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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 27 septembre 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859 extraordinaire)

(page 307) (Présidence de M. Orts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Crombez fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Vermeire lit le procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Van Poulcke demande l'établissement en Belgique d'un diapason musical uniforme. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Labouchière, soldat à la 2ème compagnie sédentaire, demande son congé définitif. »

- Même renvoi.


« Des cultivateurs à St-Genois demandent une augmentation des droits d'entrée sur les tabacs. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Des bateliers et pêcheurs à Willebroeck demandent la libre entrée pour les moules qu'ils prennent dans l'Escaut et un droit de 50 centimes par hectolitre sur les moules importées par les pêcheurs hollandais. »

- Même renvoi.

« Des habitants d'Aelbeke demandent qu'il soit donné cours légal en Belgique à la monnaie d'or de France. »

M. Rodenbach. - Messieurs, on nous a promis un rapport de la commission chargée d'examiner la question des monnaies en Belgique ; ce rapport n'a pas encore été distribué. Mais malgré ce rapport qui parait être contraire à la circulation d'une monnaie légale d'or, nous ne sommes pas une semaine sans recevoir de vives réclamations.

II y en a de la députation permanente de la Flandre orientale, de la députation de la Flandre occidentale ; dans le Hainaut, on se plaint aussi amèrement de ce que l'or n'a pas cours légal.

Depuis longtemps on a signalé la dépréciation de l'or ; voilà six ans qu'on en parle et l'or n'est point déprécié ; mais le commerce est entravé ; de tous côtés il s'élève des réclamations.

Je dis que, malgré le rapport de la commission, on devra revenir sur la mesure qui a pour but d'écarter l'or. Il n'y avait dans la commission aucun industriel ; elle renfermait des hommes d'un très grand mérite peut-être, je le reconnais ; mais elle ne renfermait aucun industriel.

Si vous nommiez une commission d'industriels, je suis persuadé que vous auriez une décision tout autre.

Messieurs, si jamais l'or était déprécié, vous auriez la garantie de la France qui vous accorderait, dans tous les cas, deux ou trois mois pour renvoyer l’or, et certes la solvabilité d'un riche empire comme la France vaut bien celle d’une maison de banque, quelque puissante qu'elle soit.

Je le répète, messieurs, vous serez forcés de revenir sur les mesures prises relativement à l'or, car il n'y a pas suffisamment d'argent dans le pays.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La Banque nationale en a pour 60 millions à notre disposition.

M. Rodenbach. - Il y a prime sur l'argent....(Interruption.) Et la Banque donne, dans les arrondissements, de la mitraille. C'est-à-dire des francs, des demi-francs qui n'ont pas de valeur intrinsèque, au lieu de pièces de cinq francs qu'on lui demande. Les députations permanents doivent bien s'y connaître.

Vous aurez des réclamations incessantes et il faudra bien que vous finissiez par rendre justice aux pétitionnaires, puisque les plaintes sont fondées.

Je demande qu'à la rentrée on fasse un rapport sur la pétition dont l'analyse vient de nous être présentée.

M. Allard. - Le rapport déposé par M. le ministre des finances, sera distribué ce soir.

M. B. Dumortier. - Avant l'ajournement de la Chambre et dès le commencement de la session, l'assemblée avait été saisie d'un grand nombre de pétitions relatives à la question de la monnaie d'or, question qui intéresse au plus haut point le pays, qui devient de plus en plus une question vitale pour l'industrie, pour le commerce et pour tous les particuliers. La Chambre a ordonné un prompt rapport, et nous sommes toujours à attendre ce rapport. Quant à moi, je suis formellement résolu, avec plusieurs de mes collègues, s'il n'est pas fait droit aux réclamations unanimes du pays, de déposer un projet de loi, ayant pour objet de décréter qu'il sera donné circulation à la monnaie d'or, comme à la monnaie d'argent.

Il est évident que le pays ne peut pas rester plus longtemps dans la situation où il se trouve. Dans le Hainaut, nous ne pouvons pas nous procurer une pièce d'argent pour payer nos contributions : il n y a plus dans cette partie du royaume que de la monnaie d'or.

On avait prétendu que la Belgique conserverait sa monnaie d'argent. C'est le contraire qui est arrivé. Toutes nos transactions avec la France sont devenues excessivement onéreuses pour le pays. Consultez les industriels de Tournai, de Mons, de Charleroi, de toute la frontière ; consultez ceux qui, dans les Flandres, font des affaires avec la France, ils vous diront tous qu'ils sont dans un état de souffrance intolérable par suite de l'état de choses qui vous est signalé.

En effet, les faits viennent démontrer combien l'iniquité dont on se plaint est grande. Comment ! on a fait coter à la Bourse la pièce d'or ; eh bien, cette pièce d'or se trouve cotée à fr. 19-90,19-92 ou 19-95 ; eh bien, cette même pièce de 20 fr. qui est cotée à la bourse avec une si légère perte, vous ne pouvez en tirer parti, au chemin de fer, qu'avec une perte considérable.

Cette cote que le gouvernement a fait faire prouve qu'on exploite la pièce d'or au détriment du commerce et des particuliers, et au profit de qui ? Je le dirai une autre fois.

Il n'est pas possible que le pays reste plus longtemps dans une semblable situation.

Si encore nous conservions dans le pays notre monnaie d'argent ! Mais il n'en est rien : la monnaie d'argent que nous possédons est toujours sortie de la Belgique avec une force nouvelle, et elle est remplacée par la monnaie d'or, qui n'a pas de valeur légale.

Il est évident que dans notre pays nous ne pouvons pas stipuler en faveur d'une administration spéciale, que nous devons stipuler pour le pays tout entier. Il n'est plus possible de vivre commercialement avec le régime qui existe aujourd'hui. Je demande que la Chambre ne se sépare pas avant d'avoir résolu cette question si importante. (Interruption.) C'est l'affaire d'un jour ou de deux jours au plus. Les plaintes qu'on nous fait entendre sont tellement fondées, que nous ne pouvons, sans manquer à notre mandat, nous dispenser de faire cesser cette iniquité qui menace d'envahir toute la Belgique.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je ne crois pas que le moment soit venu de discuter de nouveau une question qui a déjà été souvent agitée dans cette enceinte et qui a toujours abouti à la condamnation du système de l'honorable M. Dumortier.

L'honorable membre a des idées, que je ne partage pas, sur la monnaie ; il est convaincu qu'il est au pouvoir du gouvernement et des Chambres de maintenir simultanément dans un pays, la monnaie d'or et la monnaie d'argent ; il croit qu'il est au pouvoir de la législature de décréter qu'une certaine quantité d'or vaut toujours exactement, invariablement, telle autre quantité d'argent. Eh bien, contre des idées de ce genre je renonce à une lutte désormais impossible ; l’évidence même ne peut ébranler la foi de l'honorable M. Dumortier ; je ne puis donc espérer de le convaincre ; je n'y réussirais pas. (Interruption.)

Il y a certes d'autres personnes que l'honorable membre qui partagent les mêmes idées ; je suis convaincu que beaucoup de gens pensent de très bonne foi, que la législature peut faire qu'une pièce de 20 francs en or soit absolument la même chose que 4 pièces de 5 francs en argent.

Mais lorsque l'honorable M. Dumortier aura découvert le moyen qui permettra de faire circuler simultanément dans le pays deux monnaies dans de pareilles conditions, on lui élèvera, aux frais du monde entier, une magnifique statue. (Interruption.)

M. Rodenbach. - Cela existe en France.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - M. Rodenbach, Vous êtes dans l'erreur : en France, il n'existe qu'une monnaie, comme il n'existe qu'une monnaie ici.

Il est impossible de faire circuler deux monnaies dans un pays, l'une ayant plus de valeur que l'autre. Celle qui a le moins de valeur circule, l'autre disparaît.

Il faut donc opter entre la monnaie d'or et la monnaie d'argent.

M. Rodenbach. - Cela existe en France.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Encore une fois, cela n'existe point en France, voici ce qui existe dans ce pays : en France, la monnaie d'or a pris la place de la monnaie d'argent parce qu'elle a moins de valeur que celle-ci, et cette substitution a eu lieu au préjudice du pays. En Belgique elle se ferait au détriment de tous ceux qui devraient recevoir des payements en argent en exécution de contrats conclus sous la foi de la loi monétaire qui garantit que l'on ne peut se libérer qu'en monnaie d'argent. Et, maintenant que l'or a envahi la France, que constate-t-on chez nos voisins ? Voit-on s'y réaliser les beaux rêves de l'honorable M. Dumortier ? Voit-on les particuliers obtenir de l'or ou de l'argent selon qu'ils le désirent ?

Point du tout : l'argent a immédiatement commencé à disparaître ; il continue à s'écouler dehors ; bientôt il y aura pénurie. Et voici que déjà des réclamations surgissent ; des autorités se plaignent ; des conseils généraux, à l'inverse de ce qui se pratique ici, demandent que le gouvernement français prenne des mesures pour ramener ou maintenir la monnaie d'argent, pour empêcher ce qu'on appelle la spéculation sur la monnaie d'argent. Vous pouvez lire, dans les journaux français d'il y a trois jours, les vœux qui ont été émis par le conseil général du Doubs, je crois, pour obtenir en faveur de l'argent des mesures que l'on croit (page 308) fort erronément propres à faire cesser les inconvénients qui résultent de la circulation exclusive de l'or. Le gouvernement français ne pourra rien faire d'efficace et nous ne pourrions pas faire davantage : nous ne pouvons pas faire qu'une pièce d'or de 20 francs ait la même valeur que 4 pièces de 5 francs.

Maintenant, que la situation dans laquelle nous sommes présente des inconvénients dans certaines parties du pays ; je le comprends parfaitement ; je ne le nie pas ; loin de là ; mais je dis que je ne sauras pas y apporter de remède et que, aux inconvénients qui existent actuellement, je ne pourrais qu'en substituer d'autres beaucoup plus graves et par un abus de la force qui consacrerait une véritable spéculation.

D'un autre côté, dans un pays industriel comme la Belgique, ce serait la chose la plus déplorable que de voir l'argent disparaître, que de voir les payements ne pouvoir s'effectuer qu'en monnaie d'or. Savez-vous, messieurs, ce qui arriverait ? Il arriverait que l'ouvrier serait exploité, rançonné : on payerait les ouvriers par catégories en pièces d'or de 20 francs et ils iraient au cabaret subir la perte du change. Pourquoi, messieurs, fait-on tant d'efforts pour faire pénétrer l'or dans la circulation ? Cela tient, messieurs, il faut bien le dire et il faut le dire tout haut, cela tient à ce qu'il s'exerce de ce chef une véritable exploitation.

- Plusieurs voix. - C'est vrai !

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est des hommes, trop imbus des idées de l’honorable M. Dumortier, qui ne se font aucun scrupule de demander à leurs banquiers de faire venir des pièces d'or de Paris parce qu'il y a un bénéfice de 10, 18 ou même 20 centimes par pièce en se libérant en cette monnaie à sa valeur nominale. On se plaint ensuite, après avoir acheté ces pièces avec bénéfice, qu'il n'y ait pas une loi qui oblige les particuliers à les recevoir à un taux supérieur au prix d'achat.

Voilà ce qu'on voudrait faire décréter par une loi. Savez-vous ce que vous proposez ainsi ? Vous proposez de faire décréter le vol. Beaucoup de personnes ne se doutent pas de la gravité de la mesure qu’elles sollicitent ; elles sont d'une entière bonne foi ; elles seraient les premières victimes ; mais, parmi les victimes, la plus durement atteinte, ce serait l'ouvrier. On doit quatre pièces de 5 fr. ; voilà ce que l'on est tenu de payer, et il est évident que la pièce d'or de 20 francs ne vaut pas 4 pièces de 5 francs. Il y a ici une déplorable confusion de deux choses essentiellement différentes ; on pense qu'un franc d'or est identiquement la même chose qu'un franc d'argent. Si nous avions une autre dénomination, une discussion ne serait pas même possible.

Si notre monnaie s'appelait florin, on ne confondrait pas avec le franc et l'on ne tenterait pas, à l'aide de cette confusion, cette exploitation que je signalais tout à l'heure.

L'honorable M. Dumortier fait entendre, avec beaucoup d'autres personnes, que si l'on ne donne pas cours légal à l'or français, c'est dans l'intérêt de certain établissement financier, dans l'intérêt de la Banque Nationale. C'est là, il faut le dire, une de ces énormités telles que l'on comprend à peine qu'elle puisse se produire.

La mesure que l'honorable M. Dumortier propose aurait pour résultat de procurer un bénéfice considérable à la Banque Nationale. Elle ferait un bénéfice très important le jour où la mesure serait décrétée, et cela se comprend parfaitement.

Elle a un encaisse énorme en argent, 60, 70 millions de francs dans ce pays qui n'en a plus, où l'on n'en voit plus. Elle le vendrait avec un grand bénéfice en échange de l'or. Cela me paraît très clair. C'est là la spéculation que veut lui faire faire l'honorable M. Dumortier, et que je ne veux pas qu'elle fasse, parce qu'elle la ferait au détriment du pays.

Je ne sais si l'honorable M. Dumortier comprend bien cette opération. S'il l'admet, qu'il veuille nous dire où est l'intérêt de la Banque nationale dans cette affaire ?

Et quel préjudice lui causerait l'introduction de l'or ? Absolument aucun. Vous croyez que cette circulation serait diminuée de ce chef ? Est-ce là ce que vous voulez dire ? Car vous ne vous êtes pas expliqué, vous avez fait une insinuation.

Voyons : nous avons de quoi contrôler, nous pouvons faire immédiatement la vérification de cette assertion.

La circulation de l'or existe en Angleterre ; elle existe en France. Est-ce que cette circulation en France, circulation nouvelle qui s'est substituée à celle de l'argent, a eu pour résultat de porter quelque atteinte à l'émission de la Banque de France ? Nullement, elle est restée dans les mêmes conditions ; parce que, tout le monde le sait, le papier et les écus ne satisfont pas aux mêmes besoins.

Ainsi sous quelque côté qu'on envisage cette question, on ne voit pas qu'il y ait intérêt pour la banque à maintenir le principe décrété en 1850, celui de l'étalon d'argent.

Cependant au milieu des réclamations qui se produisent et que nous comprenons à raison des préjugés qui existent dans le pays, parce que les questions monétaires sont difficilement comprises par la masse du peuple, nous avons voulu nous éclairer des conseils d'hommes spéciaux, d'hommes compétents.

M. Rodenbach. - Pas d'industriels.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pas d'industriels ! Voyons. Le premier industriel du pays s'appelle, je pense, la Société Générale. Elle est le premier industriel en ce sens, que cette société a de vastes établissements, et qu'elle doit satisfaire dans la plus large mesure aux intérêts dont vous paraissez surtout vous préoccuper.

La Société Générale, dans l'hypothèse de l'objection de l'honorable M. Dumortier, a un intérêt opposé à celui de la Banque Nationale ; car elle n’émet pas de billets.

M. B. Dumortier. - Elle a une partie de la circulation de la Banque Nationale..

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pas le moins du monde.

M. B. Dumortier. - La loi est là.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Dumortier n'est pas au courant des faits. La Société Générale avait en effet à l'origine une certaine quantité très minime dans la circulation de la Banque nationale. Mais elle a même anticipé sur ses obligations ; elle a remboursé ; il ne reste qu'une somme chétive, s'il reste encore quelque chose, pour liquider sa dette.

La Société Générale aurait donc un intérêt opposé à celui de la Banque Nationale. Eh bien, un des membres les plus importants de la Société Générale, l'honorable M. Malou. faisait partie de cette commission.

M. Mathieu, homme également très compétent, faisait aussi partie de cette commission ; le directeur de la Banque de Belgique, autre établissement dont l'intérêt serait opposé à celui de la Banque Nationale, en faisait partie. Enfin l'honorable M. Cogels, dont tout le monde connaît la spécialité, homme très expert en cette matière, faisait aussi partie de cette commission. Je ne les énumère pas tous. La commission a été instituée sous la présidence, de l'honorable M. de Brouckere ; notre honorable président en faisait également partie. A l'unanimité cette commission a décidé qu'il n'y avait pas lieu de donner cours légal à la monnaie d'or française.

Je convie l'honorable M. Dumortier à entendre la distribution du rapport ; il est imprimé ; il sera probablement distribué ce soir. Je l'ai relu depuis qu'il est imprimé, et je pense que ce rapport très remarquable, très clair, très lucide, très concluant, qui est l'œuvre d'un de nos collègues, l'honorable M. Pirmez, pourra modifier les opinions sinon de l'honorable M. Dumortier, au moins les opinions des membres de l'assemblée qui auraient encore des doutes sur la question. Mais pour le moment je ne veux pas m'engager plus avant dans cette discussion, ce n'est pas le moment de le faire. Nous y reviendrons lorsque l'occasion s'en présentera.

M. B. Dumortier. - L'honorable ministre n'a pas la prétention de me convertir. Je n'ai pas la prétention non plus de le convertir, et le motif est excessivement simple ; c'est que l’honorable ministre discute d'après les articles de revues qui ont paru sur la monnaie, et que moi je raisonne d'après la pratique et les faits. Il est impossible, en pareil cas, de mettre les théories, de mettre les doctrines, quelles qu'elles soient, en harmonie avec les faits qui viennent les combattre, qui viennent les anéantir. Mais à côté de cela, il y a quelque chose entre l'honorable M. Frère et moi, il y a le pays entier.

Je vois bien quelques statisticiens, quelques économistes, quelques banquiers qui ne demandent pas mieux que de voir la continuation du système actuel. Mais à côté de cela, je vois le pays entier qui réclame ; je vois le conseil provincial de la Flandre occidentale qui réclame ; je vois le conseil provincial du Hainaut, je vois presque toutes les villes qui réclament.

Des pétitions nous arrivent de tous les côtés. Véritablement je suis porté à croire que l'opinion est beaucoup plus en faveur de notre système qu'en faveur de celui de l'honorable M. Frère, et s'il pouvait convertir le pays à ses idées, je crois que ce ne serait pas une statue qu'il faudrait lui élever, mais une colonne avec une statue.

Maintenant d'où vient que les idées de l'honorable M. Frère ne sont pas acceptées dans le pays ? C'est que les prémisses dont était parti l'honorable membre, malheureusement pour lui, ne se sont pas réalisées.

Dans la première discussion qui s'est engagée sur cette question, l'honorable M. Frère en nous annonçant la dépréciation de l'or, en nous annonçant que l'or allait devenu une chimère, nous assurait qu'avec son système, on aurait conservé toute la circulation en argent. Voilà le point de départ. Eh bien, cela s'est-il réalisé ? Le prophète a-t-il vu sa prophétie s'accomplir ? Je dis que non ; elle ne l'est pas ; elle ne pouvait pas s'accomplir. Et pourquoi ? Parce que, entourés comme nous le sommes par des nations avec lesquelles nous sommes en relation, et qui ont le même étalon, parce que faisant avec la nation française un commerce qui solde à notre bénéfice par une centaine de millions de francs annuellement, il est évident que l'or doit entrer dans le pays, il est évident notamment que la France doit finir par nous payer en numéraire et que le numéraire français doit envahir le pays.

Vous voulez conserver l'argent en Belgique. Mais je le disais à cette époque, si vous voulez conserver l'argent dans le pays, prohibez-le à la sortie. Vous repoussez cette doctrine comme antiéconomique. Eh bien, l’argent est sorti par dix et vingt millions à la fois. Quand l'Angleterre a besoin d'argent pour les Indes, c'est en Belgique qu'elle vient chercher les pièces de cinq francs. Il est bien évident que si vous les lassez libres à la sortie, le pays doit finir par en être privé.

Vous dites qu'en France on demande la monnaie d'argent.

Nous en demanderons aussi. Dans quelque temps vous ne verrez plus d'argent pur ; vous verrez un système nouveau : vous aurez des (page 309) monnaies plus ou moins mélangées, car le premier besoin d'un pays c'est d'avoir une monnaie.

Mais, dit l'honorable M. Frère, vous ne pouvez pas avoir simultanément l'étalon d'or et l'étalon d'argent. Discutez cette théorie de professeurs, mais donnez-nous de l'argent si vous ne pouvez pas avoir simultanément les deux étalons et si vous ne voulez pas de l'étalon d'or.

Vous ne nous en donnerez pas, et que nous restera-t-il ? Il nous restera des billets de banque. Eh bien, j'aime beaucoup mieux cinq napoléons qu'un billet de banque. Car enfin sur quoi notre billet de banque est-il hypothéqué ? Sur la solvabilité de la Banque Nationale. Eh bien, je préfère encore des espèces métalliques.

Et ici, messieurs, vient la grande question de la Banque Nationale.

Certes la Banque nationale trouve de grands profits dans le système actuel. Elle a une circulation de 110 à 120 millions de billets de banque, qui lui procure un bénéfice de 4 à 5 millions par an, aux dépens des citoyens belges. Vous avez dit que l’admission de la monnaie d'or n'opérera pas sur la circulation des billets de banque, voyons les faits. Lorsque l'honorable M. Frère est venu présenter le projet de loi qui donnait cours légal aux billets de banque, il y avait dans toute la Belgique pour 15 millions de billets de banque et depuis que la monnaie d'or a disparu il y en a pour 110 ou 120 millions

- Un membre. - C'est très heureux.

M. B. Dumortier. - C’est très heureux pour ceux qui ont une confiance illimitée dans les billets de banque.

On nous dit qu'en France la circulation de la Banque n'a pas diminué.

La circulation de la Banque de France était dans un état normal ; elle n'a pas diminué, elle n'a pas augmenté ; mais en Belgique que s'est-il passé ? Par le fait de la suppression de la monnaie d'or, la circulation des billets de banque s'est élevée à six ou sept fois ce qu'elle était anciennement. Et vous dites que la Banque Nationale n'a pas intérêt au maintien de l'état actuel des choses ! Je dis qu'elle y a le plus grand intérêt.

Il est facile d'obtenir un rapport tel que vous le désirez lorsque vous composez une commission ne personnes que vous savez d'avance être favorables à votre système ; mais vous ne convaincrez pas le pays lorsque chaque citoyen doit perdre 25 centimes sur toute pièce d'or qu'il reçoit.

Maintenant on nous dit que ce que nous proposons c'est de décréter le vol ; eh bien, je réponds que ce que vous avez aujourd'hui en pratique c'est l'organisation du vol. Comment ! cette pièce de 20 francs qui est cotée à la bourse 19 fr. 95, vous ne la recevez qu'à 19 fr. 75 et vous direz que ce n'est pas là l'organisation du vol ? Vous prélevez un bénéfice de 18 centimes sur chaque pièce de 20 francs et vous direz que ce n'est pas là l'organisation du vol !

Si vous ne voulez que l'étalon d'argent, donnez-nous de la monnaie d'argent, mais ne substituez pas à la monnaie métallique des billets de banque dont le pays ne veut pas.

On dit que des industriels font venir de l'or de France pour payer leurs ouvriers ; l'honorable ministre des finances est beaucoup trop éclairé pour croire à la réalité d'un pareil fait ; il sait parfaitement pourquoi l'or afflue dans notre pays : c'est parce que la balance commerciale solde en notre faveur et que le solde doit nécessairement nous arriver en monnaie.

Allez à la frontière, tous nos cultivateurs qui vont en France vendre leurs grains, leurs bestiaux, leurs produits de toute espèce, avec quoi les paye-t-on ? Avec de l'or français.

- Un membre. Ils vendent d'autant plus cher.

M. B. Dumortier. - L'honorable membre sait fort bien que la loi de la concurrence s'y oppose. Chacun vend ses produits aussi cher qu'il le peut, mais il ne fait pas le prix lui-même, il faut qu'il accepte les prix du marché ; quand le grain est à 18 fr. 50, par exemple, vous ne pouvez pas le vendre 19 fr. parce qu'on vous paye en or. Ce n’est pas ainsi que les opérations se traitent. On ne fait pas des affaires de vente et d'achats comme on fait des livres ou des articles de revues.

Je dis donc que ce qui amène l'or en Belgique, ce sont les exportations de notre agriculture, de nos houillères, de nos producteurs de toiles, et vous aurez beau faire, vos prophéties ne se réaliseront jamais ; vous ne pourrez jamais maintenir en Belgique l'étalon d'argent.

Que faut-il faire alors ? Il faut faire ce que font tous nos voisins. L'Angleterre a l'étalon d'or et l'étalon d'argent ; la France a l'étalon d'or et l'étalon d'argent. (Interruption.) Il y a l'or pour les fortes sommes et l'argent pour les appoints. Cela empêche-t-il la marche des affaires ?

Vous dites que l'argent ne manque pas dans le pays, mais vous savez fort bien que lorsque les pièces de 5 francs ont leur valeur, on les exporte ; toutes les pièces de 5 francs, toutes les pièces de 2 francs, d'un franc, de 50 centimes qui restent dans la circulation, vous savez parfaitement qu'elles n'ont plus leur valeur ; vous savez parfaitement que beaucoup de pièces de 50 centimes, par exemple, ne renferment plus pour 40 centimes d'argent. Est-ce que les payements en souffrent ? Est-ce que celui qui reçoit une de ces pièces ne sait pas qu'il a une valeur représentative qu'il peut échanger contre un demi-franc ?

Messieurs, il faut en revenir aux idées du sens commun ; je demande au gouvernement qu'il fournisse au pays la monnaie d'argent dont il a besoin, ou qu'on donne cours légal à l'or, à l'exemple. de ce qui se pratique en France, en Angleterre, en Prusse, en Autriche. (Aux voix !)

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je ne veux pas insister ; je veux seulement protester contre le système de discussion de l’honorable M. Dumortier ; il met dans la bouche de ses adversaires des choses complètement inexactes. Ainsi, il fait un roman de ce que prétendument j'aurais annoncé à la Chambre lors de la discussion de la loi de 1850. J'aurais dit que l'or était devenu une chimère ; j'aurais fait des prédictions qui ne se seraient point réalisées... que sais-je ? Ou bien l'honorable M. Dumortier n'a pas relu les discussions de cette époque, ou bien il altère la vérité.

Dans la discussion qui a eu lieu alors sur la question, cette même pensée a été entièrement reproduite : il me paraît impossible d'admettre qu'une production aussi exubérante que celle qui existe ne finisse pas par altérer la valeur de l'or. J'ai dit alors : Ou bien l'or baissera, ou bien il ne baissera pas. Si le prix de l’or se maintient, vous n'en aurez pas ; ou bien, le prix de l'or baissera, et alors vous n'aurez plus que de l'or, au grand détriment du pays. Voilà le seul argument sur lequel je me suis fondé pour justifier la proposition que j'ai faite en 1850, de maintenir purement et simplement un seul étalon, l'étalon d’argent.

Avons-nous admis, en 1850, l'étalon d'argent par fantaisie ou pour obéir à une théorie ? Nous l'avons admis par nécessité.

Avant la loi de 1850, nous avions tarifé la monnaie anglaise à un taux trop élevé ; la guinée valait chez nous 25 fr. 50. Il en est résulté que des spéculateurs qui ne croient pas du tout aux idées scientifiques ou pratiques, comme on voudra, préconisées par l'honorable M. Dumortier, ont péremptoirement profité du vice de notre législation. Ils se sont dit : Puisque la guinée vaut en Belgique, en vertu de la loi, 25 fr. 50 c. lorsqu'elles ne vaut que 25 fr. ou 25 fr. 20 c. sur le marché, nous allons en introduire autant que possible en Belgique. Les Belges nous livreront leurs pièces de 5 francs dont nous ferons notre profit. De là, en très peu de temps, un excès d'or anglais qui soulevait des plaintes non moins vives que celles qui se produisent aujourd'hui ; on éprouvait les plus grands embarras ; on ne voyait partout que des guinées ; les petits payements étaient d'une extrême difficulté.

Nous avons saisi le moment opportun qui a duré très peu de temps, pour faire cesser cette fâcheuse situation ; nous avons usé de la faculté que nous accordait la loi, de supprimer le cours légal des souverains anglais. A cette époque nous n'avions pas de pièces de 20 francs en circulation ; mais des pièces de 10 florins existaient en assez forte quantité.

Aussi la Hollande, dès 1847, avait décidé qu'elle adoptait l'étalon d'argent ; elle avait décidé le principe de la réforme complète du système monétaire.

En 1849, la Hollande démonétisa les pièces de 10 florins. Que pouvait faire la Belgique ? elle ne pouvait se dispenser de les démonétiser également. C'est ce que nous fîmes.

Il n'existait donc plus en 1849 de monnaie d'or dans la circulation belge.

Eh bien, en 1850, nous avons proposé de consacrer cet état de choses ; nous avons proposé d'écrire dans la loi ce qui existait en fait, en déclarant que nous n'avions qu'un seul étalon monétaire, l'étalon d'argent. Voilà ce qui s'est passé.

L'honorable M. Dumortier s'imagine qu'on exporte notre monnaie d'argent, qu'il ne nous en restera plus, que nous n'aurions plus une monnaie, si nous ne donnions cours légal à l'or.

Eh bien, ces imaginations n'ont pas eu autant de fondement. Si on exporte de l'argent du pays, c'est parce qu'il y en trop dans le pays. Mais il est impossible que nous soyons privés de la monnaie d'argent. Que voulez-vous qu'on mette à la placé ? Nous ne fabriquons pas, dit-on, de la monnaie d'argent. L'honorable M. Dumortier ne comprend-il pas que si vous pouviez avoir un pays qui consentît à fabriquer, pour vous, de la monnaie d'argent, il vaudrait mieux le laisser faire que d'en fabriquer nous-mêmes. Eh bien, c'est là notre situation vis-à-vis de la France.

A l'heure qu'il est, la France est pour nous une Californie d'argent ; nous en avons de France tant que nous voulons. II y a dans les caves de la Banque Nationale 60 à 70 millions en pièces de 5 francs. L'honorable M. Dumortier nous oppose que la Banque a une émission de plus de 100 millions en billets.

Eh bien, cette circulation prouve que les particuliers n'ont pas besoin de 60 à 70 millions en monnaie ; car chaque porteur d'un billet de la Banque a le droit, à toute heure, d'obtenir des pères de 5 francs pour son billet. Si donc il y avait pénurie de monnaie d'argent, comme le dit à tort l'honorable M. Dumortier, les caisses de la Banque se videraient, on se présenterait aux caisses pour obtenir le remboursement des billets afin d'avoir des pièces de 5 francs dont on aurait absolument besoin.

M. Rodenbach. - Dans les arrondissements on donne de la mitraille..

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Dans les arrondissements on ne donne pas de mitraille, et d'ailleurs personne n'est tenu de la recevoir.

(page 310) M. B. Dumortier. - Parce que la Banque déclare ne pas être obligée à rembourser ailleurs qu'à Bruxelles.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'assertion de l'honorable M. Dumortier est complètement inexacte ; la Banque ne fait pas et ne peut pas faire de pareille déclaration. La Banque rembourse ses billets à bureaux ouverts.

M. Rodenbach et M. B. Dumortier. - A Bruxelles seulement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Partout ; la Banque n'est tenue à rembourser ses billets qu'à Bruxelles, et néanmoins elle les rembourse dans toutes ses agences. Cela prouve donc encore une fois que la nécessité dont vous parlez n'existe pas.

Vous voulez, de très bonne foi j'en suis convaincu, vous voulez faire chose utile.

Eh bien, vous nous provoquez à prendre une mesure éminemment déplorable, une chose injuste, une chose qui nuirait essentiellement à la population ouvrière en Belgique. Le jour où vous aurez substitué la circulation de l'or à celle de l'argent, soyez-en bien certain, vous aurez un renchérissement de tous les objets de première nécessité ; et ce renchérissement sera tout juste en proportion de la dépréciation de la monnaie.

Si vous ne croyez pas que tel doive être le résultat de la mesure que vous sollicitez, allez donc dans un pays où il y a une monnaie dépréciée, allez à Vienne, par exemple, et vous changerez immédiatement d'avis.

A Vienne, circule un papier sur lequel il y a une dépréciation très notable ; eh bien, allez à Vienne, entrez dans le premier magasin venu ; on vous demandera tout d'abord si vous avez l'intention de payer en papier ou en monnaie d'or ou d'argent, et d'après votre réponse, vous payerez votre marchandise plus ou moins cher.

Est-ce que vous croyez, messieurs, qu'il soit en votre puissance, parce que vous aurez déclaré que telle pièce de monnaie vaut 20 francs, de déterminer le public à l’accepter pour ce taux ? Croyez-vous qu'on puisse par une déclaration législative, attribuer au fer la valeur de l'or ? Cela est complètement absurde. Vous dites il est vrai que le prix de l'or n'a pas changé ; qu'il n'y a pas de dépréciation ; mais à l'heure même où vous émettez cette opinion, on affiche dans toutes les bourses le taux de l'or comparativement à celui de l'argent ; partout vous voyez que la pièce d'or vaut en argent fr. 19 80, 19 90 ou 19 92 ; et malgré ce fait qui devrait éclairer tout le monde, vous voulez que l'on décide que cette pièce vaut 20 francs d'argent.

Quand il est démontré qu'on peut se procurer autant de pièces de 20 francs qu'on en veut pour une valeur inférieure à celle de 4 pièces de 5 francs, on veut venir faire déclarer de par la loi que tout débiteur pourra contraindre son créancier à lui donner quittance des 20 francs en échange d'une pièce d'or qui ne vaut pas 20 francs d'argent. Encore une fois, messieurs, cela n'est pas sérieux, cela n'est pas possible.

M. Vermeire. - Je n'ai qu'une seule observation à faire, car je ne veux pas entrer maintenant dans le fond du débat. Cette question vient d’être agitée d'une manière tout à fait insolite, nous la traiterons plus opportunément quand le rapport nous aura été distribué.

Si j'ai demandé la parole, c'est uniquement pour protester, en quelque sorte, contre le discrédit qui a été jeté sur les billets de la Banque Nationale, circulant en Belgique Mon honorable ami, M. Dumortier, croit que la circulation de ces billets est trop grande eu égard aux ressources que possède la Banque.

Or, en réalité, cette circulation est, comparativement à l'encaisse et au portefeuille de la Banque Nationale, inférieure à ce qu'elle a été, à aucune autre époque.

Ainsi, messieurs, si nous jetons un coup d'œil sur la situation de la Banque, publiée par le Moniteur et certifiée par les administrateurs de cet établissement financier, nous trouvons que, pour une émission de 130 à 140 millions de billets de banque, il y a un encaisse de 60 à 70 millions en métaux précieux, plus un portefeuille de 150 millions, lequel peut toujours être escompté, parce que la Banque n'accepte pas de billets ayant plus de cent jours à courir.

Ainsi, pour satisfaire à ses obligations, elle a, en métaux précieux, à peu près la moitié de sa circulation, et, d'autre part, plus de la valeur totale en papier, lequel, comme je viens de le dire, peut être réalisé tous les jours. Il n'y a donc, de ce côté, aucun danger à redouter.

Maintenant, il est vrai que la banque ne doit donner de l'argent pour ses billets qu'à son établissement principal, à Bruxelles ; mais il est également vrai aussi, que quand on se présente à ses comptoirs en province, jamais elle n'y a refusé le remboursement de ses billets en argent ; et les services que la Banque a rendus de ce chef au pays sont réellement incalculables.

Un seul fait le prouve à toute évidence : autrefois le taux de l'escompte était beaucoup plus élevé en Belgique que partout ailleurs et notamment qu'en Hollande et en Angleterre. Eh bien, depuis que la Banque Nationale fonctionne, nous avons toujours remarqué que le fait opposé s'est produit et que le taux de l'escompte a été moindre en Belgique que dans aucun autre pays ; de même que toutes les fois qu'une crise financière a éclaté en Angleterre, en France ou ailleurs, la Banque Nationale a su maintenir cette situation favorable.

La Banque Nationale a prouvé une fois de plus, dans ces circonstances, combien son crédit est solidement établi et combien sont grands les services qu'elle a rendus aux transactions commerciales et industrielles de notre pays.

- La discussion est close ; la proposition de M. Rodenbach est mise aux voix et adoptée.


« Des habitants de Flaches demandent que ce hameau de la commune de Gerpinnes soit doté d’une école communale, d'une église et qu'il ait un scrutin séparé dans les élections communales. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs habitants de Louvain transmettent des pièces tendantes à rendre inutile et sans objet l’enquête sur les élections de cet arrondissement et prient la Chambre de se prononcer pour l'admission des députés élus. »

M. Wasseige. - Cette pétition constate des faits d’une très haute importanee et toutes les pièces justificatives sont jointes à l'appui.

Il est très utile, je pense, que tous les membres de la Chambre aient connaissance de cette pétition. J'en demande donc le dépôt sur le bureau pendant la discussion, si elle a lieu aujourd'hui, et l'insertion au Moniteur, si la discussion ne doit avoir lieu que demain.

M. le président. - Je ferai remarquer que cette pétition a été imprimée par ses auteurs et distribuée aux membres de la Chambre.

M. Wasseige. - Je n'en ai pas reçu d'exemplaire.

M. le président. - Quant à moi, j'en ai reçu un exemplaire ce matin.

- La proposition de M. Wasseige est adoptée.


« La veuve Van Haelen demande la révision de la loi sur l'assainissement des quartiers insalubres. »

« Même demande du sieur Mareska et de propriétaires d'immeubles, situés à St-Josse-ten-Noode. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Doffagne se plaint de la résidence assignée à des préposés de douane. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des artisans d'Anvers, Borgerhout et Deurne demandent que les travaux d'utilité publique, récemment décrétés soient exécutés par des ouvriers belges et mis en adjudication par lots à la portée des petits entrepreneurs. »

- Même renvoi.


« Le sieur Bulens prie la Chambre de s'occuper de sa pétition ayant pour objet une loi relative au déguerpissement des petits locataires. »

- Même renvoi.


« Par dépêche du 14 septembre, M. le ministre de la justice informe la Chambre que le sieur Diewan (Auguste) déclare renoncer à sa demande de naturalisation. »

- Pris pour information.


M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, sept demandes de naturalisation.»

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« M. le ministre de la justice adresse à la Chambre deux exemplaires du troisième cahier du troisième volume des procès-verbaux des séances de la commission royale pour la publication des anciennes lois et ordonnances de la Belgique.3

- Dépôt à la bibliothèque.


« Par trois messages des 3 et 7 septembre, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté les projt s de lois relatifs aux objets suivants :

« Un crédit de 114,377 fr. 49 c. au département des finances.

« Un crédit de 75,000 fr. au budget de la Chambre des représentants, pour 1859.

« L'exécution de divers travaux d'utilité publique. »

- Pris pour notification.


« M. Devaux informe la Chambre qu'une indisposition le retient à Bruges et l'empêche, à son grand regret, d'assister à la patriotique solennité du 26 ainsi qu'à la séance de la Chambre du lendemain. »

- Pris pour information.


« M. Pirmez informe la Chambre qu'une indisposition l'empêchera d'assister à l’inauguration de la colonne du Congrès et à la réunion de la Chambre du 27. II demande un congé. »

- Accordé.


« M. Lange, retenu par indisposition et M. Dechentinnes, se trouvant à l'étranger, demandent un congé. »

- Accordé.


« Le sieur T. Mackintosh fait hommage à la Chambre d'un recueil des discours prononcés par le Roi à l'ouverture des sessions législatives depuis 1831-1832 jusqu'à 1858-1859. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi, amendé par le sénat, relatif aux mesures organiques de l’enquête sur les élections de l’arrondissement de Louvain

Transmission du projet amendé par le sénat

Par message en date du 8 septembre, le Sénat renvoie à la Chambre le projet de loi concernant les mesures organiques de l'enquête sur les élections de l'arrondissement de Louvain tel qu'il l'a amendé.

- La Chambre décide que ce projet de loi sera envoyé à l'examen de la section centrale qui s'en est précédemment occupée.

M. le président. - Si la Chambre le désire, la commission pourra se réunir immédiatement. (Oui ! oui !)

- M. Dolez remplace M. Orts au fauteuil.

Motion d’ordre

M. Goblet. - Messieurs, j'ai réclamé la parole par motion d'ordre pour demander au gouvernement s'il est vrai qu'il ait pris une mesure (page 311) spontanée,, en vertu de laquelle les réfugiés hongrois qui habitaient la Belgique et qui se sont rendus en Italie pendant la guerre de l'indépendance ont été expulsés de notre pays pour ce fait.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, à cette interpellation ainsi formulée, je répondrai très catégoriquement : Non, aucune espèce de mesure de cette nature n'a été prise.

Maintenant quant à des mesures spéciales, si j'avais été prévenu de l'interpellation avant la séance, j'aurais examiné les dossiers et j'aurais pu m'exprimer avec certitude, La Chambre comprend que je ne puis avoir présents à la mémoire tous les faits qui se rattachent à des mesures prises à l'égard de chaque réfugié.

Je crois toutefois que quant à un réfugié hongrois, il y a eu une décision prise, et voici, si je ne me trompe, dans quelle circonstance.

Depuis 1848, la Belgique a reçu dans son sein un grand nombre de réfugiés, et certaines mesures de précaution ont dû être prises pour assurer d'un côté la tranquillité du pays et pour éviter d'autre part que la présence de ces réfugiés dus le pays ne nous exposât à des réclamations légitimes des puissances étrangères.

Je crois qu'un de ces réfugiés, lorsqu'il s'est agi de la guerre d'Italie et de former une légion en Italie destinée à envahir la Hongrie, a quitté la Belgique, méconnaissant toutes les conditions auxquelles le gouvernement avait soumis l'autorisation de séjourner en Belgique.

Il s'est mis ainsi en opposition flagrante avec ses propres engagements ; il a été en Italie et a pris du service dans la légion hongroise. A son retour on lui a dit qu'ayant méconnu les conditions auxquelles l'hospitalité lui avait été accordée, il devait comprendre que le gouvernement ne le tolérerait plus sur le territoire belge.

Voilà, je crois, la seule mesure qui ait été prise. La Chambre reconnaîtra, je pense, que le gouvernement a fait un usage convenable de son droit. Il faut éviter que la Belgique ne devienne une espèce de forteresse où les réfugiés pourraient venir chercher un abri, pour en sortir, à un moment donné, et aller porter le trouble et la guerre dans leur pays.

Je crois que le gouvernement doit veiller avec soin à ce qu'il ne se commette sur le territoire belge aucun acte qui puisse compromettre ses relations, ni qui puisse être considéré comme étant une infraction à notre neutralité ; nous sauvegarderons ainsi les intérêts du pays et ceux de l'hospitalité même, que les écarts des réfugiés tendent à compromettre.

M. Goblet. - Messieurs, si j'ai généralisé ma question, c'est que je n'ai pas voulu faire intervenir ici de nom propre. Il est clair qu'en parlant des réfugiés hongrois, j'ai voulu indiquer ceux qui étaient allés en Italie dans le but d'y prendre part à la guerre. Je n'ai certes pas voulu parler des Hongrois qui étaient allés parcourir innocemment la France ou l'Italie. J'ai entendu citer les Hongrois qui, abstraction faite de toute intervention du gouvernement belge, sont allés s'enrégimenter dans la légion hongroise.

Le fait de l'étranger qui quitte notre pays sans y avoir jamais produit le moindre trouble pour s'engager dans une légion étrangère, qui n'a pas même combattu, ne peut tomber, me semble-t-il, sous l'application de la loi de 1835.

La loi de 1835 dit en effet : « L'étranger résidant en Belgique qui, par sa conduite, compromet la tranquillité publique, ou qui a été poursuivi et condamné à l’étranger pour les crimes ou délits qui donnent lieu à l'extradition conformément à la loi du 1er octobre 1833, peut être contraint par le gouvernement de s'éloigner d'un certain lieu, d'habiter dans un lieu déterminé ou même de quitter le royaume. »

Je comprends très bien, messieurs, que lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit ou même lorsqu'il s'agit d'un danger pour le pays, on ordonne au malheureux qui n’a plus de patrie de quitter, dans certains cas, celle qu'il a adoptée. Mais je ne comprends pas comment un homme qui s'en va concourir à une guerre complètement régulière, peut tomber sous l'application de l'article premier de la loi de 1835 ; comment, un Hongrois qui habite la Belgique depuis dix ans, alors qu'il n'est pas un danger pour notre pays et que le fait qu'on lui reproche n'a pas été posé en Belgique, encourt de ce chef la peine de l'expulsion.

En 1854, l’honorable M. Verhaegen, dont la voix s'élevait toujours lorsqu'il s'agissait d'une injustice à réparer, d'une cause vraie à défendre, vous parlait de l'expulsion du colonel Charras. Il blâmait cette expulsion. Et cependant elle avait eu lieu par des motifs beaucoup plus sérieux que ceux qu'on vient de donner aujourd'hui. Voici les motifs par lesquels on expliquait, en 1854, l'expulsion du colonel Charras. La présence du colonel Charras en Belgique, disait le gouvernement, est une cause d'agitation dans les garnisons du nord de la France ; il est du parti militaire mécontent ; son nom est un drapeau pour le parti républicain.

Or, dans le cas actuel, il ne s'agit de rien de tout cela. Que voyons-nous ? Des hommes qui sont allés prendre part à une guerre d'indépendance, au triomphe d'une cause à laquelle nous devons, nous Belges, vouer toutes nos sympathies. Nous n'avons pas encouragé ces hommes ; nous ne leur avons pas accordé des passe-ports pour aller combattre en Italie. Ils sont partis de leur propre mouvement ; la paix a été faite ; ils reviennent. Sont-ils donc plus coupables que lorsque vous les avez accueillis la première fois, alors qu'ils venaient de combattre leur souverain, au nom de la révolution ?

La Belgique, dit-on, a des ménagements à garder. Oui, messieurs, mais elle a aussi une chose à respecter, ce-sont ses anciennes traditions d'indépendance et d'hospitalité. Dans une récente et grande discussion, on a fait maintes fois appel à notre droit de souveraineté ; on a dit que nous devions résister à toute injonction étrangère. Eh bien, qui pourrait trouver mauvais que nous accueillions des hommes inoffensifs ? Car ils sont inoffensifs quand ils sont en Belgique, et qu'on ne peut leur y faire le moindre reproche sur leur conduite. Ils ont été s'engager non dans une expédition révolutionnaire, mais dans une guerre régulière, et sont revenus sans avoir fait le moindre mal à la puissance qu'ils étaient allés combattre.

Messieurs, lorsque la paix s'est faite à Villafranca, cette paix a eu pour première base l'amnistie. Pourquoi voulez-vous vous montrer plus sévère envers des hommes qui ont tout sacrifié pour défendre l'indépendance de leur patrie, que ceux-là même contre lesquels ils sont allés lutter ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable M. Goblet perd de vue les faits. Ainsi que je l'ai dit tantôt, lorsque, depuis 1848, des réfugiés ont été admis en Belgique, ils ont été soumis à certaines règles, à certaines conditions, sans l'observation desquelles ils n'eussent pas été admis. Et cela était d'une nécessité absolue ; on ne sait peut-être pas qu'il y a eu un moment où l'on comptait plus de 2,000 réfugiés dans le pays.

Le gouvernement a été forcé, pour éviter que la tranquillité intérieure ne fût compromise, pour éviter que nos relations avec les puissances étrangères n'en fussent affectées, de prendre des mesures, d'exercer une grande surveillance ; et entre autres une de ces mesures était qu'ils ne quittassent pas le pays sans que le gouvernement pût suivre leurs mouvements.

D’autres règles étaient prescrites. Eh bien, le gouvernement posant ces règles, ces conditions à l'hospitalité qu'il accorde aux réfugiés, a droit d'en demander l'exécution.

Lorsque, après cela, un réfugié méconnaît les obligations qu'il a contractées, sans lesquelles il n'eût pas été reçu dans le pays, le gouvernement a le droit de lui dire : « Vous avez méconnu nos conditions, vous ne rentrerez plus dans le pays. » Il y a là une espèce de contrat synallagmatique. Nous ne pouvons accueillir les réfugiés, et leur laisser faire tout ce qui leur convient, leur permettre de compromettra le pays et ses relations avec les puissances étrangères.

Eh bien, c'est ce que nous pouvons reprocher à la personne dont il s'agit et dont je ne me rappelle pas le nom ; car, je le regrette, je n'ai pas été prévenu.

M. Goblet. - Je vous ai prévenu au commencement de la séance et la discussion sur la pétition a duré plus d'une heure et demie.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Oui ! mais je n'avais pas le dossier avec moi.

Je sais bien que quant à d'autres réfugiés de cette catégorie, qui ne s'étaient pas mis en opposition aussi flagrante avec les règles adoptées, on a toléré leur présence dans le pays Mais je ne puis admettre, précisément dans l’intérêt du droit d'asile, que lorsque des engagements sont pris par des réfugiés, lorsque des conditions leur sont posées dans l'intérêt du pays et dans leur intérêt propre, ils puissent les violer impunément.

Certainement le gouvernement, depuis 1848, a été, vis-à-vis des réfugiés, aussi large que possible. Il leur a demandé une seule chose : c'est de ne pas s'occuper de nos affaires intérieures et d'éviter de porter atteinte à nos relations extérieures. Eh bien, est-il un seul réfugié qui, ayant observé ces conditions, ait été l'objet de la moindre rigueur de la part du gouvernement ? Le gouvernement est toujours resté fidèle à ses principes, et si quelqu'un a à se plaindre, ce ne sont pas les réfugiés, c'est la Belgique. Car bien peu ont respecté les engagements qu'ils avaient pris.

Bien loin qu'on puisse nous reprocher une grande sévérité, on pourrait nous reprocher d'avoir été très faibles vis-à-vis d’eux. Car un fait incontestable, un fait notoire, c'est que, par exemple, dans la presse, les attaques dont la Belgique et son gouvernement, à quelque parti qu'il appartînt, ont été l'objet, sont parties principalement des réfugiés.

Ainsi les réfugiés sont protégés en Belgique, et autant que tout autre, je sens ce qu'exige le malheur. Mais je demande que de leur côté il remplissent les conditions auxquelles ils ont été admis dans le pays.

M. Guillery. - Je regrette infiniment de devoir le dire à un ministère libéral, mais c'est la première fois, je pense, que dans cette enceinte sont développées les doctrines que vient d'exposer M. le ministre de la justice. Je serais curieux que, comme annexe à l'article premier de la loi de 1835, il voulût bien nous donner le modèle des contrats synallagmatiques que le gouvernement fait avec les réfugiés, lorsqu'ils entrent dans le pays. Je serais curieux de voir, par exemple, si on leur pose comme première condition, le jour où leur patrie fera appel à leur dévouement, de ne pas répondre à cet appel. Dans ce cas, vous ne leur offrez pas l'hospitalité, vous leur offrez le déshonneur.

Voici la position des réfugiés hongrois. Ils n'ont pas conspiré, comme on le dit. ils n'ont rien fait de contraire à l'article premier de la loi de 1835, ils n'ont nullement compromis nos relations avec les gouvernements étrangers.

La loi de 1835 ne nous donne qu'un droit : celui d'expulser les (page 312) réfugiés résidant en Belgique, qui, par leur conduite, compromettent la tranquillité publique.

Mais il s'agit ici bien évidemment de leur conduite en Belgique, car vous n'avez pas de juridiction sur les étrangers en pays étranger.

Vous avez juridiction sur les Belges pour les faits qu'ils posent en Belgique et à l'étranger ; mais vous n'avez pas juridiction sur les étrangers pour les actes qu'ils posent à l'étranger et vous n'avez pas le droit de voir ce qu'ils y font.

Eh bien, quant au réfugié dont il s'agit particulièrement ici, on reconnaît et M. le ministre de la justice reconnaîtra, j'en suis persuadé, que pendant. son séjour en Belgique, il n'a pas posé un seul acte contraire aux règles de l'hospitalité qu'il avait reçue. Sa conduite a reçu l'approbation de M. l'administrateur de la sûreté publique.

Il peut y avoir des réfugiés qui ont écrit dans les journaux ; je n'en sais rien. Mais celui dont il s'agit n'a pas écrit. Il ne s'est jamais mêlé en rien de nos affaires intérieures ; il s'est constamment montré digne de la bienveillance que la loi belge lui accorde. On a fait un appel à son patriotisme. Un gouvernement voisin et ami, dont nous sommes parfaitement indépendants, on vous l'a dit et répété, a fait appel au dévouement des réfugiés hongrois. Ils seront rendus à cet appel. La légion hongroise a été organisée. Elle n'a pas été employée.

La paix se signe entre le souverain qui a fait appel aux Hongrois et celui contre lequel les Hongrois devaient prendre les armes. Et aujourd'hui que le souverain qui a fait appel aux Hongrois a fait la paix avec l'empereur d'Autriche et que la première condition de cette paix est l'amnistie pour tous ceux qui ont porté les armes contre l'Autriche, pour les Italiens, pour les Hongrois, vous vous montrez plus rigoureux que l'empereur d'Autriche. Celui qui est amnistié par la loi autrichienne n'est pas amnistié par le ministère belge, par un ministère libéral. Voilà la position.

Le seul acte que vous ayez à reprocher au réfugié dont il s'agit est un acte amnistié, amnistié par un traité. C'est le seul reproche que vous ayez à lui faire et que vous lui fassiez.

Eh bien, je demande si jamais en Belgique, depuis 1830, il y a eu une expulsion semblable.

L'opposition libérale a protesté contre l'expulsion dont on vous parlait tout à l'heure, et pour laquelle cependant le gouvernement donnait des motifs, fondés du moins en apparence ; on prétendait qu'un gouvernement voisin était inquiet de la présence de ce réfugié en Belgique, qu'il compromettait la tranquillité dans un pays voisin, qu'il exerçait sur les garnisons de certain département, une action contraire à la tranquillité publique. Mais dans l'affaire qui nous occupe, aucune réclamation n'est venue, que je sache, de la part du gouvernement autrichien. On ne nous a rien demandé. Il ne s'agit pas d'un pays voisin. Nous n'inquiétons personne.

Personne n'élève de réclamations et le gouvernement, d'office, par un excès de zèle, qui, je le répète, va au-delà de ce que fait le gouvernement autrichien, le gouvernement expulse le réfugié. Eh bien, je le dis encore, il n'a pas été posé, depuis 1830, un seul acte comme celui-là.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Nos adversaires déplacent complètement la question. Ils argumentent de la loi de 1835 et viennent prétendre que le seul acte que nous ayons à reprocher à la personne dont le gouvernement n'a pu tolérer le séjour en Belgique a été amnistié par le gouvernement autrichien. Eh bien, il n'en est absolument rien.

L'honorable préopinant semble croire qu'il n'y a pas pour le gouvernement d'autres droits que ceux qui résultent de la loi de 1835, c'est là une erreur. Ce n’est pas, je pense, la loi de 1835 qui a été appliquée à la personne dont il s'agit.

A côté de la loi de 1835, il y a, pour le gouvernement, lorsqu'un étranger se présente pour entrer dans le pays, le droit de le recevoir ou de ne pas recevoir ; voilà un droit dont on a toujours usé depuis 1835.

Tous les ministères qui se sont succédé ont suivi le système qui consiste à donner aux étrangers compromis dans leur pays, dont les antécédents politiques pouvaient espérer quelque crainte des permis de séjour momentanés, que le gouvernement se réserve de retirer quand les conditions auxquelles il les accordait n'étaient pas remplies.

Ici messieurs, il y avait également un simple permis de séjour, et le fait qui a donné lieu à la mesure dont on se plaint c'est que vis-à-vis du gouvernement belge la personne qui a été l'objet de cette mesure n'a pas rempli les obligations qu'elle avait contractées lorsqu'on lui avait permis de séjourner en Belgique.

On dit que le gouvernement autrichien n'a pas réclamé ; c'est parfaitement exact, mais, je le répète, l'étranger dont on parle a été éloigné du pays uniquement parce qu'il n'avait pas respecté ses engagements envers le gouvernement belge. Il est de l'intérêt de la Belgique que tout étranger se soumette aux obligations qui lui sont imposées. Si le gouvernement laissait faite aux réfugiés tout ce que bon leur semble, nous aurions ici un autre genre de réclamations ; lorsque, pour ne pas compromettre les intérêts du pays, nous aurions fait droit à des observations provoquées par la conduite de tel ou tel réfugié, on viendrait dire que la Belgique n'est plus un pays indépendant, que nous méconnaissons toutes les lois de l'hospitalité, que nous nous courbons devant l'étranger.

C'est précisément pour éviter d'en venir là qu'il est nécessaire de maintenir les réfugiés dans certaines limites. Sans cela la Belgique pourrait devenir l'objet de réclamations incessantes de la part des puissances étrangères.

M. Goblet. - Je suis parfaitement de l'avis de M. le ministre de la justice. Il faut maintenir les réfugiés d'ans certaines limites ; mais cela ne veut pas dire que je reconnaisse au gouvernement le droit arbitraire le plus absolu sur tous les étrangers qui résident en Belgique, le droit de faire qu'un réfugié ne soit plus même un homme ; qu'il devienne le jouet du bon plaisir ministériel.

Que l'on empêche les réfugiés de conspirer chez nous contre la puissance qui les a expulsés, et qu'on ne leur permette pas de nous immiscer malgré nous dans les affaires de leur patrie, soit. Mais, dans le cas présent le colonel Sreter, homme parfaitement honorable que nous avons accueilli alors qu'il était révolutionnaire, cet homme, ainsi que l'a dit M. Guillery, ne vous avait pas promis d'abandonner pour toujours la cause de son pays.

Quel est donc le motif pour lequel vous l’avez déclaré indigne de fouler le sol belge ?

Parce qu'il a quitté la Belgique pour aller prendre rang dans la légion hongroise ! Eh bien, je prétends que ce n'est point là un motif d'expulsion.

L'honorable ministre de la justice a prononcé de nouveau, en terminant, un mot qui ne devrait plus se faire entendre dans cette enceinte. Jamais je ne me permettrai d'accuser un membre de cette assemblée de subir le joug de l'étranger, pas plus que je n'admets que de semblables accusations puissent sortir de la bouche d'un ministre, quand il s'adresse à ceux qui ne partagent pas son opinion

M. Loos. - Messieurs, j'attache autant de prix que personne à l'hospitalité que les étrangers reçoivent sur le sol de la Belgique, nais je demande s'il peut exister un pays en Europe où les réfugiés politiques soient reçus à la condition de pouvoir entreprendre quoi que ce soit contre leur propre pays et revenir ensuite, en cas d'insuccès de leurs tentatives. Si un pareil pays existait il attirerait sur lui l'hostilité de toutes les nations qui éprouvent le besoin de l'ordre et de la paix.

Je comprends que le gouvernement dise aux réfugiés politiques : Vous jouirez en Belgique de tous les droits de l'hospitalité la plus large mais vous n'entreprendrez rien contre nous ni contre votre pays tant que vous résiderez sur notre sol.

Tout étranger qui se soumet à cette condition a le droit de résider en Belgique, mais s'il vient à ne pas la respecter ; il ne peut plus réclamer l'hospitalité en Belgique. Si c'est là la seule condition que le gouvernement impose aux réfugiés, je trouve qu'il est parfaitement dans son droit.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Jamais il n'en a imposé d'autres.

M. Guillery. - L'honorable M. Loos ne croit pas qu'il y ait un pays en Europe où l'honorable colonel Sreter puisse s. réfugier aujourd'hui. Quel sera donc le sort de toute cette légion hongroise accourue à la voix de la liberté pour défendre une cause qui avait alors beaucoup de partisans ? Heureusement que ces hommes seront reçus en Suisse, en Hollande, en Angleterre, en France, partout enfin, excepté dans l'hospitalière Belgique.

On me dira : Pourquoi le colonel Sreter ne va-t-il pas en France ou ailleurs ?

Je répondrai qu'il est assez malheureux d'avoir dû quitter son pays, sans être encore en butte aux persécutions, après s'être fait estimer, et honorer pendant dix ans dans une nouvelle patrie.

Après avoir apprécié le bonheur de vivre sous une législation libérale, il n'est pas si facile d'aller chercher un refuge ailleurs.

Je ne puis assez insister sur ce point, parce qu'il est pour moi décisif : il ne s'agit pas d'un homme qui est allé faire un coup de tête, qui est allé soulever son pays, qui a médité une révolution ; il s'agit d'un homme qui a répondu à l'appel fait à tous ses concitoyens par une des plus grandes puissances de l'Europe ; et aujourd'hui vous vous montreriez plus sévères envers cet homme que le gouvernement qu'il voulait combattre ; la paix aurait en vain effacé tout ce qui s'était fait pendant la guerre ; mais d'après vos théories, des réfugies lombards auraient été expulsés de la Belgique, après la guerre de l'indépendance s'ils n'avaient pas eu le bonheur de recouvrer leur patrie. Aujourd'hui vous expulseriez les Vénitiens, mais vous n'expulseriez pas les Lombards.

Eh bien, je dis qu'en agissant ainsi vous répudiez les honorables traditions de l'hospitalité de la Belgique, qui a donné un asile aux proscrits du premier empire, aux proscrits de la restauration, aux proscrits de la république et aux proscrits du second empire ; je dis que même pour les réfugiés qui se trouvaient dans une position beaucoup plus délicate, pour des réfugiés qui pourraient peut-être exciter quelque ombrage de la part d'un gouvernement voisin, l'opposition libérale toute entière a protesté contre la conduite du gouvernement, lorsqu'il a voulu les expulser. Je vous le demande, ici où vous n'aviez aucun reproche à faire au réfugié, ici où il n'y avait aucune réclamation de la (page 313) part d'un gouvernement étranger ; ici où il était impossible que le réfugié occasionnât les moindres inquiétudes en Europe ; je vous le demande : votre conduite est-elle justifiable ?

M. Loos. - Messieurs, je tiens à ce qu'on ne dénature pas mes paroles. Je ne connais pas le réfugié dont il s'agit ; mais je présume que le gouvernement lui a imposé des conditions, que du sol belge il ne porterait pas les armes contre son pays ; que s'il portait les armes contre son pays, il ne pourrait plus revenir en Belgique ; que si par sa conduite il occasionnait des embarras à la Belgique, il devrait quitter le pays.

Si ce sont là les seules conditions que le gouvernement impose aux réfugiés politiques, quelqu'un peut-il y trouver à redire ? Le gouvernement dit aux réfugiés : « Vous êtes libres de rester en Belgique sous certaines conditions, que dans l'intérêt de la sécurité du pays nous devons vous imposer. Si vous contrevenez à ces conditions, la Belgique ne vous donne plus d'asile. » Cela n'est-il pas légitime ?

L'Angleterre est en paix avec la France ; eh bien, je suppose que des réfugiés qui ont reçu un asile en Angleterre portent en France le trouble et la guerre ; eh bien, croyez-vous que l'Angleterre consente à les recevoir encore, s'ils veulent y rentrer après avoir échoué dans leurs entreprises contre la vie du souverain ou le repos de la France ?

Je conçois que d'autres nations, la Suisse, par exemple, reçoivent des réfugiés qui ont quitté la Belgique pour porter les armes contre leur patrie, ces réfugiés n'ont pas contrevenu à des conditions imposées par le gouvernement suisse ou aux lois de ce pays ; mais croyez-vous que si ces réfugiés avaient violé les conditions que le gouvernement suisse aurait mises à son hospitalité (si ce gouvernement en met comme nous), croyez-vous que la Suisse les eût encore reçus ?

Que deviendrait l'Europe, s'il s'y trouvait un pays où l'on pût entreprendre toutes espèces d'attaques ou de conspirations contre les pays étrangers, et où en cas d'échec, on pût recommencer à la première occasion ; pensez-vous que la civilisation permît l'existence d'un semblable pays ?

Je ne crois pas que la Belgique doive entrer dans une pareille voie, pleine de périls pour son indépendance.

()page 315) M. Van Overloop. - Messieurs, je ne veux ni approuver ni blâmer la conduite du gouvernement dans cette circonstance : je ne connais nullement les faits. Je veux seulement présenter une observation au sujet d'une doctrine que M. le ministre de la justice a exposée et qui ne me semble pas du tout conforme au texte ni à l'esprit de la Constitution.

L'honorable ministre, répondant aux honorables MM. Goblet et Gui-lery, a dit que ses contradicteurs se mettaient à côté de la question en invoquant la loi de 1835 ; il a prétendu qu'il y avait d'autres principes, des principes de police générale, qui permettaient au gouvernement de prendre, relativement aux étrangers, des mesures autres que celles qui sont prescrites par la loi de 1835.

Or, là est la question. Si vous accordez au gouvernement le droit de prendre à l'égard des étrangers des mesures autres que celles que la loi lui permet de prendre, vous consacrez à son usage un véritable arbitraire, vous lui livrez les étrangers pieds et poings liés.

Voici ce que porte l'article 128 de la Constitution.

« Tout étranger qui se trouve sur le territoire de la Belgique, jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi. »

Or, il y a une loi ou il n'y en a pas ; s'il n'y a pas de loi, le gouvernement ne peut, en présence de la Constitution, sévir contre des étrangers, en vertu de prétendus principes de police générale dont le Congrès n'a pas voulu ; s'il y a une loi, le gouvernement ne peut l'appliquer qu'aux étrangers qui se trouvent dans les conditions voulues par cette loi.

C'est la seule observation que j'avais à présenter. Je n'entends pas permettre qu'on consacre une doctrine qui s'écarte complètement de nos anciennes traditions belges ; je n'entends pas que le gouvernement puisse, hors le cas évident de salut public, prendre des mesures arbitraires contre qui que ce soit.

(page 313) M. Goblet. - Messieurs, ni l'honorable M. Guillery, ni moi, nous n'avons dit qu'il fallût accorder l'hospitalité à des hommes qui viendraient conspirer en Belgique contre leur pays et qui, en cas d'échec, reviendraient en Belgique. Telle n'est pas la position du colonel Sreter. Ce réfugié est parti pour l’Italie comme simple particulier ; il n'est pas parti pour la Hongrie ; il a quitté la Belgique, sans que la conduite qu'il a tenue ait donné lieu au moindre reproche ; il est allé en Italie pour répondre à l'appel d'une grande puissance voisine et prendre part à une guerre régulière...

M. Loos. - Contre son pays.

M. Goblet. - Je croyais jusqu'à présent que la guerre d'Italie avait été une guerre régulière ; M. le ministre de la justice trouve qu'il n'en est pas ainsi. (Interruption.) Comment ! N'est-ce pas Napoléon, qui dans toute sa puissance, avec une armée de 200,000 hommes, a autorisé la formation d'une légion hongroise ? Soyons francs : si l'empereur n'avait pas autorisé la formation de cette légion, un seul Hongrois aurait-il mis les pieds en Italie ? Les Hongrois peuvent donc retourner en France, et vous ne voulez pas qu'ils reviennent en Belgique ?

Le colonel Sreter n'a posé qu'un seul acte : il a répondu à l'appel que lui adressaient de puissants partisans de sa cause ; et il est parti pour aller combattre l'Autriche à côté de l'armée française. Voilà tout ce qu'il a fait ; or, dès l'instant où l'amnistie a été proclamée, elle ne pouvait s'appliquer qu'aux faits antérieurs ; je me demande donc en vertu de quoi vous pouvez lui refuser l'hospitalité de la Belgique,

Certes, messieurs, nous ne voulons pas que notre pays serve d'asile à tout le monde, à des hommes qui ne veulent user de l'hospitalité qu'on leur accorde ici que pour s'y préparer à jeter le trouble dans leur pays ; mais nous voulons que la Belgique soit un abri assuré pour tous ceux qui en sont dignes et qui ne demandent qu'à vivre paisiblement sous l'égide de nos lois.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable M. Goblet est en opposition manifeste avec les principes qu'il proclame. Si le gouvernement doit tolérer qu'un réfugié hongrois quitte la Belgique pour s'enrôler dans une légion hongroise dont le but est d’aller révolutionner la Hongrie, je demande pourquoi il ne devrait pas souffrir qu'un Allemand quitte également la Belgique pour prendre du service dans une légion allemande qui ira révolutionner l'Allemagne. Je demande pourquoi un Français ne pourrait pas agir identiquement de la même manière.

Or, est-il possible de soutenir une doctrine pareille, et comment ne voit-on pas que nous ne pourrions pratiquer de tels principes qu'au préjugée des réfugiés eux-mêmes ? Car il est bien certain que les gouvernements étrangers pèseraient sur nous de telle manière que nous n'oserions plus accorder l'hospitalité à aucun étranger.

C’est pour cela précisément que nous avons mis à l'hospitalité que nous accordons cette double condition de ne point s'immiscer dans nos affaires intérieures et de ne point compromettre nos relations avec les gouvernements étrangers ; si nous n'apportions pas cette restriction, nous ne pourrions bientôt plus accorder l’hospitalité à personne.

Je dois aussi un mot de réponse à l'honorable M. Van Overloop. Je ne soutiens pas du tout que quand un étranger habite la Belgique, le gouvernement puisse, en dehors de la loi de 1835, prendre vis-à-vis de lui des mesures de rigueur. Mais depuis la loi de 1835, à toutes les époques, sous tous les ministères, le gouvernement a refusé de recevoir certains étrangers dans le pays. Cela est tellement vrai que très souvent des instructions ont été données à nos agents à l'étranger de refuser leur visa aux passe-ports de certaines personnes, et qu'ordre a été donné aux frontières de ne pas les laisser pénétrer dans le pays.

Ayant le droit de ne pas les admettre, nous avons le droit de fixer les conditions de leur admission, et les réfugiés n'ont été autorisés à habiter le pays qu'à la double condition que j'indiquais tout à l'heure, et c'est pour avoir manqué à leurs engagements que certains d'entre eux ont dû être contraints de quitter la Belgique.

Si le gouvernement n'avait pas le droit d'agir ainsi, il en résulterait qu'aussitôt qu'un étranger aurait mis le pied sur notre territoire, il faudrait un arrêté d'expulsion pour l'en faire partir.

M. Guillery. - Celui dont il s'agit est dans le pays.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il était dans le pays, mais il l'a quitté et il l'a quitté contrairement aux conditions auxquelles il y avait été admis ; et voilà le motif pour lequel on n'a plus voulu l'y tolérer.

M. Guillery. - Le réfugié dont il s'agit est rentré dans ce pays comptant que la paix de Villafanca s'était étendue jusqu'en Belgique ; il est rentré avec un passe-port signé par notre chargé d'affaires à Turin et ce n'est qu'au bout d'un certain temps qu'on a fait avec lui ce qu'on fait avec tous les réfugiés hongrois, c'est-à-dire qu'on lui a fait subir un interrogatoire sur sa conduite, sur l'époque de leur départ ou de leur retour, sur ce qu'ils ont fait pendant leur absence, absolument comme si nous étions chargés de faire ici la police pour l'Autriche. Je demande si c'est là le contrat que vous leur faites signer quand ils viennent en Belgique. Je voudrais bien, à ce propos, que M. le ministre de la justice nous donnât connaissance de la teneur de ces sortes de contrat ; la chambre et le pays ont intérêt à savoir quelles en sont les stipulations. Quant à moi, je suis bien convaincu qu'aucun étranger n'a signé un contrat par lequel il se soit engagé à ne pas prendre les armes, le cas échéant, pour recouvrez le droit de rentrer dans son pays.

Il me semble, messieurs, qu'on déplace constamment la question : l'honorable M. Loos nous dit : Il sera donc libre à tout le monde de conspirer sous l'égide de l'hospitalité belge. Mais, messieurs, est-il question de cela ? Se présente-t-il tous les jours des événements comme ceux qui viennent de se passer en Italie ? Est-ce que l'acte d'amnistie qui a été posé n'est pas un acte européen ? Ce que vous pourriez avoir à reprocher au réfugié dont nous nous occupons n'a-t-il pas été effacé ? C'est absolument comme aujourd'hui qu'une amnistie a été proclamée en France de ce qu'ils ont pu faire antérieurement à cet acte contre l'empereur des Français. Ce serait vraiment nous montrer plus catholiques que le pape. Je suis bien convaincu que votre zl'e ne va pas jusque-là.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - On ne fait signer aucun contrat, mais on pose aux étrangers les conditions auxquelles l'hospitalité leur est accordée.et ces conditions, je l'ai déjà dit et l'honorable M. Loos vient de les rappeler, c'est qu'ils n'entreprennent rien qui soit de nature à compromettre le pays à l'intérieur ou à l'extérieur ; et je suis vraiment surpris d'entendre dire que le gouvernement ne pourrait imposer de pareilles conditions. Quant à moi, je le déclare, je crois ces conditions parfaitement licites et je suis bien résolu à y tenir la main.

M. Loos. - Je suis obligé de prendre une fois encore la parole pour que ma pensée soit bien comprise. Je n'ai pris part à ce débat qu'après avoir entendu citer un fait que j'ignorais ; je me place donc exclusivement ici au point de vue des principes. Un réfugié hongrois était en Belgique, il a répondu à l'appel qui a été fait à son patriotisme pour aller combattre l'Autriche en Italie ; plus tard il a voulu rentrer en Belgique et on n'a pas voulu le recevoir. Voilà ce qu'on critique. Eh bien, je trouve que le gouvernement a parfaitement bien fait. Cet étranger avait évidemment abusé de l'hospitalité qu'il avait reçue chez nous, en violant les conditions qu'il avait acceptées, et le gouvernement avait le droit, dès ce moment, de ne plus l'accueillir sur le territoire belge.

Messieurs, la Belgique donne asile à beaucoup de réfugiés français ; il en est qui n'ont pas voulu rentrer en France en vertu de l'amnistie qui leur a été accordée. Eh bien, je suppose qu'une guerre éclate entre la France et l'Angleterre, et que dans ce dernier pays on forme une légion étrangère dans laquelle se rangent des réfugiés dont je parle ; je suppose que plus tard ceux-ci cherchent à rentrer en Belgique, croyez-vous que nous serions bien venus à les recevoir de nouveau, à leur accorder encore l'hospitalité après être partis de chez nous pour porter les armes contre leur pays ?

Il est impossible que quelqu'un ici pusse élever une pareille prétention, qu'on puisse approuver une telle manière de procéder de la part d'un pays quel qu'il soit. Pour ma part, je protesterai toujours contre l’asile sans condition et qui permettrait à un étranger de troubler (page 314) impunément notre repos intérieur ou de rentrer en Belgique après l'avoir quittée pour porter les armes contre son propre pays.

M. Carlier. - Je crois que notre devoir à tous est de respecter la vieille tradition qui a fait de la Belgique un sol hospitalier pour toutes les infortunes politiques ; mais je crois aussi qu'il n'y a rien, dans le fait dont on nous a entretenus, qui soit de nature à nous faire manquer à cette tradition.

Le droit d'asile, nous le voulons aussi large que possible, nous n'y voulons d'autre limite que la sécurité intérieure et extérieure du pays. Dans le fait dont nous nous occupons, je ne rencontre rien qui puisse troubler la sécurité extérieure ou la sécurité intérieure du pays. En effet que reproche-t-on à ce colonel ? De s'être enrôlé dans la légion hongroise qui a été formée en Italie, parce que c'est un crime de porter les armes contre sa patrie. Mais nous savons tous que ce crime est couvert par l'amnistie qui en efface tous les vestiges.

Nous savons que celui qui est amnistié n'est plus considéré comme criminel s'il est dans les conditions de l'amnistie. Est-il ou non réel que la paix de Villafranca emporte avec elle l'amnistie de tous ceux qui à l'occasion de la guerre se sont rendus coupables d'un crime, de délit politique ? Je crois que poser la question, c'est la résoudre. Si je me trompais, je prierais mes honorables collègues de vouloir bien me prouver en quoi l’amnistie efface complètement le crime ; c'est à ce point que si quelque autre crime politique que celui dont il est question lui était imputé, la justice de son pays ne pourrait pas même l'atteindre et que nulle poursuite ne punirait être dirigée contre lui. Je ne vois donc rien là qui puisse compromettre notre sécurité extérieure et je ne vois pas que nos bonnes relations avec l'Autriche puissent en être troublées en aucune façon.

Il y a dans ces considérations des motifs qui, j'espère, n'échapperont pas à M. le ministre de la justice et qui l’engageront à soumettre cette affaire à un nouvel examen dont le résultat sera de revenir sur l'arrêté d'expulsion de M. le colonel Sreter.

M. le président. - L'incident est clos.

Motion d’ordre

M. de Decker. - Je regrette de prendre la parole pour un fait personnel Cela me répugne souverainement ; mais le soin de ma dignité m'y oblige.

Her les employés delà Chambre ont distribué, dans le palais de la Nation, une brochure, intitulée : La colonne du Congrès et de la Constitution. Si cette brochure, aussi médiocre par la pensée que par le style, n'était qu'une publication ordinaire, sans aucun caractère officiel, je dédaignerais de relever les accusations qui y sont contenues à mon adresse ; mais tout m'autorise à croire et à dire que cette brochure a paru sous un patronage gouvernemental.

Je crois donc de mon devoir de protester contre les accusations qu'elle lance contre moi, accusations que détruisent tous les faits connus au département de l'intérieur et que condamnent d'ailleurs toutes les traditions de bons procédés entre ministres.

Je dis que tout m'autorise à croire que cette brochure a paru sous le patronage de l'administration. En effet, d'après des renseignements positifs que j'ai recueillis, cette brochure a été remise hier au greffe par un employé du ministre de l'intérieur avec prière de la faire distribuer aux membres du Congrès, aux membres des anciennes législatures et de la législature actuelle. Elle a été tirée à dix mille exemplaires et tout me porte à croire que les frais en seront supportés par le gouvernement. Vous comprenez qu'une pareille brochure m'oblige à prendre devant la Chambre et le pays la défense de mon honneur.

Je lis à la page 10 de dette brochure :

« Nous avons déjà dit que l'idée première de la Colonne est due à M. Charles Rogier. Sans la rentrée au département de l'intérieur de cet éminent homme d'Etat, nous en serions encore réduits à gémir devant le colossal échafaudage de 50 mètres de hauteur, qui, pendant tant d'années, a encombre la place du Congrès. Les choses étaient si peu avancées vers la fin de 1857, qu'il a fallu, pour ainsi dire, faire des prodiges afin de tout achever en moins de deux ans. »

Cet extrait contient, à mon adresse, une accusation formelle de négligence, de mes devoirs administratifs relativement à l'achèvement de la colonne du Congrès. C'est contre une telle accusation que j'ai à cœur de protester. Je prie la Chambre de me permettre de consacrer quelques instants à présenter un exposé rapide des faits.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Permettez-moi de vous interrompre pour vous dire que cette brochure a paru sans aucun patronage de l'administration et que, si on l’a dit, on a abusé , l’'administration est complètement étrangère à cette publication.

M. de Decker. - Vous me répondrez, mais permettez que je continue.

Le ministère dont j'ai eu l'honneur de faire partie est arrivé aux affaires le 30 mars 1855. Quinze jours après mon installation, au milieu des embarras inséparables de ma nouvelle position, je me préoccupa déjà des moyens d'achever le plus promptement possible la colonne du Congrès, et le 10 avril j'adressai au directeur de la division des beaux-arts la lettre suivante avec ordre de la conserver au dossier, comme un stimulant permanent pour son zèle. Vous verrez si elle est d'un homme indifférent ou tiède ; je ne pense pas que jamais note plus énergique ait paru dans un dossier des départements ministériels. La voici, mot pour mot :

« Je suis vraiment affligé, comme Belge et comme ministre, de voir se perpétuer ces lenteurs si regrettables mises à l'achèvement d'un monument qui est destiné à conserver le souvenir de notre Congrès constituant de 1830.

« Il faut absolument que ces éternels retards aient une fin et que la responsabilité en remonte à qui elle incombe. Il y va de l'honneur du gouvernement et de sa dignité. Il ne peut pas se laisser compromettre ainsi par des fins de non-achever qui paraissent devenir systématiques.

« Pour moi, j'entends que vous priiez l'honorable inspecteur général des beaux-arts de faire examiner dans un bref délai, par la commission des monuments, quelles seraient les mesures énergiques à prendre pour l'achèvement des travaux de la colonne du Congrès. Je suis tout disposé à user de rigueur, s'il le faut, pour atteindre ce but ; car, en sincère ami de nos institutions constitutionnelles, je ne puis consentir à les exposer au ridicule dans le monument qui doit les symboliser si heureusement aux yeux du pays et de l'étranger.

«Je tiens à ce que vous conserviez au dossier de cette désagréable affaire ces quelques lignes de protestation bien sentie. »

Cette lettre dont je viens de faire prendre copie, est enregistrée à l'indicateur du département à la date du 17 avril 1855.

Voilà le premier acte que je posais quinze jours après mon arrivée au ministère.

Je me suis mis immédiatement à l'œuvre. A quelques jours de 14 j'adressais une lettre à la commission des monuments et la priais de me faire savoir 1° les causes des retards qui avaient été apportés à l'exécution de la colonne ; 2° les mesures à prendre pour en amener le prompt achèvement. La commission des monuments se livra à l'examen de ces questions. Un rapport fut demandé d'une part à l'architecte d'autre part à la personne chargée du travail de la pose des pierres.

Ces deux rapports rentrent. Je les examine ; je les envoie à la commission des monuments, disant qu'ils me paraissent peu concluants, peu satisfaisants. La commission des monuments examine, me disant qu'en fait il est difficile de savoir à qui l'on peut imputer ce retard, mais qu'ils sont excusables et qu'il y aurait même du danger, vu la nature du terrain, d'achever trop vite un monument d'un aussi grand poids ; qu'il pourrait en résulter des inconvénients d'une extrême. gravité. La commission finissait par me dire que les explications fournies par l'architecte d'une part, et par celui qui devait conduire les travaux de la pose des pierres, étaient satisfaisantes, et qu'il y aurait danger à insister sur une marche trop prompte et trop rapide des travaux.

Je demande à la commission des monuments de bien vouloir faire faire immédiatement le procès-verbal de l'état actuel des travaux afin de pouvoir appliquer au besoin la clause pénale contenue dans l'article 13 du contrat passé avec l'entrepreneur des travaux. Quelques jours après, l'examen a lieu, le procès-verbal est fait, je constate les retards et une quinzaine de jours après, je décide d'appliquer la clause pénale de l'article 13 qui consistait dans une retenue de 50 fr. par jour de retard dans l'exécution des travaux. Cette mesure rigoureuse a été prise par moi ; C'est deux mois après, qu’à la prière de la commission des monuments, et à la vue de l'activité qu'on apportait depuis lors aux travaux, j'ai renoncé à cette mesure de rigueur.

Voilà pour la partie de la construction du monument en elle-même, telle qu'elle avait été commencée sous mon honorable prédécesseur. Mais la partie la plus importante restait à traiter encore. Je veux parler des travaux d'art, des statues. Eh bien, dès le mois de juin 1855, j'appelai l’attention de la commission des monuments sur la nécessité de penser à préparer les œuvres d'art. Au mois d'octobre, je reçus une réponse de la commission des monuments et au mois de novembre suivant, des contrats furent passés avec des artistes pour les principaux travaux.

Ces travaux ont été distribués entre différents artistes, notamment dans le but d'éviter encore de nouveaux retards. Il eût été préférable certainement, au point de vue de l'harmonie à établir entre toutes les parties d’un monument aussi considérable, de charger un seul artiste de tous les travaux d'art. C'est ce qu'au premier abord on m'avait conseillé. Mais j'ai cru qu’il valait mieux rattacher le nom de plusieurs artistes à ce monument national, plutôt que de confier tous les travaux à un seul, parce qu'heureusement nous avons plusieurs artistes sculpteurs également éminents.

Mais un motif accessoire qui m'a fait adopter cette répartition, c'est qu'en confiant tous les travaux d'art à un seul artiste, on en aurait eu pour une dizaine d'années peut-être. C'est donc encore pour activer ces travaux que je les ai répartis entre quatre artistes.

Ces travaux d'art ont été commandés, comme je viens d'avoir l'honneur de le dire à la Chambre, dès le mois de novembre 1855. Les artistes ont exécuté chacun la partie qui lui était confiée, et avant mon départ du ministère, les modèles en grand avaient été placés au pied de la colonne sous un hangar. J'avais réuni les membres de la commission des monuments ensemble avec les artistes auteurs de ces modèles, pour examiner les projets de statues, pour juger de l'ensemble qu'elles (page 315) pouvaient faire, pour voir s'il y avait harmonie nécessaire entre toutes les parties du monument.

Cette épreuve a été subie par les artistes avec le plus grand bonheur. On a approuvé les modèles.

Cela se passait quelques mois avant mon départ du ministère. Lorsque j'ai quitté le ministère, il ne restait donc qu'à couler les statues ; tout était préparé.

Messieurs, en présence de tes faits que je vous expose avec une parfaite loyauté et dont les traces sont au ministère, car il ne s'est pas écoulé quinze jours sans une correspondance à cet égard, je puis dire que l'achèvement de la colonne du Congrès a fait l'objet de mes constantes préoccupations. Je puis dire que j'ai fait, en cette occasion, non seulement ce que je devais faire, mais beaucoup plus que ce qu'on fait ordinairement dans les questions administratives.

Vous comprenez qu'ayant le conscience d'avoir fait au-delà de mon devoir de ministre, il m'a été pénible de voir publier, sous le patronage du gouvernement, une allégation contraire à la vérité des faits. Un sentiment de convenance aurait dû, me paraît-il, empêcher la publication et la distribution officielle de cette brochure.

M. Allard. - Messieurs, je dois à la vérité de déclarer que dimanche vers quatre heures, en arrivant à la Chambre, il m'a été remis un paquet que j'ai ouvert et qui contenait un certain nombre de brochures. Il n'y avait pas de lettre d'accompagnement. Le paquet avait été apporté par une personne qui avait prié de faire la distribution des brochures aux membres de la Chambre. On ne m'a pas dit qu'il venait du ministère de l'intérieur. J'ai ordonné de faire, selon l'usage, la distribution de ces brochures.

Hier matin, il est arrivé, du ministère de l'intérieur, un certain nombre d'exemplaires de la cantate. J'ai ordonné de distribuer en même temps la brochure et la cantate ; mais j'ignore d'où venait cette brochure.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La brochure dont un passage a soulevé la susceptibilité très légitime de l'honorable M. de Decker, n'a été, de la part du gouvernement, je le répète, l'objet d'aucun patronage. Le département de l'intérieur est resté complètement étranger à la rédaction, à la publication et à la distribution de cette brochure.

Dans des circonstances comme celle-ci, chaque fois qu'il y a un événement politique, une solennité de quelque importance, un certain nombre de brochures ont vu le jour, et le gouvernement a eu de tout temps l'habitude de prendre à ses frais un certain nombre d'exemplaires de ces brochures. C'est de tradition administrative.

Cette brochure, à laquelle l'administration est tout à fait étrangère, serait tirée, dit-on, à dix mille exemplaires. Je ne le sais pas, le gouvernement n'y est pour rien.

M. de Decker. - Je le sais pertinemment.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Alors l’honorable M. de Decker sait aussi pertinemment que l'administration supérieure est étrangère à cette brochure. Il en connaît l'auteur. C'est une entreprise particulière. je n'ai donc pas à m'en mêler.

L'honorable M. de Decker pourrait-il supposer à son successeur l'esprit assez petit pour faire rédiger, imprimer et distribuer une brochure dans laquelle on se plaît à faire ressortir l'activité du ministre de l'intérieur comparée à la nonchalance dont l'honorable M. de Decker aurait fait preuve ?

Il est impossible que l'honorable M. de Decker me suppose de pareilles dispositions. Si j'avais eu à intervenir dans la rédaction d'un écrit quelconque, si j'avais eu à parler de l'honorable M. de Decker, qu'il en soit bien persuadé, il en aurait trouvé d'autres traces que celles qu'il a signalées. Des hommes du caractère et du patriotisme de l’honorable membre, des hommes qui ont rendu des services comme lui, quoique plus jeunes que nous dans la carrière politique, de tels hommes trouveront toujours de notre part de la sympathie, et je serai toujours heureux de les honorer. Voilà comment j'entends la justice entre les partis.

Je suis le premier à reconnaître que l'honorable M. de Decker a fait tout ce qu'il a pu pour imprimer de l'activité aux travaux de la colonne.

Mais cette activité ne se commande pas. Le ministre fera beaucoup de notes, beaucoup de recommandations, mais il ne peut pas être tout à la fois celui qui conçoit, celui qui dirige et celui qui exécute.

Je pense que l'honorable M. de Decker a eu tort d'entretenir la Chambre de cette affaire, je lui avais donné des explications d'où il résultait que l'administration était restée étrangère à cette brochure.

M. de Decker. - Vous personnellement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'administration y est complètement étrangère.

Le gouvernement s'est proposé d'encourager une publication complète et impartiale du grand fait qui a été posé dans la journée d'hier, cette publication-là, que l'honorable M. de Decker en soit bien sûr, il n'aura pas à s'en plaindre.

M. de Decker. - Je ne demande qu'une seule chose, c'est qu'on respecte la vérité et la justice.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est aussi ce qui sera fait. Je désire également que, toujours, on respecte, vis-à-vis de moi, la vérité et la justice. Je ne demande rien de plus.

Messieurs, ce que je dis de l'honorable M. de Decker, je dois le dire aussi de son honorable prédécesseur, qui pourrait également réclamer contre ce passade de la brochure ; il ne serait pas plus juste de mettre en cause l'honorable M. Piercot que l'honorable M. de Decker.

Plusieurs d'entre nous et l'honorable M. de Decker lui-même, se sont souvent impatientés des retards qu'éprouvait l'achèvement de la colonne du Congrès. Il est possible que cet esprit d'impatience ait pénétré dans la brochure dont on se plaint et que, du reste, je n'ai pas à justifier.

Quand j'aurai à présider à la rédaction d'un travail quelconque où il sera question d'un adversaire aussi honorable que M. de Decker, je le répète, il n'aura pas à se plaindre de moi.

Projet de loi, amendé par le sénat, relatif aux mesures organiques de l’enquête sur les élections de l’arrondissement de Louvain

Rapport de la section centrale

M. Deliége. - Le Sénat, revenant sur sa décision première, refuse de prendre part à l'enquête collective que le projet de loi aujourd'hui amendé tendait à organiser.

L'amendement, supprimant l'intervention du Sénat, augmente le nombre des membres de la Chambre des représentants composant désormais seuls la commission d'enquête.

Un membre propose de renoncer à l'enquête, des éléments nouveaux étant venus, selon lui, en démontrer l'inutilité.

La majorité de votre section centrale, au contraire, ne voit pas de motif pour vous proposer autre chose que l'adoption de ce projet nouveau, et c'est ce qu'elle vous propose en effet, par cinq voix contre une.

La section fait néanmoins toute réserve, quant au droit constitutionnel de la Chambre d'organiser seule son enquête et par voie réglementaire si elle le trouvait bon. Mais une loi sur ce sujet étant toujours au moins facultative, la réserve faite, aucune objection ne saurait arrêter davantage le vote de la Chambre.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à l'ordre du jour de demain.

La séance est levée à 4 heures 3/4.