Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 28 janvier 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 579) (Présidence de M. Orts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Moor procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

M. de Boe donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. de Moor communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Les membres du conseil communal de Fauvillers demandent que la commune d'Anlier soit réunie au canton de Fauvillers. »

« Même demande des conseils communaux de Witry, Tintange, Hollange et Martelange. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des facteurs ruraux, à Arlon, demandent une augmentation de traitement. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.


« Les chefs de bureau et employés du commissariat de Waremme prient la Chambre d'améliorer leur position. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« Les sieurs Waroqué, Gravez et autres industriels, appellent l'attention de la Chambre sur l'insuffisance du matériel pour le transport des marchandises pondéreuses sur le chemin de fer de l'Etat. »

M. J. Jouret. - Je demande le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.

- Cette proposition est adoptée.


« Des habitants de Gand demandent des modifications aux articles du Code pénal, relatifs aux coalitions. »

« Même demande d’habitants de Koeckelberg. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Larivière, ancien militaire, congédié provisoirement pour infirmité contractée au service, demande une pension. »

- Même renvoi.


« M. de Renesse, obligé de s'absenter, demande un congé. »

- Accordé.


« M. Coomans, retenu chez lui par une maladie grave, demande une prolongation de congé. »

- Accordé.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1860

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments civils

Section VI. Personnel des ponts et chaussées

La Chambre en était restée à la section 6 (personnel des ponts et chaussées).

Article 40

« Art. 40. Traitements des ingénieurs et conducteurs des ponts et chaussées, frais de bureau et de déplacement : fr. 587,210. »

Par suite du transfert opéré à l'article 2, ce chiffre doit être réduit de 2,400 fr., soit à 584,810 fr.

- L'article 40 ainsi réduit est mis aux voix et adopté.

Article 41

« Art. 41. Traitements et indemnités des chefs de bureau et commis des éclusiers, pontonniers, sergents d'eau, gardes-canal et autres agents subalternes des ponts et chaussées : fr. 510,377. »

Par suite du transfert opéré à l'article 2, ce chiffre doit être réduit de 1,800 fr., soit à 508,577 fr.

M. d’Hoffschmidt, rapporteur. - Je demande la parole pour une rectification.

J'avais dit dans mon rapport que cet article présentait une différence en plus de 10,899-14, que cette somme destinée au pavement du salaire de différents agents était imputée précédemment sur le crédit porté à l’article 10 pour les travaux d'entretien des canaux et rivières, que par conséquent ce n’était qu’un transfert, ce transfert n'était en réalité que de 6 mille fr. Il y a donc une augmentation de 4,891-14.

Du reste, je ne pense pas que l’utilité de cette augmentation puisse être contestée.

- L'article 41 est mis aux voix et adopté.

Article 42

« Art. 42. Frais des jurys d'examens et des conseils de perfectionnement en faveur des élèves ingénieurs et conducteurs de l'école spéciale du génie civil : fr. 12,000. »

- Adopté.

Chapitre III. Mines

Article 43

« Art. 43. Personnel du conseil des mines. Traitements : fr. 42,100. »

M. d'Hoffschmidt, rapporteur. - Je ne puis pas laisser passer l'article relatif au conseil des mines sans présenter deux observations, l'une concerne le système suivi par le gouvernement pour pourvoir aux places vacantes du conseil des mines. Vous savez que le conseil des mines se compose de 5 conseillers titulaires et de 4 conseillers honoraires. Les conseillers honoraires sont destinés à remplacer les conseillers titulaires en cas d'absence ou de maladie.

Ils sont placés en quelque sorte sur le même pied que les conseillers titulaires, sauf le traitement ; ils sont convoqués à toutes les séances du conseil ; ils portent le même uniforme, sont soumis aux mêmes restrictions prescrites par la loi, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent, ni eux ni leurs parents en ligne directe, avoir aucun intérêt dans une exploitation de mines ; on devrait croire que quand il se trouve une place de conseiller titulaire vacante, le choix devrait se faire parmi les honoraires. Il n'en est rien.

Déjà, à deux reprises, le gouvernement a choisi en dehors des conseillers honoraires. Je ne critique en aucune manière les choix qui ont été faits, quant au mérite et au tatent des personnes que le gouvernement a nommées ; mais enfin je trouve que ce système est fort peu équitable envers les conseillers honoraires qui siègent déjà depuis 14 années et qui ont parfaitement rempli leurs fonctions.

Ma seconde observation porte sur les attributions du conseil des mines. Ces attributions sont celles qu'avait autrefois le conseil d'Etat avant 1830, en matière de mines. Elle se réduisent à donner des avis sur les demandes en concession, en maintenue et en extension de concession. Le conseil donne également des avis sur les interdictions de travaux de mines et sur les établissements de chemins de fer industriels.

En 1837, lorsque le conseil a été institué, il y avait plus de huit cents demandes en maintenue, en concession ou en extension ; le conseil s'est occupé avec un grand zèle de la tâche qui lui était confiée, et je pense qu'aujourd'hui l'arriéré est complètement vidé.

Il en résulte que les attributions du conseil se bornent pour le moment aux demandes ordinaires.

Je pense, et la section centrale du budget des travaux publics de 1859 était de cet avis, et avait appelé l'attention du ministre sur ce point ; je pense que les attributions du conseil des mines pourraient être augmentées.

Je suis convaincu que les hommes distingués qui forment ce corps ne demanderaient pas mieux que de pouvoir consacrer plus de temps aux intérêts publics.

Je crois aussi qu'augmenter leurs attributions serait dans l'intérêt du conseil même. On ferait obstacle par-là au retour d'une proposition semblable à celle qui a été faite par le gouvernement lui-même en 1849 et qui tendait à la suppression du conseil.

Les lumières acquises par les membres du conseil des mines, leur expérience des affaires, leur indépendance seraient d'une haute utilité pour l'examen des nouvelles affaires qui leur seraient confiées.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, je tiens à dire un mot en réponse aux observations de l'honorable préopinant sur la manière dont sont conférées les places de conseillers de mines. Le gouvernement n'a à cet égard aucune idée systématique.

Bien qu'il s'agisse d'une question toute d'administration et que le gouvernement doive maintenir entières ses prérogatives en cette matière, je crois néanmoins convenable de donner quelques explications en réponse aux critiques qui se sont produites au sujet de la seule nomination à laquelle j'ai eu à pourvoir.

Deux concurrents étaient principalement en ligne ; un conseiller honoraire et un fonctionnaire de l'administration des mines. Ce dernier occupait l'emploi de chef de division au département des travaux publics ; il avait 23 ans de fonctions au service des mines, et le conseiller honoraire n'avait, en cette qualité, que 16 années de fonctions.

Sous ce rapport, il y avait, à mes yeux, une grande supériorité de titres en faveur du candidat qui a été préféré. Mais il y avait une autre considération ; c'est que la position de chef de division pouvait être supprimée par suite du peu de besogne qui existait alors dans cette branche de l'administration, par suite de l'activité qu'on avait mise à terminer les affaires qui étaient en instruction. Et, effectivement, l’emploi dont il s'agit a été supprimé depuis la nomination de l'ancien titulaire au conseil des mines.

C'était donc aussi l'occasion d'une économie pour l'administration et il m'a paru que ces considérations étaient plus que suffisantes pour légitimer la nomination que j'ai faite.

En ce qui concerne les attributions nouvelles à déférer au conseil des mines, je suis de l'avis de l'honorable préopinant que, s'il y a matière suffisante, dans l'intérêt même du conseil des mines, il conviendrait de les étendre.

M. B. Dumortier. - Bien que je comptasse rester étranger à cette discussion, comme elle a été soulevée par l'honorable d'Hoffschmidt, je dois dire quelques mots à ce sujet.

Les fonctions du conseil des mines sont de la plus haute importance et vous savez fort bien que j'ai toujours défendu cette institution chaque fois qu'elle a été attaquée dans cette Chambre, chaque fois qu'on a voulu la supprimer. Elle est certainement une des instituions de notre pays qui offrent le plus de garanties et qui laissent au ministre le moins (page 580) de responsabilité. Si elle n'existait pas, il faudrait la créer pour sauvegarder la responsabilité personnelle des ministres.

Mais, quand nous avons fait la loi sur le conseil des mines, nous avons créé à la fois des conseillers titulaires et des conseillers honoraires. Pourquoi des conseillers honoraires ? Par le motif qu'on voulait annexer au conseil des mines une pépinière pour former de nouveaux conseillers des mines ; et, veuillez-le remarquer, ces conseillers honoraires, parmi lesquels le conseil devait se recruter lui-même, n'exercent pas leurs fonctions à titre gratuit ; ce sont au contraire des fonctions à titre onéreux ; car les conseillers honoraires des mines sont tenus aux mêmes obligations que les conseillers effectifs : il leur est interdit de posséder aucune espèce d'actions dans les mines, et, s'il leur en échoit par héritage ou autrement, ils doivent les vendre immédiatement ; c'est-à-dire qu'ils sont obligés, au besoin, de subir une perte sur des capitaux qui leur arrivent, afin de pouvoir conserver la position qui leur est faite.

Ce sont donc là des fonctions à titre onéreux et il n'existe, dans toutes nos institutions, que ces seules fonctions qui soient à titre onéreux.

M. Muller. - Et les juges suppléants ?

M. B. Dumortier. - Est ce que, par hasard, les juges suppléants doivent renoncer à leur profession d'avocat ?

Il ne leur est nullement interdit de plaider quand ils ne sont pas appelés à siéger ; tandis que les conseillers honoraires des mines ne peuvent acquérir aucune action dans les mines et, s'ils en obtiennent, ils doivent s'en dessaisir immédiatement, eux ainsi que leurs parents, si j'ai bonne mémoire, car je ne sais pas si cette disposition, qui se trouvait dans le projet de loi, a été maintenue dans la loi.

Ce sont donc là des foncions d'une nature toute spéciale, fonctions à titre onéreux. Vous exigez des conseillers honoraires des mines un sacrifice financier, un sacrifice d'affaires, et vous ne leur donnez aucune indemnité pour les services qu'ils rendent au conseil des mines quand ils y siègent.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - C'est une erreur.

M. B. Dumortier. - Quand ils remplacent un conseiller effectif, ils ne reçoivent pas d'indemnité ; ils n'ont droit qu'à des frais de déplacement.

M. d'Hoffschmidt. - Quand ils siègent ils ne touchent rien.

(page 591) M. B. Dumortier. - Vous voyez, messieurs, que c'est là une fonction d'une nature entièrement spéciale.

Maintenant que se passe-t-il ? L'administration, je ne parle pas du ministre, mais l’administration semble vouloir faire du conseil des mines une carrière d’avancement pour les employés des bureaux. Eh bien, je dis que si ce n’est pas une violation du texte de la loi, c’est certainement une violation de l’esprit de la loi. Tous ceux qui siégeaient ici quand la loi a été faite, l’honorable M. de Theux qui l’a proposée comme ceux qui l’ont appuyée, peuvent encore le dire, la pensée de tous a été que les conseillers honoraires des mines devaient former une pépinière de conseillers effectifs.

Evidemment, messieurs, les sacrifices qui sont imposés aux conseillers honoraires des mines doivent obtenir une rémunération. Si vous ne donnez pour perspective aux conseillers honoraires que d’être écartés lors des vacatures, comment trouverez-vous des hommes de mérite qui veuillent se soumettre aux charges que cette qualité impose ?

Je dis, messieurs, que si chaque fois qu'une place est vacante au conseil des mines les bureaux parviennent à faire nommer des employés, je dis que le principe de la loi est réellement vicié.

Voilà, messieurs, deux fois de suite qu'on prend des employés de l'administration pour remplacer des conseillers décèdes et qu'on laisse de côté les conseillers honoraires. A ce sujet, un conseiller honoraire a donné sa démission, disant qu'il ne voulait pas continuer a s'imposer les sacrifices que le titre de conseiller honoraire impose et cela pour ne pas avoir la chance d'être nommé conseiller effectif.

Si un conseiller honoraire demandait à devenir ingénieur dans le corps des mines, on rirait de cette prétention, et l'on aurait peut-être raison ; pourquoi donc voulez-vous que les employés puissent devenir conseillers des mines ? C'est là une véritable aberration.

L'importance même du corps des mines exige que les conseillers honoraires servent de pépinière pour le conseil des mines. Les conseillers honoraires siègent pendant un grand nombre d'années et il y en a deux qui, à ce qu'on vient de me dire, siègent depuis 16 ans. Il est évident, messieurs, que quand on a siégé pendant 16 ans et qu'on a souvent remplacé les conseillers absents, on a fait ses preuves. Si la bureaucratie vient envahir toutes les places vacantes, je dis que le conseil des mines serait dénaturé et la loi ne recevrait pas son exécution.

Mais, dit l'honorable ministre, la personne qui a été nommée était chef de division depuis 25 ans, tandis que son concurrent n'était conseiller honoraire que depuis 16 ans. Cela n'est pas entièrement exact ; je crois savoir que le candidat nommé n'avait été promu aux fonctions de chef de division que depuis très peu de temps.

Je le répète, messieurs, les conseillers honoraires des mines sont soumis à de très fortes charges ; ils ne peuvent pas acquérir une seule action de mines et ils sont obligés de vendre immédiatement celles qui pourraient leur échoir par héritage. Il en résulte quelquefois des pertes considérables.

Eh bien, messieurs, je dis qu'il est impossible de méconnaître de semblables titres et j'espère qu'à l'avenir le gouvernement les prendra en sérieuse considération, sans cela le conseil des mines finirait par devenir une annexe de la bureaucratie.

(page 580) M. Muller. - Messieurs, si c'est une question de principe qu'on soulève, elle doit nécessairement être décidée dans le sens de la liberté de pouvoir dont le gouvernement a fait usage.

En effet, aucune loi ne l'oblige à restreindre ses choix de conseillers effectifs des mines parmi les conseillers honoraires, pas plus que, dans l'organisation judiciaire, le gouvernement n'est réduit à investir les juges suppléants d'un titre définitif quand il y a des places vacantes dans la magistrature. Je n'examine pas le fait en lui-même, bien que les raisons fournies à la Chambre par M. le ministre des travaux publics me paraissent concluantes et à l'abri de toute critique sérieuse.

C'est un fonctionnaire qui s'était jusque-là spécialement occupé de I'admin ;stration des mines, dont le mérite est incontestable, qui avait des titres d'ancienneté supérieurs à ceux de ses compétiteurs et dont la place pouvait être supprimé, qui a été nommé.

Le système préconisé par l'honorab'e M. Dumortier aurait pour résultat, s'il fallait l'appliquer d'une manière rigide et contraire à l'esprit de la loi, de restreindre le choix du gouvernement dans un cercle tout à fait insuffisant. Mais si telle avait été la pensée du législateur, on aurait créé tin bien plus grand nombre de conseillers honoraires qu'il n'en existe.

J'avais interrompu l'honorable M. Dumortier quand il tirait argument de l'interdiction faite aux conseillers honoraires de posséder des intérêts quelconques dans les mines, par l'observation que des défenses analogues atteignent aussi les juges suppléants de nos tribunaux, qui ne peuvent pas se livrer au commerce. Mon objection tendait à démontrer qu'il n'y a pas là de motifs péremptoires pour lier les choix du gouvernement. Quant à la charge qui incomberait aux conseillers honoraires des mines de faire l'acquisition d'un uniforme (c'est ce qu'a dit, je crois, M. d Hoffschmidt), il n'y a pas là une obligation, et c'est purement facultatif.

Quoi qu'il en soit, messieurs, il y aurait erreur à supposer que les conseillers honoraires sont réduits à consacrer tout leur temps gratuitement à ces fonctions qu'ils ne remplissent qu'accidentellement ! Nous avons eu un conseiller honoraire des mines qui était en même temps receveur de l'Etat à Bruxelles ; un autre qui était en concurrence avec le candidat que M. le ministre a préféré est un greffier de tribunal de commerce en province.

Evidemment, en ne le nommant pas titulaire du conseil des mines, on n'a nullement brisé sa position ni son avenir, car il occupe une place lucrative comme son collègue, le receveur, en occupait aussi une. Je n'entends, certes, rien dire qui pût amoindrir les titres que ce candidat pourrait faire valoir désormais. Mais je crois devoir combattre le système au moyen duquel on voudrait contraindre le gouvernement à limiter ses choix et à ne les faire que parmi les conseillers honoraires des mines. Il y aurait là, parfois, moins de garantie dans les nominations et une source d'inconvénient qui pourrait devenir grave.

M. B. Dumortier. - Le système soutenu par l'honorable préopinant se réduit à peu de mots : jamais un conseiller honoraire des mines ne pourra être nommé conseiller titulaire.

M. Muller. - Vous me faites dire une absurdité pour pouvoir me combattre.

M. B. Dumortier. - Je prouve l'absurdité de vt're système en montrant où il conduit.

Il faut, dites-vous, tenir compte du nombre d'années pendant lesquelles ce fonctionnaire a fait partie de l'administration des mines, ; il en résulterait qu'il n'y aurait pas si petit employé de l'administration des mines, qui ne pût faire valoir un nombre d'années de service supérieur à celui que peut avoir un conseiller honoraire ; de cette manière, aucun conseiller ne pourrait arrivera être titulaire, c'est la conséquence directe de votre système.

Mais, me dit l'honorable membre, le système que vous défendez est contraire à l'esprit de la loi.

Je suis surpris que ce soit dans la Chambre des représentants qu'on vienne dire pareille chose. Si l'on n'a pas voulu que les conseillers honoraires fussent la pépinière des conseillers titulaires, pourquoi les a-t-on créés ? (Interruption.)

Vous avez dit que je voulais contraindre le gouvernement. Je n'ai pas d'huissier à ma disposition pour contraindre.

L'honorable membre prétend que le système que j'indique serait contraire à l'esprit de la loi. Pourquoi la loi a-t-elle créé des conseillers honoraires ? Est-ce pour leur dire : Vous ne serez jamais nommés ! Vous n'avez qu'à lire la discussion qui a eu lieu quand la Chambre a institué le conseil des mines, vous verrez que si on a créé des conseillers honoraires, on ne l'a fait que pour avoir une pépinière où le conseil se recruterait ; ce n'est pas dans le terme de la loi, mais vous trouverez cette pensée dans tous les discours.

On l'avait repoussé au premier vote ; on l'a représenté, convaincu de la nécessité de trouver des personnes qui fussent habituées à ce genre d'études et pussent venir plus tard remplacer les conseillers des mines. S'il n'en était pas ainsi, pourquoi leur imposeriez-vous des charges ?

Mais, dit-on, les juges suppléants ne peuvent pas faire le commerce. Les juges suppléants sont en même temps avocats, ils peuvent faire leur commerce d’avocats, ils peuvent plaider quoique juges, par conséquent ils peuvent faire leur commerce, et vous appelez cela des fonctions onéreuses !

Remplir une profession ou faire un commerce, c'est à peu près la même chose. Pour être juge suppléant, un avocat n'a aucune charge onéreuse à supporter. Mais la différence ce qu'il y a eu tout ceci, c'est qu'au point de vue du fait qui nous occupe, le conseiller qui a été nommé avait joui d'un traitement pendant 25 ans tandis que l'autre avait pendant 16 ans remplit des fonctions gratuites.

On a donné la préférence à celui qui avait exercé des fonctions rétribuées sur celui qui avait rempli des fonctions gratuites. Ce n'est pas dans l'ordre de nos idées qu'on doive procéder ainsi ; il paraît que M. Muller est d'un autre avis. Cependant les services gratuits ont droit à un encouragement, à une récompense surtout quand vous imposez une charge.

Vous parlez des fonctionnaires dont les femmes ne peuvent pas faire le commerce ; ici c'est son capital et le capital de sa famille qu'on ne peut pas employer de telle ou telle façon ; le conseiller honoraire des mines ne peut pas posséder d'actions dans des exploitations de mines ; s'il lui en arrive par héritage, il doit les vendre.

Est-il une seule fonction, je vous le demande, qui mette celui qui en est revêtu dans une position semblable à celle-là ? Il n'en existe aucune à laquelle soient attachées de pareilles exigences. On n'a pas mis cela dans la loi pour rien ; vous n'auriez pas voulu que les membres du conseil des mines pussent posséder des actions, parce que l'institution aurait été viciée ; mais vous reconnaissez un titre spécial aux conseillers honoraires par les conditions onéreuses que vous leur imposez.

Il est évident que si les conseillers honoraires n'ont plus aucune chance de devenir conseillers titulaires, vous finirez par n'avoir plus de conseillers honoraires, si ce n'est quelques employés des bureaux. Aurez-vous donné par là au conseil des mines cette position de respectabilité dont il a besoin pour gérer d'aussi graves intérêts ?

Il arrive très souvent que quand le conseil des mines concède une mine, il donne à celui qui obtient cette concession une valeur de 3 ou 4 millions. Il est évident qu'un corps jouissant d'un pareil pouvoir doit être à l'abri de toute espèce de soupçon, doit offrir les garanties les plus complètes à ceux qui sollicitent des concessions.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je ne veux pas prolonger cette discussion, parce qu'elle revêt un caractère tout personnel.

L'honorable M. Dumortier a dit qu'il n'y a qu'une seule différence entre les deux concurrents ; c'est que celui qui a été nommé exerçait des fonctions rétribuées, tandis que l'autre exerçait des fonctions gratuites. C'est une erreur, messieurs ; le candidat qui n'a pas été nommé remplit, depuis fort longtemps, des fonctions qui ne sont nullement gratuites. Au moment où la nomination a eu lieu, il était investi de fonctions beaucoup plus lucratives que celles qui étaient exercées par son concurrent.

(page 581) Il y avait, messieurs, d'autres différences que celles résultant de la circonstance que le candidat nommé occupait, depuis fort longtemps, un emploi dans l'administration des mines. En voici une, entre autres : c'est que ce candidat avait fait sur la législation des mines une publication qui fait autorité, (Interruption.)

- Plusieurs membres. - C'est exact.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - C'est très exact. Cet ouvrage est cité à chaque instant. Encore tout récemment on l'a cité dans la discussion relative à la Vieille-Montagne.

M. Dolez. - Il est de la plus grande utilité.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Si la nomination était encore à faire, j'agirais exactement comme je l'ai fait.

Je ne puis donc accepter, en aucune manière, la thèse de l'honorable M. B. Dumortier, que les choix du gouvernement auraient circonscrits dans le cercle des conseillers honoraires.

M. d’Hoffschmidt. - Mon intention n'a nullement été de soulever une question de personnes. Je reconnais la capacité et le talent de celui qui a été nommé récemment, et j'applaudis sous ce rapport, au choix de M. le ministre des travaux publics ; mais ce que je ne puis pas admettre comme équitable, c'est que l'on érige en système des nominations qui consistent à prendre les conseillers des mines effectifs en dehors des conseillers honoraires.

C'est la deuxième fois que les choix se font ainsi, et il serait peu équitable de continuer à marcher dans cet ordre d'idées.

Quoi qu'en ait dit M. le ministre des travaux publics, je pense que personne ne peut avoir plus de titres aux fonctions de conseillers des mines, que ceux qui remplissent déjà ces fonctions au titre honoraire, lorsqu'ils ont parfaitement rempli leurs devoirs et qu'ils les ont remplis depuis de longues années.

Si on voulait être édifié à cet égard, il suffirait de consulter le corps le plus intéressé dans la question, c'est-à-dire le conseil des mines lui-même.

Certes, messieurs, je n'ai pas contesté le droit du gouvernement de faire ses choix en dehors des conseillers honoraires, mais je dis qu'il y a des titres dont toute bonne administration doit tenir compte, et si on les foulait aux pieds d'une manière constante, je crois qu'on ne trouverait plus de candidats pour les fonctions de conseiller honoraire, car si on demande ces fonctions, c'est évidemment dans l'espoir d'être nommé un jour titulaire.

Je le répète, messieurs, je n'ai pas eu la pensée de soulever une question de personnes ; mon seul but a été que lorsque des places deviendront encore vacantes, le gouvernement n'aille pas toujours choisir en dehors des conseillers honoraires, ce qui serait une profonde injustice.

- Le chiffre est adopté.

Article 44 à 49

« Art. 44. Personnel du conseil des mines. Frais de route : fr. 600. »

- Adopté.


« Art. 45. Personnel du conseil des mines. Matériel : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 46. Subsides aux caisses de prévoyance et récompenses aux personnes qui se distinguent par des actes de dévouement : fr. 45,000. »

- Adopté.


« Art. 47. Impressions, achats de livres, de cartes et d’instruments ; publications de documents statistiques. encouragements et subventions, essais et expériences : fr. 7,000. »

- Adopté.


« Art. 48. Traitements et indemnités du personnel du corps des mines, et salaires des expéditionnaires employés par les ingénieurs : fr. 173,350. »

- Adopté.

« Art. 49. Frais des jurys d'examen, des conseils de perfectionnement, et missions des élèves-ingénieurs de l’école spéciale des mines : fr. 6,000. »

- Adopté.

Articles 50 et 51 (commission des procédés nouveaux)

« Art. 50. Frais de route et de séjour : fr. 600. »

- Adopté.


« Art. 51. Matériel, achat de réactifs, d'appareils, etc. : fr. 1,400. »

- Adopté.

Articles 52 et 53 (commission des annales des travaux publics

« Art. 52. Frais de route et de séjour : fr. 1,100. »

- Adopté.


« Art. 53. Publication du recueil, frais de bureau, etc. : fr. 3,900. »

- Adopté.

Chapitre IV. Chemins de fer. Postes. Télégraphes. Régie

Services d’exécution

M. d’Hoffschmidt, rapporteur. - Messieurs, depuis le dépôt du rapport sur le budget des travaux publics, on a distribué aux membres de la Chambre deux documents forts importants ; l'un est le cahier d'observations de la cour des comptes, l'autre c'est le compte-rendu des opérations du chemin de fer pendant l'exercice de 1858. Si nous avions obtenu ces documents plus tôt, la section centrale aurait pu les utiliser pour son examen.

Mais comme la distribution s'en est faite tardivement, je crois, messieurs, devoir vous soumettre quelques considérations qui m'ont été suggérées par l'examen de ces documents ; je compléterai ainsi mon rapport.

La cour des comptes présente deux observations qui peuvent parfaitement trouver place dans notre discussion. La première concerne l'utilité qu'il y aurait à établir un contrôle efficace en ce qui concerne la fabrication des coupons de chemin de for et la confection des timbres-poste.

Vous savez, messieurs, que l'administration des chemins de fer, postes et télégraphes, confectionne les coupons et les timbres-poste dans ses propres bureaux. C'est là une véritable création de valeurs et cela pour une somme extrêmement importante, puisque le transport des voyageurs procure une recette annuelle de 10 ou 11 millions, et que, quant aux timbres-poste, on en fabrique tous les ans pour plusieurs millions.

La cour des comptes a pensé qu'il importait d'appliquer à ce service les principes qui régissent le système général de comptabilité, et elle a prié M. le ministre des travaux publics de vouloir bien lui faire connaître en quoi consistaient les moyens de contrôle organisés par l'administration.

Elle ajoute que M le ministre ne lui a pas encore répondu.

Je dois faire observer cependant, messieurs, qu'il y a au budget une augmentation de 3,800 fr. destinée à rétribuer un contrôleur qui sera chargé de surveiller cette fabrication.

M. le ministre des travaux publics jugera peut-être utile de donner quelques explications sur ce point.

Une seconde observation de la cour des comptes concerne les traitements de disponibilité accordés à des fonctionnaires de l'administration des chemins de fer, postes et télégraphes.

L'origine de traitements de disponibilité et d'attente remonte à l'année 1850. A cette époque, l’honorable M. Rolin, ministre des travaux publics, mit en disponibilité, par suppression d'emploi et pour cause d'infirmités physiques et morales, un assez grand nombre de fonctionnaires de son département.

En 1856, la Chambre s'occupa de cette question ; le chiffre des traitements de disponibilité s'était élevé jusqu'à 142,000 francs ; la Chambre s'étonnait de voir s'accroître ce chiffre dans une proportion considérable ; elle demanda à M. le ministre des travaux publics de cette époque de faire un article spécial au budget pour ces sortes de traitements.

Dans la pensée de la Chambre, il y avait lieu de réduire successivement le nombre des employés en disponibilité par le rappel à l'activité ou par la mise à la pension.

En 1857, une discussion s'est élevée entre le département des travaux publics et la cour des comptes, concernant l'imputation de ces traitements. La cour des comptes a prétendu que tous les traitements de disponibilité, sauf ceux pour congés à court terme et maladie temporaire, devaient être imputes air l'article spécial du budget, et le département des travaux publics prétendait qu'ils devaient être en partie imputés sur les crédits relatifs aux traitements. Cependant, après l'échange d'une correspondance très longue qui se trouve reproduite dans le cahier des observations de la cour des comptes, le département des travaux publics se rangea à l'avis de la cour.

En 1859, une nouvelle correspondance a été échangée entre le département des travaux publics et la cour des comptes. La cour a critiqué le libellé que M. le ministre des travaux publics a adressé pour le budget de cette année en ce qui concerne le traitement des fonctionnaires en disponibilité. Ce libellé était ainsi conçu :

« Traitements des fonctionnaires et des employés des divers services mis en disponibilité par mesure générale. »

Au budget de 1860 M. le ministre des travaux publics propose un libellé ainsi conçu :

« Traitements des fonctionnaires et employés des divers services, mis en disponibilité illimitée. »

La cour des comptes trouve que cette rédaction ne serait pas en harmonie avec la pensée qui a dirigé la Chambre en 1856 et 1857.

Telles sont les objections qui ont été présentées par la cour des comptes. Nous pourrons nous en occuper plus spécialement, lorsque nous serons à l'article concernant les traitements de disponibilité.

J'arrive maintenant au compte rendu des opérations du chemin de fer en 1858.

Il y a quelques années, le chapitre du chemin de fer soulevait toujours dans cette enceinte des débats fort animés ; l'administration et l'exploitation du chemin de fer étaient l'objet de vives critiques.

(page 582) Plusieurs de ces critiques étaient fondées à cette époque ; mais les conclusions qu'en tiraient les adversaires de l'exploitation, étaient qu'il fallait abandonner le chemin de fer à une société privée. Or, dans l’étal actuel des choses, je crois qu'une semblable opinion ne peut plus se produire ni dans cette enceinte, ni dans le pays.

Les résultats obtenus par l'exploitation du chemin de fer sont devenus tellement favorables, que nous ne pouvons que nous féliciter de la voir confiée au gouvernement.

Mais parmi les critiques de détail, il y en avait de très fondées, comme je le disais tout à l’heure.

Ainsi on reprochait par exemple à l'administration du chemin de fer, de maintenir sur la voie un trop grand nombre de rails faibles. Au début de l'exploitation, les locomotives n'avaient pas le poids qu'elles ont maintenant, et on employait alors des rails de 17 à 27 kilog. au mètre courant.

Lorsqu'on a employé des locomotives plus puissantes, ces rails sont devenus trop faibles, et on a dû les remplacer. Au 1er janvier 1859, le développement de la voie en rails faibles n'était plus que de 200,000 mètres.

On a aussi appliqué aux principales sections de notre chemin de fer le système dit des éclisses, système éminemment avantageux pour la sécurité des transports et la consolidation de la voie.

Je crois qu'à l'aide du crédit que nous avons voté dans la loi de septembre dernier, on pourra faire disparaître entièrement ce qui reste en rails faibles. Ce sera une grande amélioration au point de vue de la sécurité et de la solidité de la voie.

On reprochait et on reproche encore à l'administration l'insuffisance de son matériel. Il est évident que l'administration doit avoir à sa disposition tous les moyens nécessaires pour transporter sur sa voie ferrée les hommes et les choses qui ont recours à ce moyen de locomotion ; c'est là une condition essentielle de succès. J'applaudis donc à l'opinion exprimée par M. le ministre des travaux publics, sur une interpellation de deux de nos honorables collègues, qu'il y a lieu de demander un crédit pour l'augmentation du matériel.

Cependant, l'administration n'est pas restée inactive à cet égard. Depuis quelques années, on a augmenté considérablement le matériel du chemin de fer. Ainsi, en 1858, on a fait des marchés relatifs au matériel des transports, pour une somme de 2,327,223 ; en 1859, on a fait encore des marchés très considérables pour augmenter le matériel.

Pour le transport des marchandises, il y a maintenant, au chemin de fer, 6,170 voilures.

Il y a un autre point très important : c'est de pouvoir utiliser constamment le matériel, afin d'éviter, autant que possible, les retours à vide qui sont si fâcheux pour les recettes du chemin de fer. Or, sous ce rapport, il y a dans le compte rendu des détails qui prouvent que ce point important attire toute l'attention de l'administration.

Quant aux locomotives, il y en avait au 1er janvier 1860, 264 : ce qui fait environ 3 locomotives par myriamètre exploité.

On a réalisé aussi des améliorations très importantes pour les locomotives ; celles qu'on emploie maintenant sont beaucoup plus puissantes que celles qu'on avait autrefois. Cela présente un avantage, non seulement au point de vue des transports, mais aussi quant à l'économie de combustible, en donnant aux locomotives une plus grande surface de chauffe.

Sous le rapport de la sécurité, messieurs, vous avez pu lire des détails fort intéressants dans le compte rendu de l'exploitation du chemin de fer. Nous l'emportons à cet égard de beaucoup sur la France et l'Angleterre. Ainsi, sur 96,310,000 voyageurs transportés par le chemin de fer de l'Etal, depuis le 1er mai 1835 jusqu'au 31 décembre 1858, il n'y a eu que 25 individus tués, dont 19 par imprudence et 6 seulement par la faute du service. C'est là un fait très rassurant pour ceux qui circulent sur nos chemins de fer.

On reproche non sans raison à nos convois, à nos convois ordinaires surtout, de marcher avec trop de lenteur. Plusieurs honorables députés de Gand ont fait remarquer récemment combien la marche des convois est lente entre Bruxelles et Gand et entre Gand et Anvers.

Je crois que, sans nuire à la sécurité des transports, on pourrait imprimer une marche plus rapide à ces convois. On ne doit pas oublier, messieurs, qu'un des grands mérites de chemins de fer, c'est la rapidité de la locomotion ; et je crois que, sous ce rapport, on peut adresser encore un reproche à notre exploitation.

On peut, je pense, sans rien compromettre, imprimer une marche plus rapide aux trains ordinaires de nos chemins de fer.

On ne fait maintenant en moyenne en Belgique que six lieues à l'heure ; tandis que sur la plupart des chemins étranges on fait huit lieues à l'heure par les trains ordinaires et douze lieues par les express.

Une partie de notre railway national qui laisse encore beaucoup à désirer, ce sont les stations. Nous sommes, sous ce rapport, dans un état fâcheux d'infériorité comparativement aux chemins de fer étrangers. Nous avons voté une somme de 5,150,000 fr. dans la loi de septembre dernier sur les travaux publics pour être appliqués à l'exécution des stations.

J'espère que cette somme sera suffisante, mais on ne saurait trop recommander à M. le ministre des travaux publics, de ne pas mettre un luxe inutile dans les stations nouvelles à construire. A l'étranger on revient de ce système des stations brillantes ; on cherche maintenant le confortable ; on songe surtout à leur procurer de bons aménagements et toute la solidité désirable, et je crois que ce sont là les principes que l'on doit adopter également en Belgique pour l'exécution des stations qui restent à construire. Il est à désirer qu'on ne tarde pas à mettre la main à l'œuvre et on pourra sans doute le faire puisque l'emprunt décrété par la législature vient d'être souscrit.

Maintenant, messieurs, quant aux recettes, vous avez pu remarquer qu'elles suivent toujours une progression ascendante. Ainsi, dans la note préliminaire qui accompagne le budget, l'augmentation des recettes pendant la période décennale de 1850 à 1860 est évaluée à 12 millions de fr. L'augmentation des recettes de 1858, comparativement à 1857, est de 1,770,000 francs ; les transports effectués sur la ligne de Mons à Manage y figurent pour 603,000 fr. ; de sorte que l'augmentation réelle est de 1,167,000 francs. Je ne pense pas qu'en 1859 la progression égale celle de 1858 ; je doute qu'elle ait atteint un million.

Quand cette progression, qui se manifeste sur toutes les grandes lignes de chemin de fer, s'arrêtera-t-elle, messieurs ? Est-elle sans limite ! C'est ce que nous ne pouvons pas décider ; mais on peut citer sur ce point les paroles d'un célèbre ingénieur anglais, qui disait que cette progression était sans limite, parce qu'elle marchait avec les progrès de l'industrie et l'accroissement de la population.

Quant aux dépenses, messieurs, elles suivent, au contraire, une progression plutôt descendante, si l'on tient compte de l'augmentation du trafic et de la reprise du chemin de fer de Mous à Manage. Les prévisions de dépense pour 1860 sont de 14,707,236 francs ; les crédits alloués pour 1859 se sont élevés à 15,077,150 fr. ; il y a donc une diminution de 279,900 francs.

Cette réduction est due principalement aux économies que l'on a réalisées sur l'emploi du combustible. Vous aurez remarqué, en effet, que M. le ministre des travaux publics a cru pouvoir encore proposer, par un amendement qui a été présenté en décembre dernier, une nouvelle réduction de 200,000 francs.

En 1855, la dépense pour le combustible de la traction seulement s'élevait à 2,107,000 fr. ; en 1856 à 1,977,000 ; en 1857 à 1,521,000 ; en 1858 à 1,400,000 et eu 1859 à 1,255,000 ; et l'on espère réduire la dépense en 1860 à 1,200,000 fr. Cela fait donc une réduction de 900,000 francs en six années.

C'est là un fait extrêmement remarquable. Cette réduction, messieurs, est due. à plusieurs causes ; d'abord, à l'emploi de briquettes qu'on substitue de plus en plus à l'emploi du coke ;ensuite à la surface de chauffe beaucoup plus considérable qu'on a donnée aux locomotives ; enfin à ce que les machinistes ont acquis une plus grande habileté.

Les dépenses qui, il y a quelques années, dépassaient 60 p. c. de la recette, n'ont été, en 1858, que de 52 32/100 p. c ; et le chemin de fer donne maintenant un intérêt de près de 6 p. c. des capitaux engagés.

Un journal qui s'occupe avec talent et succès des questions de chemin de fer, le Moniteur des intérêts matériels, a établi, il y a quelque temps, que les chemins de fer belges l’emportaient, quant au revenu net, sur la moyenne des chemins de fer de France et d'Angleterre.

Ainsi, d'après ce journal, les chemins de fer belges donneraient 5 9/10 tandis que l'ensemble des chemins de fer français ne donnent que 4 5/10 et l'ensemble des chemins de fer anglais que 3 3/4. Vous trouverez sans doute, comme moi, messieurs, que tous ces renseignements sont extrêmement favorables à l'exploitation du chemin de fer de l'Etat.

Dans la discussion générale, M. le ministre des travaux publics a parlé des chemins de fer concédés. Ceux-ci ne sont pas dans une situation aussi favorable que le chemin de fer de l'Etat.

M. le ministre des travaux publics a indiqué une des causes principales de cette situation ; c'est que les parcours sur les chemins de fer appartenant à la plupart des compagnies, ont trop peu d'étendue. On sait parfaitement que les parcours les plus étendus sont les plus favorables à l'exploitation ; le moyen donc de remédier à la situation peu favorable de plusieurs sociétés, c'est celui qu'a indiqué M. le ministre des travaux publics, la fusion.

La Belgique, messieurs, est dans une situation admirable pour l'exploitation de l'industrie des chemins de fer : la population y est extrêmement agglomérée, l'industrie et le commerce y ont acquis un développement et une activité extraordinaire et nous possédons chez nous la houille et le fer, ces deux grands éléments de revenus pour l'exploitation des voies ferrées.

Nous ne pouvons donc que nous féliciter de cette magnifique création du chemin de fer de l'Etat. Indépendamment des services immenses qu'il rend au commerce et à l'industrie, nous pouvons espérer de le voir devenir une source importante de revenu pour le trésor public. Je ne veux pas dire cependant que tout soit parfait maintenant dans l’administration du chemin de fer. Sans doute il existe encore bien des améliorations, des perfectionnements à y introduire ; dans une aussi vaste entreprise il y a toujours à faire ; M. le ministre ne doit donc pas, ni les fonctionnaires supérieurs, se relâcher de l'attention qu'ils portent à cette vaste exploitation, qui est un des plus puissants intérêts de l'Etat belge.

Si l'on continue à marcher dans la voie du progrès où l'on est entré (page 583) depuis quelques années, je ne doute pas que le moment arrivera bientôt où toute comparaison de notre chemin de fer avec ceux exploités par des sociétés étrangères sera à l’avantage de la Belgique.

M. Landeloos. - Messieurs, lorsque la majorité de la Chambre, en ordonnant l'enquête sur les opérations électorales de Louvain, a mis cet arrondissement dans l'impossibilité de faire défendre ses intérêts par ses mandataires, dans la discussion du projet de loi relatif aux divers travaux d'utilité publique, le gouvernement, tout en faisant voter les fortifications d'Anvers en leur absence, fortifications aux dépenses desquelles cet arrondissement doit contribuer pour sa part, le gouvernement, dis-je, a cru devoir demander l'ajournement de la discussion du paragraphe 15, relatif au chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain.

En demandant cet ajournement M. le ministre des finances a dit que le gouvernement n'avait pas cru convenable, en présence de la situation faite à l'arrondissement de Louvain, de laisser discuter un projet si utile à cet arrondissement.

L'honorable M. Rogier, dans un langage qui paraissait aussi bienveillant pour cet arrondissement, a également appuyé cette demande d'ajournement, en insistant pour que l'examen en fût renvoyé à la présente session.

Après des débats assez longs, l’honorable rapporteur de la section centrale ayant fini par adhérer à ce renvoi, ajouta les paroles suivantes :

« De cette manière nous laissons intact une question qui intéresse vivement l'arrondissement de Louvain, jusqu'au moment où il pourra être représenté directement dans cette enceinte, et pour ma part, j'espère que cela ne tardera pas.

« Nous réservons donc la question qui intéresse Louvain, et d'autre part les membres qui désirent d'autres travaux pourront obtenir satisfaction. Le gouvernement avisera. Il verra s'il ne peut introduire dans son projet les principales propositions de la section centrale. Il y a, sur ce pied, transaction honorable et sérieuse pour tous les intérêts ; il y a aussi réserve complète pour tous les droits du gouvernement et de la Chambre.

« Au nom de la section centrale, je vous engage, messieurs, à accepter cette transaction qui, loyalement faite, sera loyalement exécutée. »

L'honorable rapporteur voulait donc que pendant l’intervalle qui aurait séparé la session extraordinaire de la session actuelle le gouvernement examinât s'il ne pouvait pas introduire dans le nouveau projet de travaux publics les divers projets qui avaient été envisagés comme utiles et comme convenables par la section centrale.

Parmi les objets que la section centrale avait envisagés comme utiles se trouvait le chemin de fer qui devait relier Louvain à Herenthals, avec embranchement sur Diest. Il se trouvait encore certains travaux ayant pour but d'apporter des améliorations au régime du Démer.

Voici ce que la section centrale disait dans son rapport : « Louvain va jouir bientôt du chemin de fer vers Herenthals. Si le gouvernement voulait faire un travail utile à cet arrondissement, il pourrait, moyennant une garantie de 100,000 francs d'intérêts, forcer le concessionnaire d'Herenthals à faire l'embranchement d'Aerschot à Diest ; il pourrait aussi allouer 500,000 à 600,000 francs pour l'amélioration du régime du Démer. »

En présence de cette unanimité de vues tant de la part du gouvernement que de la part de la section centrale, l'arrondissement de Louvain était en droit d'espérer que, quelle que fût l'issue de la lutte électorale qui allait peut-être s'engager, le gouvernement se serait empressé de doter l'arrondissement de Louvain des voies de communication qu'on avait déclarées utiles et convenables ; mais à notre grande surprise, la veille des élections, le Progrès de Louvain, organe du soi-disant libéralisme... (Interruption.)

Je répète, le Progrès de Louvain, organe du soi-disant libéralisme, n'a pas craint de désillusionner tous ceux qui croyaient dans les promesses et dans les engagements du gouvernement ; ce journal n'a pas craint de dire que l'arrondissement de Louvain ne serait doté de ces nouvelles voies de communication que pour autant que le vote fût favorable au parti qui était au pouvoir ; il n'a pas craint de dire que si le collège électoral envoyait à la Chambre les candidats du parti conservateur, Louvain n'obtiendrait pas ce qu'il était en droit d'attendre.

Ce ne sont pas de vaines paroles que je prononce, je veux donner à la Chambre lecture de l'article même du Progrès.

M. H. de Brouckere. - Nous ne sommes pas ici pour nous occuper d'articles de journaux.

M. Hymans. - Vos journaux nous ont insultés tous !

M. Landeloos. - Je ne crois pas que la police de la séance appartienne à M. Hymans, je ne reconnais le droit de me faire des observations qu'au président élu par la Chambre.

Je continue donc :

« Electeurs… » (Interruption.) Je crois bien qu'après avoir été vilipendé pendant plusieurs séances, l’arrondissement de Louvain doit avoir le droit de faire une réponse par ses mandataires qu'on ne dira plus maintenant être ses véritables élus.

« Electeurs... » (Interruption nouvelle.)

Messieurs, ce ne sont pas vos rires qui m'empêcheront de parler et de faire entendre la vérité,

Après avoir échoué dans toutes ses tentatives, la majorité a mauvais grâce de jeter le défi à un arrondissement qui l’a accepté loyalement. Je lis l'article.

« Electeurs. » (Interruption.)

Si l'on m’interrompt toujours je serai obligé de recommencer, la discussion n'en durera que plus longtemps. J'entends user de mon droit et je ne reconnais à personne celui de m'empêcher de parler.

M. le président. - Continuez, M. Landeloos, je vous maintiendrai la parole.

M. Landeloos. - Je lis donc l'article de ce journal :

« Electeurs !

« Le moment approche où vous allez décider du sort de notre arrondissement pour plusieurs années.

« Réfléchissez ! la situation est grave.

« Si vous votez pour les catholiques :

« Electeurs d'Aerschot, vous n'aurez pas votre chemin de fer.

« Electeurs de Diest, vous continuerez à rester dans l’isolement, plus éloignés de Louvain que Louvain n'est éloigné d'Ostende, de Liége, de Namur, da Mons !

« Electeurs de Louvain, vous n'aurez pas votre chemin de fer direct sur Bruxelles !

« Electeurs de l'arrondissement, vous n'aurez pas une voix amie au parlement pour y défendre vos intérêts ! »

Voilà, messieurs, le langage que l'organe du soi-disant libéralisme tenait la veille des élections. Eh bien, messieurs, un tel langage devait faire une sensation pénible sur tous les habitants de l'arrondissement de Louvain : c'est au moyen de la corruption gouvernementale qu'on voulait arracher un vote que la majorité du corps électoral réprouvait.

Cette corruption gouvernementale ne saurait être assez flétrie, si le gouvernement pouvait être un seul instant considéré comme y ayant prêté la main ; mais j'aime à croire que le ministère y est resté complètement étranger, j'aime à croire que le ministère repoussera de toutes ses forces une manœuvre indigne d'un pouvoir que se respecte. J'espère que le ministère, pour répondre par un démenti aux faits qu'on articule à son égard, s'empressera de saisir la Chambre d'un projet de loi contenant l'exécution des engagements qu'il a pris. J'espère que, dans la séance d'aujourd'hui même, le ministre ne trouvera pas de paroles assez fortes pour protester contre des intentions qu'on ne rougissait pas de lui prêter et dont je le crois incapable.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, je prends la parole pour répondre aux observations présentées par l'honorable M. d'Hoffschmidt.

Il s'agit, messieurs, du contrôle de la fabrication des timbres-postes et de la fabrication des coupons de chemin de fer.

En ce qui concerne, messieurs, la fabrication des timbres-postes, timbres qui constituent, comme le pense la cour des comptes, une véritable valeur et même une valeur négociable, depuis longtemps des précautions très minutieuses ont été prises vis-à-vis du service chargé de cette fabrication et depuis peu de jours, ces précautions ont été rendues encore beaucoup plus minutieuses ; mais la cour des comptes réclame des garanties pour elle-même et je crois que ce collège est dans le vrai.

Ce point sera incessamment réglé ; s'il ne l'a pas été à la suite de la demande formulée par la cour, c'est que le gouvernement était occupé alors de multiplier les précautions matérielles prises vis-à-vis du service dont s'agit. Ce point étant maintenant réglé, je vais m'occuper activement de la comptabilité avec la cour des comptes.

Quant à la fabrication des coupons du chemin de fer, aussi longtemps que tes coupons ne sont pas distribués ils n'ont pas de valeur ; ils n'acquièrent une valeur que par l'apposition du timbre de la station ; or, messieurs, dès l'instant que ce timbre est apposé, c'est le chef de station qui devient responsable vis-à-vis de la cour des comptes.

Il y a donc là, dès aujourd'hui, une garantie, car, ainsi que je viens de le dire, avant l'application du timbre de la station, ces billets n'ont, aucune valeur et conséquemment la cour ne semble pas avoir de motifs pour exiger à cet égard ces garanties. C'est, au surplus, un point sur lequel mon département aura à s’entendre avec la cour et il me semble impossible qu'on ne se mette pas très facilement d'accord.

M. B. Dumortier. - Je suis surpris du silence que garde le gouvernement relativement à la motion de mon honorable ami M Landeloos. J'ai bien entendu sur les bancs de la gauche une voix qui criait : « Ne répondez pas ! » mais je ferai remarquer à la Chambre qu'en ne répondant pas à mon honorable ami le gouvernement semblerait avouer les intentions que l'article dont il s'agit lui attribue. Je désire, pour mon compte, que ce point soit tiré au clair. Dans la discussion sur l’enquête, notre honorable président M. Orts disait qu'une cause de nullité de l'élection serait, par exemple, ce fait que l'on des élus aurait dit : « Nommez-moi et je vous ferai obtenir tel travail d'utilité publique, tel chemin de fer. »

Eh bien, messieurs, c'est ici le cas ; seulement, ce ne sont pas les élus qui ont posé le fait. Je ne pense pas que le gouvernement puisse commettre un pareil acte, car ce serait là une chose excessivement grave, j'engage beaucoup l'honorable ministre des travaux publics à ne pas accepter la responsabilité d'un fait de cette nature, et le silence du (page 584) gouvernement serait une adhésion tacite à l'article qui a été signalé par mon honorable ami.

M. Guillery ; - C'est moi qui ai dit à M. le ministre des travaux publics : « Ne répondez pas ! » Voici pourquoi. C'est parce que les termes dans lesquels l’interpellation a été faite ne me paraissaient pas comporter une réponse, c'est parce que ces termes sont inconvenants pour plusieurs motifs ; d'abord parce qu'on veut rendre le gouvernement responsable de ce que dit un journal ; parce qu'on demande au gouvernement de s'expliquer sur le point de savoir si, oui ou non, il accepte la solidarité d'un article qu'on commence par déclarer inconvenant.

En second lieu, parce qu'on a fait l'interpellation, après avoir qualifié ce journal d'organe du soi-disant libéralisme. Comme la Chambre se divise en deux partis : le parti libéral et le parti catholique, je n'admets pas qu'il soit permis de parler ici d'un soi-disant parti libéral.

Cela n'est pas permis surtout à un homme que nous avons honoré de notre concours quand nous l'avons admis à siéger au sein du Congrès libéral de 1846 et à qui nous devons la charte du vrai, du seul libéralisme.

M. le président. - La parole est à M. Magherman.

M. H. de Brouckere. - Est ce que M. Landeloos ne demande pas la parole ?

M. B. Dumortier. - Pour moi, messieurs, il est une chose que je n'admets point, c'est qu'un fait aussi grave puisse rester sans réponse.

La question de savoir s'il est vrai, oui ou non, que parce que les élus de Louvain ne s'ont pas ceux que voulait la majorité, la ville de Louvain sera privée d'une faveur qu'elle aurait obtenue. (Interruption.) C'est là la question ; dites : oui, dites : non, mais répondez. Il s'agit de savoir, je le répète, si, à cause du résultat des élections, la ville de Louvain sera privée d'une faveur qu'elle aurait obtenue si les candidats de la majorité avaient triomphé. Vous aurez beau dire, la question est là tout entière. Elle n'est que là.

M. Devaux. - Vous avez déjà fait cette injure au gouvernement, et vous l'avez retirée.

M. B. Dumortier. - Je n'ai pas fait d'injures au gouvernement et je n'ai rien retiré.

Messieurs, il est impossible que le gouvernement laisse passer cette interpellation sans réponse, parce que, si le gouvernement se taisait dans cette circonstance, que dirait-on dans le public ? C'est que le gouvernement est d'accord avec la position qui a été prise par un journal de Louvain. Je crois bien qu'il n'en est pas ainsi ; mais enfin, il faut bien que le gouvernement s'explique. (Interruption.)

Savez-vous, messieurs, ce qui résulterait de ce silence ? C'est que le pays dirait que pour vous, majorité, tous les moyens sont bons ; que vous prêchez contre la corruption et que vous la pratiquez.

Qu'a fait l'honorable M. Landeloos ? Il a signalé un fait de corruption électorale, fait qui a été qualité comme tel par M. le président ; et vous ne voulez pas que le gouvernent nt repousse la solidarité d'une pareille corruption ? Le pays appréciera.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, je n'ai pas répondu aux imputations dirigées contre le gouvernement par M. Landeloos ; je ne lui répondrai pas encore directement, et la raison en est qu'il y a des imputations qui ne peuvent atteindre le gouvernement.

Il y a autre chose : c'est que ces imputations sont mauvaises en elles-mêmes ; l'une surtout, en présence de la conduite tenue par le gouvernement à l'égard de l'arrondissement de Louvain, lorsqu'il s'est agi, dans cette enceinte, du chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain.

Pourquoi le gouvernement a-t-il proposé spontanément d'ajourner cette affaire ? De deux choses l'une, en présence des propositions de la section centrale, ou bien le gouvernement retirait le projet du chemin de fer direct, ou il le maintenait.

S'il maintenait le projet, la présence des députés de Louvain était nécessaire, afin que le gouvernement trouvât de l'appui dans les représentants de cet arrondissement ; s'il retirait le projet, les intérêts de Louvain devaient être débattus contradictoirement avec ses représentants.

Voilà la position qui a été prise par le gouvernement dans cette affaire, et voilà pourquoi cette imputation est doublement odieuse.

M. Landeloos. - M. le ministre des travaux publics a trouvé que l'imputation que j'ai dirigée contre le gouvernement est doublement mauvais.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - J'ai ajouté : et doublement odieuse.

M. Landeloos. - Je ne comprends pas que, dans les paroles que j'ai prononcées, on ait pu trouver que j'ai fait remonter jusqu'au ministère ce que le Progrès de Louvain a annoncé ; j'ai dit, au contraire, que j'aimais à croire que le gouvernement y était resté complètement étranger ; j'ai ajouté q’ à mon avis, un gouvernement qui aurait tramé dans une telle intrigue, serait indigne d'être au pouvoir ; que toute administration qui se respectait ne pouvait accepter le rôle qu'on lui faisait jouer. J'ai demandé purement et simplement que, pour calmer la vive émotion que cet article avait produite dans l'esprit de tous les habitants de l'arrondissement de Louvain, le gouvernement voulût bien donner une explication catégorique à cet égard, voulût bien faire connaître immédiatement s'il répudiait le rôle qu'on lui faisait jouer.

Comment M. le ministre des travaux publics peut-il venir prétendre que j'aie dirigé une imputation mauvaise, odieuse, contre le gouvernement, alors que j'ai été le premier à reconnaître, dans mon discours, que, dans mon opinion, le gouvernement était incapable d'avoir traîné dans une telle intrigue, alors que j'avais commencé par dire que les paroles, prononcées en 1859 et par l’honorable M. Frère et par l'honorable M. Rogier, étaient des paroles bienveillantes pour l'arrondissement de Louvain ; qu'en présence de ces témoignages de bienveillance, résultant non seulement des paroles des deux honorables ministres, mais même de celles de M. le rapporteur de la section centrale, l'arrondissement de Louvain était en droit d'espérer et d'obtenir l'acte de justice qu'il réclamait depuis si longtemps ?

Mais j'ai ajouté ensuite qu'à notre grande surprise, la veille des élections, un journal s'était permis de faire connaître aux électeurs de telles nouvelles, et j'avais soin d'ajouter que je croyais le ministère incapable d'y adhérer.

Ce n'est qu'en travestissant mes paroles qu'on peut prétendre que cette imputation a été dirigée directement par moi contre le gouvernement, alors que j'ai protesté d'une intention contraire !

Je laisse la Chambre juge si j'ai mérité les reproches que M. le ministre m'a adressés.

M. Muller. - Messieurs, ce n'est pas sur nos bancs que sont les hommes à travestissement, et, à ce propos, qu'il me suffise de faire remarquer qu'il est une partie saillante du discours de l'honorable M. Guillery, à laquelle l'honorable M. Landeloos a oublié de répondre.

J'avais demandé la parole, messieurs, parce que, depuis l'enquête de Louvain, des membres de cette Chambre se permettent d'adresser de véritables outrages à la majorité, sur la longanimité de laquelle on compte trop.

Ainsi, tout à l'heure l'honorable M. B. Dumortier vous a dit que c'était nous, majorité, qui faisions de la corruption, qui voulions la corruption. Eh bien, sont-ce là des paroles tolérables au sein d'une assemblée législative ?

M. le président. - M. Muller, je demande à vous interrompre. M. B. Dumortier a dit que si tel fait se passait, le public ferait la supposition dont vous parlez. Si M. Dumortier avait adressé directement cette imputation, soit à la majorité, soit à un membre de cette Chambre, je ne l'aurais pas tolérée.

M. Muller. - M. le président, vous traduisez 1 intention de M. Dumortier dans un sens favorable ; j'admets cette interprétation ; je veux bien croire que c'est l'expression qui a trahi la pensée de M. Dumortier...

M. le président. - J'ai compris comme cela M. Dumortier ; c'est mon appréciation.

M. Muller. - Soit ; je n'insiste pas, et je constate en prenant acte pour l'avenir, qu'on ne peut, au sein de cette Chambre, déverser sur une fraction de cette Chambre des paroles ni désobligeantes, ni injurieuses.

L'honorable M. Landeloos a prétendu qu'on avait travesti ses paroles. Comment ! on a travesti ses paroles ! Est-ce que l’injure, le caractère odieux, ne consistait pas dans la supposition même que le gouvernement pourrait recourir à des moyens électoraux semblables à ceux que M. Landeloos a signalés comme ayant été mis en avant par un journal ?

M. B. Dumortier. - M. Landeloos ne l'a pas supposé.

M. Muller. - Il l'a si bien supposé, qu'il a demandé des explications au gouvernement. Voilà ce qu'il y avait réellement d'injurieux, d'odieux ; et vous avez beau vous défendre des paroles que vous avez prononcées : elles avaient un caractère de nature à soulever l'indignation, non seulement du cabinet, mais de la majorité libérale.

Sait-on où vous voulez arriver maintenant ? A obtenir pour votre arrondissement, avant tout autre, l'assurance de l'exécution de travaux dont le droit de priorité a été sérieusement contesté, et qui figurent au nombre de ceux qui ont été ajournés dans notre dernière session extraordinaire, et sur lesquels le cabinet et les Chambres auront à se prononcer très prochainement ! Comment donc ? Parce que l'enquête de Louvain est terminée, parce que vous êtes revenus sur ces bancs, vous voudriez vous faire adjuger aujourd'hui les travaux qui vous intéressent, alors que d'autres qui peuvent être plus nécessaires n'ont pas encore été obtenus par les représentants des autres arrondissements !

M. E. Vandenpeereboom. - L’honorable M. Landeloos vient, à plusieurs reprises, d'invoquer ce qui s'était fait en section centrale. La vérité est qu'en section centrale, les adhérents, les amis même de l'honorable M. Landeloos, n'étaient pas favorables à l’établissement d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain, et ce qui le prouve, c'est que nous avions écarté la proposition du gouvernement sur ce point, et cela à l'unanimité.

Si ce chemin de fer a été sauvé d'un rejet presque assuré, c'est grâce au ministère ; et c'est par transaction et dans un esprit de conciliation, que nous avons adopté la remise de ce projet. Mais ce n'est pas à dire que. si ce projet revenait isolé, il ne courrait pas grand risque ; non pas parce que vous êtes revenu dans cette enceinte ; mais parce que, avant (page 585) qu'on sût ce qui arriverait par l'enquête, une grande partie de la Chambre était déjà opposée à ce chemin de fer. Il y a en effet beaucoup d'autres travaux pins utiles que celui-là. Pour moi, je ne m'oppose pas à ce qu'il nous soit proposé avec d'autres travaux, mais je le déclare franchement, s'il nous était proposé isolément, je voterais contre. Le ministère et la majorité, loin d’être contraires aux intérêts de l'arrondissement de Louvain, en ce qui concerne les travaux publics, lui ont été au fond favorables. Il en est de cette accusation, comme de beaucoup d'autres, émises à l'égard de ce qui sesst passé relativement aux élections de Louvain. Les choses étant restées en état, l'honorable M. Landeloos pourra consacrer tous ses efforts au triomphe des intérêts qu'il est de son devoir de défendre.

M. Magherman. - Messieurs, de temps à autre nous entendons formuler des plaintes au sujet de lettres contenant des valeurs commerciales ou des billets de banque que ne parviennent pas à leur adresse. Lorsque ces faits sont signalés au gouvernement, ils sont l'objet d'une instruction, mais la plupart du temps ces investigations n'aboutissent pas. Je n'en fais pas un grief au gouvernement ; tant s'en faut. La plupart du temps ces faits doivent être attribués à l'imprudence des expéditeurs qui ne prennent pas la précaution de recommander leurs lettres ou de les faire charger. Mais ces faits n'en existent pas moins et ils sont très fâcheux à un double point de vue ; d'abord au point de vue de l'expéditeur qui perd ses valeurs, et, en second lieu, au point de vue des employés intègres de l'administration, qui perdent plus ou moins la confiance du public.

Je demanderai au gouvernement s'il ne pourrait pas adopter une mesure qu'on m'a assuré exister en France. Là, d'après ce qu'on assure, il est absolument interdit de mettre des valeurs dans des lettres. On doit remettre ces valeurs aux bureaux de poste, comme on le fait pour les matières d'or et d'argent, pour les valeurs matérielles. Je sais bien que cela imposera une sorte d'entrave au commerce, que cela gênera plus ou moins les relations commerciales. Mais en même temps on pourrait abaisser les droits qui pèsent sur ces sortes d'expéditions.

Si le gouvernement croyait que par des considérations d'un autre ordre, la mesure que j'indique n'est pas applicable, il me semble qu'il pourrait au moins par mesure réglementaire interdire d'une manière absolue de confier des valeurs à la poste sans leur faire subir la formalité du chargement. Alors les expéditeurs sauraient qu'ils n'ont aucune réclamation à faire, que tout est à attribuer à leur imprudence, et à l'avenir les réclamations cesseraient lorsque les lettres non chargées ne parviendraient pas aux destinataires.

M. Janssens. - A propos du chemin de fer, je désire faire à M. le ministre des travaux publics une simple observation sur la convenance qu'il y aurait à ce que, dans les parties flamandes du pays, les employés des stations connussent la langue flamande, surtout ceux des employés qui sont en contact fréquent avec la population. C'est ce qui n'est point observé. Il m'est arrivé à moi-même de n'être pas compris, lorsque je demandais un coupon en flamand. Dans une station où presque personne ne parle d'autre langue, il fallait un interprète quand j'ai persisté à vouloir parler ma langue maternelle dans mon pays.

Ce sont là des mesures maladroites que l'administration ne devrait pas tolérer.

Je n'accuse pas l'honorable ministre actuel. Je ne sais quand les nominations dont je me plains ont été faites. Mais M le ministre connaît les besoins des provinces flamandes. Il comprendra combien il est nécessaire que de pareils abus ne se multiplient pas et même ne se continuent pas.

Le gouvernement ne me paraît pas comprendre l'intérêt qu'il a à faire droit aux réclamations justes des provinces flamandes. Il devrait, dans tous les cas, éviter de poser des actes qui sont faits pour exciter le mécontentement légitime des populations.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - L'état de choses dont a parlé l'honorable M. Magherman attire, dans ce moment même, la très sérieuse attention du gouvernement, et il attacha un prix infini à ce que le transport et la remise aux destinataires des lettres et surtout des lettres contenant des valeurs, s'opère dans des conditions de parfaite sécurité.

Des dénonciations, surtout parce que des lettres contenant des valeurs ont été lacérées, sont malheureusement très fréquentes au département. Lorsque je suis arrivé au ministère, je me suis enquis de la manière dont ces réclamations étaient instruites. Les investigations de l'administration consistaient dans une enquête administrative. Comme ces enquêtes aboutissent rarement, j'ai pensé, je l'avoue franchement, que peut-être elles n'étaient pas toujours faites avec la rigueur nécessaire.

J’ai donc ordonné que les dénonciations de cette nature qui arriveraient au département et qui n'aboutiraient pas ensuite de l'enquête administrative, fussent déférées au parquet. C'est une pratique qui a été suivie constamment depuis plusieurs mois ; mais je constate que les recherches judiciaires n'ont pas été plus fructueuses que les recherches administratives.

Cela tient, messieurs, à deux causes. D'abord, lorsqu'il y a des détournements commis il est extrêmement difficile de suivre une dépêche. En second lieu, il y a beaucoup de détournements qui sont dénoncés et qui ne sont pas réels.

Parmi les dénonciations qui sont faites à l'heure qu'il est, j'ai la conviction qu'il n'en est pas une sur dix qui soit fondée sur des motifs sérieux. Il n'en est pas moins vrai que dans l'opinion publique le service de la poste est extrêmement compromis ? C'est à peine si l'on ose encore confier certaines lettres à la poste. Cela est extrêmement fâcheux. Les employés de la poste, qui sont en butte à des investigations assez fréquentes, regrettent, de leur côté, très vivement la position qui leur est faite et j'ai constaté que beaucoup d'entre eux ne consentent pas à subir cette position et quittent le service.

Vous comprenez donc, messieurs, qu'au point de vue, je dirai de l'honneur de l'administration des postes et de la confiance dont elle doit jouir dans le pays, elle est intéressée autant que personne à voir cesser cette cause de suspicion.

La même situation existait en France et l'on y a senti également le besoin d'y obvier par des mesures radicales. C'est ainsi que, dans ces derniers temps, il est intervenu une loi en vertu de laquelle l'administration est responsable jusqu'à concurrence de 2,000 fr. de toute valeur que la lettre est déclarée contenir. Que la lettre contienne effectivement cette valeur ou qu'elle ne la contienne pas, l'administration s'oblige à remettre la lettre intacte au destinataire.

Cette remise de la lettre opérée entre les mains du destinataire décharge le gouvernement de toute garantie ultérieure.

Il paraît, d'après les renseignements que je viens de prendre, que ce système fonctionne bien en France. Il est en ce moment l'objet d'une étude attentive dans mes bureaux. Que l'on adopte le mode de garantie pratiqué par l'administration française, ou que d'autres mesures soient préférées, je pense qu'il est de l'intérêt bien entendu de l'administration des postes comme de celui du public de modifier très sensiblement l'état de choses actuel. C'est ce que j'espère pouvoir faire dans un avenir prochain en saisissant la Chambre d'un projet de loi à cette fin.

En ce qui concerne la recommandation faite par l'honorable M. Janssens, je la trouve fondée. Il est évident que dans les provinces flamandes, nous ne pouvons avoir dans des services qui comportent des communications de tous les instants avec le public, que des fonctionnaires qui sachent s'exprimer dans les deux langues. Il est possible que quelques erreurs aient été commises ; je puis cependant assurer que l'administration veille avec soin à ne placer clans les provinces flamandes que des fonctionnaires qui remplissent cette condition. Je recommanderai encore à l'administration de ne pas se départir de l'attention qu'elle apporte sur ce point.

M. David. - Je désire attirer l'attention de M. le ministre des travaux publics sur une amélioration qu'il serait facile d'introduire et qui serait d'une grande utilité. Il m'est revenu que des dames voyageant seules ont eu souvent à se plaindre de la société qu'elles avaient rencontrée dans certains compartiments des voitures du chemin de fer.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s'il ne pourrait pas imiter sur les chemins de fer belges ce qui se passe sur presque tous les chemins de fer d'Allemagne. Je connais particulièrement ceux-là ; mais peut-être en est-il de même dans d'autres pays. Sur les chemins de fer allemands, il y a des compartiments réservés aux dames qui se présentent pour voyager seules.

Cette amélioration ne serait pas coûteuse, puisqu'il suffirait d'inscrire sur certains compartiments : « Réservé aux dames » ; et elle pourrait amener un accroissement de recettes, car beaucoup de dames aujourd'hui qui ne peuvent se faire accompagner restent chez elles et ne voyagent pas.

Je prie M. le ministre des travaux publics de bien vouloir examiner cette question, et si la mesure que j'indique est réalisable, de l’étendre aux trois classes de voitures.

- La discussion est close.

Section I. Voies et travaux
Article 54 à 56

« Art. 54. Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés : fr. 234,000. »

- Adopté.


« Art. 55. Salaires des agents payés à la journée : fr. 1,661,000. »

- Adopté.


« Art. 56. Billes, rails et accessoires, matériel fixe tenant à la voie : fr. 1,213,000.

« Charge extraordinaire : fr. 250,000. »

- Adopté.

Article 57

« Art. 57 Travaux d'entretien et d'amélioration, outils et ustensiles, objets divers : fr. 675,000. »

M. Faignart. - Je ne puis laisser passer la discussion du budget des travaux publics sans attirer l'attention de l'honorable chef de ce département sur l'exiguïté et l'insuffisance de la station de Braquegnies et des gares de Bois-du-Luc et de la Paix. Ces emplacements ne sont nullement en rapport avec les besoins du service.

J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre des travaux publics. J'espère qu'il sera fait droit à cette réclamation ; il y a réellement urgence.

- L'article est adopté.

Section II. Traction et matériel
Article 58 à 61

(page 586) « Art. 58. Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés : fr. 205,000. »

- Adopté.


« Art. 59. Salaires des agents payés à la journée : fr. 2,200,000. »

- Adopté.


« Art. 60. Primes d'économie et de régularité : fr. 70,000. »

- Adopté.


« Art. 61. Combustible et autres objets de consommation pour la traction des convois : fr. 1,800,000. »

- Adopté.

Article 62

« Art. 62. Entretien, réparation et renouvellement du matériel : fr. 2,348,000.

« Charge extraordinaire : fr. 352,000. »

M. Allard. - Dans une précédente séante, l'honorable M. H. de Brouckere a entretenu la Chambre de l'insuffisance du matériel pour le transport des marchandises. M. le ministre des travaux publics a répondu qu'il reconnaissait cette insuffisance, qu'il admettait le bien-fondé de la réclamation et que si la situation du trésor le permettait, il présenterait, dans le courant de cette session, un projet de loi pour obtenir les fonds nécessaires à l'augmentation du matériel.

Mais, avant d'augmenter le matériel, il faudrait commencer par entretenir celui que nous avons. Je vois dans la note préliminaire du budget, page 41, que le crédit pour 1860 est inférieur de 92,400 fr. au crédit pétitionné l’an dernier.

Loin donc de demander une augmentation de fonds pour entretien, réparations et renouvellement du matériel, on réduit le chiffre qui a été alloué depuis de longues années pour cet objet.

En 1856, ce chiffre était de 2,852,900 fr.

En 1857, même chiffre.

En 1858, le chiffre diminue de 60,500 fr., il n'est plus que de 2,792,400 fr.

En 1859. même chiffre qu'en 1858 ; cependant par la loi du 8 juillet 1858, l’Etat avait reçu le chemin de fer de Mons à Manage. Par suite de cette reprise, il y avait donc un matériel considérable de plus à entretenir.

En 1860, le chiffre, loin d'augmenter, diminue encore ; il n'est plus que de 2,700,000 fr.

Il y a urgence à augmenter le matériel et à bien l'entretenir ; M. le ministre le reconnaît. Je ne comprends donc pas comment il vient dès lors nous proposer de diminuer le chiffre de 92,400 francs. On lit dans la note préliminaire même page : « Il n'a rien été prévu pour le renouvellement du matériel de la ligne de Mons à Manage dont la mise en bon état ne semble pas pouvoir être mise à la charge du budget de l'exploitation, »

Lorsque l'Etat a repris le chemin de fer de Mons à Manage, il se trouvait sur cette ligne près de mille waggons. Dans l'exposé des motifs du projet présenté le 10 mars 1857 par l'honorable M. Dumon, pour reprise de ce chemin de fer, je vois figurer dans l’inventaire 996 waggons à charbon. Eh bien, de ces 996 waggons à charbon, d'après le compte rendu des opérations du chemin de fer pour l'année 1858, il y en a tout au plus une couple de cent qui sont employés. Les autres restent dans les stations, on ne les répare pas. J'ai vu moi-même à la station de la Louvière, 200 à 300 waggons en très mauvais état qui y pourrissaient.

On nous dit que ce n'est pas à charge du budget de l'exploitation qu'on peut prendre les sommes nécessaires pour le renouvellement de ce matériel. Mais demandez-nous au moins les crédits nécessaires pour réparer ces 400 ou 500 waggons qui proviennent de la cession de la ligne de Mons à Manage et qui restent ainsi sans emploi.

Dans une de nos denières séances, M. le ministre a dit que le matériel du chemin de fer de Mons à Manage nous avait été remis dans un état des pluns pitoyables, cela se comprend. Lorsque la société a eu fait son contrat avec le gouvernement en 1857, elle n'a plus entretenu son matériel, et ce n'est qu'au mois de juillet 1858 que la loi relative à la reprise du chemin de fer a été promulguée. Ce matériel est donc resté plus d'un an sans être réparé. J'ai moi-même, pendant cette période, reçu à Tournai un waggon de houille le qui offrait cinq trous que l'on avait répares au charbonnage au moyen de bouts de perches et par lesquels j'aurais pu passer sans toucher les bords.

Voilà dans quel état se trouvait le matériel ; et depuis près de deux ans on ne le répare pas ; ce matériel ne rappore donc rien à l'Etat.

J'engage le gouvernement à nous présenter une demande de crédit, non seulement pour réparer le matériel existant, mais encore pour construire une couple de mille waggons.

Ce sera de l'argent parfaitement placé.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - La réduction réelle à cet article n'est pas de 92,000 fr. ; elle n'est que de 52,000 fr. Il y a un transfert à un autre article de 40,00 fr.

Il est évident que l'administration doit calculer ses besoins ; et si, au moyen d'un crédit diminué de 50,000 fr., elle peut suffire aux besoins, il y a lieu de l'en féliciter. Mais l'administration prévient la Chambre que rien n'a été prévu pour le renouvellement du matériel de Mons à Manage. Ce matériel, dit l'honorable membre, doit être réparé. Il doit être tellement réparé qu'il faudra le renouveler, et l'administration vous dit que les frais seront tellement considérables, qu'ils ne peuvent être pris sur les allocations destinées à l'entretien du matériel. C'est véritablement une dépense de premier établissement qu'il faut faire.

Comment ce matériel de la ligne de Mons à Manage était-il arrivé à ce point de détérioration ? C'est que depuis deux ans des négociations étaient pendantes pour la reprise de cette ligne, d'abord avec la compagnie du Nord, et ensuite avec le gouvernement, qui a définitivement conclu. Or, la compagnie du Nord et le gouvernement lui-même ont dit à la compagnie de Mons à Manage qu'elle n'avait plus à se charger des réparations ; qu'elles seraient mieux faites soit par la compagnie du Nord, soit par le gouvernement. De là est venu que ce matériel a été laissé dans l'état fâcheux où il se trouvait lors de la reprise.

Il faut cependant faire une distinction. Si une partie de ce matériel était en quelque sorte impropre à aucun service, une autre partie, celle qui roulait, était en bon état. Il est avéré aussi qu'un grand nombre de waggons n'ont pas même été transporté, à l'arsenal ; ils ont été démolis sur place.

L'administration s'est toujours réservé de demander de ce chef un crédit spécial. J'espère que j'aurai la satisfaction de le présenter moi-même à la Chambre.

M. Allard. - Je vois, d'après le compte rendu des opérations des chemins de fer pendant l’année 1858, que les waggons en usage provenant du chemin de fer de Mons à Mirage n'y figurent que pour une très petite quantité. En effet, au 1er janvier 1858, l’Etat possédait 5,065 waggons pour le transport des marchandises, des bestiaux ; au 1er janvier 1859 ce chiffre s’élevait à 5,751, différence en plus 688 waggons ; du 1er janvier 1858 au 1er juillet suivant, ce matériel était augmenté de 421 nouveaux waggons à marchandises, du 1er juillet au 1er janvier 1859, l’augmentation a été de 267.

C'est le 8 juillet 1858 que l'Etat a repris la ligne de Mons à Manage ; et quelle a été l'augmentation du nombre des waggons par suite de cette reprise ? Je disais, messieurs qu'au 1er janvier 1858 l’Etat possédât 5065 wagons et qu'au 1er janvier 1859 ce nombre s'élevait à 5,751, la différence entre ces deux chiffres est de 688, si l'on en déduit les 421 nouveaux waggons qui se trouvaient en plus le 1er juillet, il en reste 267, en plus du 1er juillet 1858 au 1er janvier 1859.

Voilà le nombre de waggons que nous avons obtenus de la reprise du chemin de fer de Mons à Manage. Depuis le 1er juillet 1858 jusqu'au 1er janvier 1859, l'Etat n'a donc plus fait confectionner de waggons à marchandises ; il et de toute nécessité, je le répète, que l'administration on fasse confectionner de nouveaux et qu'elle mette son matériel actuel en bon état. Avant les négociations entamées avec la compagnie du Nord, il y avait 1,200 waggons qui étaient constamment à la disposition du bassin du Centre ; aujourd'hui de ces 1,200 waggons il en reste à peine 250.

Le matériel, au lieu d'augmenter, a donc diminué dans une notable proportion ; l'on est obligé, pour satisfaire aux besoins du commerce, de faire circuler des convois de nuit pour les marchandises, convois qui coûtent énormément à l'Etat. Ce simple exposé est plus que suffisant, pour démontrer l’urgence et la nécessité d'augmenter le matériel du chemin de fer affecté au transport des marchandises.

M. d'Hoffschmidt, rapporteur. - Je partage entièrement l'opinion de l'honorable M. Allard sous un rapport, c'est qu'il importe au plus haut point que l'administration des chemins de fer possède toujours un matériel suffisant et en bon état pour le transport des marchandises, afin de satisfaire à tous les besoins. Si la section centrale n'a fait aucune observation sur la réduction de 92,000 francs, c'est qu'il ne lui était pas possible de constater quels sont, sous ce rapport, les besoins de l'exploitation du chemin de fer. Elle doit nécessairement s'en rapporter, à cet égard, aux prévisions du gouvernement qui est le plus intéressé à demander les sommes reconnues indispensables.

Du reste, la diminution du crédit provient indubitablement de ce que le matériel (je ne parle pas de celui du chemin de fer de Mons à Manage, mais de celui de l’Etat est dans de meilleures conditions qu'il y a quelques années, par suite des nouvelles acquisitions et des réparations qui ont été faites, d'où il résulte qu'il y a eu moins d'avaries au matériel spécial. Quant au matériel de la ligne de Mons à Manage, il est reconnu qu'il devra subir de notables réparations, car il est, paraît-il, dans un état véritablement pitoyable.

Je pense qu'il faudra pour cela un crédit spécial, attendu qu'il ne faut pas que l'exploitation de ce chemin de fer de l'Etat soit chargée d'une dépense qui incombe au capital par suite de la reprise de la ligne de Mons à Manage.

Il serait évidemment irrationnel d'imposer au budget des chemins de fer les dépenses que nécessitera la réparation de ce détestable matériel. Je crois donc que M. le ministre des travaux publics a parfaitement raison de faire de ces dépenses l'objet d'un crédit spécial et de ne point la faire figurer au budget des dépenses annuelles des chemins de fer.

M. Allard. - L'honorable M. d'Hoffschmidt est tout à fait dans l'erreur s'il suppose que le crédit en discussion s'applique exclusivement (page 587) à l’entretien et aux réparations. Ce crédit est applicable aussi au renouvellement. M. le ministre des travaux publics a reconnu que le matériel est insuffisant et cependant il nous demande moins pour le renouvellement que les années précédentes.

Au budget de 1856, il y avait pour l'entretien, 1,917,600 fr., et pour le renouvellement, 935,300 fr. ; au budget de 1857, il v avait pour l'entretien 1,818.000 fr., et pour le renouvellement, 1,034,900 fr. : et cette année, le chiffre pétitionné n'est que de 530,000 fr. pour le renouvellement.

Ainsi, voilà près de 50 p. c. de moins et cependant on reconnaît généralement qu'il y a insuffisance notoire de matériel, qu'il faudrait l'augmenter de quelques milliers de waggons.

- L'article 62 est mis aux voix et adopté.

Article 63

« Art. 63. Redevances aux compagnies pour l’usage de leur matériel : fr. 110,000. »

- Adopté.

Article 104

« Art. 104. Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés : fr. 1,031,400. »

M. le président. -A cet article se rattache un amendement que le bureau vient de recevoir. Il est ainsi conçu :

« Les soussignés ont l'honneur de proposer à l'article 64 la suppression d'une somme de 3,674 fr. demandée pour l’extension du service des déclarations en douane.

« (Signé) Jamar, de Rongé, Hymans et de Gottal. »

A l'article suivant, les mêmes membres proposent de réduire l’allocation d'une somme de 3,210 fr. demandée pour le même objet.

M. de Rongé est invité à développer ces amendements.

M. de Rongé. - Nous trouvons à l’article 64 une demande de crédit, de 3,674 francs, et à l'article 65 une demande de crédit de 3,210 francs ; cette demande est motivée par la nécessité du service des déclarations de douane.

Depuis quelque temps, messieurs, le gouvernement a donné beaucoup d'extension à la mesure qu'il a prise de faire faire par les employés de l'Etat les déclarations en douane.

Les commissionnaires en douane se sont émus de cette révolution ; ils ont envoyé de nombreuses pétitions à la Chambre. Ces pétitions, au premier abord, ne paraissent contenir qu'une réclamation de contribuables lésés dans leurs intérêts ; mais au fond il s'agit pour nous de consacrer le principe de l’intervention du gouvernement dans les affaires particulières.

Les déclarations en douane, messieurs, prennent beaucoup de temps ; les négociants ne peuvent pas les faire eux-mêmes ; ils s'adressent à un intermédiaire, l'agent en douane, lequel trouve dans la loi elle-même la consécration légale de son intervention.

Dans toutes les opérations en douane deux intérêts sont en présence : l'intérêt du trésor et l'intérêt du négociant.

Pour défendre ses intérêts, le gouvernement a recours à la confiscation et à la préemption ; pour défendre les siens, le négociant n'a que les connaissances que possède son mandataire du tarif des droits de douane. En droit, je ne pense pas que le gouvernement puisse exercer un commerce ou une industrie.

Dans le cas dont il s’agit, il fait cependant la concurrence à une catégorie de contribuables payant une patente très élevée, même pour exercer la profession dont le gouvernement vient ainsi lui disputer une partie des avantages.

Dans l'application, je crois que le système qu'on veut introduire est vicieux : l'employé de l'Etat chargé de faire les déclarations en douane va, en effet, se trouver placé constamment entre l'intérêt de son mandataire et celui du trésor.

Il n'y a pas de connexité possible entre ces deux intérêts ; on pourra dire que cette mesure a été prise dans l'intérêt général, mais les services que rend le commissionnaire en douane ne se bornent pas à faire des déclarations, ils sont très utiles à raison des renseignements qu'ils peuvent donner au commerce ; quand vous les aurez fait disparaître par la concurrence que vous leur faites, le commerce et l’industrie se trouveront privés d’une source de renseignements qui leur est nécessaire.

Je dois signaler un autre fait à l'attention de la Chambre, bien que le moment de s'en occuper ne soit peut-être pas venu. On a compris dans le prix du transport par grande vitesse, la remise à domicile, de sorte qu'en admettant qu'on fasse prendre des marchandises par ses voitures, on ne doit pas moins payer comme si on vous les transportait à domicile.

On comprendrait cela pour les marchandises venant de l’intérieur, mais on ne le comprend pas pour celles venant de l'étranger où il suffit de les faire passer directement du waggon sur le camion, on ne comprend pas que pour des marchandises dont le gouvernement se dessaisit il fasse payer un service qu'il ne rend pas.

Nous ne devons pas encourager le gouvernement dans le système qu'il veut adopter de s'immiscer dans les affaires particulières. A cet effet, au lieu de voter le crédit demandé, nous devons le refuser, en engageant le ministre à renoncer à faire faire les déclarations en douane par l'administration du chemin de fer.

M. Jamar. - Je n'ai que quelques observations à ajouter à celles que vient de présenter l'honorable M. de Rongé. Plusieurs mesures prises par le gouvernement à diverses époques ont atteint gravement dans leurs intérêts les commissionnaires expéditeurs et les agents en douane, sans qu'ils aient songé à réclamer contre les conséquences fâcheuses que ces mesures avaient pour eux.

L'arrêté royal du 5 juin 1845, qui exemptait de la déclaration et de la vérification au premier bureau d'entrée, les marchandises importées par chemin de fer, a eu pour résultat la fermeture d'établissements importants qu'avaient à la frontière les expéditeurs et agents en douane auxquels le commerce confiait le soin de faire les déclarations, de lever les documents prescrits et d'acquitter ou de cautionner les droits. Aucun commissionnaire ne se plaignit de cette mesure, prise dans l'intérêt général du commerce belge et de nos relations internationales.

Aucun non plus n'avait critiqué l'arrêté royal du 29 octobre 1847, qui réglait le régime de douane concernant les marchandises, les bagages et les voyageurs transportés sur la section franco-belge du chemin de fer de Lille à Courtrai et sur la section belge de Tournai à Courtrai.

C'était cependant par les articles 47 et 48 de cet arrêté que les employés de l'administration du chemin de fer étaient assimilés aux agents, expéditeurs et courtiers, reconnus et admis près de l'administration des douanes et jouissant de certains privilèges pour la garantie du payement des droits acquittés par eux.

Les commissionnaires comprenaient très bien que, dans une certaine limite, il était nécessaire que les employés de l’Etat pussent faire ces déclarations soit pour les bagages des voyageurs, soit pour des paquets d'échantillons ou de peu de valeur, dont la remise ne souffrait aucun retard.

Cette limite n'a guère été franchie par l'administration jusqu'en 1857, et à ce moment l'administration eût fait sagement en modérant le zèle de ses employés. C’est en effet, me semble-t-il, un excès de zèle qui a amené l’insertion dans le Moniteur de l’avis du 21 juin dernier, qui a provoqué l’envoi des pétitions des commissionnaires expéditeurs et des agents en douane. Ni l'intérêt du commerce, ni les besoins de l'exploitation ne justifieraient l’extension de ce service au-delà des limites dans lesquelles il était resté de 1842 à 1858.

C’est à partir de cette époque que l'administration a jugé à propos d'étendre ce service, non seulement par des avis insérés dans les journaux, mais par les sollicitations directes de ses employés auprès des négociants et la modicité du prix du tarif qu'elle adopte. Ces efforts de l’administration doivent causer un préjudice considérable aux commissionnaires et agents en douanes, c’est pour prévenir ce résultat que de nombreuses pétitions ont été adressées à la Chambre.

Pour moi, ce qui me paraît mériter toute l’attention de la Chambre dans cette affaire, c’est la question de principe qui se trouvera résolue par le vote que la Chambre va émettre.

Le gouvernement peut-il intervenir, sans une nécessité clairement démontrée, dans une industrie particulière au détriment des citoyens qui l'exercent ? Je ne le pense pas. Je crois que l'action directe du gouvernement, sou intervention doivent se renfermer, d'une maniée absolue, dans les choses que l'Etat seul peut faire, ou qui ne se feraient pas sans son concours.

La création et l’exploitation de notre réseau de chemins de fer ont un caractère véritablement national qui justifie l'intervention du gouvernement ; mais peut-on dire qu'une agence en douane ait un caractère national ?

Je considère comme un argument de peu de valeur le bénéfice que le trésor peut retirer de cette agence, dont le produit est évalué par M. le ministre à 50 mille fr. ; car si la Chambre sanctionne le système de l'administration, il y a des sources de revenus plus considérables dans dix autres industries auxquelles l'exploitation des chemins de fer offre des débouchés suffisants, pour ne faire courir aucun risque à l'Etat, s'il se fait entrepreneur d'industrie.

Son intervention se justifierait dans tous les cas aussi aisément que les efforts qu'il fait pour s'attribuer le monopole des déclarations en douane. Il est évident que dans la lutte si inégale que le gouvernement engage contre les agents en douane, ceux-ci doivent succomber.

Il me semble qu'en agissant ainsi, le gouvernement manque à sa véritable, à sa plus importante mission : celle d'assurer à chacun la sécurité dans l'industrie qu'il exerce. Pour ma part, convaincu qu'on ne peut, sans de sérieux inconvénients, restreindre, au profit de l'autorité publique, la sphère de l'activité individuelle, je voterai contre le crédit demandé par le ministre des travaux publics.

M. Vermeire. - Je crois que la question qui vient d'être soulevée mérite la plus sérieuse attention. Il me semble que le gouvernement en faisant les déclarations en douane rend un service à ceux qui doivent envoyer des marchandises à l’étranger ou en recevoir.

En effet, messieurs, pourquoi les expéditeurs en douane réclament-ils ? Parce que la concurrence que leur fait le gouvernement leur est nuisible en ce sens que le gouvernement accomplit la formalité dont il s'agit à des prix réduits. Mais pourquoi voulez-vous que lorsqu'on se sert du chemin de fer pour envoyer des marchandises à l'extérieur, on doive avoir recours à un autre agent pour faire la déclaration ? On emploie le chemin de fer pour que la marchandise arrive plus tôt à sa destination. Si vous êtes obligé d'employer un second agent pour faire la déclaration, il peut en résulter des retards préjudiciables.

(page 588) Pour les marchandises qui sont destinées à l'étranger, les inconvénients ne peuvent exister que quand le droit est dû sur 1a valeur de ces marchandises. Or, si vous consultez le tarif des douanes, vous voyez que les droits ont été supprimés sur presque toutes les matières. Ce n'est pour ainsi dire que pour constater leur valeur que l'on oblige à faire la déclaration.

Autrefois, lorsqu’on expédiait à l'étranger des marchandises par le roulage, ceux qui faisaient l'expédition se chargeaient également de la déclaration en douane.

Je me rappelle très bien qu'avant l’établissement du chemin de fer, ou expédiait beaucoup de marchandises pour la Prusse par l'intermédiaire de la maison Delrez de Louvain. Cette maison se chargeait aussi des déclarations en douane ; il ne fallait pas recourir à un second agent.

Je pense donc qu'en accueillant cette réclamation faite dans un intérêt tout privé, on nuirait à l'intérêt général, et qu'il ne doit pas être donné mite à la demande des pétitionnaires.

M. Allard. - Je partage entièrement l’opinion de l'honorable M. Vermeire. Ce dont se plaignent les pétitionnaires, c'est que le gouvernement fait à trop bon marché ce que les commissionnaires en douane faisaient à un prix plus élevé. Je vous déclare, quant à moi, que les négociants et les fabricants de Tournai sont enchantés de la mesure prise par le gouvernement.

Mais, vient de dire l’honorable M. de Rongé, le gouvernement se fait commerçant, il s'occupe d'industrie. Mais le gouvernement ne fait que cela en matière de transport, il fabrique du coke ; il construit des voitures pour le chemin de fer ; il les répare ; il est voiturier, il est camionneur, il conduit les marchandises à domicile, pourquoi ne pourrait-il faire les déclarations en douane ?

La mesure prise par le gouvernement est avantageuse au commerce et à l'industrie et j'y applaudis de toute mon âme.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - J'ai la conviction que la Chambre partagera l'avis de l'honorable M. Vermeire et de l'honorable M. Allard, et qu'elle n'acceptera pas l'amendement qui est proposé à l’article 64.

Il s'agit ici, dit l'honorable M. de Rongé, d'une question de principe, il s'agit de savoir si le gouvernement peut s'immiscer dans ce qui n'appartient qu'à l'industrie privée. Ma réponse est bien simple ; le gouvernement a-t-il fait autre chose que de s'immiscer dans ce qui le regarde, eu organisant cette immense exploitation du chemin de Ter ? On perd de vue que le gouvernement s'est fait transporteur et ne fait, exactement, que ce que fait l'industrie privée. Il a remplacé en partie les voituriers et les bateliers ; il a remplacé Van Gand et Cie, qui, eux aussi, se chargent des déclarations en douane.

En se chargeant des déclarations en douane, le gouvernement remplit ses obligations d'entrepreneur de transport jusqu'au bout ; rien de plus rien, de moins. Il fait ce qu'il doit faire en prenant les marchandises à domicile et en les remettant à domicile. Il fait ce que font tous les entrepreneurs de transport, ce que font les bateliers, les voituriers, ce que font les entrepreneurs de messageries. Pourquoi le fait-il ? Est-ce pour réaliser un salaire ? Pas le moins du monde. Il s'agit d'une trentaine de mille francs sur une recette de 26 à 27 millions. Il est évident que le gouvernement n'a pas eu en vue cette recette, relativement insignifiante. Il a eu en vue une chose beaucoup plus respectable ; c'est-à-dire sa propre responsabilité. Mais sa responsabilité ne vient encore ici qu'en ordre secondaire ; il a eu principalement en vue l'intérêt du public.

Il s'est aperçu que l'intérêt du public était en jeu et largement en jeu, à la suite des innombrables réclamations qui lui arrivaient contre les prétentions exorbitantes élevées, je ne dirai pas par les signataires des pétitions, mais par certains commissionnaires en douane.

Le public était victime, je dois le dire, d'actes qui constituaient de véritables extorsions. Ces réclamations arrivaient à l'administration. Et pourquoi ? Parce que dans certains cas, c'était à l'administration à indiquer l'intermédiaire. Or, les prétentions de ces intermédiaires qui méconnaissaient ainsi leur position, étaient transmises à celui qui devait les payer avec les comptes des frais de transport.

C'est pour échapper à ces réclamations, que l’administration avait reconnues parfaitement fondées dans une foule de cas, que l'administration a dit au public : Voulez-vous que je me charge des déclarations en douane ? Je m’en chargerai. Si vous préférez en charger un autre, vous en êtes libre. Je m'offre ; mais je ne m'impose pas. C'est une simple faculté offerte au public, qui en fait ce qu'il veut.

Si un destinataire préfère faire sa déclaration par l’administration, elle la l'ait. S'il désire nu intermédiaire, c'est celui-ci qui la fait ; enfui si le destinataire veut faire la déclaration lui-même, il en est encore le maître. L'administration pousse si loin la délicatesse sous ce rapport, que quand une marchandise arrive de l'étranger à Bruxelles, je dis Bruxelles, parce que nous sommes dans cette ville et qu'il y a une douane à Bruxelles, elle en avise le destinataire, et ce n'est que lorsqu'il s'est expliqué sur la question de savoir par qui il veut que la déclaration soit faite, que l'administration, si c'est elle qu'il indique, se met en mouvement.

Vous voyez donc, messieurs, que l'on n'est pas fondé à élever des reproches contre l’administration,

A l'étranger et sur les sollicitations du commerce, l'administration du chemin de fer belge a établi une maison à Cologne. C'est ainsi que l'affaire a commencé. Tout le monde a été enchanté du service.

Les compagnies étrangères ont également leur service de déclaration en douane. La compagnie du Nord a le sien, nous avons le nôtre à Cologne, l’association des chemins de fer allemands a le sien à Cologne. L'administration de la compagnie de Rotterdam à Anvers a le sien. Tout le monde a fait depuis longtemps ce par quoi nous avons fini.

S'il y a un reproche à adresser à l'administration, c'est d'avoir fait peut-être tardivement ce qu'elle aurait dû faire depuis longtemps.

En résumé, le respect pour la liberté du public cst poussé à ce point que, non seulement chacun est libre d'indiquer celui par qui il désire que la déclaration en douane soit faite ; mais qu'on admet même des procurations à titre général. Ainsi, messieurs, si un négociant voulait s'adresser à la douane par un intermédiaire, il n'aurait qu'à indiquer cet intermédiaire et celui-ci serait employé d'une manière permanente et sans observation par l'administration. C'est ainsi que l'administration a reçu à Bruxelles 700 à 800 procurations de cette nature ; ces procurations seront toujours parfaitement respectées. Mais j'aime à ajouter que le service organisé par l'administration est si bien accueilli, que l'administration a, de son côté, reçu 1,100 à 1,200 de ces procurations.

C'est là une preuve bien concluante, je pense, que ce service est bien apprécié, bien accueilli ; que le gouvernement a eu la main heureuse en cette circonstance, et qu'il est fâcheux de lui voir reprocher aujourd'hui de remplir ainsi ses obligations d'une manière plus complète qu'antérieurement, alors qu'on lui reprochait, dans d'autres temps, de ne pas savoir faire assez et de ne pas savoir imiter l’industrie privée.

J'ai donc lieu de croire que la Chambre n'adoptera pas l’amendement qui lui est soumis.

M. de Gottal. - Messieurs, si j’ai signé l'amendement, c'est que j’ai vu surtout dans la question qui se présentait devant la Chambre une question de principe. Si je viens, avec d’honorables collègues, demander à la Chambre de refuser l’augmentation de crédits demandée par M. le ministre des travaux publics, c’est que je crois qu’elle tend à consacrer une innovation contraire, d’abord et surtout, aux saines idées économiques et ensuite aux droits des intéressés.

C'est à bon droit, notez-le bien, messieurs, que les pétitionnaires ont réclamé contre la mesure que vient de prendre M. le ministre des travaux publics ; ils ont pu considérer l'exercice de leur profession comme un droit acquis, définitivement consacré par une pratique de plusieurs années ; ils ont pu le croire avec d’autant plus de raison que ce droit est reconnu par la loi organique et les règlements administratifs de la douane.

Ce qui est regrettable surtout, messieurs, c'est que la mesure a été prise dans un moment où le commerce est en souffrance. (Interruption.)

M. le ministre des travaux publics a cru la justifier en disant qu’elle permettait aux expéditeurs de réaliser une économie.

Il est possible que le public, en général, en retire un avantage ; mais le gouvernement, de son côté, en retire un également au détriment, comme je viens de le dire, d’une classe de citoyens qui payent une patente pour l'exercice de leur profession et qui sont menacés de devoir y renoncer.

L'honorable M. Allard, en discutant la question de principe, nous a dit que depuis longtemps, ce principe était violé. C'est là, messieurs, un genre d'argument qui, je le cois, n'est pas destiné à faire fortune dans cette Chambre ; car je ne puis pas supposer qu’une assemblée comme celle-ci soit disposée à s'appuyer sur une illégalité ou sur une violation de principes économiques, pour en sanctionner une autre. L'Etat, dit-on, fabrique du coke, le matériel de ses chemins de fer, etc. ; mais, notez-le bien, toutes ces opérations sont faites dans un intérêt privé et pour le service de l'administration publique.

Or, en étendant dans l'application le principe que l'on veut introduire, qu’est-ce donc qui s'opposerait à ce que le gouvernement offrît au public de faire les déclarations en douane pour nos arrivages qui se font par mer.

Je ferai remarquer aussi que les pétitions qui sont arrivées à la Chambre portent les signatures les plus honorables.

M. le ministre nous dit aussi en finissant que le public n'est pas forcé de faire usage du nouveau service ; c'est une faculté qu'on lui accorde et dont il est libre d’user ou de ne pas user. Mais, messieurs, vous comprenez aisément que cette faculté deviendra bientôt une obligation. (Interruption.) Je dis que c'est un véritable accaparement ; car, en définitive, qu'arrivera-t-il ? C'est que les déclarants qui se serviront des agents de l'Etat seront reçus avec infiniment plus de faveur et obtiendront des facilités qu'on n'accordera pas aux autres. Il existera entre l'administration des douanes et celle des chemins de fer une corrélation intime, une communauté d’intérêts si étroite, que les agents en douane ne pourront évidemment pas lutter contre une telle association.

Déjà, messieurs, depuis que la mesure est introduite, on a agité la question de savoir s'il était permis au destinataire lui-même de faire sa déclaration. Je demande, messieurs, comment il est possible qu'une telle question se soit présentée, et cependant il a fallu une lettre de M. le directeur général Masui pour dissiper tout doute à cet égard.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Pas du tout.

(page 589) M. de Gottal. - La lettre se trouve parmi les pièces déposées sur le bureau. On exige également des agents en douane des formalités auxquelles l'administration n'est pas tenue ; ainsi on exige d'eux des procurations en règle, tandis que l'administration se contente de simples déclarations écrites sur papier libre. Ce sont là autant de faveurs qu'on accorde aux agents de l'administration et dont ne jouissent pas les agents en douane.

Quant à moi, messieurs, je crois que nous ne pouvons pas consacrer un principe aussi préjudiciable pour une classe de citoyens dignes au même titre que tous les autres de la sollicitude et de la justice du gouvernement.

M. Sabatier. - Je n'ai compris que difficilement comment les honorables MM. de Rongé et Jamar se sont faits l'écho des plaintes adressées à la Chambre, sous forme de pétition, par les agents en douane, et je dois dire que je comprends encore moins l'insistance de l'honorable M. de Gottal, après le discours si concluant de M. le ministre des travaux publics. La question de principe soulevée par l'honorable préopinant n'est pas soutenable un instant. Elle n'est pas plus discutable à l'égard des déclarations en douane faites par les agents du chemin de fer qu'on ne pourrait discuter la question de savoir de quel droit les facteurs de la poste vont remettre à domicile les lettres adressées à des particuliers.

Sauf des cas tout spéciaux, es- il jamais venu à l'esprit de quelqu'un d'aller prendre lui-même au bureau de la poste les lettres qui lui sont adressées et de se refuser à ce que le facteur les lui remette ? Lorsque les chemins de fer ont été établis, a-l-on invoqué une question de principe en faveur des voituriers auxquels ces chemins allaient faire du tort ?

En Angleterre il est des localités où l'on ne distribue pas les lettres à domicile, de sorte que les destinataires sont obligés de faire plusieurs lieues pour retirer leurs lettres aux bureaux de poste. Supposez que demain cet abus vienne à cesser et que l'Angleterre imite à ce sujet ce qui se fait en Belgique, viendra-t-il à l'esprit des Anglais de crier à la question de principe ? Non, n'est-ce pas ? ce ne serait ni raisonnable ni soutenable.

L'honorable M. Allard a dit une chose très sensée et très juste en faisant remarquer que si jamais le gouvernement s'était substitué à l'industrie privée, c'est quand il s'est mis à fabriquer du coke, des machines, des waggons et cependant personne n'a crié à l'abus et n'a formulé de réclamations semblables à celles dont nous sommes saisis.

Le chemin de fer rend service au commerce, complète son système d'exploitation et répond de cette manière à ce qu'on attend de lui. S'en plaindre, c'est se plaindre que la mariée est trop belle.

Messieurs, ou transporte les marchandises par vitesse ordinaire ou par grande vitesse ; dam le premier cas, l'administration laisse au destinataire le choix du déclarant en douane ; la concurrence est libre, loyale, se sert des agents de l'administration qui veut.

Dans le second cas, celui de la grande vitesse, ce genre de transport implique la remise à domicile le port entier ayant, à cet effet, été payé. Le chemin de fer alors n'entend pas se dessaisir de ce qui lui a été confié, il remplit sa mission jusqu'au bout et est parfaitement dans son droit. C'est ainsi du reste que la question vient d'être jugée par le tribunal de première instance de Tournai. Il est inutile de prolonger encore ce débat ; la Chambre donnera son adhésion au système du gouvernement qui, ainsi que l'a fait remarquer M. le ministre des travaux publics, n'a eu qu'un tort, c'est de ne pas le mettre plus tôt en pratique en imitant ce qui se fait depuis longtemps par les compagnies étrangères.

- La discussion sur l'article 64 et l'amendement y relatif est close.

L'amendement est mis aux voix et n'est pas adopté.

L'article 64, tel qu'il est proposé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.

L'amendement présenté par les mêmes membres, à l'article 65, vient à tomber par suite du rejet de leur amendement à l'article 64.

La Chambre remet à mardi, 31 janvier, à 2 heures, sa prochaine séance publique et la suite de la discussion des articles du budget des travaux publics.

La séance est levée à 4 heures et demie.