(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)
(page 337) (Présidence de M. Dolez, premier vice-président.)
M. de Moor fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance du 9 décembre.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moor présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Van Hoobroek, ouvrier, à Gand, demande le remboursement de ce qu'il a versé dans la caisse des pensions et secours, en sa qualité d'ouvrier mécanicien à l'administration des chemins de fer de l'Etat. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Fumière, médecin vétérinaire diplômé, demande des modifications à la loi du 11 juin 1850, sur l'exercice de la médecine vétérinaire. »
« Même demande du sieur Grumieaux. »
- Même renvoi.
« Le sieur Van Velck, curé à Léau, présente des observations contre un passage de la commission d'enquête dans lequel il est nommé. »
« Observations semblables du sieur de Becker. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Lerat et Caudron, président et secrétaire du comité des secrétaires communaux de l'arrondissement de Mons, prient la Chambre de s'occuper de la pétition des secrétaires communaux. »
- Renvoi à la section centrale du projet de loi qui établit une caisse centrale de prévoyance pour les secrétaires communaux.
« Les facteurs ruraux du bureau des postes à Beloeil demandent une augmentation de traitement. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des étudiants de l'université de Louvain demandent le rétablissement de la session de Pâques pour tous les examens. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Avé, négociant en vins à Louvain, présente des observations contre une décision prise par M. le ministre de la justice, au sujet de la nomination d'un administrateur receveur de la fondation de Bay. »
- Même renvoi.
« Plusieurs habitants de Bruxelles présentent des observations contre les dispositions du Code pénal relatives aux coalitions. »
- Renvoi à la commission du Code pénal.
« Le sieur Fontaine propose la création de facteurs-inspecteurs à l'administration des postes. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« MM. les bourgmestre et échevins de la ville de Bruges adressent à la Chambre un exemplaire du catalogue des manuscrits conservés à la bibliothèque publique de cette ville. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. Dechentinnes, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé.>
- Accordé.
M. De Fré, rapporteur de la commission d'enquête. - Messieurs, j'ai l'honneur de présenter le rapport sur les pétitions contenant des réclamations contre le rapport de la commission d'enquête.
Voici les conclusions de la commission.
La commission, considérant que les pétitions dont il s'agit ne contiennent rien que de convenable dans la forme, vous en propose le dépôt dur le bureau pendant la discussion de l'enquête.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. le président. - La commission d'enquête conclut à l'annulation des élections de l'arrondissement de Louvain.
La parole est à M. Notelteirs.
M. Notelteirs. - Messieurs, ayant assisté à la plupart des séances de la commission, je ne m'attendais pas, je tiens à avouer mon illusion, à la conclusion prise dans son sein.
Les différents griefs articulés contre les conservateurs de Louvain m'étaient apparus, durant l'enquête, comme faux, ou nullement constatés, ou comme ne présentant pas le caractère de corruption qui leur avait été attribué, tandis que des faits extrêmement graves à charge de leurs adversaires avaient été constatés.
Et cependant la conclusion a été de vous proposer l'annulation des élections de Louvain, à cause des actes attribués aux conservateurs.
Cette conclusion m'a causé une surprise pénible ; mais un sentiment bien plus pénible m'a affecté quand j'ai entendu au sein de la commission la lecture du rapport.
Par la courte discussion qui précéda la conclusion, nous savions que pour la motiver une doctrine nouvelle serait défendue ; mais ce qui avant la lecture du rapport n'était pas venu à mon esprit, c'est que ce rapport, qui devait être un compte rendu fidèle de l'enquête, pût s'en éloigner si étrangement et revêtir le caractère d'un réquisitoire amer.
Un seul ordre de faits est prouvé : il l'était avant l'enquête. C'est celui-ci : des indemnités de voyage et de séjour ont été accordées à des électeurs étrangers au canton de Louvain ; mais l'enquête ne fournit la preuve d'aucune condition ni d'aucune circonstance de nature à donner à ce fait un caractère de corruption électorale qu'il n'a pas par lui-même.
Que fait cependant le rapport pour arriver à l'annulation de l'élection de Louvain ?
Il passe sous un silence prudent les habitudes électorales de l'arrondissement de Louvain, la pression, les influences illégitimes mises en œuvre par le parti libéral dans la dernière élection comme dans les précédentes.
Réservant toute son indignation pour les catholiques de Louvain, l'honorable M. De Fré rassemble des cancans de cabaret, des on-dit, des propos après boire ; ces bruits sans fondement, il vous les présente comme des faits avérés, et sur ces fantômes il base un acte d'accusation d'une violence sans exemple contre l'opinion conservatrice tout entière et spécialement contre le clergé.
D'un fait simple et légitime qu'aucune loi ne défend, né d'un défaut de nos lois électorales et consacré par nos mœurs, il fait un crime. Il érige en principe une doctrine nouvelle avec effet rétroactif.
A entendre l'honorable rapporteur, les conservateurs de Louvain se seraient rendus coupables de mille méfaits. Quant aux écarts des libéraux, à peine méritent-ils l'attention de la Chambre.
Le rapport, qui contient 14 pages d'impression, consacre à peine six lignes à des faits de la plus haute gravité a charge des libéraux.
A la page 8 il dit :
« De rares électeurs libéraux ont offert ou donné à d'autres électeurs de l'argent ou remis des coupons de chemin de fer. »
Et à la page 5 :
« On a fait grand bruit de la pression exercée sur les locataires des hospices de Bruxelles, sur les fournisseurs du bureau de bienfaisance de Diest et sur un petit employé de la poste aux lettres de Louvain ; l'enquête a enlevé à ces faits tout caractère de gravité. »
Permettez-moi de commencer par quelques remarques sur cette manière bienveillante d'apprécier les gestes des libéraux, parce que rien ne prouvera mieux l'esprit du rapport.
Les menaces, les bulletins marqués, la pression et les faveurs administratives, sont aux yeux de tout le monde de la corruption électorale ; ces faits, dont pas un n'est imputable au parti conservateur, sont constatés par l'enquête à charge de la partie plaignante.
C'est ce que fait ressortir clairement le paragraphe 3, deuxième partie, de la contre-note :
Je ne dois pas répéter tout ce que cette contre-note vous apprend ; je ne puis cependant m'abstenir de signaler à votre attention quelques faits.
D'abord l'intervention des administrations charitables au profit des libéraux dans les élections ne saurait être niée. M. Verschoet, employé de celles de Bruxelles, remplit cette mission. Il ne menace point, il engage seulement ; mais les fermiers électeurs auxquels seuls il s'adresse connaissent sa qualité : le témoin Van Crikingen dit : M. Verschoet n'en peut rien, il était envoyé. L'usage des bulletins marques au moyen d'un nom en trop, dans les élections antérieures, est également prouvé. L'employé Verschoet lui-même dit à ce sujet : Alors cela se faisait.
Et que voyons-nous à Diest ? La clientèle de l'administration retirés à M. le pharmacien Fréderickx, mais rendue après quelques jours parce que la chose faisait trop de bruit.
Le mandat de payement signé en toute hâte le jour de la Pentecôte, et ce mandat accompagné d'un bulletin de vote.
Nous voyons M. Hermans-Noten, membre du bureau de bienfaisance, écrire au sieur Alexandre Smolders boutiquier et électeur, la lettre suivante :
« Monsieur et madame,
« Puisque moi, même en ce moment, je n'aime pas de venir chez vous en personne je prends la liberté de vous écrire et de vous envoyer un (page 338) bulletin de vote lequel j'espère entendre lire à Louvain ; si cela n'est pas, cela ne me ferait pas plaisir et à vous beaucoup de dommage, vous savez ce que j'ai fait pour vous, combien de mandats vous avez eus ; près de 500 francs, ainsi vous avez à attendre encore plus de nous et de l'autre bureau, car enfin, on pense d'abord à ses amis et personne ne peut le savoir que moi, Van Horen et le bourgmestre qui avons tenu contre-note des bulletins de vote.
« Votre serviteur, H.-N. »
Je traduis littéralement cette lettre parce que dans la contre-note elle ne se trouve qu'en flamand.
Elle est avouée par son auteur, elle était accompagnée d'un bulletin reconnaissable à la lecture. Après les élections, M. Smolders a perdu la clientèle des libéraux, et entre autres celle de l'administration des hospices.
Cette lettre me dispense de dire davantage des administrations charitables.
Elle dit tout :
Réminiscence de faveurs reçues ;
Promesses de nouveaux avantages ;
Menaces exécutées ;
Bulletins marqués et surveillés. ;
Est-il étonnant après cela qu'un témoin, ancien membre de cette administration, dise dans l'enquête : Cette manière d'agir dans les élections avec l'argent des pauvres, m'a fait donner ma démission.
Et l'honorable rapporteur dit que l'enquête a enlevé à ces faits tout caractère de gravité. Cependant, messieurs, quel fait comparable à celui-ci a été, je ne dirai pas prouvé, mais reproché aux conservateurs de Louvain ?
Chose remarquable encore, c'est comme l'honorable rapporteur glisse légèrement sur le déplacement d'un petit employé de la poste à Louvain : Un père de famille honorable, employé fidèle et zélé, connu pour professer des opinions conservatrices, reçoit, quelques jours avant les élections du 10 décembre 1857, une lettre comminatoire anonyme ; un bulletin y est joint : aux termes de la lettre, un scrutateur doit surveiller la sortie du bulletin. S'il ne sort pas, ce sera la preuve que Mertens a voté contre le ministère. Quelques jours avant les élections du 14 juin 1859, la menace reçoit son exécution. M. Mertens est arraché à sa famille, déplacé brusquement, contrairement à tous les usages administratifs, sans avancement et sans que ses chefs immédiats en aient été avertis.
Pour M. De Fré, ce fait ne présente aucune gravité ; il ne s'agit que d'un petit employé, et c'est M. De Fré, le représentant des idées démocratiques dans cette Chambre, qui dit cela. Moi, messieurs, dans ma naïveté provinciale, et avec mes idées de conservateur, j'ai toujours cru que les petits avaient surtout besoin de protection contre l'oubli et les erreurs des grands.
Il est vrai que M. Mertens a obtenu l'autorisation d'aller voter à Louvain, mais qu'importe que M. Mertens ait voté ? Le déplacement soudain, la veille d'une élection, d'un employé connu pour ses opinions et pour la force de son caractère, ne restait-il pas toujours un exemple et une menace pour les autres ?
Dans l'ordre des faits absolument condamnables, dont je regrette de devoir occuper la Chambre, ceux que je viens de rappeler ne sont pas les seuls.
Louvain n'a pas oublié les allures du parti libéral dans les élections précédentes.
On sait les manœuvres et les tentatives de toute sorte pour détourner les électeurs campagnards d'entrer en ville le jour de l'élection, pour leur enlever leur bulletin, et pour les égarer de leur bureau, les avanies dont les conservateurs et particulièrement les ecclésiastiques ont été habituellement l'objet, et les désordres dont plus d'une fois Louvain a été le théâtre.
On connaît les lettres anonymes adressées à des membres de l'opinion conservatrice où on leur parlait du sort de l'infortuné Gaillard.
Vous me direz que ces faits énormes se rapportent au temps passé ; mais ce temps n'est pas si loin, c'est à coup sûr la même génération qui est sur la scène ; et par cette considération ces faits ne laissent pas d'édifier.
Mats enfin revenons à la dernière élection ; ajoutons quelques faits à ceux que nous avons signalés.
Nous voyons la salle des échevins d'un hôtel de ville changée en club électoral.
Nous voyons des employés de la police distribuer la Lanterne Magique et autres écrits électoraux du parti libéral et insulter en public des personnes actives du parti conservateur.
Nous voyons un employé communal porteur des lettres officielles de convocation pour les élections, dans l'exercice de cette fonction donner à l'électeur qui lui exhibe un bulletin de vote libéral, la pièce de cinq francs si amèrement reprochée aux conservateurs. Il proteste de toutes ses forces que ses chefs n'y sont pour rien ; mais sur interpellation il avoue qu'en agissant ainsi, il était certain de bien faire, que l'argent lui serait rendu et qu'en fait son chef, le secrétaire communal, lui a remboursé l'argent.
Nous voyons un conseiller communal, trésorier d'une association libérale, proclamer ses hauts faits devant la commission d'enquête et revendiquer, en capitaine éloquent, l'honneur d'avoir conduit son subordonné à l'urne électorale, en s'écriant : « Montez à l'assaut, je vous suivrai au chemin de la gloire et de l'honneur !! »
Il a distribué bien des bulletins, dont trois marqués par simple curiosité. Il s'était bien promis d'en surveiller le dépouillement, il devait être scrutateur ; mais malheureusement il est venu trop tard.
Je viens de vous entretenir de quelques faits imputables à la partie plaignante qui, aux yeux de l'honorable rapporteur, n'ont aucune gravité ; à côté de tant de bienveillance pour les uns, voyons s'il a une bienveillance égale pour les autres.
Au détriment des conservateurs, il affirme des erreurs ; de simples on-dit sont érigés en faits acquis, et comme je le disais, le rapport dégénère en un véritable réquisitoire, en comparaison duquel la plainte elle-même est un modèle de modération.
Aussi, messieurs, ne me suis-je pas étonné que le rapport, à peine publié, ait été l'objet de nombreuses protestations émanées de témoins entendus.
Ces protestations constatent des erreurs matérielles qu'on peut s'étonner de trouver dans un rapport présenté à la Chambre par un membre de la commission d'enquête, où les témoins ont déposé sous la foi du serment.
L'honorable rapporteur s'appuie volontiers sur les témoins qui ne parlent que d'ouï-dire : il ajoute pleine foi à leurs allégations et à leurs appréciations personnelles, et cela souvent en contradiction ou en opposition avec les dépositions des témoins directs du fait parlant seuls de science certaine. Les témoignages de ces derniers restent dans l'oubli ; il n'en parle pas.
Ainsi le rapport dit : « Le curé de Capellen s'informe près de l'épouse Taes si son mari vote pour les catholiques ou pour les libéraux ; et il ne remet la pièce de cinq francs que quand il apprend que le mari votera pour les catholiques. »
Cette allégation, où le rapporteur l'a-t-il cherchée ? Dans la déposition de Louis Pens, à qui l'épouse Taes l'aurait dit ; mais le témoin direct Taes que dépose-t-il ? t J'ai dit à ma femme après la sortie du curé que j'étais engagé à une seule chose, c'était d'aller à Louvain, mais que j'étais libre de voter pour qui je voulais. » L'épouse Taes, de son côté, dément également le témoignage de Pens.
Le rapporteur invoque le témoignage de Pens seul et encore se permet-il d'ajouter : « Et il en a été ainsi partout. » Le fait est faux. Il le donne comme vrai, et par-dessus cela il le généralise.
Autre exemple : c'est l'intervention du confessionnal dans les élections. Voici ce que dit le rapport : « On y joint le confessionnal, on y parle de listes électorales, et on refuse l'absolution au pénitent qui votera pour M. de Luesemans, accusé par le confesseur de vouloir anéantir la religion et ruiner le pays. La déposition de M, Sterckmans est aujourd'hui, confirmée par l'instruction faite devant M. le juge Casier. »
Or, le témoin direct sur ces faits, Vollen, répète constamment, et devant la commission et devant M. le juge Casier, que le fait n'est pas vrai. Je puis avoir été ivre, dit-il, mais le fait n'est pas vrai. Parlant de deux témoins avec lesquels il a été confronté et qualifiant les poursuites dont il a été l'objet, il ajoute : « Je ne sais pas, moi, quel tripotage il y a entre ces deux hommes-là. » « Ik weet ik niet wat haspel dat er daer tusschen die twee mannen bestaet. » J'ai pris note exacte de ces expressions flamandes dont l'énergie m'avait frappé.
Sterckmans lui-même déclare qu'il regarde Vollen comme incapable de faire un faux serment.
L'honorable rapporteur n'en présente pas moins le prétendu fait de l'absolution refusée comme certain. Ici encore un propos de cabaret est pour lui la vérité : en lisant d'un bout à l'autre toutes les dépositions sur cette affaire, on ne trouve en effet autre chose que des canecs de cabarets. C'est cependant, messieurs, ce prétendu fait avec son appendice du journal De Belg, qui va à confesse, qui inspire spécialement M. De Fré lorsqu'il s'écrie :
« On a fait grand bruit de la pression exercée sur les locataires des hospices de Bruxelles, sur les fournisseurs des bureaux de bienfaisance de Diest et sur un petit employé de la poste aux lettres de Louvain, l'enquête a enlevé à ces faits tout caractère de gravité. Mais qu'est-ce qu'une pareille pression à côté de celle que le prêtre peut exercer dans le confessionnal ? Ce malheureux pécheur dont il tient le salut dans ses mains puissantes, ne peut que s'incliner et promettre.
« Ce citoyen que la Constitution a rendu libre abdique entre les mains du prêtre sa part de souveraineté dans les affaires de son pays.»
Messieurs, les catholiques doivent s'estimer heureux que l'honorable M. De Fré s'arrête là. Encore un mot ce pouvait être la sentence : A bas le confessionnal !
Mais revenons ; ces exagérations ne sont pas les seules à reprocher au rapport.
Je ne dis qu'un mot de la garde de sûreté, qu'on appelle les assommeurs de Louvain qui heureusement n'ont égratigné personne ; contre laquelle aucune plainte, même de simple police, n'a été portée, et dont, paraît-il, personne n'a remarqué le danger, qu'au mois de novembre, cinq mois après les élections, lorsqu'elle n'existait plus. (page 339) L'organisation de cette garde est d'ailleurs justifiée par les désordres qui ont eu lieu à l'occasion des élections antérieures, l'autorité légitime en était instruite, et depuis son organisation il n'a a plus eu de désordres aux élections à Louvain,
Il est d'autres étranges exagérations et assertions erronées : une phrase du rapport les comprend toutes. C'est lorsqu'il dit : « Ce que l'enquête établit avec une incontestable évidence ce ne sont pas seulement les faits de corruption que cette pétition dénonçait à la Chambre, mais encore des faits nouveaux, inconnus jusqu'alors, etc. » Un examen sérieux nous a conduit à un résultat diamétralement opposé : c'est qu'aucun fait n'est prouvé avec le caractère de corruption électorale qui lui avait été attribué. Je prie la Chambre de contrôler, sur les dépositions des témoins, la contre-note de la minorité.
Quant aux faits que des conservateurs ont indemnisé des électeurs de leurs frais de voyage et de séjour, et que des prêtres ont donné de ces indemnités, ces faits sont avoués.
Je prouverai tantôt qu'ils sont légitimes, mais d'abord je dois constater qu'ici encore l'honorable M. De Fré verse dans l'exagération, dans l'erreur matérielle et dans les fausses appréciations.
Le parti, dit-il, qui a triomphé à Louvain, s'est servi de l'argent. Ce mot argent, l'honorable rapporteur le fait sonner bien haut. Il signale quatre caisses dont deux n'existent pas ; on parle, dit-il, de 10,000 fr. recueillis par souscription, à Diest, M. Duysters dit qu'on en a parlé ; c'est l'unique preuve de cette caisse. La caisse de l'association de Louvain n'est également qu'une invention.
L'enquête ne prouve que l'emploi de 2,000 francs tout au plus, dépensés par M. Van Bockel, de 400 fr. par M. A Speculo, et de quelques petites sommes de 5 à 95 fr. ; de sorte que, tout bien compté, on arrive à la somme maxima de 2,750 fr, et voilà la grande somme d'argent qu'on fait sonner si haut et qui, selon le rapport, a nécessairement dû corrompre l'arrondissement de Louvain, composé de 111 communes et contenant au-delà de 4,000 électeurs.
Qu'importe cette dépense de 2,750 fr., puisque l'emploi qui en a été fait est légitime. Les libéraux n'avaient-ils. pas aussi leur caisse assez bien fournie.
S'il n'est pas prouvé que les libéraux aient beaucoup dépensé en payement d'indemnité, j'ai lieu de croire qu'il faut l'attribuer à la fermeté des électeurs campagnards, qui, résolus de voter selon leurs convictions, ne se sont pas montrés disposés à accepter l'indemnité des libéraux.
« Quel était, dit le rapport, l'intermédiaire dont le parti conservateur se servit pour faire fructifier cet argent au profit de son triomphe ? Du prêtre, qui, à la campagne surtout, exerce, sur l'esprit des électeurs, une influence que nulle autre autorité ne peut balancer !... »
Plus loin il ajoute :
« Le clergé était partout l'instrument dont s'est servi le parti conservateur ! >
Ici encore il y a l'assertion à rectifier ; toujours des exagérations incroyables.
L'arrondissement compte 111 communes.
La commission n'a trouvé à citer devant elle que 14 prêtres. L'enquête constate que 4 d'entre eux n'en sont pas occupés ; reste 10.
L'enquête ne constate de leur part aucune menace, aucune pression, aucun bulletin marqué. Aucun de ces prêtres ne s'est adressé qu'à des électeurs de sa commune, et ces dix prêtres, si l'on en croit le rapport, ont fait l'élection partout, c'est-à-dire dans 111 communes.
Jadis le parti conservateur était l'instrument docile de l'ambition du clergé ; aujourd'hui, selon M. De Fré, les rôles sont intervertis. Le clergé est l’instrument docile du parti conservateur, il sert les ambitions de ce parti.
Je ne veux pas ici discuter la question de convenance.
Convient-il que le prêtre intervienne, ou bien se dégrade-t-il en se mêlant d'élection ? C'est son affaire, et non la nôtre, nous n'avons pas à nous en occuper.
Seulement je constate qu'en l'année 1830 et les suivantes des libéraux sincères engageaient fortement le clergé à s'occuper des élections dans l'intérêt de la stabilité de nos institutions. Je le répète, je ne veux pas ici discuter cette question, mais il est évident que l'intervention du prêtre et des considérations religieuses dans les élections est constitutionnellement légitime. Il est constitutionnellement impossible d'annuler une élection à cause de cette intervention. La Constitution dit : Tous les Belges sont égaux devant la loi. Cela est écrit pour le croyant et pour l'incrédule, pour le catholique qui croit et pour le rationaliste qui ne croit pas, pour le prêtre et pour le laïque.
Je n'ai plus à revenir sur le confessionnal. M. De Fré n'avait aucun motif de le mettre ici en cause, puisque le fait invoqué n'est pas vrai. Je ne dis qu'un mot de la sacristie, où l'indemnité aurait été remise à quelques électeurs : deux faits sont prouvés l'un est relatif à Materne ; l'autre au sacristain lui-même.
M. De Fré appelle cela une profanation du temple. Tout en admirant son respect pour les choses saintes, je ne vois pas ce que cette profanation a de commun avec la liberté de l'électeur qui seule ici doit nous préoccuper.
Messieurs, je crois avoir démontré que les plaintes amères du rapport à l'adresse du parti conservateur et du clergé ne sont pas fondées.
M. De Fré doit savoir que pour user légitimement de la liberté il faut savoir souffrir l'usage qu'en font les autres.
II me reste seulement à vous entretenir de cette doctrine nouvelle : que le simple fait d'indemniser en argent l'électeur étranger au chef-lieu de l'arrondissement, constituerait par lui-même une corruption électorale. Cette doctrine n'est pas dans nos lois ; l'usage d'indemniser des électeurs, sous une forme ou sous une autre, est né de l’inégalité qui existe entre les électeurs. Il est presque général ; pas ou peu d'arrondissements y ont échappé. Les conservateurs de Louvain en suivant l'exemple général ont agi de bonne foi. Ils y étaient autorisés par l'usage et ils n'en ont pas abusé. Comme il n'est pas permis d'appliquer rétroactivement les lois, l'on ne peut non plus sans injustice introduire une manière de voir nouvelle, contraire aux usages reçus et généralement pratiqués, et appliquer cette nouvelle manière de voir rétroactivement aux faits accomplis.
J'ai dit en commençant qu'un seul ordre de faits est prouvé : l'indemnité des frais de voyage et de séjour accordée à des électeurs étrangers au canton de Louvain. La Chambre, en ordonnant l'enquête, n'a pas voulu s'instruire de l'existence de ce fait, elle en était instruite ; elle a donc décidé virtuellement que par lui-même il ne peut causer l'invalidation de l'élection, sinon elle eût prononcé l'invalidation sans ordonner l'enquête. La Chambre n'a ordonné l'enquête que pour s'instruire s'il a été accompagné de conditions ou de circonstances propres à lui donner le caractère de corruption.
Or, l'enquête ne prouve aucune condition ni circonstance de cette nature.
Les électeurs défrayés sont restés libres dans leur vote, la seule condition signalée est celle-ci : Allez remplir vos devoirs de citoyens, allez voter à Louvain.
Tout le monde se plaint et à bon droit de l'inégalité choquante qui existe entre les électeurs du chef-lieu et les autres, et l'on trouverait immoral que des hommes professant consciencieusement une opinion s'imposent des sacrifices personnels pour atténuer cette inégalité !
Des bancs mêmes de la gauche, il n'y a que quelques mois le payement de frais de voyage a été signalé comme un moyen de remédier à un défaut de nos lois électorales et aujourd'hui que des hommes consciencieux et dévoués du parti conservateur le mettent en œuvre à leurs frais privés, ou trouverait ce moyen essentiellement mauvais et immoral !
Et devant qui soutient-on cette doctrine nouvelle ? Devant la Chambre belge, devant cette Chambre formée sous l'empire de mœurs électorales établies, et tellement générales que les quatre cinquièmes peut-être de ses membres sont élus par des électeurs défrayés, ou indemnisés sous une forme ou sous une autre. De récentes discussions qui ont eu lieu dans cette Chambre m'autorisent à le dire.
Je sais bien, messieurs, que le distinguo de l'école est quelquefois subtil. Il est fut pour les cas difficiles ; mais jamais je n'ai rencontré de distinction aussi futile que celle que l'on fait ici.
Il est permis, dit-on, de défrayer les électeurs, de les voiturer, de le. loger, de les faire dîner et boire, voire même de régaler leurs dames de chocolat. Cela est permis, cela est honnête et ne dégrade pas. Mais il n'est pas permis (aux conservateurs au moins) de donnr à l'électeur de l'argent pour l'indemniser de ses frais de voyage et de séjour.
Franchement, je ne comprends rien à cette distinction.
Le transport, le dîner, le Champagne, n'humilient pas ! Mais l'équivalent, la moitié, le tiers et le quart de l'équivalant en argent est une cause d'humiliation ! et l'on se plaint de l'élévation toujours croissante des frais électoraux en Belgique !
Messieurs, si cette distinction était fondée, alors hâtons-nous de réformer toutes nos lois sur les indemnités à payer à titre de frais de voyage et de séjour aux fonctionnaires belges de tous les ordres et aux citoyens pour l'accomplissement de leurs devoirs ou l'exercice de leurs droits.
Nos autorités civiles et militaires, nos commissions de toute nature, nos jurés, nos conseillers provinciaux sont-ils humiliés parce qu'ils reçoivent en beaux deniers comptants des indemnités pour frais de séjour et de voyage ?
Personne n'osera le soutenir.
J'ajoute que l'électeur indemnisé, mais voyageant et se restaurant à sa guise, est beaucoup plus libre dans son vote que celui qui se laisse voiturer en commun et régaler en commun.
J'en conclus, messieurs, que la distinction est sans fondement et je ne sais vraiment pas qui de nous jettera sans remords la première pierre à nos honorables collègues de Louvain.
L'on se plaint des frais électoraux en général. Ces plaintes sont fondées ; mais, messieurs, nous ne devons pas oublier que ce mal est inhérent à notre système électoral. Voulons-nous le détruire, portons un remède efficace à l'inégalité qui existe entre les électeurs, c'est le seul moyen de détruire l'abus des frais électoraux. Mais n'allons pas, par fanfaronnade de vertu, faire expier injustement à l'arrondissement de Louvain les imperfections de nos lois électorales.
Je finis, messieurs, en me résumant.
Il est établi qu'une indemnité de frais de voyage et de séjour a été (page 340) accordée à des électeurs. Ce fait est légitime. Il n'a pas été nié, il a été posé de bonne foi. La Chambre le connaissait lorsqu'elle a voté l'enquête. La Chambre a donc déridé virtuellement que par lui-même il n'est pas de nature à invalider l'élection, sans cela elle eût cassé l'élection sans enquête.
La question est donc de savoir si les griefs pour la recherche desquels l'enquête a été ordonnée sont établis par celle-ci.
Je réponds avec la note de la minorité de la commission qu'il résulte à l'évidence de l'enquête :
Que les faits signalés dans la pétition de Louvain, tels qu'ils y sont signalés, n'ont été aucunement prouvés.
Que nul fait nouveau de menaces illégitimes sur des locataires, d'achat de vote, de corruption n'a été révélé dans le cours des opérations de la commission.
Qu'au contraire la majeure partie des faits signalés par les pétitionnaires qui demandent la validation des élections de Louvain ont été établis.
Les élus sont purs de tout reproche ; le rapport le reconnaît lui-même.
Devant ce résultat la Chambre validera les élections de Louvain.
Un ou deux faits blâmables, posés par des tiers, fussent-ils prouvés, ce qui n’est pas, ne pourraient faire annuler l'élection, car alors il dépendrait d'un seul intrigant de préparer le moyen d'annuler toute élection certaine d'avance.
A entendre le rapport, l'arrondissement de Louvain serait la Babylone de la Belgique. Les conservateurs sont corrupteurs, les électeurs sont corrompus, les témoins sont sans sincérité. Messieurs, la Chambre ne ratifiera par ce jugement porté par l'honorable M. De Fré sur l'arrondissement de Louvain.
La Chambre n'annulera pas l’élection devant le résultat réel de l'enquête. Si elle le faisait, aucune élection ne serait plus certaine dans l'avenir, car personne ne peut empêcher Pierre de parler d'un pantalon acheté, Jacques, d'absolution refusée ; ni la dame de l'estaminet du coin d'une rue quelconque à Tirlemont, du journal De Belg qui va à confesse.
Notre système représentatif serait bouleversé. Les électeurs ne choisiraient plus leurs mandataires, la Chambre remplacerait le corps électoral, et personne ne pourrait dorénavant prendre place ici que du bon plaisir de la majorité.
La Chambre est appelée à prononcer dans l'ordre le plus élevé : elle est appelée à juger le corps électoral, base de ses propres pouvoirs. Elle prononce seule en dernier ressort, sans second vote d'une autre Chambre, ni contrôle quelconque. Son arrêt sera souverain. Il doit donc être au-dessus de toute passion. La foi dans nos institutions représentatives est à ce prix.
M. Van Volxem. - Messieurs, en prenant la parole pour la première fois dans cette assemblée, je réclame tonte votre bienveillante attention. Membre de l'administration des hospices de Bruxelles, qui a été attaquée dans cette enceinte, je demande à pouvoir la disculper ici. L'honorable M. Notelteirs vous a fait de la statistique, il est venu vous dire le nombre des ecclésiastiques qui ont été interrogés et le nombre de ceux qui ne l'ont pas été. Je viens, de mon côté, faire aussi de la statistique, et dire le nombre d'électeurs sur lesquels on aurait pu exercer une pression de la part de l'administration des hospices de Bruxelles
L'administration des hospices de Bruxelles possède environ 230 hectares dans l'arrondissement de Louvain ; et ces 230 hectares sont loués à 225 locataires différents.
Sur ces 225 locataires une dizaine n'habitent pas l'arrondissement de Louvain, et par conséquent il ne peut être question d'eux dans le débat. Ceux sur lesquels on aurait pu exercer une certaine pression, ce sont ceux qui sont domiciliés dans l'arrondissement de Louvain. Eh bien le nombre immense de ces électeurs-là est restreint à dix-neuf : il y a 19 électeurs locataires des hospices de Bruxelles, qui sont domiciliés dans l'arrondissement de Louvain.
Sur ces 19 électeurs, combien M. Verschoet en a-t-il visité ? A combien d'entre eux a-t-il parlé ? D'après les dépositions, on en a découvert quatre.
En effet, il ne s'est rendu que dans deux communes, la commune de Cortenberg où il s'est entretenu avec un électeur et la commune d'Erps-Querbs où il a parlé à quatre électeurs.
Qu'a-t-il dit à ces électeurs ?
Il leur a déclaré qu'il venait de son propre chef. Aucune des dépositions qui sont actées à l'enquête, ne constate le contraire ; toutes portent qu'il a déclaré venir de son propre chef. Il est bien vrai que quelques-uns des déposants disent qu'ils ne le croyaient pas ; mais il n'en est pas moins vrai que M. Verschoet n'a pas été envoyé par notre administration. Aucun mandat ne lui a été donné par l'administration des hospices qui n'a jamais confié un pareil mandat à qui que ce soit.
L’administration des hospices de Bruxelles est imbue des mêmes idées que vient d'exprimer l’honorable M. Notelteirs ; elle réclame pour sej agents la liberté de voter selon leur conscience, dans les élections.
Voici, messieurs, une partie de la déposition de M. Van Crikingen dont a parlé l'honorable M. Notelteirs.
« Il ne m'a fait aucune menace, il s'est borné à me dire que je devais déposer mon billet. »
Il n'a donc été fait aucune espèce de menace.
M. Van Crikingen continue en ces termes :
« Il ne m'est rien arrivé de désagréable de la part des hospices après aucune des élections. Ils ne peuvent rien me faire tant que mon bail n'est pas expiré. Mon bail serait expiré, qu'on ne pourrait rien me faire non plus, puisque les biens se louent par adjudication publique. »
Les autres dépositions sont conçues à peu près dans les mêmes termes.
Pierre de Coster, qui a été également interrogé, dit : « M. Verschoet ne m'a pas dit que le conseil des hospices l'avait chargé de me faire cette demande ; je suis locataire de biens appartenant aux hospices de Bruxelles. Ce monsieur ne m'a fait aucune menace ; il ne m'a parlé d'aucun mal qui pourrait m'arriver, si je ne faisais pas ce qu'il désirait ; il s'est borné à dire que je devais mettre le bulletin dans l'urne. »
Or, messieurs, on réclame pour les membres du clergé agissant comme simples citoyens le droit de distribuer des bulletins et de l'argent ; il doit bien être permis à un employé de l'administration des hospices de dire aux gens, locataires ou non de l'administration : Déposez ce bulletin dans l'urne. Il me semble qu'il n'y a là rien que de très légitime, et c'est le seul fait qu'on reproche à l'administration des hospices.
Verschoet n'a parlé qu'à quelques électeurs ; voilà l'immense pression que l'administration a exercée. Eût-il parlé à tous les électeurs, locataires de l'administration, il aurait parlé à 19 électeurs, mais il n'a parlé qu'à cinq en tout. Je crois inutile de les nommer.
Maintenant, si l'administration des hospices avait exercé une si grande influence dans les élections en général, si elle avait fait des promesses ou des menaces, ces promesses ou ces menaces se seraient traduites en quelque chose, en réductions de bail ou de loyer. Eh bien, nous pouvons constater dans la lettre que cette administration a adressée à votre commission d'enquête qu'en six ans de temps, sur deux millions et demi de fermage, nous n'avons eu que 140 fr. de non-valeur. Y a-t-il beaucoup d'administrations qui pourraient en dire autant ? Si les agents de l'administration voyagent, ils peuvent faire des visites à des électeurs, je ne vois pas le reproche qu'on pourrait leur en faire, c'est un droit qu'a et dont peut user tout particulier.
C'est à cela que s'est réduite la pression de l'administration des hospices ; elle a laissé faire ses agents, elle leur a laissé la plus entière liberté ; vous en avez eu la preuve dans les élections de Bruxelles ; personne ne l'ignore, l'élection a été contestée ; des membres de l'administration se trouvaient sur les rangs, et si elle avait voulu exercer une pression, elle l'eût fait dans cette occasion, elle eût fait venir ses agents et leur eût dit : Vous allez voter pour tels et tels candidats.
Elle ne l'a pas fait ; elle a laissé à tout le monde la plus entière liberté ; à plus forte raison n'a-t-elle pas songé à intervenir dans une élection où elle était désintéressée et dans un collège où elle n'avait de rapports qu'avec 19 électeurs.
L'administration continuera à agir de la même façon et elle fera bien.
Je ne veux pas entrer dans le fond du débat ; je n'ai pris la parole que pour défendre une administration dont j'ai l'honneur de faire partie. Je regrette de ne pas voir dans cette enceinte un honorable membre qui avait toute votre sympathie, l'honorable M. Thiéfry qui, depuis longtemps membre de cette administration, vous aurait démontré l'inanité des attaques dont elle a été l'objet, beaucoup mieux que je ne l'ai fait.
M. le président. - Quelqu'un demande-t-il la parole ? .... Si personne ne demande la parole, je déclarerai la discussion close. (Aux voix ! aux voix !)
M. B. Dumortier. - Mais non ! mais non ! ce n'est pas possible !
M. le président. - Si personne ne demande la parole, je serai bien forcé de déclarer le débat clos.
M. B. Dumortier. - M. le président, le règlement de la Chambre est positif ; il porte qu'on entend successivement un orateur pour, un orateur sur et un orateur contre.
M. le président. - Je le sais parfaitement. Mais lorsqu'il n'y a pas d'orateurs inscrits, je ne puis accorder la parole sur ou contre.
M. B. Dumortier. - Permettez. Mon intention n'est pas de rappeler à M. le président le règlement ; je sais qu'il le connaît aussi bien que moi ; je constate seulement que tel est l'ordre de nos débats prescrit par le règlement.
M. le président. - Je vous fais remarquer qu'il n'y a pas d'orateurs inscrits.
M. B. Dumortier. - Laissez-moi donc achever !
M. Manilius. - Vous voulez faire naître des orateurs.
M. B. Dumortier. - C'est possible. Si vous êtes tenté de parler, prenez la parole.
Messieurs, ne soyez pas surpris, si sur les bacs sur lesquels j'ai l'honneur de siéger on ne demande pas la parole : c'est qu'on attend qu'un (page 341) orateur prenne la parole pour les conclusions de la commission d'enquête. L'honorable M. Van Volxem, qui vient de parler, ne s'est pas occupé des conclusions de la commission d'enquête ; il a pris la parole uniquement pour justifier l'administration des hospices de Bruxelles dont il fait partie.
Je demanderai si l’on a l'intention d'épuiser la liste des orateurs de la droite sans que la gauche réponde pour accumuler les discours des orateurs de la gauche à la fin du débat. Est-ce là ce qu'on veut ?
Il me semble que les membres qui ont fait partie de la majorité de la commission d'enquête devraient nous éclairer et répondre au discours de l'honorable M. Notelteirs. Je demanderai, par exemple, si M. le rapporteur est prêt à répondre à l'honorable membre qui vient de parler.
M. le président. - Si personne ne demande la parole, la Chambre comprendra, et M. Dumortier comprendra avec elle, que je ne puis accorder la parole à un orateur sur et à un orateur contre.
Quelqu'un demande-t-il la parole ?
Si personne ne demande la parole, je dois mettre aux voix les conclusions de la commission.
M. Devaux. - Si personne n'est prêt à parler en ce moment, je demande, dans l'intérêt du débat, la remise de la discussion à demain.
- Plusieurs membres. - Non ! non ! aux voix !
M. le président. - La proposition de M. Devaux est-elle appuyée ?
- Plus de cinq membres se lèvent.
M. le président. - La proposition de M. Devaux étant appuyée, je dois la mettre aux voix.
- Un membre. - Elle est contraire au règlement.
M. le président. - Elle n'est pas contraire au règlement. Le président s'est borné à demander si quelqu'un demandait la parole. Jusqu'au moment où aucun orateur ne demandait la parole, je devais mettre aux voix les conclusions de la commission. Mais la clôture n'a pas été prononcée, et il est libre à un membre de demander la remise de la discussion à demain.
M. Janssens. - Vous avez prononcé la clôture du débat.
M. le président. - Je n'ai pas prononcé la clôture du débat ; j'en appelle aux souvenirs de la Chambre.
M. Janssens. - Je fais remarquer, M. le président, que le débat a été si bien clos, que vous aviez en main le bulletin indiquant le nom par lequel allait commencer l'appel. Si un orateur de la droite s'était levé pour demander la parole, vous auriez dit que le débat était clos. (Interruption.)
- Plusieurs membres. - A l'ordre ! à l'ordre !
M. le président. - Je ne rappellerai pas M. Janssens à l'ordre parce qu'il y a quelque chose de personnel dans son accusation, et que je suis convaincu que la Chambre croit son président au-dessus de semblables insinuations.
M. Janssens avance un fait complètement faux. Il a affirmé que je tenais en main le bulletin indiquant le nom par lequel devait commencer l'appel nominal. Je tenais si peu ce bulletin en main, qu'il ne m'a pas même été présenté. J'en appelle à mes collègues, MM. les secrétaires.
- Plusieurs membres. - C'est inutile !
M. le président. - Je répète donc que je ne rappelle pas M. Janssens à l'ordre parce que je crois le président de la Chambre au-dessus de cette accusation.
Je mets aux voix la proposition de M. Devaux.
- Cette proposition est adoptée.
La séance est levée à 4 heures.