(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)
(page 725) (Présidence de M. Orts.)
M. de Florisone procède à l'appel nominal à 2 heures et demie.
M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Florisone présente l'analyse des pétitions suivantes :
« Des habitants de Gand demandent l'abrogation des articles 414, 415 et 416 du Code pénal.»
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du titre V, livre II, du Code pénal.
« Le sieur Perpeet-Uttebroeck réclame l'intervention de la Chambre, pour que son fils Jean-Henri-Adolphe, maréchal des logis fourrier au 4e régiment d'artillerie, obtienne son congé ou du moins un congé illimité. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de Villers-Poterie demande que le gouvernement accorde la concession d'un chemin de fer de Morialmé à Givet. »
- Même renvoi.
« Par 21 messages, en date du 14 février, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion à autant de projets de loi de naturalisation ordinaire. »
- Pris pour notification.
Discussion des conclusions de la commission des pétitions relatives au chemin de fer de Bilsen à Tongres
La commission propose le renvoi de ces pétitions à M. le ministre des travaux publics. La discussion est ouverts.
La parole est à M. Julliot.
M. Julliot. - Messieurs, vous avez entendu le rapport présenté, par l'honorable M. Vander Donckt, en séance du 27 janvier.
Je viens présenter quelques considérations sommaires pour appuyer les conclusions de ce rapport.
J'aurai surtout à démontrer que la fatalité s'attache parfois à des groupes de populations, comme elle s'attache à des familles, ou à des individus. La situation faite à la plus ancienne cité de la Belgique a le triste privilège d'en offrir un frappant exempte.
Avant 1830, Tongres était ville agricole faisant quelque commerce avec la Hollande et avec Liège.
La révolution vint profondément modifier cette situation ; la ville de Maestricht, chef-lieu de la province, fut et resta fermée jusqu'en 1839, et pendant cette période, Tongres hérita d'elle, son commerce, sa cour d'assises et le reste ; bref, Tongres remplaçait Maestricht en tout, à l'exception du gouvernement provincial qui fut établi à Hasselt.
La population de la rive droite de la Meuse, aujourd'hui érigée en duché de Limbourg, comptant 160,000 habitants et possédant un sol très productif, vint immédiatement traiter à Tongres toutes ses affaires commerciales, judiciaires et en partie administratives, qu'elle faisait avant cette époque à Maestricht.
Tout le monde alors en Belgique était égal devant les moyens d’échange, il n'y avait pas de privilégiés sous ce rapport. On avait des routes pavées et on ne savait mieux.
Tous enfants d'une même famille qui venait de se constituer, nous étions régis par les mêmes lois politiques et économiques et nous vivions heureux sous le principe de la liberté et de l'égalité, nous étions même unis et forts, la diplomatie s'en souvient.
Dans cette période, une vie nouvelle s'ouvre pour cette ville ; les habitations sont insuffisantes, de nombreux fonctionnaires et beaucoup de négociants émigrent de Maestricht à Tongres, pour éviter de (page 726) partager la ruine d'une ville fermée pour longtemps, et pendant ces neuf années de prospérité, des affaires commerciales s'établissent entre ces populations de la rive droite de la Meuse et la ville de Tongres ; des capitaux nombreux y sont engagés, ainsi que dans la bâtisse d'habitations.
Cette ville, confiante dans le patriotisme et l'union de tous les Belges, se promit une ère de prospérité, qui malheureusement ne devait durer que le temps nécessaire à fourvoyer tous ces capitaux engagés, prédestinés à une perte certaine.
On peut se figurer l'aspect de cette ville le jour où elle lisait au Moniteur que cette population de 160,000 âmes qui lui apportait la vie et l'activité, allait être séparée d'elle violemment et lui serait étrangère le lendemain, parce qu'un cordon de douanes et des passeports difficiles à obtenir couperaient court à toute relation d'affaires et même d'affection.
L'histoire tout entière des communes belges ne fournit aucun exemple d'un abandon aussi complet et aussi instantané.
Je dis que notre histoire ne contient rien de pareil.
Aussi, quand le gouvernement fit assez en finances pour pousser au progrès et au bien-être, il aurait dû, au lieu de se créer de nouvelles obligations, courir au plus pressé, cicatriser les plaies qu'il avait faites par raison d'Etat et payer avant tout une dette patriotique de premier ordre.
Il devait tendre à cette ville une main reconnaissante et relever ceux qu'il avait dû terrasser pour pouvoir se constituer. Mais il n'en fut pas ainsi.
En se reportant à 1834, on voit qu'il fut décrété de relier par un chemin de fer d'Anvers à Cologne.
Le premier plan eut pour tracé, Diest, Tongres et Visé ; mais on reconnut qu'il fallait passer à Liège et à Verviers et nous restâmes dans l'isolement.
Plus tard, des chemins de fer et des canaux furent distribués à profusion sur tous les points du pays, mais notre arrondissement n'avait encore rien à y voir.
Finalement, le gouvernement cède gratuitement une partie de chemin de fer à la compagnie d'Aix-la-Chapelle à condition de rattacher la ville de Hasselt à celle de Maestricht. Nouveau sacrifice du trésor et cette fois directement contre les intérêts tongrois, déjà si mal traités.
On se souviendra des efforts faits par notre arrondissement pour obliger cette compagnie à exécuter en même temps une ligne de raccordement avec Tongres.
Mais ce fut en vain ; le gouvernement crut devoir nous combattre, et, par 34 voix contre 24, la question fut encore décidée contre nous.
Eh bien, messieurs, c'est cette nouvelle ligne qui dérive encore le peu d'affaires qui nous restaient, et si nous n'obtenons un raccordement avec cette ligne afin de conserver notre marché d'entrepôt pour Liège, nous n'avons plus de raison d'être, nous sommes de trop.
Pour nous c'est une question de commerce, car nous fournissons aux villes de la province de Liège un quart de leur alimentation ; c'est donc en même temps pour ces villes une question de nourriture pour l'ouvrier et partant une question de concurrence industrielle.
Nous ne demandons pas de faveur, non, mais nous demandons une justice qu'on ne peut nous refuser. Nous pensons qu'après avoir pendant trente ans fourni notre quote-part dans tout ce qui s'est fait au profit d'autres, qu'après que le gouvernement nous a placée par son fait entre cinq ou six stations qui, à l'envi, nous soutirent nos affaires et que de ce chef nous avons concouru nous-mêmes aux dépenses des éléments qui nous ruinent, il ne peut nous laisser plus longtemps dans cette situation.
Ce que nous demandons, c'est que le gouvernement, dans le premier projet de travaux qu'il présentera, nous relie à la station de Bilsen, en lui laissant le choix des moyens, mais que le projet soit assuré d'exécution ne fût-ce que par l'exploitation à l'américaine avec largeur et rails ordinaires, afin que nous puissions arrêter cette dérivation vers d'autres villes qui nous réduit à rien et que cela se fasse le plus tôt possible.
Je tiens en mains un devis consciencieux et assez largement établi qui dépasse à peine un million.
Je puis, sans vouloir encenser le ministère, lui rappeler que quand il veut il peut ;
Que, quand il a une volonté, il est assez fort pour l'exécuter.
Et la Chambre, messieurs, connaît depuis trop longtemps nos titres pour qu'elle n'applaudisse pas à une réparation tardive qui doit être dans le désir de chacun de vous. Je demande donc pour une dernière fois au gouvernement de nous tirer sans retard de la position qu'il nous a faite, je le prie surtout de nous donner une réponse franche et nette, car l'incertitude, quand elle dure vingt ans, est plus intolérable qu'une décision défavorable nettement formulée.
Mon honorable collègue, le comte de Renesse est plus capable que moi de vous exposer tous les détails de cette déplorable affaire.
J’appuie donc, dans ces termes, le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.
M. de Theux. - Messieurs, je ne viens pas combattre l’établissement d’un chemin de fer au profit de Tongres ; j'appuierai cette demande de toutes mes forces, quand elle sera présentée d'une manière convenable.
Quant aux conclusions de la commission, je désire qu'elles soient complétées par le renvoi au département des travaux publics, de toutes les pétitions relatives au chemin de fer de Liège à Tongres, de Tongres à Bilsen ou de Tongres à Hasselt. Je pense que tel est aussi le désir de mes honorables collègues du district de Tongres.
M. le président. - Les conclusions de la commission s'appliquent indistinctement à toutes les pétitions qui concernent cet objet.
M. de Theux. - Il est bon de rappeler à la Chambre que la première demande d'un chemin de fer, faite par la ville de Tongres, se bornait à un embranchement d'Ans à Tongres.
On motivait cette demande, qui a été accueillie par la Chambre, moyennant la garantie d'intérêt pour la dépense d'un million, on la motivait, dis-je, sur les nombreuses relations de Tongres avec Liège ; on faisait valoir notamment que Tongres, un fois relié à la station d'Ans, les marchandises et les voyageurs de Tongres pourraient circuler vers Liège et vers tous les chemins de fer qui y aboutissent, ainsi que vers le Brabant,
On motivait encore la demande sur les nombreuses houillères qui se trouvent à Ans et à Sainte-Walburge, deux sièges d'exploitation très considérables qui alimentent de houilles toute la province de Limbourg.
On disait donc qu'il fallait rapprocher la ville de Tongres de ces exploitations houillères, de ce grand centre de commerce qui s'appelle Liège, et finalement de la province de Brabant.
Cette demande me paraît très raisonnable.
Personne alors ne songeait, dans la province de Limbourg, pas même à Tongres, à donner la préférence au chemin de fer de Tongres à Bilsen.
Ce qui a donné lieu aux pétitions que la Chambre a reçues de Tongres en faveur de l'établissement d'un chemin de fer direct de Liége à Tongres et de Tongres à Bilsen, ce sont les diverses demandes de concessions qui ont été ftates, concessions dont l'une a été accordée et exécutée : c'est celle de Maestricht à Hasselt. Pour s'opposer au chemin de Maestricht à Hasselt, on disait que les villages qui se trouvaient à proximité de cette route et qui commerçaient avec Tongres, commerçaient avec Hasselt ; on disait que pendant que la ville de Maestricht était isolée de toutes les communes du Limbourg vers Maesceck, tout ce commerce se faisait encore par Tongres, et qu'il fallait maintenir cet état de choses à tout prix.
La Chambre n'a pas tenu compte de cette réclamation : elle a compris que ce n'était pas un motif suffisant pour empêcher la construction d'un chemin de fer de Maestricht à Hasselt qui avait seul un caractère sérieux et qui seul a été exécuté.
Depuis lors, un nouveau fait s'est présenté, qui est venu déranger toutes les combinaisons de Tongres : c'est la concession, déjà en voie d'exécution, d'un chemin de fer de Maestricht à Liège, sur la rive droite de la Meuse ; il est évident que toutes les communes auront un commerce plus facile avec ce grand centre d'industrie, qui est Liège, qu'avec Tongres.
La distance sera même peut-être un peu courte et le siège commercial est infiniment plus considérable. Tongres a déjà perdu aujourd'hui ce grand commerce avec les nombreuses communes rurales qui commerçaient avec Maestricht, parce que les relations de ces communes n'ont été rétablies avec Maestricht que lors de l'armistice de 1833 qui a été suivi du traité avec la Hollande.
Aujourd'hui ces relations s'accroîtront encore par la construction du chemin de fer de Maestricht à Liège.
Tongres ne peut plus prétendre à ce commerce rural qu'elle n'a eu que fortuitement au moment de la révolution, c'est un avantage qu'elle n'avait pas auparavant et qu'elle ne peut pas récupérer dans l'avenir.
Tongres a obtenu ce qu'elle n'avait pas auparavant, un tribunal.
Mais laissons ces questions qui n'ont pas d'importance dans le débat, et voyons le projet en lui-même au point de vue de l'intérêt de Tongres, au point de vue de l'intérêt de la province, et au point de vue des intérêts généraux de l'Etat. Je demande d'abord quel serait le produit d'un chemin de fer de Tongres à Bilsen.
Je n'ai qu'à signaler ce fait que les trois barrières de la route de Bilsen à Tongres, construites depuis 1830, ne produisent ensemble que 3,500 fr. par an. Pour faire connaître l'importance des relations commerciales qui existent entre ces deux localités. Peut-on penser que le chemin de fer absorberait ces minimes relations ? Non elles continueront par la même voie, parce que les paysans se serviront de leurs voitures et de leurs chevaux pour continuer leur commerce avec Tongres et n'iront pas payer le chemin de fer.
Il est impossible que ce chemin soit exploita fructueusement. Il faut établir une station à Tongres et une à Bilsen avec le personnel nécessaire et cela pour rien.
L'honorable M. Julliot dit qu'il se contenterait pour le moment d'un chemin de fer exploité à l'américaine ; mais il ne rapporterait pas de quoi payer le personnel et les frais de chevaux et de voitures et l'entretien du chemin de fer.
(page 727) Mais il y a un autre but dans cette demande, il est bon de l'indiquer à la Chambre.
Evidemment Tongres doit être reliée avec Liège ; il est impossible que cela ne soit pas, comme cela arrivera inévitablement ; on se dit : Commençons par demander un chemin de fer de Tongres à Bilsen, nous aurons ainsi emporté cette direction de Tongres jusqu'à Bilsen.
Ce n'est pas ainsi que la Chambre doit envisager la question.
De quelle manière se traitent les questions de tracé de chemin de fer ?
On recherche le tracé qui produira le plus et coûtera le moins.
Or, c'est le tracé direct de Hasselt par Tongres à Ans qui réunit ces deux conditions, car il vient en communication deux grands centres industriels Hasselt et Liège ayant Tongres pour intermédiaire. Il coûtera aussi beaucoup moins.
Tongres, pour justifier le tracé par Bilsen, prétend qu'il n'est pas bon de se relier à Ans ; il vaut mieux que la rencontre ait lieu à Herstal ; mais pour aller à Herstal il en coûterait trois fois plus que pour aller à Ans, de Tongres à Herstal la dépense serait de 8 millions au lieu de 15,000 à 18,000 francs qu'il faudrait pour aller à Ans.
Et puis, arrivé à Herstal, où est-on ? On se trouve sur le bord de la Meuse, mais on n'est en rapport avec aucun chemin de fer existant. Ensuite pour avoir la houille de Liège, affaire si importante pour le Limbourg, il faudrait la faire remonter de Herstal à Tongres, tandis qu'en faisant le chemin de fer de Tongres à Ans, on trouve les houilles sur la hauteur et à deux lieues au moins plus près qu'on ne les avait à Herstal.
Véritablement, messieurs, cette direction de Tongres à Herstal est incompréhensible pour quiconque connaît les localités et les rapports de commerce.
Autre différence. C'est à l'État qu'on demande la dépense ; dès lors l'Etat a bien aussi le droit de voir quelle direction lui sera la plus avantageuse quant aux produits.
Evidemment c'est celle d'Ans ; car les relations de Tongres avec la route d'Ans à Liège donneront un produit, et celles de la même ville avec le Brabant donneront un produit dans une autre direction, tandis que de Tongres à Herstal, la ligne ne produirait rien comme affluent ; elle ne produirait pas de quoi payer les frais d'exploitation.
Pour nous, messieurs, qui appartenons à l'arrondissement de Hasselt, chef-lieu de il province, nous appuyons la demande du conseil de régence et de tous les distillateurs de la ville de Hasselt, et les distilleries constituent le principale industrie de la province. Nous soutenons les avis émis par les Chambres de commune de Liège et de Verviers, par le conseil provincial de Liège, et primitivement par le conseil provincial de Limbourg. Il est vrai que dans une autre session, le conseil provincial du Limbourg s'est borné à demander le chemin de fer, laissant de côté la question de tracé.
C'est pour éviter les discussions entre les membres d'un même conseil. Mais le conseil provincial savait parfaitement bien que le gouvernement, soumettant cette affaire à l'instruction régulière, à l'avis notamment du conseil des ponts et chaussées, n'hésiterait pas à adopter le tracé direct de Liège par Tongres et Hasselt. Déjà on a l’avis des deux ingénieurs en chef de la province de Liége et de la province de Limbourg qui sont pour cette direction, qui en démontrent les avantages, et les inconvénients de l'autre.
Ce que nous demandons, c'est que le gouvernement examine, qu'il soumette au conseil des ponts et chaussées les divers projets, qu'il s'éclaire du plus de lumières possibles, qu'il prononce dans l'intérêt général de la province et de l'Etat, et pour nous la solution ne sera pas un instant douteuse.
Tout ce que nous demandons, c'est qu'aujourd'hui on se borne à augmenter la garantie d'intérêt, qu'on la fasse porter sur un capital plus fort, parce que le capital de 1,000,000 ne suffit pas ; qu'on garantisse l'intérêt sur un million et demi ou 1,800,000 fr., ou bien que le gouvernement, s'il le préfère, exécute ce chemin de fer aux frais de l'Etat et l'exploite, puisqu'il a tout son matériel et tout son personnel à Ans.
Nous demandons qu'il abandonne cette mauvaise direction, ce tracé ruineux de Tongres à Herstal en avant de Liège, qui ne peut soutenir un instant la discussion d'une manière sérieuse ; qu'il laisse en suspens la direction de Tongres à Hasselt soit directement, soit par Bilsen. Nous ne demandons pas que le gouvernement se prononce en ce moment ; qu'il laisse cette question en entier.
Cette question de la direction de Tongres à Hasselt doit se rattacher à des éventualités.
Il en est une qui est assez probable à mes yeux : c'est que la compagnie d'Aix-la-Chapelle sachant à peine exploiter le chemin de fer de Maestricht à Hasselt, sera obligée de le céder au gouvernement à un prix très modéré et que le gouvernement finira par exploiter cette ligne ; que Hasselt sera ultérieurement relié à Diest où d'autres chemins de fer concédés doivent aboutir, ou avec la Campine où d'autres chemins de fer concédés existent déjà et où d'autres concessions sont demandées.
Alors Hasselt devient, non pas un point extrême, mais le point véritablement central d'un très grand commerce : le commerce de Liège, de Tongres avec Diest, qui se fait par la route la plus courte, et également avec la Campine anversoise.
Et si le projet dont il a été question, le chemin de fer de Bois-le-Duc à Liège devait se faire par le centre de la province de Limbourg, il est évident que la compagnie hollandaise exigerait la direction par Hasselt, parce qu'elle aboutirait à une ville qui gagne tous les jours en importance et parce qu'elle traverserait une série de communes pour y arriver.
Tandis que la ligne qui serait dirigée par Bilsen ne traverserait que trois petites communes de la Campine, distantes l'une de l'autre, et où il n'y a rien que du commerce.
La ligne dirigée par Hasselt traverserait au contraire toute une série de communes rapprochées les unes des autres, et d'autre part elle se rapprocherait beaucoup du camp de Beverloo, auquel elle si rattacherait par un embranchement d'une lieue.
Ainsi, messieurs, toutes les considérations de présent et d'avenir militent pour l'opinion que je viens d'exprimer.
Il y a encore une autre considération dont Tongres fera son profit plus tard, je n'en doute pas. Ayant un chemin de fer direct vers Hasselt, Tongres aboutira à toutes les communications de canaux à Hasselt, et surtout au canal vers Anvers, qui parcourt toute la Campine.
De Tongres à Hasselt il y a une petite distance. Tongres profite encore de l'existence des canaux.
Mais, dit-on, Hasselt veut tout accaparer. Ce n'est pas dans cette vue que la thèse que je défends est soutenue. Ce n'est pas parce que Hasselt est chef-lieu, qu'il doit perdre un avantage qui appartient à sa position, à sa population et à son industrie. Les chemins de fer sont établis pour relier les centres d'industrie et les centres de population, et surtout pour les relier de la manière la plus économique. On ne cherche pas à faire des détours pour favoriser telle ou telle localité, tel ou tel petit intérêt. On cherche, dans l'établissement des chemins de fer, les grands résultats.
Ainsi pour tout homme étranger à la province de Limbourg, n'ayant pas à s'occuper d'une manière spéciale des intérêts de Hasselt ou de Tongres, la question ne peut pas être un instant douteuse. Il faudrait moins d'une heure d'étude pour obtenir 1a conviction la plus complète, après avoir vu les documents publiés sur la matière et notamment les rapports des deux ingénieurs, que le projet de chemin de fer de Tongres à Bilsen ne peut se soutenir par aucune considération plausible.
M. de Renesse. - Messieurs, à plusieurs reprises, depuis un certain nombre d'années, j’ai porté et appuyé devant la Chambre les justes doléances et réclamations d'une contrée riche et très populeuse de la province de Limbourg restée en dehors des grands travaux publics exécutés depuis 1830, dans les diverses parties de la Belgique, et jusqu'ici non encore rattachée à notre système général de voies ferrées.
Cet état de choses, si préjudiciable à tous les intérêts de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter à la Chambre depuis si longtemps, a derechef engagé la ville de Tongres à adresser à la Chambre une nouvelle requête, sous la date du 25 novembre dernier, à l'effet d'obtenir, à son tour, un railway qui puisse la retirer de son isolement et sauvegarder ainsi tous ses intérêts commerciaux actuellement gravement compromis, par suite des différents chemins de fer qui l'entourent et tendent à diriger vers d'autres parties de notre pays et vers l'étranger surtout, les denrées et produits de la partie nord-est du Limbourg, qui, avant l'établissement de la voie ferrée de Maestricht à Hasselt, se déversaient presque toujours sur le grand marché de Tongres, réellement un des principaux marchés entrepositaires de la ville de Liège.
C'est afin de pouvoir conserver sa position antérieure et si nécessaire pour le maintien du principal marché du Limbourg, que l’administration communale de la ville de Tongres et un très grand nombre de ses habitants de toutes les classes viennent demander avec instance à la Chambre de vouloir leur donner un bienveillant appui auprès du gouvernement, en prenant en considération la situation si exceptionnelle de la ville de Tongres, la plus ancienne cité de la Belgique, seul chef-lieu judiciaire provincial, non encore relié à aucune voie ferrée, et qui sera aussi bientôt le seul chef-lieu administratif d'une certaine importance,
Pour la retirer de son complet isolement, en attendant que le chemin de fer international, le plus direct de Liège vers la Hollande, puisse être décrété, la ville de Tongres appuyée, sous ce rapport, par beaucoup de communes de son arrondissement, actuellement si délaissée, réclame l'exécution d’une petite partie de cette ligne levée de Bilsen à Tongres ; cette section, qui a moins de 12 kilomètres de longueur, serait d'une exécution très facile, le mouvement du terrain y étant peu considérable, et coûterait environ 1,200,000 à 1,400,000 fr. ; elle serait la première section du railway à construise entre la ville de Liège et la Hollande, sur la rive gauche de la Meuse.
Cette petite voie ferrée qui partirait de Bilsen, au-dessus de la station actuelle de Munsterbilsen, du chemin de fer de Maestricht à Hasselt, mais plus vers cette dernière ville, raviverait, en outre, ce railway dont l'exploitation laisse beaucoup à désirer et maintiendrait surtout les anciennes relations commerciales avec Tongres, de la partie nord-est du Limbourg dont plusieurs cantons, ceux de Bilsen de Mechelen, de Maeseyck (page 728) et de Brée, appartiennent à cet arrondissement judiciaire et vont être reliés directement à Bilsen par des chemins vicinaux de grande communication, et des routes déjà décrétées ; c'est ainsi que Bilsen deviendra sous peu le point le plus central et le plus direct de ces divers cantons vers Tongres et Liège.
Aussi, lorsqu’en 1856-1857, il a été question de la meilleure direction à donner au chemin de fer liégeois-limbourgeois vers la Hollande, sur la rive droite de la Meuse, le conseil communal de la ville de Liège avait charge une commission de l'examen des différents points de voies ferrées reliant plus intimement les intérêts commerciaux liégeois-limbourgeois ; cette commission, après avoir fait une étude consciencieuse et toute spéciale de cette question si importante pour ces deux provinces, a, sur les conclusions formelles et longuement motivées, dans un excellent rapport, conclu à donner la préférence à la direction de Liège par Tongres et Bilsen vers la Hollande.
Les conclusions de ce rapport sont particulièrement fondées « sur ce que Liège a des intérêts industriels et commerciaux fort importants engagés dans la question des chemins de fer vers le Limbourg et la Hollande, pays qui sont pour cette ville tout à la fois des marchés d'exportation et de production. Nos produits industriels, notamment le charbon, les fers, etc., dit le rapport, y trouvent un écoulement considérable, et nous en retirons beaucoup de produits naturels, tels que denrées alimentaires, bestiaux, etc., dont l'abondance et le bon marché exercent une influence puissante sur le bien-être de nos populations et sur la condition de notre industrie : l'abondance engendre le bon marché ; celui-ci, à son tour, en rendant moins coûteuse l'alimentation de l'ouvrier, abaisse le prix de la main-d'œuvre, etc. »
Dans ce même rapport, la commission spéciale fait, en outre, ressortir que la ville de Liège « doit aspirer à rapprocher les marchés et craindre ce qui peut les éloigner ou les détourner. »
Sous ce dernier rapport, la commission insiste, tout spécialement, pour la direction de Bilsen ; elle s'exprime ainsi : « La petite ville de Bilsen est le point central de communication de quatre cantons importants du Limbourg ; ceux de Bilsen, de Mechelen, de Maeseyck et même de Brée. C'est l'artère par laquelle circulent les produits pour arriver à Tongres, marché intermédiaire et ensuite à Liège, marché de consommation. Le marché de Tongres importe à la prospérité de Liège, et il y aurait folie à l'amoindrir, au profit de Hasselt et à notre détriment, en l'éloignant de nous :-il serait funeste de transporter à 8 lieues de nous ce qui est à 5 lieues surtout si au dommage par augmentation des frais, de transport se joint le péril de détourner vers le Brabant, et même vers l'Angleterre, des produits nécessaires à notre consommation. »
La commission en conclut que la proximité du marché de Tongres ne peut réellement être indifférente à la ville de Liège ; elle constate : « D'après des états statistiques, l'importance de ce marché et les relevés du bétail amené du 25 août 1855 au 21 août 1856, aux marchés qui se tiennent à Tongres le jeudi de chaque semaine, indiquent que le total se monte pour l’année au-delà de 103,000 têtes de bétail (bêtes à cornes, à laine et porcs), que chaque semaine 3,500 à 3,600 hectolitres de grains y viennent chaque jour de marché, soit un total de 184,000 hectolitres.
« Et le relevé des trois foires aux chevaux de Tongres donne un total de 2,051 chevaux et poulains. »
Ces observations si justes de cette commission prouvent que la ville de Tongres doit chercher à maintenir l'importance de son marché de chaque semaine, si prospère, il y a encore quelques années, et empêcher qu'il ne puisse s'amoindrir par le détournement des produits agricoles et autres du nord-est du Limbourg qui, déjà depuis l'établissement de la voie ferrée de Maestricht vers Hasselt, commencent à prendre une autre direction, au grand détriment des intérêts tongrois et liégeois ; c'est donc pour la ville de Tongres une question de vie ou de mort que d'être rattachée, dans un avenir le plus rapproché, par une ligne ferrée à Bilsen qui est réellement l'artère de ses relations commerciales avec cette partie du Limbourg, si riche en produits agricoles de toute nature. »
Aussi, d'après une nouvelle délibération que je viens de recevoir de l'administration communale de la ville de Tongres, elle croit devoir insister de nouveau pour que la Chambre et le gouvernement veuillent accueillir avec bienveillance la demande de la population tout entière de cette ville, « que Tongres soit rattachée à Bilsen dans un délai très rapproché. » C'est là réellement la véritable expression des besoins de cette ville, Bilsen étant pour le moment le raccordement le plus indispensable à Tongres.
Cette assertion si formelle de l'administration de cette ville est la preuve du grand intérêt qu'elle éprouve pour une prompte exécution de cette petite voie ferrée, eu attendant qu'elle puisse aussi être reliée à la ville de Liège.
Nous voyons, par la pétition de la ville de Tongres, que déjà, dès l'année 1857, cette ville a été en instance auprès des Chambres et du gouvernement afin que le tracé de la voie ferrée à décréter dans la province de Limbourg fût dirigé par Tongres vers Maestricht ; c'est cette direction que le conseil provincial, à une grande majorité, avait formellement indiquée alors ; c’était réellement la seule ligne qui pouvait donner satisfaction aux intérêts de la partie la plus riche, la plus populeuse de cette province ; les cantons de Saint-Trond, Looz, Tongres et de Maestricht (aujourd'hui de Sichen-Sussen et Bolré), ainsi que la partie populeuse du canton de Bilsen, eussent alors été traversés dans leur entier, tandis qu'actuellement le chemin de fer limbourgeois ne fait qu'effleurer cette contrée, dont la population est agglomérée, et certes si le railway de Maestricht à Landen avait été dirigé au travers des divers cantons si riches en produits de toute nature, et dont la population, si concentre, est de plus de 80,000 habitants, il n'y a nul doute que la société de ce chemin de fer ferait de très bonnes affaires, au lieu des mauvaises qu'elle fait actuellement, puisque aujourd'hui, elle ne peut desservir que très imparfaitement les intérêts de la plus riche et populeuse partie du Limbourg ; aussi, depuis quelque temps des plaintes nombreuses ont été adressées aux Chambres et au gouvernement contre une exploitation qui laisse actuellement beaucoup à désirer ; je crois, sous ce dernier rapport, devoir insister, particulièrement, auprès de l'honorable ministre des travaux publics, pour que cette société soit obligée à la stricte observation de son contrat, afin de mieux desservir les intérêts qui se croient lésés.
Cette situation si exceptionnelle de cette partie de la province de Limbourg, n'est plus tolérable aujourd'hui, lorsque surtout elle souffre depuis quelque temps, dans tous ses intérêts, par suite de l'établissement des voies ferrées qui l'entourent, et qui portent ailleurs celle vie active et commerciale, résultant nécessairement de ces moyens de communication rapides, faciles et économiques. C'est donc par le fait de grands travaux et de moyens de transport plus faciles accordés à des localités qui l'environnent actuellement, qu'elle est froissée en restant dans son isolement, si préjudiciable à tous ses intérêts. Aussi, il est constaté que depuis l'ouverture du railway de Maestricht à Hasselt, le grand marché hebdomadaire de Tongres éprouve des pertes assez notables, par le détournement d'une partie des produits du nord-est du Limbourg vers d'autres localités et vers l'étranger, tandis qu'auparavant ils étaient déversés dans ce marché très rapproché et entrepositaire de celui de la ville de Liège.
Par cet état de choses si déplorable, surtout, pour la ville de Tongres, l'on peut affirmer, comme le fait la pétition des habitants de cette ville, que le prix des maisons y a subi une diminution d'environ 50 p.c. de leur valeur, ce qui est une preuve manifeste de la situation fâcheuse où elle se trouve par suite de son isolement forcé ; il est dont impossible que les Chambres et le gouvernement tolèrent plus longtemps une pareille situation, si exceptionnelle, qui fait tache au milieu d'autres parties de notre Belgique régénérée.
En effet, depuis 1830, presque dans toutes les diverses contrées du pays, de grands travaux publics ont été décrétés, des chemins de fer y ont été établis ou sont en voie de création. Tongres seule et la plus belle partie de son district sont restées dans un isolement complet, désastreux à tous leurs besoins commerciaux, et cependant, cet arrondissement du Limbourg a payé en 1839 un dur et très pénible tribut à la nationalité belge lorsqu'elle a perdu une grande partie de son territoire sur la rive droite de la Meuse, et ses nombreuses et anciennes relations commerciales, avec les communes cédées à la Hollande ; elle a contribué, en outre, pour une large part, dans les charges extraordinaires, résultant de tous les grands travaux d'utilité publique ; il serait, en vérité, peu justifiable de ne pas faire au plus tôt droit à de si justes réclamations ; il doit y avoir une espèce de solidarité entre les divers intérêts du pays : les uns ne doivent pas être sacrifiés aux autres.
D'après les différents rapports faits à la Chambre des représentants, de 1851 jusqu'en 1859, par les commissions de pétitions, par les sections centrales de projets de lois de travaux publics et encore aujourd'hui, par le bienveillant rapport présenté par l'honorable M. Vander Donckt, il a été reconnu que la ville de Tongres, seul chef-lieu judiciaire du royaume non rattaché à une voie ferrée, et la contrée environnante, si riche et si populeuse, ont des titres incontestables à être reliées dans un avenir très rapproché, à notre système général des chemins de fer.
Le gouvernement, par sa haute position, par la connaissance qu'il doit avoir de tous les besoins des diverses parties du pays, doit aussi être leur sauvegarde et empêcher surtout que les intérêts commerciaux d'une contrée si importante d'une province, soient froissés, par suite de son délaissement en dehors des communications ferrées ; s'il reconnaît, comme c'est le cas, pour la ville de Tongres, qu'elle souffre, dans tous ses intérêts, par l'état forcé de son isolément, il doit chercher par tous les moyens en son pouvoir à la faire sortir de cette position si extraordinaire et si désastreuse.
Si l'Etat porte au budget, pour la garantie d'intérêt, des sommes très importantes pour différents chemins de fer concédés, dans les différentes parties de nos provinces ; savoir d'après l'évaluation approximative :
Entre-Sambre-et-Meuse, 160,000 fr.
Flandre occidentale, 250,00 fr.
Manage à Wavre, 185,000 fr.
Lierre à Turnhout, 165,000 fr.
La ligne du Luxembourg, 540,000 fr.
Et celle de Lichtervelde à Fumes, pour laquelle il faudra payer probablement, pendant de longues années, l'intégrité du minimum, soit 200,000 fr.
Total porté au budget de la dette publique pour 1860, 1,500,000 fr.
(page 729) L'Etat, en toute justice, ne peut s'abstenir d'intervenir plus activement, soit dans la construction de cette petite ligne ferrée, comme il l'a fait antérieurement pour d'autres localités, entre autres Saint-Trond et Lierre, ou par tout autre moyen plus efficace, afin d'amener le plus promptement possible la réalisation de la demande si fondée et d'ailleurs si modeste de la ville et de la plus grande partie de l'arrondissement de Tongres.
L'année dernière, lors de la discussion du grand projet des travaux publics, j'avais cru devoir de nouveau faire ressortir devant la Chambre, à la séance du 23 août 1859, la position si exceptionnelle de cette partie du Limbourg si délaissée jusqu'ici, sous le rapport des grands travaux publics ; l'honorable ministre des travaux publics a dû reconnaître alors que les réclamations si anciennes de la ville de Tongres étaient très fondées ; il déclarait, à la fin de son discours, « qu'il s'engageait volontiers à examiner, avec toute la bienveillance possible, s'il n'y a pas lieu de rechercher une autre combinaison qui permît enfin de donner satisfaction aux vœux très légitimes de la ville de Tongres. »
Au Sénat, M. le ministre déclarait pareillement, à la séance du 6 septembre dernier, « que le raccordement de Tongres au réseau général des chemins de fer était un besoin reconnu, constaté depuis longtemps et auquel il s'agira de satisfaire d'une manière complète. »
Je crois que le moment est venu de donner une pleine satisfaction aux réclamations si vives d'une partie si intéressante de la province de Limbourg. Maintenir plus longtemps un état de choses si déplorable, c'est vouloir imposer à cette contrée de notre pays encore de nouveaux sacrifices, sans compensation aucune ; ce serait un véritable déni de justice, et le grief de la ville de Tongres et de sa contrée avoisinante s'accroîtrait à mesure qu'elles devraient rester dans leur isolement, si préjudiciable à tous leurs intérêts commerciaux ; il me semble que retarder plus longtemps de satisfaire à d'aussi justes exigences, ce serait avoir deux poids et deux mesures envers les différentes parties de notre pays. Les unes auraient, en effet, successivement obtenu tous les grands avantages résultant des grands travaux exécutés depuis 1830, tandis que des contrées froissées surtout dans tous leurs intérêts depuis 1839, seraient exclues jusqu'ici de ces mêmes avantages, malgré leurs anciennes, nombreuses et si vives réclamations et la part notable de charges qu'elles ont à supporter par suite de ces dépenses extraordinaires de l'Etat.
Aussi, un certain nombre de journaux de nos différents provinces, reconnaissant le fondement de la juste demande de la ville de Tongres, ont attiré l'opinion publique sur la situation si déplorable, sur le complet isolement ou se trouve, depuis trop longtemps, la plus ancienne cité de la Belgique, l'Atuatuca Tungrorum.
Ces journaux ont eu la généreuse pensée de nous offrir leur appui, afin, surtout, d'éveiller l'attention toute particulière des chambres législatives et du gouvernement, sur la position tout exceptionnelle, si unique pour ainsi dire, d’une partie si riche, si populeuse de la province de Limbourg.
Je crois devoir être, à cette tribune, l'interprète de mes commettants, en offrant à MM. les directeurs-rédacteurs de ces feuilles publiques, toute notre sincère gratitude pour le bienveillant et désintéressé concours qu'ils ont bien voulu nous donner en cette circonstance, et, je dirai avec eux, « qu'il y a ici une question de justice et d'équité qui doit peser d'un grand poids dans l'esprit de la législature. »
Et qui surtout, d'après moi, doit peser dans l'esprit du gouvernement, qui, à plusieurs reprises, a promis formellement de tirer la ville de Tongres et sa contrée environnante de leur isolement si désastreux ; je dis, en outre, qu'il est de l'honneur du gouvernement, qui, depuis 1830 a tant contribué pour rattacher plus étroitement entre elles les différentes parties de notre pays, en y établissant successivement des communications ferrées et autres de toute nature, d'employer aussi tous les moyens en son pouvoir pour faire droit à de si justes et de si anciennes réclamations, trop longtemps méconnues, que celles de la ville de Tongres et de sa contrée environnante.
Puisque de toute part l’on reconnaît le droit de la ville de Tongres, d’être rattachée, après de si longues années d’attente, à notre système général de chemins de fer, j’ose espérer que l’honorable ministre des travaux publics ne nous fera pas une vaine promesse ; car, jusqu'ici, cette monnaie ministérielle, il faut bien le dire, nous ne l'avons que trop su apprécier aux dépens de tous nos intérêts ; elle n'est, d'ailleurs, plus cotée à la bourse de Tongres ; il nous faut donc des actes plus positifs qui puissent nous donner la certitude que Tongres sera reliée par une voie ferrée à Bilsen, localité qui est le centre de ses relations commerciales avec la partie nord-est du Limbourg, et que l'isolement cessera dans un court délai pour cette partie si délaissée de la province de Limbourg.
J’appui donc de tous mes moyens le renvoi de la pétition si importante de la ville de Tongres, ainsi que toutes les autres qui y ont rapport à l’honorable ministre des travaux publics, le priant de vouloir, pendant la discussion actuelle, donner une assurance formelle à la ville de Tongres, et à la plus grande partie de son arrondissement, que le gouvernement s’empressera de faire droit, dans un avenir très rapproché, à leurs si fondées et si anciennes réclamations d'être retirés de leur complet isolement reconnu si préjudiciable à tous leurs divers intérêts.
Avant de terminer je dois une réponse à l'honorable comte de Theux ; ce n’est pas la première fois que je me trouve dans un autre que l’honorable collègue à l'égard du chemin de fer liégeois-limbourgeois, quoique étant représentant de la même province ; c'est que la ville de Hasselt a voulu avoir tous les avantages des grands travaux publics, pour elle seule aux dépens d'autres intérêts légitimes que faisaient valoir d'autres localités du Limbourg.
Pour donner à la Chambre quelques renseignements sous ce rapport, je dois reculer de quelques années et faire remarquer qu'en 18441845 le conseil communal de la ville de Hasselt repoussait formellement la ligne directe de Hasselt à Liége que le comte de Theux semble vouloir faire encore prévaloir actuellement ; alors il y avait deux projets en présence, l'un destiné à rattacher Hasselt à Saint-Trond, l’autre proposé pour relier directement Hasselt par Tongres à Liège ; quoi que cette dernière direction donnait un avantage réel à Hasselt, puisqu'elle raccourcissait la distance ferrée entre cette ville et Liége de 5 à 6 lieues ; Hasselt repoussait cette voie plus directe et préférait de faire un détour très considérable, d'être reliée à Liège par Saint-Trond, un détour de plusieurs lieues par chemin de fer n'était alors d'aucune importance pour Hasselt ; l'administration de cette ville reconnaissait cependant dans un document officiel, que les 2/3 de ses affaires commerciales se dirigeaient de et vers Liège.
En 1853, lorsqu’il s'est agi de l'établissement d'une voie ferrée de Louvain, ou de Wespelaer vers Diest, Hasselt et Maestricht, un embranchement de Bilsen par Tongres à Liège, fut pareillement proposé, pour rattacher cette partie si importante de Limbourg au système général de nos chemins de fer ; en même temps, un autre projet de chemin de fer direct de Liège, par Tongres et Cortessem, fut postulé, par feu M. Benard. Ce projet direct fut encore repoussé par le conseil communal de la ville de Hasselt, et une commission chargée de faire un rapport sur ces deux voies ferrées, donna la préférence ainsi que ledit conseil, à l'embranchement de Bilsen, par Tongres à Liège. « Ce tracé, disait le rapport, est sans contredit celui qui satisfait le mieux aux intérêts de cette partie de la province et ferait cesser l'isolement dans lequel elle s'est trouvée depuis 1830. »
Nous étions alors tous d'accord dans le Limbourg pour appuyer cette direction vers Tongres et Liége ; aussi une grande députation, composée de membres des conseils communaux des villes de Hasselt, Louvain, Diest, Tongres, accompagnée de leurs représentants, se rendit alors auprès de plusieurs ministres pour appuyer cette combinaison qui paraissait offrir le plus grand intérêt pour plusieurs de nos provinces ; alors la députation de Hasselt repoussait de nouveau. comme je l'ai déjà dit, la ligne directe de Hasselt à Liège par Cortessem ; elle nous disait, ainsi que l'honorable comte de Theux, que la ville de Tongres devait obtenir l'embranchement de Bilsen comma étant le plus utile à cette partie de la province de Limbourg, et la ville de Hasselt comme chef-lieu de la province défendait réellement les intérêts d'une partie du Limbourg restés dans un isolement complet et qui avait été sacrifiée en 1835 à l'intérêt général.
Malheureusement cet accord ne dura pas longtemps ; dès que la Société de Mackensie eut traité avec la société du chemin de fer de Maestricht à Aix-la-Chapelle pour lui céder sa concession de Landen à Hasselt, et la ville de Hasselt changea immédiatement la bienveillance qu'elle nous avait montrée un moment pour les intérêts de la ville de Tongres ; il ne fallait plus admettre l'embranchement de Bilsen par Tongres à Liége, il lui fallait absolument la ligne directe à Liège par Cortessem.
Les motifs, non avoués, mais qui sont réels, et qui résultent de l'ensemble des faits sont que par le raccordement de Hasselt à Maestricht, plusieurs cantons de l'arrondissement judiciaire de Tongres allaient être reliés plus directement à Hasselt, et pourraient par la suite demander à faire partie de l'arrondissement judiciaire de Hasselt ; voilà tout le grand intérêt, qui est le mobile de cette ville, dans cette question de chemins de fer.
En 1830, le tribunal du chef-lieu de la province avait été établi à Tongres, parce que toute la population concentrée et riche de la province de Limbourg se trouvait plus rapprochée de la ville de Tongres, et même en 1839, lorsque l'arrondissement de Tongres a dû subir la perte d'une partie de son territoire, M. de Theux étant alors ministre a dû reconnaître lui-même que l'on ne pouvait priver la ville de Tongres da tribunal chef-lieu du Limbourg ; cette ville ayant à subir des pertes très notables, par la cessation des anciennes relations commerciales avec la partie cédée.
Il est incontestable que la ville de Tongres se trouvait alors dans une position tout exceptionnelle ; elle devait donc chercher à former d'autres relations commerciales qui se sont plus intimement établies alors, avec la partie nord-est du Limbourg, où il y a quatre cantons appartenant à l'arrondissement judiciaire de Tongres ; ces cantons ont tous pétitionné pour obtenir une communication ferrée avec Tongres par Bilsen. Aussi, dans le Limbourg, toutes les localités les plus importantes, même les villes de Saint-Trond et de Maeseyck et toute la Campine de l'arrondissement di Maeseyck ont réclamé, dans le temps, pour la direction de Bilsen par Tongres à Liége, et si le conseil provincial du Limbourg avait, en premier lieu, adopté la ligne directe de Hasselt par Cortessem et Tongres à Liége, elle ne l'avait fait que dans la prévision que l'embranchement par la vallée du Jaer eût été décrété et exécuté en même temps que la ligne directe ; cela résulte des procès-verbaux dudit conseil.
(page 730) Je ne discuterai pas avec l'honorable comte de Theux sur le raccordement de Tongres à Liège ; cette direction n'est pas, pour le moment, en discussion. Il s'agit de tirer actuellement la ville de Tongres et sa contrée environnante de leur position si exceptionnelle, si désastreuse pour tous leurs intérêts.
C'est surtout pour le maintien du marché principal de la ville de Tongres, que nous sommes obligés de demander, en premier lieu, l'exécution de la petite ligne ferrée de Bilsen à Tongres, dans l'espoir aussi, que peu après et le plus tôt possible, nous puissions être reliés à la ville de Liège.
N'ayant pu saisir toutes les observations que l'honorable comte de Theux a cru devoir présenter contre la demande de la ville de Tongres, je crois devoir me borner à la réplique que je viens de lui faire.
M. De Fré. - Je demande la permission de présenter quelques observations sur les conclusions de la commission. Je ne suis ni député de Tongres ni député de Hasselt. Je suis donc un juge impartial et c'est à ce titre que j'interviens dans le débat soulevé entre l'honorable représentant de Hasselt et les honorables représentants de Tongres.
Dans quelle position se trouve la ville de Hasselt ? La ville de Hasselt a un chemin de fer vers le Brabant, elle a un chemin de fer vers Maestricht et l'Allemagne, elle a un canal vers Anvers. Maintenant Hasselt demande un chemin de fer vers Liège. Quelle est la position de la ville de Tongres ? La ville de Tongres n'a pas un seul chemin de fer, n'a pas un seul canal et j'ai demandé la parole parce qu'il s'agit ici d'appliquer un principe de justice distributive. Je demande ce que cette malheureuse ville de Tongres a fait pour être privée ainsi non seulement de toute protection, mais je dirai de toute justice. Il n'y a presque pas de petite ville en Belgique qui, par un chemin de fer, ne soit reliée à la grande circulation.
La ville de Tongres produit, mais il ne suffît pas de produire, il faut avoir des débouchés pour les produits. On peut être très pauvre en fabriquant beaucoup lorsqu'on ne peut vendre ce qu'on a fabriqué.
Messieurs, quelle est la position de l'Etat ? L'Etat a le plus grand intérêt à ce que chaque centre d'activité prospère. Quand un centre d'activité prospère, la richesse augmente et les revenus du trésor augmentent avec elle. Quand le bien-être se répand, vous avez toujours, au bout d'un certain temps, un plus grand nombre de contribuables.
L'Etat a donc intérêt à ce que tous les centres prospèrent, à ce que tous les produits circulent. Je demande pourquoi la ville de Tongres est la seule ville dont les produits ne peuvent pas circuler avec la même rapidité que ceux des autres centres de production. Voilà la question que je pose.
Comme représentant du pays tout entier, je dis que, quelles que soient les localités que nous représentons, nous devons pourvoir à ce que tous les germes de production donnent leur maximum de produits, si je puis m'exprimer ainsi.
Maintenant que dit la ville de Tongres ? Elle vient nous dire qu'elle a des produits, qu'elle ne peut pas les écouler. Non seulement, elle ne prospère pas comme tous les autres centres de production, mais elle s'appauvrit, sa population diminue parce que l'industrie se restreint, et à l'heure qu'il est la valeur de la propriété immobilière est considérablement dépréciée.
Quel est le devoir de l'Etat ?
C'est de voir augmenter le nombre de ceux qui pourraient, par leur travail, augmenter la production générale.
Il est évident que quand un arrondissement arrive successivement à la misère, le receveur des contributions y perçoit moins au bout d'un certain temps.
Maintenant je dirai à l'honorable M. de Theux, que ce qu'il soutient ici contre la demande formée par l'arrondissement de Tongres, est réfuté d'abord par un mémoire de M. l'ingénieur Splingard, en date du 23 novembre 1855, ensuite par une décision du conseil communal de Hasselt lui-même, du 15 février 1853, et enfin par le conseil communal de Liège de 1855. Dans ces trois documeuis, il a été établi que l'embranchement de Tongres à Bilsen valait mieux qu'unembranchement de Tongres à Hasselt, pour deux motifs. D'abord, sur le parcours de Tongres à Bilsen, il y avait un plus grand nombre de communes à desservir ; en second lieu, le chemin de fer de Tongres à Bilsen coûterait moins cher que le chemin de fer de Tongres à Hasselt.
Maintenant, messieurs, depuis 25 ans, de tous les grands centres de population, sont arrivées dans cette Chambre des réclamations à l'effet d'avoir des chemins de fer. Qu'a fait l'Etat ? Quelle a été la tradition de l’Etat en matière de chemins de fer ?
Lorsque la ligne à construire était une ligne importante au point de vue de la circulation, de la production, et que l'Etat ne trouvait pas une compagnie pour faire le chemin de fer, il se chargeait lui-même de la construction.
Il y a donc deux espèces de chemins de fer, des chemins de fer que l’Etat fait spontanément dans un intérêt général, et des chemins de fer que l’Etat abandonne à l’industrie privée.
En 1851, on a voté un minimum de 4 p. c. sur le capital d’un million, pour relier Tongres à la grande artère, mais jamais une compagnie ne s’est présentée, à l’effet d’exécuter le chemin de fer pour lequel la Chambre avait voté ce minimum. Quel est dès lors le devoir de l’Etat ?
L'Etat va-t-il continuellement se croiser les bras et attendre qu'une compagnie se présente ? En attendant, voilà un grand centre de population qui dépérit, et l'Etat voit, par suite de ce dépérissement, dépérir une partie de ses ressources.
Il s'agit donc ici d'un intérêt général, et l'Etat doit intervenir non pas dans l'intérêt de la ville de Tongres, mais dans son propre intérêt pour doter Tongres d'un chemin de fer.
Mais on vient vous dire : « Il y a mieux que le projet proposé. »
Je répondrai à l'honorable M. de Theux que les habitants de Hasselt ne sont pas juges des intérêts des habitants de Tongres.
Je comprends très bien qu'il vaudrait mieux pour les habitants de Hasselt d'avoir un chemin de fer de plus ; mais cela ne fait pas le compte des habitants de Tongres ; et eux seuls, ayant intérêt à bien voir ce qui leur convient, sont des juges beaucoup plus intelligents que les habitants de Hasselt, car je vois ici une espèce de rivalité exister entre les deux centres.
Le chemin de fer de Tongres à Hasselt étant condamné par les autorités que je vous ai citées, il ne reste plus que le chemin de fer de Tongres à Bilsen. Il vaudrait mieux qu'il y eût un chemin de fer d Ans à Bilsen par Tongres que d'avoir un simple embranchement de Bilsen à Tongres ; mais le chemin de fer à Tongres ne peut être construit, avant qu'on ne sache à Liège où sera établie la station intérieure du chemin de fer.
Voici ce que dit un journal de Liège, la Meuse, (journal parfaitement au courant des intérêts de la localité) dans son numéro du 4 janvier 1860 : « Nous ferons remarquer d'abord que les Tongrois ne demanderaient rien de mieux que d'être reliés tout à la fois et à Bilsen et à Liège. Mais ils savent parfaitement qu'ils n'obtiendraient pas de l'Etat la construction d'une ligne aussi longue, aussi coûteuse, et qui serait d'ailleurs maintenant d'une réalisation impossible ; ils savent que ce serait tout compromettre en voulant tout avoir. Nous ferons observer, en second lieu, que la section de Bilsen à Tongres étant faite, celle de Tongres à Liège est dans la force des choses ; la première, comme le fait fort justement remarquer la pétition, étant une ligne d'importation, tandis que la seconde est la ligne d'exportation. Si l'Etat ne se charge pas, dans l'avenir, de la construction de celle-ci, une société s'en chargera. Il n'y a pas de doute à cet égard.
« Ce point établi, reste à savoir laquelle de ces deux sections doit avoir la priorité. Le Journal de Liège estime que c'est la seconde ? (celle de Tongres à Liège, dont la réalisation rencontrerait le moins d'obstacles. Les Tongrois sont d'un avis absolument contraire et il nous est impossible de ne pas nous y ranger. En effet, notre confrère voudra bien admettre avec nous que l'exécution de cette ligne ne sera possible que lorsqu'on sera définitivement fixé sur la question de l'emplacement de la station intérieure de Liège, à laquelle elle doit aboutir. Or, on est si peu fixé sur cet emplacement, que le Journal de Liège ne nous a pas encore fait connaître son opinion sur cette question importance, laquelle a fait récemment l'objet d'un rapport de M. Blonden, ingénieur-directeur des travaux publics de la ville, rapport qui nous semblait au moins mériter quelque attention. »
Maintenant, en attendant, et ceci est très important, en attendant que par le chemin de fer de Tongres à Bilsen, vous ouvriez aux produits de l'arrondissement de Tongres un débouché vers l'Allemagne et un débouché vers le Brabant, s'il est vrai que l'embranchement général de Liège à Bilsen par Tongres, ne peut pas être fait actuellement, on peut provisoirement exécuter le chemin de fer de Tongres à Bilsen. Si l'on tardait plus longtemps, on commencera la construction du chemin.de fer de Tongres quand l'arrondissement de Tongres sera complètement ruiné.
J'appuie donc vivement les conclusions de la commission des pétitions, et j'engage M. le ministre des travaux publics à faire le plus tôt possible, dans l’intérêt de l'arrondissement de Tongres, ce que réclament ses habitants, les discours de mes honorables collègues Julliot et de Renesse.
M. de Theux. - Messieurs, la thèse que j'ai soutenue est celle-ci : Quand on demande à l’Etat de construire une voie ferrée ou tout autre travail d'utilité publique, il doit être permis au gouvernement d'examiner quelle est la direction, quel est le mode d'exécution qui sont les plus avantageux à l'Etat appelé à faire la dépense.
Messieurs, nous ne prétendons pas que ce soit à la ville de Hasselt de régler les affaires de la ville de Tongres, mais nous prétendons que c'est au gouvernement qu'il appartient de les régler ; or, comme il est convié à les régler sur les instances de pétitions, nous nous croyons parfaitement en droit de lui faire voir ce qui est le plus conforme aux intérêts du pays, aux intérêts de la province, et à ceux de la ville de Hasselt, qui ici a bien aussi un intérêt enjeu par l’importance de son industrie, ses distilleries rapportant un million par an au trésor.
Je ne pense pas que Tongres ait quelque chose qu'il puisse mettre en comparaison avec cette industrie.
Il ne s'agit pas de priver Tongres de chemin de fer ; j'ai déclaré au contraire que j'appuierais de tout mon pouvoir la construction d’un chemin de fer dans l'intérêt de Tongres, mais bien entendu en relation avec l'intérêt de la province et du pays. C'est dans ces limites que je fais mes réserves.
(page 731) Dans mon opinion Tongres devrait commencer par être reliée avec Liège par Ans. Voilà le véritable point où la ville de Tongres doit être reliée, dès qu'il s'agit de faire un chemin de fer aux frais de l'Etat ou avec garantie d'un minimum d'intérêt. Je ferai remarquer qu'on se trompe grandement si on compte qu'un chemin de fer de Tongres à Bilsen rapportera quelque chose d'important à Tongres.
Tongres a aujourd'hui un marché de céréales et d'autres objets qui viennent des communes rurales et prennent la direction de Liège ; eh bien, quand le chemin de fer sera fait, tous les produits de ces communes rurales seront transportés directement à Liège ; Tongres aura le plaisir de voir passer les waggons.
De même les communes rurales iront s'approvisionner à Liège au lieu de le faire à Tongres. Voilà le bilan du chemin de fer de Tongres à Bilsen, prolongé bien entendu jusqu'à Liège ; on ne le comprendrait pas autrement. Je dis que quand on veut bien faire attention à ce qui s'est passé dans différentes localités par suite de la construction des chemins de fer, on est convaincu de l'exactitude de mes prévisions quant au chemin de fer dont il s'agit.
C'est ainsi que Saint-Trond avait au marché de céréales et d'autres objets ; son marché s'est déplacé, c'est à Landen et à Waremme qu'il s'est transporté.
Saint-Trond a perdu son grand marché ; mais des hommes industrieux ont établi des fabriques de sucre de betterave, parce qu'ils se sont trouvés dotés de moyens de transport faciles et à bon marché.
Voilà l'avantage auquel Tongres doit prétendre. Qu'elle établisse le chemin de fer de Hasselt à Liége, qu'elle établisse des industries appropriées à sa situation et elle en tirera plus d'avantage que de ce misérable chemin de fer de Tongres à Bilsen.
Je dois deux mots de réponse à l'honorable M. de Renesse. Je ne l'ai pas compris, mais je crois l'avoir deviné. Il s'agit du chemin de fer de Landen à Hasselt.
La Chambre n'a accordé d'abord que la section de Landen à St-Trond, cela est vrai ; mais il était naturel qu'on le prolongeât jusqu'à Hasselt ; il ne pouvait pas y avoir d'autre direction, dès qu'on voulait avoir un chemin de fer bifurquant vers Liège et vers Bruxelles.
L'honorable membre a parlé de démarches faites en commun en faveur d'une compagnie concessionnaire ; cela s'explique très bien, l'appui donné au projet par l'arrondissement de Hasselt était tout naturel ; il s'agissait de doter l'arrondissement de communications directes avec Diest, avec le Brabant, avec Anvers et avec l'Allemagne.
Dans ces conditions, tout le monde devait applaudir au projet de la compagnie.
Mais ce projet n'a pas abouti. Ensuite est venu le projet des concessionnaires de Maestricht à Hasselt et Rotterdam ; avons-nous alors obtenu l'appui de Tongres ? Nullement ; les représentants de Tongres ont combattu ce projet, mais la Chambre a fait droit à ce qui était juste, elle a accordé la concession.
Nous n'avons rien à nous reprocher à cet égard. L'honorable membre a parlé des tribunaux. Que s'est-il passé ? J'étais au ministère quand il s'est agi du tribunal de Tongres ; beaucoup de personnes pensaient qu'un seul tribunal suffisait pour la province et qu'il fallait le placer au chef-lieu ; le gouvernement a pensé que, par suite de la séparation, Tongres ayant été mis en possession du tribunal principal, il fallait le lui laisser ; et on le lui a accordé au détriment de l'arrondissement de Hasselt.
L'arrondissement de Hasselt a perdu, sous le rapport judiciaire comme sous le rapport administratif, le canton de Loo. Une grande partie de ce canton désire vivement le chemin de fer direct de Tongres à Hasselt ; de sorte que dans l'arrondissement de Tongres même il y a dissentiment sur cette direction de Bilsen.
Je n'en dirai pas davantage sur cette question, je désire seulement que le gouvernement examine l'affaire au point de vue et de l'intérêt local et de l’intérêt provincial, ainsi qu'au point de vue de l'intérêt du trésor ; je m'en rapporte complètement à la décision qu'il prendra.
M. Muller. - Messieurs, je ne viens pas prendre part à la querelle qui divise les habitants de Tongres et ceux de Hasselt sur la direction à donner à la voie ferrée qui doit relier ces deux villes entre elles ; je comprends qu’il y ait à cet égard divergence d'opinion, résultant de rivalités qu’il ne m'appartient pas d'apprécier.
A ce dernier point de vue, les deux intérêts peuvent paraître un peu exclusifs de part et d'autre.
Je ferai toutefois remarquer à l'honorable M. De Fré, qui a pris parti pour Tongres en condamnant les prétentions de Hasselt, que dans aucun des deux systèmes de direction qui sont débattus entre ces deux villes, Tongres, contrairement à ce qu’il a paru croire, ne doit rester isolée d’une voie ferrée (situation intolérable contre laquelle tout le monde proteste) ; qu’au contraire, on admet unanimement qu'elle a droit à participer aux avantages du chemin de fer dans la traverse du Limbourg, soit par Bilsen, soit par Cortessem, pour aboutir à Hasselt.
Cela dit en passant, je dois déclarer que si j'ai demandé la parole, c’est pour répondre quelques mots à l'honorable M. De Fré, qui m'a mis dans cette nécessité en laissant supposer à la Chambre par une erreur pardonnable de la part de celui qui ne connaît pas bien une longue série de faits compliqués et plus ou moins contradictoires, que la ligne de Liège à Tongres, en faveur de laquelle la législature a voté une garantie de minimum d'intérêt, tellement elle en a reconnu la nécessité, ne pourrait pas être exécutée actuellement.
Je proteste donc, messieurs, contre tout projet qui aurait pour conséquence, directe ou indirecte, de faire renvoyer aux calendes grecques l'exécution de cette ligne. (Interruption.) Je n'admets pas que la ligne de Tongres à Bilsen, à laquelle je ne veux être ni plus favorable, ni plus hostile qu'à celle de Cortessem, puisse jouir d'une priorité de nature à retarder d'une manière quelconque la section de Tongres à Liège, qui, dans l'intérêt de tous, peut et doit être, selon moi, exécutée simultanément et d'une manière très naturelle et peu dispendieuse, au moyen d'une augmentation que la Chambre entière reconnaîtra être indispensable, du minimum d'intérêt, jusqu'ici insuffisant, qu'elle a obtenu.
C'est bien à tort, messieurs, que l'on a prétendu que l'exécution de cette section devait être ajournée jusqu'à ce qu'on ait décidé la question de l'emplacement de la station intérieure de Liège, et personnellement je me crois en droit de repousser l'argumentation que l'on a cru pouvoir tirer de l'opinion que l'on a gratuitement attribuée à la ville à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir.
Certes, je ne prétends pas être le représentant unique de l'opinion liégeoise ; mais ce que je crois pouvoir affirmer sans craindre de me tromper, c'est qu'elle serait contraire à tout ajournement injustifiable ; c'est qu'elle a hâte de se relier à Tongres (et l'intérêt de cette dernière ville bien entendu doit être le même), par la ligne de chemin de fer la plus praticable, celle qui pourra se faire à moins de frais, celle sur la réalisation de laquelle on pourra compter le plus sûrement. L'expérience doit nous éclairer tous sous ce rapport.
Ainsi, l'honorable comte de Renesse a rappelé un avis favorable émis par le conseil communal de Liège, en faveur de la ligne de Tongres à Bilsen contre celle de Cortessem. Mais dans quelle circonstance ce vote spécial a-t-il eu lieu ? Il s'agissait alors d'appuyer une demande en concession d'une grande voie ferrée se dirigeant de Liège par Tongres et Bilsen directement vers la Hollande ; et dans ce projet de chemin de fer, dont il n'est plus question, et qui traversait la ville de Liège, on faisait dans cette cité pour 6 à 7 millions de, dépense, qui devait lui être éminemment profitable, qui lui donnait entre autres avantages plusieurs nouveaux ponts et des communications utiles.
On comprend donc parfaitement qu'alors le conseil communal se soit prononcé sans hésitation et ait donné la préférence à la ligne de Bilsen sur celle de Cortessem.
Aujourd'hui la ville de Liège, vous en êtes témoins, garde à cet égard un silence, une abstention dont ni les Tongrois, ni les habitants de Hasselt ne peuvent se plaindre. La situation est changée ; une voie ferrée qui relie Liége, Tongres et Hasselt, par l'une ou l'autre direction, offrant le plus de chances d'exécution prompte, voilà ce que je désire comme représentant de Liège et de sa province.
Tout en repoussant toute idée d'un ajournement de la section de Liège à Tongres, qui peut être construite en même temps que celle de Bilsen ou de Cortessem, que je considère même comme indispensable à l'une ou à l'autre de ces dernières, je suis d'accord avec mes collègues de Tongres, pour proclamer la légitimité de leur réclamation tendant à voir rattacher leur chef-lieu d'arrondissement au réseau de nos chemins de fer. Mais j'ajoute que pour eux comme pour nous, la réalisation d'une ligne de Liège à Tongres est d'une nécessité incontestable, et qu'elle n'est obstative ni à la ligne de Bilsen ni à toute autre en concurrence.
Rien n'empêche qu'elle se fasse simultanément avec la ligne de Bilsen, si le gouvernement se déclare en faveur de cette dernière, qui en a besoin pour être productive. Pour cela, il ne faut qu'une chose, c'est que l'on reconnaisse que la garantie de minimum d'intérêt qui a été votée, il y a quelques années, sur un million, doit subir un accroissement du double, comme le demandent plusieurs pétitions.
Telles sont, messieurs, les observations que j'avais à soumettre à l'appréciation impartiale de la Chambre, ainsi qu'à la sollicitude de M. le ministre des travaux publics.
(page 735) M. De Lexhy. - Messieurs, après les discours si complets et si chaleureux de nos honorables collègues, MM. de Renesse et Julliot, qui mettent tant de courage et de dévouement au service de la cause tongroise, je pense qu'il est inutile de rentrer dans le fond du débat.
Je me rallie, comme député de la province de Liége, aux considérations si justes qui viennent d'être émises par l'honorable M. Muller, au nom de l'intérêt liégeois.
Quoique la défense des intérêts liégeois et tongrois ait été présentée victorieusement, par nos honorables amis, je crois cependant de mon devoir de prendre la parole, pour donner un gage de sympathie à la ville de Tongres. Je me bornerai à combattre quelques-uns des arguments de l'honorable M. de Theux, qui n'ont pas déjà été rencontrés par les honorables MM. de Renesse et De Fré, et m'efforcerai de les réfut
Il existe, messieurs, entre Tongres et Hasselt, un antagonisme qui n'a fait que grandir depuis les événements de 1830. Tongres est devenu chef-lieu judiciaire du Limbourg, et H asselt a obtenu la suprématie provinciale administrative. Cette rivalité continue et actuellement c'est Rome et Carthage : M. de Theux, c'est Annibal, et le comte de Renesse, c'est Scipion.
On pourrait résumer les deux discours de M. de Theux dans la proposition suivante : Hasselt satisfait plaidant la ruine de Tongres affamée, dont elle convoite la succession.
M. de Theux. - En aucune manière : j'ai dit le contraire.
M. De Lexhy. - Vous expliquez les choses à votre manière ; mais ce que je viens de dire est bien la synthèse de votre discours. Gardez vos témoignages de prétendue sympathie. Tongres saura bien défendre ses intérêts.
M. de Theux. - Oui, mais comme députés de la nation nous avons le droit d'examiner ce qui convient à l'intérêt général.
M. De Lexhy. - Certainement c'est notre droit, mais c'est aussi notre droit d'exposer nos besoins locaux, afin que le gouvernement puisse les apprécier et statuer en pleine connaissance de cause.
L'honorable député de Hasselt a dit que le seul but que Tongres se proposait, par la ligne de Bilsen, était de maintenir et de raviver son marché. Ce n'est pas là un mystère : c'est un but avoué et très avouable et notre devoir à nous, représentants du pays, est de faire tous nos efforts pour sauver Tongres d'une ruine dont les causes ne vous sont que trop connues.
Aussi, ai-je été étrangement étonné en entendant M. de Theux prétendre que Tongres n'a droit à aucune compensation pour la perte de l'accroissement de commerce et de prospérité créé par la révolution, et que le douloureux traité de 1839 est venu lui ravir.
Eh quoi, c'est l'honorable membre qui se sert de ce triste argument ! C'est lui qui vient soutenir qu'une population frappée dans ses intérêts vitaux, par un acte international que je n'ose qualifier, n'a droit à aucune réparation '. Non ; il ne peut appartenir à un des auteurs de ce traité de 1839 de tenir un semblable langage.
L'honorable député de Hasselt a soutenu que le tronçon de Bilsen, devant, d'après les prévisions et les espérances des pétitionnaires, être ensuite relié à Liège, qu'alors Tongres ne retirerait plus aucun profit du tronçon de Bilsen, par la raison que les marchandises de cette dernière localité et des autres régions environnantes qui doivent alimenter le marché tongrois, iraient directement à Liège, sans s'arrêter au marché entrepositaire.
Je me permettrai de faire observer à l’honorable membre, que cet argument m prouve rien en faveur de sa thèse : car si le tracé de Cortessem était adopté au lieu de celui de Bilsen, l'éventualité qu'il signale se réaliserait dans de plus grandes proportions.
On a même prétendu que la ligne de Bilsen ne contribuerait nullement à relever le commerce tongrois.
Mais, messieurs, quand toute une population, une cité entière, se lève pour proclamer que telle ligne est bonne, nécessaire, dans l'intérêt de son existence, comment pourrait-on croire qu'elle se trompe, qu'elle s'abuse ? Cela n'est pas admissible.
La construction et l'exploitation, même dans les modestes proportions indiquées par l'honorable M. Julliot, seraient, d'après l'honorable M. de Theux, une charge très onéreuse pour l'Etat. C'est vrai : ce serait une charge très lourde. Mais on oublie peut-être que l'on a fait les mêmes objections contre le railway de Landen à Saint-Trond et ensuite de Saint-Trond à Hasselt. Cette ligne a été faite dans l'intérêt spécial et local de ces deux villes : pourquoi ne serait-il pas également permis à Tongres de faire valoir sou intérêt local ?
L'honorable M, de Theux s'est occupé des différents tracés qui pourraient être adoptés pour relier Tongres à Liège. Ainsi que l'a dit l'honorable M. Muller, l'opinion de Liège est que l'on adopte la ligne qui puisse s'exécuter le plus promptement et le plus économiquement, c'est-à-dire la ligne d'Ans. Toutes ces questions restent en suspens, et nous attendrons avec confiance les projets que le gouvernement nous proposera.
J'espère, messieurs, que la Chambre ne vaudra pas prêter les mains à ce qu'on sacrifie Tongres, au profit de Hasselt.
La question que nous discutons est une question d'équité et de réparation, ainsi que l'a dit l’honorable M. Ernest Vandenpeereboom, dans son remarquable rapport sur le grand projet des travaux publics en 1859.
Je terminerai, messieurs, par une remarque qui peut avoir son importance. C'est le cabinet libéral du 12 août qui a octroyé un million pour relier Tongres au grand réseau du chemin de fer national, et j’ai l'espoir que ce sera le ministère libéral actuel qui saura exécuter un projet qui arrêtera la décadence de Tongres.
(page 731) M. de Theux. - L'honorable membre a invoqué le traité de 1839, que j'ai signé. Il l’nvoque à titre d'équité. Eh bien, j'ai rappelé tantôt à la Chambre les faits qui se sont passés à l'époque de l'exécution du traité ; je vous ai dit comment les administrations ont été réparties entre Tongres et Hasselt. Tongres, avant le traité, n'était ni chef-lieu d'arrondissement, ni chef-lieu judiciaire. Tongres, par suite de la séparation de Maestricht de la province de Limbourg, a obtenu le chef-lieu d'arrondissement et le tribunal.
Tongres a obtenu en outre, de fait et momentanément comme je l'a dit, le commerce d'un grand nombre de communes qui ressortissaient auparavant de Maestricht. Si Tongres pouvait conserver le commerce de ces communes, je ne m'y opposerais pas. Mais je dis qu'il est de toute impossibilité d'adjuger à Tongres le commerce de ces communes. Je pense que le commerce est libre en Belgique et qu'il ne doit pas se faire forcément au profit d'une ville. Or, je dis que depuis l'établissement d'une route pavée de Tongres à Bilsen en rapport avec Maestricht, depuis la création d'une autre route vers Hasselt et d'un chemin de fer décrété et déjà en voie d'exécution de Maestricht à Liège, depuis l'existence du chemin de fer de Maestricht à Hasselt, il est impossible, quoi (page 732) qu'on fasse, que Tongres conserve le commerce exclusif de ces communes.
Un des principaux industriels de Tongres, M. Tournay, a adressé à la Chambre un mémoire très développé dans lequel il prouve par l'allégation de faits incontestables les avantages que Tongres a à être avant tout reliée avec Liège. C'est ce qu'on a demandé en 1847 ; c'est ce que le gouvernement a accordé, et je pense que c'est aussi ce que le gouvernement doit maintenir.
Voilà l'idée du ministère libéral de 1849 en donnant la garantie d'intérêt sur un capital d'un million. On dit que c'est à lui à compléter son œuvre. Eh bien, oui, qu'il complète son œuvre et qu'il porte la garantie sur un capital d'un million et demi pour amener l’exécution de ce qu'il a fait décréter en 1849.
II est inexact de dire qu'il existe une ancienne rivalité entre Tongres et Hasselt. Cette rivalité n’existe que dans l'imagination de l'honorable membre. Les relations de Tongres et de Hasselt étaient complètement distinctes et n'avaient rien de rival.
Mais je dis qu'il serait inconcevable qu'on voulût sacrifier l'intérêt d'une ville aussi importante que Hasselt, centre d'une industrie extrêmement importante, à ce préjugé que Tongres devrait conquérir le commerce d'un certain nombre de villages.
Que l'on considère l'affaire comme on veut, au point de vue de l’intérêt provincial et même de l'intérêt local, on arrivera à la même conclusion.
Tout ce que nous demandons, c'est que le gouvernement ne prenne un parti qu'après un mûr examen. Vous avez entendu l'honorable M. Muller qui vous a expliqué pourquoi le conseil communal de Liège avait appuyé la ligne allant de Tongres à Herstal et puis de Tongres à Bilsen vers Bois-le-Duc.
Mais il ne s'agit plus de ce projet. La ville de Liège, dans ce projet, avait l'avantage de nombreux travaux qui devaient être exécutés, à partir d'Herstal, pour relier tous les chemins de fer au centre de cette cité.
Mais je ne crois pas que le gouvernement, pour satisfaire l'intérêt local de Tongres, veuille s'engager dans une dépense pareille, et je ne pense pas que les Chambres y donneraient leur assentiment, lorsqu'elles auraient sous les yeux les plans des diverses communications dont on demande l'exécution.
M. de Renesse. - L'honorable comte de Theux pour étayer ses observations en faveur de la ligne ferrée directe de Hasselt par Cortessem et Tongres à Liège, a cru devoir citer l'opinion d'un honorable industriel de Tongres qui a adressé une espèce de mémoire à la Chambre pour soutenir cette direction de préférence à celle de Bilsen.
Je ne veux pas rechercher les motifs qui font agir les industriels de Tongres en opposition avec l'opinion de l'unanimité, pour ainsi dire, de la ville de Tongres, ne voulant pas adresser des observations plus ou moins désagréables à quelqu'un avec qui j'ai eu de longues et bonnes relations.
L'honorable industriel a montré une grande persistance dans son opinion ; ainsi, lorsqu'il s'est agi de sa réélection au conseil provincial du Limbourg pour le canton de Tongres, il a cru devoir retirr sa candidature, se trouvant en opposition manifeste avec la grande majorité de ses commettants ; il y a eu, à la vérité, quelques personnes à Tongres qui croyaient, pendant quelque temps, que la ligne directe de Hasselt à Liège était préférable ; niais depuis qu'il est constaté que le marché de Tongres a éprouvé des pertes assez notables par le détournement des produits agricoles et autres de la partie nord-est du Limbourg vers d'autres localités et vers l'étranger, surtout par suite de la construction de la voie ferrée de Maestricht à Hasselt, l'unanimité s'est formée pour réclamer l'exécution de la petite ligne ferrée de Tongres à Bilsen.
En effet, messieurs, l'administration communale de Tongres, qui doit bien connaître les véritables intérêts de cette ville, ainsi que toute la magistrature, le barreau, presque tous les industriels, commerçants, propriétaires, rentiers, et personnes lettrés, ont signé la pétition à la Chambre, et réclament avec instance la construction de cette petite ligne pour sauver la ville de Tongres de sa ruine.
L'honorable comte de Theux reconnaît que par de grands travaux établis à l'entour de Tongres et de la contrée environnante, que cette partie du Limbourg a dû subir des pertes dans ses anciennes relations commerciales, et notamment Tongres ; si, par ces travaux l'on a créé une position tout exceptionnelle a Tongres, il faut aussi que l'on tâche d'y porter remède le plus tôt possible, et sous ce rapport l'on ne peut refuser en justice de la relier au chemin de fer, là où pour le moment elle a le plus grand intérêt d'être attachée à notre système de chemins de fer.
Si la ville de Tongres et son arrondissement doivent encore rester dans leur isolement si préjudiciable, je me verrai forcé de renoncer à ma position parlementaire, ne pouvant admettre que Tongres, déjà froissé dans ses intérêts une première fois en 1859, soit de nouveau sacrifiée à d'autres localités déjà largement pourvues de communications de toute nature.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - La Chambre comprendra que je ne veuille pas prolonger ce débat. L'honorable comte de Renesse me rappelle que l'année dernière, dans la discussion du projet de travaux publics, j'avais fait une déclaration de sympathie pour l'arrondissement et la ville de Tongres. Je n'ai rien à retrancher de cette déclaration de sympathie ; je la renouvelle au contraire, très volontiers.
Le gouvernement regarde comme une chose fâcheuse l'état d'isolement où se trouve la ville de Tongres
Je me suis engagé à faire étudier la question de savoir comment on peut relier la ville de Tongres au réseau des chemins de fer ; ces études se font. Le gouvernement aura à s'expliquer dans le cours de la session sur certaines questions qui sont restées en suspens lors de la discussion du projet de loi sur les travaux publics, il s'expliquera en même temps d'une manière précise sur la pétition dont la Chambre s'occupe en ce moment. Les intéressés de la ville de Tongres voudront bien, j'espère, patienter jusque-là.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptés.
M. de Florisone, secrétaire, donne communication d'un message du Sénat, qui annonce à la Chambre qu'il a adopté le projet de loi portant réduction des péages sur le canal de Charleroi.
- Pris pour notification.
M. Goblet, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 12 mai 1859, le sieur Van de Casteele demande un subside pour mettre en pratique les améliorations qu’il propose d'apporter à son système d'attelage pour l'artillerie.
Le sieur Vande Casteele a proposé en 1832 à la direction d'artillerie différentes modifications au système d'attelage alors en vigueur ; ces modifications ont été reconnues utiles et applicables ; a obtenu du gouvernement la somme de mille francs comme encouragement, il a trouvé cette rémunération tout à fait insuffisante ; et en présence des témoignages favorables et réitérés des divers ministres auxquels il s'est adressé, ainsi que des considérants honorables de l'arrêté royal qui lui a octroyé une récompense officielle, il se croit en droit de demander à la Chambre son appui pour obtenir une nouvelle indemnité.
Sans préjuger de la question d'utilité que la commission des pétitions n'est pas à même de décider, cette commission juge convenable de renvoyer la pétition à M. le ministre de la guerre, en faisant observer qu'il est de toute justice que l'Etat, dans la mesure du possible, tienne compte des travaux intellectuels dont il reconnaît lui-même avoir profité tout spécialement dans l'application.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Goblet, rapporteur. - Par pétition datée de Liége, le 12 mai 1859, les sieurs Parlongue et Gérard demandent que le gouvernement règle le sort des anciens volontaires liégeois.
Les pétitionnaires invoquent l'état précaire et la situation pénible où se trouvent la plupart des volontaires liégeois de 1830 ; l'âge avancé de ces volontaires rend chaque jour leurs besoins, plus grands.
La commission propose le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Goblet, rapporteur. - Par pétition datée de Wyngene, le 8 avril 1859, le sieur Cocquyt, cultivateur à Wyngene, demande une indemnité pour lu dommage qu'il a souffert, dans ses récoltes, le 3 juillet dernier.
Le sieur Cocquyt, à l'appui de sa réclamation, invoque des motifs et des raisons dont il ne serait pas convenable d'entretenir la Chambre, et la commission propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Goblet, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 10 mai 1859, le sieur de Lasalpére prie la Chambre d'obliger la compagnie du chemin de fer de Landen à Hasselt à remplir les conditions pour l'exploitation de ce chemin, et à rétablir le service régulièrement.
Le pétitionnaire demande que la Chambre oblige la compagnie du chemin de fer de Landen à Hasselt à remplir les conditions qui lui sont imposées par le contrat de son exploitation.
La commission est d'avis que cette demande est de toute équité. Le gouvernement en concédant des lignes ferrées ne doit pas permettre que les concessionnaires laissent en souffrance un service public, qu'ils se sont engagés à remplir et qui tient nécessairement lieu de tous les moyens de transport existant auparavant.
La commission, persuadée de l'importance de la réclamation, renvoie la pétition à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Goblet, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 21 avril 1859, le sieur d'Artois demande que tous les artistes du pays soient admis à participer aux travaux des monuments publics.
Invoquant l'exemple donné par la Chambre lors de l’exécution des statues des grands hommes de la Belgique qui décorent son local le pétitionnaire demande que les œuvres d'art à exécuter pour le compte (page 733) du gouvernement soient mises au concours entre tous les artistes du pays.
Il invoque, à l'appui de sa pétition, des motifs que la commission ne prétend pas fondés d'une manière absolue, toutefois en renvoyant la pétition à M. le ministre de l'intérieur, elle croit devoir insister sur la nécessité de distribuer au plus grand nombre possible d'artistes capables, les encouragements et les subsides votés par la législature.
- Adopté.
M. Goblet, rapporteur. - Par pétition datée d'Uccle, le 6 mai 1859, la veuve Bries demande que son fils Charles, milicien de la levée de 1856, soit exempté du service militaire.
Les motifs invoqués par la veuve Bries sont tous d'intérêt personnel ; la commission propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Goblet, rapporteur. - Par pétition sans date, des habitants de Saint-Nicolas demandent que leur canton soit représenté au conseil provincial par 3 conseillers.
Les pétitionnaires s'appuient sur des erreurs de calcul qui enlèvent an canton de Saint-Nicolas l'élection d'un conseiller provincial pour l'attribuer, à tort, à d'autres cantons. La commission propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
M. le président. - La Chambre a voté hier la loi à laquelle cette pétition avait rapport ; le renvoi à M. le ministre devient donc sans objet. On pourrait ordonner le dépôt au bureau des renseignements.
M. Goblet, rapporteur. - Je me rallie à cette proposition.
- Le dépôt au bureau des renseignements est mis aux voix et adopté.
M. Goblet, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 10 mai 1859, le sieur Beaulieu demande le remboursement de la perte matérielle qu'il a subie dans son entreprise de la troisième section du canal de jonction de la Meuse à l'Escaut, à Anvers.
L'autorité judiciaire se trouve saisie actuellement des intérêts litigieux du pétitionnaire et de l'Etat, mais la commission des pétitions ne croit pas devoir s'immiscer dans le fond du débat. Seulement en présence des contestations fréquentes et onéreuses pour toutes les parties, qui surgissent à chaque instant dans les règlements de compte de travaux publics, elle exprime le regret de voir les agents de l'Etat modifier trop souvent les stipulations du cahier de charges, sans y être obligés par des cas de force majeure.
La commission des pétitions propose le renvoi à M. le ministre de travaux publics.
- Adopté.
M. Goblet, rapporteur. - Par pétition datée de Chokier, le 6 mai 1859, le sieur Louis Emonts, ancien postillon au relais de Chokier, demande une pension.
Le pétitionnaire a, depuis la date de sa première pétition, envoyé deux nouvelles demandes adressées à la Chambre également pour obtenir sa pension. La commission propose l'ordre du jour ; les motifs que le sieur Emonts invoque ne peuvent lui faire accorder le bénéfice de la loi du 19 frimaire an VII.
- Adopté.
M. Goblet, rapporteur. - Par pétition datée de Saint-Hubert, le 10 avril 1859, le sieur Dufour, ancien percepteur des postes, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la révision de sa pension.
Le sieur Dufour croit avoir le droit à la révision de sa pension, il n'a pas l'âge voulu par la loi et s'il a été mis trop tôt à la pension, c'est par motif d'infirmités contractées dans l'exercice de ses fonctions.
La commission propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Goblet, rapporteur. - Par pétition datée de Mehaigae, le 3 mai 1859, le sieur Coppe demande que son fils Emmanuel-Joseph, soldat au 9ème régiment de ligne, soit libéré du service militaire.
Le pétitionnaire exprime un désir légitime, mais complètement contraire à la loi.
La commission propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Goblet, rapporteur. - Par pétition datée de Steenkerque, le 20 avril 1859, le sieur Céa demande que la veuve payant le cens électoral pour la nomination des membres des deux Chambres, soit admise à le déléguer à son fils.
La commission des pétitions, sans se prononcer sur la question soulevée par le pétitionnaire qui croit que le fils de la veuve payant le cens légal doit en toute justice exercer le droit électoral pour les Chambres, comme il le fait par le conseil provincial, propose le dépôt au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. Goblet, rapporteur. - Par pétition datée de Loupoigne, le 20 avril 1859, la veuve Browet demande un congé de quelques mois en faveur de son fils, soldat au régiment des grenadiers à Bruxelles.
La pétition de la veuve Browet n'invoque à l'appui de sa demande que des motifs d'intérêt tout personnels.
La commission des pétitions propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Goblet, rapporteur. - Par pétition datée du Rœulx le 4 mai 1859, le sieur Soriau, ancien commis aux écritures, demande la révision de sa pension.
Le sieur Soriau, en demandant la révision de sa pension, invoque en sa faveur que deux ans et dix mois de services sédentaires, n'aient pas été comptés lors de la liquidation de sa pension.
La commission propose le renvoi à M. le ministre des finances.
- Adopté.
M. Goblet, rapporteur. - Par pétition datée d'Amonines, le 24 mai 1859, des habitants d'Amonines prient la Chambre d'accorder au sieur Leborgne la concession d'un chemin de fer des Ardennes.
Même demande des administrations communales de Basse-Bodeux, Stavelot, Erezée, la Gleize, des conseils communaux et d'habitants de Grand-Menil, Fosse, Erezée, Custinne, Ciney, Vaux-Chavanne, Bastogne et Flostoy.
Ces divers pétitionnaires invoquent à l'appui de leurs demandes l'intérêt de l'agriculture et du commerce luxembourgeois. La commission propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
La séance est levée à 4 heures 3/4.