(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)
(page 343) (Présidence de M. Dolez, premier vice-président.)
M. de Moor, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moor, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes.
« Le sieur Boerkmans, secrétaire communal à Zoerleparwys, présente des observations relatives au projet de loi établissant une caisse de prévoyance en faveur des secrétaires communaux. »
- Renvoi à la section centrale chargée du projet de loi.
« Des étudiants de l'université de Garni demandent le rétablissement de la session de Pâques pour tous les examens. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Varlez transmet une pièce à l'appui de sa demande ayant pour objet la révision de sa pension. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Lemmens, Becker et autres membres du comité électoral du parti conservateur du canton de Diest présentent des observations sur le rapport de la commission d'enquête. »
- Renvoi à la commission d'enquête.
« Un habitant d'une commune non dénommée présente des observations contre les dispositions du Code pénal relatives aux coalitions. »
- Renvoi à la commission du Code pénal.
« Le sieur Coenen demande une enquête générale sur les élections de 1857 et 1859, l'élection au chef-lieu du canton, le droit pour chaque parti d'avoir son délégué au bureau électoral, et que tout électeur soit obligé de voter sous peine d'une amende de dix francs. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« M. Victor Collette transmet à la Chambre 125 exemplaires de la protestation des habitants du quartier du nord de Liège, contre l'usine de Saint-Léonard, adressée à la députation permanente par 1,200 habitants des faubourgs. »
- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la Chambre.
M. De Fré, rapporteur. - Messieurs, vous avez renvoyé hier à la commission d'enquête deux pétitions ; la commission d'enquête vous en propose le dépôt sur le bureau pendant la discussion de l'enquête.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - Avant d'ouvrir la discussion, je prierai les orateurs qui se feront inscrite de vouloir bien déclarer s'ils entendent parler pour, contre ou sur, afin que nous puissions établir l'ordre des débats.
La parole est à M. Carlier inscrit pour.
M. Carlier. - Messieurs, je ne comptais pas prendre une part active à ce débat ; c'est pour cela que je n'ai pas demandé la parole dans la séance d'hier.
Messieurs, une chose que nul de nous ne peut méconnaître, c'est l'émotion que l'élection de Louvain et l'enquête, qui en a été la suite, ont causée dans le pays. Cette émotion, messieurs, bien qu'elle ait été respectueuse et que longtemps elle ait gardé le silence, n'en a été ni moins profonde, ni moins vive. J'ajouterai, pour dire toute ma pensée, que cette émotion a été légitime.
De quoi s'agissait-il, en effet, alors que nous discutions les élections de Louvain, et au mois de juillet, et au mois de septembre ? Il s'agissait de savoir si la tribune nationale pourrait appartenir désormais à la brigue, si elle pourrait appartenir à la finance, ou si, comme on l’a vu jadis, et jusqu'à ce jour, elle continuerait à être l'apanage de la vertu civique, du talent, de la droiture politique.
L'émotion ressentie par tout le pays était légitime, et si quelque chose est venu démontrer la vérité de cette proposition, c\st certainement 1 enquête contre laquelle on s'élève, enquête où l'on trouvera des armes pour me combattre, sans doute, mais où j'en trouverai pour étayer mon opinion.
L'enquête, c'est la démonstration de la part active que le clergé est venu prendre à une lutte à laquelle il devait rester étranger.
Je ne veux pas dire, ainsi que l'avançait hier l'honorable M. Notelteirs, que l'urne électorale doive être fermée au clergé plutôt qu’aux laïques ; certes, nous sommes tous égaux devant la loi et c’est ici, mieux que partout ailleurs, qu’on peut proclamer les vérités constitutionnelles. Mais si nous sommes égaux devant la loi, quel est notre devoir devant l’urne électorale ? C’est de respecter la liberté de chacun, c’est de laisser au citoyen qui remplir, en approchant de l’urne électorale, le devoir le plus important que la vie politique donne à remplir, c’est de laisser au citoyen qui exerce le droit le plus élevé qui lui appartienne la latitude de remplir ce devoir, la latitude d’exercer ce droit dans la spontanéité de sa volonté personnelle, de lui laisser exprimer son vœu, son vote, aussi librement, aussi sincèrement qu’il soit possible de l’exprimer.
Messieurs, ce n'est pas ainsi que les choses se sont passées dans l'arrondissement de Louvain : le clergé n'y est pas resté dans le rôle du citoyen usant de son droit de prendre part au scrutin ; le clergé a eu recours à l'intrigue, il est sorti de son sacerdoce pour descendre dans la lutte politique.
Encore une fois, je n'aurais rien à dire si ls ecclésiastiques, qui nous sont indiqués dans l'enquête, s'étaient bornés à user du droit que je réclame pour eux comme pour tous.
Mais je soutiens que lorsqu'on rencontre un vicaire à Keerbergen, un abbé Soetens, à Diest et d'autres encore, car ils sont dix - vous le confessez - agissant comme ils l'ont fait dans les élections de Louvain ; je dis que non seulement les ecclésiastiques usent de leur droit électoral, mais que sous la robe sacrée qu'ils portent, ils abusent de l'influence que leur donne leur caractère sacerdotal, de l'influence du ministre du culte, en descendant jusqu'à la brigue, non pas vis-à-vis des gens appartenant aux classes élevées de la société qui pourraient mieux comprendre, qui pourraient surtout discuter les opinions qu'on veut leur faire admettre, mais vis-à-vis de gens placés dans de telles conditions sociales, que la voix du prêtre doit être presque pour eux la voix de l'évangile, la voix de la vérité, et qui ne peuvent manquer de croire alors que le prêtre leur dit : « Il y a danger pour la religion, si vous ne votez pas pour tel candidat. »
Encore une fois, la conduite du prêtre est légale et sacrée, lorsqu'il vient remplir son devoir de citoyen devant l'urne électorale ; mais elle cesse de l’être, lorsque le prêtre délaisse le caractère sacerdotal pour se placer dans les conditions où nous trouvons particulièrement le vicaire de Keerbergen, l'abbé Soetens, et les autres ecclésiastiques que l'enquête nous désigne.
Messieurs, je vous ai dit que l'émotion du pays était légitime. C'est qu'à côté de cette influence illégitime du clergé, il se présente une autre influence funeste, l'influence de l'argent.
Nous savons, nos adversaires le confessent encore, que 2,700 francs ont été répartis entre divers électeurs di l'arrondissement de Louvain, pour les engager à voter en faveur des candidats conservateurs.
On discutera probablement cette proposition ; je démontrerai tout à l’heure qu'elle est fondée. On nous a dit : « C'est bien peu que 2,700 francs, car il y a 4,000 électeurs dans l'arrondissement de Louvain ; jamais on n'a vu acheter 4,000 suffrages pour un prix si minime. » Messieurs, nous savons comment ont été répartis les 2,700 francs, mais nous ne savons pas de quelles autres sommes d'argent ces 2,700 francs étaient accompagnés !
On dit que 2,700 francs seulement ont été dépensés. Mais faut-il tant d'argent pour corrompre les électeurs, surtout les électeurs sur lesquels le clergé a exercé sa pression, et ne savons-nous pas que parmi ces derniers électeurs, il en est qui gagnaient un franc par jour ? Et à toute évidence, messieurs, lorsque 2 fr., 5 fr., 8 fr. et 10 fr. étaient offerts à ces hommes, mi s que faisaient-ils ?
Ils cédaient à toute évidence devant l'action de cet argent, devant cet appât électoral exercé sur eux, et c'était contre l'échange des pièces de 5 fr., de 2 fr., de 10 fr. qu'ils venaient donner leur suffrage au profit de certains candidats plutôt que de le réserver au profit de certains autres.
Je vous ai dit, messieurs, que je prouverais ces faits et j'ai ajouté qu'il ne me faudrait pas de nombreux témoignages pour arriver à cette preuve. J'aurai soin de choisir des témoignages qui ne sont susceptibles, je crois, d'aucune dénégation de la part de nos adversaires ; et je prendrai pour premier témoignage celui de M. Vanderbeuren, vicaire de Keerbergen.
Voici ce qu'il dit : J'ai distribué de l'argent aux électeurs de la commune, chacun a reçu cinq francs : ils devaient payer les frais de leur voyage. Cet argent était le lien, ce n’était pas de l’argent que m’avait apporté M. Holemans. Je n’ai pas dit au bourgmestre Michiels que cet argent avait été apporté par Holemans. Le bourgmestre Michiels. comme tous les électeurs sans distinction d'opinion, a reçu sa pièce ; j'ai remis aux électeurs qui me l'ont demandé et à ceux qui ne savaient pas écrire un bulletin, je (page 344) n'en ai pas remis aux autres. Je disais à chaque électeur que la pièce de cinq francs était pour ses frais de voyage.
« Le témoin continue : Des électeurs m'avaient demandé s'il n'y avait rien pour leurs frais de voyage ; je leur ai dit qu'on verrait plus tard et c'est alors que j'ai donné une pièce de cinq francs à chacun pour ne faire aucune distinction. »
Ceci est bien une reconnaissance que de l'argent a été distribué, une reconnaissance parfaitement explicite, qu’à chaque électeur de la commune de Keerbergen, au nombre de 18 ou de 19, cinq francs ont été donnés par M. le vicaire Vanderbeuren. Pourquoi ces cinq francs ont-ils été donnés ? Est-ce pour voter en faveur des conservateurs ? Est-ce pour voter en faveur des libéraux ? Est-ce pour voter en faveur des conservateurs ? Est-ce simplement pour payer des frais de voyage ? Michiels se charge de nous le dire et il nous indique que lui, qui avait quelque espoir de voir un certain nombre de voix accordées aux libéraux, dans la commune de Keerbergen, il a dû renoncer à cette espérance, aussitôt qu’a eu lieu la distribution de l’argent.
Et pourquoi cette renonciation de Michiels à l'espoir d'obtenir quelques suffrages en faveur de l'opinion libérale ? C'est qu'un voisin lui a dit : « Ik heb van mynheer dan onderpas door het stnk van vyf francs ontvangen, en dan is het wel redelyk daer men het geld voor ontvangt, dat men daer voor werkt. » « C'est que si j'ai reçu ure pièce de 5 fr. de M. le vicaire, il est juste que je travaille pour celui qui me l'a donnée. »
Evidemment, car il faut ici examiner les choses pour ce qu'elles sont. Quel est l'effet que produit ce prêtre qui s’introduit dans la maison d'un paysan et qui vient lui dite : Ik faut voter en faveur des catholiques ! qui lui laisse un bulletin et une pièce de 5 fr. ? Est-ce que l'électeur peut douter que cette somme de 5 fr. lui soit donnée pour faire usage de ce bulletin ?
Evidemment le doute n'est pas possible, et cet aveu de l'un des électeurs de Keerbergen est une démonstration catégorique, certaine, que ceux qui ont reçu 5 fr. se sont crus liés et obligés de voter en faveur de la liste conservatrice. C'était donc l'achat du vote dans les proportions les plus nettes, les plus incontestables.
Au reste, en voulez-vous la preuve dans la bouche de M. Vanderbeuren lui-même ? M. Vanderbeureu savait qu'il commettait une action répréhensible en portant ainsi une pièce de 5 francs à chacun des électeurs qu'il visitait. Car il avait dit que cinq francs, c'était trop pour les nécessités du voyage. Il y avait donc une différence entre les frais de voyage et la pièce de 5 francs. Et pourquoi cette différence, si ce n’est pour l’achat du vote ?
Voulez-vous encore la preuve que M. Vanderbeuren savait qu'il faisait quelque chose de répréhensible et que ce ne peut être que de l'achat des votes qu'il s'agirait ? C’est que M Vanderbeuren avait hâte de se défaire de ses pièces de 5 francs ; aussi quand il arriva à la dernière, il la jeta sur la table, en s'écriant qu'il voulait être quitte de la charge qu'on lui avait imposée. Evidemment, ce fait démontre, entre autres choses que constate l'enquête, que ce n'était pas le simple remboursement des frais qu’on voulait faire ai profit des électeurs et que l’on demandait autre chose : et cette autre chose, c’était de porter dans l’urne le bulletin conservateur qu’on laissait chez lui avec la pièce de 5 francs.
M. l'abbé Soeten s'arrange de la même façon que M. le vicaire de Keerbergen Malgré les quelques dénégations qu'il oppose dans l'enquête et qui disparaissent à la confrontation, il est évident que c'est lui qui est allé chez le nommé Serré et qui, à l'aide d'un petit marché par lequel il a alléché cet homme, il l'a amené chez lui et lui a fait l'offre la plus exploite de lui donner 8 fr. s'il voulait alter voter pour les conservateurs.
Ainsi j'ai raison de dire que l'opinion s'est justement émue, que le pays entier s'est justement ému, alors qu'il a rencontré dans l'élection de Louvain d'abord l'influence du clergé en dehors des limites constitutionnelles et ensuite l'influence de l'argent, et cette double influence exercée envers des gens que leur position rendait incapables de résister à de pareilles suggestions, vis-à-vis de personnes sur qui cette double injonction devait agir de la manière la plus impérieuse dans les actes qui sont venus vicier les élections de Louvain.
On nous dit : Mais cet argent, vous avez tort de l'envisager comme étant l'agent ou la preuve de la corruption électorale.
Cet argent, qu'est-ce ? C’est un moyen économique de remplacer les dîners et les transports, et que sais-je encore, toutes les choses qu'on emploie d’ordinaire vis-à-vis de tous les électeurs dans mainte autre élection ; il s'en faut de peu que l'honorable M. Notelteirs n'accuse les membres de tous les collèges électoraux du pays de se laisser corrompre, de se laisser entraîner par des moyens de transport et par des dîners. Mais je dois protester, pour l'honneur de ces collèges électoraux, et particulièrement en ce qui me concerne, je dis que jamais dans mon collège électoral, pareille chose ne s'est vue et que l'électeur croirait faillir à sa mission, et se montrer indigne de son droit, s'il se laissait transporter et nourrir à la condition de donner son vote à tel ou tel candidat.
Autre chose encore, messieurs, l'honorable M. Notelteirs nous dit : Les mœurs électorales sont ainsi faites maintenant....
Non, les mœurs électorales ne sont pas faites ainsi ; pareilles mœurs, ce serait le marasme, ce serait la décrépitude civique et je proteste là contre au nom de mon pays.
Du reste, si ces mœurs électorales telles que vous les qualifiez, se rencontrent dans certains de nos collèges électoraux, qui donc y a poussé ? Qui y a poussé ? J'insiste sur cette question. Je sais qui y a poussé à Charleroi, qui y a poussé à Thuin ; je sais qui y a poussé à Soignies, je sais qui y a poussé à Neufchâteau : je pourrais citer des noms propres, à quoi bon ? Je jetterais dans ce débat un nouveau sujet de reproche ; car nul de vous n'oserait louer ceux qui nous ont placé dans cette voie. Je préfère protester de tontes mes forces contre une pareille tendance, et j'espère qu'on parviendra à en faire sortir les collèges électoraux auxquels je viens de faire allusion.
J'ai dit, messieurs, que les 2,700 fr. n'étaient pas les seules sommes engagées dans cette élection ; et pour vous en convaincre, il suffit de jeter un coup d'œil sur chacune des dépositions de MM. les ecclésiastiques entendus dans l'enquête et particulièrement des dix ecclésiastiques qui ont été désignés hier par M. Notelteirs.
Relisez ces dépositions ; nous n'avons pas tous eu l'avantage de po voir examiner la physionomie de l'enquête, de voir avec quel degré de franchise le témoin venait déposer.
Nous avons nos convictions dans le froid cahier qui ne fait que relater les dires des témoins, mas nous saurons par les membres de la commission d'enquête quelle a été la physionomie des témoins qui ont déposé, quels sont ceux dont la déposition mérite confiance et ceux dont les réponses sont de nature à faire naître le soupçon.
Après tout il ne faut pas avoir assisté à l'enquête pour s'en rendre compte, quand je vois Vanderbeuren venir dire : « C'était mon argent », pour ajouter quand on demandait si on aurait de l'argent : « J'ai répondu qu'on verrait. »
Puis plus loin « cet argent était bien à moi, on me l'avait confié. »
- Plusieurs voix. - Donné ! donné !
M. Orts. - C'est : « on me l'avait donné », mais c'était un peu avant les élections.
M. de Naeyer. - Peu importe, on l'avait donné.
M. Carlier. - Si on insiste sur ce point, je pourrais répondre à ceux qui voudraient argumenter de ce mot.
Pour moi Vanderbeuren, à qui on a arraché, lambeau par lambeau, une partie de la vérité, avait intérêt à cacher quelque chose, c'était l'indication des personnes de qui il tenait l'argent, c'était encore la quantité de l'argent reçu.
Nous trouvons la même réticence, le désir de cacher la même chose c'est-à-dire la source et la quantité de l'argent, dans toutes les dépositions des membres du clergé qui ont coopéré à l'élection. Eh bien, c'est que l'on n'ose avouer toute la dépense ; c'est que l'on n'ose avouer la source où l’on a puisé pour y satisfaire ; c'est que, malgré les efforts de la commission, l’enquête n'a pas tout révélé ; c'est que les hésitations, les réticences des témoins les plus compromis nous disent mieux que leurs témoignages mêmes toute l'étendue de la vérité. Je crois que quatre caisses au moins ont pourvu à la corruption, et qu'après les 2,700 fr. confessés, bien des milliers de francs ont soudoyé les électeurs détournes d’un vote libre et spontané.
On me reprochera sans doute que mon langage d'aujourd'hui cadre peu avec celui que je tenais au mois de juillet. J'insistais sur le cinquième fait, lequel est celui-ci :
« Les sieurs Louis Courtois, à Tirlemont, et Denis Vaes, à Kersbeek-Miscom, ont reçu de l'argent pour voter en faveur des cléricaux. »
Remarquez, messieurs, que l'honorable M. Van Overloop a grand son de vous dire :
« M. Carlier a particulièrement insisté sur ce fait. »
Je crois que si ce fait avait été constaté dans la teneur dans laquelle je viens de le lire, aucun de nous n’aurait pu soutenir que l’élection de Louvain ne devait pas être annulée. Ce fait n’a pas été démontré, mais ce que je viens de dire équivaut à une démonstration.
Lorsque je vous démontre, comme je viens de le faire, que le vicaire de Keerbergen, en se rendant chez les électeurs, en leur donnant cinq francs, en leur laissant une liste conservatrice, achetât réellement leur suffrage, je crois, messieurs, avoir rencontré une démonstration tout aussi péremptoire que celle que j'aurais rencontrée si le cinquième fait avait été constaté.
Il y a d’ailleurs ceci, messieurs, c'est que quand j'ai parlé du cinquième fait dans une séance antérieure, j'attachais à ce fait une idée juridique et je disais que si réellement on avait donné aux sieurs Courtois et Vaes de l'argent pour voter en faveur des candidats cléricaux, il y avait corruption électorale qui pourrait armer le procureur du roi.
J'examinais alors les faits au point de vue de l'avocat ; aujourd'hui je les envisage comme représentant. Je me dis que si je ne rencontre plus toutes les conditions juridiques de la corruption électorale, je rencontre dans l'ensemble de l'enquête, je rencontre dans les réticences des témoins, dans les dépositions analysées comme elles viennent di l'être, j’y rencontre la démonstration qu'il y a eu sinon corruption dans le sens juridique, au moins une corruption telle que nous, membres de la Chambre, nous ne pouvons pas admettre les candidats qui sont sortis d'un scrutin comme celui de Louvain.
(page 345) Mais, dit-on, vous vous plaignez que de l'argent ait été distribué, que des influences aient été mises en jeu et, vous libéraux, vous en faites bien autant que les conservateurs et, sur ce, ou crie guerre à ta commission des hospices de Bruxelles, guerre à la commission des hospices de Diest, et on vient dire que nombre de personnes ont aussi distribué de l'argent. L'honorable M. Van Volxem s'est chargé hier de faire justice de l'accusation dirigée contre la commission des hospices de Bruxelles ; il a démontré que si le sieur Verschoot avait agi, chose au moins fort douteuse, avait agi de manière à exercer quelque influence sur les élections, il l'aurait fait pour son compte personnel, sans aucune mission de la commission des hospices de Bruxelles.
Il a établi aussi que vis-à-vis des fermiers de l'administration, toute pression était impossible, puisque les baux sont renouvelés par voie d'adjudication publique.
En ce qui concerne la commission des hospices de Diest, on lui a reproché d'avoir, à l'aide d'argent, à l'aide d'influences mercantiles, agi au profit des candidats libéraux. Eh bien, dans l'enquête on a entendu M Van Horen, secrétaire de la commission des hospices de Diest et il résulte de sa déposition qu'un seul fait pourrait avoir été posé et qu'il importait si peu, qu’il ne pouvait avoir aucune influence puisqu'il s'agissait d'un seul électeur.
Mais, messieurs, les libéraux eussent-ils, de leur côté, cherché d'une façon illégale à entraîner le vote des électeurs au profit des candidats de leur opinion, mais croyez bien que je n'admettrais pas qu'ils ont mieux fait que n'ont fait les meneurs cléricaux en cherchant à entraîner le vote des électeurs au profit de la liste conservatrice. Pour moi, que la corruption électorale s'exerce par des mains libérales ou par des mains conservatrices, elle n'en sera pas moins la corruption électorale et, comme nos devanciers l'ont fait, alors que des actes de cette nature étaient rapportés dans cette enceinte, à charge d'une élection libérale, de même quand de semblables actes sont rapportés à charge de l'opinion conservatrice, je dis qu'il ne faut pas admettre les candidats élus au moyen de la corruption. Il faut repousser la corruption, qu'elle vienne des libéraux ou qu'elle vienne des conservateurs.
Messieurs, dans cette enceinte on parle souvent du Congrès ; on a raison, nous ne saurions mieux nous inspirer qu’à ses grands exemples ; et certes c'est un noble devoir que celui de maintenir les traditions de dignité qu'il nous a léguées.
Eh bien, messieurs, sous l'empire de ces traditions je me demande : Mais qu'eût donc fait le Congrès si dans une de ces séances mémorables de 1830 quelqu'un eût eu l'indigne audace de venir lui dire : Quatre personnes sont là qui viennent pour s'asseoir, près de vous, sur ces bancs ; elles sont amenées ici par l’influence de prêtres qui n'ont pas craint de dépouiller leur caractère sacerdotal pour se jeter dans la lutte électorale ; elles sont amenées ici par l'influence de l'argent ; elles sont là, escortées des stokslagers, une bande armée de repris de justice !!
Si pareille chose eût osé se produire, le Congrès n'eût trouvé, dans sa réprobation indignée, qu'un seul cri : Arrière !
Je dirai comme le Congrès.
M. de Muelenaere. - Messieurs, après le discours si complet, si lucide et, j’ose le dire, si irréfutable que vous avez entendu dans la séance d'hier, il ne me reste plus à vous présenter que quelques considérations secondaires, et qu'à placer, avant tout, la question sur son véritable terrain.
Mon honorable ami, M de Man d'Attenrode, et trois de ses collègues ont été proclamés, le 14 juin 1859, membres de la Chambre des représentants ; le procès-verbal établit que cette élection a eu lieu de la manière la plus régulière, conformément à toutes les prescriptions de la loi et qu’aucune réclamation n’a surgi contre ces opérations, avant la clôture du procès-verbal. L’enquête constate, en outre que, pendant toute la journée du 14 juin, l’ordre le plus parfait a régné dans la ville de Louvain.
Mais le jour de l'ouverture de notre session extraordinaire, au moment même de la vérification des pouvoirs, une réclamation a été adressée à la Chambre, réclamation qui prétendait que cette élection était le résultat d'une corruption électorale.
Je pense, messieurs, qu'il serait superflu de revenir sur les débats qui ont eu lieu à l'occasion de cette première vérification de pouvoirs.
La majorité de la Chambre a ordonné une enquête ; nous avons aujourd’hui toutes les pièces de cette enquête et, en magistrats impartiaux, nous sommes appelés à juger de la portée et du mérite des dépositions qui ont été recueillies.
Mais l’arrondissement de Louvain, par suite de cette instruction, se trouve depuis six mois privé de ses représentants légaux, et placé en quelque sorte en dehors de la Constitution.
Messieurs, il est un point sur lequel je suis d'accord avec l'honorable rapporteur de la commission : c'est que, dans cette affaire, il ne s'agit m u une question gouvernementale, ni d'une question de parti catholique ou de pari libéral.
En effet, le débat doit être placé plus haut. Il s'agit d'une question de justice, de loyauté, de probité politique ; il s'agit peut-être de l'avenir de nos institutions représentatives.
Une triste vérité, mais qu'il serait dangereux de se dissimuler, c'est que, depuis quelques années ces nobles institutions ont beaucoup perdu de leur prestige, et qu’il est de bons mais de timides esprits peut-être qui ont presque cessé d’avoir foi en elles.
A ce point de vue surtout, la discussion actuelle me semble regrettable, mais puisqu'elle est devenue nécessaire et que nous ne pouvons pas l'éviter, tâchons du moins de ne pas fournir de nouvelles armes aux adversaires du régime constitutionnel.
Messieurs ce qui m'a le plus frappé, à la lecture du volumineux dossier qui nous a été distribué, c'est, je dois le dire, l'absence complète de toute preuve juridique à l'égard des principaux faits qui nous ont été avancés. Tout à l'heure, l’honorable membre qui vient de se rasseoir, avec ce talent qui le distingue, vous a présenté plusieurs faits qu'il considère comme repréhensibles, mais ces faits sont loin d'avoir l'importance qu'il leur donne et en outre il n'a pas fourni la preuve juridique à l'appui de ce qu'il a dit.
Presque toutes les assertions mises en avant dans le rapport ne reposent en réalité que sur des on-dit et sur des propos de cabaret ; encore ces propos de cabaret et ces on dit sont-ils presque toujours ou entièrement déniés ou interprétés et commentés dans un sens différent par ceux à qui on les attribue.
Vous savez tous, messieurs, quel est le cas que l'on doit faire de ces conversations de cabaret ; vous savez tous qu'il n'est pas un juge qui sur de pareils propos osât asseoir une condamnation à une simple peine de police.
Et cependant, messieurs, c'est là ce qui sert de base à la discussion que nous avons aujourd'hui, c'est le fondement des accusations dirigées contre l'élection de Louvain.
Quel était au fond le but de l’enquête ordonnée par la Chambre ? Pourquoi la Chambre l'a-t-elle prescrite ? C'était évidemment afin d'être éclairée sur les faits essentiels dénoncés dans la pétition qu'elle avait reçue ; c'était afin d'être mise à même de juger de la gravité et de la réalité de ce sfaits.
Or, quels sont les faits principaux dénoncés par la pétition ? Quels sont les faits sur lesquels on pourrait jusqu'à certain point baser l'annulation de l'élection ?
Ces faits sont de trois espèces.
En premier lieu, pression illégitime et coupable sur des électeurs, et notamment sur des locataires électeurs ; en deuxième lieu, distribution de billets marqués ou de billets reconnaissables, distribution à la faveur de laquelle on enlève à l'électeur une partie de son indépendance et de sa liberté ; en troisième lieu, corruption électorale dans le sens proprement dit, c'est-à-dire achat ou extorsion de votes, soit à prix d'argent, soit par des menaces, soit par des promesses.
Eh bien, messieurs, la pétition qui nous a signalé tous ces griefs, portait 81 signatures.
Des 81 signataires, 15 seulement ont été entendus par la commission d'enquête, et qu'est-il arrivé ? C'est que des 15 signataires qui ont été entendus, il n'en est pas un seul qui soit venu de science personnelle affirmer aucun de ces faits avancés par la partie plaignante.
Vous avez entre les mains le rapport de la minorité ; cette minorité, s'appuyant sur l’enquête et sur les déclarations des témoins, s'exprime ainsi :
Au paragraphe 4 de la page 18, d'après la dénonciation, « des propriétaires, des agents d'affaires, des notaires auraient menacé de retirer des terres aux fermiers s'ils ne votaient pas pour les candidats qui ont été proclamés et leur auraient remis des billets marqués. »
Vous voyez que là on dénonce déjà les deux premières espèces de faits que j'ai signalés, à savoir, de pression illégitime sur des locataires et de distribution de billets marqués ou reconnaissables.
Plus loin : « De l'argent aurait été ostensiblement offert ou donné, surtout par des membres du clergé, à Louvain et ailleurs, à des électeurs, sous la condition de voter pour la liste qui a triomphé. »
Or, l'enquête compte que nul propriétaire, nul agent d'affaires, nul notaire appartenant à l'opinion conservatrice n'a fait les menaces signalées dans la pétition, mais elle établit que des faits de cette nature ont été posés par des personnes et des administrations patronnant la liste qui a succombé ; qu’il n’a pas été donné d’argent par des personnes de l’opinion conservatrice, à des électeurs, sous la condition de voter pour la liste qui a triomphé, qu’aucun fait de remise de billets marqués n’a été établi à charge du parti conservateur. Mais ici encore l’enquête démontre que des personnes appartenant à l’opinion contraire ont posé de semblables actes.
Vous voyez donc, messieurs, que d'après l'enquête même, aucun fait de nature grave, aucun fait de la nature de ceux que je viens d'énumérer, qui aurait pu entraîner l'annulation de l'élection n'a été constaté par l'enquête à charge de personnes de l'opinion conservatrice, et qu'aucun des signataires de la pétition n'a pu, de science personnelle, déposer à cet égard.
Mais il est à remarquer qu'un magistrat qui réside dans la ville de Louvain, qui à raison de ses fonctions est obligé de savoir ce qui se passe, qui est chargé de rechercher, de constater et de poursuivre tous les délits, tous les crimes qui se commettront dans son ressort, ce (page 346) magistrat a été consulté par le président de la commission d'enquête, et voici la lettre que, plus de quatre mois après les élections, il écrivait à M. le président de la commission Louvain 29 octobre 1859. (Pages 32 et 33.)
Ainsi le procureur du roi de Louvain celui qui à raison de ses fonctions est le mieux à même de pouvoir nous éclairer sur tout ce qui a lieu dans son ressort relativement à des faits qui pourraient être on paraître punissables, quatre mois après les élections, déclare au président de la commission qu'aucun renseignement, qu'aucun fait de nature à éclairer l’objet de l'enquête n'est parvenu à sa connaissance. Il n'est pas étonnant dès lors qu'on n'ait pas trouvé dans l'enquête des témoins qui aient pu faire des déclarations de science personnelle, puisque le procureur du roi lui-même ne savait rien, ce qui semble démontrer à l'évidence que les faits qu'on avait signalés n'existaient pas.
L'honorable M. De Fré, dans son rapport ne pouvant pas non plus alléguer la moindre preuve positive, adopte un autre moyen d'argumentation. C'est à la page 6 que je le trouve. Voici de quelle manière il raisonne :
« Ceux qui, la veille des élections, avaient constaté l'état de l'opinion comptaient sur un autre résultat. »
Et à ce propos il cite les témoins Pcemans, Boel's et Guibert, membres actifs de l'association libérale de Louvain et partant parfaitement au courant de la situation morale des esprits et qui étaient convaincus que sans manœuvre frauduleuse la liste libérale devait triompher.
Permettez-moi de vous le dire, l'honorable rapporteur a perdu de vue une considération et par suie de cela, il a dû tomber dans une grave erreur d'appréciation.
Tous ceux qui ont quelque expérience des élections savent que dans toute lutte électorale les partis comptent fermement sur le triomphe et se font constamment illusion jusqu'au dernier moment ; s'il n’en était pas ainsi, si cette illusion n'existait pas dans les esprits, vous n'auriez jamais de luttes sérieuses ; car qui voudrait affronter es chances d'un combat où à avance il aurait la certitude d'être battu ?
Quand on entre en lice, c’est qu'on a l'espoir fondé, sinon la certitude d'être victorieux. telle bataille ressemble beaucoup à d'autres batailles ; presque toujours l'armée battue attribue sa défaite à la trahison, à l'ineptie des chefs ou à des événements imprévus qui ont paralysé ses moyens ; c’est toujours le même but qu’on poursuit, c’est une ruse de guerre pour sauver son amour-propre et rien de plus.
Je dis donc que si la Chambre prête l'oreille aux doléances, aux plaintes, aux clameurs des vaincus dans les luttes électorales, à l'avenir chaque fois qu'il y aura une élection, vous deviez ordonner une enquête, car la demande d'enquête deviendra de mode dans les deux camps.
Il est naturel que le vaincu croie avoir des motifs très légitimes de plainte, il est naturel qu'il soit convaincu qu'on a employé contre lui des moyens fort répréhensibles, quand on n'a fait usage que d’un droit très légitime.
Je dis que tout cela ne prouve rien ; toutes les réclamations qui ne sont pas appuyées sur des preuves ne doivent pas vous arrêter. Examinons froidement si les faits reprochés aux élections de Louvain ont ce caractère de gravité qu’ils devraient avoir pour entraîner l’annulation d'une élection et d’abord si ces faits sont vrais.
L'enquête a-t-elle administré la preuve juridique d'une corruption électorale, d'un achat ou d'une extorsion de vote ? A-t-elle apporté la preuve d'une pression illégitime exercée sur des électeurs au profit des candidats du parti conservateur ? A-t-elle démontré que des billets marqués, que des billets reconnaissables ont été distribués à des électeurs de notre opinion ? Eh bien, je répète avec la minorité de la commission, je répète avec l'honorable M. Notelteirs que dans toute cette enquête vous ne trouverez l’ombre d'une preuve juridique, d'aucun de ces fails à charge d'un membre quelconque du parti conservateur.
L’honorable rapporteur lui-même est obligé de convenir que les candidats qui ont triomphé dans la journée du 14 juin sont sortis entiers de l'instruction et que pas le moindre soupçon d’influence illégitime ne s'élève contre eux. Voilà donc un fait sur lequel aujourd’hui tout le monde est d'accord. Les candidats eux-mêmes sont restés en dehors de la lutte. Tout le monde rend hommage à leur parfaite loyauté.
L'enquête ne porte donc plus maintenant que sur des faits posés par des tiers. Mais la Chambre comprendra aisément que lorsqu'il ne s'agit que de faits poses par des tiers, elle doit se montrer réservée et défiante. Car enfin, qui nous assure que les tiers qui out prétendument posé ces actes, n'étaient pas excités par des passions ou par des motifs secrets que nous ignorons ? Evidemment, un acte posé par un tiers lorsqu'il ne dénote pas un système établi, ne peut entraîner la nullité de l’élection de quatre représentants dont vous êtes obligés de proclamer vous-mêmes la plus honorable loyauté.
Quoi qu'il en soit, messieurs, après cela, est-il vrai, comme le prétend M. le rapporteur, que l'enquête établit d'une manière incontestable (ce sont ses paroles) non pas seulement les faits de corruption mentionnés dans l’enquête, mais encore des faits nouveaux, inconnus jusqu’alors et beaucoup plus graves, d'après lui ?
Messieurs en lisant cette accusation, vous vous êtes imaginé sans doute que l'honorable rapporteur allait répandre sur cette ténébreuse affaire des flots de lumière et porter dans vos cœurs la conviction la plus complète ?
Il n'en est absolument rien. Nous allons voir tout à l'heure que quant aux faits principaux, l'honorable rapporteur n'a absolument rien établi.
« Le part qui a triomphé, dit-il, à Louvain, s'est servi de l'argent pour amener les électeurs au scrutin. » (page 3, paragraphe 2).
Donc, d'après M. le rapporteur lui-même, il ne s'agit plus de corruption électorale. Il ne s'agit plus d'achat de votes à prix d'argent. Il s'agit uniquement de l'emploi d’une certaine somme pour amener l'électeur au scrutin. La base de l’accusation croule ; elle prend une autre face.
Mais je demanderai à l'honorable rapporteur si ce n'est pas un droit pour tout citoyen belge d'agir loyalement sur la conviction des électeurs ? Si ce n'est pas un droit pour tout citoyen belge de faire, des efforts, de faire même des sacrifices d’argent pour amener les électeurs au scrutin ? Et si c'est un droit, un droit incontestable, comment pouvez-vous en faire un crime, et le fondement de l'annulation d'une élection ?
Loin d'ailleurs que la présence d'un plus grand nombre d'ayants droit au scrutin vicie la moralité et la sincérité de l'élection, il me semble au contraire que plus il y a d'électeurs, plus l'élection est l'expression de la volonté réelle du collège électoral.
Il y a quelques années, dans un collège important du pays, nous avons vu qu'il ne s'était présenté que la dixième ou la neuvième partie des ayants droit pour prendre part au scrutin. Tout le monde a vivement regretté cette circonstance ; tout le monde a déploré cette apathie et ce marasme, tout le monde a été fâché de voir que les électeurs n'attachaient pas plus d'importance à l'exercice de leurs droits civiques ; et si à cette époque un bon patriote, un ami de nos institutions avait fait des efforts, s'il avait fait des sacrifices d'argent pour exciter le zèle des électeurs, évidemment on aurait dit qu'il avait posé un acte très louable.
Mais des sommes trop considérables ont été dépensées. Il y avait, dit M. le rapporteur, quatre caisses dans lesquelles le parti catholique puisait à pleines mains. Cependant, un peu plus loin, dans le même rapport, l'honorable rapporteur qui trouve que l'on puise à pleines mains dans quatre causes, nous dit que le prêtre ne pouvait disposer qu'à bon escient d'un argent qui avait été recueilli, « non sans peine. » Ainsi d’une part, on puise à pleines mains dans quatre caisses et d’une autre part, quand on a besoin d’argent, on a beaucoup de peine à en recueillir. Ce sont là de ces petites variantes que l’on emploie suivant le besoin de sa cause.
Quoi qu'il en soit, il y avait quatre caisses d'après le rapporteur : c'était la caisse Van Bockel, la caisse A Speculo, la souscription de Diest et la caisse de l'Association catholique, de Louvain
Or, voulez-vous savoir sur quoi repose toute cette fantasmagorie des quatre caisses ? Elle est basée sur la déclaration d'un témoin qui dépose ainsi : « On parle de 10,000 fr. réunis dans le canton de Diest, à l’aide de souscriptions, dans lesquelles des habitants avaient contribué l'un pour 3,000 fr., d'autres pour 1,000 fr. et d'autres enfin pour des sommes inférieures. »
Messieurs, ce témoin a la prudence, comme vous le voyez, de se renfermer dans un on-dit. Il n'indique ni la personne qui l'a dit ni ceux qui ont souscrit, et il échappe ainsi à toute espèce de démenti.
Mais il me semble que l’exagération même de cette assertion aurait dû arrêter la plume de M. le rapporteur, car enfin, je ne pense pas que, plus dans la petite ville de Diest que partout ailleurs, il se rencontre beaucoup de personnes, n'ayant aucun intérêt direct engagé dans une lutte électorale, qui soient disposées à souscrire ainsi pour des sommes de 3,000 ou de 1,000 francs.
Qu’y a-t-il dans tout cela de vrai, de réel, de fondé ?
La minorité de la commission vous le dit ; l'honorable député de Malines l'a établi avec preuves à l'appui ; si l’on compte les diverses sommes qui ont été distribuées, à quoi cela se réduit-il ? Il résulte de tous les renseignements que, dans l'arrondissement de Louvain, il a été dépensé, au maximum, une somme de 2,750 francs pour indemniser les électeurs de leurs dépenses de route et de séjour. Or, messieurs, cet arrondissement est l'un des plus populeux, et l'un des plus étendus du royaume ; il nomme quatre représentants et deux sénateurs. Il compte cent onze communes, si je ne me trompe, dont plusieurs sont à des distances considérables du chef-lieu.
Messieurs, rentrons un instant en nous-mêmes ; interrogeons notre for intérieur ; faisons un petit examen de conscience, et s'il en est parmi nous, dans l’arrondissement desquels une élection contestée ait coûté moins de 2,750 fr., que ces honorables membres votent contre la validité des élections de Louvain, l'opinion publique nous jugera.
Au surplus, messieurs, il ne fallait pas d'enquête pour établir un fait qu’on n'a pas contesté et qui n'a jamais été mis en doute par personne. De prime abord, il a été reconnu qu'on avait distribué une certaine somme d’argent aux électeurs, mais pour servir de remboursement des frais de route et des dépenses de séjour.
Cet aveu a été fait spontanément ; mais cet aveu, vous ne pouvez pas le scinder. Vous devez l’accepter eu son entier. Une distribution d'argent a eu lieu, mais à la condition de servir à défrayer l’électeur de sa (page 347) dépense. Voilà pourquoi l'argent a été exclusivement employé et je vous défie, d'après l'enquête, de produire une seule preuve contraire à cette déclaration.
Que donnait-on à l'électeur ? Règle assez générale, on lui donnait 5 fanes, rarement 7 ou 8 francs ; quelque fois 2 francs seulement, en raison de la moindre distance qu’il avait à parcourir. Maintenant peut-on dire raisonnablement qu'un électeur se laissera corrompre pour une pièce de 5 francs ? N est-il pas évident que lui donner cette somme, c'était exclusivement le dédommager de la dépense qu'il était obligé de faire ? On a beau se torturer l'esprit, on a beau forcer le sens des dépositions, il est impossible de faite sortir de cette enquête l'ombre d'une preuve juridique que cet argent aurait servi à corrompre un électeur
On a beaucoup parlé de la lettre du notaire A Speculo, de Tirlemont. Cette lettre a même eu l'honneur de faire en quelque sorte la base de la dénonciation qui a été adressée à la Chambre ; elle constitue le premier grief.
Messieurs, cette lettre nous l'avons sous les yeux. Elle se trouve an dossier, elle y est même dans les deux langues. Je vais avoir l'honneur de vous en donner lecture :
» Tirlemont, le 1er juin 1859.
« Monsieur. le 14 de ce mois, il sera procédé à l'élection de deux Sénateurs et de quatre Représentants pour la Chambre. Vous m'obligerez grandement en honorant de votre vote les Messieurs dont les noms se trouvent sur le bulletin de vote ci-joint, tous candidats du parti conservateur. J'espère que vous satisferez à mon invitation, car je crois que vous avez la complète conviction que je n'ai jamais conseillé à mes amis de voter que pour des hommes capables, qui prennent à cœur les intérêts du pays et particulièrement ceux de l’arrondissement. « Agréez, je vous prie, l'assurance de ma considération.
• Signé : A Speculo, notaire. »
Messieurs, je demande si cette lettre, dont on a fait tant de bruit, n'est pas parfaitement irréprochable. Mais tout le monde peut avouer avoir écrit cette lettre ; il est impossible d'y rien trouver de répréhensible. Je regrette seulement, messieurs, qu’il n'en soit pas de même d’une autre lettre que nous avons à la page 16, celle de M. Hermans-Noten. membre du bureau de bienfaisance de Diest et l'un des partisans les plus zélés de l'honorable M. de Luesemans.
Cette lettre, on ne l'a p as traduite, on s'est borné à la donner en langue flamande ; mais hier l'honorable M. Notelteirs en a donné une traduction. La voici :
« Monsieur et madame,
Comme je ne désire pas dans ce moment aller vous voir en personne, je prends la liberté de vous écrire et de vous envoyer un bulletin électoral, que j'espère entendre lire à Louvain ; s'il n'en était pas ainsi, cela ne me ferait pas plaisir et vous causerait grand dommage. Vous savez ce que j'ai fail pour vous, combien de mandats vous avez eus pour environ cinq cents francs. Vous pouvez encore attendre davantage de nous et de l'autre bureau, car on pense toujours en premier lieu à ses amis et personne ne saura cela que Vanhoren, le bourgmestre, et moi qui avons tenu contre-noie des bulletins. »
Ainsi, messieurs, je le répète, la lettre du notaire A Speculo est entièrement irréprochable ; la lettre, au contraire, dont je viens de donner lecture semble avoir tous les caractères d'une sorte de tentative de corruption.
Il y a dans cette lettre : d'abord billet marqué, billet reconnaissable, dont on a tenu contre-note ; il y a, après cela, menace : « Si vous ne faites pas ce que je demande, vous éprouverez un grand dommage. ! » Il y promesse. « Si vous vous conformez à mon désir, on pense toujours à ses amis et vous pouvez attendre bien davantage de nous et de l'autre bureau. »
Voilà les deux lettres ; mettez-les en regard l'une de l'autre et choisissez.
En outre, messieurs, d'honorables collègues me font remarquer qu'après l’élection la lettre a reçu son exécution.
Le sieur Alexandre Smolders a perdu en tout ou en partie la clientèle du bureau de bienfaisance de Diest parce qu'on croit avoir eu la conviction qu'il n'avait pas voyé conformément au désir qui lui avait été exprimé.
Mais, si j'avais besoin d'autres arguments pour prouver que de la part du parti conservateur il n'y a pas eu la moindre tentative ni de corruption, ni d'achat de votes, ni d'intimidation exercée sur les électeurs, le rapport et le dossier de l'enquête me fourniraient des preuves irréfragables.
En effet, si on avait voulu corrompre ou conquérir des votes d'une manière illégitime, il eût été bien naturel de commencer par les électeurs qu’on avait sous la main, il était naturel de commencer par ceux qu'on était sûr de trouver au scrutin au moment de l'élection, plutôt que d'aller essayer de corrompre des électeurs qui se trouvaient a plusieurs lieues de distance et dont l’éloignement même empêcherait d'avoir la certitude qu'ils seraient arrivés au moment où l'on avait besoin d'eux.
M. De Fré convient cependant lui-même qu'aucune distribution de sommes, quelque minimes qu'elles fussent, n'a eu lieu dans la ville de Louvain, et la minorité de la Chambre fait observer que cela doit s’entendre dans ce sens que non seulement aucune distribution d'argent n'a été faite ni aux électeurs de Louvain, ni aux électeurs d'aucune des 31 communes qui composent le canton de Louvain.
Or, messieurs, c'était évidemment par là qu'on aurait eu intérêt à commencer.
Pourquoi ne donne-t-on rien aux électeurs de Louvain, ni à ceux des trente et une communes du canton ? Par une raison toute simple, c'est qu'on a pensé que ceux-là auraient fait le sacrifice de leur temps et seraient venus, sans indemnité, au chef-lieu de l'arrondissement et, si on a offert une légère indemnité à ceux qui se trouvaient à une distance beaucoup plus éloignée, c'est que ces derniers étaient tenus à faire des dépenses, à faire des frais pour se rendre au scrutin et c'est de ces dépenses, de ces frais qu'on a voulu les indemniser.
Voilà, messieurs, l'explication naturelle et logique de ces distributions d’argent dont on fait tant de tapage.
La pièce de monnaie donnée et reçue était non seulement dans l'intention de celui qui donnait, mais aussi dans l'intention de celui qui recevait, une légère indemnité de déplacement ; rien de plus.
Lisez l'enquête sans prévention et vous serez convaincus que tout le monde pensait de même sur ce point, ceux qui donnaient et ceux qui recevaient. Un témoin notamment dit :
« On ne faisait pas le moindre scrupule de recevoir cette indemnité, parce que, dit-il, c'est une vieille habitude dans notre contrée, de rembourser ainsi aux électeurs leurs frais de voyage et leurs dépenses de nourriture. »
C'est donc une vieille habitude de donner une espèce d'indemnité aux électeurs. Cela n'existe pas seulement à Louvain, cela existe dans presque tous les arrondissements du pays. Soyons de bon compte, cet usage existe pour ainsi dire partout ; il n'y a que la forme qui varie ; l'indemnité, sous une forme ou sous une autre, est une chose presque générale.
Un bourgmestre qui semble appartenir au parti libéral puisqu'il avoue lui-même que ce n'est qu'à grand-peine qu'il a obtenu de 3 ou 4 électeurs de sa commune, qu'ils consentissent à substituer sur leurs bulletins les noms de MM. de Luesemans, d’Udekem et Gouppy, aux noms de leurs concurrents.
Eh bien, messieurs, ce bourgmestre déclare néanmoins avec une louable franchise qu'aucun électeur n'a contracté l'engagement de voter pour les candidats catholiques, à cause de l'argent reçu, et qu'on ne leur a pas fait prendre un pareil engagement. Voilà une déclaration positive, déclaration donnée par un de nos adversaires, par un homme qui, en sa qualité de bourgmestre, est parfaitement à même de savoir ce qui se passe dans sa commune.
« Eh bien, l'argent reçu, dit-il, n'a exercé aucune influence sur le vote des électeurs de la commune ; on ne leur a fait contracter par là même aucune espèce d'engagement. » C’est-à-dire que l'électeur est resté complètement libre de voter pour les candidats de son choix.
Un fait, messieurs, relevé par l'honorable M. De Fré et dans lequel il semble un peu se complaire, c'est que le soir de l'élection, dans un cabaret à Campenhout, certains électeurs (il n'en dit pas le nom) à qui il restait encore probablement quelques centimes sur leur indemnité, ont commandé de la bière, en s’écriant : « L'argent donné doit être dépensé tout entier. »
Si tous ces propos de cabaret étaient vrais, s'ils étaient dignes de figuier dans un débat sérieux, je me demande quelle serait la conséquence logique et rationnelle à tirer de ces propos ; c'est évidemment que dans l'opinion de ces gens-là c'était une indemnité qu'on leur avait donnée. L'argent donné comme indemnité devait ce jour-là être dépensé tout entier.
Je ne sais pas non plus quelle preuve l'honorable rapporteur a entendu tirer d'un autre fait qu'il raconte en ces termes :
« M. Mertens, de Montaigu, est transporté gratis, il a un bon dîner, une bonne bouteille et une bonne pièce ; il fait éclater sa joie à Weyenberg. Un jour d’élection est pour lui un jour de fête, etle bonheur le trouble au point qu'il dépose dans l’urne, au lieu d'un bulletin catholique, une commande de sabots. » (Interruption.)
C'est l'observation que j'allais faire moi-même. Evidemment cette commande de sabots n’a pas fait pencher la balance en faveur de nos honorables adversaires ; elle n'a pas été nuisible non plus aux candidats du parti libéral.
Mais outre qu'il n'y ait rien de vrai dans tout cela, que le fait en lui-même soit controuvé et inexact, l'honorable M. De Fré a fait un roman, car cet électeur a voté avant d'avoir pris son bon dîner et sa bonne bouteille, et au moment du vote, il était encore à jeun.
M. Orts. - Il avait déjeuné.
M. de Muelenaere. - Je ne dirai rien de l'électeur qui d'après M. de Fré s’est acheté un pantalon avec son indemnité, parce qu'il s'est borné à prendre une croûte de pain et un verre d'eau.
Messieurs, c'est avec de semblables vétilles, permettez-moi l'expression, c'est avec de pareilles misères, c'est avec d’aussi pauvres arguments qu'on vient vous demander l'annulation d'une élection régulière dans sa forme et de la part d'un arrondissement fidèle à ses anciennes (page 348) convictions, qui, de tout temps, a envoyé à cette Chambre des candidats du la même opinion.
« Cette annulation, vous la prononcerez ! s'écrie le rapporteur. Nos traditions nationales notre probité politique, si connue à l’étranger, le soin que vous prenez de préserver de toute souillure nos belles institutions, tout nous y convie. »
Eh bien, messieurs, je vous en conjure, mettons de côté dans cette affaire tout esprit de parti, et dans l’intérêt de nos nobles institutions, dans l’intérêt de notre réputation de probité politique, dans l'intérêt de toutes nos traditions nationales, répudions d'une voix unanime l’imprudent conseil que nous donne M. le rapporteur.
Contre toute vérité, ne déclarons pas à la face de l'Europe, par un acte solennel du parlement, que le caractère de ce peuple belge, autrefois si loyal, si probe, si consciencieux, est tombé aujourd’hui à un tel degré d’abaissement que sa conscience politique est au prix de 2 ou de 5 fr.
N'imprimons pas injustement au front de nos commettants cette tache indélébile, cette honteuse flétrissure, et nous aurons bien mérité de note pays !
M. De Fré, rapporteur. - Messieurs, je n'ai pas voulu répondre hier au discours de l'honorable M. Notelteirs ; ce n'était pas un discours dirigé contre les conclusions de la commission d’enquête, c’était un discours dirigé contre le rapporteur.
J’ai craint, en demandant immédiatement la parole, de changer un débat où il s'agit de moralité politique, en une lutte de personne ; c'était dans l'intérêt de la dignité de la Chambre que je n'ai pas répondu sur-le-champ à l'honorable M. Notelteirs.
Messieurs, il ne s'agit pas de savoir si le rapport est un chef-d'œuvre, si le rapport est mal fait, condamnez le rapport, qu'il disparaisse ; mais n'abandonnez pas la vérité ; que la vérité triomphe. La vérité est dans l'enquête.
Condamnez le rapport, mais, je vous en supplie, ne manquez pas de logique, ayez souci de votre dignité personnelle. La Chambre, a décidé qu'elle ferait une enquête sur les élections de Louvain. Et, aujourd'hui si l'enquête établit des faits de corruption, vous devez logiquement annuler l'élection de Louvain, vous le devez fatalement à moins d'être accusés devant le pays de manquer de logique, de manquer de dignité. Vous devez donc voter la conclusion de la commission.
Ce rapport qu'on a tant attaqué, mais ce n'est pas une œuvre personnelle. On a employé à l’égard de ce document une tactique que tout le monde comprend, que tout le monde connaît.
Il y avait dans cette commission, parmi la majorité de la commission, votre honorable président et l'honorable M. E. Vandenpeereboom
Mais, non, le rapport n'est plus l'œuvre de la majorité de la commission, c'est une œuvre personnelle ; cette œuvre on ne l'attaque pas comme étant l'expression de la majorité, mais comme étant l'expression d'un homme. Ceci est contraire à l'esprit de nos institutions, ainsi qu'à toutes nos traditions parlementaires ; c'était pour avoir mieux raison des conclusions de la commission, qu'on a isolé le rapporteur
Messieurs, dans la séance d'hier, l'honorable M. Notelteirs a dénoncé le rapport comme étant une œuvre de partialité ; et le nom du rapporteur, juge partial et passionné était continuellement sur les lèvres de l'honorable membre.
Je demanderai à l'honorable M. Notelteirs s'il connaît la Patrie de Bruges, journal inspiré par un évêque. (Interruption.)
Je répète : je demanderai à l’honorable M. Notelteirs s'il connaît la Patrie de Bruges, journal catholique, inspiré par l’évêque de Bruges. Eh bien, savez-vous ce que la Patrie de Bruges a dit du rapporteur dans le numéro du 17 novembre 1859 ?
Elle dit : « M. De Fré qui a déjà, dit-on, refusé l'office de rapporteur, ferait seul avorter ce projet. Nous lui connaissons assez d'indépendance et de franchise pour empêcher que la vérité soit étouffée sous le boisseau. »
Si j'ai dit que la Patrie de Bruges était inspirée par un évêque, je ne l'ai pas dit uniquement pour avoir le plaisir de prononcer le nom d'un évêque dans cette enceinte, mais pour demander à l'honorable M. Notelteirs comment il se fait que vous qui avez montré des sentiments de si fervent catholique dans votre discours, vous vous mettiez en contradiction avec un évêque. (Interruption.)
Je me permettrai de demander à M. Notelteirs s'il connaît la fable du Renard et du Corbeau ; la morale de cette fable, c'est : tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute. Il y a cette différence entre le personnage de la fable et moi, que l'un laisse tomber sa proie, et que le rapporteur garde son rapport et le défendra contre vous. (Interruption.)
Messieurs, le rapport de la commission d'enquête a été une œuvre sérieuse, consciencieuse ; la conclusion qu'elle vous propose était nécessaire pour maintenir à l'électeur l'indépendance, la spontanéité de son vote. Cette conclusion était nécessaire pour conserver à nos institutions libérales l'éclat dont elles rayonnent à l'étranger.
Savez-vous pourquoi cette colère contre le rapport ? Parce qu'on a confondu une question de moralité publique avec une question de parti. Voulez-vous qu'à l'étranger, où notre réputation politique est si belle, on dise qu'on peut entrer dans cette enceinte avec de l'argent, et que ce ne sont pas les vertus politiques ; me talent, les services rendus qui y donnent accès. Songez-y. Il y a quelque chose qu’il fait maintenir, qui doit rester debout, c’est votre tribune ! Catholiques ou libéraux, nous avons tous intérêt à ce qu'elle reste respectée et vénérée !
La Belgique parle à l'étranger par son industrie, par sa littérature, par sa science, par ses arts, mas elle rayonne surtout par sa tribune.
Lorsque, ici, nous discutons les grands principes du gouvernement représentatif, la liberté et le progrès, la vieille Angleterre et la jeune Amérique battent des mains.
Si vous n'arrêtez pas dans sa source, dans son germe, ce vice honteux de la corruption, la Belgique perd son prestige en Europe. Nous pouvons nous attaquer les uns les autres, mais devant l'Europe, nous devons unir nos mains pour étouffer la corruption, afin que la tribune nationale rayonne toujours du même éclat.
La Belgique est un pays démocratique. Cela veut dire qu'elle appelle pour la servir et pour l'aimer tous les enfants qui couvrent son sol ; ceux qui font de la fortune comme ceux qui n'en ont pas. Elle appelle les uns et les autres dans le parlement, dans les conseils de la province, dans les conseils de la commune. Si vous n'arrêtez pas ce germe de la corruption, s'il faut de l'argent pour pouvoir servir son pays, celui qui n'a pour tout bien que les services rendus, que ses talents, devra renoncer à défendre la chose publique.
Vous voyez que si vous n'arrêtez la corruption, votre tribune croulera ; et la base démocratique de vos institutions croulera avec elle.
C'est en présence de ce double péril que s'est trouvée la majorité de la commission. Elle a été péniblement affectée lorsqu'elle a vu où allait cette corruption ; lorsqu'elle a vu que la vie morale de la Belgique s'en allait. C'est sous cette impression que le rapport a été fait. Ah ! vous vous plaignez du rapport. Eh bien, voilà ce qui l'a motivé ! Cette corruption, nous l'avons vue en chair et en os ! Et vous voulez que nous la traitions comme on traite la vertu et la probité ! Ne fallait-il pas la dénoncer, et la dénoncer dans des termes énergiques et flétrissants ? Voilà ce qui explique le rapport.
Déjà depuis un grand nombre d'années, et dans le parti catholique et dans le parti libéral, s'élèvent des plaines contre l'intervention du prêtre dans les élections. Ces attaques sont de tradition dans les deux partis. Ce ne sont pas seulement les hommes du parti libéral qui ont toujours protesté contre cette intervention. Ce sont les hommes de la droite ; ce sont MM. de Theux, de Decker et Dechamps. Voici ce que dans des circonstances solennelles ont déclaré ces honorables membres.
M. de Decker disait :
« Vous regrettez que le clergé intervienne dans les élections. Pour moi, je déclare sincèrement et à la face du pays, que je désire autant que qui que ce soit que le clergé s'abstienne de paraître aux élections. » (Annales parlementaires, 1847-1848, page 57, première colonne).
M. Dechamps disait à son tour :
« Je n'hésite pas à déclarer que sur l'intervention du clergé dans les élections, je partage en tous points l'opinion émise par mon honorable ami M. de Decker. Le clergé aura à examiner si, dans les circonstances qui ont marqué ces dernières années, l’intérêt de son influence morale et de son influence sociale, la seule, en définitive, à laquelle il tienne, n’exige pas qu’il s’abstienne d’user de ses droits constitutionnels de citoyen. C’est là une question d’appréciation qu’il appartient à lui seul de résoudre, mais je ne puis m’empêcher d’exprimer mon opinion personne ; je crois qu’il devra s’abstenir de prendre une part active aux luttes électorales… » (Annales parlementaires, 1847-1848, page 64, deuxième colonne.)
Voilà jusqu'où allait l'honorable M. Dechamps ; je ne pense pas qu'il ait changé d'opinion.
M. de Theux, enfin, disait :
« Entre le droit de voter et une intervention plus active, qui peut passer pour être hostile à tel candidat plutôt qu'à tel autre, quand on est assuré que les candidats libéraux ne veulent pas faire prévaloir dans les lois des doctrines antireligieuses, alors cette intervention doit cesser nécessairement. » (Dans la discussion de l'adresse de 1847-1848.)
M. de Theux. - Dans quelle séance, s'il vous plaît ?
M. De Fré, rapporteur. - Dans la discussion de l’adresse à l'ouverture de la session 1847-1848. Le discours de M. de Decker se trouve aux Annales parlementaires de 1847-48 à la page 37, première colonne ; celui de M. Dechamps à la page 64.
L’intervention u prêtre a été constatée dans l'élection de Louvain. Elle a été constatée d'un manière toute particulière. Cette intervention est sans précédent. Le prêtre est intervenu avec de l'argent. Voilà le point important, le point capital de ce débat ! Si j'ai été obligé d'en parler souvent, ce n’a pas été pour le plaisir de l'attaque ; j'ai rendu hommage à ceux de ses membres qui avaient protesté contre cette intervention.
Mais il m'a fallu vous démontrer quelle a été cette influence, quel a été l'empire que le prêtre a exercé sur les esprits, et jusqu'à quel point des électeurs avaient plié comme de faibles roseaux devant la volonté du prêtre, armé de l'influence religieuse et de bourses des quatre caisses dont je vous parlerai.
Des prêtres eux-mêmes sont venus dire que l'on avait distribué de l'argent ; ils ont déclaré que sans l’argent l'électeur n'allait pas au scrutin. Voilà votre condamnation !
(page 349) Messieurs, on peut bien présenter à la Chambre une autre appréciation sur certains faits qui sont consignés dans le rapport ; on peut bien avoir sur certains faits une autre opinion que celle de la majorité de la commission, mais ce que vous ne pouvez détruire, ce que vous ne détruirez jamais, c'est que de l'argent a été donné, par l'intermédiaire du prêtre, pour aller voter pour les catholiques Les électeurs se sont crus en conscience obligés de voter en faveur des candidats de l'élection dont vous avez à vous occuper.
Et, messieurs, quand on vient vous dire que le rapporteur a fait un roman, on se livre à une appréciation qui n'est pas le résultat des faits ; en obéit à soi-même, à son imagination, et l'on écarte les faits, on n'en parle pas. L'honorable M. de Muelenaere n'a lu l'enquête que dans la contre-note de l'honorable M. Van Overloop ; il ne connaît de l'enquête que ce que l'honorable M. Van Overloop en dit.
Or que dit la note de l'honorable membre de la minorité ? Elle dit que la caisse de l'association catholique de Louvain est un mythe, qu'elle n'existe pas. Mais on oublie qu'il résulte es dépositions entendues devant M. de Keyzer, juge d'instruction à Malines, que le comité catholique de Louvain a envoyé à Haecht des sommes considérables. M. Caluwaert, notaire et échevin, M. J. Caluwaert, candidat notaire et M. Deswert, arpenteur-juré, affirment ce fait pour le tenir du clerc Van Dessel qui déclarait eu outre que « s’il avait l’argent qui a été distribué il en aurait assez. » (page 15 des Annexes)
La note de la minorité oublie aussi la déposition de M. Melaerts, qui déclare : Ces dépenses ont été faites à la suite d’une lettre dont je ne me rappelle pas la signature, mais qui devait venir d'un comité électoral. (5ème déposition.)
La note de la minorité oublie encore la déposition du vicaire de Montaigu, qui déclare : « Cet argent est restitué par le comité de Louvain. » (79ème déposition.)
La caisse du comité catholique n'est donc pas un mythe !
M. Van Bockel déclare : « Les frais de voyage et de voiture ne me concernent pas et sont en dehors des sommes dont j'ai parlé. » (191ème déposition.)
Qui donc payait ces frais, si ce n'est le comité catholique ?
M. Van Bockel déclare encore qu'il ne se rappelle pas avoir envoyé de l'argent au vicaire de Keerbergen.
Or, il est établi que ce vicaire a reçu de l'argent de Louvain. C'est donc le comité qui le lui a fait parvenir.
Donc, la caisse de l'association catholique est donc bien une réalité et non un mythe, A côté de la caisse Van Bockel, existait donc la caisse de l'association.
Les deux caisses existaient aussi en 1857.
M. Van Bockel déclare : « J'ai déboursé de cette façon (pour frais de voyagé), moins d'argent en 1859 qu’en 1857. » Il a donc payé en 1857.
Or, il est établi que ce vicaire a reçu de l’argent de Louvain. C’est donc le comité qui le lui a fait parvenir.
Il est probable que c'est avec l'argent du comité que M. Moëller a payé, en 1857, la garde de sûreté.
Je ne veux rien dire de désagréable à l'honorable auteur de la note. Mais je ne comprends pas qu'on dise dans une pièce lue ici, et distribuée pour pulvériser le rapport de la commission, que la caisse de l'association catholique de Louvain est un mythe, alors qu'il résulte de quatre dépositions produites sous la foi du serment, qu'elle existait, qu'elle fonctionnait et qu'elle envoyait de l'argent à Haecht, à Montaigu, et ailleurs.
Vous voyez donc que l'honorable M. de Muelenaere, qui vient attaquer ici le rapport et le rapporteur, ne connaît pas l'enquête. (Interruption.) De deux choses l'une ; l'honorable M. de Muelenaere ne peut sortir de ce dilemme ; ou il a lu l'enquête et il connaît les dépositions ; et alors pourquoi vient-il nier l'existence de la caisse du comité catholique de Louvain ? Ou il n'a pas lu l'enquête, et comment alors veut-il renverser un rapport lorsqu'il ne connaît pas les pièces sur lesquelles est basé ce rapport ?
Et c'est ainsi, permettez-moi de vous le dire, qu'on a toujours raisonné contre cette malheureuse enquête et contre ce malheureux rapport. On n’a raisonné ainsi que parce que le rapport disait la vérité, que parce qu’il a révélé des faits sous le poids desquels, je le comprends, vous deviez gémir. Vous gémissez, mais ce n'est pas notre faute. Ce n’est pas nous, je vous l'assure, qui avons inventé ces faits ; et ce que vous pourriez faire de mieux, te serait d'imiter ce chirurgien héroïque qui, pour empêcher la décomposition de son corps, brûla lui-même, de sa propre main, la plate vive de son bras.
Quant à moi, si demain il se trouve produit contre une élection libérale des faits de corruption, je serai heureux d’être rapporteur ; et j’attaquerai aussi vivement que j’ai attaqué aujourd’hui. J’attaquerai même mes amis plus vivement encore que je n’attaque mes adversaires ; car « qui aime bien châtie bien. »
L'honorable M. de Muelenaere nous a dit encore : Mais la caisse de Diest n'existe pas. C'est un propos qui a été tenu, et sur ce propos on bâtit une troisième caisse.
Messieurs, il ne n'a pas été possible de mettre dans mon rapport toutes les raisons que j'avais à l'appui de telle ou telle appréciation ; mon rapport eût été trop long.
Ce n'est pas moi qui ai eu le tort de l'avoir fait court, ce sont ceux qui l’attaquent, qui ey tort de l'attaquer, sans vouloir le comprendre.
Eh bien, voici pour la caisse de Diest :
Il est établi par l'enquête que le comité catholique de Louvain n'a rien envoyé à Diest, pas plus qu'il n'a envoyé à Tirlemont. Et pourquoi ? Parce qu'il y a à Diest un centre comme à Louvain.
Il y avait à Tirlemont un homme qui luttait, qui avait des amis groupés autour de lui et au profit duquel ces amis luttaient.
Il y avait à Diest un homme qui était candidat, qui avait des amis près de lui et pour lequel ces amis luttaient, et ces amis faisaient des souscriptions.
Mais de l'argent a été donné à Diest. Voyez les dépositions de l'abbé Hert et Soeten, la déposition de M. Serré, la déposition du docteur Thys, la déposition de Hinsen.
M. Duysters, secrétaire communal, dit :
« Je ne puis rien préciser personnellement, mais il est généralement considéré comme vrai, à Diest, qu'une grande quantité d'argent a été distribuée au moment des élections. On parle de dix mille francs réunis dans le canton, à l'aide de souscriptions, dans lesquelles des habitants de Diest auraient contribué, l'un pour trois mille, quelques-uns pour mille et d'autres pour des sommes inférieures.
« Les distributions d'argent étaient un fait qu'on avouait le lendemain du triomphe ; seulement, on y ajoutait que les libéraux en avaient fait autant ; or, il est à ma connaissance personnelle que le comité de l'association libérale de Diest a décidé, avant les élections, qu'il ne serait pas donné d'argent aux électeurs, qu'on se bornerait à mettre des voitures à leur disposition. Ces voitures ont coûté cent vingt-cinq francs par voiture. »
Voyez la déposition de Serré.
De l'argent a été donné à Diest pour des voitures destinées à transporter les électeurs de Diest à Louvain, et il n'y avait pas de caisse !
Quant à la caisse A Speculo, l'existence en est établie, elle résulte de la déposition même du notaire A Speculo qui déclare avoir dépensé 400 francs.
L'existence de la caisse Van Bockel résulte de la déposition de M. Van Bockel ; il a dépensé, dit-il, de 1,800 à 2,000 francs.
Ainsi donc les quatre caisses existaient, et les dénégations à cet égard ne pourront plus se produire dans la Chambre.
Maintenant, pouvez-vous contester que le prêtre n'ait été l'intermédiaire entre l'électeur et ceux qui menaient l'élection ? Mais les prêtres sont venus le déclarer et ce témoignage, vous ne pouvez pas l'effacer de l'enquête. L'influence que le prêtre a eue pour déterminer les campagnards à voter, mais elle résulte de toutes les dépositions, et je ne vais, messieurs, que vous donner lecture de la déposition d'un bourgmestre, afin que vous voyiez quelle était dans l'appréciation de cet homme l'influence que devait avoir un moyen électoral aussi puissant : le prêtre et l'argent tout à la fois.
« Tous les électeurs de Keerbergen auxquels j'ai parlé lors des élections, se considéraient comme engagés à cause de la pièce de 5 fr. qu'ils avaient reçue du vicaire. Il est vrai que j'ai eu grande peine à obtenir de trois ou quatre électeurs qu'ils substituent sur leur bulletin le nom de MM. de Luesemans, d'Udekem ou Gouppy au nom de leurs concurrents.
« Un électeur auquel j'ai demandé, quelques jours avant les élections : « Eh bien, voisin, qu'allons-nous faire ? » m'a répondu « Ik heb van Mynheer den onderpastoor het stuk van vyf francs ontvangen, en dan is het wel redelyk daer men liet geld voor ontvangt, dat men daer voorwerkt. »
Le bourgmestre Michiels déclare aussi que refuser de l'argent au piètre cela n'est pas possible, que ce serait « casser les vitres. »
Mais voici l'objection : l'argent n'a pas été donné pour acheter le vote. L'argent n'a pas été donné pour acheter le vote ? Savez-vous ce que c'est que la corruption ?
Voici ce que porte un article du Code pénal :
« Tout fonctionnaire. » (Interruption.)
Il ne s'agit pas d'appliquer la loi ; il s'agit de trouver dans un texte de loi, le caractère de la corruption.
« Tout fonctionnaire public de l'ordre administratif ou judiciaire, tout agent ou préposé d'une administration publique, qui aura agréé des offres ou promesses, ont reçu des dons ou présents pour faire un acte de sa fonction ou de son emploi, même juste, mais non sujet à salaire, ser puni du carcan, et condamné à une amende double de la valeur des promesses agréées et des choses reçues, sans que ladite amende puisse être inférieure à deux cents francs. La présente disposition est applicable à tout fonctionnaire, agent ou préposé, de la qualité ci-dessus exprimée, qui, par offres ou promesses agréées, dons ou présents reçus, se sera abstenu de faire un acte qui entrait dans l’ordre de ses devoirs. »
Quelle est la fonction de l'électeur ? C'est de voter. On ne demande (page 350) pas à l'électeur qui va voter, de faire une chose injuste, on lui donne 5 fr. et il va voter.
La fonction de l'électeur n'est pas sujette à salaire. S'il reçoit un salaire pour une chose même juste qui n'est pas sujette à salaire, il est corrompu.
En Angleterre l'argent donné comme il a été donné à Louvain, constitue une corruption qui entraîne la nullité de l'élection. Dans une enquête parlementaire qui a eu lieu au mois d'août et qui se trouve relatée dans The Observer, cette proposition est développée. (numéro du 7 août 1859.)
Du moment que de l'argent est donné d'une façon ou d'une autre, il y a corruption.
Messieurs, vous savez qu'en Angleterre chaque partie a un avocat ; l'enquête s'y fait devant une commission, et on présente, de part et d'autre, des observations contre les dépositions des témoins. Le dernier témoin avait déclaré qu'il était allé chercher des électeurs, lesquels avaient reçu de l'argent ; et l'avocat Stade disait que : « Ceci achevait l'affaire des pétitionnaires, et qu'il croyait que le comité devait admettre qu'il était surabondamment prouvé que l'élection de M. Walter avait été obtenue par des moyens de corruption.
« Je ne sais si les faits de corruption qui ont été commis par Boyes ou Taylor seront contestés par ses savants amis de l'autre parti.
« La seule réponse que je puisse concevoir qu'ils pourraient essayer de faire, c'est que ces actes de corruption étaient le fait de Boyes lui-même et que la connexité entre lui et M. Walter n'était pas suffisamment établie pour le rendre responsable des actes de Boyes.
Là-dessus contestation et discussion ; mais ce qui est admis de part et d'autre, c'est que donner de l'argent dans les conditions où il a été donné en Belgique, constitue de la corruption et entraîne la nullité de l'élection.
Messieurs, j'ai encore beaucoup d'observations à présenter ; je demande à pouvoir continuer mon discours dans la séance de demain. (Assentiment.)
- La suite de la discussion est remise à demain à 2 heures.
M. B. Dumortier (pour une motion d’ordre). - Messieurs, depuis plusieurs jours, la Chambre reçoit des réclamations qui lui sont adressées par des témoins contre le rapport de la commission d'enquête ; j'ai parcouru tout à l'heure une de ces réclamations ; elle concerne la prétendue caisse de Diest. Il est utile, dans l'intérêt de la vérité, que toutes ces pièces soient imprimées comme annexes au rapport. J'en fais la proposition.
- Cette proposition est adoptée.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi tendant à approuver la convention conclue avec la Sardaigne pour la garantie réciproque des œuvres de littérature et d'art.
- Il est donné acte à M. le ministre des affaires étrangères de la présentation de ce projet de loi, qui sera imprimé et distribué, ainsi que l'exposé des motifs qui t'accompagne.
La Chambre le renvoie à l'examen des sections.
- La séance est levée à 4 heures trois quarts.