(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)
(page 1113) (Présidence de M. Verhaegen.)
M. de Boe, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart, et donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
Il présente ensuite l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur de Lasalpère prie la Chambre d'obliger la compagnie du chemin de fer de Landen à Hasselt de remplir les conditions pour l'exploitation de ce chemin et de rétablir le service régulièrement. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les sieurs Van Mier, Mahieu et autres membres du cercle pharmaceutique du Hainaut présentent des observations sur le projet de loi relatif à la police et à la discipline médicales.”
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Le sieur Vandenvenhuysen, séquestré à la maison de santé à Schaerbeek, demande à être mis en liberté ou tout au moins à être soumis à un examen de docteurs pour constater son état mental.”
M. Lelièvre. - Cette pétition est urgente, il s'agit de la liberté individuelle. Je demande que la réclamation soit adressée à la commission des pétitions qui sera invitée à faire un très prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
* Des propriétaires de bateaux et négociants de charbons à Bruxelles et à Molenbeek-St-Jean prient la Chambre de ne pas se séparer avant d'avoir voé une réduction sur les péages du canal de Charleroi. »
M. De Fré. - Messieurs, la section centrale, chargée de l'examen du projet de loi déposé par l'honorable M Jouret, se réunit demain. Je prie la Chambre de lui renvoyer cette pétition et de lui demander un prompt rapport.
Les explications qui ont été données hier par le gouvernement ont produit parmi la population des bateliers une très grande irritation et je crois que, dans l'intérêt de la sécurité (interruption), il faut aviser.
La misère des bateliers est grande. Ils ont pris patience, ils ont compté sur l'exécution d'une promesse faite par le gouvernement ; mais la déclaration faite hier par le ministre des finances est venue détruire toutes leurs espérances ; c'est donc à la Chambre à user de son initiative.
-La proposition de M. de Fré est mi<e aux voix et adoptée.
« Le sieur Rasquin prie la Chambre de ne pas voter le projet de loi relatif à la concession d'un chemiu de fer du Centre à Marchienne-au-Pont avant qu'une indemnité convenable lui ait été allouée pour ses travaux faits en vue d'obtenir cette concession. »
M. Lelièvre. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi.
M. Allard. - J'appuie cette proposition.
M. Sabatier. - La section centrale a déposé son rapport et le projet de loi est à l'ordre du jour. Je demande le dépôt sur le bureau pendant la discussion.
M. Lelièvre. - Il s'agit d'une réclamation sérieuse. Il me semble donc qu'elle devrait être l'objet d'un examen spécial ; sans cela on ne pourra apprécier convenablement l'objet de la pétition.
M. Sabatier. - Messieurs, le projet de loi dont il s'agit est présenté depuis longtemps et le rapport peut seulement d'être déposé. Il faudrait maintenant renvoyer cette pétition à la section centrale, convoquer cette section, attendre son rapport, cela est impossible en présence de la nécessité où nous sommes de voter le projet avant la fin de la session.
Du reste, messieurs, ce que propose l'honorable M. Lelièvre est contraire aux habitudes de la Chambre : lorsqu'il arrive des pétitions relatives à un projet de loi sur lequel le rapport est fait, la Chambre ordonne le dépôt de ces pétitions sur le bureau pendant la discussion. Pourquoi ne pas prendre cette décision ? M. Lelièvre pourra prendre la parole et développer les considérations sur lesquelles s'appuie la demande des pétitionnaires.
M. Lelièvre. - Je n'insiste pas.
- Le dépôt sur le bureau est mis aux voix et ordonné.
M. de Boe. - Le sieur Beaulieu demande le remboursement de la perte matérielle qu'il a subie dans son entreprise de la troisième section du canal de jonction de la Meuse à l'Escaut à Anvers. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
“Le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté la convention ayant pour objet de proroger le traité de commerce avec la France. »
- Pris pour notification.
« M. de Breyne demande un congé. »
- Accordé.
M. Lelièvre. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission du Code pénal, qui a examiné les articles et les amendements concernant les titres VII et VIII, sur lesquels la Chambre a désiré avoir un nouveau rapport.
- Impression et distribution,
Le jour de la discussion sera fixé ultérieurement.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi ayant pour objet d'autoriser le gouvernement à prohiber provisoirement l'exportation des chevaux.
- Ce projet de loi sera imprimé et distribué.
M. Loos. - Je demande que ce projet de loi soit renvoyé à l'examen de la section centrale du budget des finances, considérée comme commission spéciale.
- Cette proposition est adoptée.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai l'honneur de déposer un second projet de loi ayant pour objet d'allouer au département des travaux publics un crédit de 105,000 francs pour l'acquisition d'un immeuble destiné aux bureaux de la poste aux lettres de Gand.
- Impression, distribution et renvoi aux sections.
M. de Luesemans. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné la demande du transfert d'une somme de 250,000 francs, du budget des dotations de 1853 à celui de 1859.
- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour
M. de Luesemans. - J'ai l'honneur de déposer maintenant sur le bureau, le rapport de la section centrale qui a examiné la demande d'un crédit supplémentaire de 1,753,175 francs au budget de la guerre.
- Impression, distribution, et mise à la suite de l'ordre du jour.
M. Lelièvre. - Il y a un projet urgent, c'est celui relatif aux modifications au cahier des charges de la concession du chemin de fer de Namur à Liége. Ce projet ne donnera lieu à aucune discussion. D'accord avec M. le ministre des travaux publics, je demande que ce projet figure en première ligne à l'ordre du jour de demain.
M. Coomans. - Je ne vois pas l'utilité de la proposition de l'honorable membre. Nous épuiserons très vraisemblablement l'ordre du jour dans l'ordre indiqué.
M. Lelièvre. - Je n'insiste pas.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Liège, le 4 avril 1859, des bateliers, à Liège, se plaignent de l'élévation des tarifs en vigueur sur la ligne de Liège à Anvers, et demandent que ces tarifs soient abaissés au niveau de celui du Suid-Willemsvaart qui relie les deux canaux partant, d'un côté, de Liège et aboutissant de l'autre, à Anvers.
Les pétitionnaires disent dans leur requête qu'il résulte un très grand préjudice pour la navigation intérieure et même pour la ville d’Anvers de l'élévation des péages sur le canal.
Il mettent en parallèle le péage perçu sur le canal du Suid-Willemsvaart avec celui qui existe aujourd'hui sur le canal de Liège à Anvers- ; ils disent que les bateliers sont obligés de transporter sans aucune rémunération et même avec perte les objets pondéreux de Liège à Anvers, ce qui cause un très grand préjudice à la ville d'Anvers ; ils demandent que les péages sur le canal de Liège à Anvers soient réglés sur le pied de ceux établis sur le Suid-Willemsvaart, qui sont plus légers et plus avantageux pour ces sortes de transport ; dans l'intérêt même du pays, ils demandent qu'il soit fait droit à leur pétition.
La commission propose le renvoi aux ministres des finances et des travaux publics.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous ne nous opposons pas au renvoi ; seulement, nous ferons remarquer que la réclamation des bateliers du canal de Liège à Anvers a été examinée par la commission (page 1114) qui a été instituée au département des travaux publics et qui s'est occupée des questions soulevées hier dans cette Chambre. Cette affaire doit être traitée en même temps que l'autre, nous ne pouvons lui donner une solution avant celle que nous nous proposons de donner aux questions relatives au canal de Charleroi.
Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée d'Eccloo, le 2 avril 1859, des cultivateurs, à Eecloo, réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir une indemnité du chef des pertes qu'ils ont essuyées par la grêle, le 5 juillet 1857.
Il paraît, messieurs, qu'une expertise a eu lieu pour l'évaluation de la perte éprouvée par les cultivateurs. Plusieurs d'entre eux ont obtenu des indemnités, et ce sont ceux qui n'ont pas pu en obtenir qui réclament aujourd'hui pour qu'une mesure analogue soit prise à leur égard.
La commission, messieurs, vous propose le renvoi de leur pétition à M. le ministre de l'intérieur.
- Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Tamines, le 20 mars 1859, des industriels, charbonniers et négociants de la basse Sambre et les administrations communales d'Aiseau, Tamines, Fleurus et Wanfercée-Baulet prient la Chambre d'autoriser le gouvernement à concéder, par parties, le chemin de fer de Tamines a Landen.
Messieurs, par suite de l'inexécution, par la compagnie du chemin de fer du Luxembourg de certaines clauses de son contrat de concession, le gouvernement s'est trouvé dans la nécessité de saisir son cautionnement et de la déclarer déchue du droit de construire le chemin de fer de Tamines à Landen. Cependant, les habitants de ces localités réclament avec instance pour que le gouvernement veuille bien construire ou concéder, par parties, cette voie ferrée.
Votre commission, ne possédant pas les éléments d'appréciation nécessaire, vous propose, messieurs, le renvoi de la pétition à M. le ministre dos travaux publics.
M. Moncheur. - L'honorable rapporteur de la commission des pétitions vient de dire que celle-ci était dépourvue des éléments nécessaires pour apprécier, d'une manière complète, la pétition émanant des industriels, charbonniers et négociants de la basse Sambre et notamment de Tamines, d'Aiseau et de Wanfersée ; je vais, messieurs, suppléer à cette insuffisance d'éléments d'appréciation, en vous développant, en quelques mots, les motifs très plausibles sur lesquels cette pétition est basée.
Mais je commencerai d'abord par recommander de la manière la plus spéciale à l'attention de M. le ministre des travaux publics, l'objet de cette pétition, parce qu'il est, en effet, de la plus grande importance.
Voici, messieurs, les faits. Deux chemins de fer, l'un de Tamines à Landen, l'autre de Nivelles à Groenendael, avaient été concédés à la compagnie du Luxembourg ; mais celle-ci a renoncé depuis longtemps à construire ces deux chemins de fer, lesquels, du reste, n'avaient rien de commun entre eux, si ce n'est le concessionnaire.
Il suffit, en effet, de jeter les yeux sur la carte pour être convaincu qu'il n'y a absolument rien de commun entre un chemin de fer partant de Tamines et se dirigeant vers Landen et un chemin de fer allant de Nivelles à Groenendael. Quoi qu'il en soit, la compagnie du Luxembourg ayant renoncé à exécuter ces deux lignes, le gouvernement a proposé, il y a deux ans, une loi tendante à l'autoriser à substituer une autre compagnie à celle du Luxembourg pour l'exécution de ces voies ferrées. Ce projet a été parfaitement accueilli par les diverses sections et par la section centrale ; mais cette dernière section, dont j'avais l'honneur d'être rapporteur, prévit un fait qui est arrivé, c'est-à-dire que la compagnie nouvelle que le gouvernement disait avoir par devers lui et qui devait être substituée aux obligations de la compagnie du Luxembourg, ne serait pas sérieuse et ne mènerait pas cette entreprise à bonne fin.
Dans cet ordre d'idées, la section centrale, tout en accueillant le projet du gouvernement, proposa à la législature de donner en outre au gouvernement la faculté de concéder les deux lignes séparément ou même de concéder des fractions de l'une ou de l'autre de ces deux lignes.
Malheureusement, messieurs, le gouvernement ne voulut pas accepter cette position et il ne le voulut pas, dit-il, parce qu'il croyait que la compagnie qui se présentait pour exécuter le tout satisferait à ses obligations, et que mieux valait avoir le tout qu'une partie seulement.
Le gouvernement a donc demandé à la législature de voter ce projet tel qu'il était présenté.
Il dit que, dans tous les cas, il fallait, avant d'en venir à la proposition faite par l'unanimité de la section centrale, qu'un temps assez long fût écoulé pour qu'il fût certain qu'aucun concessionnaire ne se présenterait pour construire l'intégrité des lignes.
Il dit que ce temps devrait être au moins de deux années.
Eh bien, messieurs, plus de deux années se sont écoulées depuis que M. le ministre des travaux publics disait cela, et il est aujourd'hui bien avéré que la compagnie que le gouvernement croyait avoir trouvée pour exécuter ce chemin de fer, ou n'existait pas réellement, ou a renoncé à la concession dont il s'agit. Elle n'a pas donné signe de vie. Il y a donc lieu d'en revenir immédiatement à la proposition faite par la section centrale en 1857.
Messieurs, la partie du pays qui est entre la Sambre et Fleurus a un droit acquis à une voie ferrée qui la mette en communication directe, avec le Brabant. Celle-ci est même urgente, afin que les charbonnages de ces contrées puissent soutenir la concurrence avec d'autres industries similaires.
Messieurs, dans les circonstances où nous sommes, il faut offrir à l'industrie les moyens les plus prompts et les plus économiques possibles d'exploitation.
Il ne faut pas négliger non plus de préparer de l'ouvrage pour les ouvriers. Je ne veux pas prononcer ici des paroles décourageantes ; mais il est certain que les circonstances actuelles ont déjà mis sur le pavé un assez grand nombre d'ouvriers. Il faut donc que nous nous préparions d'une part à soutenir l'industrie et d'autre part, à fournir, le cas échéant, et dans la mauvaise saison, un salaire aux populations ouvrières.
Je regrette que M. le ministre des travaux publics ne se soit pas fait rendre jusqu'ici un compte exact et complet de cette question et qu'il n'ait pas encore présenté un projet de loi pour faire droit à la pétition des industriels de la basse Sambre. Au reste le temps est suffisant encore pour préparer un semblable projet de loi qui ne donnerait lieu à aucune difficulté, et je recommande tout spécialement cette idée à M. le ministre des travaux publics.
M. Lelièvre. - J'appuie les observations qui viennent d'être présentées.
Le chemin de fer dont il s'agit a une utilité incontestable. Il est réclamé par de nombreuses populations et par les intérêts industriels les plus importants, qui, aujourd'hui, éprouvent des entraves à défaut de communications indispensables.
Depuis longtemps la législature s'est prononcée à cet égard et en activant l'ouvrage dont il s'agit, on ne fera que se conformer aux prescriptions de la loi.
Il est évident qu'il faut employer les moyens les plus efficaces pour arriver à réaliser l'œuvre d'utilité publique dont nous nous occupons.
Je prie donc le gouvernement de s'occuper sérieusement de cette question et de faire en sorte que le chemin de fer dont il s'agit puisse être construit le plus tôt possible.
Les moyens d'exécution employés jusqu'à ce jour par l'administration n'ont pas abouti ; il est donc évident qu'il faut avoir recours à d'autres voies et qu'en conséquence il faut qu’on puisse concéder partiellement la ligne de chemin de fer dont il s'agit.
Je ne puis recommander assez vivement cette question à M. le ministre des travaux publics, parce que les réclamations des industriels de la basse Sambre doivent être satisfaites. Il s'agit d'un acte de justice, et d'ailleurs de nécessités légitimes qu'on ne saurait méconnaître.
M. Mascart. - Messieurs, si j'admets le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics, ce n'est assurément pas avec la signification qu'on voudrait lui donner.
En 1857, quand la compagnie concessionnaire était sous le coup d'une déchéance et de la perte de son cautionnement, le gouvernement vint nous demander la faculté de pouvoir lui substituer une compagnie nouvelle, tout en maintenant la solidarité des lignes et le cautionnement dans les caisses de l'Etat.
Aujourd'hui on vient demander de concéder partiellement la ligne de Tamines à Fleurus ; j'y consentirais s'il m'était démontré que le cautionnement de 500,000 fr., offert en prime, est insuffisant pour assurer l'exécution des lignes de Tamines à Landen et de Groenendael à Nivelles qui font partie de la même concession, mais qu'arriverait-il si on concédait la ligne de Tamines à Fleurus seulement, en diminuant le cautionnement dans la proportion des travaux exécutés ? C'est que les autres parties ne s'exécuteraient jamais, parce que sont les moins avantageuses.
Il faut que le cautionnement reste intact parce qu'il est commun à toutes les lignes. Avant d'en céder une partie, qu'on fasse un appel aux constructeurs pour le réseau tout entier en leur offrant 500,000 fr. de prime, qu'on fasse ici ce qu'on a fait pour la ligne de Charleroi à Louvain. Si la mesure paraît rigoureuse, il ne faut pas perdre de vue que les chemins de fer sont concédés dans l'intérêt des populations et qu'en 1853 les capitaux étaient abondants. Faut-il parce qu'on a pris alors un mauvais concessionnaire, que de nombreuses populations pâtissent de la faute qui a été commise ?
Il y a, du reste, des engagements. L'honorable ministre des travaux publics nous disait dans la discussion de 1857, que le cautionnement appartient à l'Etat et qu'il lui semblait convenable qu'il servît de prime pour trouver de nouveaux concessionnaires, si la compagnie actuelle ne remplit pas toutes ses obligations.
M. Moncheur. - L'honorable préopinant me permettra de lui dire qu'il est dans l'erreur quand il pense que le cautionnement versé par la compagnie du Luxembourg pour l'exécution des lignes de Nivelles à Groenendael et de Tamines à Landen puisse être offert aujourd'hui, en prime, pour la construction de ces lignes. Il a été entendu au contraire, en 1857, par la législature que ce cautionnement ne serait pas confisqué au profit de l'Etat, mais qu'il serait restitué à la compagnie du Luxembourg si une autre compagnie était substituée aux droits et aux obligations de celle-ci concernant les lignes dont il s'agit et si elle versait un cautionnement équivalent au premier.
Aussi, ce n'est point sur ce cautionnement que la basse Sambre (page 1115) compte pour espérer l'exécution de la partie du chemin de fer qui est comprise entre Tamines et Fleurus.
Cette partie du chemin de fer est viable par elle-même ; comme elle rendra d'immenses services aux établissements industriels qu'elle desservira, elle sera également productive et prospère, et cela en raison même des services qu'elle rendra ou, en d'autres termes, en raison des transports nombreux qu'elle opérera.
Les autres parties de la voie projetée de Tamines à Landen paraissent au contraire ne présenter aucune chance de succès au point de vue d'une concession particulière ; l'épreuve qui a déjà faite est complète à cet égard.
C'est à tort que l’honorable préopinant attribue l'insuccès des tentatives faites à ce que l'on se serait adressé à de mauvais concessionnaires, car depuis la loi qui a permis au gouvernement de substituer une compagnie nouvelle à la compagnie du Luxembourg concernant les lignes de Tamines à Landen et de Nivelles à Groenendael, un temps très long s'est écoulé.
Nous avons traversé une époque normale où l'argent se portait même avec facilité vers ce genre d'entreprises ; tous les amateurs quelconques de semblables concessions auraient pu se présenter pour les obtenir, car la législature n'avait désigné spécialement aucune compagnie comme devant être substituée à celle du Luxembourg ; cependant, messieurs, il ne s'est présenté personne pour recueillir cette succession.
Il est donc temps, messieurs, de faire cesser une solidarité de lignes qui priverait éternellement la basse Sambre de la partie de voie ferrée qui lui est si nécessaire et qui est possible chez elle, tandis que cette solidarité serait stérile au point de vue de l'exécution de l'intégrité des lignes.
Le gouvernement ne peut blesser aussi vivement les intérêts de tout un district industriel par le motif que le projet tout entier, et tel qu'il avait été conçu d'abord, ne pourrait point s'exécuter. La partie possible du projet ne peut être rivée à jamais à la partie impossible
L'idée émise, à l'unanimité, en 1857, par la section centrale, doit donc êire reproduite et mise en pratique aujourd'hui. Elle doit faire la base d'un projet nouveau, que je convie M. le ministre des travaux publics à présenter à la Chambre dans le plus bref délai possible.
M. Lelièvre. - Les motifs qui ont dicté la résolution première de la Chambre sont venus complétement à cesser. On a cru que, dans l'intérêt de l'entreprise, il valait mieux construire toute la ligne d'un seul jet. Aujourd'hui il est démontré que ce résultat n'est pas possible. Eh bien, peut-on, en justice, priver de nombreuses populations d'une fraction de chemin de fer qui leur est indispensable, par le seul motif que la construction de la ligne entière ne peut actuellement se réaliser ?
Bien certainement pareil ordre de choses n'est pas conforme à l'équité. C'est pour cette raison que je fais un appel à la justice de M. le ministre afin qu'il fasse droit aux justes réclamations des pétitionnaires.
M. Nélis. - Messieurs, les chemins de fer de Tamines à Landen et de Nivelles à Groenendael ont été l'objet d'une seul concession, un cautionnement a été versé par la compagnie concessionnaire. Le gouvernement a été autorisé à concéder la construction de ces lignes à une autre compagnie, mais à la condition que le cautionnement resterait dans les caisses de l'Etat, jusqu'à ce que l'exécution de l'entreprise soit assurée. Aujourd'hui on demande de construire la partie de Tamines à Fleurus qui est évidemment celle sur laquelle le trafic sera la plus considérable. Si le gouvernement concédait cette fraction, il est probable qu'aucun concessionnaire ne se présentera pour construire la partie restante de cette ligne, et ainsi des populations très intéressées dans les constructions de cette voie ferrée, en seront privées pour toujours.
Je demande donc que le gouvernement ne concède pas la portion de Tamines à Fleurus avant d'avoir acquis la certitude que personne ne se présentera pour entreprendre la construction des deux lignes concédées primitivement à la compagnie du Luxembourg et que, dans tous les cas, le cautionnement versé reste comme une prime à accorder à celui qui se présenterait tôt ou tard pour achever ces voies ferrées.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. de Renesse dépose le rapport de la commission qui a examiné le projet de loi autorisant le gouvernement à interdire la sortie des chevaux.
M. L. Goblet dépose le rapport sur le crédit supplémentaire demandé pour le monument commémoratif du Congrès national.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et les met à l'ordre du jour de demain.
M. de Boe, premier rapporteur. - Par pétition sans date, les sieurs Voortman, Rosseel et autres membres de la commission du Cercle commercial et industriel de Gand demandent une loi qui règle les conditions du travail des adolescents et des femmes dans les usines, manufactures et ateliers.
Messieurs, l'influence que le travail dans les établissements industriels exerce sur la condition morale et physique des enfants et des femmes mérite à juste titre d'attirer l'attention de la Chambre.
Une loi semblable à celle que demandent les pétitionnaires et qui aura pour but de limiter cette durée et d'assurer aux enfants le bénéfice de l'instruction primaire, une telle loi embrasse dans son ensemble les plus graves questions d'intérêt matériel et les plus hautes considérations morales.
Concilier à la fois les obligations que crée pour la famille ouvrière la vie matérielle, celles que la concurrence étrangère impose à notre industrie, avec les nécessités tout aussi impérieuses de l'humanité, de l'avenir de la jeune génération ouvrière belge, tel est, messieurs, le grand problème dont les pétitionnaires vous demandent la solution. Quelque difficulté qu'il y ait à trouver la formule pratique d'une loi en cette matière, nous n'avons pas hésité à nous rallier sous de certaines réserves toutefois au principe de la législation qu'on demande, l'expérience heureuse faite par les premières nations industrielles, le bon vouloir de la grande majorité de nos fabricants, l'avis favorable donné par les corps consultés lors de l'enquête faite en 1843, nous sont de sûrs garants qu'en Belgique comme ailleurs il est possible d'amener une équitable transaction entre ces divers intérêts
Et d'abord, messieurs, nous avons à résoudre une question en quelque sorte préalable, celle de savoir si l'intervention du gouvernement est ici légitime. Nous le ferons en peu de mots, les limites restreintes d'un rapport de pétitions ne comportant pas de longs développements.
On a voulu voir dans ces attributions nouvelles données à l'autorité une mesure socialiste. Nous comprenons que ce doute se soit fait jour il y a dix ans, alors qu'on cherchait à étendre outre mesure les prérogatives du législateur, que les populations ouvrières d'une partie de l'Europe se laissaient entraîner par les chimères d'une rénovation sociale à réaliser par un décret. Aujourd'hui que ces rêves se sont évanouis, que les idées de liberté économique ont repris leur empire, que l'on cherche la solution du problème social non plus dans une distribution arbitraire des richesses à faire par la loi, mais dans le développement libre de la production, dans la libre répartition de la rémunération du travail, de pareilles craintes ne nous paraissent pas fondées.
S'il s'agissait de régler, au point de vue de sa durée, le travail des adultes, nous serions les premiers à repousser l'introduction d'un tel principe dans notre législation ; car ce serait sacrifier aux tendances que nous venons de condamner. Quelque désirable qu'il soit que le travail de l'ouvrier se restreigne à un nombre d'heures tel qu'il ne dépasse pas ses forces, quelque désirable qu'il soit qu'il puisse consacrer à un exercice en plein air, à la vie de famille, à la culture de son intelligence des heures plus longues que celles dont, en général, il dispose actuellement, nous pensons, d'accord en cela avec les pétitionnaires, nous pensons que le contrat qui intervient quant à la fixation des heures de travail entre le maître une part et l'ouvrier de l'autre ne peut être réglé par la loi, qu'en un mot la liberté doit ici conserver tout son empire.
Mais si nous récusons sur ce point l'autorité des pouvoirs publics, nous croyons que la haute tutelle dont sa mission protectrice investit le gouvernement sur les personnes que leur faiblesse empêche de se protéger et de se défendre elles-mêmes, l'investit aussi du droit et lui impose le devoir d'empêcher que, par des travaux au-dessus de leurs forces, on ne cause indirectement à leur santé un tort aussi préjudiciable que le feraient les sévices spécialement réprimés par nos lois pénales.
La plupart des nations de l'Europe, la France, la Prusse, l'Autriche, la Russie, la Suisse, le grand-duché de Bade, les deux peuples qui dans les temps modernes ont le mieux compris et pratiqué la liberté, l’Angleterre et l'Union américaine ont sanctionné le principe que l'on vous demande d'inscrire dans nos lois.
Dès 1802 l'Angleterre entra dans cette voie et entraîna par son exemple les diverses nations dont nous venons de parler.
Un bill dû à l'initiative d'un homme pratique, d'un manufacturier, du père de sir Robert Peel, avait fixé législativement quelques points de la question. Cette première mesure tendant à réprimer des abus graves fut inefficace, et ce ne fut qu'en 1833 que le gouvernement anglais, puissamment soutenu par l'opinion publique, parvint à faire passer une législation sérieuse qui, successivement modifiée, étendue dans son application, règle encore aujourd'hui la matière.
Dans notre pays un décret impérial du 7 janvier 1813 défendit de laisser descendre ou travailler dans les mines ou minières des enfants au-dessous de 10 ans.
En 1843 une commission d'enquête fut instituée en Belgique à l'effet de constater entre autres à quel point les enfants étaient employés dans les fabriques, quelle influence plus ou moins fâcheuse le travail avait sur leur santé et sur le développement de leurs forces physiques. La commission déposa sou rapport en 1848. Un ensemble de mesures fut proposé. Objets de critiques diverses, elles ne purent être formulées en projet de loi. La principale, celle qui fit avorter ce travail, était dirigée contre la généralité de ses dispositions, qui devaient s'appliquer à toutes les industries, sauf de rares exceptions.
Pour avoir voulu trop faire, on ne fit rien. Si donc on se décidait à intervenir, il y aurait lieu de décider pensons-nous, que la loi ne s'appliquerait d'abord qu'à certaines industries, celles par exemple, où les abus contre lesquels s'élèvent les pétitionnaires sont les plus graves, sauf plus tard, lorsqu'on aura constaté que la loi fonctionne, qu'elle est sérieusement appliquée, à l'étendre à d'autres industries avec les modifications que comporte leur caractère.
Telle est, pensons-nous, l'opinion de la chambre de commerce et des fabriques de Gand. Elle se borne à demander l'application de la loi aux industries du lin, de la laine, du coton et de la soie. Dans l'intérêt même (page 1116) de la législation qu'on réclame, nous insistons sur ce caractère de spécialité à lui donner. C’est ainsi qu'on a procédé en Angleterre. Le bill de 1833 ne s'appliquait qu'aux factories c'est-à-dire aux industries où les machines mues, soit par l'eau, soit par la vapeur, soit par toute autre force mécanique, ont pour objet la fabrication d'un produit ou d'une matière textile.
Les manufactures de dentelles, de papier, de chapeaux, les ateliers de teinture et de blanchissage furent expressément soustraits à l'application de la loi.
Des bills analogues furent votés en 1845 et 1847 pour les ateliers d'impression sur étoffes. En 1856 le principe de ces dispositions fut appliqué aux ateliers de teinture et de blanchissage qui avaient été expressément exceptés du bill de 1833.
En France ce salutaire exemple ne fut pas suivi. Ce que l'Anglais veut en mettant en œuvre les pouvoirs publics de son pays, c'est un résultat pratique.
En France on a trop souvent obéi à un besoin idéal de justice et d'équité, et un pareil besoin n'est satisfait que par la proclamation d'un principe absolu général, d'une application tellement vaste et difficile, qu'elle devient impossible.
Ce fut le vice et le sort de la loi que les Chambres françaises votèrent en 1841. « Nous regrettons, dit M. Audiganne, un homme qui s'est beaucoup occupé de l'amélioration du sort des classes ouvrières, nous regrettons qu'en 1841 on ne se soit pas restreint dans le cercle des filatures, de tissages mécaniques et de quelques industries d'une nature spéciale comme nous en avons plus haut cité un exemple en parlant des papiers peints ; on aurait ainsi satisfait à tous les besoins véritables, et avec un objet plus circonscrit la tâche eût été plus facile et plus sûrement remplie. »
Cette loi qui embrassait déjà un trop grand nombre d'industries pour pouvoir être appliquée, fut même étendue en 1848. A cette époque on limita la durée du travail des adultes : dès lors la surveillance et la répression qui seules garantissent l'exécution des mesures législatives devinrent tout à fait illusoires, et les districts manufacturiers qui s'étaient conformés aux prescriptions de la loi de 1841 se remirent à suivre les anciens errements.
Ces observations faites sur l'ensemble de la requête, voici les mesures indiquées par les pétitionnaires relativement au premier point sur lequel ils appellent l'attention de la Chambre : celui relatif à la durée du travail des femmes et des enfants. Ils demandent que tout travail dans les fabriques, manufactures et usines soit interdit aux mineurs de 12 ans. Comme mesure de transition, la loi ne deviendrait exécutoire que quinze jours après sa publication. A cette époque et pour un nouveau terme d'une année, la limite d'âge serait fixée à 11 ans : que la durée du travail des mineurs de 18 ans et des femmes de tout âge soit limitée à 12 heures par jour ; que tout travail de nuit soit interdit aux uns et aux autres ; que dans une même localité la journée de labeur commence et finisse à la même heure, de 6 heures du matin à 8 heures du soir ; qu'elle soit de plus partagée, outre l'interruption de midi, par deux repos ; que le dimanche et les jours de fête reconnus par l'Etat le chômage soit obligatoire ; que les dispositions de la loi s'appliquent à la grande comme à la petite industrie ; qu'elle détermine à quelles conditions elle atteindra le simple atelier.
Le second point sur lequel les pétitionnaires appellent l'attention de la Chambre, sont les garanties d'instruction pour les enfants mineurs employés et les mesures d'émulation propres à maintenir l'instruction parmi la classe ouvrière en général. Ils se déclarent partisans de tous les moyens directs ou indirects qui tendraient à assurer la fréquentation des écoles par les enfants non encore employés dans les établissements industriels.
L'enseignement primaire serait ainsi donné aux enfants avant leur entrée dans les établissements industriels.
Quant à ceux qui auraient atteint l'âge de 12 ans, le travail auquel, à partir de cet âge, ils pourraient être astreints, rendrait presque impossible pour eux la fréquentation d'une école le soir. Ce serait le dimanche, le jour de chômage, qu'ils maintiendraient ou augmenteraient les notions qu'ils auraient acquises. Les ouvriers adolescents et même les adultes seraient attirés à ces écoles par l'appât de récompenses, de prix, par cet esprit d'émulation qui ne tarde pas à naître partout où la classe ouvrière s'élève vers le bien-être.
Quelque bonne opinion que nous ayons de l'influence que la loi exercera sur le développement de l'instruction primaire, nous ne nous dissimulons pas toutefois que la solution de cette question rencontre de nombreuses difficultés pratiques, dont la principale existe dans l'absence de locaux d'écoles et d'instituteurs. Il ne suffit pas en effet de solliciter le père de famille à envoyer son enfant à l'école, en interdisant à celui-ci l'entrée des fabriques avant un certain âge, en limitant la durée de son travail à un âge plus avancé, en stimulant son zèle soit par la privation de certains avantages sociaux ou par l'appât des récompenses matérielles ou honorifiques ; il ne suffit même pas, comme cela se pratique en Angleterre de faire de la fréquentation de l'école la condition sous laquelle un fabricant pourra employer des enfants ; il faut encore, et avant toutes choses, qu'il y ait des locaux d'écoles en nombre suffisant, bien disposés, bien aérés, de telle sorte que leur séjour ne soit pas, en définitive, plus malsain que celui des fabriques ; il faut enfin que l'instruction soit confiée à des instituteurs capables.
Les difficultés pratiques que je viens de signaler existent partout. Je lis dans un rapport qu'un des grands obstacles à la diffusion de l'enseignement même pour la ville de Paris est tout matériel : le manque de classes pour recevoir un nombre considérable d'enfants et de maîtres pour les diriger.
Je crois devoir signaler à l'attention de la Chambre deux autres points dont il n'est pas question dans la requête : je veux parler de l'inspection médicale, de la surveillance des fabriques, de la répression des infractions.
D'après les lois anglaises, il ne suffit pas qu'un enfant ait l'âge requis pour pouvoir être employé dans l'un des établissements industriels soumis à la loi ; ii faut aussi qu'un médecin ait déclaré que le travail qu'on veut lui imposer n'est pas de nature à nuire à sa santé.
Quan à la surveillance et à la poursuite des infractions, on comprend facilement toute leur importance. Sans elles, l'exécution rigoureuse de la loi est impossible ; sans elles les fabricants d'un même produit ne seraient pas placés sur le pied de cette parfaite égalité sans laquelle la loi ne serait à leur égard qu'une criante injustice.
En terminant, nous avons à vous faire cette question. Quelles seront les conséquences probables de la loi ? Si nous examinons la position qui est faite à l'Angleterre, à la Prusse et à d'autres pays, nous remarquons qu'il y a partout tendance à renforcer et à étendre les dispositions qui réglementent le travail des enfants, nous remarquons de plus que l'industrie de ces nations n'a subi, par suite de l'adoption de ces mesures, aucune atteinte. Ce résultat est constaté par de nombreux rapports. En fait, la production de ces pays n'a cessé de s'accroître, et l'expérience a prouvé combien étaient exagérés les sombres pronostics de ceux qui s'opposaient à l'introduction du principe de réglementation dans les lois de leur pays.
Quant à l'effet de la loi sur la condition des femmes et des enfants, il ne peut être que des plus satisfaisants. La femme pourrait à l'avenir consacrer quelques heures à son ménage, à sa famille dont le développement moral se ressentirait nécessairement de son heureuse influence. L père de famille que l'appât d'un salaire de 40 à 50 c. sollicite vivement aujourd'hui à envoyer dès l'âge le plus tendre son enfant dans un établissement industriel, lui fera suivre l'école primaire, et les sacrifices que, dans l'intérêt de l'instruction populaire, s'imposent l'Etat, les provinces et les communes, recevront leur récompense. La génération industrielle, instruite et partant moralisée, verra de plus ses forces physiques s'accroître.
Toutefois, nous ne nous dissimulerons pas, qu'à elle seule, la loi serait insuffisante pour arrêter ce que, d'une manière peut-être exagérée, on appelle la dégénérescence de la classe ouvrière. « L'état de santé des femmes et des enfants, dit la chambre de commerce de Liège, dans le rapport qu'elle adressa à la commission d'enquête, l'état de santé des ouvriers et des enfants, présente plus d'un côté affligeant, mais il faut moins l'imputer à la profession exercée qu'aux lieux habités qui sont ordinairement resserrés, froids et humides. L'autorité ne saurait assez se préoccuper de la nécessité d'assainir les quartiers occupés par les populations des fabriques et d'y faire régner la propreté. » Depuis l'époque où ces mots furent écrits, de notables progrès ont été réalisés en Belgique. Nous tenons à le constater à l'honneur du gouvernement, et des chefs d'industrie.
Par les considérations que nous venons d'émettre, nous avons eu moins pour but de faire la critique de la pétition, que de signaler à la Chambre l'importance des questions qu'elle soulève et appeler sur ce point la sérieuse attention du gouvernement et surtout de M. le ministre de l'intérieur, auquel nous proposons le renvoi de la pétition.
M. E. Vandenpeereboom. - Messieurs, je viens appuyer, en peu de mots, le renvoi, à M. le ministre de l'intérieur, de la pétition sur laquelle l'honorable M. de Boe vient de faire un excellent rapport.
L'objet est important. Il s'agit, en effet, à la fois, de la santé et de l'instruction des enfants occupés dans les fabriques : c'est-à-dire de leur hygiène morale et physique. Il s'agit de permettre qu'il se forme une génération d'hommes sains et instruits.
Il est très certain que, si l'on prend les résultats des sessions des conseils de milice, on constate que, dans la population des villes, il y a beaucoup d'exemptions qui sont la suite de faiblesse de constitution, occasionnée par un travail trop précoce et trop prolongé dans les fabriques.
Si l'on examine l'état des hôpitaux de femmes, on y constate également les ravages d'un travail précoce dans les ateliers, tel qu'il y est exercé aujourd'hui par les femmes et les jeunes filles.
Si de l'examen de l'état physique de cette catégorie de jeunes ouvriers, on passe à celui de leur état intellectuel, on constate des résultats encore plus effrayants. Ainsi, des statistiques qui, encore une fois, nous sont fournies par les conseils de milice, établissent que les miliciens complétement illettrés sont en plus grand nombre que ceux qui ont un degré quelconque d'instruction. L'état général de l'instruction du pays, se trouve ainsi gravement déprimé par cette cause.
Cela se comprend facilement. En France, avant la loi de réglementation des adolescents dans les fabriques, des essais généraux furent faits, pour l'instruction de cette catégorie de travailleurs. Tous les efforts tentés pour atteindre ce louable but furent stériles. Si l'on fondait des (page 1117) écoles du midi, les enfants apprenaient peu, ils ne se reposaient point, et digéraient mal leur médiocre repas. Si l'on établissait des écoles du soir, ces enfants, épuisés par le travail, s'endormaient et n'apprenaient rien.
Il a été prouvé, en France, que pour remédier à l'ignorance des enfants fréquentant les fabriques, il n'y avait qu'un moyen, c'est-à-dire, de n'y admettre les enfants qu'à un certain âge, et pendant un certain temps ; et ensuite de leur donner des écoles du dimanche.
Quand les enfants jusqu'à 12 ans n'ont pu être admis dans les fabriques, ils fréquentent nécessairement l'école, parce qu'autrement ils devraient courir les rues et qu'alors des personnes bienfaisantes ou l'autorité publique s'en emparent et les font aller à l'école ; ils prennent ainsi cette première teinture de l'instruction qui est entretenue par les écoles du dimanche ; tandis que, si dès l'âge de 8 ans, ils vont dans les fabriques, ils affaiblissent leur constitution et deviennent en même temps inaptes à recevoir aucune instruction.
D'après ces considérations, la demande des pétitionnaires, hommes pratiques et dévoués à la classe ouvrière, ne me paraît pas exagérée ; ils ne provoquent pas le vote d'une loi générale ; ils ne parlent point de ce qu'ils ignorent ; ils se bornent à réclamer un remède aux inconvénients que présente le travail dans les établissements qu'ils connaissent fort bien, puisqu'ils les dirigent ; ils demandent qu'une loi soit faite pour les ateliers où l'on file et où l'on tisse le lin, le coton et la soie.
Messieurs, je n'entrerai pas dans des détails sur les moyens d'arriver à ce but si louable, mais il me semble que, puisque, dans les pays voisins, les lois établies ont produit de très bons résultats, nous devrions aussi tâcher de faire quelques pas dans cette voie.
Ou dit : « Il ne suffit pas de déclarer que les enfants doivent aller à l'école, mais il faut encore qu'il y ait des écoles. »
Eh bien, je tiens de très bonne part, que, si une seule loi existait, les chefs d'établissements industriels érigeraient eux-mêmes des écoles spéciales, pour les enfants des fabriques ; ils ont déjà beaucoup fait pour donner l'instruction à leurs jeunes ouvriers ; mais, dans l'état actuel, leurs efforts ne produisent pas tous les résultats désirables.
Donnez-leur la loi qu'ils demandent, et, avec l'aide des communes, ils feront des efforts fructueux pour la diffusion de l'instruction des jeunes travailleurs.
Je crois donc que cette question doit faire l'objet de l’attention toute spéciale, et toute sympathique du gouvernement. Certainement, la session est trop avancée pour qu'un membre de la Chambre puisse prendre une initiative quelconque à cet égard ; et d'ailleurs de telles lois ne peuvent venir que de l'initiative du gouvernement.
Je lui recommande donc, avec la plus vive instance, la demande des pétitionnaires. Ce progrès n'est certainement pas une question de parti : mais je voudrais qu'un ministère libéral en prît l'initiative et eût l'honneur de sa réalisation.
Messieurs, on a dit encore : « Pourquoi les maîtres ne s'entendent-ils pas entre eux pour ne pas recevoir d'enfants avant un certain âge ? » Mais dans les conditions où sont les fabriques, cela est parfaitement impossible.
Le maître traite avec un ouvrier-chef ; et celui-ci a des aides, qu'il choisit à sa guise, et sur lesquels le maître n'a aucune action ; il est donc très difficile, si pas impossible, au maître d'imposer des conditions à son ouvrier-chef.
Je pense, dès lors, qu'une mesure législative est le seul moyen de remédier au mal moral qui est causé par l'admission d'enfants trop jeunes et par leur travail trop prolongé. Il est très certain qu'aujourd'hui il y a des enfants qui travaillent 12, et quelquefois 14 heures par jour.
Tout le monde doit convenir que cela est trop. Un enfant, ainsi épuisé par un travail aussi excessif, ne peut jamais devenir un homme fait, ni même arriver à l'âge moyen de l'existence humaine ; il est épuisé avant le temps. Nous voyons tous les jours ce fait, constaté dans les conseils de milice ; c'est dans les villes de fabriques que les faiblesses de constitution se remarquent le plus souvent. Il s'agit donc de couper court au rachitisme moral et physique des travailleurs adolescents.
Je recommande, encore une fois, la pétition à l'attention du gouvernement ; je crois qu'à l'aide de l'enquête qui a eu lieu en 1843, le gouvernement pourrait venir nous proposer des mesures, sinon générales, du moins applicables aux grandes fabriques, dans nos villes, où l'on s'occupe de la filature et du tissage.
A mon avis, ce serait un très grand bienfait ; souvent les industriels ne sont pas d'accord, avec le gouvernement, pour certaines mesures à prendre. Ici, ils provoquent le progrès ; c'est-à-dire un état meilleur, dans l'organisation du travail des adolescents des deux sexes et des femmes. Il s'agit, à la fois, de la santé et de l'instruction de cette classe de travailleurs. Nous n'avons pas été unanimes sur la question de l'instruction obligatoire ; nous devons l'être sur la question de l'enseignement facilité.
Or, rien ne peut contribuer à l'instruction des jeunes travailleurs, comme la réglementation de leur travail. Ecoutons ceux qui, témoins désolés du mal existant, en demandant le redressement, aux dépens de leurs intérêts pécuniaires.
Tâchons d'obtenir, dans la classe ouvrière, une génération forte et instruite, et aurons avons beaucoup fait, dans l'intérêt de notre libre et progressive Belgique. D'autres nations nous ont précédés, dans cette voie. A ce point de vue, nous ne pouvons pas faire moins que la France ; nous sommes dignes, je le pense, de faire autant que l'Angleterre.
M. Manilius. - Messieurs, l'honorable préopinant a parfaitement motivé les conclusions du rapport qui est très lucide et qui s'appuie sur des données très exactes, au point de vue des industriels qui, comme vous venez de l'entendre, sont dans le cas de devoir subir les enfants de huit à dix ans dans les ateliers. Ce n’est donc pas pour m'étayer, à mon tour, de ces raisons, que je prends la parole. Mais je regrette que l'honorable ministre de l'intérieur ne soit pas présent...
- Un membre. - Il est au Sénat.
M. Manilius. - Parce que je lui aurais rappelé qu'il y a quelques années on nous a dit du banc ministériel que l'enquête étant terminée - elle l'est depuis longtemps - le gouvernement tiendrait la main à ce qu'un projet de loi fût soumis à la Chambre dans un bref délai. Le ministère qui nous a fait cette déclaration a disparu ; mais le travail dans les bureaux reste ; les agents qui préparent ce travail pour les ministres restent aussi. Dès lors, avec le ministère actuel, dont nous ne pouvons pas révoquer en doute le bon vouloir, nous sommes en droit d'espérer qu'une loi viendra enfin sous peu trancher cette question d'humanité.
Ce sont là les motifs pour lesquels je prends la parole ; si M. le ministre de l'intérieur avait été présent, je pense que je n'aurais pas eu besoin de m'étendre sur la question : il se serait levé d'emblée pour promettre, comme un de ses prédécesseurs, la présentation d'un projet de loi.
- Le renvoi à M. le ministre de l'intérieur est ordonné.
M. Van Iseghem, autre rapporteur. - Par pétition datée de Liège, le 29 décembre 1858, les sieurs Brackman et Vergauwen demandent que les décorés de la médaille pour actes de courage et de dévouement soient autorisés à porter le ruban détaché de la médaille.
Ce que les pétitionnaires demandent est une mesure entièrement administrative qui se trouve dans les attributions du pouvoir exécutif.
Sans préjuger la question, la commission propose le renvoi à M le ministre de l'intérieur.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Van Iseghem, rapporteur. - Par pétition datée d'Oupeye, le 16 janvier 1859, le sieur Sevrin, préposé des douanes, demande que la croix commémorative de 25 années de service soit accordée aux employés de la douane qui ont servi en qualité de volontaires avant le 21 juillet 1831, et qui n'ont cessé d'être en fonctions depuis qu'ils ont quitté le service militaire.
La croix commémorative à l'armée et à la garde civique a été accordée sans l'intervention du pouvoir législatif ; c'est au gouvernement que de semblables demandes doivent être adressées, et comme la Chambre des représentants ne doit pas être considérée comme un bureau de transmission de dépêches, la commission a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Van Iseghem, rapporteur. - Par pétition datée de Berloz, le 28 février 1859, le sieur Hendrickx, journalier et milicien de 1855, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir l'autorisation de contracter mariage.
Ce n'est pas à la Chambre que le pétitionnaire doit s'adresser pour obtenir l'autorisation de contracter mariage, mais au ministre de la guerre, et le parlement n'a pas à intervenir dans de pareilles questions ; en conséquence, la commission propose l'ordre du jour.
- Adopté.
M. Van Iseghem, rapporteur. - Par pétition datée de Boussu, le 4 mars 1859, le sieur Deladrière, ancien militaire, demande une pension ou un subside.
L'accident qui met le pétitionnaire dans l'impossibilité de travailler provient d'une chute qu'il a faite dans une houillère.
En 1839, il avait déjà quitté le service militaire, et depuis cette époque il était devenu ouvrier mineur.
C'est donc au bureau de bienfaisance de sa localité que le pétitionnaire doit s'adresser.
La commission propose en conséquence l'ordre du jour.
M. d'Ursel, autre rapporteur. - Par pétition sans date, des combattants de 1830 réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir la pension qui est accordée à leurs frères d'armes.
Les pétitionnaires n'apportent aucune preuves l'appui de leur réclamation, votre commission a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.
- Adopté.
M. d'Ursel, rapporteur. - Par pétition datée de Sohier, le 30 mars 1859, le bourgmestre de la commune de Sohier demande l'érection d'un vicariat pour la section de Sohier.
Le pétitionnaire expose qu'un arrêté royal en date du 22 juin 1854 a accordé un traitement de 400 fr. en faveur d'un prêtre desservant la section de Sohier ; que si la commune n'a pas jusqu'à ce jour réclamé le bénéfice de l'arrêté royal susmentionné, c'est qu'un curé d'une commune voisine venait dire une messe basse à Sohier ; que cet état de (page 1118) choses venant à cesser, Sohier va se trouver sans service religieux ; que la commune s'engage à fournir un logement convenable au vicaire dont elle demande la nomination, à faire payer par les habitants une somme de 300 fr. par an, comme supplément de traitement au vicaire, et à suppléer au défaut de ressources de la fabrique.
Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. d'Ursel, rapporteur. - Par pétition datée de Houttave, le 23 mars 1859, les membres du conseil et des habitants de Houttave demandent l'établissement d'un pont tournant au hameau Nieuwege, dans la commune de Varssenaere.
La Chambre ayant adopté, dans sa séance du 23 mars, le renvoi à M. le ministre des travaux publics d'une pétition sur le même objet, votre commissions l'honneur de vous proposer la même conclusion.
- Adopté.
M. d'Ursel, rapporteur. - Par pétition datée d'Opwyck, le 8 février 1859, les membres du conseil communal d'Opwyck demandent une modification à l’article 2 de la loi du 7 ventôse an XII, concernant les voitures de roulage, et qu'en attendant, cette disposition ne soit pas exécutée.
Dans la séance du 2 avril, l'honorable M. Vander Donckt vous a présenté un rapport sur une pétition identique, en vous proposant le renvoi à M. le ministre des travaux publics, en insistant, toutefois, sur le danger qu'il y aurait à permettre la circulation avec des jantes étroites sur les routes pavées.
La Chambre ayant adopté ces conclusions, votre commission a l'honneur de vous proposer également le renvoi de cette pétition à MM. les ministres de l'intérieur et des travaux publics.
M. Muller. - Il faut qu'on s'explique sur la portée du renvoi aux ministres de l'intérieur et des travaux publics que l'on propose. La pétition a deux objets en vue : d'abord de demander une modification à l'article 2 de la loi du 7 ventôse an XII concernant les voitures de roulage et en second lieu d'engager provisoirement le gouvernement à ne pas exécuter cette disposition. Or, il ne peut pas appartenir au pouvoir exécutif de suspendre l'exécution des lois ; il est évident que quant à cette partie de la pétition le renvoi aux ministres de l'intérieur et des travaux publics ne peut pas être ordonné, c'est l'ordre du jour qu'il convient d'adopter. Quant à la première partie des conclusions, le double renvoi peut avoir lieu : c'est ce que je propose.
M. d'Ursel, rapporteur. - C'est dans ce sens que, sur le rapport de M. Vander Donckt, une pétition semblable a été renvoyée à MM. les ministres de l'intérieur et des travaux publics.
- Les conclusions de la commission ainsi restreintes sont mises aux voix et adoptées.
M. d'Ursel, rapporteur. - Par pétition datée de Hofstade, le 27 mars 1859, des habitantes d'Hofstade demandent que, dans les provinces flamandes, les fonctionnaires du gouvernement fassent usage de la langue flamande ; qu'il y ait une Académie flamande ou une section flamande à l'Académie de Bruxelles, et qu'il soit donné suite aux propositions de la commission pour la langue flamande.
La Chambre ayant renvoyé à M. le ministre de l'intérieur un grand nombre de pétitions sur le même sujet ; en attendant les explications annoncées par M. le ministre dans la séance du 24 mars dernier, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. d'Ursel, rapporteur. - Par pétition datée de Thielt, le 27 mars 1859, des fabricants et négociants à Thielt demandent l'institution d'un conseil de prud'hommes en cette ville.
Un projet de loi proposant l'institution d'un conseil de prud'hommes à Thielt ayant été déposé dans la séance du 2 avril, votre commission a l'honneur de vous proposer le dépôt sur le bureau de la Chambre pendant la discussion du projet de loi.
- Adopté.
M. Van Iseghem, autre rapporteur. - Par pétition datée de Meetkerke, le 28 février 1859, des habitants de Meetkerke demandent l'établissement d'un pont tournant sur le canal d'Ostende à Bruges, pour relier les deux parties du territoire de Varssenaere.
Même demande des membres du conseil communal et d'habitants de Snelleghem.
Il existe en ce moment sur le grand canal de navigation d'Ostende et Bruges, trois ponts, un à Slykens, un à Stalhille et un troisième à Scheepsschendaele. Dans sa séanee du 17 juillet dernier, le conseil provincial de la Flandre occidentale avait émis le vœu et a engagé le gouvernement à faire construire au hameau de Plasschendaele un quatrième pont.
Cette décision a été prise par le conseil provincial sans la moindre opposition ; elle est fondée principalement sur le détour que les habitants de plusieurs communes doivent faire pour arriver à la station du chemin de fer à Plasschendaele ; cette station est d'une certaine importance pour le transport des grains de la partie nord de la province.
Par le budget des travaux publics pour 1860, le gouvernement a demandé le crédit nécessaire pour la construction de ce pont.
Convient-il maintenant d'augmenter le nombre de ces ponts sur un grand canal de navigation et presque à chaque commune ? Cela semble présenter, outre les frais considérables pour le trésor, quelques inconvénients pour la navigation, surtout sur un canal qui sert pour les navires de mer d'un certain tonnage.
Souvent il arrive que ces navires à leur passage font aux ponts des avaries.
II est donc nécessaire, avant de se prononcer sur la construction d'un nonveau pont, de consulter les diverses autorités de la province, et en conséquence la commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de ces deux pétitions à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Van Iseghem, rapporteur. - Par pétition datée de Bruges, le 16 mars 1859, quelques officiers des anciens régiments de réserve, aujourd'hui pensionnés, demandent le remboursement des sommes qui ont été retenues sur leurs appointements pendant les années 1840 et 1841.
Ce n'est pas la première fois que des officiers des anciens régiments de réserve réclament le remboursement des sommes qui ont été retenues sur leurs appointements pendant les années 1840 et 1841. La Chambre a déjà renvoyé deux de ces pétitions à M. le ministre de la guerre et a passé à l’ordre du jour sur une troisième. Comme la commission est peu disposée à recommander au gouvernement le remboursement des retenues perçues en 1840 et 1841, elle vous propose l'ordre du jour.
- Adopté.
Rapport de la commission permanente d’industrie sur des pétitions relatives à l’accise sur l’eau de mer
La commission propose le renvoi au ministre des finances.
M. Sabatier. - Je ne viens pas m'opposer au renvoi à M. le ministre des finances des pétitions sur lesquelles l'honorable M. Jacquemyns a fait rapport ; mais j'ai quelques observations à présenter au sujet des arguments de l'honorable rapporteur.
La loi de 1844 frappe d'un droit de 10 centimes l'hectolitre l'eau de mer alors qu'elle marque de 1 à 2° de l'aréomètre de Baume et de 20 centimes quand l'aréomètre marque de 2 à 3°.
Les pétitionnaires nous disaient que cet impôt n'atteignant pas à beaucoup près toute la quantité de sel renfermées dans l'eau de mer, il en résulte que ceux qui ont la faculté d'employer cette eau ont sur leurs concurrents un tel avantage, que tous les sauniers, que leur éloignement de la mer oblige à raffiner par l'eau douce, se voient dans la nécessité de fermer leur usine. Voilà le fait avancé par les pétitionnaires. Voyons s'il est exact et, dans l’affirmative, ce qu'il y aurait à faire pour modifier l'état de choses créé par la loi de 1844.
Il est positif que les 10 et 20 centimes qui frappent l'eau de mer suivant sa densité, n'équivalent pas à la quantité de sel qu'elle contient. Le fait est reconnu par le gouvernement et par l'honorable rapporteur de la commission d'industrie. Nous sommes donc d'accord sur ce point ; mais où nous différons, c'est sur la quantité de sel que renferme l'eau de mer et par conséquent sur le plus ou moins d'avantage qu'il y a à l'employer. Remarquez bien, messieurs, que pour que l'impôt qui frappe le sel, c'est-à-dire 28 francs par cent kil. soit appliqué rigoureusement à l'eau de mer, celle-ci à 3° ne devrait contenir que 1 k. et une légère fraction de sel, mais il n'en est pas ainsi ; à 3° l'eau de mer contient bien près de 4 k. de sel Or, à l'accise de 18 francs par cent k. l'impôt devrait être de 72 cent, par hectolitre au lieu de 20 cent, et comme il faut 3 1/4 hectolitres d'eau de mer pour raffiner 100 k. de sel, il en résulte un avantage de 2 fr. 34 c. par cent k. de sel raffiné pour lequel on ne paye au fisc que 65 centimes.
Je ne prétends pas donner ces chiffres d'une manière absolue. Cependant je suis convaincu qu'ils sont plutôt au-dessous qu'au-dessus de la vérité.
L'avantage que je viens d'indiquer est celui que la loi peut atteindre ou du moins devrait atteindre pour que l'impôt sur le sel fût réparti également pour tous.
Malheureusement toute juste qu'elle est, une mesure qui frapperait d'un droit plus élevé l'eau de mer, aurait pour conséquence d'élever le prix du sel dans tout le pays, et je ne la réclamerais que si l'on ne pouvait offrir aucune compensation aux sauniers qui ne peuvent employer l'eau de mer. Je trouve en partie cette compensation dans l'idée émise par l'honorable ministre des finances dans la lettre qu'il a adressée à la commission d'industrie sous la date du 3 février dernier. M. le ministre dit que d'après les documents qui lui sont parvenus il semblerait que la levée de la prohibition du sel brut à l'entrée par les frontières de terre serait efficace pour relever les sauniers du midi. En effet, messieurs, nos sauniers pourraient se procurer, en France notamment, du sel brut à de meilleures conditions que par mer et la levée de la prohibition par terre étendrait ses avantages, non seulement aux sauniers, mais aux fabriques de produits chimiques qui produisent les sulfates et carbonates de soude, ce qui, soit dit en passant, aiderait peut-être à mettre fin à la querelle qui existe entre les verriers et les fabriques de produits chimiques.
Reste à savoir si cette compensation serait suffisante. L’expérience seule peut nous l'apprendre, et je demanderai à M. le ministre des (page 1119) finances s'il ne pourrait pas prendre de suite la mesure qu'il indique ; nous saurions au moins à quoi nous en tenir lorsque viendrait dans la prochaine session la discussion sur la révision de nos tarifs douaniers.
M. Tack. - La question qui nous occupe est assez importante pour mériter de fixer un instant l'attention de la Chambre ; plus de cent sauniers dont les usines sont situées dans la province de Hainaut et dans la partie méridionale de la Flandre viennent demander que des modifications soient apportées à l'accise sur l'eau de mer ; d'autre part une cinquantaine de sauniers du littoral de la mer et de l'Escaut insistent pour qu'aucun changement ne soit fait aux bases de l'accise sur le sel.
Votre commission permanente d'industrie a conclu au statu quo, elle se prononce donc en faveur des derniers pétitionnaires. Cependant elle opine pour le renvoi de toutes les demandes à M. le ministre des finances. Pas plus que M. Sabatier, je n'entends m'opposer à ce renvoi, mais je ne puis admettre les motifs présentés par la commission à l'appui de ces conclusions.
Les réclamations contre la taxation de l'eau de mer ont surgi il y a plus de 18 mois. On les a qualifiées alors d'exagérées.
Les pétitionnaires faisaient valoir, à cette époque, différents griefs : d'abord, ils se plaignaient de ce qui se pratiquait par leurs concurrents du littoral de la mer et des bords de l'Escaut ; des fraudes manifestes, grâce au jaugeage défectueux des embarcations servant au transport de l'eau de mer. Leurs allégations dont on faisait si bon marché ont été reconnues fondées ; qu'est-il arrivé ? Le gouvernement a fait procéder à la rectification du jaugeage des bateaux de transport et incontinent l'accise sur l'eau de mer a produit 25 p. c. en plus. C'est une justice partielle rendue aux sauniers du midi, il importe maintenant que la réparation devienne complète ; ce que demandent les sauniers du midi de la Flandre et du Hainaut, c'est que le traitement en matière d'impôt soit le même partout et pour tous, c'est que certains industriels ne jouissent pas de privilège au détriment d'industriels concurrents. Voilà dans quels termes se présente la difficulté.
C'est une question de fait et non pas une question de droit qu'il s'agit de résoudre. Or, quant aux faits, l'honorable rapporteur de la commission et M. le ministre des finances sont d'accord qu'il y a des différences réelles au point de vue de l'accise dans la situation faite à l'industrie des deux catégories de sauniers qui sont ici en cause. Quelque minimes que soient ces différences, l'équité exige qu'elles disparaissent.
Le raffinage du sel s'effectue de deux manières. Le sel de roche entre toujours dans l'opération de la fonte comme élément principal, mais parmi les sauniers les uns emploient l'eau douce, les autres l'eau de mer pour arriver à l'extraction du sel livrable au commerce.
Maintenant, quelles sont les bases de l'impôt ? Cent kilog de sel de roche payent 18 francs de droit d'accise ou, si l'on veut, l'accise s'élève à 18 centimes par kilog.
Cet impôt est énorme puisqu'il s'élève à 692 p. c de la valeur de la matière première. D'autre part, quelles sont les bases de l'accise prélevée sur l'eau de mer ?
La perception se fait d'après les indications du pèse-sel, autrement dit : l'aréomètre de Baume, en calculant de degré en degré, et de la manière suivante : au-dessous de 1° l'eau de mer ne paye rien ; elle paye 10 centimes par hectolitre lorsqu'elle marque de 1° à 2° exclusivement, et 20 centimes lorsqu'elle marque 2° sans atteindre 3°. Au-delà elle paye comme saumure.
Les sauniers du Hainaut et de la partie méridionale de la Flandre soutiennent qu'il résulte de l'adoption de cette double base que le rapport entre l'accise perçue sur le sel de roche et l'accise perçue sur le sel pur contenue dans l'eau de mer est dans le rapport de 3 à 1, c'est-à-dire que le sel de roche paye 3 fois plus que le sel tenu en dissolution dans l'eau de mer.
Voici comment ils établissent leurs calculs : un hectolitre d'eau de mer à 9 9/10 contient 2 kilog. 10 de sel pur ; le droit d'accise sur cette quantité est de 10 centimes, donc moins de 5 centimes par kilogramme ; tandis que l'impôt sur le sel de roche est, comme nous l'avons vu tantôt, de 18 centimes. La différence est donc du triple.
M. le rapporteur de la commission part d'antres données ; il part de cette supposition que l'eau de mer employée au raffinage du sel a pour densité 2°5 ; selon lui, un hectolitre d'eau de mer à la densité de 2°5, contient 2k22 de sel pur après déduction de 20 p. c. du chef des matières hétérogènes dont elle est saturée ; l'accise perçue sur cette quantité est de 20 centimes, par conséquent un peu moins de 10 centimes au kilogramme, tandis que l'accise sur le sel de roche est de 18 centimes par kilogramme ; différence de moitié.
Qu'il y ait une différence, c'est chose reconnue par l'honorable auteur du rapport de la commission, il ne peut s'agir que de plus ou moins. On arrive aux mêmes résultats en calculant d'une autre manière. Ainsi, 100 kilos de sel de roche à 1°9 travaillé à l'eau douce donnent 105 kilogrammes de sel raffiné livrable au commerce.
D'après les investigations auxquelles s'est livré M. Jacquemyns, l'honorable rapporteur de la commission de l'industrie, on serait parvenu aujourd'hui à extraire jusqu'à 110 voire même 115 kilos de sel raffiné selon le degré de perfection des procédés employés.
Lorsqu'on traite le sel de roche à l'eau de mer ou obtient un produit de 113 kilogrammes au minimum qui peut s'élever, selon M. Jacquemyns, à 118 kilog. et même 123 kil., différence de 8 kilogrammes, l'accise perçue est de 32 centimes ; en supposant, ce qui est admis, qu'il faut pour la fonte 3 hect 1/4 d'eau tandis que l'accise sur 8 kilog. de sel raffiné provenant de la fonte avec l’eau douce est de fr. 1 28, je calcule l'accise sur le sel de roche à raison de 16 centimes par kilogr.a u lieu de 18 centimes, par le motif qu'il s'agit ici de l'accise sur le produit, et non de celle qui frappent la matière première mise en œuvre.
Il y a donc ici une différence de 96 centimes, l'accise étant d'un côté de fr. 1-28 et de l'autre de 32 centimes ; il en résulte encore une fois que le sel de roche paye le triple.
L'honorable rapporteur nous dit que la différence n'est que de 11 centimes. Comment obtient-il ce chiffre ? En prenant pour base de ses calculs de l'eau de mer à 2°5 ; dans cette hypothèse l'accise sur les 8 kilogrammes de sel provenant de l'extraction opérée sur l'eau de mer est du double c'est-à-dire qu'elle s'élève à 64 centimes, d'où la conséquence que la différence ne serait que de moitié, ou de 64 centimes : pour arriver à 1 fr. 11 centimes, l'honorable M. Jacquemyns tient compte d'un fait auquel il ne faut pas avoir égard, je veux parler des frais de transport ; qu'il estime à 16 centimes par hectolitre soit 53 centimes sur 3 hectolitres un quart.
En somme l'honorable rapporteur le reconnaît lui -même ; la différence que nous critiquons existe ; seulement il la réduit à d'insignifiantes proportions.
D'un autre côté il avoue que pour le moment on ne possède que des données vagues sur les quantités de sel contenues dans l'eau de mer ; ces aveux ne démontrent-ils pas qu’il est nécessaire de procéder à de nouvelles expériences ? C'est tout ce nous demandons pour le moment.
Les sauniers du Hainaut et du midi de la Flandre prétendent que la cause de la décadence continue de leur industrie et de la prospérité toujours croissante de celle de leurs rivaux réside dans la faveur dont ceux-ci jouissent en matière d'impôt.
Les sauniers du littoral de la mer et des bords de l'Escaut le contestent.
La raison de notre supériorité, disent-ils, provient de ce que nous exerçons notre industrie en grand ; nous avons, ajoutent-ils, des usines qui produisent depuis 500,000 jusqu'à 3 millions de kilogrammes par an ; tandis que parmi les vôtres il n'en est pas qui fabriquent au-delà de 500,000 kilogrammes pendant la même période de temps. D'où la conséquence, poursuivent-ils, qu'ils peuvent se contenter d'une unité de bénéfice beaucoup moindre puisque en définitive la somme de leurs profits sera nonobstant considérable.
Il est vrai que le mode de fabrication en grand concourt à produire ce résultat, mais la faveur de la réduction de l'impôt n'y serait-elle pas pour la plus grande partie et n'est-elle pas là cause primitive de la grande prospérité des usines du littoral de la mer et des bords de l'Escaut ? Ces industriels qui se vantent aujourd'hui tous de leur supériorité furent-ils toujours les gros bonnets de leur industrie ?
On nous dit que la main-d'œuvre coûte plus cher chez les sauniers du midi que chez ceux du nord, parce que là où les premiers emploient deux ouvriers, les seconds n'en emploient qu'un. Je comprends que dans certaines manufactures ou ateliers où l'on a besoin de beaucoup d'ouvriers, le nombre d'ouvriers doit entrer en ligne de compte ; mais tel n'est pas le cas pour les sauneries et chacun sait qu'il est très facile dans cette industrie de proportionner le nombre d'ouvriers à son importance.
On objecte encore que les sauniers en grand du Nord se servent de méthodes perfectionnées que n'emploient pas leurs concurrents du midi, mais ceux qui prétendent se servir de ces méthodes ne disent pas en quoi elles consistent. Les sauniers du midi prétendent de leur côté être à la hauteur de tous les perfectionnements. Quand je dis que les sauniers du Nord ne divulguent pas les méthodes perfectionnées dont ils se targuent, je me trompe ; ils nous invitent à deux genres de perfectionnements ; le premier consisterait en ce qu'ils fabriqueraient un sel d'un blanc plus nacré, ce que leurs concurrents contestent encore une fois. Au surplus l'honorable M. Jacquemyns lui-même nous déclare que les qualités de sel les plus belles en apparence n'obtiennent pas toujours la préférence des consommateurs.
Quant au second genre de perfectionnement qu'ils nous font connaître, il est au moins étrange. Ce second genre de perfectionnement, c'est celui qui leur permet de produire avec 100 kilog. de sel de roche 110 à 115 kilog. de sel raffiné, indépendamment des 8 kilogrammes extraits de l'eau de mer employés pour la fonte. Je suis pour ma part fort tenté d'appeler ce perfectionnement une fraude à la loi, une soustraction de l'impôt, une falsification au détriment du consommateur.
Voyez les documents officiels, le rendement a été calculé à raison de 105 kil. de sel raffiné par 100 kil. de sel de roche mis en ouvre. Or, vous dites que vous obtenez non pas 105 kil., mais 115 kil. Voilà donc 10 kil. qui ne payent pas d'impôt. D'après les calculs faits par l'administration des contributions, le sel ne doit contenir à l'état naturel que 5 à 6 p. c. d'eau au maximum. Vous venez déclarer que vous raffinez de manière à produire non pas 105, mais 110 à 115 kil. Qu'est-ce à dire ? C'est que vous vendez au consommateur de l'eau pour du sel.
Une simple réflexion fera comprendre que ce n'est pas tant la main-d'œuvre, les frais de transport, le coût de la matière première qui déterminent le prix du sel et qui peuvent expliquer les gros bénéfices ; ces (page 1120) éléments, en effet, n'influent pas au même degré sur la formation du prix, que l'accise qui entre pour les trois quarts dans la valeur de la matière première. Or, on comprend aisément que, si l'on parvient à soustraire une partie, si minime qu'elle soit.de sel raffiné, à l'accise, immédiatement on réalise des bénéfices considérables.
C'est là l'explication de cette grande prospérité des sauneries du littoral en présence de la décadence des sauneries du midi de la Flandre et du Hainaut.
En effet, si vos 3 hectolitres un quart d'eau de mer pour lesquels vous ne payez que 32 centimes, ou 64 centimes selon M. Jacquemyns, donnent 8 kiiog. de sel raffiné plus 10 kil. d'eau, ensemble 18 kilog., vous réalisez des profits énormes, car vous eussiez dû payer, en calculant l'accise sur le sel raffiné à 16 centimes par kil gramme, non pas 32 ou 64 centimes, mais 2 fr. 88 centimes.
Vous faites donc un bénéfice de fr. 2,56 ou fr. 2,2, ,et l'on comprend dès lors comment vous pouvez, à la porte des industriels du Hainaut et du midi de la Flandre, fournir le sel à 24 fr. pour 100 kilog. alors qu'ils ne peuvent le produire qu'à 25 fr.
On nous dit encore qu'une des causes de la décadence des sauneries du Hainaut et du midi de la Flandre, c'est la cessation du commerce interlope avec la Fronce. Autrefois l'impôt sur le sel en France était de 30 fr. L'accise a été réduite à 10 fr. Lorsque l'impôt était de 30 fr. par 100 kil., on était naturellement tenté de faire infiltrer en France du sel fabriqué en Belgique, parce que celui qui exportait en France 100 kil.de sel, faisait un bénéfice de 12 fr. Aujourd'hui, c'est le contraire. L'accise sur le sel en Belgique est plus élevée qu'en France, donc, prétend-on, à l'heure qu'il est, les sauniers français font passer leur sel en fraude dans notre pays.
Ce n'est pas faire beaucoup d'honneur ni à la douane belge, ni à la douane française. Au reste, ce dont se plaignent les sauniers du Hainaut et du midi de la Flandre, ce n'est pas de ce que le commerce interlope a diminué. Sans doute, il pouvait y avoir autrefois certain commerce interlope, mais n'exagérons pas. Ce dont ils se plaignent surtout, c'est que le marché leur fait défaut ; c'est que jadis ils pouvaient concourir avec les sauniers du Nord sur le marché intérieur et qu'ils ne le peuvent plus aujourd'hui.
Ainsi qu'on ne vienne pas parler du commerce interlope comme cause unique ou principale de la décadence des sauniers du midi de la Flandre ou du Hainaut.
On dit encore : Nous payons du chef de transport de l'hectolitre d'eau de mer 16 centimes ; il nous faut de ce chef une compensation. Cela ne me semble pas rationnel. Les sauniers du Hainaut et du midi de la Flandre pourraient avec autant de raison demander une compensation, parce qu'ils payent plus cher que leurs rivaux le transport du sel de roche.
Vous arriveriez ainsi à un système de compensation, d'équilibre, de pondération qui n'est pas admissible, qui n'est plus de notre époque.
Mais, objecte-t-on encore, les sauniers de Charleroi ont le grand avantage d'avoir le charbon à meilleur compte ; de ce chef encore, nous venons demander une compensation. Je me demande ce que signifie cette objection vis-à-vis des sauniers du midi de la Flandre, des sauniers de Courtrai, de Mouscron, d'Ypres, de Menin, qui payent plus cher que tous les autres le transport du charbon et le transport du sel de roche et qui de plus n'ont pas à leur disposition l'eau de mer.
Laissons, messieurs, à chacun les avantages qu'il tire des bienfaits que la nature lui a octroyés, laissons-lui les bénéfices de sa position topographique. Que les sauniers du Hainaut aient le charbon qu'ils trouvent sous la main à bas prix, que ceux du Nord aient à bas prix le sel de roche et qu'ils jouissent de l'avantage qu'ils ont de pouvoir seuls se servir de l'eau de mer. Que les sauniers du midi de la Flandre subissent le désavantage de payer plus cher le charbon et le sel de roche, ils ne s'en plaignent pas ; mais ce qu'ils ne veulent pas, ce contre quoi ils réclament, c'est que les sauniers des bords de la mer et de l'Escaut cumulent les avantages de la position typographique avec un privilège eu matière d'impôt.
En définitive, que veulent les sauniers du Hainaut et du midi de la Flandre ? veulent-ils prohiber l'emploi de l'eau de mer ? On les en a accusés ; mais telle n'est pas leur pensée. Ils demandent qu'on établisse une nouvelle gradation dans l'échelle de perception de l'impôt ; ils voudraient qu'au lieu de percevoir l’impôt sur l'eau de mer d'après une échelle divisée par degrés, on établisse des divisions par dixième de degré et qu'on impose l'eau de mer comme saumure, sauf à tenir compte des éléments hétérogènes qu'elle peut contenir.
Quant à moi, je crois qu'il vaudrait mieux recourir à un autre système. Déjà l'impôt sur le sel n'est que trop lourd, et je ne veux pour ma part d'aucune aggravation dans le prix du sel raffiné sous quelque prétexte que ce soit. C'est à ce résultat que pourrait conduire la taxation de l'eau de mer comme saumure. On pourrait, ce me semble, rendre justice aux sauniers du midi par un autre moyen. Avant tout il conviendrait de se rendre un compte exact du rendement en sel raffiné d'après les différences constatées, selon que le sel de roche est mis en fonte avec l'eau douce ou avec l'eau de mer, après qu'on accorde une réduction proportionnelle aux sauniers qui se servent exclusivement d'eau douce.
C'est pourquoi je me rallie aux conclusions de l’honorable M. Sabatier.
Je demande que la pétition soit renvoyée à M. le ministre des finances pour qu'on examine ce qu'il convient de faire lorsqu'il sera question de lever la prohibition à l'entrée par terre du sel de roche, ou lorsqu'il s'agit de traiter les questions relatives à la tarfication des sels et du sulfate de soude.
- La suite de la discussion est renvoyée à demain.
M. L. Goblet. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi tendant à allouer au département des travaux publics un crédit spécial de 226,000 francs pour l'extension des lignes télégraphiques.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite de l'ordre du jour.
La séance est levée à 4 heures et demie.