(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859 extraordinaire)
(page 84) (Présidence de M. Orts.)
M. Crombez, secrétaire, procède à l'appel nominal à 3 heures et un quart.
M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. Crombez, secrétaire, présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre :
« Des habitants de Thielt demandent qu'il soit donné cours légal en Belgique à la monnaie d'or de France. »
« Même demande d'habitants de Bruges. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs bateliers de la province de Namur demandent que la canalisation de la Meuse ou du moins des travaux d'amélioration à exécuter dans ce fleuve soient compris dans le projet de loi relatif à l'exécution de divers travaux d'utilité publique. »
M. Thibaut. - Messieurs, vous avez pu vous convaincre, à la simple lecture du projet de loi dont vous vous occupez en sections, que la province de Namur a été complètement oubliée ou négligée par le gouvernement, dans la répartition des travaux d'utilité publique qu'il propose.
Des bateliers et des riverains de la Meuse s'adressent à la Chambre, en la priant de réparer cette omission et d'accorder des fonds pour poursuivre l'œuvre, si utile et si profitable au commerce et à l'industrie, de la canalisation du fleuve jusqu'à la frontière de France. Cette réclamation, messieurs, je la crois parfaitement fondée. J'en demande le renvoi à la section centrale compétente, en la recommandant à l'examen attentif de ses membres.
M. Moncheur. - J'appuie la proposition que vient de faire M. Thibaut.
La canalisation de la Meuse est commencée ; il s'agit de la terminer et la chose est d'autant plus urgente, que le ministère lui-même a reconnu qu'un service spécial devait être constitué pour l’établissement de ce travail et qu'il a constitué ce service spécial. Les plans sont à peu près terminés,
J'espère que la Chambre prendra en considération les motifs que vient de faire valoir l'honorable préopinant et qui se trouvent dans la pétition dont il s’agit pour comprendre dans le projet les travaux à exécuter à la Meuse.
M. Wasseige. - J'ajouterai aux considérations que viennent de faire valoir les honorables préopinants qu'il est de l’intérêt du gouvernement que les travaux à la Meuse soient exécutés le plus complètement et le plus promptement possible. Car aussi longtemps qu'ils ne sont pas terminés, ils ne produisent pas ce qu'on doit en attendre, ni dans l'intérêt du commerce, ni dans l'intérêt du batelage, et par conséquent, les péages ne produisent par ce qu'ils pourraient produire, car du moment qu'il se trouve un point qui n'a plus assez d'eau, c'est à peu près comme si rien n'était fait.
J'ajoute que si le projet de loi que nous examinons en ce moment en sections était adopté, le surplus des revenus ordinaires sur les dépenses serait engagé pendant un très grand nombre d'années, ce qui remettrait à une époque très éloignée tous nouveaux travaux d'utilité publique et, par conséquent, ceux en exécution à la Meuse.
C'est donc le moment d'examiner sérieusement cette question et j'espère que la section centrale, à laquelle la pétition sera renvoyée, voudra bien décider. en toute justice la part revenant à la province de Namur, si mal partagée dans le projet de loi soumis à vos délibérations.
M. de Smedt. - Je recommande également à l'attention des membres de la section centrale la pétition qui nous a été envoyée, il y a deux jours, par le conseil communal de Nieuport et qui demande l'exécution de travaux d'amélioration au port de cette ville. Depuis que la Belgique existe, ces travaux ont été complètement négligés ; rien n'a été fait ; on s'est borné à quelques travaux d'entretien complètement insuffisants.
- La proposition de M. Thibaut est adoptée.
Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« M. le bourgmestre de Nieuport fait parvenir 135 exemplaires d'une requête que le conseil communal de cette ville vient d'adresser à la Chambre. »
- Distribution aux membres de la Chambre.
« Des habitants de Leeuwergem demandent que le gouvernement soit autorisé à concéder un chemin de fer de Braine-le-Comte à Melle, par Enghien, Grammont et Sotteghem.
M. de Naeyer. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi présenté par M. le ministre des travaux publics. Je ferai observer que déjà la Chambre a reçu plusieurs pétitions relatives au même objet, avant la présentation du projet de loi. Ces pétitions ont été renvoyées à la commission des pétitions. Je crois qu'il y aurait lieu de modifier cette décision et de renvoyer toutes les pétitions relatives à ce chemin de fer à la section centrale qui sera chargée de l'examen du projet de loi présenté par le gouvernement. J'en fais la proposition.
- La proposition de M. de Naeyer est adoptée.
Vote des conclusions de la commission d’industrie sur des pétitions relatives à l’établissement d’un droit d’entrée sur les houilles
La commission conclut au renvoi de la pétition à M. le ministre des. affaires étrangères, avec demande d'explications.
- Ces conclurions sont mises aux voix et adoptées.
Vote des conclusions de la commission d’industrie sur des pétitions relatives au droit d’entrée sur les houblons
La commission conclut au renvoi à MM. les ministres des affaires étrangères et des finances.
- Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.
Nombre de votants, 59.
Majorité absolue, 30.
Le sieur Servais-Hubert Léopold Drouven, préposé dans le service des fourrages, pour l'armée, né à Maestricht, le 6 novembre 1813, domicilié à Saint-Trond, obtient 42 suffrages.
Le sieur Pierre-Louis-Valentin Cordier, troisième régent à l'école moyenne de l'Etat, né à Courset (France) le 5 août 1814, domicilié à Jodoigne (Brabant), 40.
Le sieur Corneille Loos, marchand de grains et cultivateur, né à Roosendael et Nispen (Pays-Bas), le 8 juillet 1808, domicilié à Esschen (Anvers), 47.
Le sieur Adam César Czéczott, agriculteur, né à Boracin (Russie), le 6 septembre 1808, domicilié à Laeken, 45.
Le sieur Georges INeu, employé à l'administration des chemins de fer de l'Etat, né à Wiltz (grand-duché de Luxembourg), le 28 décembre 1833, domicilié à Bruxelles, 45.
Le sieur Gustave Trapmann, industriel, né à Heinsberg (Prusse), le 6 août 1811, domicilié à Liège, 46.
Le sieur Nicolas Bouquet, commis au bureau de la conservation des hypothèques, né à Wiltz (grand-duché de Luxembourg), le 16 juillet 1833, domicilié à Arlon, 43.
En conséquence, toutes ces demandes sont prises en considération.
M. B. Dumortier. - Messieurs, j'avais peu de choses à dire, pour développer la proposition que j'ai eu l'honneur de déposer. Il s'agissait de la vérification des élections du district de Louvain.
Pour demander une enquête, on objectait certains faits qu'on prétendait être de corruption ; j'ai dit à la Chambre qu'avant de prendre une décision sur les élections de Louvain, il fallait voir si des faits semblables ne s'étaient pas passés dans d'autres districts ; qu'à cet effet, je demandais que l'enquête portât sur toutes les élections du mois de juin ; que si les faits dont on accusait les électeurs de Louvain s'étaient passés dans d'autres arrondissements dont les élections n'avaient pas été annulées, il me semblait que ces faits n'étaient pas de nature à faire annuler l'élection de Louvain.
Messieurs, ce qu'on appelle corruption électorale est quelquefois un fait absolu et quelquefois un fait comparatif. C'est un fait absolu, si vous entendez par corruption toute dépense, quelle qu'elle soit, qui se fait pour obtenir un vote, toute faveur, quelle qu'elle soit, destinée à amener le même résultat. Si c'est là pour vous de la corruption électoral, vous avez posé alors un fait absolu. Mais ce n'est pas ainsi qu'on l'entend, c'est donc seulement un fait relatif, un fait de comparaison.
(page 85) Or, pour juger si le fait est mauvais, s'il doit amener l'annulation d'une élection, il faut voir s'il ne se passe pas ailleurs que dans le district de Louvain.
Eh bien, messieurs, voilà le but que je me suis proposé en déposant ma proposition sur le bureau.
J'ai demandé et je demande encore que l'examen soit comparatif, c'est-à-dire qu'on examine les faits qui se sont passés dans les autres districts électoraux.
On m'objectera que les autres élections sont vérifiées ; eh bien, c'est précisément pour cela qu'il faut faire l'enquête, comme je la demande ; car si l’enquête constate que des faits analogues à ceux qui se rattachent à l'élection de Louvain se sont passés dans d'autres bureaux électoraux, vous devrez nécessairement valider l'élection de Louvain.
Je demande donc que la Chambre veuille ordonner que la commission d'enquête ait pour mission d'examiner ce qui, au mois de juin, s'est passé ailleurs que dans le district de Louvain.
Un autre motif milite en faveur de ma proposition. On a dit et répété dans la discussion qu'on voulait s'assurer des abus qui avaient eu lieu en matière électorale, afin de voir s'il n'y avait pas lieu de parer à ces inconvénients par une loi.
Eh bien, messieurs, si c'est là le but que vous avez en vue, il ne faut pas vous attacher à une élection isolée, il faut porter vos investigations sur l'ensemble des élections.
Voilà, messieurs, la proposition que je fais. Remarquez bien que cette proposition ne peut point arrêter les résultats de l'enquête relative aux élections de Louvain ; quels que soient ces résultats, nous serons amenés à examiner si les faits sont tels qu'ils doivent avoir pour conséquence l'annulation des élections dans lesquelles ils se sont produits. Pour moi, j'ai la conviction profonde, et, je puis le déclarer à la Chambre, j'ai la preuve en mains qu'il est d'autres districts que celui de Louvain dans lesquels de l'argent a été donné aux électeurs qui avaient à faire un parcours de quelques lieues pour aller voter. Eh bien, je demande que la preuve de ces faits puisse être faite partout où ces faits se sont produits.
La proposition de M. Dumortier est appuyée par plus de 5 membres ; en conséquence, la discussion est ouverte sur la prise en considération.
M. Savart. - Je suis d'avis qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération la proposition de l'honorable M. H. Dumortier.
Je comprends bien la portée de cène proposition : l'honorable M. Dumortier voudrait, à l'aide de ce qu'il prétend s'être passé dans d'autres districts électoraux du pays, prouver que l'immoralité qu'on reproche aux élections de Louvain est nulle ou fortement affaiblie ; car, si on a fait à Louvain ce qu'on a fait partout, pourquoi donc s'attaquerait-on plutôt aux élections de Louvain qu'à toutes les autres ? Telle est bien la pensée de l'honorable M. Dumortier. Or, il me semble impossible que vous preniez en considération sa demande telle qu'elle est formulée.
Chaque fois qu'il s'agit d'ouvrir une enquête, elle doit rouler sur des faits pertinents, positifs et autant que possible sur des faits qui sont posés et cotés. Or, l'honorable M. Dumortier n'a posé aucun fait. ; il n'est pas venu dire qu'aux élections de juin, dans tel ou tel district on a pratiqué tel ou tel fait ; de sorte que nous sommes complètement dans le vague ; nous ne savons pas sur quoi doit rouler l'enquête. Pourquoi, messieurs, avez-vous ordonné une enquête à propos de l'élection de Louvain ? Parce que vous étiez saisis d'une requête dans laquelle différents faits ont été nettement articulés, et la commission qui sera appelée à juger ces faits ou peut-être nous-mêmes, nous aurons à choisir parmi ces faits quels sont ceux sur lesquels devra rouler l'enquête ; car il est possible que tous les faits articulés ne doivent point faire l'objet de l'enquête ; et qu'il n'y ait lieu pour la commission de porter ses investigations que sur les faits de corruption. C'est du moins ce que je proposerai quand nous examinerons le projet de loi.
Mais ici quels sont les faits que l'honorable M. Dumortier veut prouver ? Personne ne le sait ; comment donc pourrions-nous prendre sa demande en considération ?
Du reste, quant aux élections validées, c'est chose jugée, et quels que soient les faits auxquels elles ont pu donner lieu, on ne pourrait jamais remettre en question la validité du mandat des élus dont les pouvons ont été reconnus. Quant à celles-ci, la proposition ne pourrait donc avoir qu'une portée très éloignée et elle n'aurait d'autre objet que de prouver que les élections de Louvain ne sont pas autant qu'on le croit entachées d'immoralité.
Dans tous les cas, je le répète, aucun fait n'étant articulé quant à ces élections, il est impossible d'accueillir la proposition qui vous est faite.
M. B. Dumortier. - Je suis surpris que l'honorable préopinant vienne présenter comme une. objection à ma proposition, cette circonstance que les faits doivent être pertinents et cotés. L'enquête ordonnée par la Chambre n'a jusqu'ici posé aucun fait pertinent et coté.
M. David. - Vous l'avez dit vous-même.
M. B. Dumortier. - J'ai dit qu'il' fallait des faits pertinents et que jusqu'ici il n'y en a point. Si les faits doivent être pertinents et cotés, ils le seront par la Chambre, mais vous pouvez le voir par le procès-verbal, la Chambre, lorsqu'elle a décidé l'enquête, n'a coté aucun fait pertinent. Dès lors l'objection de l'honorable M. Savart tombe complètement.
Mais il y a plus ! qu'ai-je demandé dans la proposition que j'ai eu l'honneur de vous faire ? C'est que l'enquête dans les autres districts roulât sur les mêmes fûts que ceux reprochés à l'élection de Louvain. Ainsi les faits sont pertinent et cotés. La question est de savoir si des faits analogues se sont passés dans d'autres districts et si ces faits ne sont pas généraux.
Je crois qu'à moins de vouloir la chose la plus scandaleusement injuste, on ne peut admettre que des faits qui se seraient passés dans d'autres districts et qui n’auraient pas donné lieu à des annulations d'élections pourraient justifier l'annulation des élections de Louvain. Personne, bien certainement, ne voudrait cela. Mais s'opposer à la proposition que j'ai eu l'honneur de déposer, ce serait arriver au même résultat d'une manière indirecte. Ce serait dire : Nous voulons prouver que le parti conservateur a agi par la corruption, mais nous ne voulons pas qu'il soit prouvé qu'on a agi de même dans le parti contraire. Voilà la conséquence.
Eh bien, vous êtes majorité. Si vous rejetez la prise en considération de ma proposition, le pays comprendra la signification de ce vote ; il saura que vous voulez frapper vos adversaires, que vous voulez frapper la minorité, mais que vous ne voulez pas qu'on examine les moyens par lesquels vous êtes parvenus à siéger dans cette enceinte.
Messieurs, il est loin de ma pensée qu'on doive revenir sur les élections qui ont été validées. Cela n'est pas possible, et quant à moi, si on le proposait, je serais le premier à prendre la parole pour m'y opposer. Mais pour pouvoir vous prononcer sur les élections de Louvain, le premier point que vous devez connaître, c'est si les faits qui s'y sont passés sont des faits exceptionnels ou des faits généraux.
Un second point essentiel, c'est d'éclairer l'assemblée sur les dispositions qu'elle doit prendre en matière de ce qu'on a appelé la corruption électorale. Dans l'un et l'autre cas, ce n'est pas par l'enquête portée sur un seul district que vous pouvez voir clair.
Je maintiens qu'il sera établi par l'enquête générale que dans beaucoup de districts on a agi comme à Louvain et je répète que j'en ai la preuve en poche.
Je demande donc que l'enquête que vous avez décidée n'ait pas un caractère exceptionnel, qu'elle soit générale, qu'il puisse être établi que les mêmes faits se passent dans tout le pays, que dans d'autres districts on a donné 5 francs à des électeurs pour venir voter. La Chambre comprendra alors que ce qui s'est fait à Louvain n'est pas un abus spécial, n'est pas un moyen de corruption, attendu qu'il n'a pas été considéré comme moyen de corruption dans les autres districts, et que ce serait une iniquité, un scandale que de frapper quatre collègues parce qu'ils sont de la minorité.
M. Muller. - Au nom de la majorité, je repousserai certaines insinuations de l'honorable M. Dumortier.
M. B. Dumortier. - Je n'ai pas fait d'insinuations.
M. Muller. - Si ce ne sont pas de simples insinuations, c'est donc plus, et nous devrons y voir des attaques malveillantes
L'honorable M. Dumortier, qui ménage trop peu ses paroles, qui n'a pas pour ses adversaires les égards qu'ils ont pour lui, maintient, après le vote de la Chambre comme avant, que la majorité voudrait faire un acte de parti, frapper quatre députés, purée qu'ils appartiennent au parti conservateur.
Je proteste, au nom de notre loyauté, contre un semblable soupçon, contre ce qui est opposé à tous nos sentiments.
Maintenant, que vous propose l'honorable député de Roulers ? De renverser ce que vous avez fait dans votre séance du 16 ou du 18 de ce mois. Vous avez validé les élections du pays, à l'exception de celle de Louvain. Celles de Roulers ont été validées comme les autres. Aucune plainte n'est parvenue au sein de cette Chambre, n'a été déposée sur le bureau contre des moyens d'influence illégitimes, contre des actes de corruption ou d'intimidation qui auraient été commis pour attribuer à tel ou tel député la majorité dans ces collèges électoraux.
Vous devez donc supposer que s'il n'y a pas eu de réclamation, c'est que les opérations électorales, les faits qui les ont précédées étaient à l'abri de tout reproche, et il ne nous appartient pas de faire une enquête qui aurait pour résultat, sinon d'invalider légalement les pouvoirs de ceux que vous avez proclamés élus et qui ont prêté serment dans cette enceinte, au moins de détruire leur influence morale, leur considération, de les casser aux yeux du pays. Car c'est là le résultat que vous atteindriez.
Je conçois qu'à propos du projet de loi qui est encore à l'ordre du jour, à propos du projet de loi qualifié d'ordre alphabétique et à l'occasion duquel le gouvernement doit rechercher tous les moyens de prévenir les actes de pression et d'intimidation, et les mesures qui peuvent assurer le mieux l'indépendance, la liberté et la facilité des électeurs ; je conçois, dis-je, que. par une proposition qui n'ait aucune espèce de connexité avec l'enquête relative aux élections de Louvain, vous demandiez que des renseignements soient pris sur les pratiques électorales du pays, sur ce qu'elles présentent de plus ou moins légitime, de plus ou moins blâmable.
(page 86) M. B. Dumortier. - C'est ce que j'ai demandé.
M. Muller. - Vous le demandez par application directe aux élections de Louvain et par terme de comparaison ; c'est ce que vous ne pouvez pas faire.
II vous sera libre, à l'occasion d'une loi générale, de plaider qu'on a vu faire ailleurs ce qui est dénoncé à Louvain.
M. Coomans. - Et de prouver.
M. Muller. - Vous ne le prouverez pas, sans dépasser votre droit, pour des élections validées ; mais vous établirez, si vous le pouvez, que cela se pratique d'une manière trop générale.
Du reste, quant à moi, je dirai que lors même que vous prouveriez qu'on a distribué de l'argent dans d'autres districts que dans celui de Louvain, ce ne serait pas un motif de ne pas annuler les élections de Louvain. Si cet acte blâmable avait été dénoncé dans d'autres collèges, nous aurions pris la même mesure, mesure qui n'est pas injuste, puisque nous ne demandons qu'une chose, c'est d'être éclairés.
On dit que dans les faits qui out été dénoncés, il n'y avait rien de pertinent. Vous, minorité, vous avez, il est vrai, soutenu que ces faits n'avaient rien de pertinent ; mais la majorité qui a admis l'enquête, a reconnu que ces faits étaient pertinents, en ce sens qu'on désignait les moyens d'arriver à la preuve de faits précis ; et c'est l'opération que nous sommes appelés maintenant à exécuter.
Je termine : messieurs, la proposition de l'honorable M. Dumortier ne peut pas être admise par la Chambre. Elle n'aurait qu'un but : ce serait, en définitive, d'entraver, de retarder, de rendre peut-être impossible l'enquête que vous avez décidée. Or, il faut que l'acte que la Chambre a posé soit suivi d’exécution.
M. B. Dumortier. - Il m'est impossible d'entendre l'honorable préopinant vouloir toujours régenter l'assemblée.
M. Muller. - Je ne régente personne ; c'est vous qui régentez l'assemblée.
M. B. Dumortier. - Je ne régente personne ; je ne fais la leçon à personne. J'exprime mou opinion ; mais je me garde bien de faire la leçon à mes collègues, et c'est malheureusement ce que vous ne pouvez vous passer de faire.
Je dis que l'honorable membre prend un rôle extrêmement commode lorsqu'il dit que je ménage trop peu mes paroles, que je n'ai pas pour mes collègues les égards qu'ils ont pour moi. que je me livre à des attaques malveillantes contre la majorité. Il est facile à l'honorable membre de soutenir cela lorsqu'il dénature complétement mes paroles.
J'ai parlé dans l'hypothèse où la Chambre rejetterait ma proposition et je ne sais pas comment elle va voter. Si j'avais parlé de la sorte de ce qui s'est passé une autre fois, vous auriez peut-être raison. Mais vous devez assez comprendre les finesses de la langue française, pour savoir que parler d'un fait qui n'a pas encore eu lieu ou d'une mesure qui est décidée, sont deux choses tout à fait différentes ; et si vous avez oublié votre langue j'ai l'honneur de vous l'apprendre en ce moment.
M. Muller. - Heureusement, j'ai eu d'autres précepteurs que vous.
M. B. Dumortier. - Mais en quoi consistent donc ces attaques malveillantes contre la majorité ?
J'ai dit que si la majorité ne voulait pas faire une enquête comparative, si elle voulait arriver à l'élimination de quatre de nos collègues sans vouloir s'éclairer sur des faits semblables qui se sont passés ailleurs, le pays aurait à voir si ce n'était pas là un acte de majorité contre la minorité. Eh bien, ce fait je le maintiens. Je maintiens que la minorité doit avoir au moins la sollicitude de la majorité et que si la majorité n'a pas pour elle de sollicitude, elle se livre, pour me servir d'une expression de l'honorable M. Muller, a une attaque malveillante contre la minorité.
Certainement, messieurs, nous ne sommes que 45 ; vous êtes 70. Vous pouvez facilement faire de l'ostracisme. Mais est-ce là de la justice ?
Les faits qui ont été cotés dans la pétition de Louvain et que vous appelez pertinents, sont relatifs à 5 fr. donnés à des électeurs distants du chef-lieu de 4 ou 5 lieues, pour les indemniser des dépenses qu'ils doivent faire pour se rendre au lieu de l'élection et y dîner. Eh bien, nous disons qu'il peut être établi que des faits semblables se passent dans presque tous les districts de la Belgique.
L'honorable M. Muller nous dit que quand bien même des faits semblables se passeraient dans toute la Belgique, il validerait les autres élections, parce qu'elles n'ont pas été l'objet de réclamations, et qu'il annulerait celle de Louvain. Eh bien, je dis que si vous agissiez de la sorte, c'est que vous voudriez frapper quatre collègues parce qu'ils sont conservateurs.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Attendez les résultats de l'enquête
M. B. Dumortier. - Faites l'enquête dans tout le pays et vous verrez que des faits semblables ont lieu dans presque toutes les élections.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Votre enquête durerait un an.
M. B. Dumortier. - Pardonnez-moi, je ne demande d'ailleurs l'enquête que dans les districts qui ont eu des élections au mois de juin dernier. C'est le seul moyen de voir clair dans cette prétendue corruption électorale. Si vous voulez faire une enquête, il faut ce qu'on appelle en Angleterre une évidence. Or, la manière de voir clair en nature de corruption électorale, c'est de s'assurer si les faits dont il s'agit sont exceptionnels.
Ainsi viendrez-vous dire que les dîners qu'on donne aux électeurs dans tous les arrondissements, leurs frais de voiturage, le Champagne dont on les gorge, le chocolat que l'on donne souvent à leurs femmes, que c'est là de la corruption électorale ? Mais déclarez alors qu'il n'y a plus de Chambre ! Tout le monde sait bien qu'aucun de nous ne peut éviter ces dépenses.
S'il s'agissait ici de faits incontestables, s'il s'agissait d'achats de votes, alors vous auriez raison, mais ce n'est pas acheter un vote que de donner 5 francs à un électeur en remboursement de ses frais de voyage.
L'honorable membre auquel je réponds dit que ma proposition tend à détruire l'influence morale de la majorité ; il n'y a rien de semblable dans ma proposition, les faits que je veux faire constater partout, comme vous voulez les faire constater dans le seul arrondissement de Louvain, ces faits sont patents ; tout le monde les connaît ; ne parlez donc pas d'influence morale, votre enquête n'a qu'un but, c'est de s'attaquer précisément à une influence morale aussi respectable que toute autre.
Je dis, messieurs, que si l'on veut une enquête, il faut une comparaison, et pour cela l'enquête doit sa faire dans tous les arrondissements où il y a eu des élections le 14 juin dernier.
- La séance est levée à 4 heures 3/4.