agricoles ? Le drainage ? Mais remarquez-le bien, le drainage est parti de la Belgique ; il est d'invention belge, seulement la Belgique drainait autrefois avec des silex et avec des fascines, aujourd'hui on draine avec des tuyaux. C'est une véritable amélioration. C'est un perfectionnement, mais l'invention primitive est d'origine belge.

Qui donc a inventé, au grand avantage de l'agriculture, la théorie des assolements ? N'est-ce pas à la Belgique que sont dus les assolements qui permettent de doubler les produits de la culture ?

Où a-t-on commencé à transformer l'agriculture en une fabrique de bétail ? C'est encore dans les Flandres.

C'est l'invention des cultures automnales, de la culture des navets, par exemple, qui a permis de multiplier considérablement la quantité de bétail et qui a produit l'élève du bétail.

Ainsi tous les perfectionnements considérables de l'agriculture sont dus à la Belgique.

Et tout cela s'est fait, remarquez-le bien, sans écoles d'agriculture, tout cela s'est fait par l'intelligence de nos habitants, par leur force de volonté d'améliorer leur culture.

Une deuxième amélioration a été introduite, amélioration considérable, c'est la culture des plantes racines et en particulier de la betterave, culture qui a produit les plus grands résultats. Il est vrai que par un vote récent elle a été complètement sacrifiée, car, croyez-le bien, messieurs, nos agriculteurs aimeraient beaucoup mieux pouvoir se livrer à la culture de la betterave qui améliore si puissamment les terres que d'avoir des écoles d'agriculture ; l'honorable membre a fait, à cet égard, une réponse complètement égoïste : je pourrais dire aussi : On fait des canaux d'irrigation dans la Campine, qu'importe au paysan du Hainaut ? On rembourse au profit d'Anvers le péage de l'Escaut, qu'importe au paysan du Hainaut, au paysan des Flandres ? Quand il s'agit de dépenses communes, il faut envisager les intérêts généraux du pays.

Mais, dit-on, la Belgique a importé en 1848, 42 millions de produits agricoles, cela prouve que l'agriculture ne suffit pas aux besoins du pays. Messieurs, la Belgique est le pays du monde le plus peuplé eu égard à son étendue.

Vous avez 4 millions et demi d'habitants, supposez que ce nombre vienne à être doublé, est-ce que l'agriculture serait en décadence parce qu'il faudrait importer des denrées alimentaires pour une population aussi extraordinaire ?

Quand les récoltes ne manquent pas, l'agriculture suffit à peu près aux besoins du pays mais si la récolte des pommes de terre ou la récolte des céréales est perdue, est-ce que, par hasard, les écoles d'agriculture peuvent améliorer la situation ? Est-ce que les écoles d'agriculture augmenteront le loyer des terres ? Est-ce qu'elles développeront l'élève du bétail ? Est-ce qu'elles feront surgir le crédit agricole ?

La question, messieurs, se résume en termes très simples : Le pays veut-il, oui ou non, des institutions agricoles ? Eh bien, le pays a répondu : les documents officiels nous ont fait connaître sa réponse : une école parfaitement organisée dont les professeurs ne méritaient que des éloges, cette école a eu 8 élèves par an.

On dit : L'école vétérinaire est florissante ; mais il ne s'agit pas ici de l'école vétérinaire. L'école vétérinaire n'a rien de commun avec ce que l'on veut créer.

Je dis, messieurs, que la meilleure de toutes les écoles d'agriculture est celle d'un bon paysan du pays de Waes.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il m'importe, messieurs, de rectifier une point du discours de l'honorable membre. S'il avait été mieux préparé, j'eusse été peut-être dans l'obligation de lui répondre plus longuement, mais il n'a pas suffisamment étudié la question.

L'honorable membre m'attribue, en un point essentiel, une opinion qui n'est pas la mienne.

J'ai eu beau répéter que je citais les paroles de son honorable ami M. de Naeyer, l'honorable M. Dumortier a tenu à faire croire aux campagnes, que dans la séance de ce jour, le ministre de l'intérieur les a présentés comme étant dans une situation d'infériorité honteuse. Voilà le plus clair du discours de l'honorable M. Dumortier.

Je n'ai pas attaqué les campagnes ; mais je ne viendrai pas non plus me livrer à un panégyrique déclamatoire de l'agriculture belge, je ne dirai pas que notre agriculture est la première du monde attendu que je n'ai pas étudié toutes les agricultures du monde, pour pouvoir établir la comparaison.

Je vais, messieurs, pour éviter toute discussion ultérieure à cet égard, lire textuellement les paroles de l'honorable M. de Naeyer et je le prie d'être bien persuadé que je n'ai aucune mauvaise intention en le faisant. Voici textuellement ce qu'il a dit dans la séance du 22 janvier 1845 :

« Ainsi tandis qu'un beau mouvement se manifeste autour de nous, vers le progrès, vers les améliorations en matière agricole, mouvement secondé avec tant de sollicitude par le gouvernement des pays voisins, nous restons, nous, stationnaires, nous nous traînons toujours dans la vielle ornière, grâce aux hautes vues de nos gouvernants qui croiraient sans doute s'abaisser en jetant quelques regards de sollicitude et de bienveillance sur cette industrie campagnarde, sur cette pauvre agriculture.

« Et savons-nous quel est le danger imminent dont nous sommes menacés sous un tel ministère ? (Ce n'était pas celui-ci, c'était le ministère de 1845.)

« C'est que bientôt nous nous trouverons vis-à-vis des nations qui nous ont pris jusqu'ici pour maîtres en agriculture, dans un état d'infériorité qui fera la honte et le malheur de la Belgique. »

Voilà ce qu'a dit l'honorable M. de Naeyer et en reproduisant ses expressions, je les ai même beaucoup adoucies. Je prie donc l'honorable M. Dumortier de ne plus m'attribuer les paroles de son honorable ami.

M. B. Dumortier. - Ce ne sont pas celles-là.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je crois être resté au-dessous et je pense, dans tous les cas, que notre devoir, dans cette Chambre n'est pas de jeter en toute circonstances, des flagorneries à la face des populations des villes et des campagnes.

Le devoir des représentants est de dire la vérité au gouvernement et aux populations. Je ne suivrai donc pas l'honorable préopinant dans son panégyrique exagéré de l'agriculture belge, cette agriculture tout avancée qu'elle peut-être, est susceptible de progrès, et pour atteindre ce but, nous soutenons avec tous les hommes compétents que la Belgique a besoin d'un enseignement agricole.

M. de Naeyer. - Messieurs, je dois quelques explications sur le passage d'un de mes discours prononcés, il y a plus de quinze ans, dont l'honorable ministre de l'intérieur vient de donner lecture ; c'est un passage détaché ; il est impossible d'en saisir le véritable sens si on ne le met pas en rapport avec l'ensemble des observations que j'ai présentées alors.

Voici à quel point de vue je m'étais placé en 1845 ; je constatais l'absence complète d'enseignement agricole en Belgique ; je disais que dans les autres pays en général l'enseignement agricole était plus ou moins organisé, et que si nous ne faisions rien, nous finirions par être dans un état d'infériorité qui serait notre honte, parce que notre agriculture a toujours été un de nos plus beaux titres de gloire. Mais je n'ai pas dit que l'agriculture, telle qu'elle existait alors, était dans une position honteuse d'infériorité ; jamais ces paroles ne sont serties de ma bouche, et je proteste formellement contre toute interprétation de ce genre qui serait donnée faussement aux discours que j'ai prononcés il y a quinze ans.

Je puis avoir dit encore, parce que c'était alors mon opinion, que sans institut agricole, sans fermes modèles, il n'y avait pas d'enseignement agricole ; eh bien, c'est sous ce rapport que mes opinions se sont modifiées.

M. le ministre a insisté beaucoup sur cette circonstance, qu'en 1860 je ne pense plus absolument de la même manière qu'en 1845, et il prétend que cela ôte toute valeur à mes opinions actuelles. Je ne comprends pas la force d'une pareille logique. Certainement je n'ai pas l'ambition de faire, en quelque sorte, autorité dans la matière qui nous occupe, mais si mes opinions pouvaient avoir quelque influente, ce serait surtout alors qu'elles sont évidemment le résultat d'un examen long, sérieux, approfondi et consciencieux. Quoi d'étonnant, si après 10 ou 15 années d'études, je n'arrive plus aux mêmes conclusions qu'au commencement ? Mais en reconnaissant loyalement l'erreur dans laquelle j'ai versé d'abord, et en proclamant hautement mes convictions actuelles, je fais taire mon amour-propre pour rendre hommage à la vérité ; car je défie qui que ce soit de soutenir que je me laisse ici influencer par des considérations étrangères à la question qui nous occupe. On ferait donc bien de s'abstenir de blâmer ou de critiquer une pareille conduite.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne vous ai pas blâmé.

M. de Naeyer. - Soit ; mais vous êtes venu répéter absolument ce qu'un de vos prédécesseurs avait dit à cet égard, il y a cinq à six ans. (page 1664) J'ai expliqué alors franchement, et loyalement comment mes opinions se sont modifiées par une observation plus attentive des faits et par une étude pins approfondie de la question. Tout cela n'a pas suffi, et l'honorable M. Rogier est vécu renouveler en 1860 la guerre que l'honorable M. Piercot me faisait en 1855, et, chose assez étonnante, j'ai pu constater qu'il employait les mêmes armes matérielles qui restent, à ce qu'il paraît, déposées au ministère de l'intérieur pour être transmises successivement à tous les ministres futurs. Eh bien, je déclare franchement que ces armes-là ne peuvent me blesser en aucune façon. Elles ne portent d'ailleurs aucune atteinte quelconque aux arguments que j'ai fait valoir.

- La discussion générale est close.

La discussion des articles est remise à demain à une heure.

Projet de loi accordant un crédit au budget du ministère des travaux publics

Dépôt

M. Loos. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi ayant pour objet d'ouvrir un crédit de 36,000 francs au département des travaux publics.

- Impression, distribution et mise à la suite de l’ordre du jour.

La séance est levée à 5 heures.