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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 8 février 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 659) (Présidence de M. Orts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe procède à l'appel nommai à deux heures et un quart.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe communique l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Le conseil communal d'Hauret déclare adhérer à la pétition des propriétaires et exploitants de minerais qui demandent le maintien de la loi du 2 août 1856 et la libre sortie des minerais hydratés. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.

« Le Meur Piron, ancien officier, demande une récompense pour services rendus eu 1830. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants d'une commune non dénommée présentent des observations contre les articles du Code pénal relatifs aux coalitions. »

- Renvoi à la commission du Code pénal.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1860

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XV. Instruction publique. Enseignement supérieur

Article 74

« Art. 78. Traitement des fonctionnaires et employés des deux universités de l'Etat : fr. 628,040.

« Charge extraordinaire : fr. 5,550. »

M. Devaux. - Je demande la parole. La discussion a telle été close hier ?

M. le président. - La discussion a été close, mais si quelques membres ont des observations à présenter sur les universités, ils peuvent le faire à propos de l'article en discussion qui concerne les traitements les professeurs.

M. Devaux. - Je ne prolongerai pas beaucoup le débat qui s'est élevé hier ; il me semble que le moment n'est pas venu d'approfondir toutes les questions qui ont été soulevées.

Mon nom a été prononcé plusieurs fois.

L'honorable M. Dumortier m'a même fait plus d'honneur qu'il ne n'en revient ; il a dit que j'avais présenté le projet de loi de 1857 ; j'étais membre de la section centrale et la section centrale a adopté plusieurs des idées que je lui ai soumises, mais il est des parties de la loi que j'ai combattues. Ainsi je me suis prononcé pour le rétablissement de l'examen d'élève universitaire.

La formation du jury qui a été adoptée n'a pas été proposée par moi. Entre un jury central et les jurys combinés, le choix dans le système du projet de loi me paraissait indifférent. J'ai demandé la suppression de l'examen écrit, suppression qui avait été vivement réclamée par l'université de Gand. J'ai demandé aussi que les matières des examens fussent réduites sans qu'on en retranchât de l'enseignement, ce qui a conduit au système des certificats.

On a dit hier que le système des certificats universitaires avait échoué dans l'exécution ; je ne suis pas de cet avis. On a cité l'opinion émise par quelques présidents de jurys dans leurs rapports. Il faut se rendre bien compte des circonstances dans lesquelles le nouveau système a été introduit ; plusieurs universités avaient un système, mais chacune en avait un autre, et elles n'avaient pu se mettre d'accord sur aucun ; l'une voulait un jury central ; une autre voulait un système d'examen professionnel, laissant la faculté à toutes les universités de décerner des diplômes dans leur sein ; une troisième voulait que les universités de l'Etat eussent seules le droit de conférer des diplômes officiels, les élèves des autres universités devaient être soumis à des examens semblables à ceux pratiqués jusqu'alors.

Il y avait donc désaccord entre les diverses universités ; aucun des systèmes qu'elles présentaient ne fut soutenu dans la Chambre ; celui qui fut adopté contrariait ainsi le plus grand nombre des universités. L'opposition qu'a rencontrée le système des certificats est venue se compliquer ensuite d'une question d'amour-propre.

Les professeurs qui n'avalent que des cours à certificat se prétendirent laquelle eux et leurs cours se trouvaient exclus de l’examen, de là un mécontentement assez vif dans les rangs professoral, mécontentement dont le rapport de quelques présidents du jury n’est que le simple écho ; ces rapports disent que les cours à certificat ne sont pas utilement fréquentés. Or, messieurs, les présidents des jurys ne peuvent avoir de ce fait aucune connaissance personnelle.

Les cours sont fréquentés. Cela ne fait pas de doute ; s'ils ne l'étaient pas, ce serait la faute des professeurs, puisqu'ils peuvent refuser les certificats à ceux qui ne les fréquentent pas. Mais quant à la question de savoir si les cours à certificats sont utilement fréquentés, le fait n'a pas pu être constaté par les présidents des jurys, attendu que devant le jury, les élèves ne sont pas interrogés sur les cours à certificats. Lors donc que quelques-uns des présidents ont énoncé une opinion à ce sujet, ils n'ont pu que se faire l'écho de ce qu'ils avaient entendu dire autour d'eux par MM. les professeurs.

L'honorable rapporteur lui-même vous a cité ce qui se fait en France où des cours qui sont très utiles, vous a-t-il dit, ne sont pas suivis d'examen et ne sont assujettis qu'à ce qu'on appelle en France un certificat de fréquentation et ce qu'on nomme un peu ironiquement en Belgique un certificat de présence.

L'honorable rapporteur a constaté que ces cours avaient un excellent effet. Il aurait pu ajouter à ces cours beaucoup d'autres, puisque presque tous les cours de la Sorbonne et du collège de France se donnent à un auditoire dont une très minime partie est appelée à subir des examens.

De même dans les universités allemandes, les élèves ne sont pas assujettis à des examens sur tous les cours si brillants qui s'y donnent.

Je pourrais ajouter qu'en Angleterre où, dans presque toutes les villes, il se donne des cours publics pour toutes les classes de la société, bien peu de ces cours supposent des examens.

Pourquoi donc, en Belgique, les cours donnés sur des matières aussi intéressantes ne seraient-il pas écoutés ? J'ai trop bonne opinion des professeurs des universités pour croire que quand ils ont au pied de leur chaire un auditoire de jeunes gens qui viennent puiser chez eux l'instruction, ils n'aient pas sur cette jeunesse facile à impressionner assez d'action pour se faire écouter.

Il en sera chez nous comme il en a été ailleurs ; seulement il faut peut-être un peu de temps pour cela. Il faut d'un côté laisser dissiper un peu d'humeur. De l'autre, il est assez naturel que chez les jeunes gens qui se sont sentis accablés sous le poids des examens, il y ait un peu de réaction et qu'au moment où la contrainte cesse ils soient tentés de faire quelque abus de leur liberté.

Mais qu'arrivera-t-il avec un peu de temps ? C'est que les professeurs feront des efforts pour se faire écouter. Veuillez remarquer que lorsque le professeur a derrière lui la contrainte de l'examen, lorsque l'examen est suspendu comme une menace sur la tête des auditeurs, il ne doit se donner aucune peine pour se faire écouter.

Que son enseignement soit languissant ou qu'il ait de la vie, qu'il soit clair ou obscur, il est certain d'être écouté ; mais lorsque le professeur, comme tout homme qui parle en public, devra se donner de la peine pour fixer l'attention de son auditoire, devra rendre ses leçons intéressantes, l'enseignement y gagnera. Aussi je ne crains pas de prédire que dans quelques années, les cours à certificats seront ceux qui seront le mieux donnés dans les universités, ceux qui seront le plus fréquentés et seront donnés avec le plus de fruit.

Déjà aujourd'hui on cite certains cours à certificats qui sont suivis avec beaucoup de faveur.

Messieurs, je pense, et c’était aussi l'avis du conseil de perfectionnement de l'enseignement supérieur, composé en grande partie de professeurs des universités de l'Etat, je pense qu'il faut laisser s'achever l'épreuve à laquelle est soumise la loi de 1857. Cette épreuve, pour ce qui concerne les certificats universitaires, est bien courte encore pour qu'on puisse en juger définitivement ; elle n'a duré que deux ans. Il y a déjà eu, il est vrai, trois sessions annuelles de jury sur le pied de la loi nouvelle. Mais l'expérience n'est que de deux années. Car la loi a été appliquée la première fois huit jours après la promulgation ; elle n'a pu avoir alors aucune action sur des études qui étaient déjà faites.

Je dirai cependant que s'il fallait dès ce moment juger le système des certificats universitaires, je serais peu embarrassé pour justifier la loi, et pour faire voir que le système des certificats (je ne parle pas des certificats de l'enseignement moyen, je ne m'occupe ici que de ceux de l'enseignement supérieur) a déjà eu une partie des effets qu'on en attendait lorsqu'on l'a institué. Je prouverais que les études, loin de s'être abaissées par les effets de ce système, se sont au contraire, sinon dans toutes les facultés au moins dans quelques-unes améliorées et relevées.

Je le prouverais non par des appréciations personnelles, mais par des faits que l'on ne contesterait pas. Mais encore une fois, je crois que le moment n'est pas venu d'approfondir cette question ni de citer des faits qu'on ne pourrait révoquer en doute, mais qui ne sont pas confirmés par une expérience assez longue pour que l'avenir ne puisse pas les démentir.

Il faut bien se rappeler dans quelle alternative nous étions placés, quand nous avons adopté le système des certificats. C'était une conviction générale qu'un assez grand nombre d'examens se trouvaient surchargés, que les élèves n'avaient pas le temps d'en approfondir les matières et se trouvaient trop souvent réduits à apprendre des manuels par cœur. Cette conviction était fort répandue et, je crois, avec raison.

Il a fallu chercher un remède à ce mal, il y en avait deux : c'était de ne pas faire entrer toutes les matières enseignées dans le cadre de l'examen, ou de diminuer les matières d'enseignement lui-même. La Chambre, et selon moi elle a bien fait, a préféré ne pas faire porter l'examen sur toutes les matières enseignées, et ne pas abolir dans l'université les chaires existantes.

(page 660) Eh bien, je ne crains pas de prédire que si un jour on en revenait à faire examiner les élèves sur toutes les matières qu'on leur enseigne, si on faisait entrer l'université entière dans l'examen, on n'élargirait l'examen que pour rétrécir l'université, pour diminuer le cadre de l’enseignement ; les certificats seraient supprimés, mais un grand nombre des cours auxquels les certificats s'appliquaient disparaîtraient aussi. Personnellement, je regarderais cette suppression comme un malheur, mais elle serait inévitable.

Messieurs, on a indiqué, comme un moyen de faciliter les examens, leur subdivision ; et on a cité à ce sujet ce qui se pratique en France. En France, pour le grade de licencié en droit, a-t-on dit, il existait cinq examens. Dans ces cinq examens est comprise la thèse inaugurale. Cette thèse, si on la rétablissait, ne remplacerait pas un examen. Je crois qu'on a assez bien fait de la supprimer ; je ne vois pas de raison pour la rétablir.

Quant à créer pour chaque grade un examen de plus, cela peut sourire au premier abord, mais il y a à cela des difficultés pratiques. Déjà aujourd'hui on a divisé beaucoup les examens. Ainsi autrefois, dans ce pays, on ne passait que deux examens pour le droit, aujourd'hui il y en a trois ; on n'en faisait que deux ou trois pour la médecine, aujourd'hui il y en a quatre.

On en est à ce point que chaque année à son examen. Ainsi la candidature en lettres exige une année, il y a un examen ; le droit exige trois années, il y a trois examens ; la médecine exige quatre années, il y a quatre examens.

Y a-t-il moyen d'aller plus loin ? Ce serait difficile en Belgique ; où trouveriez-vous le temps pour un examen de plus ? Le temps manquerait aux professeurs comme aux élèves. Les choses ne se passent pas chez nous comme en France : chez nous les professeurs qui ont des examens doivent se déplacer et par conséquent pendant les examens les cours sont nécessairement suspendus. Nous avons été réduits à faire trois mois de vacances pour laisser le temps aux examinateurs de procéder à leurs opérations. L'armée scolaire n'est plus en réalité que de 9 mois.

Si maintenant vous créez pour chaque grade un examen de plus, il vous le faudrait placer au milieu de ces 9 mois, car le mettre à la fin ce serait aggraver le fardeau au lieu de l'alléger ; mais si vous êtes forcés de suspendre vos cours au milieu de l'année pendant un mois ou 6 semaines, que deviennent les études et les leçons ?

Evidemment il y a là une très grande difficulté pratique.

On a proposé, messieurs, la publicité des cours, dans nos universités. Je n'y verrais, à certains égards, aucun inconvénient, j'y verrais même des avantages ; mais là aussi il y aurait quelques obstacles d'exécution.

Le premier, c'est qu'on peut décréter la publicité, mais on ne peut pas décréter le public.

Dans une très grande ville, où il y a un nombreux public littéraire et scientifique, certains cours pourront être très suivis, mais dans des villes moindres, dans des villes industrielles comme Liège et Gand, vous aurez beau ouvrir les cours au public, la plupart seront très peu fréquentés.

Après cela, pour qu'il y ait une véritable publicité, il faut que les cours soient gratuits. Aujourd'hui déjà on admet dans les universités les personnes qui veulent suivre les cours, les uns en payant, d'autres sans payer, pourvu que ces personnes n'aspirent pas à des grades.

Il faudrait que dans tous les cas la publicité fût gratuite. Or la publicité gratuite est très difficile à concilier avec le système actuel : comment distinguerez-vous les élèves qui aspirent aux grades académiques ? Et si ces élèves peuvent suivre gratis les cours, il en résultera une grande perte pour les professeurs et par conséquent pour l'Etat, qui devra offrir aux professeurs une compensation. Ce ne serait pas là un obstacle absolu, mais ce serait un changement de système.

Messieurs, l'honorable ministre de l'intérieur et M. De Fré après lui l’ont dit hier avec raison, l’enseignement supérieur, c'est le professeur. Bien difficilement par des mesures réglementaires vous arriverez à relever l'enseignement au-dessus d'un certain niveau. Ce qui fait la vie, la fécondité, l'action civilisatrice de l'enseignement, c'est le mérite des professeurs.

Le choix des professeurs, voilà le point principal de l'enseignement. Aussi j'ai été heureux d'entendre plusieurs orateurs appuyer les paroles si nobles et si vraies de M. le ministre de l'intérieur.

Chaque fois qu'une place de professeur est ouverte dans nos universités, le ministre chargé de cette partie de l'administration publique doit se dire qu'il a un grand devoir à remplir envers la science et envers la civilisation du pays.

S'il est vivement préoccupé de ce devoir, il fera des choix avec prudence, mais avec liberté.

Il est impossible, comme on l'a dit, que la Belgique fournisse, pour quatre universités, un personnel qui soit tout entier à la hauteur des nobles fonctions de l'enseignement supérieur.

Il y a, dans chaque faculté, une dizaine de professeurs ; cela supposerait quarante hommes de premier ordre par faculté pour les quatre universités. Il faut désespérer de trouver cela dans un pays qui ne compte qu’une population de 4 millions et demi d'habitants.

En Allemagne, où la science est beaucoup plus répandue, le gouvernement prussien ne se croit pas borné à la Prusse pour le choix de ses professeurs.

En Saxe, le gouvernement ne se croit pas obligé de ne nommer que des Saxons dans ses universités. Les professeurs de la Bavière ne sont pas exclusivement Bavarois.

Il faut une grande latitude pour ces choix si difficiles et si importants. Car, je le répète, c'est là qu'est le grand moyen de relever les études.

Non que je veuille dire que les hommes de capacité manquent dans nos universités ; non, il y a des professeurs de mérite dans nos quatre établissements d'enseignement supérieur ; mais certainement, il y a encore à les enrichir sous ce rapport.et le ministre qui aurait doté chaque faculté ne fût-ce que d'un seul professeur d'un mérite transcendant, se serait acquis de grands droits à la reconnaissance de son pays.

Messieurs, je ne dirai qu'un mot sur ce qui concerne l'enseignement moyen. J'adopte, sous beaucoup de rapports, les idées qui ont été émises à cet égard. Ces questions pourront être examinées d'une manière plus approfondie, lorsque nous discuterons la loi que nous devons nécessairement voter pour la révision d'une partie de la législation de 1857. J'ajouterai seulement qu'on ne doit pas se faire illusion sur ce point. Je crois qu'on est trop persuadé qu'un grand nombre de matières pourraient être élaguées du programme actuel de l'enseignement moyen. Le programme officiel, qui est celui dont se rapprochent chaque jour davantage les établissements privés, a déjà été beaucoup diminué ; je crois que lorsqu'on examinera les retranchements qui ont été faits, on se trouvera très embarrassé d'en faire d'autres.

J'en parle avec une certaine assurance ; car depuis longtemps je fais partie du conseil de perfectionnement de l'instruction moyenne, qui a beaucoup cherché à simplifier le programme et qui a trouvé cette tâche fort difficile, parce que 1a société actuelle a des exigences auxquelles des établissements publics peuvent difficilement se soustraire.

C'est la seule considération que je voulais vous soumettre quant à présent ; nous pourrons nous occuper de ces objets d'une manière plus développée, lorsque nous examinerons le projet de loi relatif au rétablissement du grade d'élève universitaire.

M. de Boe, rapporteur. - Messieurs, la Chambre comprendra que la section centrale, ayant à examiner l'ensemble du budget de l'intérieur, n'a pu s'occuper que d'une manière tout à fait accessoire de la question des examens universitaires. Après la déclaration qui nous a été faite par M. le ministre de l'intérieur, qu'il voulait continuer encore l'épreuve des certificats délivrés pour les examens universitaires, nous n'avons pas cru devoir insister en ce moment, nous réservant pour l'époque où la Chambre sera directement saisie de cette question.

Je crois cependant devoir dire quelques mots en réponse au discours de l'honorable M. Devaux relativement à l'épreuve de ces certificats. L'opinion que nous avons émise à cet égard, nous l'avons puisée indirectement dans les rapports de MM. les présidents des jurys.

Ces rapports constatent que sur la plupart des matières maintenues au programme des examens les étudiants ne font pas preuve d'une science plus approfondie qu'avant la mise en vigueur de la loi de 1857.

Ils en ont conçu, et vous en avez conclu vous-mêmes, que si le niveau scientifique ne s'est pas relevé pour les branches auxquelles on accorde bien plus d'attention et de temps qu'auparavant, il ne pouvait être relevé sur les branches qu'on a déclaré n'être que secondaires et que, parlant, dans leur ensemble les études avaient dû baisser.

Nous nous basions, et moi en particulier, sur les déclarations de beaucoup de jeunes gens qui suivent les universités, qui disent que les cours à certificats ne sont plus des cours sérieux et demandent que les branches de la science qui en font l'objet, soient reportées au programme des examens.

Quant à la thèse, dans le système français elle couronne l'enseignement du droit ; cette espèce d'examen est extrêmement utile ; il porte sur l'ensemble de l'enseignement du droit ; c'est une répétition générale ; quand le jeune homme qui y a été soumis se présente au barreau, il a fait ainsi une revue générale de tout l'ensemble des sciences juridiques.

Je n'ignore pas l'extrême difficulté qu'il y a, en Belgique, à créer de nouveaux et plus nombreux examens universitaires. J'ai constaté cette difficulté ; mais je crois qu'on peut la vaincre, et qu'il vaut mieux encore avoir un grand nombre d'examens que des études imparfaites, des cours auxquels la présence de l'élève n'est que matérielle.

Nous avons considéré, M. Hymans et moi, la publicité des cours universitaires comme le meilleur moyen de relever non seulement les études mais encore l'enseignement. Je sais qu'en ouvrant les portes des universités on n'y appellera pas, par ce seul fait, des auditeurs.

Mais quand j'ai vu des cours publics, des conférences, surtout à Bruxelles, attirer un nombre considérable d'auditeurs, j'ai pu croire que si la publicité était donnée aux cours des universités, le public s'y presserait en nombre aussi considérable pourvu que ces cours fussent donnés d'une manière brillante et élevée. C'est ce caractère que nous désirons leur imprimer par la publicité.

Quant à la question de savoir si l'accès de l'université sera gratuit, il me semble qu'elle doit être résolue affirmativement ; sans cela un public nombreux dont nous demandons la présence ferait défaut.

Quant à la rétribution actuellement payée par les élèves, on (page 661) pourrait supprimer le produit des inscriptions, sauf à en reporter le montant à la rétribution exigée pour l'examen ; de cette manière les charges des élèves qui se préparent aux examens resteraient les mêmes ; on pourrait ainsi décréter la publicité des cours sans diminuer les ressources que les élèves procurent aujourd'hui à l'Etat et aux professeurs. Mais ce n'est pas le moment d'entrer dans une discussion approfondie sur toutes ces questions, nous sommes disposés comme M. le ministre de l'intérieur et M. Devaux, à attendre une épreuve plus complète du système des matières à certificat.

M. de Theux. - La Chambre se rappellera qu'en 1857 on était en présence de trois systèmes : l'un consistait à maintenir l'examen complet, un autre à supprimer tous les examens en vigueur et à s'en rapporter à un seul et unique examen, l'examen professionnel ; entre ces deux systèmes les Chambres ont adopté un terme moyen ; nous aurons occasion, quand le projet annoncé par M le ministre de l'intérieur sera présenté, de reprendre la discussion des systèmes qui ont été présentés en 1857, et d'en examiner les résultats probables.

Qu'il me soit permis de dire que la Chambre ne fera jamais une loi qui soit à l'abri de toute critique, à cause des intérêts nombreux qui se rattachent à cette matière, dont quelques-uns seront toujours quelque peu froissés, ensuite à cause de l'impossibilité de concilier parfaitement dans une loi l’enseignement aux frais de 1'Etat et l'enseignement libre.

J'ai entendu dire que la difficulté d'avoir un haut enseignement fortement organisé provenait de ce qu'il y avait plus d'une université. Il est évident que s'il n’y avait qu'une seule université, il y aurait plus d'émulation, un auditoire plus nombreux et une plus grande excitation pour les professeurs ; mais vous perdriez les avantages très considérables qui résultent de la situation actuelle, en d'autres termes, de la liberté et de la concurrence.

On a parlé aussi de la publicité dos cours.

En effet cette publicité pourrait avoir plus d'importance dans le système du monopole ; cependant il y a quelques cours qui ne seraient jamais fréquentés, alors même qu'ils seraient publics, n'y eût-il qu'une seule université et quel que fût le mérite des professeurs.

Cela tient aux matières d'enseignement ; pour recueillir quelque fruit d'un cours, il faut le suivre avec assiduité ; cela pourra arriver pour quelques cours comme des cours de littérature, d'agriculture, comme le cours forestier qui seront suivis ; les autres cours n'auront jamais un public ; le public n'est pas intéressé à les suivre, la fréquentation de ces cours ne pouvant le conduire à rien.

On a souvent indiqué des réformes comme excellentes, mais elles sont toujours suivies de très grandes déceptions. Quelque système que nous adoptions, notre loi sera toujours l'objet de nombreuses critiques.

Je terminerai par une observation, je dirai qu'on a trop déprécié les études universitaires et les études moyennes telles qu'elles se font aujourd'hui ; en effet, les athénées et les collèges fournissent un grand nombre d'élèves distingués.

C'est dans l'intérêt d'une idée dès longtemps embrassée qu'on déprécie l'état des études moyennes qui sont loin de mériter le reproche qu'on leur adresse ; il en est de même des études universitaires. Il ne faut pas perdre de vue qu'aujourd'hui il y a dans la population une plus grande diffusion de l'enseignement moyen et de l’enseignement universitaire. Or le système actuel conduit directement à cette diffusion.

Maintenant que tout le monde ne profite pas également de l'enseignement, c'est tout naturel ; mais il y a un plus grand nombre d'individus qui ont une certaine somme de connaissances, et il suffit qu'il y ait assez de jeunes gens pour pourvoir aux fonctions publiques et suivre les carrières libérales ; plus vous restreindrez la fréquentation des universités, moins vous aurez d'élèves, et moins aussi vous aurez d'émulation et pour les élèves et pour le professeur. C'est une conséquence qu'il ne faut pas perdre de vue.

Je crains de m'engager plus avant dans ce débat. Puisqu'une discussion spéciale doit avoir lieu, je n'en dirai pas davantage, mais je fais mes réserves sur toutes les opinions qui ont été produites à l'occasion de la discussion du budget de l'intérieur et je me réserve d'exposer la mienne quand une loi sera présentée et qu'elle sera mise en discussion.

- L'article 78 est mis aux voix et adopté.

Articles 79 à 83

« Art. 70. Bourses. Matériel des universités : fr. 127,210. »

- Adopté.


« Art. 80. Frais de route et de séjour, indemnités de séance des membres des jurys d'examen pour les grades académiques et pour le grade de professeur agrégé de l'enseignement moyen de l'un et de l'autre degré ; salaire des huissiers des jurys et matériel : fr. 150,120. »

- Adopté.


« Art. 81. Dépenses du concours universitaire et frais d'impression des Annales des universités de Belgique : fr. 10,000 »

M. le ministre de l'intérieur, pour satisfaire à une demande de la cour des comptes, propose de modifier ainsi le libellé : « Dépenses du concours universitaire. Frais de publication et d'impression des Annales des universités de Belgique. »

- L'article ainsi modifié est adopté.


« Art. 82. Frais de rédaction du troisième rapport triennal sur l'état de l'enseignement supérieur ; charge extraordinaire : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Art. 83. Fourniture d'exemplaires du même rapport pour le service de l'administration centrale ; charge extraordinaire : fr. 4,000. »

- Adopté.

Chapitre XVI. Enseignement moyen

Articles 84 à 86

« Art. 84. Dépenses du conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen : fr. 5,000. »

- Adopté.


« Art. 85. Inspection des établissements d'instruction moyenne. (Personnel) : fr. 18,100. »

- Adopté.


« Art. 86. Frais de tournées et autres dépenses de l'inspection des établissements d'instruction moyenne : fr. 9,000. »

- Adopté.

Article 87

« Art. 87. Frais et bourses de l'enseignement normal pédagogique, destiné à former des professeurs pour les établissements d'instruction moyenne du degré supérieur : fr. 47,420. »

M. B. Dumortier. - Messieurs, je profite de l'article en discussion pour présenter une observation que je crois absolument indispensable à l'occasion de ce budget.

Il s'agît des écoles normales de l'enseignement moyen ou plutôt de l'école normale de l’enseignement moyen. Cette école fournit des élèves en assez grand nombre. Mais il se trouve que les quatre universités que nous possédons en Belgique fournissent aussi des jeunes gens qui passent leur examen de docteur en sciences et lettres. Or, si je suis bien informé, on préfère, dans les nominations, les élèves de l'école normale aux jeunes gens qui ont subi leur examen universitaire ; et je vois M. le ministre de l'intérieur faire un signe affirmatif.

Je dis que, s'il en est ainsi, c'est un fait excessivement regrettable. Ce fait est regrettable à un double point de vue, et je m'exprimerai à cet égard, sans vouloir blesser personne, avec une entière franchise.

Je crois que vouloir donner le privilège de toutes les positions de l’enseignement moyen aux jeunes gens qui sortent de l'école normale, c'est à peu près assurer le monopole de ces fonctions aux jeunes gens d'une seule province au détriment des autres provinces.

En effet, la province où est l'école normale a un énorme avantage, parce que l'école se recrute avant tout des jeunes gens de la province, et il se trouve que les jeunes gens des autres provinces ne sont pas, sur le pied d'égalité avec ceux de la province quant à la collation des emplois dans l'enseignement moyen.

Il est évident que c'est donner presque toutes les nominations de professeur de l'enseignement moyen aux jeunes gens de la province de Liège. Or, je crois que toutes les provinces ont un droit égal à la collation des emplois et qu'on ne devrait pas poser un pareil acte de privilège.

En second lieu, on dit et j'entendais encore un honorable membre dire hier que les cours des universités sont trop peu nombreux. Mais si vous ne donnez pas de récompense aux personnes qui ont suivi ces cours, si ceux qui ont suivi ces cours, qui ont pris des degrés de candidat ou de docteur en philosophie et lettres, ne sont pas préférés à ceux qui se sont bornés à aller à l'école normale, vous verrez déserter de plus en plus les bancs des universités.

Je pense que les grades qu'on obtient par des études supérieures dans les universités, et les diplômes qui en sont la conséquence, sont les premiers de tous les titres en matière d'emplois dans l'enseignement.

Pour mon compte, je désire vivement connaître ce qui se passe. Car je regretterais que les jeunes gens qui font de grandes dépenses pour aller étudier aux universités se vissent fermer la carrière de l'enseignement.

Je ne puis croire d'ailleurs que le gouvernement, en recevant un élève à l'école normale, prenne l'engagement de lui assurer une carrière. Un pareil engagement ne peut être pris. Les jeunes gens qui se présentent doivent être dans les conditions de tous ceux qui entrent dans un établissement d'instruction ; ils apprennent quelque chose, mais l’Etat n'a pas et ne peut avoir d'engagement vis-à-vis d'eux. Si l'Etat prenait de semblables engagements, il devrait créer des collèges à mesure que l'école normale fournirait des candidats. Il ne peut donc y avoir de droit acquis pour les élèves qui vont dans ces écoles. Mais au point de vue des titres, il est hors de doute que les jeunes gens qui ont fait des études universitaires et qui ont obtenu un diplôme qui constate leur capacité aient beaucoup plus de titres que les jeunes gens qui sortent de l'école normale.

J'ajouterai à ce que je disais tout à l'heure, que si vous voulez que les facultés des universités ne soient pas désertes, il faut au contraire pousser les jeunes gens à faire des études universitaires approfondies, (page 662) et c'est ce que vous ferez en leur accordant les places dont les rend dignes le diplôme qu'ils obtiennent.

J'attendrai les explications de M. le ministre de l'intérieur.

M. Devaux. - Je crois que l'honorable M. Dumortier, quand il connaîtra mieux les faits, trouvera qu'il n'y a rien à redire à ce qui se passe pour les élèves de l'école normale des humanités.

Il n'est d'abord pas exact que cette école se recrute dans la province de Liège seule.

M. B. Dumortier. - En grande partie.

M. Devaux. - Il y a concours d’entrée. Les p'us capables sont préférés. Or, il se trouve dans ce moment, à cette école, des élèves du Limbourg, des élèves du Luxembourg, des élèves en petit nombre, je crois, de la province de Liège, des élèves du Hainaut ; il y en a déjà eu de Bruges et du Brabant. Ces élèves, des autres provinces deviennent chaque année plus nombreux à mesure que se répand la réputation de l'école normale des humanités.

Il y a une raison toute simple pour que les élèves des autres provinces y viennent comme les élèves de la province de Liège ; : c'est que cette école est un internat. Il n'y a donc pas de privilège pour les élèves de la province même. Il n'en est pas de cette école comme des universités qui offrent toujours un plus grand avantage pour les familles de la localité.

L'honorable membre dit qu'il est fâcheux de voir distraire ces élèves des universités dont les cours ne sont pas trop nombreux. Mais ils ne sont pas distraits des universités. Les élèves de l'école normale suivent les cours de l'université.

M. B. Dumortier. - D'une université alors.

M. Devaux. - Pardon, il y a deux écoles normales ; l'une pour les sciences, l'autre pour les lettres. Les élèves de l'école normale des sciences suivent les cours de l'université de Gand ; les élèves de l'école normale des lettres suivent les cours de l'université de Liège.

L'honorable membre se plaint que le gouvernement donne la préférence aux élèves des écoles normales. Mais pourquoi y aurait-il une école normale, si ce n'était pour en rendre les élèves préférables aux autres candidats qui sollicitent les chaires des athénées ?

L'honorable M. Dumortier dit : Mais les élèves des universités ont un titre. D'abord ils ne sont pas exclus. Le gouvernement donne des places à des élèves des universités qui ont pris leurs grades et qui n'ont pas fait des études à l'école normale, mais il est naturel qu'il préfère généralement les élèves qui ont étudié pendant 4 ans dans une école du gouvernement instituée tout exprès pour former des professeurs et dont chaque élève est connu de lui dans tous les détails non seulement de son aptitude mais de son caractère. C'est ainsi que pour le génie et pour les mines, il est naturel que le gouvernement préfère les élèves de ses propres écoles du génie et des mines, sans cependant exclure d'autres capacités s'il s'en présente.

Remarquez, messieurs, que l'enseignement moyen du gouvernement n'est pas tout l'enseignement du pays. Le gouvernement n'en a que la petite part. Il reste dans le pays un très grand nombre d'établissements où les autres candidats professeurs peuvent être admis ; et, je le répète, ils sont admis quelquefois, quand ils ont un grand mérite, dans les établissements de l’Etat.

Je citerai, par exemple, un nom qui me revient à l'esprit, celui de M. Loise, docteur en lettres de l'université de Louvain qui s'était signalé dans un concours littéraire de l'Académie, immédiatement après, et qui a été nommé d'emblée professeur de rhétorique française à Tournai de préférence aux élèves de l'école normale et à tous autres concurrents. Il y avait là un mérite constaté.

L'honorable M. Dumortier croit que l'épreuve du doctorat en lettres est plus forte que l'épreuve de l'examen de sortie de l'école normale. Il se trompe. L'épreuve de l'école normale, lorsqu'il s'agit de constater l'aptitude à l'enseignement, est plus forte ; l'examen de professeur agrégé non pas sous le rapport des matières philosophiques qui importent moins à l'enseignement, mais sous le rapport des matières littéraires, est plus forte que l'épreuve du doctorat en lettres.

Ensuite la principale utilité de l'école normale, c'est une utilité pratique. On y fait non seulement des savants, mais des professeurs sachant parler, écrire et enseigner, et sur tous ces points il y a à l'école normale des exercices pratiques qui se continuent sans relâche pendant plusieurs années et qui n'existent pas à l'université. A l'université, on donne de l'instruction, mais on n'apprend aux élèves ni à parler, ni à écrire, ni à transmettre aux autres ce qu'ils savent. Tout cela, je le répète, se fait dans l'enseignement normal de l'Etat et se fait avec beaucoup de soin et de zèle.

Ainsi, je crois que le gouvernement, sans qu’il doive exclure les hommes de mérite lorsqu'ils se trouvent ailleurs, a raison de donner une certaine préférence aux élèves formés sous ses yeux, dans une école qui a pour but spécial de développer l'aptitude du professeur.

M. B. Dumortier. - Si le gouvernement ne donne qu'une certaine préférence, comme le dit 1'honorable membre, aux élèves de l'école normale, je n'insiste pas. Mais les observations que j'ai eu l'honneur de présenter reposaient principalement sur ce point qu'il n’était pas possible d'écarter de la carrière de l’enseignement les jeunes gens qui avaient suivi les cours des universités. Ainsi, un jeune homme de Gand, un jeune homme de Louvain, qui ne peuvent aller à l'école normale de Liège, auraient suivi les cours de l'université qui se trouvent dans la localité ; ils auraient subi de brillants examens et obtenu le diplôme de docteur en lettres ; et néanmoins ils seraient écartés de la carrière de l'enseignement. Ce serait là une injustice ; et l'on m'a signalé des faits que je ne puis pas dire à la Chambre, parce que je n'en ai pas la certitude, mais qui m'ont engagé à présenter quelques observations.

Du reste, du moment que le gouvernement se contente d'une certaine préférence, je n'ai plus rien à dire.

M. de Theux. - Dans le projet primitif de l'enseignement moyen, il y avait un privilège pour les élèves qui suivaient les cours normaux de l'enseignement moyen ; ce privilège a disparu par suite de la discussion. Maintenant, comme l'a dit l'honorable M. Devaux, ce ne sont pas seulement les études littéraires qu'on doit rechercher dans le professeur, c'est aussi la connaissance de l'exercice de l'enseignement. Cette connaissance peut se constater par l'examen, mais elle peut aussi se constater par l'exercice même de l'enseignement. Ainsi un professeur qui, dans un établissement libre, a fait preuve de capacité et de bonnes méthodes, doit se trouver exactement sur la même ligne que les élèves de l'école normale. Je crois même que le premier devrait avoir la préférence, parce que la pratique aurait déjà justifié de son aptitude. Il ne peut être question de préférence pour l'élève de l'école normale que quand il y a des doutes légitimes sur l'aptitude à donner l'enseignement.

Il faut bien aussi que ceux qui se présentent pour la noble carrière du professorat, offrent les conditions de moralité que le gouvernement désire voir exister dans l'enseignement de ses établissements.

Voilà les seules observations que j'ai à faire. Je ne connais pas les faits relatifs à la question qu'a soulevée l'honorable M. Dumortier. Je ne puis donc entrer dans cette discussion. Je me borne à rappeler les principes de la loi de 1850, tels qu'ils ont été consacrés à la suite de la discussion.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - En effet, le gouvernement donne, pour les places de professeurs, la préférence aux élèves sortis des écoles normales. Il existe entre le gouvernement et les élèves un engagement réciproque. Les élèves s'engagent à servir l'Etat pendant un temps déterminé. Le gouvernement fait des sacrifices pour procurer à ces jeunes gens une instruction qui les rende aptes à la carrière de l'enseignement et il leur doit la préférence pour remplir les places ouvertes.

Un docteur en lettres peut être fort distingué, fort instruit, et ne pas avoir toujours l'aptitude de professeur ; c'est cette aptitude spéciale que l'on va chercher dans nos écoles normales.

Mais si un docteur en lettres se présente dans de bonnes conditions pédagogiques, si on reconnaît en lui l'aptitude de professeur, on peut le nommer dans les établissements de l'Etat.

Je ferai observer que tous les jeunes gens, n'importe le lieu où ils ont fait leurs études, sont aptes à devenir professeurs de l'Etat, s'ils se soumettent à l'examen que les aspirants-professeurs doivent passer devant un jury spécial.

On n'exclut personne, mars nécessairement ceux qui ont puisé l'instruction dans les écoles normales ont plus de facilité pour passer les examens devant le jury que l'élève libre qui a puisé son instruction ailleurs. Toutefois celui-ci n'est pas exclu.

L'honorable M. Devaux a parfaitement expliqué comment ces écoles normales ne constituent pas un monopole en faveur des jeunes gens de la localité où elles sont établis. Les élèves sont internés et reçoivent des bourses. Ces bourses et cet internat sont à la disposition de tous les jeunes gens du pays sans distinction de province. Si j'avais supposé que la question serait soulevée, j'aurais fourni un état duquel il résulte que les élèves de nos écoles normales appartiennent à diverses provinces du pays.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Articles 88 à 92

« Art. 88. Crédit ordinaire et supplémentaire des athénées royaux : fr. 357,994. »

- Adopté.


« Art. 89. Part afférente au personnel des athénées royaux dans le crédit voté par la loi du 8 avril 1857, en faveur des employés de l'Etat dont le traitement est inférieur à 1,600 francs : fr. 2,800. »

- Adopté.


« Art. 90. Crédits ordinaire et supplémentaire des écoles moyennes : fr. 268,200. »

- Adopté.


« Art 91. Part afférente au personnel des écoles moyennes dans le crédit voté par la loi du 8 avril 1857, en faveur des employés de l'Etat dont le traitement est inférieur à 1.600 francs : fr. 45,000. »

- Adopté.


« Art. 92. Bourses à des élèves des écoles moyennes : fr. 15,000. »

- Adopté.

Article 93

« Art 93. Subsides à des établissements communaux ou provinciaux d'instruction moyenne : fr. 107,000. »

M. de Boe, rapporteur. - M. le ministre de l'intérieur a demandé à cet article une augmentation de crédit de 8,375 francs conformément à une note marginale du budget, qui porte :

(page 663) « Il sera probablement nécessaire d'augmenter ultérieurement le crédit proposé à l'article 93. Le gouvernement, en cherchant à faire améliorer la position pécuniaire des professeurs attachés aux établissements communaux subventionnés par le trésor, a fait espérer aux administrations communales que l'Etat interviendrait pour une part dans ce surcroît de dépenses. L'affaire n'est pas encore complètement instruite. »

Depuis le dépôt du projet de budget, cette affaire a été examinée, et le gouvernement propose d'augmenter de 200 francs le traitement des titulaires des cours principaux et de 100 francs celui des professeurs de langues.

La plupart des administrations communales auxquelles on a fait part de cette proposition se sont engagées à supporter la moitié de cette dépense.

On a successivement fait une situation meilleure aux instituteurs communaux, aux professeurs des athénées et de l’enseignement moyen. C'est pour améliorer d'une façon analogue la position des professeurs des divers établissements communaux d'enseignement que l'on demande l'augmentation dont je viens de parler.

Le chiffre de l'article 93 serait donc porté à 115,375 francs. La section centrale n'a pas fait d'objection à ce chiffre.

- Le chiffre de 115,375 francs est mis aux voix et adopté.

Articles 94 à 97

« Art. 94. Frais du concours général entre les établissements d'instruction moyenne : fr. 22,000. »

- Adopté.


« Art. 95. Indemnités aux professeurs de l'enseignement moyen du premier et du deuxième degré qui sont sans emploi ; charge extraordinaire : fr. 12,298. »

- Adopté.


« Art. 96. Traitements de disponibilité : (erratum, p. 692) fr. 8,000. »

- Adopté.


« Art. 97. Encouragements pour la publication d'ouvrages classiques, subsides, souscriptions, achats, etc. : fr. 8,000. »

- Adopté.

M. Vervoort remplace M. Orts au fauteuil.

Chapitre XVII. Enseignement primaire

Article 98

« Art. 98. Inspection civile de l'enseignement primaire et des établissements qui s'y rattachent. Personnel : fr. 34,000. »

- Adopté.

Article 99

« Art. 99. Ecole normale du degré inférieur à Nivelles et écoles normales primaires de l'Etat, à Lierre et à Nivelles. Personnel : fr. 66,820.

« Charge extraordinaire : fr. 1,100. »

M. Orts. - La Chambre connaît le système du recrutement de nos instituteurs primaires.

La loi de 1842 a organisé sous ce rapport des mesures qui concilient les prérogatives de la liberté d'enseignement, les droits du pouvoir et les garanties des pères de famille. Les instituteurs communaux se recrutent d'après le système de cette loi, en règle générale, parmi les élèves d'écoles normales organisées les unes par l'initiative de personnes privées, les autres par les soins du gouvernement. Par exception et moyennant l'agréation particulière du gouvernement, les conseils communaux peuvent appeler aux fonctions d'instituteurs d'autres personnes que des élèves sortis des écoles normales que je viens d'indiquer.

Des écoles normales existent en Belgique dans les proportions que voici, quant à la part que prennent au recrutement des instituteurs, d'un côté l'initiative privée, de l'autre côté l'Etat.

On compte deux écoles normales organisées par les soins de l'Etat et entretenues à ses frais.

D'après l'article 35 de la loi de 1842, le but de l'une de ces écoles est de créer des instituteurs pour les besoins de l'instruction primaire dans les provinces flamandes ; l'autre école est destinée à former des instituteurs primaires appelés à exercer leurs fonctions dans les province wallonnes.

La loi même organise cette classification. L'une des écoles est établie à Nivelles, l'autre est établie à Lierre.

L'enseignement normal privé existe et existe uniquement dans sept écoles organisées par les soins des évêques ; toutes les provinces où il n'y a pas d'école normale de l'Etat possèdent une école épiscopale.

Ainsi, il n'y a point d'écoles normales instituées par les évêques dans la province d’Anvers, ni dans la province de Brabant.

L'Etat, usant ensuite d'une faculté que lui accordait la loi de 1842, a adjoint à deux institutions d’enseignement primaire, du degré le plus élevé, des cours normaux ; il a institué ces cours auprès de l'école primaire supérieure de Bruges et auprès de l'école primaire supérieure de Virton.

Voilà, messieurs, toutes les institutions normales de l'Etat. Il possède deux établissements complets et deux institutions incomplètes ; les cours normaux adjoints à l'école de Bruges et à l'école de Virton.

Le clergé qui seul use de la liberté d'enseignement, au point de vue de là création d'écoles normales, possède au contraire sept institutions, placées, je me hâte de le dire, sous la surveillance de l'Etat, et qui ont accepté, comme la loi l'exigeait, pour qu'elles pussent jouir du privilège d'adoption dont je parlais tout à l'heure, qui ont accepté le régime d'inspection établi par la loi sur l'instruction primaire.

Depuis 1847, c'est-à-dire depuis l'expiration du délai transitoire de quatre années accordé par la loi de 1842, les communes ne peuvent plus choisir leurs instituteurs primaires ailleurs que parmi les élèves sortis des écoles normales adoptées ou des écoles normales de l'Etat, et munis d'un diplôme constatant que pendant plus de deux années ils ont suivi avec fruit les cours de ces écoles.

Pour opérer la constatation que les élèves d'une école normale ont suivi les cours avec fruit il faut une épreuve, et une épreuve a lieu ; c'est un examen de sortie.

Cet examen de sortie se passe, dans les institutions de l'Etat, devant les professeurs de l'institution et d'autres examinateurs en nombre égal, siégeant, sous la présidence, si je ne me trompe, de l'inspecteur général de l'enseignement primaire. Dans les écoles fondées par le clergé et adoptées par l'Etat, cet examen de sortie se passe devant un jury composé de 5 membres.

Il a pour président l'inspecteur général civil des écoles normales ; l'inspecteur provincial civil de l'enseignement primaire, dans la province où se trouve l'école normale, en fait également partie. Les trois autres membres sont l'inspecteur ecclésiastique, le directeur de l'école normale adoptée et le professeur de religion et de morale.

Cette organisation du jury de sortie dans les écoles normales adoptées résulte d'un arrêté royal du mois de novembre 1846, arrêté que vous trouverez inséré dans le premier rapport triennal sur l'état de l'enseignement primaire en Belgique, publié sous le dernier ministère de l'honorable M. de Theux.

Ainsi, le diplôme de capacité, c'est-à-dire l'attestation qu'on a suivi avec fruit, au vœu de la loi, les cours d'une école normale, est délivré par l'autorité publique, dans les établissements de l'Etat, et par un jury où les agents de l'autorité sont en minorité, dans les écoles normales adoptées.

Qu'a produit cette organisation, au point de vue du recrutement de nos instituteurs primaires après un fonctionnement de près de 17 années ? Les deux écoles normales de l'Etat ont été immédiatement organisées après la mise en vigueur de la loi de 1842.

Quant aux écoles normales épiscopales, elles étaient déjà en activité avant cette loi, elles ont été adoptées au mois de novembre 1843, et c'est à la même époque à peu près que l'Etat a organisé ses deux écoles normales. Qu'a produit, je le répète, cette organisation ? Vous en avez les résultats, au point de vue du recrutement, traduits en chiffres qui ont paru à votre section centrale offrir une haute importance, une incontestable gravité.

Il résulte de cet état de choses, en effet, que sur 1,770 instituteurs sortis des écoles normales du pays, les écoles normales épiscopales en ont fourni 1.058, les écoles normales de l'Etat, 644, les cours normaux annexés aux écoles moyennes de Bruges et de Virton, 68. C'est-à dire que près des 3/5 des instituteurs communaux, formés dans les écoles normales depuis 1843, sont sortis des écoles normales épiscopales, tandis que les 2/5 sont sortis des établissements de l'Etat. Et je me hâte de le redire, les particuliers laïques, au point de vue de la création d'écoles normales primaires, n'ont pas mis à profit l'article de la Constitution qui proclame la liberté de l'enseignement.

Messieurs, cette situation ne répond pas au vœu du législateur et aux prévisions de 1842. L'infériorité de l'Etat, au point de vue du recrutement des instituteurs primaires, est un fait que le législateur de 1842 n'a pas voulu, n'a pas prévu et que votre section centrale considère comme un fait regrettable.

Pour ma part, je n'ai jamais envisagé avec défiance où avec un sentiment de regret l'organisation dont nous a dotés la loi de 1842 sur l'instruction primaire ; mais je ne comprends cette loi et ne l'accepte qu'à la condition qu'elle soit, de la part de l'Etat, loyalement exécutée et exécutée en même temps avec fermeté. Or, maintenir l'enseignement normal laïque dans l'état d'infériorité où il se trouve aujourd'hui et où la législature n'a pas voulu le placer, c'est, paraît-il, manquer de fermeté, de vigueur dans l'exécution de la loi. C'est presque abdiquer.

Messieurs, pareil état de choses n'était pas dans les prévisions du ceux qui ont voté sans arrière-pensée la loi de 1842. En effet, lorsque cette loi s'est présentée à l'examen de la Chambre des représentants, l'organisation de l'enseignement normal de l'Etat n'a pas paru offrir des garanties suffisantes à l'opinion libérale. Des membres de la gauche de cette époque, qui approuvaient le principe de la loi, témoignaient néanmoins de sérieuses défiances, quant à ce point spécial.

On faisait remarquer, sur les bancs de l'opposition, que la part de l'Etat, en ce qui concerne les écoles normales, était moindre dans la loi de 1842 que ne l'avaient faite ceux qui avaient préparé le projet primitif d'organisation de l'enseignement primaire, c'est-à-dire les auteurs du projet de loi de 1834.

On faisait remarquer que, dans la loi de 1854, on organisait, non pas deux, mais trois écoles normales, et cela à une époque où le clergé, ne mettant pas encore à profit le droit qu'il avait de créer de semblables établissements, n'avait pas encore fondé les sept écoles normales qui fonctionnent aujourd'hui dans nos provinces.

(page 664) Des craintes de ce genre furent vivement exprimées, au sein de cette Chambre, entre autres par l'honorable ministre de l'intérieur actuel et par honorable M. Devaux. L'honorable M. Rogier obtint même un résultat de ses efforts : triomphe rare, à cette époque, pour un membre de l'opposition : il parvint à obliger du moins le gouvernement à réaliser tout de suite son projet de deux écoles normales civiles, il fit insérer dans l'article 35 de la loi le mot « immédiatement », après la phrase par laquelle le gouvernement s'attribuait le droit de créer deux écoles normales.

Par conséquent c'est aux réclamations de l'honorable M. Rogier que nous devons d'avoir vu le gouvernement s'exécuter, quant à l'organisation des écoles normales, le lendemain de la mise en vigueur de la loi.

Maintenant, on répondait aux craintes exprimées particulièrement par l'honorable M. Devaux et qui résultaient de ce fait, que le gouvernement demandait en 1842 moins pour les écoles normales qu'en 1834, alors qu'aucun établissement de ce genre n'existait ; on répondait que les écoles normales, même au nombre de deux, seraient suffisantes ; que des établissements de ce genre ne pouvaient pas être multipliés outre mesure.

Celte dernière observation était juste en théorie. Mais pour justifier l'observation en fait, le ministre de l'intérieur de l'époque présentait des calculs, d'où résultait que les deux écoles normales de l'Etat et les cours normaux, adjoints dans chaque province à une école primaire supérieur, fourniraient les deux tiers des instituteurs destinés à nos écoles communales ; tandis que les sept établissements du clergé, fussent-ils même adoptés, ce qui était dans les prévisions de tout le monde, lors de la discussion de la loi, ne devaient fournir, dans la pensée des auteurs de la loi, que le tiers restant.

Or, nous sommes aujourd'hui très loin de cette proportion ; elle est presque renversée.

J'ai donc raison de dire que lorsqu'on a voulu organiser un enseignement primaire normal par les soins de l'Etat en 1842, on a entendu donner à l'Etat le moyen d'intervenir, tout au moins pour une part égale, dans le recrutement de nos instituteurs.

Or, ces conditions ne sont pas accomplies aujourd'hui, nous sommes loin de la pensée qui a présidé au vote de la loi organique, il est plus que temps d'y revenir.

Maintenant. messieurs, remarquons encore autre chose. Pour l'organisation de l'instruction normale selon la loi de 1842, l'Etat n'a pas fait ce qui était dans les prévisions des législateurs de l'époque. On disait aux Chambres : Ne vous inquiétez pas de l'admission comme instituteurs d'élèves sortant d'établissements créés en vertu de la liberté d'enseignement. Ces établissements sont placés sur la même ligne, au point de vue de la concurrence, que les institutions de l'Etat ; alors même que les institutions du clergé sont plus nombreuses aujourd'hui.

L'Etat ne va pas se borner à la création de deux écoles normales, il y aura en outre des cours normaux destinés à former des instituteurs primaires organisés près des écoles primaires supérieures ; ou leur adjoindra un cours normal par province, ce qui supposait neuf cours normaux, plus les deux écoles normales de l'Etat complets. Et l'on arriverait ainsi à onze institutions laïques destinées à former des instituteurs primaires.

En face de ces onze institutions laïques se trouvaient sept établissements formés par l’initiative épiscopale, avec cette situation les prévisions proportionnelles du recrutement des instituteurs devaient se réaliser ; neuf cours normaux annexés à des écoles primaires supérieures et deux établissements complets de l'Etat parvenaient sans peine à fournir les deux tiers des instituteurs destinés à alimenter les écoles primaires.

Mais, qu'est-il arrivé de ces promesses ? L'Etat les a-t-il tenues ? Non ; au lieu de 11 institutions laïques destinées à fournir des instituteurs aux communes, nous n'en avons que quatre, tandis que les sept établissements ecclésiastiques prospèrent, nullement amoindries par le temps, au contraire augmentées et fortifiées. Je ne m'en plains pas.

La Chambre se tromperait sur la portée de mes paroles si elle comprenait que je regarde comme un mal la concurrence des écoles normales adoptées, dont la création primitive appartient à l'autorité ecclésiastique. Je ne me plains pas de l'usage que l'autorité ecclésiastique fait de la liberté d'enseignement. Ce dont je me plains, c'est que la part de l'Etat ne soit pas égale ; ce dont je me plains, c'est qu'ayant le devoir légal de rivaliser d'émulation avec le clergé, il n'ait pas annexé des cours normaux aux écoles primaires supérieures des neuf provinces à côté des écoles concurrentes.

Tout à l'heure, l'honorable M. B. Dumortier faisait remarquer qu'il y avait privilège, facilité plus grande pour les localités environnant le siège de l'institution, parce qu'on se déplace difficilement et qu'on hésite à aller chercher l'instruction loin de chez soi, même quand on doit y être admis en pension.

Ces observations faites à propos de l'enseignement moyen sont parfaitement applicables aux cours normaux de l'enseignement primaire, elles sont justifiées par la conduite du clergé qui a eu soin d'établir ses écoles normales précisément là où l'Etat n'en a pas.

Je disais tout à l'heure qu'il était bon de rechercher comment il se fait qu’avec les moyens d'encouragement dont l'Etat dispose, comment il se fait qu’en tenant compte de la non-création des institutions qui étaient dans l’intention des auteurs de la loi, l'Etat se trouve, en ce qui regarde le recrutement des instituteurs primaires, dans la position inférieure que je viens d'indiquer : 1,058 instituteurs sortis des établissements du clergé et 700 seulement des établissements laïques.

J'attribue cette infériorité à trois ou quatre causes principales et je vais les indiquer en quelques mots.

J'arriverai ensuite à dire ce que, selon moi, il convient de faire pour remédier à cet état de choses.

Ces causes, les voici : je les réduis à quatre, je les résume. La population est plus nombreuse dans les établissements normaux du clergé que dans les établissements normaux civils, d'abord, parce que les conditions matérielles d'admission sont moins dures dans les établissements de l'épiscopal que dans les établissements de l'Etat ; dans les établissements normaux de l'Etat on paye plus que dans les écoles normales du clergé.

Cette cause eu égard à la différence peu considérable des chiffres est la moins importante des quatre auxquelles j'attribue la situation que je veux réformer, mais elle n'est pas sans valeur, elle doit avoir son influence, il suffit de la signaler d'ailleurs, à l'attention de M. le ministre pour qu'il y soit fait droit.

Il n'est pas de l'intérêt, il n'est pas de la dignité de l'Etat de faire, de l'enseignement normal qu’il donne, une spéculation d'argent. Je voudrais que le gouvernement pût instruire les aspirants instituteurs au meilleur marché possible, qu'il fît même des sacrifices aux frais de la généralité, à la charge du trésor public, pour augmenter leur nombre, car l'instituteur c'est toute l'instruction.

Une deuxième cause plus grave, plus importante, c'est la différence dans les conditions morales requises pour entrer dans un établissement de l'Etat et celles qui sont requises pour entrer dans un des établissements organisés par les évêques.

L'Etat soumet à des examens d'entrée ceux qui veulent recevoir l'enseignement dans ses établissements, les matières de l'examen sont déterminées par un arrêté du 28 juin 1854. Il a raison d'agir ainsi. Je désire qu'on n'entre dans la carrière de l'enseignement primaire que quand on a fait preuve d'études suffisantes et de bonnes dispositions ; mais pour entrer dans l'école du gouvernement, l'aspirant instituteur doit subir un examen d'entrée, lequel se passe devant les professeurs de l'établissement, peu intéressés naturellement, je ne leur en fais pas un reproche encore une fois, à accueillir facilement des sujets qui ne leur feraient pas honneur.

Pour entrer dans les établissements créés par les évêques, il faut aussi remplir quelques conditions d'admission ; on n'est pas reçu sans faire certaines preuves de capacité ; ces preuves sont énumérées dans le règlement épiscopal annexé à l'arrêté du il novembre 1843, mais entre les établissements du clergé et les établissements de l'Etat se dressent plusieurs différences capitales quant à la facilité de se faire ouvrir la porte de la carrière d'instituteur. J'ai dit que pour être admis dans les établissements de l'Etat on devait subir un examen sur certaines matières détaillées dans l'arrêté royal du 28 juin 1854.

Dans l'examen qu'on subit pour entrer dans les établissements du clergé, ces matières sont moins nombreuses d'abord. Ainsi, l'Etat exige, en plus que l'épiscopat, avant l'admission à l'école normale, la justification des connaissances que voici, qui ne sont pas comprises dans le programme épiscopal. L'histoire nationale, les éléments de géographie, la connaissance du système des poids et mesures, quelques notions de musique vocale et en cinquième lieu la connaissance de la doctrine chrétienne et de l’histoire sainte. (Interruption.) Vous ne me croyez pas, quant à ce dernier point. Il vous étonne de voir l'Etat exiger, en matière religieuse, davantage ; les établissements du clergé se montrer moins rigoureux !

Savez-vous ce qu'on exige des candidats dans les écoles du clergé ? Qu'ils sachent lis catéchisme par cœur. Ils ne sont pas obligés de le comprendre, mais ils doivent le savoir par cœur. Le mot y est ; je ne l'invente pas. Le règlement de 1843 que je lis, porte : « Ils doivent savoir écrire sous la dictée avec facilité, connaître les éléments de la grammaire et de l'arithmétique et savoir le catéchisme par cœur. »

Mais, justice pour tous ! Si l'Etat se montre plus difficile que le clergé quant à certaines conditions, l'entrée aux écoles normales est moins difficile quant à d'autres ; vous allez voir s'il y a compensation. Pour être admis, par exemple, dans les écoles de l'Etat, il faut fournir un certificat de moralité personnelle ; mais l'Etat ne s'informe pas si les parents du candidat sont pauvres ou riches.

Le clergé exige, lui, que le candidat soit « issu de légitime mariage » ; ses parents peuvent être pauvres, « mais ils ne doivent pas être misérables. » (Interruption.) Sauf ces deux conditions, qui me paraissent peu charitables, les conditions de l'entrée aux écoles épiscopales sont plus faciles que celles des écoles de l’Etat. Mais ce n'est pas tout. Pour entrer dans les écoles de l'Etat, il faut justifier de ses capacités en subissant un examen. Dans les écoles du clergé, la capacité préalable est établie, savez-vous comment ? Par un simple certificat du bourgmestre et du curé dit le règlement de 1843, que je tiens à la main (Interruption.)

On comprend qu'il est beaucoup plus facile de faire certifier par le bourgmestre et le curé de sa commune que l'on connaît la grammaire, l'arithmétique et le catéchisme par cœur, que de subir un examen sur ces matières.

Ce n'est pas tout encore.

L'Etat impose des conditions d'âge ; le clergé n'en impose pas. Lorsqu’un individu qui aspire à recevoir son enseignement se présente trop jeune (page 665) ou sans l'instruction suffisante, le clergé avec beaucoup de prudence le place dans une école préparatoire qui se trouve annexée à chaque école normale. Ces cours préparatoires annexés à toutes les écoles épiscopales n'existent pas près des écoles normales de l'Etat.

Il y a plus, une propagande très active est organisée par le clergé, en vue de recruter de bons sujets, et je ne lui reproche pas ses efforts pour se procurer un bon personnel enseignant. Je désire seulement que l'Etat puisse en faire autant. Lorsqu'un curé découvre quelque personne présentant les garanties désirables d'un bon instituteur primaire, il doit l'engager à entrer dans les écoles normales du clergé. Cela est recommandé à tous les curés par le règlement épiscopal de 1843, où je lis : « Lorsque MM. les curés croiront reconnaître dans les aspirants les qualités requises, ils voudront bien encourager de toute manière leur vocation naissante ; car il faut quelque courage à des jeunes gens de cet âge pour se mettre sous une exacte discipline et y persévérer pendant plusieurs années. Ils leur doivent, etc., ils ajouteront que cette éducation achevée, on ne négligera aucun moyen pour leur faire obtenir une part légitime aux encouragements. » Je m'arrête.

Vous croyez peut-être que ce sont les encouragements du clergé que les curés promettent ; pas du tout ; ce sont ceux de l'Etat.

« Aux encouragements dont le gouvernement voudra disposer. »

Ainsi donc les curés vont recruter partout les sujets habiles et ils ont raison ; ils les engagent à entrer dans les établissements du clergé et ils leur disent : « Si vous détenez des sujets capables, les encouragements de l'Etat seront pour vous. » Quelles raisons aurait-on dès lors d'entrer dans les établissements de l'Etat ? A quoi bon ? Les écoles du clergé réunissent tous les avantages, il vaut autant y entrer. Aussi est-ce ce qui arrive.

Voici maintenant la troisième cause ; les examens de sortie. Les examens des écoles épiscopales font organisés de façon, non pas à établir l'égalité entre tous les établissements normaux, mais à favoriser ceux du clergé.

Vous allez voir que cela est aussi évident qu'était vraie tout à l’heure la comparaison que j'ai faite pour établir la défaveur de l'Etat quant aux conditions d'admission. Je sais et je reconnais franchement que les programmes d'enseignement sont les mêmes dans les établissements du clergé et dans ceux de l’Etat. Les matières enseignées sont identiques excepté deux branches que nous trouvons dans le programme du clergé et que M. le ministre de l'intérieur n'a pas jugé à propos d'insérer dans le sien. Ce sont la fabrication des cierges et la connaissance des devoirs du bon sacristain. (Interruption ) Cette différence dans les matières enseignées est logique, elle résulte de la différence du but. Lorsque le clergé, à l'article 13 du programme commun qui prescrit l'étude du jardinage, etc., a ajouté la fabrication des cierges et la connaissance des devoirs du bon sacristain, il a eu pour but de faire non seulement des instituteurs communaux, mais des sacristains, des catéchistes zélés et intelligents. Le gouvernement, qui ne tient pas à ce que les instituteurs communaux soient sacristains ou catéchistes, a supprimé ces deux matières. Sauf cette différence, les programmes sont les mêmes.

M. Coppieters ’t Wallant. - Le programme du gouvernement a été modifié en 1854.

M. Orts. - Le gouvernement a, en 1854, introduit de nouvelles garanties, de nouvelles précautions pour que les examens fussent sérieux ; il n'a pas modifié le programme d'enseignement qui est encore le même que celui du clergé, sauf les deux différences que j'ai signalées.

Mais les examens de l'Etat sont faits par des examinateurs sérieux, se contrôlant les uns les autres en toute indépendance.

L'Etat fait passer des examens nombreux et contrôle à chaque instant, à son point de vue, l'enseignement dont il est le maître. Cette action évidemment, il ne l'a pas sur l'enseignement privé, alors même que les établissements créés par cet enseignement sont adoptés et patronnés. L'Etat n'a qu'un droit, le droit d'inspection. Or, pour quiconque sait ce que c'est qu'une inspection, il est évident que celle-ci n'équivaut pas, comme contrôle, à la direction, à une surveillance de tous les jours, comme celle qu'exerce le gouvernement sur les établissements dont il est le maître.

Les examens de sortie dans les écoles normales du clergé se passent devant une commission d'examen composée comme je l'ai dit en commençant, c'est-à-dire composée de façon telle que les représentants de l'Etat y sont en minorité, et que les élèves sont examinés par les professeur de l'établissement indépendant de l'Etat. Dans des conditions pareilles, les contrôle de l'Etat sur le résultat des examens ne me paraît pas suffisant, ne me paraît pas satisfaisant.

Le contrôle de l'Etat s'exerce, dans les établissements normaux du gouvernement, au point de vue de l'examen, d'une manière beaucoup plus sérieuse, et cet examen est beaucoup plus difficile pour l'élève. Dans les établissements du clergé, les professeurs examinent leurs élèves.

Je n'appelle pas examinateur l'inspecteur de l’enseignement normal ; et si vous voulez avoir là-dessus des renseignements précis et juger par comparaison, demandez quel contrôle exercent les présidents des jurys universitaires, ce qu'il serait sans le contrôle des professeurs.

Dans les établissements de l'Etat, ce ne sont pas les professeurs en majorité qui composent le jury. L'Etat a quelques-uns de ses professeurs dans le jury d'examen ; mais il leur adjoint quatre personnes, c'est-à-dire un nombre égal à celui des professeurs, de personnes intelligentes habituées à l'enseignement, mais qui ne font pas partie du personnel enseignant de l'école. Ensuite vient le président. Les examens de sortie sont donc plus difficiles dans les établissements de l'Etat que dans ceux du clergé, et cela suffirait pour expliquer les préférences que les aspirants instituteurs manifestent pour les établissements du clergé plutôt que pour ceux de l'Etat.

Ajoutons que dans les établissements du clergé, et c'est encore là une chose que je recommande à M. le ministre de l'intérieur comme un excellent exemple à suivre, la sollicitude de l'organisateur de l'école pour les élèves qu'il forme ne s'arrête pas au moment où ceux-ci passent le seuil de l'école normale pour entrer dans la carrière professorale. Le règlement de 1843 leur promet encore une surveillance bienveillante et intelligente lorsqu'ils sont appelés à remplir les fonctions d'instituteur.

Instituteurs, les élèves conservent des relations avec l'établissement ; des conférences sont organisées et rappellent les anciens élèves dans le sein de l'école.

Le directeur est obligé d'aller visiter les anciens élèves au moins une fois par an pendant l'époque des vacances ; et chaque fois que cette surveillance peut s'exercer d'une manière profitable pour le professeur, elle s'exerce.

Ce patronage est de la plus haute importance, il est important surtout en présence du mode de nomination de nos instituteurs communaux.

L'Etat forme des élèves instituteurs ; mais une fois sortis de l'école, l’Etat ne peut plus rien pour eux. Qui nomme les instituteurs ? Les communes sur lesquelles l'Etat n'a pas d'action ; l'autorité qui a créé les écoles normales du clergé peut faire aux élèves qui en sortent des avantages que l'Etat ne pourrait pas faire aux siens avec la meilleure volonté du monde. Elle peut améliorer la position de l'instituteur. Car si c'est la commune qui nomme le maître d'école, c'est le curé qui nomme le sacristain, et vous l'avez vu, le cumul de ces fonctions est le but du système qui a présidé à l'organisation des écoles normales du clergé.

Toutes ces causes réunies ont dû donc amener les résultats que nous constatons et que, pour ma part, je considère comme dangereux.

La section centrale l'a considéré comme tel, et elle a cru que le premier remède était de fortifier l'action de l'enseignement normal de l'Etat en augmentant le nombre des institutions laïques destinées à former des maîtres. Appuyant une proposition due à l'initiative d'une section particulière, de la première, si je ne me trompe, elle a demandé qu'on établît une école normale dans les Flandres, soit en soutenant les particuliers, la commune ou la province qui voudraient fonder cette école, soit par l'initiative directe de l'Etat.

En effet, la loi sur l'instruction primaire dit bien que deux écoles normales seront créées immédiatement, mais elle ne défend pas d'en créer davantage, si les besoins de l'instruction le réclament. Or, nous croyons que les besoins de l'instruction le réclament ; nous croyons qu'il est difficile d'espérer que des jeunes gens peu fortunés des Flandres (et c'est dans cette classe que se recrutent les instituteurs primaires) consentent facilement à aller passer de longues années, des années dures, laborieuses, dans une école normale très éloignée du foyer domestique. Et cette opinion est la traduction en paroles de l'enseignement qui ressort des faits. Prenez la statistique des écoles normales du gouvernement, que voyez-vous ? Les écoles sont peuplées en majorité des jeunes gens de la province.

Il en est de même pour les écoles du clergé ; et c'en pour cela, encore une fois, que le clergé a eu soin de ne pas mettre ses écoles normales à côté de celles de l'Etat, qu'il les a établies dans les provinces où le gouvernement n'a pas d'action.

Ainsi, que l'Etat fasse de deux choses l'une pour réaliser la recommandation de la section centrale ; ou qu'il crée, soit par lui-même, soit avec le concours des particuliers, de la province ou des communes, en les aidant dans leur initiative, une école normale dans les Flandres, ou qu'il exécute ce qui était prescrit par la loi ; qu'il institue des cours normaux près de ses écoles primaires supérieures dans les neuf provinces.

Voilà deux moyens, ce ne sont pas les seuls et les plus efficaces. Nous ne voulons pas la suprématie de l'enseignement normal de l'Etat sur l'enseignement créé à la faveur de la liberté d'instruction ; mais nous voulons, ici comme partout, l'égalité ; nous voulons une lutte loyale, une concurrence où l'on ne puisse écraser l'autre et qui amène l'amélioration de 1 enseignement normal et par conséquent de l'enseignement primaire. Car l'instituteur, c'est toute l'instruction primaire.

Pour obtenir cette égalité, que faut-il ? Il faut l'uniformité dans l’enseignement, et cette uniformité dans l'enseignement, quel que soit l'établissement qui le donne, comment est-on certain de l'obtenir ? Vous l'obtiendrez à une condition ; c'est à la condition que vous avez inscrite dans la loi, lorsque vous avez voulu obtenir pour l'enseignement universitaire, entre les établissements de l'Etat et les établissements dus à la liberté d'enseignement, cette égalité que je veux voir régner quant à l'enseignement normal. Il faut que l'examen ne soit pas subi dans tel établissement autrement que dans tel autre, que tous les élèves, quelle que soit la pépinière où ils ont été formés, arrivent devant un jury, une institution quelconque, présentant des garanties à la liberté, à l’Etat et aux pères de famille, et fassent là leurs preuves de capacité.

(page 666) Il faut que les élèves des écoles normales du clergé, des écoles normales de l'Etat, des écoles normales qui viendraient à être établies par des particuliers, fassent preuve de capacité devant la même autorité et devant une autorité impartiale.

De cette manière le problème sera résolu, l'infériorité regrettable de l'Etat, que je viens de signaler, n'existera plus, et l'enseignement primaire aura fait un immense progrès. Or, messieurs, sur les progrès de l’enseignement primaire tous les vrais amis du pays doivent porter leur attention et concentrer leurs efforts.

L'avenir moral et intellectuel du pays est tout entier dans l'avenir de l'instruction primaire, dans la diffusion des lumières au sein des masses.

M. B. Dumortier. - Je crois, messieurs, qu'il est facile de résumer en peu de mots le discours que vous venez d'entendre : c'est la prescription de la liberté au profit de l'Etat, comme toujours. Je suis d'autant plus étonné d’entendre un pareil discours de la part de l'honorable membre que, dans ses maximes économiques, il est partisan du laisser faire et du laisser passer ; ici au contraire il veut établir la suprématie des écoles normales de l'Etat sur toutes les autres.

Je demande comment il est possible de professer en même temps deux principes aussi opposés. Cela ne va pas à mon intelligence et je ne comprends pas comment la logique peut s'arranger de pareilles contradictions.

Il s'agit, messieurs, d'une loi qui fonctionne depuis 16 ou 18 ans et qui n'a donné lieu, dans le pays, à aucune réclamation.

Il s’est bien trouvé quelques esprits extrêmes, quelques exagérés qui n’ont pas voulu de cette loi ou qui ont voulu la changer ; lorsqu’elle a été votée, il s’est trouvé trois membres qui ne l’ont pas admise, mais aucun des trois ne siège plus dans cette enceinte, et dans le pays entier la loi s'exécute à la satisfaction générale.

On peut ajouter qu'avant le vote de cette loi nul n'aurait osé espérer des résultats si extraordinaires, si brillants au point de vue du développement de l'instruction dans le pays. On peut ajouter encore que si l'on compare les résultats de cette loi à ceux qui avaient été obtenus sous le gouvernement hollandais et dont il se vantait, dont il se glorifiait, on est extrêmement surpris de voir les progrès immenses que la Belgique a réalisés dans le grand œuvre de l'instruction primaire. Il n'y aurait plus qu'une seule chose à faire pour aller au-delà, ce serait de rendre l'enseignement primaire obligatoire, et je doute qu'il y ait beaucoup de membres de cette Chambre qui soient disposés à adopter une pareille mesure.

Quant à l'instruction primaire laissée à la liberté des familles, la Belgique a fait des progrès tels qu'il n'est peut-être aucun Etat, en Europe, qui puisse soutenir la comparaison.

Il y a une chose qui gêne quelques personnes : les écoles fondées par l’épiscopat ont plus d'élèves que les autres et dès lors il faut faire la guerre aux écoles fondées par l'épiscopat, dès lors il faut établir la suprématie des écoles de l'Etat ; voilà le système où nos adversaires voudraient arriver pour l'enseignement primaire comme pour l’enseignement moyen et pour l'enseignement supérieur. C'est-à-dire que ce qu'on fait aujourd'hui, c'est la guerre à la liberté ; ce que l'on veut, c'est le retour au régime du monopole, régime que le pays a combattu et qu'il a vaincu et renversé en 1830.

On voudrait y revenir par des moyens indirects ; on n'ose pas le dire hautement, on n'ose pas le dire franchement, mais on veut annihiler l'article de la Constitution qui a proclamé la liberté d'enseignement ; on veut obtenir ce résultat par des moyens obliques, on veut écraser la liberté d'enseignement sous le poids du trésor public.

L'honorable membre s'est beaucoup égayé de certaines choses qu'il a trouvées dans le programme des écoles normales fondées par les évêques. Ainsi, par exemple, il y a trouvé le catéchisme que les élèves doivent savoir par cœur.

Je le demande, messieurs, quel mal y a-t-il à ce que celui qui doit enseigner le catéchisme, sache le catéchisme ? Est-ce que le catéchisme est une chose nuisible ? Est-ce une chose nuisible que les principes religieux ?

Je suis convaincu que l'honorable membre ne veut pas y toucher, mais il y touche sans le vouloir. Les écoles fondées par l'épiscopat et où le principe religieux est respecté, ces écoles sont trop florissantes au gré de l'honorable membre et il veut qu'on les écrase sous la suprématie des écoles de l'Etat.

L'honorable membre s'est réjoui encore de voir qu'on enseigne aux élèves la fabrication des cierges et les devoirs d'un bon sacristain.

Eh bien, messieurs, je le demande, ne faut-il pas dans une commune quelqu’un qui veille au service matériel de l'église et où voulez-vous qu'on apprenne à s'acquitter de cette charge ? Si dans une école fondée par l'évêque on apprend aux élèves les devoirs d'un bon sacristain cela n'est-il pas tout naturel et quel inconvénient peut-il en résulter ? 1

Serait-ce par hasard que dans certaines communes peu importantes l’instituteur pourrait exercer en même temps les fonctions de sacristain et améliorer ainsi quelque peu sa position ? Est-ce là ce que vous voulez proscrire ? Alors, dites-le ; ce sera plus clair, plus honnête, plus loyal.

Je dis, moi, que si le clergé utilise ses écoles normales pour former des sacristains qui sont indispensables au service religieux, il ne cause de préjudice à personne, mais qu'il rend un véritable service aux populations.

Si vous n'aimez pas l'église, personne ne vous force à y mettre les pieds, mais n'empêchez pas ceux qui y vont d'avoir des sacristains.

Et s'il arrive que la même personne exerce les fonctions d'instituteur et celles de sacristain, c'est une chose que désirent la plupart des instituteurs communaux. Toutes les communes de la Belgique n'ont pas une population de 6,000, 8,000 ou 10,000 âmes ; il en est un grand nombre qui n'ont que 300, 400 au 500 habitants, et là l’instituteur a infiniment de peine à vivre ; or, s'il arrive qu'il peut remplir tout à la fois les fonctions d'instituteur et les fonctions de sacristain, il gagne un peu d'un côté, un peu de l'autre et il parvient ainsi à couvrir les frais de sa modeste existence.

Ainsi, sans vous en doutez, ce que vous faites c'est la guerre aux instituteurs ; consultez-les et vous verrez ce qu'ils vous répondront.

Il arrive aussi que la commune est trop pauvre pour payer convenablement l'instituteur, et alors si celui-ci peut exercer les fonctions de sacristain, ce qu'il y gagne de ce chef vient à la décharge de la commune. Beaucoup de petites localités sont dans ce cas, et c'est sur ces petites localités que tombent ainsi vos attaques. Allez voir dans le Luxembourg, dans la province de Namur, et vous y trouverez une foule de ces petites communes dont je viens de parler. Je dis que c'est à elles et aux instituteurs que vous faites la guerre. Vous prétendez protéger les instituteurs, et bien, ce sont eux que vous traquez en ce moment.

Soyez sincères et vrais : c'est le principe religieux que vous voulez attaquer ; c'est pour cela que vous venez ici nous parler de sacristain. Mais allez en France, allez dans tous les pays, catholiques ou protestants, et vous verrez que lorsque l'instituteur communal peut cumuler une petite fonction à l'église, on l'en charge ; il n'en remplit pas moins bien ses devoirs d'instituteur, et cela l'aide à vivre, et le budget communal s'en trouve soulagé d'autant.

A entendre l'honorable préopinant, il faudrait un jury central pour les instituteurs ?

Ah ! nous y voilà ! encore un jury ; sans doute nous n'en avons pas encore assez ! Nous avons des jurys pour les universités ; nous avons des jurys pour les conservatoires ; nous avons des jurys dans toutes les académies d'art ; nous avons des jurys pour l'école vétérinaire ; nous avons des jurys en toutes choses. Faites donc aussi des jurys pour arriver à la Chambre ; faites des jurys pour la profession de négociant, d'industriel ; faites des jurys à toute sauce.

Est-ce là une idée raisonnable ? vous avez des jurys pour la profession d'avocat ? soit ; tout le monde ne peut pas arriver au barreau ; mais est-il utile d'établir un jury central pour de petites fonctions, comme celles d'instituteur ? Nous en viendrons à constituer toute la Belgique en un jury permanent dont les membres se jugeront les uns les autres.

Messieurs, je dis que la loi de l’instruction primaire marche admirablement bien ; quelle a été votée par la Chambre à l’unanimité, moins trois voix ; qu’elle a été acceptée par le Sénat, je crois, à l’unanimité ; qu’elle n'a donné lieu à aucune réclamation sérieuse ; qu'elle marche à la satisfaction générale.

Maintenant, vous voulez entreprendre une lutte avec le clergé. Savez-vous ce qui arrivera, si vous vous avisez d'établir dans la loi sur l’instruction primaire ce que vous avez établi dans la loi de l'enseignement moyen ? C'est que le clergé fondera des écoles à côté de vos écoles ; vos écoles finiront par avoir fort peu d'élèves, si elles ne sont pas complètement désertes. Vous aurez un monopole dont vous serez bientôt les victimes, grâce à 1'article 17 de la Constitution qui empêche le gouvernement de faire ce qu'on a fait sous le roi Guillaume.

Un ancien ministre appartenant au parti libéral, et dont je ne me rappelle plus le nom en ce montent, disait un jour : « Je ne veux pas engager cette lutte ; elle pourrait tourner au détriment de l'opinion à laquelle j'appartiens. Nos populations sont attachées à leur foi ; elles veulent voir donner à leurs enfants une éducation religieuse. »

Messieurs, pourvu que nous ayons des instituteurs instruits et moraux, que nous importe qu'ils sortent de telle ou telle école ?

Est-ce que l'Etat doit être constitué comme une armée livrant bataille à telle ou telle classe de citoyens ?

L'Etat est constitué, à l'égard de la société, pour lui tendre une main bienveillante, et non pas pour le contrecarrer dans les efforts de ses membres. Faire et laissez faire, c'est un principe dans le domaine des intérêts matériels ; ce principe est vrai surtout dans le domaine des intérêts moraux.

En résumé, je dis qu'il est tout à fait inutile de modifier la loi sur l'instruction primaire, et qu'il est, au contraire, évidemment désirable qu'elle continue à marcher, comme elle l'a fait jusqu'ici, à la satisfaction générale.

M. le président. - Messieurs, je n'ai que quelques mots à dire en réponse à l'honorable M. B. Dumortier : ce ne sera pas long.

L'honorable membre ne m'a pas compris. Il m'accuse de vouloir le monopole, l'oppression, la ruine du sentiment religieux ! que sais-je encore ? Et pourtant, il n'est pas entré dans mon intuition de demander (page 667) autre chose que l'égalité, je dirai même l'exécution franche et complète de la loi de 1842. Je prétends qu'elle n'est pas exécutée aujourd'hui. Loin de vouloir le retrait de cette loi, reproche injuste, et qu'aucun membre de cette chambre n'a moins mérité que moi.

J'ai appris à mes dépens combien il est difficile aujourd'hui d'amener dans l'opinion à laquelle j'appartiens, cette quasi-unanimité dont argumentait tout à l'heure l'honorable M. Dumortier.

Je désire que les exigences de ceux qui veulent que le gouvernement n'exécute pas franchement la loi, en ce qui concerne la part faite à l'Etat ; je désire que ces exigences ne détachent pas tous les jours de la loi de 1842, des partisans qui auparavant étaient dévoués à cette législation. Le meilleur moyen de faire regretter leur vote affirmatif, à ceux qui l'ont émis, c'est de se refuser à l'exécution complète de la loi, en ce qui concerne la part de l'Etat dans l'enseignement primaire.

Qu'ai -e demandé ? En 1842, tout le monde état d'accord sur ce point, que l'enseignement normal laïque devait fournir les deux tiers des instituteurs communaux, tandis que les écoles normales épiscopales ne devaient fournir que le tiers restant.

M. Nothomb, alors ministre de l'intérieur, l'a promis et l'a déclaré dans cette Chambre ; et parce qu'il l'a promis et déclaré, la loi a été votée à une immense majorité.

Qu'avez-vous maintenant ? La proportion est renversée. Au lieu d'avoir les deux tiers du recrutement des instituteurs communaux, au profit des écoles normales de l'Etat, et seulement un tiers de ce recrutement pour les écoles normales adoptées, vous avez trois cinquièmes pour ces dernières écoles et deux cinquièmes seulement pour les écoles normales du gouvernement.

Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que la loi n'est pas exécutée ; parce qu'il y avait, grâce à l'initiative des communes et des provinces, onze établissements normaux laïques, fonctionnant en 1842 ; parce que le ministère de 1842 a tué, fermé d'autorité ces onze établissements laïques ; parce qu’il a conservé sept écoles normales épiscopales et n’a créé au nom de l’Etat que quatre établissements laïques pour maintenir l’équilibre lorsqu’il en tuait onze.

Voilà le tort du ministère de 1842, et voilà le tort que je veux voir réparer par le ministère de 1860.

Je veux donc l'exécution de la loi de 1842, je n'en veux pas le renversement.

Maintenant, en demandant l'exécution de la loi de 1842, ai-je voulu amoindrir le sentiment religieux ? Mais l’honorable M- Dumortier a dit lui-même que le sentiment religieux du pays trouvait sa consécration la plus complète, au point de vue de l'enseignement, dans la loi de 1842, et je n'en demande que l'exécution.

J'ai réclamé un jury semblable à celui qui fonctionne pour les examens universitaires, j'ai réclamé un jury central présentant toute espèce de garantie à la liberté, à l'Etat, aux pères de famille, et chargé de délivrer les diplômes d'instituteur, après avoir constaté que les récipiendaires ont suivi les cours normaux avec fruit.

Pourquoi ai-je fait cela ? Parce que ces diplômes de capacité confèrent dans la société, au point de vue de l'exercice d'une profession, un privilège comme les diplômes de docteur en droit confèrent le privilège d'exercer la profession d'avocat, comme le diplôme de docteur en médecine donne le droit exclusif d'exercer la médecine.

Vous oubliez que les instituteurs diplômés, sortis, soit des écoles normales de l'Etat, soit des écoles normales adoptées, sont les seuls individus aptes à exercer les fonctions d'instituteur communal, sans permission du gouvernement.

Or, il est exorbitant de voir conférer des diplômes qui accordent un privilège pour l'exercice d'une profession ; de les voir conférer par un jury composé de 3 particuliers parfaitement indépendants de l'Etat et seulement de 2 fonctionnaires publics. Evidemment, il faut ici les garanties qui existent pour l'octroi des grades académiques.

Le système, des jurys universitaires a-t-il tué la liberté de l'enseignement ? L'honorable M. Dumortier n'oserait le dire ; eh bien, un jury central chargé de délivrer les diplômes d'instituteur ne tuera pas davantage la liberté de l'enseignement primaire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, l'honorable député de Roulers semble avoir bien mal interprété le discours de l'honorable Mi Orts.

J'ajouterai qu'il montre peu de bienveillance et de reconnaissance pour l'honorable député de Bruxelles. L'honorable M. Orts est un des membres de la gauche qui n'ont pas hésité à déclarer qu'à ses yeux la loi de 1842 ne doit pas être modifiée.

Sous ce rapport, il s'est détaché d'un grand nombre de ses collègues. Il semble que, du côté de la droite, on devrait lui en savoir gré, et voilà que notre honorable président est accusé de vouloir ruiner la religion, exclure le prêtre et la religion de l'école et transformer nos écoles communales en autant de foyers de pestilence, à l’instar de nos universités telles qu'on les a qualifiées.

Que veut M. Orts ? Que toutes les écoles normales officielles ou adoptées fournissent de bons instituteurs ; des instituteurs capables et instruits ; et il a constaté que les instituteurs sortant des écoles normales instituées par le clergé ne présentaient pas les mêmes garanties de capacité que ceux qui sont formés dans les écoles normales de l'Etat. Où a-t-il puisé la preuve de cette infériorité ? dans la manière dont les élèves ont à justifier de leurs connaissances.

Aujourd'hui les écoles normales adoptées comptent un nombre d'élèves beaucoup plus considérable que les écoles normales de l'Etat Pourquoi ? A entendre l'honorable M. B. Dumortier, c'est parce qu'elles sont meilleures que celles de l'Etat ; elles ont le privilège d'attirer plus d'élèves, parce qu'elles inspirent plus de confiance.

Si leur population est plus grande, c'est que les admissions y sont plus faciles, et qu'elles sont en plus grand nombre que celles de l’Etat. L'Etat en a deux, tandis que le clergé en a sept. Le ministre de l'intérieur pendant la discussion de la loi de 1842 avait annoncé que la grande part des instituteurs communaux officiels seraient formés dans les établissements officiels ; il faisait la part aux établissements privés, et leur attribuait un tiers des instituteurs communaux à nommer. Les résultats que nous constatons sont opposés à ceux qu'on annonçait alors ; ce sont les écoles normales épiscopales qui fournissent les deux tiers des instituteurs, tandis que les écoles normales de l'Etat n'en fournissent qu'un tiers.

Dans ces écoles adoptées reçoit-on un enseignement aussi complet que dans les établissements de l'Etat ? Je n'hésite pas à répondre que non ; les examens d'entrée et les examens de sortie y sont beaucoup plus faciles ; on demande la parfaite égalité entre les divers établissements normaux. cette égalité n'existe pas.

Ainsi l'élève qui sort de Nivelles ou de Lierre doit passer son examen devant un jury d'examen sérieux ; il n'est pas composé seulement de leurs professeurs, il est composé de l'inspecteur civil, de l'inspecteur ecclésiastique, d’un professeur et de quatre jurés pris en dehors de l'école, hommes impartiaux et sévères ; l'élève des écoles normales du clergé passe son examen devant ses professeurs, l'inspecteur général, l'inspecteur civil et l'inspecteur ecclésiastique présents.

Il y a une grande inégalité entre les établissements adoptés et les établissements de l'Etat. L'honorable M. Orts a fait observer que le gouvernement avait négligé d'exécuter la loi comme on avait promis de le faire pour les élèves. Un de mes prédécesseurs, l’honorable M. de Decker, a reconnu la parfaite convenance de mettre les écoles du clergé sur le même pied que les écoles de l'Etat ; de soumettre aux mêmes conditions les élèves des écoles normales de l'épiscopat et les élèves des écoles normales de l’Etat ; il a fait dans ce but des tentatives ; une commission a été nommée qui était composée de délégués des évêques et de délégués de l'Etat ; cette commission s'est mise d'accord sur la composition d'un programme applicable à tous les établissements normaux ; le travail était complet, mais il n'a pas obtenu l'assentiment de l'épiscopat ; on n'a pas donné suite à cette résolution parce que les délégués des évêques n'avaient pas compris, a-t-on dit, l'esprit dans lequel ils devaient traiter.

Bref, l'arrangement n'a pas été accepté par les évêques. Voilà où nous en sommes. Quoi qu'il en soit, pour tout homme modéré, pour tout esprit impartial, il paraîtra convenable, équitable, de mettre sur la même ligne pour les examens de sortie les élèves des écoles adoptées et les élèves des écoles de l'Etat.

Il n'y a là, je le déclare, aucune intention d'exclure la religion de l'école primaire. On pourra le dire, mais le pays ne le croira pas. Il y a intention, désir d'avoir de bons instituteurs réunissant une bonne éducation à une forte instruction, voilà les idées qui me guident comme elles guidaient mon honorable prédécesseur M. de Decker.

Maintenant, messieurs, pour atteindre cet autre but que l'on se proposait en 1842, pour arriver à l'égalité des conditions pour l'enseignement et à l'égalité du nombre des élèves, que reste-t-il à faire ? L'administration a des devoirs à remplir. La liberté d'enseignement n'a rien à voir dans cette question ; il est libre à chacun en Belgique de donner l'enseignement primaire moyen ou supérieur ; mais quand un individu a la prétention de donner l'instruction au nom de la commune, de la province ou de l'Etat, l'Etat a le droit de prendre des précautions, d'exiger qu'il donne des garanties en compensation des sacrifices que le trésor public fait pour lui.

Ainsi il y a ici une question d'Etat. Il s'agit de l’enseignement officiel, car, que cela vous plaise, que cela ne vous plaise pas, l'enseignement donné aux frais de l'Etat, des provinces et des communes est l'enseignement officiel.

M. B. Dumortier. - C'est un enseignement communal.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). C'est un enseignement communal officiel. L'enseignement de la commune est aussi l'enseignement de l'Etat.

A côté de cet enseignement, il y a l'enseignement libre, et il m’a semblé qu'on en use largement ; car à côté des écoles de l'Etat, il y a un grand nombre d'écoles primaires tenues par des religieux et des religieuses.

M. de Mérode-Westerloo. - Il n'y a pas de mal à cela.

(page 668) M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne dis pas que ce soit un mal ; je constate seulement ce fait que la liberté d'enseignement existe. Libre au premier venu de fonder une école, il ne sera soumis à aucun examen. C'est peut-être un tort que de n'exiger de ceux qui veulent se consacrer à l'éducation de la jeunesse aucune garantie d'instruction et de moralité, mais enfin la Constitution est ainsi faite et nous ne demandons pas le rétablissement des diplômes pour l’enseignement privé. C'est à ses risques et périls que l'instituteur fondera une école libre, et c'est aux risques et périls des parents qui voudront lui confier leurs enfants.

Les deux écoles normales de l'Etat sont dirigées par deux ecclésiastiques. Les cours de religion sont confiés à des professeurs spéciaux. Ou peut, sans porter atteinte aux écoles du clergé, soit créer de nouvelles écoles normales de l'Etat, soit agrandir ces deux écoles existantes, soit fournir aux jeunes gens des cours nouveaux qu'ils puissent fréquenter dans chaque province.

A ce propos, je dirai à l'honorable M. Orts que le ministre n'est pas resté inactif. J'ai écrit aux communes de Lierre et de Nivelles où sont établies les deux écoles normales pour les engager à me procurer les moyens d'agrandir les deux écoles. L'école de Lierre compte 84 élèves. Celle de Nivelles en compte 103. Nous voudrions porter le nombre des élèves à 180 dans chaque école. Il faut pour cela agrandir les locaux.

M. Orts. - M. Nothomb avait dit qu'il y aurait 200 élèves dans chaque école.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous sommes aujourd'hui loin de là.

La loi autorise le gouvernement à adjoindre des cours normaux aux écoles primaires supérieures qui sont devenues des écoles moyennes. Usant de la faculté que me donnait la loi, j'ai développé les cours normaux à l'école moyenne de Bruges.

Ces cours reçoivent un certain nombre d'élèves qui n'est pas encore très considérable, mais qui, j’espère, s'accroitra. A Liège aussi on s'est préoccupé de la question. Il y avait là autrefois une école normale qui a disparu, j'ignore dans quelles circonstances.

M. Muller. - Elle a été supprimée d'office.

M. Orts. - Le gouvernement l'a supprimée en disant qu'elle était illégale.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Dans la discussion de la loi sur l'enseignement primaire, d'honorables amis et moi avons insisté pour que l'on consacrât le principe de l'enseignement normal de l’Etat, afin de procurer aux communes des instituteurs. J'ai présenté un amendement tendant à ce que deux écoles normales fussent instituées immédiatement. M Nothomb. interprétant l'article 35 de la loi, répondait à ceux qui trouvaient que c'était trop peu que deux écoles normales de l'Etat, alors que le clergé en avait sept, en disant qu'on pourrait ultérieurement établir d'autres écoles de l'Etat. De tout l'enseignement normal que supposait la loi de 1842, il n'est resté, à vrai dire, que deux écoles, celle de Lierre qui a, comme je l'ai dit, 84 élèves et celle de Nivelles qui en a 102.

La population des écoles de 1’Etat, en 1860, est de 215, celle des écoles épiscopales est de 412.

Il ne s'agit pas de fermer les écoles épiscopales. Il ne s'agit pas de restreindre le nombre des élèves qui s'y portent. Nous ne voulons pas dépeupler les écoles normales du clergé. Mais nous voulons former un plus grand nombre d'instituteurs, parce que les instituteurs manquent et qu’à chaque instant nous sommes obligés de prendre des instituteurs en dehors de l'enseignement normal.

Nous sommes tous d'accord pour désirer que tous les habitants du pays reçoivent l'enseignement primaire. Il en est qui veulent rendre cet enseignement obligatoire. On peut différer sur ce point. Mais évidemment tout le monde désire que chaque Belge sache au moins lire, écrire et compter. Or, il y a beaucoup de Belges qui ne peuvent recevoir cette nourriture intellectuelle et morale parce que les locaux, parce que le personnel enseignant fait défaut.

Je ne crois pas que le clergé ait l'intention de créer un plus grand nombre d'écoles normales, il en a sept ; c'est déjà bien assez ; mais le gouvernement a le droit d'augmenter le nombre des siennes. C'est ce que je m'efforcerai de faire, pour mon compte. J'espère arriver, si j'ai du temps à moi, je n'en sais rien, à procurer à un plus grand nombre du jeunes gens les moyens d'atteindre à ce rôle bien modeste, mais bien utile, honorable, d'instituteur, en agrandissant les écoles existantes, en annexant des cours normaux aux écoles moyennes et en augmentant, s'il y a lieu, le nombre des écoles normales.

Voilà, messieurs, ce que j'avais à répondre à l'honorable M. Dumortier. Je répète qu'il a été fort injuste envers l'honorable M. Orts, qui, s'étant lui-même prononcé en faveur de la loi de l'instruction primaire, n'aurait pas dû être accusé par l'honorable M. Dumortier de vouloir la destruction de cet enseignement.

M. le président. - L'amendement suivant vient de parvenir au bureau :

« Les soussignés ont l'honneur de proposer d'augmenter le chiffre de l'article 99, d'une somme de douze mille francs, et d'ajouter à son libellé les mots suivants : « Cours normaux et subsides aux écoles qui pourraient être établies avec le concours des administrations provinciales et communales, à l'effet d'augmenter le nombre des instituteurs et des institutrices.

« Aug. Orts, E. Vandenpeereboom, C. Muller. »

- La séance est levée à cinq heures.