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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 23 juin 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 1628) (Présidence de M. Dolez, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

M. Vermeire, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. de Florisone, secrétaire, présente l'analyse dis pièces qui ont été adressées à la Chambre :

« Par 21 messages, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion à autant de projets de loi de naturalisation ordinaire. »

- Pris pour notification.


« M. de Renesse, obligé de s'absenter, demande un congé. »

- Accordé.


« M. Snoy demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.


« M. de Portemont, rappelé à Grammont pour affaires urgentes, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.


« M. Nothomb, forcé de s'absenter par suite de la mort d'un de ses parents, demande un congé. »

- Accordé.


M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen) (pour une motion d’ordre). - Messieurs, il y a à l'ordre du jour des objets qui concernent mon département et qui sont d'une grande urgence. Il s'agit d'un crédit supplémentaire et de la prorogation de la loi des péages. Ces deux projets n’ont pas donné lieu à des discussions dans les sections ni dans la section centrale. Je demande que la Chambre veuille bien s’en occuper aujourd’hui.

- Adopté.

Projet de loi allouant un crédit supplémentaire au budget du ministère des finances

Rapport de la commission

M. Pirmez. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission qui a examiné le projet de loi ayant pour objet d'allouer un crédit supplémentaire de 347,500 francs au budget du ministère des finances.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Motion d’ordre

M. Moncheur. - Messieurs, comme la session touche sans doute à son terme, je désire interpeller M. le ministre des travaux publics sur la non-présentation de certains travaux d'utilité publique que le gouvernement avait promis l'année dernière.

Vous vous rappelez, messieurs, que lors de la discussion de la grande loi relative aux fortifications d'Anvers et à une série d'autres travaux publics, la section centrale crut devoir, après un sérieux examen, écarter quelques travaux proposés par le gouvernement et y en substituer d’autres qu’elle jugeait plus utiles et d’une plus grande urgence, notamment l’achèvement de la canalisation de la Meuse et de la Sambre.

Le gouvernement a combattu ces propositions, mais par deux fins de non-recevoir seulement. D'abord, parce que selon lui, la section centrale ne pouvait substituer à son projet, à lui, un autre projet sous prétexte d'amendement ; ensuite parce que les projets proposés par la section centrale n'étaient pas encore suffisamment étudiés. Quant au fonds, le gouvernement reconnaissait la grande utilité, l'urgence même des travaux proposés par la section centrale ; il en ajournait seulement la présentation à l'exercice suivant, c'est-à-dire dans celui dans lequel nous nous trouvons à présent.

(page 1629) C'est ainsi, messieurs, que M. le ministre des finances, dans la séance du 23 août dernier, nous disait ce qui suit :

« Dans la session prochaine, quand nous aurons encaissé les excédants prévus pour 1859, nous pourrons décréter d'autres travaux publics :

« Nous pourrons, en disposant par anticipation d'un nouvel excédant de 5 millions, rester dans la même situation que celle qui résulte du projet de loi. Ce n'est pas le dernier plan que nous ayons à soumettre à la législature. D'autres viendront et dans un temps rapproché.

« Les honorables membres peuvent donc être parfaitement rassurés sous ce rapport. »

Quant à M. le ministre des travaux publies, il a promis formellement qu'il étudierait immédiatement les projets proposés et recommandés par la section centrale, qu'il les étudierait entre les deux sessions. Or, nous avons tous compris, puisqu'il ne fallait pas un an pour faire cette étude, que nous obtiendrions la présentation de ces projets dans la présente session.

Cependant la session est parvenue à sa fin et nous n'avons encore rien reçu ! Je désirerais donc que M. le ministre voulût bien nous dire si son intention est de saisir la Chambre de ces projets avant la clôture.

- Une voix : Quels sont ces projets ?

M. Moncheur. - Ces projets, les voici :

Vous vous rappelez que le gouvernement avait proposé, entre autres travaux, l'achèvement de l'approfondissement du canal de Gand à Bruges, la construction du chemin de fer de Bruxelles à Louvain, et des travaux à la côte de Blankenberghe.

La section centrale proposa l'ajournement de ces travaux, et proposa d'y substituer du canal d'Anvers à Turnhout, et le prolongement de la canalisation de la Meuse, de Chokier à la frontière française.

La Chambre a décidé que l'approfondissement du canal de Gand à Bruges aurait lieu immédiatement, elle a ajourné le projet de chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain, ainsi que les travaux à la côte de Blankenberghe.

En ce qui concerne le canal d'Anvers à Turnhout et la continuation de la canalisation de la Meuse, la Chambre consentit à les ajourner, mais plusieurs d'entre nous, messieurs, prirent acte de la sympathie du gouvernement pour ces projets et du semi-engagement pris par lui de les présenter.

Je désire donc connaître de M. le ministre des travaux publics les motifs pour lesquels ses promesses n'ont point été tenues jusqu'à présent, et si son intention est de nous présenter les projets dont je viens d'entretenir la Chambre.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, ainsi que vient de le rappeler l'honorable préopinant, j'avais pris l’engagement de déposer, dans le cours de la session actuelle, un projet complémentaire de la loi des travaux publics votée l'année dernière. Je suis heureux que l'interpellation de l'honorable membre me fournisse l'occasion de dire pour quels motifs je n'ai pas acquitté la dette que j'avais contractée vis-à-vis de la Chambre.

Je m'étais mis en mesure, messieurs, de remplir la promesse que j'avais faite, j'avais arrêté le plan des travaux que je comptais proposer à la Chambre, lorsque, il y a quelques jours seulement, une combinaison importante m'a été présentée qui tient en suspens tontes les propositions que j'ai à faire.

Lorsque le moment en sera venu, la Chambre pourra vérifier l'exactitude de mon assertion que la combinaison à laquelle je fais allusion est bien, en effet, de nature à exercer une grande influence sur l'ensemble du projet que j'ai à lui soumettre.

Cette combinaison a nécessité de la part du gouvernement des négociations qui, selon toute probabilité, aboutiront à une entente, mais qu'il a cependant été impossible, malgré l'activité que l'on y a mise, de mener immédiatement à bonne fin.

Il est résulté, de cette circonstance, un ajournement forcé du projet de loi que j'avais promis. Je le regrette vivement en ce qui me concerne ; mais il n'a pas été en mon pouvoir de modifier la position qui m'était faite par la présentation tardive de la combinaison dont je parle, et je tiens d'ailleurs à constater que l'ajournement auquel nous devons nous résigner, n'est point de nature à compromettre quelque intérêt que ce soit.

Il est facile, messieurs, de s'en convaincre. Le résultat, quant à l'exécution des travaux à décréter est, en effet, le même, que le dépôt du projet eût eu lieu dans la session actuelle ou qu'il ait lieu dans la session prochaine, pourvu que ce soit au début de la session.

Si la Chambre se trouvait saisie du projet en ce moment, il est douteux qu'elle consentît à le discuter. L'impatience de se séparer qu'elle a manifestée hier, impatience justifiable jusqu'à un certain point après les graves débats qui viennent de finir, m'autorise à tenir ce langage.

Et il est d’autant moins probable qu'elle eût voulu entamer cette nouvelle discussion, que le projet que j'ai à déposer ayant inévitablement trait à d'importants intérêts, cette discussion s'annonce comme pouvant être plus ou moins longue et ardue. Donc de ce chef déjà il n'y a point véritable perte de temps.

Il y a plus. Si la Chambre, contre toute attente, avait consenti à discuter encore maintenant le projet, comme il faut tenir également compte de la discussion, par le Sénat, il n'y a guère de chance que la loi eût pu être rendue exécutoire avant le mois d'août.

J'aurais cru alors seulement faire dresser les devis et cahiers des charges ; il est donc certain dès aujourd'hui qu'aucune adjudication n'aurait eu lieu avant la fin de la campagne Celle-ci était ainsi inévitablement stérile pour la mise à exécution de nouveaux travaux.

Mais, dans cette hypothèse où la loi aurait été votée, aurais-je pu encore faire procéder à la confection des devis et à la rédaction des cahiers des charges, de manière que les adjudications pussent se faire dans le courant de l'année ? Non, messieurs, car tous les agents des ponts et chaussées sont activement occupés à préparer l'exécution de la loi de travaux publics Déjà quelques-uns de ces travaux ont été adjugés ; d'autres, importants, le seront prochainement. Provisoirement je ne pourrais pas distraire ces fonctionnaires des études dont ils se trouvent chargés, ou je ne pourrais le faire qu'au détriment des travaux déjà entamés et des études commencées.

Dans ces circonstances, j'espère que la Chambre reconnaîtra qu'il n'y a pas de péril dans la demeure, qu'il n'y a pas, je le répète, perte de temps, et que nous ne serions pas plus avancés si la loi était votée aujourd'hui que si elle l'est au commencement de la session prochaine.

J'ajouterai que j'emploie les loisirs forcés qui me sont faits à cet égard, en m'entourant, autant que possible, de tous les renseignements qui me permettront de soumettre ultérieurement à la Chambre un projet d'ensemble mûrement élaboré. Ainsi pour ne parler que d'un des travaux à entreprendre, du port de refuge de Blankenberghe, je me félicite d'avoir pu le déférer à l'examen d'une commission d'hommes spéciaux, instituée à l'intervention du département des affaires étrangères, commission qui m'a récemment adressé un rapport contenant les plus utiles indications pour le travail dont il s'agit.

En résumé, messieurs, je me flatte qu'en prenant l'engagement, comme je le fais, de déposer un projet de loi tout au début de la session de novembre, la Chambre voudra bien reconnaître que tous les intérêts sont saufs.

M. Wasseige. - Je comprends parfaitement et j'apprécie les raisons que vient de nours donner M. le ministre et qui ont retardé la présentation du projet de loi qu'il nous avait promis. J'espère que la négociation importante dont il parle n'aura, dans aucun cas, pour résultat de retarder la présentation de ce projet de loi et surtout d'en faire disparaître les travaux qui doivent être exécutés à la Meuse et l'approfondissement de la Sambre depuis Mornimont jusqu'à Namur. Je demanderai à M. le ministre de bien vouloir nous donner une explication positive à cet égard. Avec cette assurance de M. le ministre des travaux publics, je me déclarerai, quant à moi, satisfait et j'attendrai, pour le commencement de la session prochaine, l'exécution de la promesse que M. le ministre voudra bien nous renouveler, j'espère, de nous présenter le plus tôt possible le projet de loi que nos populations riveraines de la Meuse attendent avec tant d'impatience, et dont l'honorable ministre lui-même a proclamé souvent l'importance et l'utilité pour des intérêts nombreux et respectables.

M. Moncheur. - Je remercie M. le ministre des explications qu'il a bien voulu nous donner. Je dois croire, je suis même persuadé que les raisons qu'il a eues de ne pas nous présenter les projets qu'il nous avait implicitement promis, raisons que nous ne connaissons pas, mais que nous connaîtrons plus tard, je suis persuadé, dis-je, que ces raisons sont suffisantes pour justifier les retards qu'il a apportés dans cette circonstance ; mais, en tout cas, je prends acte de la promesse formelle que vient de nous faire encore M. le ministre de déposer au début de la session prochaine les projets qui sont à l'étude, et notamment celui de la canalisation de la Meuse, canalisation qui a nécessairement pour accessoire l'approfondissement de la Sambre de Namur à Mornimont.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, il me serait impossible, à la suite des honorables préopinants, de passer successivement en revue tous les travaux préconisés et de faire connaître les intentions du gouvernement sur chacun d'eux. Si je le faisais, ce serait avouer, par le fait, que la cause d'ajournement dort j'ai parlé n'existe pas, en d'autres termes que le gouvernement se trouve en position de prendre actuellement une décision sur tous les points. J'ai pris la parole déjà précisément pour faire connaître que cela n'est pas.

Du reste, en ce qui concerne les travaux de la Meuse, je m'en réfère sans réserve aux déclarations que j'ai déjà faites plusieurs fois, et les honorables députés de Namur n'ignorent sans doute pas que cette question a été soumise à un examen très attentif et qu'à cette heure elle est complètement élaborée.

Je promets donc itérativement de présenter un projet d'ensemble au début de la session prochaine. Sans préjuger la décision de la Chambre sur tel ou tel point spécial du projet, il n'est pas douteux que la loi ne puisse être votée avant la fin de l'année Les études préparatoires aux adjudications pourront donc être achevées pendant l'hiver et les adjudications se faire avant l'ouverture de la campagne de 1861. Cette combinaison me paraît satisfaisante.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère des travaux publics

Vote des articles

M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il au projet de la section centrale ?

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Oui, M. le président.

- Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la Chambre passe à la délibération sur les articles.

« Art. 1er. Des dépenses se rapportant à des exercices clos (1858 et antérieurs) pourront être imputées à charge du budget des travaux publics pour l'exercice 1859 jusqu'à concurrence de 9,331 fr. 35 c. et y formeront un chapitre IX, subdivisé comme suit :

« Paragraphe 1er. Administration centrale.

« Art. 84. Traitements des fonctionnaires et employés (exercice 1858) : fr. 666 67.

« Paragraphe 2. Ponts et chaussées.

« Routes.

« Art. 85. Routes (exercice 1858) : fr. 15 01.

« Rivières et canaux.

« Art. 86. Meuse (exercice 1857) : fr. 97 43.

« Art. 87. Canal de Maestricht à Bois-le-Duc (exercice 1857) : fr. 1,000.

« Art. 88. Canal d'embranchement vers le camp de Beverloo (exercice 1858) : fr. 32 75.

« Art. 89. Sambre : ex. 1856 : fr. 475, en 1857 : fr. 196 5, en 158 : fr. 38 90. Ensemble : fr. 710 40.

«

« Art. 90. Canal de Mons à Condé (exercice 1858) : fr. 3,775 25.

« Art. 91. Senne (exercice 1858) : fr. 34 60 .

« Art. 92. Dyle (exercice 1857) : fr. 114 72.

« Paragraphe 3. Chemins de fer, postes et télégraphes

« Services en général.

« Art. 93. Matériel et fournitures de bureau (exercice 1858) : fr. 2,797 02.

« Paragraphe 4. Pensions

« Art. 94. Premier terme d'une pension (exercice 1858) : fr. 87 50.

« Total : fr. 9,331 35. »

- Adopté.


« Art. 2. Des crédits supplémentaires, à concurrence de 312,205 fr. 17 c. sont alloués au département des travaux publics pour couvrir les insuffisances que présentent certaines allocations du budget de 1859 ; ils se répartissent comme suit entre les divers articles de ce budget auxquels ils sont rattachés :

« Chapitre I. Administration centrale.

« Traitement des huissiers et messagers : fr. 1,134 05.

« Chapitre II. Ponts et chaussées

« Routes.

« Art. 7. Entretien ordinaire et amélioration de routes ; construction de routes nouvelles, etc. : fr. 257,103 95

« Bâtiments civils.

« Art. 9. Entretien et réparation des palais, etc. : fr. 24,567 30.

« Canaux et rivières.

« Art. 14. Canal de jonction de la Meuse à l'Escaut : fr. 981 01.

« Art. 28. Yser : fr. 1,326.

« Chapitre III. Mines

« Art. 46. Traitement et indemnités du personnel du corps des mines : fr. 2,727 77. »

« Chapitre IV. Chemins de fer, postes et télégraphes

« Transport.

« Art. 63. Salaires des agents payés à la journée : fr. 5,000.

« Télégraphes.

« Art. 68. Salaires des agents payés à la journée : fr. 2,330.

« Art. 69. Entretien : fr. 1,760.

« Services en général.

« Art. 72. Matériel et fournitures de bureau : fr. 9,200.

« Chapitre VIII. Dépenses imprévues.

« Art. 83. Entretien du canal de Selzaete : fr. 26,075 09.

« Total : fr. 312,205 17. »

- Adopté.


« Art. 3. Ces crédits seront couverts au moyen des ressources ordinaires de l'exercice 1859. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 90 membres présents.

Ce sont : MM. Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Ansiau, Carlier, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Bronckart, Dechamps, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Montpellier, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ridder, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Vrière, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Goblet, Grandgagnage, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Janssens, Joseph Jouret, Martin Jouret, Julliot, Koeler, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, J. Lebeau, Lesoinne, Magherman, Manilius, Mercier, Moncheur, Moreau. Muller, Nélis, Notelteirs, Pierre, Pirmez, A. Pirson, V. Pirson, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Saeyman, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Dormael, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vermeire et Dolez.

Projet de loi prorogeant la loi sur les péages des chemins de fer

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale est ouverte.

M. Vermeire. - Messieurs, le projet de loi qui est soumis en ce moment à vos délibérations a été prorogé d'année en année depuis l'établissement l'exploitation du chemin de fer par l'Etat.

Un des principaux motifs pour lesquels on a accordé au gouvernement la faculté de régler les tarifs de transport de marchandises, a été qu'on devait rechercher quelles seraient les bases les plus équitables et les plus justes au moyen desquelles on pourrait opérer ces transports.

Différents tarifs ont été appliqués, et en dernier lieu celui de 1853.

A côté du tarif général qui réglait le transport des marchandises sur le chemin de fer, il y avait encore des tarifs spéciaux qui étaient appliqués à certaines lignes ou plutôt à quelques stations isolées de ces lignes mêmes.

Je crois qu'aujourd'hui en ce qui concerne la ligne de Dendre et Waes, on transporte le charbon à toutes les stations, d'après un tarif uniforme. Je demanderai à M. le ministre des travaux publics si le transport de ces matières pondéreuses se fait d'après le tarif général, non seulement sur le chemin de fer de Dendre et Waes, mais aussi sur les autres lignes du réseau national.

Messieurs, tous en admettant avec le gouvernement qu'il est difficile d'innover radicalement dans cette matière sans courir le risque de jeter la perturbation dans un service aussi important, je crois cependant qu'il serait utile d'apporter certaines améliorations au tarif actuellement en vigueur. Je me bornerai à indiquer quelques-unes.

D'abord, pour le transport des marchandises, on fait entrer en (page 1631) ligne de compte divers éléments, et de cette multiplicité d'éléments divers, il résulte des complications telles que l'application du tarif donne souvent lieu à des contestations avec les chefs des stations.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s'il ne serait pas possible d'avoir un tarif uniforme généralement appliqué, sans qu'on fût obligé de faire entrer en ligne de compte tous ces frais accessoires qui ne font que compliquer la comptabilité et qui sont très difficiles dans l'application.

En second lieu, je voudrais que dans le rapport qui nous sera présenté sur l'exploitation du chemin de fer, on pût nous dire quelle influence ont exercée, sur l'exploitation du réseau de l'Etat, la concurrence qui y est faite par les lignes concédées.

J'ai remarqué dans le tableau qui nous a été distribué que l'augmentation d'une année sur l'autre n'est pas toujours la même.

Ce qui fait supposer que beaucoup de marchandises ne viennent plus par le réseau de l'Etat et sont transportées par les lignes concurrents.

C'est ainsi, par exemple, que pour les grosses marchandises, par exemple, l'augmentation de 1858 sur 1857 a été de 407,285 tonneaux, tandis que celle de 1859 sur 1858 n'a été que de 224,384 tonneaux ou à peu près de la moitié.

C'est ainsi encore que pour les petites marchandises l'augmentation de 1858 sur 1857 a été de 77,711 quintaux, et que de 1859 sur 1858, cette augmentation est descendue à 16,363 tonneaux.

Il doit y avoir des motifs pour lesquels ces différences diminuent autant.

Je crois, surtout, devoir appeler l'attention de l'administration du chemin de fer sur la diminution constante qu'on remarque dans les transports des petites marchandises.

A mon avis, il y a un défaut dans le tarif, en ce sens qu'on peut, en groupant les marchandises, faire au chemin de fer une concurrence par le chemin de fer lui-même. Il me semble qu'on devrait s'attacher à réduire le taux du péage et à appliquer à tous les transports un tarif uniforme qui permette de soutenir la concurrence, non seulement avec ceux qui groupent les marchandises au chemin de fer, mais même avec ceux qui transportent les marchandises par le roulage. Ainsi, pour le transport des marchandises et surtout des petites marchandises, les frais sont tellement élevés, que quand on n'habite pas à côté d'une station, on préfère se servir des messageries pour faire les transports.

J'appelle sur ces observations la plus sérieuse attention du gouvernement.

Je suis convaincu qu'en égalisant les tarifs du chemin de fer, en les rendant de droit commun pour tous les expéditeurs, eu faisant disparaître tous ces comptes accessoires qui donnent lieu à des complications, en un mot en diminuant même le taux auquel on effectue les transports, on pourrait faire opérer au chemin de fer des recettes bien plus importantes que celles qu'on effectue aujourd'hui.

Qu'on ne perde pas de vue que les frais généraux de l'exploitation du chemin de fer sont à peu près toujours les mêmes, et que si, avec des dépenses à peu près les mêmes, on peut opérer des transports en nombre plus considérable, on doit nécessairement réaliser de plus grands bénéfices. Je voudrais que M. le ministre des travaux publics examinât la question au double point de vue que je viens d'indiquer.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Un seul mot, messieurs. La Chambre n'entend pas probablement pas discuter aujourd'hui l'épineuse question des tarifs du chemin de fer. Si elle désire s'occuper de cette question, chose à coup sûr légitime, l'occasion se présentera naturellement lors de l'examen de mon budget pour 1861. Ce budget a déjà été examiné en section centrale et passera à la Chambre au commencement de la session prochaine. L'occasion que j'indique ne se fera donc pas attendre.

Un renseignement de fait maintenant sur l'interpellation qui m'a été adressée par l'honorable M. Vermeire relativement à ce qui se pratique sur la ligne de Dendre-et-Waes.

L'honorable membre désire savoir si cette ligne est exploitée conformément aux tarifs généraux de l'Etat ou si on lui fait application d'un tarif spécial. C'est le tarif général de l'Etat qui lui est appliqué, excepté en ce qui concerne les charbons.

La Chambre sait que des réductions de tarif avaient été consenties, depuis trois ans, pour les transports de charbon en destination de Zele et de Lokeren, c'était une expérience que l'on avait tentée. Cette expérience était complète, et le moment était venu où il fallait ou renoncer au tarif spécial en vigueur pour ces deux localités seulement, ou l'étendre à d'autres localités de la ligne de Dendre et Waes. Je n'ai pas hésité ; j'ai étendu l'application du tarif spécial à Termonde et à Alost, mais en modifiant ce tarif, de concert avec la compagnie, quant à des points essentiels. Le prix du transport de charbons sur Zele et Lokeren, quel que fût le lieu d’expédition, était fixé uniformément à 4-50 fr. Désormais c’est le tarif ordinaire, c’est-à-dire un prix variant selon le lieu d’expédition, qui sert de base, ce qui est évidemment plus logique, et ce prix subit une réduction de 30 p. c. Les 70 p. c. restants sont partagés par moitié entre l’Etat et la compagnie. L’Etat a donc pour sa part 35 p. c. Or, vous savez, messieurs, que d’après l’acte de concession l'Etat doit exploiter la ligne de Dendre-et Waes-moyennant 25 p. c. de la recette brute. Il a donc 10 p. c. de plus, ce qui améliore sans doute beaucoup sa position pour cette nature de transport. La convention passée à cet effet avec la compagnie peut du reste être dénoncée par l'Etat à tout moment. C'est donc une nouvelle expérience qui commence et à laquelle l'Etat peut mettre fin du jour où les résultats tromperaient ses prévisions.

- La discussion est close.

Vote sur l’article unique

Il est procédé au vote par appel nominal.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 88 membres qui ont répondu à l'appel. Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu à l'appel : MM. Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Ansiau, Crombez, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Boe, de Bronckart, de Brouckere, Dechamps, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ridder, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Vrière, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Goblet, Grandgagnage, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Janssens, J. Jouret, M. Jouet, Julliot, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, J Lebeau, Lesoinne, Magherman, Mercier, Moncheur, Moreau, Muller, Nélis, Notelteirs, Pierre, Pirmez, A. Pirson, V. Pirson, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Sabatier, Saeyman, Tack, Tesch, Thibaut., Thienpont, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Dormael, Van Humbeek, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire et Dolez.

Projet de loi prorogeant le mode de nomination du jury d’examen et rétablissant le grade d'élève universitaire

Discussion générale

(page 1648) M. de Gottal. - A la simple lecture de l'amendement qui vous a été distribué sur la proposition de M. Pierre, vous avez remarqué, messieurs que par suite d'une erreur de rédaction, le second membre de phrase, c'est-à-dire la proposition d'ajournement, se trouve également compris dans l'amendement de l'article premier.

Or, ce n'est que la proposition de ne proroger le mode de nomination des membres des jurys d'examen, déterminé par l'article 24 de la loi du 1er mai 1857, que pour une seule session, ce n'est que cette proposition qui constitue un amendement à l'article premier du projet de loi qui vous est soumis.

Quant à l'ajournement proposé, c'est là une résolution distincte à prendre par la Chambre, et dont la discussion trouvera sa place naturelle après le vote sur l'article premier.

Ce n'est pas, messieurs, que je suis opposé en principe au rétablissement de l'examen et du grade d’élève universitaire, mais c'est une des questions qui doivent soulever une sérieuse discussion, et il me semble plus que douteux qu’en présence de la lassitude de la Chambre, justifiée, du reste, par la longueur de la session, il me semble, dis-je, qu’il sera difficile d’examen cette matière avec toute la maturité désirable.

Ce n’est que guidé par ce seul motif que j'ai cru, avec mes honorables collègues, pouvoir vous proposer d'ajourner la discussion, et ce avec d'autant moins d’inconvénient, que la question n'est nullement urgente, la section centrale reconnaissant elle-même quel!a loi ne saurait être mise à exécution qu'à la fin de l’année 1861.

Puisque j'ai la parole, messieurs, je développerai également en peu de mots l'amendement présenté à l'article premier.

Vous n'ignorez pas, messieurs, que le mode de nomination des membres des jurys d'examen, la composition de ces jurys mêmes, les divers examens, en un mot, toute cette matière telle qu'est réglée par la loi du 1er mai 1857, a soulevé de vives réclamations ; ce n'est pas le lieu de les examiner ici ; mais je n'ai pas cru qu'il fallait ainsi, sans examen, par un trait de plume, proroger un système, objet de nombreuses critiques. J'ai cru qu'en parant à la rigoureuse nécessité, c'est-à dire en prorogeant le mode actuel pour une session, c'était en permettant à la loi de fonctionner, appeler d'une maniére spéciale l'attention et les études du gouvernement sur un objet si important,

Si, d'ici à la session prochaine, le gouvernement croit ne pouvoir proposer d'autre système, la Chambre pourra, si elle le juge convenable, le proroger de nouveau.

(page 1631 - La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

(page 1631) « Art. 1er. Le mode de nomination des membres des jurys d'examen, déterminé par l'article 24 de la loi du 1er mai 1857, et provisoirement établi pour une période de trois ans par l'article 60 de la même loi, est prorogé pour îa seconde session de 1860 et pour les deux sessions de chacune des deux années suivantes. »

L'amendement proposé à cet article est ainsi conçu :

« Le mode de nomination des membres des jurys d'examen, déterminé par l'article 24 de la loi du 1er mai 1857, et provisoirement établi pour une période de trois ans, par l'article 60 de la même loi, est prorogé pour la seconde session de 1860. »

M. Devaux. - Messieurs, le gouvernement et la section centrale demandent la prorogation pour cinq sessions, c'est-à-dire jusqu'à la fin de l’année 1862. Les honorables auteurs de l'amendement proposent de limiter la prorogation à six mois.

Cette question est beaucoup moins importante que celle dont nous avons principalement parlé hier, la question du l’établissement du grade d'élève universitaire. Quant à moi, je crois que le gouvernement a eu raison de fixer le délai déterminé dans le projet de loi, délai que la section centrale a adopté également. Mais je crois cependant qu'il n'y a pas à une divergence d'opinion bien importante. Je reconnais bien volontiers qu'on pourra faire dans six mois ce qu'on fait aujourd'hui ; je crois seulement qu'on ne sera pas plus avancé qu'aujourd'hui ; mais enfin puisque d'honorables membres trouvent qu'ils auraient alors à émettre des observations qu'ils ne veulent pas émettre aujourd'hui, parce qu'ils se croient pressés par le temps, quant à moi, je ne combattrai pas cette partie de l'amendement.

Je me réserve d'examiner la proposition qui concerne le grade d'élève universitaire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Lorsque le gouvernement a proposé à la Chambre de proroger la loi en ce qui concerne la formation des jurys d'examen pour cinq sessions, il ne l'a fait qu'après avoir consulté les corps compétents et notamment le conseil de l’enseignement supérieur et le conseil de l'enseignement moyen. Ils ont été unanimes on a peu près, pour déclarer que l'épreuve du système introduit par la loi de 1857 n'était pas complète, qu'il fallait, pour apprécier cette loi dans toutes ses conséquences, une épreuve plus longue et l'on a de commun accord porté cette épreuve à cinq sessions.

Si l'on veut borner la prorogation à une période de six mois, il arrivera ceci : c'est que, dans six mois après la période qui va finir, je présenterai une nouvelle prorogation. Je ne pourrai pas avoir plus de lumières dans six mois qu’aujourd’hui. Il n'est pas probable que les conseils d'enseignement supérieur et d'enseignement moyen changent d'avis après la session qui va s'ouvrir au mois de juillet.

Voilà le seul inconvénient que je vois dans l'amendement, c'est de (page 1632) forcer le gouvernement à apporter une nouvelle loi de prorogation dans six mois.

Je me réserve de prendre la parole sur la partie importante de l'amendement qui concerne l'ajournement des attires dispositions de la loi.

- La discussion est close.

L'amendement présenté par MM. de Gottal et autres membres est mis aux voix et adopté.

Article 2

M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il à la rédaction de l'article 2, proposée par la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Oui, M. le président.

M. le président. - L'article 2 proposé par la section centrale est ainsi conçu :

« Art. 2. Nul n'est admis à l'examen de candidat en philosophie et lettres ou de candidat en sciences, s'il n'a obtenu depuis un an au moins le titre de gradué en lettres.

« Nul n'est admis à l'examen de candidat en pharmacie ou de candidat notaire, s'il n'a, depuis un an au moins, obtenu le titre de gradué en lettres ou subi avec succès l'examen spécial dont il sera parlé à l’article 3. »

MM. de Gottal, Carlier, Guillery, Goblet, Van Humbeek, Crombez, A. Vandenpeereboom, Fripon et ee Lexhy, ont fait la proposition suivante :

« La discussion du projet de loi est ajournée à la session prochaine. »

M. Devaux. - Messieurs, pas plus aujourd'hui qu'hier, je ne puis adopter la proposition qui vous est faite, en premier lieu parce que je la trouve irrégulière, sortant des limites de nos pouvoirs constitutionnels.

Je ne crois pas que nous ayons le droit, lorsque le gouvernement nous présente un projet de loi, de dire que nous ne délibérons pas sur une partie de ce projet. Nous pouvons en adopter ou en rejeter les dispositions diverses ; mais nous ne pouvons refuser d'en discuter une partie sans l'assentiment du gouvernement qui a présenté le projet.

On m'a objecté hier ce qui s'était fait dans la question des sucres à l'occasion de l'amendement de l'honorable M. de Brouckere. On n'a pas compris toute la différence qu'il y a entre ces deux propositions. Je tiens l'amendement de l'honorable M. de Brouckere comme parfaitement régulier ; je tiens ce que la Chambre a fait comme parfaitement régulier aussi ; mais je tiens la proposition qui nous est faite comme tout aussi irrégulière.

Qu'a fait l'honorable M. de Brouckere ?

Le gouvernement proposait de prélever une somme de 700,000 fr. par an en sus de l'impôt ordinaire sur le sucre, à l'aide d'une législation nouvelle.

L'honorable M. de Brouckere, modifiant cette disposition, a proposé d'accorder au gouvernement le droit de prélever 700,000 francs par an sur le sucre à l'aide de la législation actuelle. C'était un amendement, et l'honorable M.de Brouckere, par cet amendement, remarquez-le bien, n'a pas empêché ta discussion du fond. Le fond a été discuté, il a été discuté par l'honorable M. Loos ; il l'a été pendant toute une séance par M. le ministre des finances et par d'autres membres ; il a été si bien discuté, que lorsque au premier vote, grâce à quelques membres qui avaient voté pour cet amendement et qui sont sortis de la salle au moment où le second vote avait lieu il a définitivement échoué. La Chambre alors sans autre débat a adopté l'amendement de M. Vandenpeereboom qui tranchait la question au fond.

Ainsi l'amendement de l'honorable M. de Brouckere était parfaitement régulier.

Si l'on proposait de substituer à l'article du gouvernement, cette disposition, par exemple : « Le grade d'élève universitaire est rétabli conformément à l'ancienne loi de 1849 ; cette législation sera révisée dans un an », je le comprendrais ; ce serait un amendement ; on proposerait quelque chose à mettre à la place de la proposition du gouvernement ; on n'empêcherait pas la discussion du fond ; mais ce qui est inadmissible, c'est que lorsqu'un projet de loi est présenté à la Chambre, quelqu'un confisque la discussion d'une partie de ce projet, sous forme d'ajournement.

Cela ne se peut pas et serait très dangereux, non seulement pour le gouvernement, mais pour les droits des minorités et de chaque membre de la Chambre. Lorsqu'un projet de loi émanant de l'initiative de la Chambre, de l'initiative du Sénat, de l’initiative du gouvernement arrivé régulièrement à la discussion publique, à chacun de nous appartient le droit d'en discuter les dispositions ; mais il n'appartient pas à une majorité de dire : Il y a dans ce projet de loi des dispositions dont la discussion me gêne, que je ne veux pas rejeter, parce que pour cela il faudrait les laisser discuter ; je les ajourne sans discussion à la session prochaine, me réservant de les ajourner ensuite de la même façon à une session suivante.

C'est la tyrannie dans le gouvernement parlementaire ; c'est l'abus de la majorité.

Encore une fois, vous pouvez présenter des amendements, vous pouvez combattre toutes les dispositions du projet ; mais vous ne pouvez, sous prétexte d'ajournement, enlever le même droit à vos collègues, et les empêcher de dire en bien ou en mal ce qu'ils pensent du projet tout entier.

Messieurs, cette théorie, parfaitement claire, a toujours été admise dans cette Chambre. Y a-t-il jamais eu dans une partie de l'assemblée plus de désir de disjoindre les dispositions d'un projet que lors de la discussion d'un projet de loi sur les fortifications d'Anvers ? N'y avait-il pas une partie de cette Chambre qui en faisait une condition de son vote ?

Cependant, la Chambre tout entière a reconnu qu'elle ne le pouvait pas, dès que le gouvernement s'y opposait, que la loi devait être discutée tout entière, et la demande de disjonction a été rejetée ou abandonnée par ses auteurs.

Messieurs, hier un honorable membre a dit que, malgré le respect qu'il devait à mes cheveux blancs, il n'entendait pas recevoir de leçon de moi. Pour moi, je dirai que j'entends recevoir des conseils et des lumières de tous mes collègues, eussent-ils les cheveux noirs comme jais.

Puisqu'on a rappelé peut-être avec un peu plus de politesse que de générosité, que nous avions le désavantage des années, qu'on me permette d'engager ceux qui sont plus heureux que nous sous ce rapport à user de cet avantage au profil de l'activité de nos débats. Les signataires de la proposition sont, je le reconnais, sous le rapport de l’âge, la fleur de notre parlement, et il en est parmi eux qui paraissent avoir reçu la mission expresse de représenter des opinions plus jeunes que les nôtres.

Je voudrais à ce titre, qu'ils stimulassent notre lenteur, qu'ils soutinssent notre faiblesse et qu’ils enrichissent nos discussions des lumières nouvelles qu'ils leur doivent. Qu'ils nous donnent des conseils d'activité et de vigilance. C'est leur rôle ; mais quand nous faisons un appel à ces lumières nouvelles qu'ils nous doivent ; quand nous, les anciens, et lorsque je me considère, je dirais presque les infirmes de nos rangs, nous leur demandons un peu d'activité, quelques moments d'énergie morale pour aborder une question importante, de grâce qu'ils ne nous répondent pas qu'ils ne sont pas prêts et qu'ils sont accablés de fatigue. En vérité on croirait que les rôles sont intervertis et la couleur des cheveux aussi. Non, mes chers collègues, je vous l'assure, vos forces ne sont pas aussi épuisées que vous le croyez. Vous êtes brillants de vigueur et de jeunesse. Faites un léger effort. Donnez quelques heures à une question utile. Je vous assure que cela ne vous accablera pas. Vous ne succomberez pas sous le poids que vos aînés supportent.

Messieurs, on n'a pas remarqué qu'en nous forçait à discuter l'ajournement de la loi, on nous forçait à discuter la partie principale de la loi, précisément celle dont l'examen doit prendre le plus de temps, car enfin, pour nous détourner de l'ajournement, je suis obligé de vous faire voir le mauvais effet de la prolongation de l'état actuel des choses et la nécessité d'y porter immédiatement remède, c'est-à-dire que je ne puis éviter de discuter le principe même de la loi.

En réalité, la loi se compose de deux dispositions principales, l'article 2 qui établit le principe de la loi, l'article 3 qui règle le programme de l'examen.

Le principe, comme je viens de le dire, il est impossible de ne pas le discuter avec l'ajournement. Quant au programme, le gouvernement et la section centrale ont concède tout ce qu'on a demandé. Ce programme était déjà bien réduit il y a deux ans, à tel point qu'il avait été adopté non seulement par nous, mais par l'honorable M. de Muelenaere, l'honorable M. Mercier, l'honorable M. de Decker, l'honorable M. Vilain XIIII et d'autres.

Eh bien, on l'a simplifié considérablement encore, et l'on n'a cessé, de demander aux anciens adversaires de la loi s'ils voulaient encore d'autres simplifications. De sorte que quant au programme, il ne peut y avoir de difficulté. Il peut y avoir quatre ou cinq petites contestations sur la question du dictionnaire, sur le point de savoir s'il faut un thème ou une composition et d'autres choses d'importance aussi secondaire. Mais après ces deux articles, il n'y a presque rien à discuter. La question des certificats d'humanité pourrait même être écartée. Elle est tranchée par la loi de 1859, qui subsiste ; les autres articles sont réglementaires et transitoires ; ils ne demanderont pas une demi-séance.

Maintenant pourquoi est-ce que j'insiste ? C'est que je reconnais les mauvais effets de la loi ; c'est qu'une année n'est pas une chose indifférente en cette matière et je demande la permission de vous en donner la preuve. Je vais vous faire voir quels résultats vous favorisez, pour ne pas vouloir rester ici quelques heures de plus que vous n'en avez l'intention.

Messieurs, je vais vous montrer, dans le moins de mots que je pourrai, les résultats frappants de l'abolition du grade d'élève universitaire.

M. B. Dumortier. - C'est le fond.

M. Devaux. - Oui, c'est le fond. Mais je ne puis prouver que vous ne pouvez ajourner la loi, sans vous montrer à quels mauvais effets vous vous exposez par cet ajournement.

(page 1633) Messieurs, le grade d'élève universitaire a été supprimé en 1855. C'est à la fin de 1855, pour la première fois, que cet examen a disparu. Les élèves qui sont entrés dans les universités au commencement de l'année scolaire l855-1856 sont les premiers de ce régime.

Ces élèves, messieurs, ont subi leur premier examen à la fin de cette année, en 1856. Eh bien, permettez-moi de suivre ceux qui à cette époque ont commencé l'étude des sciences naturelles qui conduit à la médecine, et de faire voir ce qu'ils sont devenus dans la suite de leur carrière universitaire.

Messieurs, le premier examen qu'à cette époque avaient à subir ceux qui se destinent à la médecine et passent par la faculté des sciences, s'appelait épreuve préparatoire ; dans les deux années précédentes il se présentait à cet examen en moyenne 100 élèves par an. Mais cette année, grâce à l'abolition de l'examen d'élève universitaire, il s'en présente 220.

Jusque-là, sur 100 élèves inscrits à l'examen, 78 étaient admis. Cette fois, sur le même nombre, il n'y a plus que 61 admissions sur 100 élèves ; il y avait, sous l'ancien régime, 29 distinctions ; sous le nouveau régime, il n'y en a plus que 11.

Ce n'est pas tout. Suivons ces élèves. L'année suivante ils arrivaient à la candidature en sciences naturelles. Pendant les deux années précédentes...

M. B. Dumortier. - Mais, M. le président, tout cela n'a rien de commun avec la question d'ajournement.

M. le président. - L'orateur est parfaitement dans la question ; je prie M. Dumortier de le laisser continuer. (Interruption.) Si j'avais remarqué que l'orateur fût sorti de la question, je n'aurais pas attendu l'observation de M. Dumortier pour l'y rappeler.

M. Devaux. - Je suis parfaitement dans la question ; mais il se peut que cela vous gêne.

M. B. Dumortier. - Cela ne me gêne pas le moins du monde ; mais je demande que vous restiez dans la question.

M. le président. - Il est évident qu'on ne peut pas combattre la motion d'ajournement sans faire valoir les griefs qu'on croit avoir à formuler contre la législation qu'il s'agit de réviser ou de proroger. Veuillez continuer, M. Devaux.

M. Devaux. - Je continue. L'année suivante, les élèves arrivent à la candidature en sciences naturelles. Eh bien, tandis qu'avant l'abolition de l'examen d'élève universitaire, il en passait 75 sur cent ; maintenant il n'y en a plus que 73. 26 à cet examen obtenaient des distinctions ; maintenant il n'y en a plus que 21.

L'année suivante encore. (Interruption.)

Ah ! messieurs, causez si cela vous convient Mais vous ne me répondrez pas.

M. Allard. - C'est plus commode.

M. Devaux. - Oui, il est plus commode de demander des délais et puis de causer ; mais nous sommes ici pour discuter.

Messieurs, l'année suivante on arrive à la candidature en médecine. Eh bien, autrefois 77 récipiendaires sur 100 obtenaient le grade de candidat en médecine ; depuis la suppression de l'examen d'élève universitaire il n'y en a plus eu que 67. Autrefois, 50 sur 100 passaient avec distinction ; depuis, il n'y en a plus eu que 21.

Enfin, messieurs, en 1859, la dernière aimée pour laquelle nous avons des renseignements statistiques, ces mêmes élèves, entrés en 1855 à l’université, arrivent au premier examen de docteur en médecine, et que voyons-nous ? D'un côté, sous l'ancien régime, il y avait à cet examen 72 admissions sur 100 inscriptions ; et maintenant il n'y en a plus que 60. Il y avait autre fois 50 distinctions ; il n'y en a plus que 17.

Résumons ces détails en un seul chiffre ; sous l'ancien régime, 100 élèves étaient entrés à la faculté des sciences ; et combien après avoir traversé les épreuves intermédiaires, arrivaient à franchir le premier doctoral en médecine ? 70. Maintenant, sous le nouveau régime 220 élèves se précipitent dans la faculté des sciences et de ces 220, combien y en a-t-il qui parviennent à traverser ce même examen de docteur ? seulement 65.

Ainsi, il y a eu au début 120 élèves de plus, et en dernier résultat, cinq docteurs de moins.

Eh bien, cela n'est-il pas un mal déplorable ? Demandez-vous ce que sont devenus tous ces élèves qui ont échoué en chemin et n'ont pas pu parvenir plus loin. Demandez-vous quelle influence ces élèves incapables ont exercée sur les études des autres. Et cependant, ce dont je viens de vous parler, c'est l'effet d'une seule année d'abolition de l'examen d'élève universitaire ; chaque année d'ajournement a des conséquences analogues.

Messieurs, la loi du jury d'examen a vraiment du malheur. Vous savez comment le grade d'élève universitaire a été supprimé : un ou deux membres de ce côté-ci de la Chambre en ont fait la proposition et aussitôt leur motion a été appuyée avec force à l'autre côté.

Nous avons dit à ceux de nos collègues qui siégeaient de ce côté-ci qu'ils avaient tort ; qu'ils changeraient d’avis ; qu'ils se repentiraient de ce qu’ils faisaient. Et, en effet, qu’est-il arrivé ? Il n'a pas fallu deux ans pour que les mêmes personnes fussent obligées de convenir qu'elles s'étaient trompées. Eh bien, on renouvelle la même faute aujourd'hui et on se prépare les mêmes regrets. On croit que ce n'est rien qu'un délai ; mais si l'on avait plus d'expérience parlementaire, on saurait ce que les délais valent.

On le voit bien de l'autre côté de la Chambre ; on sait ce que vaut la remise d'une question d'une session à l'autre. Vous croyez que, parce que vous avez aujourd'hui l'intention de renvoyer cette question à l'ouverture de la session prochain, elle sera certainement discutée à cette époque. Vous croyez donc que vous serez encore alors dans les mêmes préoccupations qu'aujourd'hui. Mais, mon Dieu ! qu'il vous arrive un projet de travaux publics, une question politique un peu émouvante, une crise ministérielle ou quelque autre événement qui modifie la situation et voilà le projet de loi repoussé bien loin dans l'avenir. N'en avons-nous pas des exemples ? Mais, hier vous aviez décidé que vous consacreriez cette séance à la loi sur l'instruction publique ; eh bien, un projet de loi d'intérêt matériel est survenu et de sorte onlui a donné le pas sur cette loi-ci.

M. B. Dumortier. - Tout à l'heure, nous ne serons plus en nombre.

M. le président. - Je prie M. Dumortier de me laisser la direction des débats ; quand il présidera cette assemblée, il la dirigera comme il l'entendra.

Quant à présent, je le prie de s'en abstenir.

Veuillez continuer, M. Devaux.

M. Devaux. - Messieurs, la politique de délai, nous la connaissons et nous engageons tous nos amis à ne pas tomber dans ce panneau.

Savez-vous combien de temps, eu matière d'instruction, certaines lois ont été ajournées ?

Eh bien, la loi sur l'instruction primaire, nous l'avons réclamée pendant treize ans ; elle a été ajournée pendant neuf années : elle a été présentée en 1834 et discutée en 1843. Oh ! personne ne contestait qu'il y eût utilité d'organiser l'instruction primaire, mais on trouvait toujours des prétextes pour l'ajourner.

La loi sur l'instruction moyenne, savez-vous pendant combien de temps on l'a ajournée ? Pendant quinze ans. Non pas, encore une fois, que l'on contestât la nécessité d'une réorganisation ; mais toujours on trouvait des raisons pour la différer.

Messieurs, croyez bien que quand une loi offre un grand intérêt et quand il y a un parti, je ne dirai pas qui lui fait une opposition très forte, car je crois qu'elle n'est pas très sérieuse, mais qui lui montre un certain mauvais vouloir, il faut saisir l'occasion quand elle se présente.

Et quand une question de ce genre est instruite ; quand elle est devant vous ; quand il vous suffit d'y consacrer quelques heures, pour la résoudre ; il ne faut pas donner la main aux adversaires pour amener des délais ; car ils en profiteront.

J'engage dune mes honorables collègues de tout âge à faire un dernier effort pour triompher d'un peu de lassitude ou d'un peu de migraine.

Je suis persuadé qu'ils apporteront à la discussion beaucoup de verve et de fraîcheur d'esprit. Qu'au lieu de nous faire obstacle, et de prêter secours à nos adversaires, ils restent nos auxiliaires. Nous résoudrons ensemble une question qui importe à l'instruction supérieure et moyenne et par conséquent à la civilisation du pays. Ils s'en féliciteront plus tard, et le pays leur saura gré.

M. le président. - La parole est à M. Van Humbeek.

M. B. Dumortier. - Je l'avais demandée.

M. le président. - Vous l'aurez à votre tour.

M. Van Humbeeck. - L'honorable préopinant, dans un langage où la bienveillance de la forme ne cachait pas entièrement l'ironie de la pensée, nous a reproché de ne pas répondre suffisamment à l'appel de vigilance qu'on avait le droit de nous faire.

Il nous a accusés de venir argumenter prématurément devant cette Chambre d'une fatigue que nous avons moins que tous le droit d'éprouver. Nous n'avons jamais prétendu que nous fussions accablés de fatigue, nous avons dit qu'après la discussion de la loi des octrois nous n'étions pas préparés et que nous avions le droit de ne pas être préparés à aborder immédiatement la discussion sur le rétablissement du grade d'élève universitaire.

Nous avons prétendu que si nous n'étions pas préparés à aborder la discussion, la Chambre, de son côté, n'était pas disposée à nous entendre ; et par son attitude la Chambre nous a donné raison. Quelles que puissent être nos dispositions d'activité, il est évident que nos dispositions à nous ne peuvent pas suffire à engendrer une discussion féconde dans une Chambre qui n'est pas disposée à une pareille discussion.

Je ne répondrai pas à l'argumentation de l'honorable préopinant qui tend tout simplement, comme le dirait hier, mon honorable ami, M. Guillery, à limiter les droits constitutionnels de la Chambre, et il aurait fallu que l'on fit intervenir un texte constitutionnel quelconque. On n'a pas invoqué un semblable texte parce qu'il n'en existe pas et pu conséquent toute cette argumentation n'a aucune valeur à mes yeux.

Ces observations faites, messieurs, permettez-moi de justifier rapidement la proposition d'ajournement dont je suis un des signataires.

(page 1634) Le projet de loi qui nous occupe avait un double objet ; il tendait d'abord à proroger le mode de nomination des membres du jury d'examen, ensuite à rétablir le grade d'élève universitaire.

Le premier objet avait un caractère d'urgence qui n'est pas contestable. La Chambre l'a compris et elle a voté la prorogation ; elle l'a votée dans des limites suffisantes pour que le service des examens soit assuré jusqu'au moment où nous pourrons aborder d'une manière utile les autres parties du projet de loi, c'est-à-dire jusqu'à la session prochaine.

Quant à la deuxième partie du projet, y avait-il la même urgence ? Quelles que soient les raisons produites à l'appui de cette thèse, il est impossible de la soutenir sérieusement. Pour le prouver, il suffit de faire un appel aux rétroactes.

Depuis 1835 jusqu'en 1849, il n'y avait pas de grade d'élève universitaire ; cependant les études moyennes comme les études supérieures marchaient même mieux qu'elles n'ont marché à aucune autre époque ; car il faut bien le reconnaître, de toutes les diverses lois sur l'enseignement supérieur qui ont été faites, la loi de 1835 est celle à laquelle il faut attribuer le plus de bien.

Eu 1849 on propose et on adopte l'établissement du grade d'élève universitaire, mais en 1855 on l'abolit. D'après ce que l'on insinue, cette abolition aurait été le résultat d'une distraction de la Chambre, mais il paraît que cette distraction s'est prolongée bien longtemps, car en 1857 on procède à la réorganisation de l'enseignement supérieur et on ne rétablit pas le grade d'élève universitaire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - On l'a proposé.

M. Van Humbeeck. - Je ne dis pas qu'on ne l'a pas proposé, mais on n'a pas adopté cette proposition ; la distraction de la Chambre a donc persisté.

En 1860 le gouvernement vient demander le rétablissement du grade d'élève universitaire.

Ainsi de 1835 à 1860, sur 25 années, nous en trouvons 19 pendant lesquelles le grade d'élève universitaire n'existe pas et aujourd'hui on vient présenter le rétablissement de ce grade comme un objet de la plus grande urgence, de sorte que ce qui s'est prolongé pendant 19 ans sans inconvénient ne pourrait pas se prolonger pendant six mois de plus.

Vous le voyez, messieurs, cette thèse n'est pas sérieuse.

Maintenant quelle raison donne-t-on pour demander la discussion immédiate ? On nous a dit que la question n'est pas neuve, que c'est une des questions qui ont été discutées le plus souvent. Mais de ce qu'une question n'est pas neuve, s'ensuit-il que nous devions toujours avoir présents à la mémoire tous les éléments de cette question ?

Et si la question n'est pas neuve, si elle a été souvent discutée, souvenez-vous aussi, messieurs, que c'est une des questions sur lesquelles la Chambre a le plus varié ; il suffit, pour le prouver, des précédents historiques que je viens de rappeler. II n'est pas une question sur laquelle il y ait eu autant de variations.

Eh bien, messieurs, tâchons cette fois de faire quelque chose de durable, quelque chose de définitif, et le premier moyen d'arriver à ce résultat, c'est de ne rien précipiter et dans les circonstances actuelles d'ajourner la discussion.

Messieurs, je ne veux pas entrer dans l'examen du fond ; je veux seulement signaler une question qui doit nécessairement se présenter dans le débat et dont l'importance seule démontrera la nécessité de l'ajournement. Cette question est déjà indiquée, du reste, dans le rapport de la section centrale.

D'après moi, messieurs, il est évident que le grade d'élève universitaire ne peut être rétabli que comme un palliatif avec l'organisation actuelle de l'enseignement supérieur, avec la loi de 1857, que je considère comme ayant mutilé l’enseignement ; mais dans une organisation normale, avec un jury central bien organisé, bien composé, avec la suppression des cours à certificats, sans qu'à cette suppression dût correspondre une certaiine réduction des matières d'examen, avec d'autres améliorations encore, il me paraît évident que le grade d'élève universitaire pourrait arriver à n'avoir plus aucune utilité.

Dès lors se présente cette question-ci : Vaut-il mieux prendre lo palliatif, palliatif dont je n'entends pas reconnaître le mérite, ou vaut-il mieux procéder à un remaniement général de l'enseignement supérieur ? Cette question est certainement sérieuse et, quoi qu’en ait dit l'honorable préopinant, on ne peut pas la discuter d'une manière complète en deux séances. lle demande les méditations les plus longues, la discussion la plus approfondie.

C'est là, messieurs, un des motifs qui me font, moi, insister spécialement pour que la discussion du grade d'élève universitaire soit ajournée à une époque où la Chambre soit plus disposée qu'elle ne l'est aujourd'hui à examiner la question d'une manière approfondie.

Messieurs, parmi les divers arguments qu'on a fait valoir en faveur de la discussion immédiate, il en est un que, pour ma part, je n'accepte pas comme fondé, mais qui, s'il l'était, devrait faire adopter l'ajournement.

On a essayé de donner à la loi un caractère politique. On a dit que le rétablissement du grade d’élève universitaire est une mesure d'un haut intérêt pour 1 opinion libérale.

A mes yeux, messieurs. Cette loi n'a et ne peut avoir aucun caractère politique ; c'est une loi purement scientifique ; mais si elle avait un caractère politique, ce serait une raison de plus pour ne pas escamoter la discussion, et dans ce cas, je voterai l'ajournement dans l'intérêt de la dignité de l’opinion qui a proposé le rétablissement du grade d'élève universitaire.

M. B. Dumortier. - Je ne prendrais pas la parole dans cette discussion, si je n'avais entendu professer des maximes qui, à mon avis, sont éminemment inconstitutionnelles et qui conduiraient la Chambre à la suppression presque intégrale de sa prérogative. Ces maximes sont celles du pouvoir fort et en quelque sorte de l'anéantissement des droits du parlement.

Quoi ! l'on viendra nous dire que lorsque la Chambre est saisie d'un projet de loi, elle doit nécessairement l'examiner dans le cours de la session, qu'elle n'a pas le droit de le scinder, d’en ajourner l'examen ! Je réponds que si une pareille maxime pouvait avoir de l'écho dans cette assemblée, ce serait l’abdication complète de la prérogative parlementaire.

Que sommes-nous ici ? Nous sommes les représentants du peuple. Que sommes-nous ? La branche essentielle du pouvoir législatif. Et quelle est la doctrine de l'honorable membre ? C’est que le ministère viendrait dominer le parlement, c'est que le ministère dicterait des lois au parlement.

Je dis qu'une pareille doctrine, c'est le renversement des institutions constitutionnelles et parlementaires.

Messieurs, s'il fût une époque où l'on avait encore très vivace le sentiment de ce qu’avait voulu le Congrès en établissant la Constitution, c'est sans doute l'époque des premières années de notre existence politique.

Et bien, que l’honorable membre s'en souvienne, à cette époque, la Chambre n'a jamais hésité, et jamais non plus il ne s'est élevé alors de réclamations de la part des ministres ; alors la Chambre, dis-je, n'a jamais hésité à diviser un projet de loi : à cette époque, le budget était toujours présenté comme une loi unique, et chaque année, la Chambre avait le droit de la diviser en autant de lois qu'il y avait de ministères. Le gouvernement était alors trop éloigné des idées du pouvoir fort, pour soutenir que la Chambre n'avait pas le droit de procéder ainsi.

Voilà les précédents de la Chambre, voilà comment on entendait la dignité du parlement belge, lorsqu'on était si voisin de l'époque du Congres.

Et aujourd'hui que nous en sommes éloignés de 30 ans, on viendra soutenir que la Chambre n'a pas le droit de scinder un projet de loi, d'en ajourner une partie ! Encore une fois, un pareil système c'est la destruction du pouvoir parlementaire.

Partisan sincère et dévoué des attributions de chaque pouvoir, et surtout des attributions du parlement dans lequel j'ai l'honneur de siéger, il est impossible de passer sous silence de semblables doctrines, qui en définitive n'auraient qu'un seul résultat : c'est de faire de la Chambre des représentants un corps aux pieds du ministère.

Mais, dit l'honorable membre, vouloir ce que veulent les auteurs de la proposition, ce serait de la tyrannie parlementaire.

Comment ! il y aurait tyrannie parlementaire, lorsque la Chambre exerce son droit de scinder les lois ! Mais votre système à vous ce serait une véritable tyrannie, la tyrannie du pouvoir fort sur le parlement.

Eh bien, cette tyrannie du pouvoir fort, je la repousse comme contraire à la Constitution que nous avons tous juré de maintenir, comme contraire à nos précédents, comme contraire à la dignité de la Chambre, que nous devons avant tout sauvegarder.

Quant à ce qui est des motifs développés par l’honorable membre en faveur de la loi, je dis que ces motifs mêmes prouvent l'indispensable nécessité d'ajourner cette loi à la session prochaine.

Voilà 10 mois que nous sommes en session. Nous avons siégé pendant tout l'hiver, sans avoir eu pour ainsi dire rien à faire, et nous avons dû nous réunir très fréquemment à 3 heures et avoir une séance d'une demi-heure pour pouvoir dire qu'il y avait eu séance, et des jeunes députés dont l'honorable membre parlait tout à l’heure demandaient alors que l'on travaillât davantage. Nous n'étions alors saisis d'aucun projet de loi ; et le gouvernement vient nous accabler aujourd'hui des projets, espérant, à la fin d'une session, les obtenir plus facilement de la fatigue de la Chambre. Ce serait une tactique que la Chambre doit repousser.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je répondrai à la fois aux honorables MM. Van Humbeeck et B. Dumortier, puisqu'ls sont complètement d'accord, sinon dans la forme, du moins au fond.

L'honorable M. Dumortier, suivant son habitude, ne manque pas, chaque fois qu'il prend la parole, de représenter la Constitution comme renversée. Il vient encore une fois de crier à la violation de la Constitution.

L'honorable M. Dumortier se pose volontiers en protecteur spécial de la prérogative parlementaire, en sa qualité de représentant du peuple, ainsi qu'il s'appelle.

Je demanderai en quoi la prérogative parlementaire se trouve menacée (page 1635) par la doctrine qu'a défendue mon honorable ami M. Devaux et qui est confirmée par tous les antécédents de la Chambre.

A toutes les époques, sous tous les ministères, on a soutenu la convenance, si pas la constitutionnalité de l'indivisibilité d'un projet de loi.

On prétend que c'est un moyen pour les ministres de mettre le pied sur la gorge des membres de la Chambre. Comme si les Chambres n'ayant pas le droit de diviser un projet contre le gré du gouvernement, n'avaient pas le droit de rejeter le projet lui-même.

Je crois que tout ce qu'on a dit pourrait bien n'avoir être inspiré que par le désir de placer un admirable calembour, dont on a régalé la Chambre et les tribunes : le discours de l'honorable député de Roulers n'est pas sérieux.

Messieurs, le système que nous soutenons, loin d'être liberticide, est une garantie même pour les prérogatives de la Chambre. Et en effet la Chambre a le droit d'initiative ; elle peut présenter des projets de loi ; un ministre qui voudrait paralyser dans les membres de la Chambre cette prérogative, pourrait provoquer la division de tout projet, provoquer l'ajournement et, et par cet ajournement, paralyser le droit parlementaire de chacun des représentants. Que l'honorable M. Dumortier y prenne garde. Il s'est enfin décidé à déposer une proposition de loi sur la monnaie d'or. N'a-t-il pas à craindre que le gouvernement, usant contre un membre de la minorité de l'influence de la majorité qui généralement soutient le ministère ; n'a-t-il pas à craindre que le gouvernement ne demande l'ajournement de la proposition de loi et que le droit si précieux d'initiative ne se trouve complètement paralysé dans les mains de l'honorable membre ?

Je ne sais quel grief on invente à la charge du ministère qui, pour obtenir une loi qu'il désespérait d'avoir autrement, aurait attendu les derniers jours de la session pour présenter le projet.

Je l'ai déjà dit, le projet a été présenté il y a six semaines, le 5 mai dernier. Le gouvernement, de bonne foi, a cru qu'une pareille loi ne donnerait pas lieu à deux jours de discussion. Je vais vous dire pourquoi.

Ce projet est réclamé dans l'intérêt de l'instruction publique, par l'opinion qui se trouve en majorité au sein de cette Chambre, je viens de m'apercevoir qu'il y a une exception.

Si j'ai bien compris M. Van Humbeek, il n'est pas favorable au rétablissement du grave d'élève universitaire. (Interruption.) Vous rattachez la question à la révision générale de la législation sur l'enseignement supérieur ; eh bien, alors, vous en avez pour dix ans peut-être.

L'opinion libérale est donc favorable au rétablissement du grade d'élève universitaire, dans les rangs opposés tous les membres ne peuvent y être contraires. Apportons-nous un projet entièrement, nouveau, inconnu ? N'a-t-il pas déjà été question du grade d'élève universitaire ?

L'honorable M. Van Humbeek vient de faire l'histoire de la législation sur l’enseignement supérieur, mais son histoire n'est pas complète, il n'a pas bien connu tous les faits. Il a dit que de 1835 à 1849, il n'avait pas été question du grade d'élève universitaire ; il en a, au contraire, ét souvent question, (interruption.)

Vous avez dit que pendant cette période tout était pour le mieux, que l'enseignement était meilleur que maintenant. (Interruption.) Vous avez fait l'éloge de la loi de 183a.

L'honorable membre n'a pas étudié d'une manière complète les antécédents. Dès 1838 l'honorable M. de Theux a signalé les inconvénients graves de l'état de choses que consacrait la loi de 1835, et proposé l'établissement du grade d'élève universitaire. (Interruption.)

Il proposait d'appliquer la mesure seulement aux universités de l'Etat ; si vous avez lu l'exposé des motifs du projet de loi, vous avez pu vous en assurer.

M. de Theux. - C'était une faculté.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Non pas. M. de Theux disait que l'inconvénient était grave, qu'il fallait y pourvoir. (Interruption.)

Je l'ai déjà dit, vous n'appliquiez le remède qu'aux élèves des universités de l'Etat. (Interruption.)

Est-il vrai que vous avez invoqué dès 1838 cette mesure comme une amélioration nécessaire ?

Arrive 1842, nous faisons des progrès ; la section centrale, d'accord avec M. Nothomb, propose d'étendre l'institution du grade d'élève universitaire à toutes les universités. Et qui était rapporteur de la section centrale ? L'honorable M. Dubus, représentant de Tournai, l'ami politique alors de M. Dumortier, d'accord avec l'honorable M. Nothomb a proposé d'établir ce grade et de l'étendre à toutes les universités.

L'utilité de ce grade ne peut être mise en question, disait M. Dubus en 1842, mais il se trouvait aussi en 1842, des gens fatigués partisans de l'ajournement, on ajourne et on arrive à 1844.

M. H. Dumortier. - Nous avons lu cela.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Tout le monde n'a pas lu. Si vous avez lu, tant mieux ; vous serez préparé pour la discussion. D'ajournement en ajournement on arrive à 1849 ; cette fois ce grade d'élève universitaire qui n'avait pas pu être introduit dans la loi y prend place aux applaudissements de l'opinion libérale. Il est même voté sans opposition de la part de la droite, le grade d'élève universitaire reçoit la sanction presque unanime de la Chambre et du Sénat.

Maintenant, messieurs, après 1849 des ministères se succèdent, MM. Piercot et de Decker, sont favorables à l'institution du grade d'élève universitaire. M. Piercot présente un projet de loi, renfermant un programme qui rendait plus facile l'obtention du grade d'élève universitaire ; les seules objections auxquelles l'examen donnait lieu étaient puisées dans la trop grande extension donnée au programme d'examen ; il présenta un projet de loi où le programme d'examen était simplifié.

Comme on voulait ajourner de nouveau la loi, l'honorable M. Devaux proposa d'investir le gouvernement du droit d'appliquer le nouveau programme. Alors un membre se lève sur les bancs de la gauche, qui dit : Il ne faut plus d'examen, je propose la suppression du grade d'élève universitaire. La droite se précipite sur cette proposition, qu'elle regarde comme une bonne fortune, et le grade d'élève universitaire se trouve confisqué.

Eh bien, il avait à peine disparu, que les effets de cette disparition ont été tels, que l'honorable M. de Decker a proposé, en 1856, le rétablissement du grade d'élève universitaire. Il n'y avait pas le nom. Il y avait la chose. Il y avait le principe d'un examen préalable à la candidature eu philosophie et lettres et à la candidature en sciences. La chose y était et pas le nom ! Le projet de M. de Decker n'a pas été accueilli ; la majorité qui le soutenait ne l'a pas soutenu dans sa proposition, et le grade d'élève universitaire est demeuré enterré. Mais cela n'a pas empêché tous ceux qui s'intéressent à l'enseignement public, à l'enseignement donné par l'Etat, de protester en toute occasion contre la suppression du grade d'élève universitaire.

II ne s'agit pas de repousser la discussion en prétendant que la question n'est pas suffisamment mûre. La question est mûre ; elle figure à notre ordre du jour depuis vingt-cinq ans, depuis 1858, et en dernier lieu tous les corps constitués, les présidents des jurys, les conseils académiques et les conseils de perfectionnement de l'enseignement supérieur et de l'enseignement moyen, tous sans exception, ont réclamé comme d'urgence le rétablissement du grade d'élève universitaire. Vous voyez que la question a été instruite et que vous n'êtes pas admis à venir dire que vous n'êtes pas préparés.

Tout le monde a son opinion faite sur le grade d'élève universitaire. Je crois que M. Van Humbeek est contre ; eh bien, qu'il vote contre. Du reste, la question n'est nullement grasse de difficultés ; elle est très simple.

.M. Dechamps. - Pas si simple.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'honorable M. Dechamps est contre ; il s'est prononcé contre en section, il ne veut pas surtout que la loi fonctionne cette année-ci. Il votera contre ; mais qu'il ne propose pas l'ajournement pour voter contre la loi dans six mois, car si dans six mois la question se représente, je lui demande s'il votera pour, si le grade d'élève universitaire lui paraîtra plus acceptable. Non, l'honorable M. Dechamps est trop connu pour la persistance qu'il met dans ses opinions pour que l'on croie qu'il en changera. Il votera contre la loi dan 6 mois, comme il voterait contre aujourd'hui.

- Un membre. - Aux voix !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Si l'on veut voter l'ajournement, je n'ai pas fini. Si l'on veut voter la loi, je veux bien me taire ; mais si l'on veut voter l'ajournement, je parlerai encore.

Je supplie la Chambre de croire que ce n'est pas par plaisir, par un désir immodéré de discussion que j'insiste sur la proposition du gouvernement. Je pense que si les membres de cette Chambre ont le droit de se dire fatigués, les ministres ont bien lieu de l'être un peu. Leurs travaux ne se bornent pas à assister aux séances. En dehors des séances ils sont encore assez occupés. Si nous consultions nos convenances personnelles, je dirai presque nos convenances domestiques, il nous agréerait fort d'ajourner cette loi.

Mais c'est en acquit de notre devoir de ministre que nous insistons pour qu'on fasse disparaître le plus tôt possible un abus qui est depuis longtemps condamné.

Si l'on veut aborder cette discussion, je n'exagère rien en disant que pour l'examen des questions que soulève le projet, une seule séance suffirait. Nous avons perdu en questions préjudicielles deux séances. Si l'on avait entamé immédiatement la discussion du fond, la loi serait déjà votée.

Le programma lui-même, à quelle discussion donnera-t-il lieu ? On l'a réduit, on a satisfait aux observations des adversaires du système. Remarquez-le bien, tous les établissements du clergé ne sont pas contraires au grade d'élève universitaire. Tous les établissements de l'Etat, tous les athénées, tous les collèges, tous les établissements laïques réclament ce grade. Les établissements du clergé se divisent ; il en est qui acceptent le grade avec un programme plus à la portée de leurs élèves. On a fait droit à leur demande ; le programme a été réduit, et plusieurs de nos amis politiques se sont plaints de ce qu'il l'était trop. Je vois que M. Dechamps fait un signe affirmatif. Serait-ce aussi l'avis de M. Dechamps. Je ne puis deviner ce qu'il pense ; mais on dirait qu'il trouve aussi le programme trop réduit.

M. de Haerne. - Vous discutez le fond.

(page 1636) M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je désire que ce que je dis éclaire les membres de la Chambre et leur fasse reconnaître que la question préalable n'a plus de raison d'être.

M. de Haerne. - Hier, j'ai touché an fond de la question, et l'on m'a interrompu.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je dis donc qu'il n'y a pas nécessité d'ajourner ; que le rétablissement du grade d'élève universitaire a été réclamé par tous les établissements de l'Etat et des communes, et même par une partie des établissements du clergé, lesquels ont seulement réclamé un programme plus modéré, plus à la portée de leurs élèves. Or, ce programme a été mis à la portée de tous les élèves. Il est donc facile de se mettre d'accord. Il ne faut pas de longues discussions pour cela. Là est toute la question.

J'ai dit que plusieurs de mes amis politiques, qui sont partisans du grade d'élève universitaire, étaient venus se plaindre auprès de moi de ce que le programme était trop réduit. Mais je ne vois dans nos rangs qu'un seul membre qui soit opposé au rétablissement du grade.

M. Van Humbeeck. - Mon opposition est conditionnelle.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Enfin pour le moment, vous êtes contre ou à peu près, mais il n'y a que vous.

Il ne faudra qu'une heure peut-être pour se mettre d'accord sur la loi. Les derniers articles sont purement réglementaires et ne nous tiendront pas plus de dix minutes. Je supplie donc la Chambre de ne pas ajourner son vote sur une loi que le pays intelligent réclame depuis longtemps. Cela ne nuira pas à la dignité de la Chambre, de voter à la fin de sa session, et après la grande loi qu'elle vient d'adopter, une ou deux lois sur l'enseignement. L'enseignement public doit nous préoccuper tout particulièrement, et je ne pense pas que ce soit des hommes nouveaux, des hommes jeunes, de ceux qui marchent avec les progrès de la civilisation, je ne pense pas que ce soit de ce côté-là de la Chambre, que l'opposition doive venir.

- Plusieurs membres. - Aux voix !

M. Goblet. - Je renoncerai à la parole si la Chambre veut prononcer la clôture.

- Plusieurs membres : Oui, la clôture.

M. De Lexhy. - Je désire dire un mot touchant le vote que je vais émettre.

Après les explications que vient de fournir M. le ministre de l'intérieur, je déclare décliner toute participation à l'amendement que j'ai signé.

- La clôture est prononcée.


M. le président. - Je mets d'abord aux voix la motion d'ajournement ; elle est ainsi conçue : « La discussion du projet de loi est ajournée à la session prochaine.»

- L'appel nominal est demandé.

Voici le résultat du vote :

86 membres sont présents :

44 membres votent pour l'ajournement.

42 votent contre.

En conséquence, l'ajournement est prononcé.

Ont voté l'ajournement : MM. Verwilghen, Wasseige, Carlier, Crombez, Dechamps, de Decker, de Gottal, de Haerne, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, B. Dumortier, Henri Dumortier, d'Ursel, Faignart, Goblet, Guillery Janssens, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Mercier, Moncheur, Notelteirs, Pirmez, Rodenbach, Tack, Thibaut, Thienpont, Van den Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Dormael, Van Humbeeck, Van Overloop, Van Renynghe et Vermeire.

Ont voté contre l'ajournement : MM. Allard, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, De Lexhy, Deliége de Moor, de Paul, de Ridder, de Rongé, Devaux, de Vrière, Frère-Orban, Grandgagnage, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Joseph Jouret, Koeler, Lange, Joseph Lebeau, Lesoinne, Moreau, Muller, Nélis, Pierre, André Pirson, Victor Pirson, Rogier, Royer de Behr, Saeyman, Tesch, Ernest Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Volxem et Dolez.

Vote des articles

M. le président. - Un article a été adopté ; il formera la loi. Nous devons voter sur cet article unique. Tout le monde est-il d'accord ? Le gouvernement ne fait-il pas opposition à ce qu'il en soit ainsi ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'article voté formera un projet de loi spécial. Le projet de loi du gouvernement reste tout entier et est ajourné.

M. B. Dumortier. - Cela n'est pas possible. L'article du projet a été voté.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le projet reste tout entier prorogé.

M. B. Dumortier. - Pas du tout.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Qu'est-ce que cela vous fait ? La proposition adoptée comporte l'ajournement de tout le projet. Elle ne dit pas que les articles1 et 3 sont ajournés, elle dit que le projet tout entier est ajourné.

Maintenant il y a une disposition indispensable, attendu que les pouvoirs nécessaires manquent au gouvernement pour convoquer les jurys d'examen. Il faut donc une disposition transitoire ; l'article adopté sera cette disposition.

M. de Theux. - On est d'accord.

M. le président. - Ainsi on est d'accord pour considérer le projet de loi tout entier comme ajourné et il nous reste à voter sur la disposition adoptée comme projet spécial.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il faut ajouter que la loi sera exécutoire le lendemain de sa publication.

M. B. Dumortier. - Cela n'est pas possible. Si c'était un projet de loi que les honorables MM. de Gottal et autres membres avaient proposé, il aurait dû d'abord être déposé sur le bureau, les sections de la Chambre auraient dû la prendre en considération.

Soyons sincères, c'est l'article premier du projet de loi qui a été voté et amendé. Maintenant expliquez-le comme vous le voulez. Si c'est une question d'amour propre, je le veux bien. Mais il n'en est pas moins vrai que c'est l'art. 1er qui a été voté et que c'est lorsqu'il s'est agi de l'art. 2 qu'on a mis aux voix la proposition d'ajournement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La proposition primitive qui a été faite par les honorables membres a été qualifiée d'amendement à l'art. 1er. La motion qui vient d'être adoptée par la Chambre décide l'ajournement du projet.

Il est certain que dans la pensée des honorables membres, l'ajournement ne devait s'appliquer qu'aux articles qui suivent immédiatement. Mais ils ont fait leur motion en termes généraux.

Ce projet de loi est donc considéré comme ajourné. Maintenant on en détache une partie du consentement du gouvernement. Par conséquent les principes restent saufs quant à la question de l'indivisibilité des projets de loi.

M. de Theux. - Je ne vois aucune difficulté à ce que la question soit posée comme M. le ministre de l'intérieur et M. le ministre des finances viennent de l'indiquer. Nous avons des précédents. Plus d'une fois à l'époque de l'expiration des lois concernant le jury d'examen, le gouvernement a saisi la Chambre de projets portant d'autres modifications à la loi sur l'enseignement supérieur, et la Chambre n'étant pas disposée à discuter ces modifications, elle s'est bornée à proroger pour un terme plus ou moins long la loi existante.

C'est précisément ce qu'elle vient de faire encore, et il y a à cela un grand avantage, c'est que le gouvernement n'aura plus à présenter un projet, que les sections n'auront plus à l'examiner, et que dans la session prochaine le projet pourra être discuté tel qu'il résulte des propositions de la section centrale. Il y a plusieurs précédents de la Chambre en ce sens.

M. Muller. - Je crois qu'il conviendrait de dire que la loi sera exécutoire le lendemain de sa publication.

- Cette proposition est adoptée.

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 84 membres présents.

Ce sont : M. Verwilghen, Wasseige, Allard, Carlier, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bronckart, de Brouckere, Dechamps, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, Deliége, de Man d'Attenrode, de Montpellier, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ridder, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Vrière, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Goblet, Grandgagnage, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Janssens, J. Jouret, Lange, J. Lebeau, Lesoinne, Magherman, Mercier, Moncheur, Moreau, Muller, Nélis, Notelteirs, Pierre, Pirmez, A. Pirson, V. Pirson, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Saeyman, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Dormael, Van Humbeek, van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vermeire et Dolez.

Ordre des travaux de la chambre

M. Pirmez (pour une motion d’ordre). - Messieurs, on vient de distribuer le rapport sur le projet de loi qui a pour objet d'accorder au département des finances un crédit pour la fabrication de monnaie de nickel. La Chambre pourrait voter ce projet maintenant. Il ne donnera pas lieu à discussion.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il y a un projet de crédit pour le département de la justice, qui a aussi un caractère d’urgence.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Indépendamment de quelques crédits, il reste un projet de loi sur lequel je suis oblige d’appeler l'attention sérieuse de la Chambre, pour le cas où elle voudrait se séparer : c'est le projet sur l'enseignement agricole.

Il est indispensable que l'on statue sur ce projet de loi dans le cours de la session actuelle. Si la Chambre venait à se séparer avant d'avoir délibéré sur ce projet de loi, elle déciderait par là qu'il n'y aura plus d'enseignement agricole ; je demanderai si un pareil rôle peut convenir à la Chambre.

M. de Naeyer. - A mardi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je fais un appel à la loyauté de la Chambre. Ceux qui ne veulent pas d'enseignement agricole voteront contre la loi, mais il est impossible qu'on s'ajourne avant d'avoir statué sur ce projet.

M. B. Dumortier. - Voilà deux mois que nous siégeons ici sans avoir pris de vacances, et il n'est pas d'exemple d'une assemblée qui ait été tenue de la sorte. Je demande, moi, que la Chambre s'ajourne jusqu'à convocation de M. le président.

Si l'on veut nous convoquer dans 15 jours, 3 semaines, lorsque nous aurons pris un peu de repos, je ne m'y oppose pas ; mais il est impossible de tenir ainsi la Chambre en permanence.

J'ai jeté les yeux sur le projet qu'on veut nous faire voter sans désemparer ; il me paraît de nature à soulever une discussion très vive et l'adoption ne m'en semble nullement assurée ; il y a, au contraire, selon moi, énormément de motifs pour le faire repousser. On ne peut pas se livrer à la discussion d'un semblable projet à la fin d'une session qui dure depuis dix mois, pour ainsi dire sans interruption, et ce que la Chambre peut faire de mieux, c'est de s'ajourner. (Interruption.). Il est très facile de dire : à mardi, mais je suis convaincu que mardi la Chambre ne sera pas en nombre. Les députés qui habitent Bruxelles devraient bien se souvenir que le plus grand nombre de leurs collègues ne sont pas dans le même cas et qu'ils ont bien le droit de rentrer un peu dans leur famille pour s'occuper de leurs affaires privées.

Autrefois, on voulait tenir la Chambre ici pendant les jours gras ; c'étaient aussi les députés de Bruxelles qui votaient toujours dans ce sens ; qu'arrivait-il, c'est qu'on n'était pas en nombre et que c'étaient précisément les députés qui avaient voté pour qu'il y eût séance qui n'y étaient pas. (Aux voix !)

- Des membres. - A mardi.

M. Muller. - Je n'ai que deux mots à dire.

Messieurs, je ne crois pas que la Chambre puisse se séparer sans prendre une décision sur le projet de loi qui lui a été soumis par M. le ministre de l'intérieur. L'honorable ministre vient de vous dire que la question est de savoir si l’enseignement agricole serait interrompu ou ne serait pas interrompu. Que l’honorable M. Dumortier préjuge qu’elle peut être la décision de la Chambre, c’est un peu téméraire de sa part, mais que la loi qui nous est proposée soit admise ou rejetée, nous ne pouvons nous refuser à discuter la question.

Quant au point de savoir si la Chambre est plus ou moins fatiguée, nous demandons tous d'en finir plutôt mardi prochain que de nous mettre dans le cas d'être convoqués de nouveau. (C'est cela.)

- De toutes parts. - A mardi !

- La Chambre, consultée, fixe sa prochaine séance à mardi 26 juin courant, à 2 heures.

La séance est levée à 4 heures 1/4.