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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 8 mars 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 833) (Présidence de M. Orts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Florisone, secrétaire, fait l'appel nominal à 3 heures.


M. Vermeire lit le procès-verbal de la dernière séance.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je dois faire observer que dans l'amendement que j'ai proposé hier à l'article 434, il s'est glissé une erreur de rédaction. Je la ferai disparaître au second vote.

M. le président. - C'est entendu.

- La rédaction du procès-verbal est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Le sieur Béquet demande qu'il ne soit nommé dans les provinces flamandes que des fonctionnaires connaissant les deux langues. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Chevalier demande que la position de pharmacien militaire soit améliorée. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Gand demandent l'abrogation des articles 414, 415 et 416 du Code pénal. »

« Même demande d'habitants de Termonde. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du titre V, livre II du Code pénal.


« Le sieur Edouard Sury, boulier, à Spa, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.

Projet de loi révisant le code pénal (livre II, titre VII)

Discussion des articles

Titre VIII. Des crimes et des délits contre les personnes

Chapitre V. Des atteintes portées à l’honneur ou à la considération des personnes
Article 516

M. Pirmez, rapporteur. - Messieurs, votre commission vient de terminer l'examen des deux questions que vous lui avez renvoyées dans votre séance d'hier.

Toutes deux sont de la plus haute importance et présentent de graves difficultés.

Le premier point consiste à savoir quelle définition il faut donner de la calomnie.

Le second point consiste à savoir quelle disposition il faut admettre pour la calomnie a l'égard des morts. J'examine le premier point.

C'est toujours une tâche ardue de donner une définition juridique ; toute définition est périlleuse, comme le dit une loi romaine.

Les difficultés redoublent quand la définition porte sur des choses purement intellectuelles ; elles ne sont jamais plus graves que lorsqu'il s'agit de tracer la limite entre la liberté et l'abus de la manifestation d'une pensée ou d'une opinion.

Tous les criminalistes se sont occupés de la définition de la calomnie, mais force est bien de reconnaître que, quelque parfaite que soit celle qu'on adopte, elle laissera toujours beaucoup à l'appréciation du juge.

La définition donnée par le Code de 1810 est trop défectueuse pour être maintenue.

La définition du projet est empruntée principalement à la loi française de 1819.

On est d'accord pour reconnaître que l'imputation d'un fait qui porte atteinte à l’honneur constitue une calomnie, mais le projet considère aussi comme calomnie l'imputation d'un fait qui porte atteinte à la considération.

Les auteurs de l'amendement que votre commission a examiné proposaient de supprimer cette seconde partie de la définition ; ils trouvent que cette expression est trop large.

Il est certain que si l'on entend par « considération » ce qui, dans le monde, est compris sous cette dénomination, la définition du projet est trop étendue. En effet, la considération dans ce cas s'attache non seulement aux qualités morales, aux qualités essentielles de l'homme honnête et digne, mais encore aux talents, à la science, à l'habileté et même à la position de fortune.

Il importe de prévenir une pareille interprétation que l'application de la loi française de 1819 fait redouter, et dont un reflet était hier signalé dans un rapport de l'honorable M. Lelièvre.

Aussi votre commission, à l'unanimité moins une voix, a-t-elle adopté l'amendement qui lui a été soumis.

Mais ne tombe-t-on pas dans un excès contraire, en restreignant la calomnie à l'imputation de faits portant atteinte à l'honneur ?

Certes, si l'on entend par honneur tout ce qui constitue la dignité, la valeur morale de l'homme, la définition ainsi restreinte satisfait à toutes les exigences. Mais l’honneur ne comprend souvent dans nos idées que la probité et le courage, en sorte que si l'on adoptait ce sens étroit du mot on pourrait prétendre que l'imputation de faits d'improbité ou de lâcheté tombe seule sous la définition de la calomnie.

De même que nous avons écarté le mot « considération » parce qu'il prête à une interprétation trop large, nous devons ajouter un autre terme à celui d'honneur parce qu'il prête à une interprétation trop restrictive.

Le but à atteindre n'est pas douteux.

Ce qu'il faut protéger par une peine c'est l'intégrité de la personnalité morale, mais c'est elle seule qu'il faut ainsi protéger. Les autres imputations préjudiciables doivent être réprimées par une action en dommages et intérêts.

Le mot « considération » comprend (quand on le prend dans un sens étendu) non seulement cette valeur morale de l'individu, mais encore sa valeur intellectuelle et financière ou commerciale même, si j'ose dire ainsi ; c'est pour cela que nous le proscrivons.

Le mot « honneur » (si on le prend dans un sens étroit) ne s'étend qu'à une partie de la personnalité morale : il faut suppléer à a qui peut lui manquer.

Votre commission a pensé que l'on punissait, outre l'imputation de faits attentatoires à l'honneur, l'imputation de faits qui sont de nature à enlever l’« estime » publique.

Il est évident qu'il y a une différence sensible, très délicate, je le reconnais, mais dans cette matière tout est délicat, il y a une différence sensible entre le mot « considération » et le mot « estime ».

L'estime se restreint plus naturellement que la considération aux faits ou aux qualités dont l'individu est responsable, qui lui sont moralement imputables ; ce terme correspond ainsi d'une manière plus exacte au but que nous nous proposons : la répression des allégations attentatoires à la personnage morale du citoyen.

Votre commission m'a autorisé à vous faire cet exposé de ses intentions et de la portée qu'elle entend donner à la définition qu'elle a l'honneur de vous proposer.

Cette définition serait rédigée comme suit :

« Est coupable du délit de calomnie celui qui, dans les cas ci-après indiqués, a méchamment imputé à une personne un fait précis de nature à porter atteinte à l'honneur de cette personne ou à lui enlever l'estime publique et dont la preuve légale n'est pas rapportée. »

La seconde question que nous avions à examiner, et qui n'est pas moins importante que la première, consiste à savoir quelles dispositions vous devez adopter à l'égard des calomnies commises contre des personnes décédées.

Il a été reconnu d'abord, comme on l'avait déjà fait précédemment, que la disposition, dans aucun cas, ne pouvait porter atteinte au droit d'écrire l'histoire.

La méchanceté, c'est-à dire le dessein de nuire est une condition essentielle du délit de calomnie, condition textuellement exprimée dans le projet. Il est dès lors évident que celui qui se borne à faire le récit des temps passés, quels que soient les faits que l'intérêt de la vérité la porte à rapporter, ne tombe pas sous le coup des peines de la calomnie.

Les droits de l'historien sont donc déjà aussi complètement sauvegardée.

Mais votre commission a pensé qu'il fallait aller plus loin et restreindre le délit de calomnie vis-à-vis de l'individu décédé dans des limites plus étroites.

Deux systèmes lui ont été soumis dans ce but.

Le premier consistait à ne punir ce genre de calomnie que lorsqu'il rejaillit d'une façon quelconque sur une personne vivante.

(page 834) La majorité de votre commission a pensé que c'était faire perdre à la disposition son caractère principal : celui de protéger la mémoire même du mort ; et elle l'a, en conséquence, écarté.

Le second système qu'elle a eu à juger est celui de l'amendement déposé par M. Hymans.

Elle en a adopté le principe.

L'amendement de l'honorable M. Hymans consiste à restreindre le droit de plainte au premier degré en ligne directe et au second degré en ligne collatérale ; c'est-à-dire qu'en ligne directe il ne permet la plainte qu'au père ou au fils de la personne atteinte par la calomnie, et qu'en ligne collatérale, il ne l'autorise que de la part du frère du calomnié.

La commission a pensé que cette restriction était trop étroite.

Le petit-fils et l'arrière-petit-fils doivent nécessairement être compris dans la catégorie des personnes qui peuvent porter plainte ; il en est de même du neveu qui hérite des biens de la personne contre qui la calomnie est dirigée.

Voici la disposition que vous propose la commission :

« En cas de calomnie dirigée contre une personne décédée, la poursuite ne pourra avoir lieu que sur la plainte soit du conjoint survivant, soit de tout ascendant, soit de tout descendant jusqu'au 3ème degré, ou à défaut de ceux-ci, sur la plainte de l'un ou de l'autre des héritiers légaux jusqu'au même degré. »

Je dois dire que l'honorable M. Hymans s'est rallié à cette modification de son amendement qui a paru satisfaire à tous les intérêts engagés dans question.

M. le président. - La Chambre a entendu le rapport ; il sera imprimé dans les Annates parlementaires. La Chambre veut-elle continuer la discussion ou attendre l'impression du rapport ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je suis disposé à laisser continuer la discussion. J'ai assisté à la délibération de la commission, et c'est de commun accord entre elle et moi que ces modifications ont été arrêtées.

M. le président. - Puisqu'il n'y a pas d'opposition, nous reprenons la discussion sur l'article 516, contenant la définition de la calomnie, qui est maintenant modifié par la commission dans le sens que vient d'indiquer M. le rapporteur, c'est-à-dire que le mot considération est remplacé par le mot estime.

- La parole est à M. De Fré.

M. De Fré. - Je demande à la Chambre la permission de présenter quelques considérations générales sur le chapitre de la calomnie.

Le Code pénal de 1810 exigeait la publicité de la calomnie. Ce projet qui est soumis à vos délibérations n'exige plus cette condition. On peut, d'après le projet, être condamné comme calomniateur, alors même que la calomnie n'a pas revêtu un caractère de publicité. Je viens, messieurs, appuyer cette innovation.

Je n'ai jamais compris la distinction qu'il y avait entre la propriété morale, si je puis m'exprimer ainsi, et la propriété matérielle. La société doit garantir la vie morale de l'homme, comme elle doit garantir sa fortune ; et en soutenant cette thèse, je crois soutenir une thèse excessivement démocratique.

La grande masse des citoyens ne vivent que de leur travail. Mais le travail n'est possible que pour autant que le travailleur soit considéré. Lorsqu'un homme riche est dépouillé de 25 francs, on condamne à un an de prison le voleur qui cependant peut avoir été poussé, par des circonstances fâcheuses, à cette action blâmable, circonstances qui ne justifient pas, mais qui expliquent le vol.

L'homme qui a perdu ces 25 fr., s'il est riche, ne perd rien de sa considération et il n'est privé de la satisfaction d'aucun besoin.

Mais à côté de cet homme riche, il y a un homme qui n'a pas de fortune, qui ne vit que de son travail et à qui la calomnie ou la considération et l'honneur, et partant le moyen de vivre et il ne faut pas que la calomnie ait été publique, qu'elle ait été affichée au coin des rues pour que cet homme ait perdu sa position sociale.

Il suffit qu'elle ait été répétée dans un cercle, dans une société privée.

Messieurs, voyez comment le législateur a toujours tenu peu compte de tout ce qui tient à la vie morale de l'homme. Celui qui vole peut être puni de cinq années d'emprisonnement, et celui qui empêche un homme de vivre ne sera condamné qu'à deux années de prison (maximum de la peine).

A ceux qui trouvent qu'on aurait dû réduire la peine de la calomnie, je dis : On aurait dû plutôt mettre la peine de la calomnie en rapport avec la peine du vol ; et à ceux qui demandent qu'une calomnie non publique ne soit pas punie, je réponds : Voyez l'effet que produit dans la société la calomnie ; elle peut y produire des effets bien plus désireux que le vol.

Messieurs, la constitution de 1791, après avoir garanti la propriété, garantit aussi l'honneur des familles. Voici ce qu'elle proclame :

Art. 17, chap. V ;

« La censure des actes des pouvoirs constitués est permise mais les calomnies volontaires contre la probité des fonctionnaires publics et la droiture de leurs intentions dans l'exercice de leurs fonctions, pourront être poursuivies par ceux qui en sont l'objet. Les calomnies et injures contre quelques personnes que ce soit, relatives aux actions de leur vie privée, seront punies sur leur poursuite. »

Voilà comment, au début de l'organisation de la société moderne, on a mis sur la même ligne et la propriété matérielle et la propriété morale.

Je soutiens que le projet que vous avez à discuter se rapproche davantage de ces principes, que, dans une société démocratique comme la nôtre, vous devez tous faire triompher.

Messieurs, c'est une prétention étrange que de vouloir, pour qu'il y ait délit de calomnie, qu'il y ait publicité. Est-ce que le meurtre, pour être puni, doit être public ? Est-ce que le vol doit être public ? Est-ce que l'escroquerie, l'abus de confiance doivent être publics ? Evidemment non. Pourquoi voulez-vous donc, lorsqu'il s'agit d'un délit qui porte atteinte à la vie morale de l'homme, à la considération du citoyen, qu'il y ait publicité ?

Mais ne sentez-vous pas que c'est la calomnie qui circulera sous le manteau, et que, partout, l'on ne pourra pas combattre, qui sera beaucoup plus dangereuse, beaucoup plus funeste au citoyen qui en est l'objet, que la calomnie qui arrive au grand jour, au grand soleil de la discussion ?

Je vais ajouter, messieurs, que quand la loi admet la preuve légale, la loi va aussi loin que possible. Quand la loi dit qu'il n'y a pas calomnie lorsque la preuve légale est apportée, je trouve que la loi atteint l'extrême limite.

Et vous le comprenez. Voici un homme qui, dans sa jeunesse, entraîné, séduit par de mauvais exemples, a commis un délit.

Cet homme est allé habiter une autre localité ; par 30 années de travail et de patience il s'est racheté ; il a péniblement conquis le terrain de la considération publique. Il a une femme et des enfants. Un jour quelqu'un arrive et lui dit que c'est un voleur.

Cet homme a une position dans la société, il est employé dans une administration publique ou à la tête d'une société industrielle. Cet homme qui pour tout au monde ne voudrait pas rougir devant ses enfants, qui a vingt fois expié le délit de sa jeunesse ; cet homme perd sa place ; il y a plus, cet homme perd la tête.

Depuis vingt ans, il était habitué à être considéré ; il perd la tête, et dans un accès de désespoir il se brûle la cervelle. Voilà la femme et les enfants dans la misère ; et celui qui aura été la cause de tout ce mal, non méchamment, sera à l'abri de toute poursuite, en tirant de sa poche un jugement qui prouve que l'homme qu'il avait qualifié de voleur avait été réellement voleur autrefois.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il y a dans le projet un article relatif à ce fait.

M. De Fré. - Je suppose qu'il n'ait pas agi méchamment ; le fait est froidement articulé ; je dis que celui qui se sera permis une accusation aussi mauvaise que celle-là, sera à l'abri de toute poursuite.

Je dis que la loi qui justifie l'auteur de toutes ces misères atteint l'extrême limite, et qu'elle ne peut pas aller au-delà ; je dis même que ce principe, inscrit dans la loi, n'est pas chrétien ; il n'admet pas le pardon. La société n'a pas intérêt à remuer des crimes expiés, la société a intérêt à ce que la paix existe dans son sein ; elle a intérêt à ce que la concorde existe. Eh bien, si vous allez plus loin que la preuve légale, cette paix est impossible ; je dis même qu'il serait peut-être bon que la loi n'allât point jusque-là.

Messieurs, en France, la loi du 26 mai 1819 a admis ce principe, dans son article 20 : « Nul ne sera admis à prouver la vérité des faits diffamatoires, si ce n'est dans le cas d'imputation contre les dépositaires ou agents de l'autorité, ou contre toutes personnes ayant agi dans un caractère public, de faits relatifs à leurs fonctions. »

Dans la discussion de la loi de 1819, Royer-Collard disait que la vie privée devait être murée, que c'était un sanctuaire où le public ne pouvait pas arriver ; en tenant ce langage, il proclamait ure grande vérité dans l'intérêt de la paix publique, dans l'intérêt du repos public.

Messieurs, la société a intérêt à ce que tous, les uns à l'égard des autres, soient des citoyens considérés. De cette façon, s'établit la confiance, et c'est sur la confiance que s'établissent la paix et la concorde entre les hommes. Il n'y a pas d'intérêt à venir jeter continuellement dans le monde les antécédents fâcheux des citoyens.

La société n'a pas intérêt à cela ; autant elle a intérêt à discuter la vie publique de ceux qui participent aux fonctions publiques, à faction de la société, autant ceux qui ont une vie obscure sans ambition, ont droit au repos. Si leur passé fâcheux est couvert par un présent honorable, la loi doit les protéger efficacement.

Je me suis permis ces observations parce que je pense que l’innovation introduite dans le Code pénal que nous discutons est une innovation heureuse que la Chambre ne peut se dispenser d'adopter.

M. Muller. - Comme l'un des signataires de l'amendement qui proposait la suppression d'une expression beaucoup trop large et sujette à des interprétations diverses : « considération », je déclare que la modification que la commission a substituée à notre amendement me satisfait complètement et, après avoir consulté mes deux cosignataires, je fais la même déclaration en leur nom.

(page 835) M. Nothomb. J'ai demandé la parole, mais c'est sur l'article 528 que je désire parler. Je prie M. le président de m'inscrire pour le moment où cet article sera mis en discussion.

M. Pirmez, rapporteur. - Messieurs, je désire présenter quelques observations en réponse aux critiques générales dont le projet a été l'objet, dans la séance d'hier, de la part de notre honorable collègue M. Guillery.

Messieurs, lorsque nous avons commencé à discuter les deux titres soumis en ce moment à vos délibérations, l'honorable membre a fait la critique non seulement des dispositions qu'ils renferment, mais de l'ensemble de cette grande composition ; il a reproché au projet ce qu'il a appelé des tendances germaniques.

J'ai entendu répéter ce reproche, et je crois qu'il n'est pas inutile d'en dire un mot.

Je l'avoue, ce reproche me semble destiné à avoir un certain succès à être répété dans le public et à discréditer peut-être le travail auquel nous nous livrons.

La raison qui me porte à penser que ce mot fera fortune paraît assez singulière à première vue, mais je la crois vraie, c'est qu'on ne comprend pas le sens, la portée de cette allégation.

L'expression peut prétendre à un certain succès, parce qu'elle ne produit pas une idée précise, et que le public ne se rendra pas compte de ce qu'il dira, s'il reproche au projet d'être un reflet d'idées germaniques.

Si l'honorable membre qui le premier a fait entendre cette critique croit qu'il n'y a rien de bon en fait de législation que la législation française, qu'il n'y a de loi bien faite qu'en France, libre à lui de s'incliner devant les lois qui régissent nos voisins du midi. Pour moi, je crois qu'il y a de bonnes choses ailleurs qu'en France ; il y a des pays où la science du droit est notamment beaucoup plus sérieusement cultivée.

Le droit pénal est une des dernières branches de la science juridique qui aient été sérieusement étudiées. Il y a deux mille ans que les Romains ont fondé les admirables principes du droit civil, mais pendant des siècles, le droit pénal n'a été considéré que comme un accessoire sans importance ; il n'y a pas longtemps qu'il a repris la place qu'il mérite.

Or, où les plus grands travaux sur cette matière ont -ils été faits ? En Allemagne. Où sont les plus grands criminalistes ? En Allemagne. Où trouvons-nous les codes les plus parfaits, qui ont su le mieux peser les exigences de la théorie et celles de la pratique ? C'est encore en Allemagne.

Je tomberais dans le même excès que l'honorable membre si je disais que tout ce qui a été fait au-delà du Rhin est parfait.

Nous devons nous éclairer de l'expérience non d'une seule nation, mais de toutes, et quand nos trouvons une bonne disposition, la prendre, quel que soit le pays où nous la trouvions.

L'honorable membre qui a fait ce reproche au projet de la commission, il y a huit jours à peine, qu'a-t-il fait à la séance d'hier ?

En matière de calomnie nous avons suivi le système français ; c'est la base de notre système.

Or, l'honorable M. Guillery prend, dans le rapport de la commission gouvernementale qui a élaboré le projet, l'opinion du membre naturellement le plus suspect d'idées germaniques, M. Haus, professeur à l'université de Gand, et nous fait un grief de ne pas les avoir adoptées. Personne ne respecte et ne prise plus haut que moi le talent de ce savant professeur ; personne plus que moi n'admire la courageuse persévérance et la science qui lui ont été nécessaires pour formuler le projet que nous discutons et rédiger le rapport qui l'accompagne ; mais dans la matière qui nous occupe, je ne puis partager ses opinions qui, tout respectables qu'elles sont, ne me paraissent pas utilement applicables.

Ce qui m'étonne, c'est qu'après nous avoir adressé le reproche de germanisme, l'honorable membre vienne précisément reprendre les idées du savant professeur, pour nous les faire adopter.

M. Guillery. - Je n'ai jamais dit qu'il n'y avait qu'en France qu'il y eût quelque chose de bon et de parfait.

M. Pirmez. - Vous nous avez reproché des tendances germaniques.

M. Guillery. - Je m'en tiens à ce que j'ai dit.

M. Pirmez. - Ce reproche que vous nous avez adressé a été répété ; j'ai le droit de le relever et de le juger. Je n'ai pas dit que vous aviez prétendu qu'il n'y avait rien de bon qu'en France.

Mais où voulez-vous que nous allions chercher les principes de notre législation quand nous ne les prenons pas en France, si nous n'allons pas au-delà du Rhin ? Le système que vous avez préconisé donne lieu à bien plus d'objections que vous n'en avez adressées au nôtre.

La critique est aisée, il y a longtemps qu'on l'a dit, et l'art est difficile.

Nous prêterons le flanc à la critique, quoi que nous fassions ; notre œuvre laissera beaucoup à désirer, je le reconnais bien volontiers ; mais pour la condamner, il ne suffit pas d'en montrer les défauts, il faut pouvoir faire mieux.

L'honorable membre a pris une position très commode : Je ne présente pas d'amendement, dit-il, mais je proteste.

Je demanderai qu'il présente son système, et nous verrons s'il ne mérite pas des critiques plus fondées que celles dont notre projet est l'objet.

L'honorable membre a soulevé hier une question de peu d'importance en apparence, mais qui est aussi grosse de difficultés qu'elle paraît simple.

C'est celle-ci : nous condamnons comme calomnieuse l'imputation d'un fait portant atteinte à l'honneur ou de nature à enlever l'estime publique, lorsque la preuve légale n'en est pas apportée.

Dans bien de cas, notamment lorsque le fait articulé ne constitue ni un crime ni un délit, cette preuve légale est, en général, impossible.

La peine de la calomnie est encourue sans qu'aucune justification de la vérité du fait puisse en relever. L'honorable membre nous reproche du reste, avec M. Haus et avec M. Destriveaux, de punir ainsi comme calomniateur celui qui peut-être aura articulé un fait réel, mais qui ne sera pas prouvé.

Pour éviter le reproche qui nous a été fait, nous devrions donc admettre la preuve de tous les faits dont l'imputation donnerait lieu à une poursuite. Ainsi, si je reproche à un individu une mauvaise conduite, si je reproche à une fille de ne s'être pas bien conduite, si je lui reproche (je reviens encore à la discussion d’hier) d'avoir été mère, si je publie la chose, il faudra qu'une enquête s'ouvre, parce que les faits honteux que j'aurai imputés rentrent dans les faits les plus secrets de la vie privée ; j'aurai le droit de venir devant la justice rechercher tous ces faits, je pourrai appeler ses investigations dans les relations les plus intimes de la personne à qui j'aurai fait ce reproche ; j'aurai le droit de sonder dans tout ce qu'il y a de plus caché dans sa vie, d'entrer au foyer domestique, de prendre comme témoins les serviteurs qui, à un moment donné, auront été dans sa maison, et de venir exposer aux regards d'un public malveillant tout ce qu'il m'aura plu faire rechercher. Voilà votre système.

Du moment que vous voulez la preuve, il suffit à un individu d'imaginer un fait pour pouvoir tout mettre au jour.

On vient de répéter le mot de Royer-Collard : « La vie privée doit être murée ; » vous voulez démolir le mur ; bien plus, vous feriez à chacun, pour me servir du mot d'un ancien, une maison de verre. Je le demande, faut-il permettre que l'on entre dans la famille et qu'on puisse ainsi se jouer de l'honneur et de la réputation des citoyens.

C'est cependant, messieurs, le système qu'on préconise, mais que n'a pas proposé l'honorable M. Guillery. Eh bien, je le soumets à la Chambre, et je lui demande si le projet de loi mérite des reproches aussi vifs pour ne pas avoir admis une pareille théorie.

Comment ! Vous craigniez tant, il y a quelques jours, de voir divulguer le secret d'un accouchement ; c'était un fait si grave que cet acte de l'état civil révélant une naissance illégitime ! et aujourd'hui vous voulez que le premier venu, quelle que soit sa moralité, quelle que soit sa position dans la société, puisse venir livrer non une personne, mais une famille tout entière à l'avidité d'émotions et de scandales qui dévore une certaine partie du public !

Messieurs, on a fait d'autres reproches encore au projet. Il aggrave les peines ; il crée des délits où auparavant il n'y en avait pas. Voyez, nous dit-on : aujourd'hui une publicité complète est exigée pour la calomnie. Si une imputation calomnieuse est faite au milieu d'une société particulière, d'un casino, d'un cercle, il n'y a pas de publicité. C'est un nouveau délit que vous introduisez, lorsque vous prononcez une peine pour la calomnie commise dans un lieu que plusieurs personnes ont le droit de fréquenter.

Messieurs, je ne sais réellement pas si mon honorable contradicteur a examiné la jurisprudence, s'il a examiné les définitions données par les auteurs sur ce qu'il faut entendre par « lieu public. »

Voici la définition du lieu public telle qu'elle est donnée par les commentateurs de la loi de 1819, qui est entièrement semblable, quant à la publicité, à notre loi actuelle : « On appelle lieu public celui qui est ouvert, de jour et de nuit, aux citoyens ou à une classe de citoyens, soit d'une manière absolue, soit en remplissant certaines conditions d'admissibilité, ou en payant une rétribution. »

Du reste voyez la jurisprudence ; elle a toujours consacré cette opinion, non pour le cas même, car il ne s'en est pas présenté à ma connaissance, mais pour des faits analogues.

Elle a décidé qu'une cour commune, une étude de notaire, un hôpital, une salle de bains, une salle de spectacle, même aux répétitions, lorsque l'on y est admis sans grande difficulté, qu'une classe composée d'internes et d'externes, constituaient des lieux ou des réunions publiques.

Mais nous commettons encore une autre énormité. D'après la législation actuelle, la correspondance privée ne peut jamais donner lieu à la calomnie ; il faut que l'écrit soit distribué, soit vendu sur la voie publique. Mais non, nous entrons dans le secret des lettres, de la correspondance privée ; nous incriminerions presque la simple lettre adressée d'ami à ami.

Mais savez-vous ce que la jurisprudence actuelle décide ? C’est que quand une lettre est écrite à plusieurs personnes et contient des imputations calomnieuses, cette lettre constitue une calomnie. La cour de Liège, siégeant comme cour de cassation, l'a décidé ainsi, par un arrêt du 24 mai 1823, dans une espèce où il y avait eu quatre exemplaires de la lettre.

(page 836) Eh bien, que faisons-nous dans notre projet sur ces deux points ?

Nous distinguons entre les divers genres de publicité qui tous aujourd’hui donnent lieu à la même peine. Nous punissons la calomnie commis tout à fait publiquement de celle qui n'a reçu qu'une quasi-publicité.

C'est ainsi que la calomnie commise dans le local d'une société littéraire, ou celle qui est renfermée dans des lettres adressées à plusieurs personnes, est punie d'une peine moindre que si elle avait eu lieu dans les places publiques ou dans des écrits distribués dans la rue.

En un mot, nous introduisons une distinction qui tend à modérer la peine.

Messieurs, si je voulais, chaque fois que nous proposons une atténuation de peine, chaque fois que nous supprimons un délit, demander la parole et en faire l'observation à la Chambre, comme on le fait chaque fois qu'on croit découvrir un nouveau délit ou une aggravation de peine, nos discussions dureraient encore plusieurs années, car il n'est presque pas d'article où je ne devrais faire semblable observation.

Je crois que la Chambre est convaincue que dans cette matière on exagère encore là prétendue rigueur du projet. Je n'abuserai Jonc pas de votre temps pour prouver combien, sous le rapport de la définition des infractions et sous le rapport des peines, nous adoucissons la législation existante.

En comparant le texte proposé avec cette législation, il est aisé de le constater.

M. le président. - Le bureau vient de recevoir les amendements suivants :

« Nous proposons les adjonctions ci-après aux paragraphes 3 et 4 de l'article 517.

« Paragraphe 3, après la teneur du paragraphe tel qu'il existe au projet, ajouter : « Si les auteurs de ces écrits les ont communiqués à des tiers. »

« Paragraphe 4, aussi après la teneur du projet, ajouter : « et devant témoins. »

« (Signé) Carlier, de Gottal, Ch. Lebeau. »

La parole est à M. Carlier pour développer son amendement.

M. Carlier. - Ayant de vous présenter mes développements, je vous dirai tout d'abord que ces amendements, préparés au sein même de la commission du Code pénal, ont été admis par le ministre de la justice.

Vous avez tous remarqué que dans l'économie de tout le chapitre V que nous discutons et qui est relatif aux calomnies, il faut pour que la calomnie existe, qu'il y ait eu atteinte à l'honneur ou à l'estime de la personne qui a été victime de cette calomnie. Il m'a paru que dans l'hypothèse des paragraphes 3 et 4 de l'article 517, il ne pouvait y avoir eu atteinte à l'honneur ou à l'estime de la personne qui recevait une lettre restée parfaitement secrète entre elle et l'auteur de cette lettre.

En effet, de deux choses l'une : ou le fait imputé dans cette lettre est vrai, et dans ce cas, celui qui reçoit la lettre, s'il ressent quelque mécontentement, ne peut cependant dire que son honneur a été atteint ni qu'il a été porté atteinte, d'une façon quelconque, à l'estime publique qui lui a été accordée jusque-là. Si au contraire le fait est faux, aller le révéler devant un tribunal répressif quelconque, c'est lui donner une publicité beaucoup plus à craindre pour les intérêts de la personnalité que l'absence complète de publicité que l'on a lorsque la lettre est restée secrète entre la personne qui l'a écrite et la personne qui l'a reçue. De plus il sera toujours facultatif à cette dernière de jeter au feu la lettre et de détruire ainsi toute trace d'imputation.

Dans le système du paragraphe 4, on laissait exister la calomnie alors que la personne qui avait proféré cette calomnie l'avait proférée en tête-à-tête avec la personne offensée, lorsque l'auteur de la calomnie était seul avec elle. Dans ce cas un double inconvénient se présentait. On sortait du système en ce sens qu'aucune atteinte n'était portée à l'honneur ou à l'estime de la personne offensée ; et de plus l'offensé étant seul témoin du délit porté contre lui, on rendait la preuve de ce délit extrêmement difficile. On la faisait dépendre du seul témoignage de la personne intéressée, ce qui est toujours fâcheux en matière pénale.

J'ai donc cru devoir vous proposer l'amendement dont il vous a été donné lecture et je crois que le mérite, si j'ose m'exprimer ainsi, en est suffisamment démontré par l'acquiescement que lui ont donné la commission et l'honorable ministre de la justice.

M. Guillery. - Dans une discussion qui roule sur les imputations malveillantes, j'aurais peut-être pu m'attendre à plus de justice dans l'appréciation de ce que je dis. Je ne veux répondre néanmoins que deux ou trois mots en guise de rectification. Loin de moi la pensée de vouloir faire durer éternellement la discussion du Code pénal et surtout de présenter des considérations inutiles.

L'honorable rapporteur de la commission s'est créé un adversaire fantastique et il l'a terrassé. Je lui ai laissé cette facile victoire. Quant à moi, je n'ai à m'occuper que de ce que j'ai dit.

J'ai dit que le projet avait une tendance germanique. Suivant le savant rapporteur de la commission, ce mot ne sera compris de personne. Je croyais au contraire qu'il serait compris tout le monde.

On peut reprocher à un code d'avoir des tendances germaniques, sans se faire le défenseur ridicule des lois françaises, sans venir soutenir devant cette Chambre la thèse absurde qu'il faille accepter en tout et pour tout les lois françaises, surtout les lois en matière de presse, dont on s'est peut-être un peu trop inspiré jusqu'à présent.

Je ne me fais pas le défenseur absolu des lois françaises, et lorsque je reproche à un Code des tendances germaniques, je ne suis pas assez ridicule pour ne pas reconnaître le mérite d'un criminaliste aussi éminent que M. Haus.

Ce ne serait plus du fanatisme, ce serait de la rage aveugle contre tout ce qui porte un nom allemand. Lorsque j'ai défendu le système du Code de 1810, j'ai dit tout simplement : Vous aggravez un Code que l'on a jusqu'à présent jugé trop sévère. Vous l'aggravez, comment ? En multipliant les délits. C’est là une tendance germanique. Le mot est assez clair. Cela veut dire que dans les Codes germaniques, et, par exemple, dans le code prussien, on a vu cette tendance. Le Code prussien en est le type : vous y verrez punir, par exemple, comme voleur l'homme qui emprunte 50 francs à son ami et qui ne les lui rend pas.

Vous multipliez les délits ; c'est un fait reconnu.

M. Pirmez, rapporteur. - Nous le nions.

M. Guillery. - Dans ce cas vous niez 1a lumière. Nous avons jusqu'à présent voté bien peu d'articles. Or, dans l'article sur l'exposition, il y a aggravation. Vous punissez l'exposition seule et non accompagnée de délaissement. Nous avons voté l'article 420. Il y avait controverse ; il n'y en aura plus. Vous nous laissiez le bénéfice de la controverse. A l'avenir, le secret gardé par le médecin est punissable. C'est une aggravation. (Interruption.)

Comment ! ce n'est pas une aggravation que de nous enlever la controverse, de nous enlever l’espérance de voir les tribunaux belges revenir au système français et nous donner gain de cause ? C'est une aggravation ; nous avions l'espérance ; nous ne l'avons plus.

Sur le duel, un amendement de l'honorable M. Pirmez, et je l'en félicite, a ramené les exigences du Code pénal au système de la législation actuelle. Il n'y a pas aggravation, il y a même diminution des peines ; nous devons en remercier l'honorable M. Pirmez. Mais le projet primitif, tel qu'il avait été conçu par la commission ! et tel que je l'ai jugé, aggravait les peines sous ce rapport.

Nous arrivons à la calomnie. Direz-vous que vous ne multipliez par les délits ? Vous me demandez un amendement, mais prenez le texte du Code pénal actuel ; modifiez-en la rédaction d'après les critiques que tout le monde admet et en le combinant avec l'article qui est proposé aujourd'hui, exigez la publicité comme il l'exige.

Je ne me suis pas fait le défenseur de la loi de 1819, mais je dis : j'invoquerai ce qui a été dit lors de la discussion de la loi de 1819.

J’invoque les paroles prononcées par M. Deserre en présentant la loi de 1819 et par lesquelles il a parfaitement justifié la substitution du mot diffamation au mot calomnie.

Du reste, messieurs, je n'ai pas discuté et je ne veux pas le faire ; je m'en suis référé au travail remarquable du rapporteur de la commission.

Quant aux lettres, on a encore inventé un argument. Je n'ai pas reproché le délit qui consiste à répandre la calomnie par lettre. Je ne l'approuve pas, mais je n'en ai pas parlé. J'ai dit : Lorsque la lettre est adressée à une personne et qu'elle contient des imputations calomnieuses, il peut y avoir outrage, injure, mais il n'y a pas calomnie. La calomnie c'est de répandre sur le compte de quelqu'un des imputations calomnieuses, mais ce n'est pas lui adresser ces imputations à lui-même sous le sceau du secret.

J'ai été bien étonné, messieurs, après ce qu'avait dit M. le rapporteur, de voir aujourd'hui divers membres de la commission présenter un amendement précisément sur le point que j'ai signalé.

L'honorable rapporteur m'a appelé en quelque sorte sur le terrain et m'a provoqué à présenter des amendements. Je n'ai pas la prétention de présenter des amendements, encore moins de les faire réussir.

Je laisse ce soin à d'honorables collègues qui ont plus d'autorité que moi dans le parlement ; mais en acquit de ma conscience je présenterai toujours sur un article les observations qu'il me suggérera en laissant à la Chambre le soin d'y faire droit si elles sont fondées ; dans le cas contraire elle les accueillera, j'en suis convaincu, comme l'expression d'une conviction sincère et profonde.

M. le président. - Nous avons à voter sur l'article 514, mais M. Pirmez a proposé une nouvelle rédaction ; je le prierai de vouloir bien la faire passer au bureau.

- Plusieurs membres. - A demain.

- D'autres membres. - L'impression.

M. le président. - L’amendement sera imprimé et distribué.

- La séance est levée à quatre heures trois quarts.