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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 29 juillet 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859 extraordinaire)

(page 87) (Présidence de M. Orts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Crombez, secrétaire, procède à l'appel nominal à 3 heures et un quart.

M. de Moor, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez, secrétaire, présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre :

« Le sieur Albert Volleberg, demeurant à Bruxelles, né à Venray (partie cédée du Limbourg), demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Les membres de l'administration communale d'Audenhove-Saint-Géry prient la Chambre d'autoriser la concession d'un chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand, par Enghien, Grammont, Sottegem et Oostersele. »

- Renvoi à la section centrale du projet de loi.


« Des habitants de Roulers demandent qu'il soit donné cours légal en Belgique à la monnaie d'or de France. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Schaerbeek demandent la réunion des faubourgs à la capitale. »

« Même demande d'habitants de Molenbeek-St-Jean. »

- Même renvoi.

Proposition de loi visant à étendre à l’ensemble des arrondissements l’enquête sur les élections dans l’arrondissement de Louvain

Prise en considération

M. Savart. - Je m'explique difficilement, messieurs, comment mes paroles, ont soulevé une tempête dans l'âme, d'ailleurs si impressionnable, de l'honorable M. Dumortier.

Mes paroles n'étaient nullement provocatrices.

Je n'ai pas accusé la minorité. Toujours j'ai été bienveillant pour la minorité en général ; dans la séance d'hier, j'ai encore été bienveillant pour M. Dumortier.

Je me plais à reconnaître, moi, que la minorité compte dans ses rangs des hommes entourés, à juste titre, de l'estime et de la considération publique.

Puisqu'il faut une opposition dans un gouvernement constitutionnel, eh bien, je suis satisfait de rencontrer, dans cette opposition, des hommes qui ont été longtemps à la tête des affaires et dont l'expérience peut être mise à profit.

D'autres hommes qui ont des connaissances spéciales et approfondies sur certaines matières, et qui sont ainsi dans la Chambre d'une haute utilité.

D'autres hommes enfin, orateurs hors ligne, dont la parole jette un vif éclat sur les discussions du parlement belge, et fait honneur au pays. Suivant moi, on peut être bon citoyen sans partager toujours et sur tous les points toutes mes opinions politiques. En certains cas, ces hommes de la minorité, je suis prêt à les combattre ; mais lorsqu'il y a un duel entre eux et moi, je tâche ne pas m'écarter des usages ordinairement observés entre gens bien élevés. La politesse et le savoir-vivre parlementaire n'empêchent pas le courage et rendent la victoire plus glorieuse.

J'ai été bienveillant pour M. Dumortier, puisque j'ai commencé par rendre justice à la pureté de ses intentions, mais en même temps j'ai tâché de démontrer que la proposition de M. Dumortier ne devait pas être prise en considération, 1° parce qu'elle présentait en pratique des difficultés immenses et pour ainsi dire des impossibilités, 2° parce qu'au fond elle ne produirait même aucun bien, et pourrait produire beaucoup de mal.

Il n'y avait rien de blessant pour personne dans ce peu de mois que j’ai prononcés pour appuyer ces deux propositions. Si je connaissais moins l'honorable M. Dumortier, je pourrais croire qu'il avait une indignation toute faite contre la majorité, une indignation conçue et formulée à loisir dans le silence du cabinet, et qu'il était résolu de la faire éclater au grand jour, n'importe à quel propos. Si le siège de M. Dumortier était fait, il s'agissait de l'éditer. Telle serait l'origine attribuée aux paroles acerbes qui ont été prodiguées à la gauche, si on le connaissait moins. J'aime mieux les attribuer à son impétuosité naturelle.

Messieurs, la proposition de M. Dumortier tend à ce que l'enquête embrasse toutes les élections qui ont eu lieu le 14 juin dernier, tant les élections déjà validées, que l'élection de Louvain dont la validité est tenue en suspens. M. Dumortier prétend prouver que les faits qui se sont pratiqués à Louvain se sont pratiqués autre part, ou du moins qu'il y a eu des faits analogues. J'ai opposé à M. Dumortier une espèce de fin de non-recevoir. Dans le droit civil, lorsqu'il s'agit d'enquête, les faits dont une partie demande à faire preuve sont articulés succinctement par écrit : les juges choisissent dans les faits articules ceux qui leur paraissent pertinents. Ils sont insérés dans le jugement. La preuve en est ordonnée. La Chambre sans doute n'est pas soumise avec rigueur à toutes ces formes sous peine de la nullité d'enquête. Mais il est convenable d'observer jusqu'à un certain point les formes essentielles, il est convenable de marcher avec ordre et régularité.

Or, messieurs, nous avons été régulièrement saisis de l'affaire de Louvain, par une plainte qui nous a été adressée.

Aucune plainte ne nous est adressée régulièrement contre les autres élections. Nous ne sommes pas saisis.

Il y a plus, nous sommes dessaisis de tout ce qui est relatif aux élections validées. Il y a chose jugée, nous ne pouvons plus nous en occuper en aucune manière.

1° La pétition de Louvain contient des faits très précis.

On dit nominativement qu'on a donné de l'argent pour acheter des votes électoraux. Qui l'a reçu. On désigne les prix payés, et toutes les circonstances des marchés.

Les faits sont cotés, la Chambre les a déclarés pertinents. On va plus loin, on indique même le nom des témoins, de sorte que la commission d'enquête connaît de prime abord la plupart des témoins qu'elle devra faire citer.

M. Dumortier ne produit aucune plainte, ne précise aucun fait, n'indique aucune circonstance ; nous ne pouvons donc savoir positivement sur quels faits roulera l'enquête.

Nous ne pouvons juger si les faits dont il demande à faire preuve se présentent dans des circonstances qui en rendent la preuve admissible.

Nous ne pouvons peser leur pertinence.

Aucun témoin n'est indiqué.

Il y a là tous les éléments d'une fin de non-recevoir.

2° M. Dumortier veut donner à l'enquête d'immenses proportions. Suivant lui, la commission d'enquête doit porter ses investigations sur toutes les élections du 14 juin.

Il y aurait donc à examiner, outre les élections de Louvain, plus de quatre-vingts élections de sénateurs et de représentants. Le procès verbal d'enquête comprendrait d'énormes et de nombreux volumes.

L'enquête pourrait durer un an et plus.

Son résultat le plus positif serait de priver l'important district de Louvain de sénateurs et de représentants pendant un an environ. Pendant un temps très long, les Chambres belges resteraient incomplètes. On se trouverait engagé dans une voie contraire à la loi, qui veut que quand un membre des Chambres meurt ou donne sa démission, il soit pourvu à une nouvelle élection dans le délai d’un mois. Le législateur a été soigneux d'éviter aux Chambres la position que M. Dumortier leur a préparée.

3° Si M. Dumortier parvenait à prouver qu'autre part qu'à Louvain il y a eu de l'argent distribué aux électeurs en vue du vote qu'ils allaient émettre, que s'ensuivrait-il ?

Celte preuve n'empêcherait pas l'annulation de l'élection de Louvain.

Jamais la Chambre n'accueillera avec faveur une immoralité.

L'élection de Louvain serait brisée parce que la Chambre a été saisie en temps d'une plainte régulière.

Les élections validées resteront debout, par la raison qu'aucune plainte n'est parvenue en temps contre la corruption, parce qu'on ne peut plus atteindre les faits immoraux, parce qu'il y a chose jugée.

Mais quelle serait la position des élus venant à la Chambre, alors qu'on aurait prouvé que dans leurs élections on a fait la même chose que dans les élections de Louvain ?

Ne perdraient-ils pas toute considération ? On dirait avec dédain : Ils siègent à la Chambre. Pourquoi ? Parce que, heureusement pour eux, la plainte adressée contre leur élection n'est pas arrivée à temps.

Quel homme délicat consentirait à rester à la Chambre dans de telles conditions ? Et ne serait-ce pas là diminuer le respect dû à la Chambre ? Ne serait-ce pas ternir l'auréole qui doit l'entourer ? Ne serait-ce pas lui ôter toute force morale ? Ne serait-ce pas infliger au système constitutionnel une incurable blessure ?

L'honorable M. Dumortier, qui aime le régime constitutionnel, qui aime la liberté, n'a pas sans doute prévu le mal qu'il pouvait faire, le coup fatal qu'il portait !

Je persiste donc en mon avis contre la prise en considération de la proposition de l'honorable M. Dumortier.

(page 88) M. Hymans. — Messieurs, j'ai voté, dans ma section, contre la lecture de la proposition de M. Dumortier ; c'est assez dire que je voterai aujourd'hui contre la prise en considération.

Comme je connais le respect profond que la Chambre professe pour le droit d'initiative de chacun de ses membres, comme à ce respect s'ajoute pour moi celui qu'inspirent le talent et les services éminents de l'honorable auteur de la proposition, je désire expliquer, en peu de mots, les motifs de mon vote.

Je voterai contre la proposition de l'honorable M. Dumortier non seulement parce que cette proposition, à mes yeux, tend à compromettre la dignité de la Chambre, à mettre en suspicion l'immense majorité de ses membres, mais surtout parce que cette proposition tend à mettre en suspicion aux yeux de l'étranger la véritable base, le véritable fondement du régime parlementaire que nous tenons à conserver intact.

Je crois qu'il serait d'une insigne maladresse, dans les circonstances actuelles, à une époque de réaction, d'aller faire planer un doute, aux yeux de l'Europe, sur la sincérité de nos institutions. Je crois que ce serait une faute politique sans excuse qui de vouloir affirmer aux yeux de l'Europe que la probité politique est bannie du territoire belge et que notre pays est une halle où les suffrages sont mis aux enchères et se vendent au plus offrant.

Messieurs, la Chambre a prouvé en décrétant une enquête sur les élections de Louvain, elle a prouvé par une rare et j'oserais dire par une cruelle exception à l'égard des représentants d'un arrondissement considérable, combien elle était soucieuse de la dignité du parlement.

Mais aller aujourd'hui sans motifs, sans prétexte, sans autre raison que le désir de récriminer, jeter une suspicion fâcheuse sur le corps électoral tout entier, je dis que ce serait non seulement compromettre la dignité de la Chambre, ce serait faire pis que cela, ce serait faire preuve d'un médiocre respect et j'irai jusqu'à dire d'un profond mépris pour la souveraineté nationale dont nous avons l'honneur d'être les représentants dans cette enceinte.

La Chambre, du reste, aura à discuter à fond toutes ces questions de fraude et de corruption électorale, elle aura à les discuter à propos du vote par ordre alphabétique, et nous verrons alors si les honorables membres qui sont si impatients de prendre aujourd'hui des mesures répressives contre les fraudes électorales, seront aussi prompts à prendre des mesures préventives pour couper le mal dans sa racine.

Je voterai contre la prise en considération de la proposition de l'honorable M. Dumortier. Je fais plus, je l'engage vivement à la retirer dans l'intérêt des travaux de la Chambre qui n'ont pas besoin d'être interrompus par une proposition sans issue. Je l'engage à la retirer dans son propre intérêt. Car si nous n'étions si profondément convaincus du patriotisme de l'honorable M. Dumortier, on pourrait dire sans beaucoup de malice que cette proposition serait considérée par la grande majorité du pays comme un acte de mauvais citoyen.

.M. Dechamps. - Messieurs, je ne veux pas rentrer dans le débat, qui est épuisé, je veux dire quelques mots sur la portée de la proposition de l'honorable M. Dumortier. Je crois qu'on se méprend sur la portée de cette proposition. Messieurs, d'après la théorie qu'ont défendue l'honorable M. Savart, hier et l'honorable M. Muller, on devait croire que l'enquête que vous avez décidée pour l'élection de Louvain serait circonscrite dans la plainte dont la Chambre a été saisie, que la commission d'enquête ne pourrait pas sortir des faits relatés dans la plainte ; c'est là ce qu'a soutenu l'honorable M. Savart hier encore. Or, dans la section dont je faisais partie, lorsqu'on a discuté le projet de loi ayant pour objet de régulariser l'enquête, nous avons été unanimes pour décider que la commission d'enquête avait le pouvoir de sortir évidemment des faits de la plainte, que la commission d'enquête dans l'intérêt de la découverte de la vérité devait examiner tous les faits qui lui seraient soumis ; sans cela, messieurs, il n'y aurait pas de contre-enquête, on ne pourrait pas présenter à l'examen de la commission d'autres faits que ceux qui ont été soumis à la Chambre. Evidemment, messieurs, telle n'est pas votre intention et telle ne peut pas être votre intention ; par conséquent, l'argument de l'honorable M. Savart croule par sa base. Si vous admettez que la commission d'enquête a des pouvoirs généraux pour l'arrondissement de Louvain, si dans l'arrondissement de Louvain, dans le but, par exemple, de comparer les faits qui ont été signalés, à d'autres faits qui ne l'ont pas été, afin de donner une valeur morale à la décision de la commission d'enquête, pourquoi la priver du pouvoir d'examiner les faits qui lui seraient signalés et qui seraient relatifs à d'autres arrondissements ? Pourquoi limiter ses pouvoirs à l'arrondissement de Louvain ? Je suppose que dans les investigations auxquelles la commission d'enquête se livrera on lui signale des faits posés dans d'autres arrondissements, comme on peut lui poser des faits relatifs à l'arrondissement de Louvain et qui ne sont pas signalés dans la plainte, pourquoi lui interdire l'examen de ces faits, si la comparaison à établir peut donner à la décision qu'elle aura à prendre une portée morale beaucoup plus claire, beaucoup plus certaine et si elle peut s'assurer par là si les faits signalés à Louvain n'ont pas été également posés dans presque tous les arrondissements du pays ? Ainsi, messieurs, on s'est mépris sur la portée de la proposition de M. Dumortier, je me permets de faire cette remarque et j'engage mon honorable ami M. Dumortier à y réfléchir. Je crois que la question serait plus clairement posée lorsque nous discuterons la loi qui devra déterminer l'étendue des pouvoirs donnés à la commission d'enquête. Quels sont ces pouvoirs ?

1° Ces pouvoirs sont-ils circonscrits dans les faits de la plainte ? On peut soutenir cette opinion. C'est l'opinion de M. Savart ;

2° Peut-elle examiner les faits qui lui seront signalés et qui n'ont pas été relatés dans la plainte qui a été soumise à la Chambre ;

3° Si d'autres faits qui ont eu lieu dans d'autres arrondissements lui sont signalés, est-ce que ses pouvoirs sont limités à l'arrondissement de Louvain ?

Si vous admettez que l'enquête peut être générale dans l'arrondissement de Louvain, je demande pourquoi elle ne pourrait pas s'étendre à tous les arrondissements.

Pour pouvoir apprécier les faits qui ont été posés dans l'arrondissement de Louvain, il faut, comme terme de comparaison, pouvoir examiner ce qui s'est fait ailleurs.

Je voulais, messieurs, faire remarquer que je ne comprends pas la proposition de mon honorable ami, comme étant la demande d'une enquête générale, mais que je la considère comme tendant à préciser quel sera le caractère des pouvoirs attribués à la commission d'enquête.

M. Savart. - Messieurs, la commission d'enquête aura tout pouvoir pour ce qui concerne l'arrondissement de Louvain ; mais je crois qu'elle n'a pas à porter ses investigations sur d'autres arrondissements ; et la raison, la voici, je croyais l'avoir indiquée clairement, c'est qu'en portant ses investigations sur les autres élections, on jetterait la déconsidération sur d'honorables membres dont l'élection a été validée.

M. B. Dumortier. - Mon honorable ami, M. Dechamps, a parfaitement indiqué la portée de la proposition que j'ai eu l'honneur de vous faire, et dès l'origine, dès la discussion sur les élections de Louvain, j'ai eu l'honneur de l'indiquer d'une manière authentique.

Qu’ai-je eu l'honneur de répéter à plusieurs reprises ? C'est que quand on signale un fait comme un acte de corruption, il importe de savoir si ce fait ne se passe pas dans la plus grande partie de nos districts.

Il est évident que si ce fait, celui de donner une pièce de 5 fr. à un électeur pour le défrayer de ses dépenses, se passe dans beaucoup d'autres districts et si cela peut être établi, il cesse d'être un motif d'annulation des élections de Louvain.

Voilà ce que j'ai toujours a eu l'honneur de vous dire. On peut bien donner à la proposition que j'ai eu l'honneur de faire une portée indéfinie ; c'est un système commode pour faire disparaître ma proposition, mais c'est mettre de côté les explications que j'ai eu l'honneur de vous donner depuis le commencement de ces débats.

Il faut, selon moi, que l'enquête soit comparative. Eh bien, mon honorable ami, M. Dechamps, vous l'a dit tout à l'heure, rien n'est plus facile que d'établir que les mêmes faits se passent dans d'autres districts dans des conditions absolument analogues à celles qui se sont présentées dans l'arrondissement de Louvain. Eh bien, qu'ai-je demandé ? C'est que vous donniez à la commission le pouvoir d'établir ce fait.

On me fait une objection ; on me dit que ma proposition tend à jeter la déconsidération sur le pouvoir parlementaire. Messieurs, si tel pouvait être le résultat de ma proposition, je me serais bien gardé de vous la présenter. Mais, veuillez-le remarquer, l'enquête que vous aviez ordonnée est un premier fait qui jette la déconsidération sur le pouvoir parlementaire, et, ce fait, il ne vient pas de ceux qui ont repoussé l'enquête ; et lorsque vous nous forcez, pour défendre nos amis, de venir établir que dans d'autres districts de pareils faits se sont passés, ce n'est pas nous que vous pouvez accuser d'être les agresseurs.

Je n'admets pas, messieurs, que ma proposition puisse avoir pour effet de jeter la déconsidération sur le pouvoir parlementaire. Certes en Angleterre le pouvoir parlementaire n'est pas déconsidéré ; il jouit au contraire chez le peuple anglais et dans toute l'Europe, d'une immense considération, et cependant il n'est pas rare de voir le parlement anglais ordonner des enquêtes non seulement sur un seul bureau d'élection, mais sur tous les bureaux d'élection.

Au mois de juin 1858, une semblable enquête a été ordonnée sur les dépenses électorales et sur la corruption électorale ; cette enquête s'étendait à toute l'Angleterre. Peut-on dire que le pouvoir parlementaire en Angleterre a été déconsidéré parce qu'on a publié, par ordre du parlement, les chiffres des dépenses faites dans presque tous les districts électoraux ? Je vous ai donné lecture, il y a quelques jours, de quelques-uns de ces chiffres ; ils établissent que certain candidat, pour se faire élire, a dû dépenser 30,000, 80,000 et jusqu'à 150,000 francs. L'Angleterre a-t-elle été déconsidérée parce qu'elle a voulu jeter la lumière sur certains faits ? Nullement. Encore une fois ces faits sont le résultat des luttes politiques, des luttes de parti. Plus vous provoquerez aux luttes de partis, plus vous provoquerez aux dépenses électorales et aux abus qui peuvent en résulter.

Mais, dit-on, l'enquête, telle que je la demande, pourra signaler à l'égard de membres de la Chambre, déjà admis, des faits analogues à ceux qui se rattachent à l'élection de Louvain. Messieurs, en aucun cas vous n'échapperez à cette révélation. A défaut de preuves orales, nous chercherons à nous procurer des preuves écrites et nous serons forcés alors de venir déclarer ici les noms de ceux d'entre vous qui auront été élus dans de semblables conditions ou grâce à d'autres moyens.

Ainsi, dans la discussion j'ai fait allusion au fait de la commune de Belecom. Il y a encore d'autres faits semblables. Il est indispensable (page 89) que l'enquête porte sur ces faits. En matière de corruption, puisque corruption il y a, les faits les plus graves sont, sans doute, ceux qui se passent aux dépens du trésor public.

Je ne pense donc pas qu'il y ait une si grosse affaire dans ma proposition. Je me suis borné à demander que l'examen soit comparatif : La gauche s'oppose à la prise en considération de cette proposition. Est-ce là de la justice ? La gauche veut bien faire une enquête contre nos amis mais elle ne veut pas que l'enquête atteigne les membres de la majorité.

- La discussion est close.


M. le président. - Je mets aux voix la prise en considération de la proposition de M. B. Dumortier.

- Des membres. - L'appel nominal !

- Il est procédé à cette opération.

En voici le résultat :

67 membres sont présents.

22 répondent oui.

45 répondent non.

2 (MM. Thibaut et Vermeire) s'abstiennent.

En conséquence, la proposition n'est pas prise en considération.

Ont répondu oui : MM. de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, R. Dumortier, d'Ursel, Janssens, Magherman, Moncheur, Nothomb, Snoy, Vander Donckt, Van Renynghe, Verwilghen, Wasseige, Coomans, Dechamps et de Decker.

Ont répondu non : MM. de Moor, de Rongé, de Vrière, Frère-Orban, Goblet, Grosfils, Hymans, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Muller, Nélis, Orban, Pirmez, Rogier, Savart, Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Van Leempoel, Van Volxem, Allard, Ansiau, Carlier, Coppieters t'Wallant, Crombez, Dautrebande, David, de Bast, de Boe, de Breyne, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Lexhy, Deliége et Orts.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés d'en faire connaître les motifs.

M. Thibaut. - J'aurais approuvé l'enquête générale dans le sens indiqué tout à l'heure par l'honorable M. Dechamps et ensuite par l'honorable M. Dumortier. Mais il m'a paru que la proposition n'était pas un résumé exact des discours que nous avons entendus ; c'est pour ce motif que je n'ai pas pu voter en faveur de cette proposition.

M. Vermeire. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. le président. - Nous avons à l'ordre du jour un vote sur les conclusions d'un rapport de la commission des naturalisations saisie d'une demande de naturalisation ordinaire faite par le sieur Knapen (Toussaint-Antoine-Florent-Victor). La commission propose de décider qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur cette demande, le pétitionnaire ayant la qualité de Belge.

- Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Nous avons maintenant le projet de loi relatif à la révision des évaluations cadastrales. (Interruption.)

- Plusieurs membres. - A mardi !

M. Vander Donckt. - Les membres qui semblent vouloir ajourner l'examen de ce projet de loi se méprennent évidemment sur la portée de l'objet dont il traite. Ce projet a tout simplement pour but d'autoriser le gouvernement à faire procéder aux opérations préliminaires et ce n'est que lorsque ces opérations seront terminées que nous aurons à examiner à fond la révision des évaluations cadastrales. M. le ministre des finances nous dit même, dans l'exposé des motifs, que, pour le cas où la Chambre n'aurait pas tous ses apaisements et ne trouverait pas que le travail fût suffisant, ce travail ne serait pas perdu et la Chambre pourrait ordonner le travail supplémentaire si elle le jugeait nécessaire. Je convie donc la Chambre à entamer dès aujourd'hui l'examen du projet de loi soumis à nos délibérations.

M. le président. - Je crois que la Chambre est disposée à examiner le projet de loi, mais qu'elle n'est pas disposée à l'examiner aujourd'hui. Ou pourrait tout concilier en mettant le projet de loi à l'ordre du jour de la séance de mardi.

M. De Lexhy. - Je propose de remettre la discussion de ce projet de loi à la session ordinaire qui doit s'ouvrir au mois de novembre prochain. Nous ne devons, me semble-il, nous occuper dans cette session extraordinaire que du projet de loi qui a nécessité cette session.

M. Vander Donckt. - Je dois quelques mots de réponse à l'honorable préopinant. Non seulement il se méprend sur la portée du projet de loi ; mais il perd de vue que l'ajournement qu'il propose nous ferait perdre toute une année de travail. Il faut dix-huit mois pour faire le travail préparatoire ; vous perdrez donc une année si vous renvoyez le projet à la session ordinaire. Il ne donnera pas lieu à une longue discussion, toutes les sections l'ont adopté et la section centrale également, sauf quelques légères modifications d'accord avec le gouvernement. D'ailleurs l'ordre du jour est épuisé et nous serons exposés à avoir des séances blanches.

C'est un travail, dit l'honorable membre, qui appartient à une session ordinaire. Mais ne perdons pas de vue que nous sommes exposés à avoir des séances blanches ; notre ordre du jour est presque épuisé. Pourquoi donc ne pas examiner un projet de loi qui ne nous prendra peut-être qu'une demi-séance ?

M. De Lexhy. - Je persiste dans ma proposition.

M. Moncheur. - J'appuie la proposition de l'honorable M. de Lexhy. Les questions qui peuvent surgir à l'occasion du projet de loi sur la révision des opérations cadastrales sont extrêmement importantes, je dirai même qu'elles sont immenses.

Fera-to-n une simple révision dans le sens indiqué par le projet de loi ! fera-t-on une révision plus radicale ? Je crois que ce sont des questions qui doivent être examinées dans une session ordinaire. Je ne crois pas que nous soyons dans des conditions convenables pour nous occuper d'un projet de cette importance.

Je propose donc aussi d'ajourner l'examen de ce projet de loi à la session prochaine.

M. Pirmez. - Nous n'avons plus rien à notre ordre du jour. Je propose à la Chambre de s'ajourner jusqu'au moment où le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif aux travaux publics pourra être déposé ?

M. Allard. - Et la loi d'enquête ?

M. Pirmez. - Je modifierai, si l'on veut, ma proposition en ce sens que la Chambre s'ajournera jusqu'à ce que des rapports soient prêts à être discutés et que M. le président nous convoque pour les examiner. Mais évidemment nous ne pouvons plus nous réunir utilement.

M. Goblet. - Je suis prêt à me rallier à la proposition de l'honorable M. de Lexhy d'ajourner la discussion sur le projet de loi sur les opérations cadastrales, parce que ce projet pourra soulever d'assez longues discussions, et qu'il n'est pas encore assez étudié par les membres de la Chambre. Mais il y a un autre projet très important, très urgent, c'est celui de la réduction des péages sur les canaux. Si vous vous ajournez jusqu'à ce que le rapport de la section centrale sur le projet de loi des travaux publics soit déposé, évidemment, encore une fois, la question des péages des canaux est enterrée pour cette session. Eh bien, la présentation du projet de loi, si on ne le discute pas immédiatement, aura produit plus de mal que de bien.

Tous les industriels attendent ; ils sont dans l'incertitude quant au taux de la diminution et il n'y a plus de transaction possible.

C'est donc une question qu'il faut terminer immédiatement. Si la Chambre est disposée à s'ajourner, je demande que le projet de loi sur les péages soit renvoyé à une commission spéciale qui pourra nous faire son rapport dans peu de jours et nous permettre ainsi de discuter ce projet avant la fin de cette session extraordinaire.

M. le président. - On pourrait décider que la commission qui a examiné la proposition de M. J. Jouret sera chargée d'examiner, comme commission spéciale, le projet du gouvernement.

M. Vermeire. - Messieurs, tout le monde est intéressé dans la question des péages, non seulement les bassins houillers, mais aussi et surtout les consommateurs qui doivent recevoir les marchandises transportées par le canal de Charleroi.

Renvoyer le projet de loi à la commission qui a pris l'initiative de cette mesure, ce serait remettre la question dans les mêmes mains. Je crois que si l'examen du projet n'a pas lieu par les sections, mieux vaudrait le renvoyer à une commission spéciale qui serait nommée par le bureau.

M. Goblet. - Je ferai remarquer que j'ai proposé de renvoyer le projet, non à l'ancienne commission, mais à une commission spéciale que le bureau pourrait nommer.

M. Pirmez. - L'honorable M. Vermeire est dans l'erreur sur la portée de la proposition de l'honorable M. Goblet.

La commission qui a élaboré ce projet de loi sur les péages est une commission extra-parlementaire ; il ne peut donc être question de lui renvoyer le projet.

Mais on pourrait le renvoyer soit à la section centrale qui a examiné la proposition de l'honorable M. Jouret, soit à une commission spéciale.

Maintenant je demanderai à la Chambre de s'ajourner non pas jusqu'à ce que le rapport sur les travaux d'utilité publique soit déposé, mais jusqu'au moment où le bureau croira utile de nous réunir, parce que des rapports seront prêts soit sur l'enquête, soit sur le projet des péages, soit sur le projet des travaux publics.

M. Goblet. - Je me rallie à cette proposition.

M. J. Jouret. - Je crois qu'il faut nous rallier à la proposition d'envoyer le projet de loi sur les péages à l'ancienne section centrale qui a examiné ma proposition. Il ne s'agit que de décider une question de quantum, et cette section centrale est parfaitement apte à résoudre cette question.

M. de Boe. - Je crois qu'il serait bon que les trois sections centrales dont on vient de parler fussent autorisées à faire imprimer leurs rapports sans dépôt préalable. (Adhésion.)

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des finances

Rapport de la section centrale

M. Muller. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi allouant un crédit de 114,397 francs 49 centimes, demandé par M. le ministre des finances pour indemniser les négociants qui ont essuyé des pertes lors de l'écroulement de l'entrepôt d’Anvers.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.

Ordre des travaux de la chambre

M. Loos. - Comme toutes les sections n'ont pas terminé l'examen du projet de loi des travaux publics, je crois que la Chambre ferait bien de ne pas s'ajourner aujourd'hui. Elle pourrait se réunir demain et examiner le projet de loi sur lequel l'honorable M. Muller vient de faire rapport, projet qui est très urgent.

M. Muller. - Mon rapport pourra être promptement imprimé ; il est très court.

- La Chambre décide qu'elle aura séance demain et qu'elle examinera dans cette séance le projet de loi sur lequel il vient d'être fait rapport.

M. le président. - Il reste à décider comment sera examiné le projet de loi relatif aux péages sur les canaux et rivières.

M. Vermeire. - Je dois faire remarquer que le projet de loi sur les péages ne s'applique pas exclusivement au canal de Charleroi. Ce projet soulève une foule de questions : il introduit un nouveau système de perception sur les péages ; il modifie le taux des péages perçus sur d'autres rivières ; il autorise le gouvernement à en établir là où il n'y eu a pas encore.

Un projet de cette importance ne doit pas, selon moi, être renvoyé à une commission spéciale, il mérite d'être examiné attentivement par toutes les sections.

M. Coomans. - A l'appui de ce que vient de dire l'honorable M. Vermeire, je ferai remarquer que le projet de loi sur les péages a été renvoyé à l'examen des sections et qu'il n'y a pas de motifs pour revenir sur cette décision. Ren n'est plus facile, du reste, que d'examiner demain ce projet de loi en sections.

M. le président. - S'il n'y a pas d'opposition, ce projet sera mis à l'ordre du jour des sections pour demain.

- La séance est levée à 4 heures et demie.