(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)
(page 735) (Présidence de M. Orts.)
M. de Florisone procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Florisone communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants de Heule demandent que le receveur de l'Etat soit autorisé à recevoir, en monnaie d'or, le montant de leurs contributions. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants d'Anlier demandent que leur commune soit réunie au canton de Fauvillers. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants de Gand demandent l'abrogation des articles 414, 415 et 416 du Code pénal. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du titre V, livre II du Code pénal.
« Il est fait hommage à la Chambre d'un ouvrage intitulé : Du bonheur de l'homme sur la terre. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, trois demandes de naturalisation. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. Rodenbach (pour une motion d’ordre). - Messieurs, à cette époque de l'année la Chambre est dans l'habitude de s'ajourner pendant quelques jours. Plusieurs membres ne sont pas disposés, en ce moment, à discuter le Code pénal.
Les autres objets à l'ordre du jour seront probablement épuisés aujourd'hui ; je propose donc à la Chambre de s'ajourner jusqu'au 28 de ce mois. (Interruption.) Je ne demande pas mieux que de voir siéger la Chambre, mais je crains fort qu'on ne soit pas en nombre. Je maintiens ma proposition.
M. Vander Donckt. - Dans nos sessions précédentes, la Chambre ne s'ajournait que jusqu'au jeudi après le jour des Cendres.
Je crains bien que ces longs et fréquents ajournements ne nous mènent encore une fois jusqu'au mois de juin et au-delà.
Quant à moi, je désire que, cette année, au moins la session soit courte.
Je modifie la proposition de M. Rodenbach, en ce sens que l'ajournement ne se prolonge au plus tard que jusqu'à jeudi 23. Ce délai suffira pour permettre à chacun de retourner dans sa famille et de soigner ses affaires les plus urgentes.
M. B. Dumortier. - Messieurs, il s'agit bien moins de savoir quel jour on se réunira que de savoir quel jour on sera en nombre. L'expérience nous démontre que si nous voulons siéger pendant deux ou trois jours à la suite du carnaval, nous ne serons pas en nombre. On dit que des propositions d'ajournement sont de nature à prolonger la session ; il y a un moyen bien simple d'éviter cet inconvénient, c’est de commencer les séances à l'heure du règlement, ou à une heure.
Quant à nous qui sommes assidus aux travaux de la Chambre, je crois qu'on ne peut pas nous reprocher de retourner pendant quelques jours dans nos foyers pour vaquer à nos affaires personnelles.
Permettez-moi, messieurs, de vous rappeler les précédents ; à l’origine, la Chambre avait décidé qu'elle siégerait même pendant le carnaval ; c'étaient généralement les députés domiciliés à Bruxelles qui votaient dans ce sens.
(page 736) Le jour de la séance arrivé, ces mêmes députés qui avaient voté pour qu'il y eût séance, y faisaient défaut, et nous qui revenions à Bruxelles pour faire acte d'obéissance à la décision de la majorité, et qui étions présents, nous en étions pour nos frais de zèle et de bonne volonté, car la Chambre ne se trouvait pas en nombre.
Il me semble que les députés qui habitent Bruxelles devraient tenir compte des nécessités des représentants qui n'habitent pas la capitale et qui sont assidus à leurs devoirs ; les députés qui habitent Bruxelles sont dans une position des plus commodes ; ils y ont leur famille et le siège de leurs affaires ; nous qui sommes étrangers à la capitale et qui sommes assidus aux séances, nous pouvons bien, sans doute, avoir quelques jours pour aller revoir nos familles et soigner nos affaires privées.
J’insiste donc pour que la proposition de l'honorable M. Rodenbach soit adoptée par la Chambre.
M. Vander Donckt. - Messieurs, nous sommes déjà en butte à des observations critiques. On nous reproche, en quelque sorte, de manquer de zèle et de dévouement dans l'accomplissement de nos devoirs. Si nous allons prendre à tout moment des vacances, nous donnerons raison à ceux qui nous critiquent. La proposition que j'ai faite à la Chambre de séjourner jusqu'au jeudi 23 février, me paraît raisonnable. Nous nous sommes toujours bornés à nous ajourner pendant les jours gras, les années précédentes ; il n'y a pas de raison aujourd'hui pour prolonger ces vacances. L'honorable M. B. Dumortier dit : i Qui nous répondra que la Chambre sera en nombre, jeudi 23 février ? » Je lui demanderai à mon tour : « Qui nous répondra que la Chambre sera en nombre mardi 28 février ? » C'est là un argument sans consistance.
Messieurs, quand la Chambre aura décidé qu'elle se réunira le 23 février, tout le monde se fera un devoir d'assister à la séance, et nous serons en nombre.
M. B. Dumortier. - Messieurs, j'ai déjà dit qu'il y avait un moyen bien simple d'accélérer nos travaux : c'est de commencer les séances une heure ou deux heures plus tôt.
M. Allard. - Il n'y a, du reste, rien à l'ordre du jour.
M. B. Dumortier. - Nous tenir ici en permanence pendant cinq ou mois, nous députés habitant la province, cela est trop fort ; cela peut être très commode pour ceux qui ont leurs familles à Bruxelles.
Du reste, comme vient de le dire l'honorable M. Allard, et comme l'a dit tantôt l'honorable M. Rodenbach, il n'y a plus rien à l'ordre du jour.
Irez-vous commencer la discussion du code pénal ?
- Un membre. - Jeudi prochain.
M. B. Dumortier. - La Chambre se trouvera-t-elle eu nombre jeudi prochain pour cet objet tout spécial ? M. le ministre de la justice me disait tout à l'heure, et je ne crois pas être indiscret en rapportant ce propos, que la discussion de tel ou tel article du code pénal pourrait durer une ou deux séances. Or, remarquez qu'à la fin de cette séance, vous n'aurez plus à l'ordre du jour que le code pénal ; mais le code pénal n'est pas le propre de tous les députés ; nous ne sommes avocats, et quand nous assistons à ces discussions, c'est par devoir. Si donc vous n'aviez à l'ordre du jour de jeudi 23 février que le code pénal, vous risquez fort de n'être pas en nombre, car beaucoup de députés de la province qui sont étrangers à ces matières spéciales, ne reviendront pas à Bruxelles ce jour-là.
Je pense qu'il est beaucoup plus sage d'adopter la proposition de notre honorable ami, M. Rodenbach, et de s'ajourner jusqu'à mardi 28 février à 2 heures.
- La Chambre consultée décide qu'après la séance de ce jour, elle s’ajourne jusqu'à mardi 28 février 1860.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 30 janvier 1860, le sieur Outshoorn prie la Chambre de le faire indemniser des pertes qu'il a subies par suite des événements de guerre de la révolution.
Messieurs, cette pétition se rapporte à une vieille histoire. C'est en 1848 que pour la première fois le sieur Outshoorn s'est présenté à la Chambre pour réclamer une indemnité pour les pertes qu'il a éprouvées lors de l'incendie de l'entrepôt d'Anvers, pendant la révolution de 1830. A plusieurs reprises, la Chambre a été appelée à examiner et à discuter cette affaire.
Une première fois la commission des pétitions en 1849 a proposé l'ordre du jour ; il y a eu une longue discussion sur cet objet et on a fini par ordonner le dépôt au bureau des renseignements ; une deuxième fois en 1853 une nouvelle pétition a été soumise à la Chambre, et alors on a proposé et voté le renvoi au ministre des finances.
En 1858, on est de nouveau revenu à la charge et la commission des pétitions a proposé le dépôt au bureau des renseignements. Une nouvelle discussion s’est engagée et le dépôt au bureau des renseignements a été adopté. Mais le pétitionnaire s'étant de nouveau adressé à la Chambre an mois de juin de la même année, la Chambre revenant sur sa première décision, a renvoyé la pétition du sieur Outshoom à M. le ministre des finances, qui, par sa lettre du 20 mai, a annoncé à M. le président de la Chambre, que sa pétition avait été adressée à son collègue de l'intérieur, dans les attributions duquel rentrait l'objet de la réclamation.
Il s'agit, en effet, d'une indemnité que pétitionne le sieur Outshoorn pour les pertes qu'il a subies par suite du bombardement de l'entrepôt.
L'allocation votée par la Chambre était destinée à indemniser les Belges et les étrangers appartenant aux nations qui n'étaient pas en hostilité avec la Belgique.
Le sieur Outshoorn étant Hollandais, la commission chargée d'en faire la répartition et la distribution n'a pas pu le comprendre dans le nombre des ayants droit.
Le gouvernement, ayant été saisi de plusieurs de ces pétitions, n'a pas jugé à propos de présenter un nouveau projet de loi. L'allocation que la Chambre a votée est épuisée. Tout a été partagé entre les ayants droit et aujourd'hui le sieur Outshoorn demande une indemnité d'une dizaine de mille fr. Mais ce n'est pas 10,000 fr. que la Chambre devrait voter ; d'autres ayants droit, également Hollandais, se trouvent absolument dans la même position que le sieur Outshoom. Il s'agirait donc d'une nouvelle allocation de 150,000 fr.
Ce n'est pas le montant de l'indemnité qui devrait arrêter la Chambre, s'il y avait réellement justice à l'accorder. Mais la loi n'a pas admis les Hollandais au partage de l'indemnité. Le pétitionnaire a donc été exclu de ce partage en vertu de la loi ; et pour qu'une indemnité pût lui être accordée, il faudrait un nouveau projet de loi. Toutes les discussions qui ont eu lieu à la Chambre ont démontré qu'il est impossible deprendre en considération la demande du sieur Outshoom sans le vote d'un nouveau projet de loi, dû à l’initiative soit du gouvernement, soit d'un membre de cette assemblée.
Le gouvernement, auquel ont été renvoyées successivement les pétitions du sieur Outshoorn, n'a pas jugé à propos de présenter ce projet de loi, et il paraît qu'il est bien décidé à ne pas la présenter.
Reste l'initiative des honorables membres de cette Chambre.
Votre commission qui, à plusieurs reprises, vous a proposé le dépôt de pétitions semblables au bureau des renseignements ou l'ordre du jour, vous propose, cette fois encore, le dépôt au bureau des renseignements, Le gouvernement, qui est saisi depuis des années de la question, n'a pas jugé à propos d'y donner suite ; le renvoi de la requête aux ministres serait donc inutile. Car l'affaire n'a pas changé de face. Elle se trouve identiquement dans les mêmes termes qu'en 1848 et en 1855.
Votre commission conclut donc au dépôt de la pétition au bureau des renseignements.
M. De Fré. - Je demande que la discussion des conclusions de ce rapport soit renvoyée à une autre séance.
M. Vermeire. - J'avais examiné les pétitions qui antérieurement ont été adressées à la Chambre, et je crois qu'en ce qui concerne le sieur Outshoorn, il y a eu un déni de justice à ne pas l'indemniser comme on a indemnisé tous ceux qui ont souffert du bombardement d'Anvers.
Si l'on veut une dernière fois examiner cette question à fond, je crois qu'il serait nécessaire de renvoyer la discussion à un autre jour. Alors les membres qui se sont occupés déjà de cette affaire, pourraient revoir leur dossier.
Si cependant la Chambre n'en décidait pas ainsi, je demanderais la parole pour appuyer la demande du pétitionnaire.
M. Muller. - Je demande la parole contre l'ajournement.
On se plaignait tantôt que la Chambre ne pût que difficilement vaquer à tous ses travaux, et l'on réclame un ajournement pour ressusciter une discussion qui a déjà eu lieu trois fois dans cette enceinte, qui a été très longue, très approfondie. C'est le pendant de l'affaire de Peneranda, qui nous a fait aussi perdre un temps précieux.
Si l'on continue à suivre le système qu'on voudrait vous faire, en quelque sorte, consacrer, des pétitionnaires reviendront constamment à la charge et la Chambre sera obligée d'examiner non pas une fois, deux fois, trois fois, mais à l'infini, les mêmes réclamations.
S'il y a encore des observations à présenter sur le fond, qu'on les soumette aujourd'hui, la question est bien connue, et nous sommes parfaitement en état de la décider.
M. De Fré). - Je me suis borné à demander l'ajournement de la discussion. L'honorable M. Muller discute le fond et j'ai demandé que le fond ne fût pas discuté.
Il dit que plusieurs fois déjà le pétitionnaire a produit sa réclamation à la Chambre. On pourra examiner cela plus tard. Maintenant si la Chambre refuse d'ajourner la discussion sur le fond, je devrai me résigner, mais il me semble que jamais, dans une autre circonstance, une demande de ce genre de la part d'un membre n'a été refusée.
M. Muller. - Je ne voudrais pas avoir prononcé une parole qui pût être désobligeante pour l'un de mes collègues. Je mets complètement l’honorable membre en dehors d'un semblable débat. C’est à tort, du reste, qu'il m'a objecté d'être entré dans la discussion du fond. J'ai dit qu'il y a à opposer à l'ajournement un puissant motif, c'est que la Chambre avait déjà épuisé trois fois la question, et que de semblables répétitions de débats ne peuvent se prolonger à perpétuité, Telle a été la portée de mes observations.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Voici ce qui a été dit dans la séance du 28 mai 1858 au sujet de la même question.
(page 737) - Plusieurs voix. - C'est le fond.
M. Vander Donckt. - Non, il s'agit de l'ajournement. Je me rappelle parfaitement ce qui s'est passé, quand la première pétition a été examinée. Il pouvait y avoir quelques doutes alors ; il n'y en a plus aujourd'hui. Il est impossible que nous revenions sur une décision que nous avons prise en 1848. Cette question ne peut s'éterniser. La réclamation a été repoussée : je puis dire qu'elle a été repoussée puisqu'on n'en a pas admis, en 1848, le renvoi au gouvernement. Prendre aujourd'hui une autre décision, c'est donner aux pétitionnaires des espérances qui ne peuvent se réaliser.
Que l'honorable M. Vermeire me dise à quoi bon encourager de nouvelles pétitions, alors qu'il est certain que ces pétitions ne pourraient pas être accueillies. Ce serait éterniser un débat sans résultat possible.
M. De Fré. - Puisque ma proposition est combattue, je la retire.
M. Vermeire. - Messieurs, la question soulevée par M. Outshoorn a été, en effet, produite devant la Chambre à plusieurs reprises. Voici la position dans laquelle se trouve le pétitionnaire.
Il est venu en Belgique, si ma mémoire est fidèle, en 1817 ou en 1818 ; il a épousé une femme belge ; sous le gouvernement des Pays-Bas, il était armateur à Anvers et il avait, à l'entrepôt de cette ville, des marchandises qui ont été brûlées lors du bombardement. La Chambre, dans un moment de générosité, a décidé que tous ceux qui avaient souffert de ce bombardement seraient indemnisés par le trésor belge. (Interruption.)
Il est assez singulier qu'on se plaise à l’interrompre au moment où je vais répondre aux objections qu'on me fait. Je dis que la Chambre a voulu indemniser non seulement les Belges, mais tous ceux qui avaient essuyé des pertes. Une seule nation était exceptée, c'est la Hollande avec laquelle nous étions en guerre.
Lorsque nous avons conclu le traité de paix, il a été accordé au gouvernement des-Pays-Bas une certaine somme pour indemniser les Hollandais qui avaient souffert du bombardement d'Anvers et des autres faits de guerre. M. Outshoorn s'étant adressé au gouvernement des Pays-Bas, celui-ci lui a répondu que, comme il avait quitté la Hollande depuis très longtemps, on ne pouvait plus le considérer connue Néerlandais ni, par conséquent, l'admettre en partage de la somme destinée à indemniser les Hollandais.
Sur cette décision, M. Outshoorn s'est adressé au gouvernement belge, mais le gouvernement belge lui a répondu qu’il n’était pas prouvé qu’il fût Belge et que, comme Néerlandais, il était exclu de la loi des indemnités ; que, d’ailleurs, la somme était partagée et que de nouvelles demandes d’indemnités ne pouvaient être admises.
H résulte de là, messieurs, qu'un homme qui est en Belgique depuis nombre d'années, qui nous a apporté son avoir et son activité, qui a toujours été considéré comme Belge, que cet homme est le seul qui n'ait pas reçu d'indemnité alors qu'on a indemnisé des Français, des Allemands, des Anglais, des Américains et même des Chinois, s'il y a des Chinois qui ont subi des pertes de ce chef.
Vous ne voulez pas admettre sa demande d'indemnité parce que vous dites que les sommes à répartir ont été distribuées, et d'un autre côté parce que si l'on faisait droit à cette demande d'une somme de 10,000 fr., on produirait peut-être d'autres réclamations pour des sommes qui pourraient bien s'élever à 150,000 francs. Messieurs, la question n'est pas là ; la question est de savoir s'il faut étendre le principe de la loi de ces indemnités spéciales, et si M. Outshoorn, à qui on conteste la qualité de Hollandais en même temps qu'on lui dénie la qualité de Belge, doit être exclu de l'application de ce principe de justice distributive auquel on fait si souvent appel dans cette enceinte.
M. Outshoorn a rendu des services signalés à la Belgique. Lors du bombardement d'Anvers, il montait la garde, il figurait dans les rangs de la garde bourgeoise, il était au nombre de ceux qui s'efforçaient de sauver les propriétés des habitants d'Anvers ; je le repaie, il a rendu des services signalés, et c'est peut-être pour cela que sa demande a été repoussée.
Je dis, messieurs, que c'est là une souveraine injustice.
Tels sont, messieurs, les antécédents de M. Outshoorn, et voilà les motifs pour lesquels elle a été reproduite si souvent.
M. B. Dumortier. - Messieurs, il est très facile de résoudre la question. Qu’est-ce que la loi des indemnités et qu'est-ce que l’incendie de l’entrepôt d'Anvers ? Vous le savez, messieurs, ce sont les Hollandais qui sont venus commettre cet acte de barbarie.
Eu 1848 lorsqu'il s'est agi des indemnités, la question s'est trouvée réduite à des termes très simples : Est-il juste que la Belgique qui, d'après le droit public ne doit rien à personne du chef de ce fait de guerre accorde des indemnités à ceux qui lui ont fait un si grand mal ?
La Chambre a décidé à l'unanimité qu'il n'était pas possible d'indemniser les Hollandais de dégâts commis par le gouvernement hollandais ; que s'ils avaient des indemnités à réclamer c'était à leur gouvernement qu'ils devaient s'adresser. Voilà, messieurs, ce que c'est que la question des indemnités.
Il n'est pas du tout exact qu'on ait indemnisé tous les étrangers ; on a dit qu'on indemniserait ceux qui appartenaient aux pays avec lesquels on n'était pas en guerre ; or, tout le monde savait bien que le pays avec lequel on était en guerre c'était la Hollande, mais on n'a pas voulu dans la loi exclure nominativement les Hollandais, mais on les a exclus en disant : « les pays avec lesquels la Belgique n'était pas en guerre, » et cela était d'autant plus juste que c'est la Hollande qui a incendié l'entrepôt d'Anvers.
La Chambre a compris qu'il n'était pas possible d'indemniser les auteurs de l'incendie.
Mais, dit l'honorable membre, M. Outshoorn s'est adressé au gouvernement hollandais et le gouvernement hollandais n'a pas voulu l'indemniser.
Le gouvernement hollandais a eu grand tort, car c'est à lui que cette charge incombait en vertu du traité. Mais si le gouvernement hollandais ne paye pas, en résulte-t-il que c'est nous qui devons payer ? Que M. Outshoorn attaque sob gouvernement devant les tribunaux, mais ce n'est pas à nous de remplir les obligations du gouvernement hollandais.
On dit encore que M. Outshoorn est Belge. Eh bien, messieurs, cela est complètement inexact. S'il était Belge, il est évident qu'il aurait été payé ; le gouvernement ne l'a pas payé, parce qu'il se trouvait dans l'exception établie par la loi, exception très légitime, puisque en définitive, je le répète, nous n'avons pas à indemniser les Hollandais du chef de dégâts commis par leur gouvernement.
Je dis, messieurs, avec l'honorable M. Muller, qu'il faut en finir de ces réclamations. La Belgique ne doit pas payer les dettes du gouvernement hollandais. Que le sieur Outshoorn s'adresse au gouvernement' hollandais qui doit le payer, puisque ce gouvernement s'est engagé par le traité à faire face à cette dépense, mais ce n’est pas à nous que cette charge incombe ; et le gouvernement belge a toujours éconduit et a bien fait d'éconduire le pétitionnaire.
Quant à nous, nous n'avons qu'à prendre une seule décision sur les pétitions de ce genre : c'est de prononcer l’ordre du jour ; car ce sont des réclamations contraires aux lois, contraires à l'équité, contraires à tout ce qui est juste.
Je propose l'ordre du jour.
M. Vander Donckt. - Il résulte des termes de la pétition que le sieur Outshoorn est né Hollandais ; il ne nie pas qu'il se soit. Mais il n'avait qu'à se faire naturaliser, s'il voulait réclamer comme Belge ; or, il n'a pas jugé à propos de demander la qualité de Belge ; il est né Hollandais et il est resté Hollandais.
M. Vermeire. - Messieurs, à mon avis, la pétition mérite mieux que l'ordre du jour. On semble croire que le sieur Outshoorn est Hollandais ; mais j'ai déjà dit que la qualité de Hollandais lui est déniée par le gouvernement des Pays-Bas. Dans mon opinion, les Hollandais qui sont en Belgique depuis 1812, qui n'ont pas cessé d'y résider, qui exercent tous les droits de citoyen belge, qui y contribuent à toutes les charges publiques, qui y jouissent de tous les avantages accordés aux citoyens belges ; ces Hollandais-là doivent être considérés comme Belges, (Interruption.)... C'est une question à examiner.
Voici de quoi il s'agit : les Hollandais eux-mêmes ont été indemnisés en vertu du traité de 1839. Ainsi ce traité est venu désintéresser ceux mêmes qui ont causé les désastres, qui ont causé tous les dommages ; un seul n'a pas été indemnisé ; eh bien, c'est celui qui semble n'être ni Hollandais, ni Belge, qui n'est point cependant un mythe, puisqu'il existe bien et dûment en os et en chair.
Je pense que la pétition mérite d'être examinée, et qu'il y a lieu de décider, d'une manière définitive, si oui ou non l'équité, la loyauté exige qu'on applique à M. Outshoorn les principes de la loi des indemnités.
- L'ordre du jour, proposé par M. B. Dumortier, est mis aux voix et adopté.
M. le président. - La parole est continuée à M. le rapporteur.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Oar pétition datée de Joncret, le 8 février 1860, le conseil communal de Joncret réclame l'intervention de la Chambre piur que le gouvernement accorde la concession du chemin de fer de Morialmé à Givet.
Les membres de l'administration communale et des habitants de Florennes, Vonêche, Villers-Gambon, Surice, Rosée et Franchimont présentent des observations en faveur de la demande en concession d'un chemin de fer de Châtelineau à Givet par Morialmé.
Même observation du conseil communal de Gerpinnes et des bourgmestres du canton de Florennes et de propriétaires, exploitants, industriels et commerçants de l'arrondissement de Charleroi.
Le conseil communal de Villers-Poterie demande que le gouvernement accorde la concession d'un chemin de fer de Morialmé à Givet.
Même demande du conseil communal d'Acoz.
Messieurs, vous voyez, rien que par le nombre des pétitionnaires, que le chemin de fer dont il s'agit doit avoir un caractère d'une haute importance, qu'il doit donner une nouvelle vie aux industries exercées dans les localités que cette voie de communication est appelée à traverser.
Votre commission qui n'a pas les éléments nécessaires pour apprécier les motifs, d'ailleurs très plausibles, que font valoir les pétitionnaires, conclut au renvoi des pétitions à M. le ministre des travaux publics.
M. de Baillet-Latour. - Messieurs, la pétition dont il vient d’être fait mention mérite une attention toute particulière. Elle a pour (page 738) but d'attirer fortement l'attention et l'intérêt public sur une nouvelle ligne de chemin de fer dont les avantages sont de la plus incontestable évidence. Relier Châtelineau, c'est-à-dire la riche et productive contrée de Charleroi, avec la Meuse française, c'est déjà une combinaison très heureuse, très désirable pour le commerce de la Belgique avec la France.
Mais le projet fait plus. Il tend à favoriser notablement notre commerce et notre industrie à l'intérieur. La nouvelle ligne atteint et parcourt une contrée extrêmement riche en produits naturels auxquels il ne manque que des voies de transport rapide et économiques pour se transformer en produits industriels dans une foule d'établissements nouveaux et dans un pays tout neuf où la main d'œuvre abonde. Cette contrée, c'est celle que j'ai l'honneur de représenter. On sait en général qu'elle est une des mieux partagées en gîtes de minerais de toute espèce. Elle produit, en outre, les marbres, les pierres, les sables de verrerie, la chaux agricole, les houilles d'usines, les bois de construction, le charbon de bois pour les fourneaux, et bien d'autres matières que je m'abstiens d'énumérer. Déjà elle a des scieries de marbre, des forges et d'autres établissements montés sur une échelle malheureusement trop restreinte, par suite, je le répète, de la difficulté des transports, mais qui ne tarderont pas, grâce au chemin de fer, à doubler d’importance.
Mais, ce qui doit particulièrement mériter votre approbation, messieurs, c'est que les auteurs de ce projet ne demandent aucun sacrifice pécuniaire au gouvernement. Liés à une puissante compagnie française, qui comprend l'avenir des relations nouvelles promises à son pays, les demandeurs en concession sont en mesure d'exécuter la ligne au moyen de leurs propres ressources. Ils ont trop bien étudié ses avantages pour ne pas compter sur son produit.
Cette ligne, enfin, a le mérite, au point de vue des voyages, d'ouvrir une communication qui manque absolument entre Charleroi et Givet, et qu'on ne remplace aujourd'hui que par de longs détours. En traversant l'arrondissement de Philippeville, il serait bien à désirer qu'elle pût atteindre, au moins par un embranchement, qui serait très court, cette ville si déshéritée, si tristement victime de circonstances impérieuses. A cet égard, je dois me borner à émettre un vœu modeste, et je me confie bien volontiers dans la prudence et la sagacité de M. le ministre des travaux publics. C'est dire que j'appuie de toutes mes forces le renvoi de la pétition au gouvernement.
- Les conclusions de la commission des pétitions sont mises aux voix et adoptées.
M. le président (pour une motion d’ordre). - L'ordre du jour amène la discussion du projet de loi apportant une modification à la loi provinciale et à la loi communale, en ce qui concerne le serment.
M. le ministre de l'intérieur étant indisposé, nous pourrions ajourner cet objet jusqu'au jour de la rentrée. (Assentiment.)
M. de Rongé, rapporteur. - Par pétition datée d'Ath, le 25 août 1859, le sieur Bombeke, ancien conducteur de première classe au corps des ponts et chaussées, demande la révision de sa pension.
Le sieur Bombeke signale quelques erreurs dans le tableau de ses états de service ; il base sa demande de majoration de pension sur leur rectification. La commission des pétitions conclut au renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. de Rongé, rapporteur. - Par pétition datée d'Anvers, le 24 septembre 1859 des artisans d'Anvers, Borgerhout et Deurne demandent que les travaux d'utilité publique, récemment décrétés, soient exécutés par des ouvriers belges et mis en adjudication par lots à la portée de petits entrepreneurs.
Les travaux à exécuter à Anvers étant adjugés, la commission des pétitions propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. de Rongé, rapporteur. - Par pétition datée de Fineuse, le 8 avril 1859, le sieur Lepère prie la Chambre d'accorder un subside à la commune de Tournai, pour l'empierrement et l'élargissement de chemins.
Les raisons alléguées par le sieur Lepère à l'appui de sa demande engagent la commission des pétitions à renvoyer sa lettre à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. de Rongé, rapporteur. - Par pétition datée de Fineuse, le 8 avril 1859, le sieur Lepère demande qu'il soit donné suite à sa pétition, ayant pour objet une augmentation de pension et une place de commissaire voyer.
Les termes dans lesquels cette pétition est conçue engagent la commission des pétitions à demander l'ordre du jour.
- Adopté.
M. de Rongé, rapporteur. - Par pétition datée de Malines, le 9 avril 1859, le sieur de Cannart d'Hamale, ancien contrôleur des contributions directes, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une indemnité qui puisse couvrir les frais d’une maladie contractée par suite de l’exercice de ses fonctions.
La commission des pétitions a décidé de renvoyer sa lettre à M. le ministre des finances.
- Adopté.
M. de Rongé, rapporteur. - Par pétition datée d'Anvers, le 29 mars 1859, le sieur Dierckx réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une somme de 2,500 francs à titre de dommages constatés à ses cristaux revenus de l'exposition universelle de Londres.
Le sieur Dierckx a intenté de ce chef au gouvernement une action en dommages et intérêts. En présence du jugement intervenu qui a donné gain de cause à l'Etat, la commission des pétitions propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. le président. - La commission propose le rejet de cette demande, dans les termes suivants :
« Le sieur Patte, négociant à Bruxelles, qui, en 1856, a obtenu la naturalisation ordinaire, vient aujourd'hui solliciter la grande naturalisation, faveur insigne qui ne peut être pour l'étranger que la récompense de services éminents rendus au pays. L'impétrant n'invoque, à l'appui de sa requête, aucun acte extraordinaire, aucun fait éclatant, et ne se trouve dans aucune des conditions spéciales qui peuvent motiver une demande en grande naturalisation.
« Quelle que soit donc l'honorabilité du sieur Patte, votre commission est d'avis unanime qu'il n'y a pas lieu d'accueillir favorablement sa demande. »
Il va être procédé au vote par boules blanches et boules noires sur la prise en considération de la demande du sieur Patte.
- Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants, 59
Boules noires, 55
Boules blanches, 4
En conséquence, les conclusions de la Commission sont adoptées ; la demande n'est pas prise en considération.
L'ordre du jour étant épuisé, la Chambre, conformément à sa décision, s'ajourne au mardi 28 février.
La séance est levée à 4 heures.