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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 22 février 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 624) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Moor, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du 19 février.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor, secrétaire., présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Le sieur Chrétien Schreurs cultivateur à Liseweghe, né à Haelen (partie cédée du Limbourg), demande la naturalisation ordinaire. »

— Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Jean-Hubert Heusschen, cabaretier à Hasselt, dé Maestricht, demande la naturalisation ordinaire. »

— Même renvoi.


« Le sieur Heuskin, ouvrier menuisier, à Liège, demande que son fils aîné, milicien de la levée de 1856, soit renvoyé en congé illimité. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal et des habitants de Mons, arrondissement de Liège, prient la Chambre de faire rapporter l'arrêté de la députation permanente du conseil provincial, du septembre dernier, qui ordonne de réduire les baies longeant les chemins pavés et empierrés, à l m. 40 de hauteur. »

- Même renvoi.


« La veuve Fastré, privée de moyens d'existence par la mort accidentelle de son mari, qui travaillait dans une bure d'extraction de minerais de plomb, demande un secours. »

- Même renvoi.


« Le sieur Colson présente des observations à l'appui de sa demande de pension, de solde d'attente ou de maintenue sur les cadres, sans solde. »

- Même renvoi.


« Le sieur de Penaranda présente des observations sur les explications données par M. le ministre des finances, le 1er juin dernier, au sujet de sa réclamation et demande qu'il soit fait un examen approfondi des différentes questions encore pendantes, relativement à l'exécution des traités pour tout ce qui se rapporte à la dette gallo-belge. »

- Même renvoi.


M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction les demandes en obtention de la naturalisation ordinaire adressées par les sieurs Plasman, Floribert-Gillain, soldat au régiment du génie à Ostende et De Czeczott, César.

- Renvoi à la commission des naturalisations.


M. le gouverneur de la Société générale pour favoriser l'industrie nationale transmet à la Chambre 112 exemplaires du compte rendu des opérations de ladite société pendant l'année 1858.

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.


M. de Smedt, retenu chez lui par l'indisposition d'un de ses parents, demande un congé de 4 jours.

- Accordé.

Projet de loi approchant le concours des propriétés riverains aux frais de construction du canal de jonction de la Meuse à l’Escaut et du canal d’embranchement vers Turnhout

Discussion générale

M. A. Vandenpeereboom. - Messieurs, je ne viens pas combattre le projet de loi qui est en discussion. Au contraire, s'il était attaqué, je me ferais un devoir de le défendre, car les principes que ce projet de loi tend à consacrer sont ceux que depuis longtemps nous avons proclamés dans cette Chambre.

Toujours nous avons soutenu que la loi du 16 septembre 1807 n'avait jamais été appliquée en Belgique et que, si elle n'y est pas légalement abrogée, elle est cependant complétement tombée en désuétude.

Je n'ai donc demandé la parole que pour présenter une seule observation.

Je dis, messieurs, que le projet de loi est juste et fondé en droit ; mais je crois que, pour être logique, nous devons appliquer à toutes les voies navigables qui se trouvent dans la même position le principe qu'il a pour objet de consacrer.

Déjà, messieurs, vous avez pu voir par le rapport de la section centrale qu'un membre a demandé que les riverains du canal de Zelzaete fussent également libérés de la part contributive qui leur est imposée par une loi.

Je viens à mon tour faire remarquer qu'il est encore d'autres voies navigables qui sont exactement dans la même position ; je citerai notamment l'Yser et la Grande-Nèthe dont j'ai eu plusieurs fois déjà l'occasion d'entretenir cette Chambre.

Or, messieurs, si le principe que l'on invoque en faveur des riverains des canaux de la Campine est juste, il l'est également pour les riverains du canal de Zelzaete et pour ceux de l'Yser et de la Grande-Nèthe.

Vous savez, messieurs, dans quelle situation se trouve la rivière, à laquelle je porte le plus vif intérêt. Vous vous rappelez que l'administration de l'Yser et de la Grande-Nèthe a été reprise par l'Etat à l'occasion du vote d'un budget des voies et moyens, et qu'alors la Chambre, se basant sur le principe de la loi de 1807, a décidé que les grands travaux à exécuter à ces rivières seraient effectués avec le concours des provinces, des communes et des propriétaires intéressés.

A la suite de ce premier vote de principe il a été présenté à la Chambre une loi fixant la quotité de la part contributive de ces divers intéressés. Cette loi a rencontré une grande opposition au sein de la Chambre, et les provinces d'Anvers et de Flandre occidentale ont réclamé avec beaucoup d'énergie et, selon moi, avec beaucoup de justice. Elles ont soutenu que la loi de 1807 n'était plus applicable et ont fait remarquer que la part contributive fixée était en tous cas beaucoup trop considérable. La section centrale, appelée à examiner le projet du gouvernement, a complétement partagé l'opinion des provinces et a modifié en ce sens le projet primitif ; les propositions de la section centrale ont été votées par la Chambre et le Sénat.

Depuis lors, les conseils provinciaux d'Anvers et de la Flandre occidentale ont été appelés à délibérer sur la quotité à payer par les provinces, par les communes et les propriétaires intéressés. Une discussion très vive s'est engagée sur ce point et l'on a commencé alors à comprendre que la répartition proposée était fort difficile à organiser en pratique.

Aujourd'hui on cherche en effet à établir quels sont les propriétaires les plus lésés et dans quelle proportion. Mais dans cette répartition, on rencontre des difficultés qui paraissent inextricables. Il y a des détails immenses, et je crois que si les dispositions en ce qui concerne l'Yser étaient maintenues, on serait forcé d'avoir recours à une mesure semblable à celle qui est présentée aujourd'hui à la Chambre.

Je demande donc que le principe qu'on propose d'appliquer aujourd'hui aux canaux de la Campine soit également appliqué à l'Yser et aux canaux qui en dépendent. Il faut être juste pour tout le monde, et il ne faut pas que des dispositions abrogées pour les uns soient maintenues pour les autres.

Je vais cependant au-devant d'une objection qu'on pourrait me faire.

On pourrait me dire : l'Yser et la Nèthe ne se trouvent pas exactement dans la même situation que les canaux de la Campine et de Zelzaete.

En effet, les provinces ont contracté un engagement. Mais je ferai remarquer que cette objection n'est pas fondée, voici pourquoi. Les provinces se sont pour ainsi dire engagées. Elles avaient un intérêt immense à ce que les travaux projetés fussent exécutés ; et d'un autre côté, elles étaient sous l'empire de cette idée que les dispositions que nous proposons d'abroger aujourd'hui existaient encore.

Cet engagement, d'après moi, peut donc être considéré comme nul, parce qu’il a été contracté sous une espèce de contrainte au moins morale, et ensuite parce qu’il est le résultat d’une erreur de droit. En effet, le gouvernement reconnaît que les dispositions sur lesquelles il s’était basé pour imposer les riverains de la Flandre orientale sont erronées.

Du reste, en admettant même que les provinces soient tenues de payer, ce à quoi elles se sont engagées, il n'est pas possible d'imposer d'office les communes et les particuliers. Car les particuliers et les communes n'ont jamais rien offert et cependant les provinces, en vertu de la loi, leur appliquent les principes de la législation de 1807.

Il me semble qu'il y aurait contradiction entre la mesure qu'on propose et celle qu'on n'applique pas à la Flandre et à la province d'Anvers, et c'est pour ce motif que je demanderai au gouvernement d'examiner cette question.

Je ne fais pas de proposition formelle ; mais il me paraîtrait injuste qu'on libérât les riverains du canal de la Campine et du canal de Zelzaete de toute part contributive et qu'on ne libérât pas les riverains de l'Yser et de la Nèthe.

Je demande donc non seulement que le gouvernement veuille bien examiner la question, mais qu'il l'examine sans retard. Les travaux vont commencer. La loi exige que la part contributive des particuliers et des provinces soit préalablement versée, au moins en partie, et tout retard pourrait avoir un résultat fâcheux.

M. Coppieters. - Comme l'honorable préopinant, je pense que (page 625) le projet de loi présenté par le gouvernement ne soulèvera aucune opposition dans la Chambre. Il s'agit en effet d'abroger, d'une manière régulière, des dispositions que le gouvernement a reconnues inexécutables et qui sont en quelque sorte tombées en désuétude.

Si je prends la parole, c'est parce que je remarque avec étonnement que dans les explications fournies par le gouvernement, il y a une espèce de tendance à revenir sur des assurances données antérieurement relativement à l'applicabilité du projet de loi actuel au canal de Zelzaete.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Du tout.

M. Coppieters. - Je désire que cela ne soit pas. Mais il résulte des explications qui ont été fournies à la section centrale que le gouvernement aurait changé d'opinion. Voici ce que je lis dans le rapport de la section centrale : « Dans une note communiquée à la section centrale, il a été déclaré qu'il y aurait de sérieux inconvénients à comprendre dans le projet le canal de Zelzaete à la mer du Nord, construit exclusivement dans l’intérêt des riverains. » Cette phrase m'a alarmé. Je m'étais rappelé que le projet actuel n'est que la reproduction d'un projet de loi présenté par le cabinet précédent au mois de mai 1855 et qu'alors déjà on disait, comme dans l'exposé des motifs du projet actuel, que le gouvernement se réservait d'examiner ultérieurement si, après l'adoption de ce projet par la Chambre, il n'y aurait pas lieu de proposer un projet de loi identique applicable au canal de Zelzaete qu'on reconnaissait se trouver dans le même position que le canal de la Campine.

Aujourd'hui, après que la section centrale a examiné le projet de loi qui nous est soumis, après que trois sections ont témoigné le désir d'y voir comprendre le canal de Zelzaete, que répond le gouvernement ? Il dit qu'il voit des inconvénients à comprendre le canal de Zelzaete dans les dispositions qu'il propose aujourd'hui d'adopter pour le canal de la Campine, parce que le canal de Zelzaete est construit exclusivement dans l'intérêt des riverains.

C'est là une erreur complète, et je ne m'explique pas comment le gouvernement a pu s'exprimer de cette manière. Car si je voulais vous faire l'historique de la construction, du canal de Zelzaete, ce dont je m'abstiendrai pour ne pas abuser des moments de la Chambre, il ne me serait pas difficile de vous prouver par les documents que j'ai en main, que les ingénieurs qui ont étudié les travaux, que la commission d'enquête qui a été instituée, que le gouvernement qui a proposé ces travaux, ont tous reconnu à l'unanimité que la construction du canal de Zelzaete était nécessaire autant dans l'intérêt général que dans l'intérêt de quelques riverains.

Et quand je dis dans l'intérêt de quelques riverains, ce n'était pas un cadeau qu'on leur faisait. Le gouvernement avait reconnu qu'il fallait rétablir les voies d'écoulement qui existaient, en grande partie au moins, avant la révolution. Il s'agissait donc, par les travaux projetés, de rétablir ce que les propriétés riveraines avaient perdu par suite des événements de la révolution C'était un acte de justice qu'on posait.

Aujourd'hui, je crois que c'est par inadvertance, il résulterait des explications du gouvernement que celui-ci ne considère plus le canal de Zelzaete comme se trouvant dans la même position.

Je demande que, par quelques explications, le gouvernement veuille bien nous rassurer à cet égard, S'il ne le faisait pas, je devrais probablement présenter un amendement formel pour faire comprendre dès aujourd'hui le canal de Zelzaete dans les dispositions en faveur des riverains des canaux de la Campine.

Je pense, messieurs, que le gouvernement ne peut pas se refuser à donner des explications satisfaisantes, à renouveler en quelque sorte les assurances qu'il nous a données dès 1855, lorsque le projet de loi qui est reproduit aujourd'hui a été présenté à la législature. Il est difficile de comprendre qu'on fasse une différence pour des travaux qui se trouvent dans une position tout à fait identique.

Je pense qu'on ne peut pas contester que le canal de Zelzaete se trouve dans une position même meilleure à cet égard que le canal de la Campine. En effet, ce dernier était destiné en grande partie à donner aux riverains ce dont ils n'avaient pas joui jusqu'alors, c'est-à-dire de l'eau pour irriguer leurs terres. Pour les riverains du canal de Zelzaete, comme je l'ai dit, il s'est agi de rétablir ce que la révolution leur avait enlevé. Il y a donc des motifs tout particuliers et très concluants pour dégrever les riverains du canal de Zelzaete des charges qu'on leur a imposées et qu'il serait impossible aujourd'hui de justifier.

Je désire que le gouvernement s'explique et nous fasse connaître si nous pouvons espérer que très prochainement il proposera en faveur des propriétés riveraines du canal de Zelzaete et des provinces intéressées des mesures identiques à celles qu'il présente en faveur des riverains des canaux de la Campine. Je regrette même qu'il ne l'ait pas fait dès aujourd'hui, d'autant plus que les sections s'étaient montrées très favorables à cette idée, et que le gouvernement, si je suis bien informé, avait paru animé des mêmes sentiments. (Interruption.)

Les sections se sont exprimées très formellement à cet égard ; et si ma mémoire est fidèle, l'une d'elles a même subordonné son approbation au projet de loi, à la condition que le canal de Zelzaete serait compris dans ce projet. J'attendrai les explications du gouvernement, et je désire qu'elles soient de nature à rendre inutile la présentation d'un amendement.

M. Desmaisières. - Messieurs, j'adhère également et pleinement au projet qui est maintenant soumis à vos délibérations ; j'y adhère d'autant plus, qu'il résulte tant de l'exposé des motifs du gouvernement que du rapport de la section centrale, que tous les deux sont d'accord pour étendre au canal de Zelzaete la mesure proposée en faveur des canaux de la Campine.

Messieurs, je n'ai demandé la parole que pour ajouter quelques observations à celles que vient de présenter l'honorable préopinant, relativement au canal de Zelzaete.

Les canaux de la Campine sont des canaux de navigation et de fertilisation. Vous n'ignorez pas, messieurs que lorsqu'on a décrété les premiers canaux de la Campine, l'idée dominante alors était d'acquérir pour la Belgique une nouvelle province agricole. C'est donc avec raison que je dis que les canaux de la Campine sont des canaux de fertilisation.

Le canal de Zelzaete est aussi un canal de fertilisation, mais il est en même temps canal d'assainissement, car il y a dans la contrée que parcourt le canal de Zelzaete une population de 30,000 à 40,000 âmes qui, depuis le creusement de ce canal, éprouve bien moins souvent les atteintes de la fièvre des polders, de cette fièvre pernicieuse qui, autrefois, décimait fortement cette population.

Il est vrai qu'aujourd'hui les canaux de la Campine sont en quelque sorte devenus des canaux de jonction entre la Meuse et l'Escaut, et par suite de cette circonstance, ils ont un intérêt commercial de plus que le canal de Zelzaete.

Mais, messieurs, le canal de Zelzaete est un canal de réparation envers les propriétaires intéressés. Permettez-moi de vous l'expliquer en peu de mots. Vous le savez, les polders sont des terrains conquis sur la mer ; ce sont les terrains les plus fertiles que nous possédions en Belgique ; mais cette fertilité n'est acquise et maintenue qu'à deux conditions : la première, c'est celle d'empêcher, par des endiguements les eaux de la mer de se répandre sur ces terrains ; car il suffit d'une seule invasion de ces eaux pour rendre le sol stérile pendant sept ou huit ans.

L'autre condition, c'est que l'écoulement des eaux de pluie surabondantes de ces terrains soit assuré vers la mer. Anciennement cet écoulement se faisait par deux bouches de l'Escaut, savoir le Zwyn et le Brackman. Ces deux branches se reliaient entre elles par un chenal appelé Passe-gueule et que l'action journalière du flux et du reflux de la mer maintenait à la profondeur nécessaire pour assurer l'écoulement. Cet état de choses continua jusqu'en 1788.

A cette époque les Hollandais dans le but de défendre leur territoire construisirent à travers ce chenal un barrage appelé Bakkersdam et le Zwyn et le Brackman commencèrent à s'envaser ; ils l'étaient déjà tellement en 1830 que le Zwyn ne pouvait presque plus donner passage aux eaux.

Depuis lors on a construit en Hollande différents forts (le fort de Philippine et autres) qui devinrent de nouveau des obstacles à l'écoulement des eaux ; enfin lors de la révolution de 1830, les Hollandais firent dans un but définitif des inondations très étendues qui accélérèrent encore l'envasement du Brackman et du Zwyn ; cet envasement, quand on a décrété le creusement du canal de Zelzaete, était devenu tel, que l'écoulement des eaux des polders devenait absolument impossible. Vous le voyez donc, messieurs, le canal de Zelzaete est un canal de réparation ; il a restitué aux polders des Flandres l'écoulement des eaux qui leur avait été enlevé par différents faits politiques et de guerre.

Aussi, messieurs, tout le monde avait compris la nécessité, l'urgence même de creuser ce canal. Le gouvernement ne tarda pas à présenter et la Chambre des Représentants à voter un projet de loi posant formellement le principe du creusement du canal de Zelzaete entièrement aux frais de l'Etat ; mais au Sénat, un vote émis à une grande majorité admit le principe de la loi de 1807, c'est-à-dire le concours des propriétaires intéressés, et le Sénat ne voulut voter le canal de Zelzaete qu'à la condition que les propriétaires intéressés seraient tenus d'y contribuer pour une certaine part. Le gouvernement et la Chambre des représentants, en présence de cette résolution formelle du Sénat, crurent qu'il valait mieux avoir le canal avec le concours des propriétaires intéressés que de ne pas l'avoir du tout ; car il était impossible de demander au Sénat qu'il revînt sur son vote, attendu que ce vote avait été émis à une très grande majorité et que beaucoup de sénateurs d'ailleurs avaient déclaré vouloir maintenir le principe de l'applicabilité de la loi de 1807.

C'est dans ces circonstances que >e gouvernement et les Chambres ont adopté le concours des propriétaires intéressés à la construction du canal de Zelzaete.

Lorsque, plus tard, les premiers canaux de la Campine furent décrétés, on ne crut pas pouvoir faire autrement que de leur appliquer les mêmes principes ; on crut qu'il serait injuste de ne pas les appliquer aux canaux de la Campine après qu'on en avait fait application au canal de Zelzaete.

Je termine, messieurs, par cette conclusion : c'est que le canal de Zelzaete est un canal de réparation, de fertilisation, d'assainissement et de petite navigation agricole, et qu'à tous ces titres il mérite au moins autant que les canaux de la Campine l'exemption du concours des propriétaires intéressés.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le principe du projet ne paraît pas devoir être contesté. Mais, à l'occasion de la proposition qui vous est faite, MM. Coppieters et Desmaisières demandent que le (page 626) même principe soit appliqué au canal de Zelzaete. L'honorable M. Coppieters a supposé à tort que le gouvernement s'était montré hostile à cette mesure, sauf certaines réserves quant aux frais d'administration et d'entretien.

Il a lu dans le rapport qui nous a été soumis quelques phrases qui ne s'appliquent pas à la question qu'il soulevait, mais il a omis de lire la déclaration même du gouvernement. Le gouvernement a dit que, tout en reconnaissant qu'il y a lieu d'abroger la disposition de la loi d'après laquelle les propriétaires intéressés devaient contribuer aux frais de construction du canal, il demandait qu'on lui laissât le temps d’examiner la question relative aux frais d'administration et d'entretien. Il eût été difficile, me semble-t-il, d'être plus explicite. Il y a accord complet entre le gouvernement et l'honorable membre quant au dégrèvement.

Mais quant à la question des frais d'administration et d'entretien, les dispositions relatives au canal de Zelzaete ne sont et ne pouvaient pas être les mêmes que celles qui concernent le canal de la Campine. Ce canal, en effet, est un canal de navigation ; accessoirement, c'est un canal qui doit servir à l'irrigation. Le canal de la Campine ne profitait qu'indirectement aux propriétés riveraines. On avait dit, il est vrai, que ce canal procurerait un grand avantage direct sous le-rapport des irrigations ; mais l'expérience a démontré que bien loin de pouvoir irriguer la quantité considérable d'hectares qui avait été indiquée, on n'a pu employer les eaux du canal à cet usage que dans une mesure fort restreinte.

Tout au contraire, et quoi qu'en ait dit l'honorable M. Desmaisières, le canal de Zelzaete est purement et simplement un canal d'asséchement ; l'exécution de ce canal a donc tourné directement et immédiatement au profit des propriétés riveraines. Sans doute, les travaux de ce genre ont toujours un caractère d'intérêt général, on ne peut pas le méconnaître ; mais il n'est pas moins vrai qu'un avantage immédiat à été procuré aux propriétés asséchées. Cependant cette considération n'arrête point le gouvernement, quant à la contribution spéciale d'un million qui avait été imposé aux propriétés qui devaient profiter du canal. En ce qui concerne la question des frais d'administration et d'entretien, comme ce canal sert exclusivement aux propriétés riveraines et qu'il est, sous ce rapport, d'un intérêt local, la loi a stipulé que ces frais seraient à la charge de la province. Cette disposition n'a pas été plus exécutée que la précédente ; mais quelles sont les mesures à y substituer ?

Si la province ne doit pas avoir l'administration et l'entretien du canal, y aurait-il lieu de constituer, par exemple, les propriétés riveraines en wateringues, comme on l'a fait dans plusieurs autres cas analogues ? C'est ce qui est à décider. Je n'indique aucun mode comme étant le plus praticable ; je n'ai moi-même aucune opinion arrêtée sur ce point ; je me borne à dire que cette question doit être préalablement résolue.

L'honorable M. Vandenpeereboom a aussi profité de la circonstance pour essayer de faire comprendre que l'Yser et la Grande-Nèthe sont dans la même situation que le canal de la Campine. Mais, messieurs il y a encore moins d'analogie qu'entre les deux cas précédents. C'est l'an passé seulement que la question a été résolue quant à l'Yser et à la Grande-Nèthe ; c'est l'an passé que le gouvernement a accepté les offres des provinces d'Anvers et de la Flandre occidentale.

M. A. Vandenpeereboom. - Mais pas celles des communes et des propriétaires.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il y a contrat de ce chef entre le gouvernement et ces deux provinces ; ce contrat ne doit pas être rompu. D'après la loi, l'entretien de la Grande-Nèthe et de l'Yser était à la charge des provinces. Le gouvernement a consenti, sous certaines conditions, à en reprendre l'administration ; il faut bien que ces conditions soient remplies, sinon le principe même de la reprise viendrait à s'évanouir. On n'a pas voulu admettre la reprise d'autres rivières, même à des conditions analogues ; on les a laissées dans le domaine des provinces. Maintenant que ce contrat vient à peine d'être conclu, il ne faut pas provoquer l'une des parties à revenir sur ce contrat ; il ne faut pas que l'on essaye de l'anéantir. Je ne crois pas, du reste, que la question puisse opportunément se présenter dans la discussion actuelle, et je me borne, sur ce point, à ces simples observations.

M. Coomans. - Je n'ajouterai qu'un mot aux justes observations que vient de présenter M. le ministre des finances. Il y a très peu d analogie entre le projet en discussion et les divers objets qu'on s'efforce d'y rattacher. Je ne suis certes pas hostile au dégrèvement sollicité en faveur des riverains du canal de Zelzaete, de l'Yser et de la Grande-Nèthe ; mais il faut bien reconnaître que ces cours d’eau sont dans une situation toute autre que les canaux de la Campine. Le législateur s'est fait illusion sur le fruit que les riverains devaient retirer de ce travail d'utilité publique. Cet avantage est nul ou à peu près.

Je le regrette infiniment, je me suis quelque peu trompé moi-même, il y a une dizaine d'années, mais il est facile de se tromper au sujet des choses qu'on désire fortement. A part 2.000 ou 3,000 hectares qu'on est parvenu à irriguer, à part ce léger avantage que les provinces d'Anvers et du Limbourg ont retiré de l'œuvre de 1843, il est vrai de dire que le canal de la Campine a été une grande gêne pour maints riverains, gêne d'autant plus grande que la plupart d'entre eux n'ont pu en profiter. Ou a creusé un immense fossé qui sépare les populations.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Est-ce que vous allez demander une indemnité ?

M. Coomans. - Je voulais en venir à dire que le canal de la Campine est devenu un canal exclusivement de navigation ; il ne sera guère que cela désormais, surtout si l'on ne parvient pas à lui donner l'eau qu'il réclame. L'eau manque ; il n'y a qu'un petit nombre d'irrigateurs qui peuvent en obtenir aujourd'hui, et insuffisamment encore. Il s'est même agi, depuis plusieurs années, de demander de ce chef pour les riverains une indemnité au gouvernement. Je ne me suis pas associé à cette demande, mais il n'en est pas moins vrai que l'on s'est fait grandement illusion au sujet des avantages que les riverains devaient retirer du canal de la Campine et qui sont bien loin de valoir ceux que recueillent les riverains du canal de Zelzaete. Il y a donc là un point de distinction radical.

Il reste, messieurs, une dernière raison, la plus forte de toutes et qui me dispense d'en alléguer d'autres, en faveur du projet présenté par le gouvernement, c'est que la loi qu'il s'agit d'abroger est tout simplement inexécutable. Il n'en est pas de même du canal de Zelzaete.

M. A. Vandenpeereboom. - Messieurs, je n'ai pas demandé que l'on prît actuellement une décision sur les observations que j'ai soumises à la Chambre, J'ai seulement prié le gouvernement d'examiner la question et voir s'il n'y a pas certaine analogie entre les riverains de l'Yser et ceux du canal de la Campine et du canal de Zelzaete. L'honorable ministre répond qu'on a refusé de reprendre les rivières et que l'Yser a été repris à certaines conditions. Cela est vrai, mais nous nous plaignons amèrement de ces conditions ; elles ont été repoussées par la Flandre occidentale avec beaucoup d'énergie ; cette province les a considérées comme illégales et comme contraires à tous les antécédents.

Le gouvernement a repris en effet presque toutes les voies navigables de la Belgique et jamais il n'a mis à cette reprise des conditions quelconques ; jamais il n'a exigé que les communes et les propriétaires intervinssent dans la dépense nécessaire pour mettre les voies navigables ou les voies d'écoulement en bon état.

Ainsi, messieurs, s'il y a des conditions, nous avons toujours protesté contre elles, et aujourd'hui, que nous abrogeons d'une manière formelle le principe sur lequel on s'était basé pour nous imposer une charge, nous demandons que la même règle nous soit appliquée. On nous avait imposé comme la Campine, nous demandons qu'on nous dégrève comme la Campine ; rien de plus, rien de moins.

Quant au contrat dont a parlé M. le ministre, c'est une espèce d'engagement forcé. Si vous parcourez les dossiers, vous verrez que la Flandre occidentale, notamment, a fait de très énergiques efforts pour ne pas être obligée d'intervenir ; mais on avait un besoin urgent de voir exécuter les travaux et on n'avait aucun espoir de convaincre le gouvernement ; la province a donc fini par consentir à payer une certaine somme.

C'est une espèce de contrainte morale ; on a fait un sacrifice tout en protestant de son droit.

Mais en supposant même qu'il y ait eu certains engagements, il est prouvé à toute évidence que les communes et les propriétaires intéressés n'ont jamais fait d'offres ; on a imposé une certaine somme à la province, et celle-ci, se basant sur la loi de 1807, a fait elle-même la répartition d'office entre les communes et les propriétaires.

Messieurs, je n'insisterais pas sur ce point s'il n'y avait pas d'immenses difficultés d'exécution, car la question d'argent est peu importante ; c'est une affaire tout au plus de 100,000 ou 200,000 fr. ; mais la répartition entre les propriétaires est extrêmement difficile et elle donnera lieu à des tracasseries et à des désagréments de toute espèce. Déjà dans le conseil provincial il y a eu à cet égard des discussions très regrettables.

La question a été décidée par arrêté royal ; mais il reste des difficultés immenses, et on les éviterait si le gouvernement voulait appliquer à l'Yser le principe qui est admis aujourd'hui pour d'autres voies navigables.

M. Coppieters. - Je ne suivrai pas l'honorable M. Coomans dans toutes les considérations qu'il vient de présenter ; la seule question dont nous ayons réellement à nous occuper est celle de savoir si le principe de la loi du 16 septembre 1807, qui n'a été inscrit que dans deux de nos lois, celles qui concernent le canal de Zelzaete et les canaux de la Campine, doit être maintenu au détriment des seuls riverains de ces canaux, alors que la Belgique a exécuté beaucoup de travaux hydrauliques et autres d'utilité publique aux frais exclusifs de l'Etat, quoique quelques intérêts privés en aient profité.

M. le ministre des finances admet, comme il l'avait dé]j dit dans son exposé des motifs, que pour les dépenses de construction il y a lieu d'en dégrever les riverain, mais il a fait une réserve quant aux frais d'entretien et d'administration.

Or, messieurs, pour ce qui me concerne (et je pense que la Chambre sera de mon avis), j'estime que lorsqu'il a été reconnu que les grands travaux d'utilité publique doivent être exécutés entièrement au moyen des deniers de l'Etat, il n'y a pas lieu de mettre exceptionnellement, pour deux de ces travaux, les frais d'entretien et d'administration à la charge des provinces intéressées. La preuve que cela est inexécutable dans la pratique, c'est que, malgré toutes ses démarches, le gouvernement n'est point parvenu à déterminer les provinces à inscrire ces dépenses dans leur budget.

Aussi voyons-nous tous les ans le gouvernement proposer de prélever les frais d'administration et d'entretien du canal de Zelzaete, sur le crédit des dépenses imprévues du budget du département des travaux publics, parce que, nous déclare-t-il, il n'a pu encore réussir à s'entendre avec les provinces.

(page 627) Messieurs, il est regrettable que le gouvernement ne veuille faire les choses qu'à demi ; mais qu'il ne s'y trompe point, lorsque les dispositions relatives au concours des riverains des canaux de la Campine auront été rapportées, les provinces qui ont fait des difficultés pour payer leur part dans les frais d'administration et d'entretien du canal de Zelzaete, se montreront moins disposées encore à intervenir

Du reste, je dirai, comme la section centrale, puisque les dispositions de la loi du 26 juin 1842, en ce qui concerne le concours des propriétaires riverains du canal de Zelzaete et des provinces intéressées, se trouvent en quelque sorte à l'état de lettre morte, il n'y a pas de péril dans la demeure. Nous resterons dans le statu quo et, en attendant, le gouvernement continuera d'une manière indirecte à accepter des charges que, d'après moi, il ferait mieux de prendre directement et définitivement pour le compte de l'Etat.

M. Malou. - Il me paraît que l'analogie est complète entre les canaux de la Campine et l'Yser. En effet, lorsque les canaux de la Campine ont été décrétés, il ne l'ont été qu'à la condition du concours des propriétaires.

La loi était indivisible, elle décrétait les canaux à charge de l'Etat et l'Etat devait récupérer une partie de la dépense avec le concours des propriétaires

La position est exactement la même quant à la Flandre, sauf la forme ; dans un cas il y a eu quasi-contrat et dans l'autre il y a eu contrat. Mais au fond la situation des deux provinces est identique.

Si l'on décrétait, comme je crois qu'on va le faire, que les propriétaires riverains des canaux de la Campine et du canal de Zelzaete ne contribueront qu'aux dépenses d'entretien de ces canaux, et si d'autre part on faisait concourir la Flandre occidentale à l'exécution des travaux, il en résulterait cette conséquence qu'on a fait en Belgique des dépenses énormes pour les canaux, pour les rivières et pour les polders et autres travaux d'utilité publique, et que dans tout le royaume, en trente ans, il n'y a eu que l'Yser pour lequel on aura demandé le concours de la province intéressée.

Eh bien, j'espère que la législature ne posera pas un acte de partialité comme celui-là. J'espère que quand tout le monde aura été dégrevé, soit qu'on soit engagé par contrat, soit qu'on soit engagé par quasi-contrat, nous serons également dégrevés. Je l'espère et je le crois.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Malgré les observations de l'honorable M. Malou, je ne puis admettre l'analogie dans les positions.

Je fais d'abord remarquer que le projet dont nous nous occupons était soumis à la Chambre depuis longtemps lorsqu'on a statué sur les propositions relatives à la reprise de l'Yser et de la Nèthe. Ainsi si cette objection avait été fondée, elle se présentait immédiatement ; elle aurait dû être produite. Il serait fort étrange, lorsqu'il était notoire qu'on n'a pu appliquer la loi aux riverains du canal de la Campine et du canal de Zelzaete et que l'on savait que l'on serait amené à proposer à cet égard le retrait de la loi, qu'on eût inséré, dans un nouveau projet, un principe qu'on prétend identique et qui n'aurait pas été plus juste, plus équitable.

Lorsqu'il s'est agi du canal de la Campine et du canal de Zelzaete, les Chambres, procédant d'autorité, ont déclaré que le travail serait exécuté, et que les propriétaires riverains contribueraient à la dépense dans une proportion déterminée.

Lorsqu'il s'est agi, au contraire, de la reprise de l'Yser et de la Nèthe, le gouvernement a discuté cette reprise avec les provinces et a préalablement arrêté avec elles leur concours.

M. A. Vandenpeereboom. - Quand l'administration de l'Yser a été reprise, il n'y avait aucune entente entre les provinces. On a voté, comme pour les canaux de la Campine, le principe de la contribution des riverains, et plus tard, le gouvernement, ne pouvant s'entendre avec les provinces, a présenté une loi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oui, mais cette loi n'a été décrétée par la Chambre qu'après accord parlait. Les conseils provinciaux, si j'ai bon souvenir, ont ratifié la part de concours.

M. de Naeyer, rapporteur. - Ils ont fait des offres.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On a fait des offres qui ont été acceptées. Ce n'est pas là la position où se trouvent les riverains des canaux de la Campine.

Je fais cette rectification pour maintenir les faits tels qu'ils existent réellement. La question n'est pas soumise à la Chambre ; je ne veux pas l'approfondir davantage. La discuter aujourd'hui serait parfaitement inutile.

M. Desmaisières. - M. le ministre des finances reconnaît avec moi qu'il y a lieu d'accorder prochainement aux propriétaires riverains du canal de Zelzaete la même exemption de concours que l'on propose d'accorder aux riverains du canal de la Campine Mais M. le ministre a ajouté que le canal de Zelzaete était purement et simplement un canal d'asséchement et qu'à ce titre il ne présentait pas le caractère d'intérêt général au même point que le canal de la Campine.

Messieurs, lors même qu'il serait vrai que le canal de Zelzaete n'a eu pour but que de procurer aux propriétaires des polders des Flandres, aux propriétaires de plus de 80,000 hectares, l'asséchement de leur propriété, je dis qu'il y aurait encore là un intérêt général. Car il est de l'intérêt général de rendre productives des terres qui ne l'étaient pas, surtout lorsqu'il s'agit d'une étendue de terres aussi considérable.

Mais, comme je l'ai dit, le canal de Zelzaete a aussi eu pour effet d'assainir une contrée habitée par 30,000 à 40,000 âmes. Aujourd'hui, grâce à la conduction du canal, les ravages de la fièvre des polders sont beaucoup moins considérables qu'ils l'étaient autrefois. A ce second point de vue, le canal présente encore un caractère d'intérêt général.

Il s'agit enfin d'un acte de réparation. Car ce sont des faits politiques et de guerre qui ont fait perdre aux propriétaires des polders des Flandres les moyens d'écoulement qui leur étaient nécessaires pour se débarrasser de leurs eaux surabondantes.

En outre de toutes ces considérations, j'en ferai valoir une autre, qui vous prouvera que le canal de Zelzaete présente un caractère d'intérêt général ; c'est qu'il est jusqu'à un certain point défensif de notre territoire du côté de la Hollande.

- La discussion est close.

Vote de l’article unique

L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :

« Article unique. Les dispositions des lois des 29 septembre 1842, 10 février 1843 et 6 avril 1845, qui ont appelé les propriétés riveraines du canal de jonction de la Meuse à I Escaut, et du canal d'embranchement vers Turnhout, à concourir aux frais de construction de ces voies navigables, sont abrogées. »

Il est procédé au vote par appel nominal sur le projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des 59 membres présents.

Ont adopté : MM. de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, Henri Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Frison, Albert Goblet, Louis Goblet, Grosfils, Joseph Jouret, Julliot, Lange, Ch. Lebeau, Joseph Lebeau, Loos, Malou, Mascart, Moreau, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Sabatier, Savart, Tack, Thienpont, A. Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Leempoel, Wala, Ansiau, Coomans, Coppieters 't Wallant, David, de Baillet-Latour, de Boe, de Bronckart, H. de Brouckere, Dechentinnes, De Fré, de la Coste, de Liedekerke, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Theux et Verhaegen.

Projet de loi accordant un crédit au budget du ministère des travaux publics, pour créances arriérées

Vote des articles et vote sur l’ensemble

M. me ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen) déclare se rallier au projet amendé par la section centrale.

Personne ne demandant la parole, dans la discussion générale, on passe aux articles.

« Art. 1er. Il est ouvert au département des travaux publics, un crédit spécial de cent vingt et un mille francs (121,000 fr.) destiné à solder des créances arriérées résultant de réclamations reconnues fondées, de jugements définitifs ou de transitions approuvées par décisions ministérielles, intervenues à l'occasion de la construction du chemin de fer de l’Etat, et dont le détail se trouve au tableau annexé à la présente loi. »

- Adopté.


« Art. 2. Cette dépense sera couverte au moyen de bons du Trésor. »

- Adopté.


« Art. 3. La présente loi sera exécutoire le lendemain de sa publication. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

57 membres sont présents. 1 membre (M. David) s'abstient. En conséquence, la Chambre adopte.

Ont répondu oui : MM. de Vrière, Dolez, Henri Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Frison, Albert Goblet, Louis Goblet, Grosfils, Joseph Jouret, Julliot, Lange, Loos, Malou, Mascart, Moreau, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Sabatier, Savart, Tack, Thienpont, Alphonse Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Leempoel, Wala, Ansiau, Coomans, Coppieters t' Wallant, de Baillet-Latour, de Boe, de Bronckart, H. de Brouckere, Dechentinnes, De Fré, de la Coste, de Liedekerke, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Theux et Verhaegen.

M. David déclare s'être abstenu, en sa qualité d'actionnaire de la route de la Vesdre, pour laquelle notamment il est demandé un crédit par le projet de loi.

Rapport sur une pétition

Discussion sur le rapport fait, au nom de la commission permanente de l’industrie, sur la pétition de propriétaires de bois demandant la suppression du droit de sortie sur les charbons de bois, par la frontière du Grand-duché de Luxembourg

M. Loos. - Ce rapport est ainsi conçu :

Messieurs,

Le 16 décembre dernier, vous avez renvoyé à la commission permanente d'industrie une pétition de plusieurs propriétaires de bois dans (page 628) la province de Luxembourg, réclamant la libre sortie des charbons de bois par la frontière du Grand-Duché, ainsi qu'elle est autorisée par la frontière de France.

La commission d'industrie s'est déjà trouvée saisie de l'examen d'une semblable demande, à l'égard de laquelle, trouvant fondés les arguments des pétitionnaires, elle vous a proposé, dans la séance du 15 avril 1858 (rapport de M. Lesoinne, n° 149), le renvoi à M. le ministre des finances, en l'engageant à saisir la première occasion de supprimer ce droit de sortie, dont rien ne justifie le maintien.

Nous ne pouvons, messieurs, que vous faire la même proposition aujourd'hui, et exprimer le vœu qu'il soit promptement satisfait à la demande des pétitionnaires, appuyée, depuis longtemps, tant par le conseil communal d'Arlon, que par le conseil provincial du Luxembourg.

La libre sortie du charbon de bois par la frontière de France, et le droit de 7 p. c. ad valorem dont il est frappé à la sortie par la frontière du Grand-Duché, constituent un régime différentiel et injuste qu'il importe de faire disparaître de nos lois de douanes, et qui, sous certains rapports, pourrait être considéré comme contraire à l'esprit de notre Constitution, qui n'admet pas de privilège en fait d'impôts.

Nous vous proposons, en conséquence, le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances, dans les mêmes termes de notre rapport prérappelé du 15 avril 1858.

M. de Moor. - Messieurs, dans votre séance du 15 avril 1858, l'honorable M. Lesoinne a déposé un rapport sur une pétition qui avait été envoyée à la Chambre et qui tendait aux mêmes fins que celle qui lui été adressée le 16 décembre suivant, par un très grand nombre de propriétaires de bois de la province de Luxembourg ; l'honorable rapporteur de la commission permanente de l'industrie vous proposait le renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances, en l’engageant à saisir la première occasion pour supprimer ce droit dont rien ne justifie le maintien.

La même commission, par l'organe de mon honorable ami M. Loos, vous propose aujourd'hui, quant à la seconde pétition, le même renvoi, mais dans des termes plus pressants encore. Vous le savez messieurs, les pétitionnaires ont rencontré depuis longtemps l'appui du conseil communal d'Arlon et celui du conseil provincial.

Depuis à peu près un an, M. le ministre des finances a pu, je crois, examiner cette question qui intéresse au plus haut point le Luxembourg belge, et la partie cédée. A mon avis, le gouvernement doit prendre une mesure et la prendre dans le plus bref délai possible,

Tout le monde, acheteurs comme vendeurs, présumait que ce droit était sur le point d'être supprimé ; il aurait dû l'être.

En effet, messieurs, la France a plus de bois qu'il ne lui en faut réellement pour la fabrication de ses fontes au bois.

La fonte revient, si je ne me trompe, à 100 francs les 1,000 kilogrammes au coke, et à 115 francs, au bois. Dans la situation actuelle de la forgerie, la France doit-elle encore considérer comme un bien grand avantage pour elle, la libre sortie, par ses frontières seulement, de nos charbons de bois ? Selon moi, poser la question c'est la résoudre. Le droit de 7 p. c. ad valorem à la sortie n'a pas plus de raison d'être au point de vue des doctrines protectrices, car il ne peut même se justifier par la nécessité d'alimenter les hauts fourneaux de notre province, ils sont tous éteints, à une exception près.

Le chemin de fer nouvellement exploité, en amenant à prix réduit la houille, pour les usages domestiques, crée une rude concurrence à la propriété boisée dans notre province : rien de mieux pour les bassins houillers : qu'ils livrent leurs produits au Luxembourg, rien de mieux pour les habitants de cette partie du pays de se chauffer à plus bas prix, surtout si vous permettez aux communes et aux propriétaires de bois de vendre leurs charbons de bois pour l'exportation par la frontière grand-ducale. La Belgique, le Luxembourg et les chemins de fer y gagneront, et, si l'Etat perd quelques droits à la sortie, il trouvera une compensation en ce qu'il vendra à un prix plus élevé ses bois domaniaux et les coupes annuelles qu'ils produisent.

Je prierai M. le ministre des finances de vouloir bien nous dire si son intention est de présenter un projet de loi favorable aux légitimes intérêts que je me fais un devoir de venir défendre ici, avec la commission permanente de l'industrie. Nos propriétaires de bois attendent avec impatience la réponse du gouvernement.

M. Orban. - Je viens appuyer la demande de l'honorable M. de Moor ; au nombre des raisons qu'on pourrait ajouter à celles qu'il a fait valoir, se présente d'abord l'inutilité de chercher à protéger la forgerie au bois, puisqu'elle a cessé d'exister. On a autorisé il y a quelques années, et on a eu raison, la libre sortie des minerais de fer par les frontières du Luxembourg, ce qui prouve qu’on a renoncé à l'idée de protéger par des prohibitions la forgerie dans cette province.

Du reste, cette protection n'avait servi à rien. Mais il y a un autre produit pour lequel il n'y a pas plus de raison de maintenir le droit de sortie que pour les charbons de bois. Je veux parler des écorces ; à deux reprises, depuis 1849, on a supprimé le droit de sortie sur 600 articles du tarif et l'on a maintenu sur quatre articles seulement.

Quand il s'est agi du droit de sortie sur les écorces, on a donné pour principale raison de son maintien l'existence d'une clause du traité avec le Zollverein qui stipulait que le droit de sortie par la frontière de terre ne serait pas de plus de 6 p. c. de la valeur.

Depuis trois ou quatre ans nous n'avons plus de traité avec le Zollverein et je ne pense pas qu'on s'en soit trouvé plus mal. Il y avait pour maintenir le droit sur ces deux articles une autre raison, tirée de l'intérêt du trésor : autrefois ces droits rapportaient beaucoup, aujourd'hui ils ne rapportent presque plus rien ; en 1857 ils n'ont rapporté que 50 où 55 mille fr. pour tout le royaume, et 55 mille fr., sur un budget de 155 millions, sont bien peu de chose.

Mais je ferai remarquer que ces droits sont payés à peu près en totalité par la province de Luxembourg, et dans cette province par une seule classe de citoyens, les propriétaires de bois. C'est un impôt très lourd à supporter pour eux.

La commission d'industrie, dans son rapport, termine en disant que « le droit dont est frappé le charbon de bois à la sortie par la frontière du grand-duché constitue un régime différentiel et injuste qu'il importe de faire disparaître de nos lois de douane et qui, sous certains rapports, pourrait être considéré comme contraire à l'esprit de notre Constitution, qui n'admet pas de privilège en fait d'impôts. »

Sans aller aussi loin que la commission d'industrie, je crois que cet impôt est souverainement injuste, que rien n'en réclame le maintien, et qu'on doit autoriser la libre sortie des charbons de bois aussi bien que des écorces par toutes les frontières.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'accepte le renvoi. Nous avons fait disparaître de notre tarif la plupart des droits de sortie, il n'en reste plus que sur trois ou quatre articles. Je crois qu'à part l'intérêt du trésor qui n'est pas même fortement engagé dans la question, il n'y a pas de raison pour maintenir ceux dont on vient de parler.

Je saisirai la première occasion pour présenter un projet de loi sur cet objet.

M. Loos. - Je vois avec plaisir les dispositions de M. le ministre des finances relativement au droit de sortie sur les charbons de bois. Déjà, depuis fort longtemps, depuis un an, la commission avait conclu à ce que la demande adressée à la Chambre par les propriétaires de bois du Luxembourg fût renvoyée à M. le ministre des finances avec prière de saisir la première occasion de faire disparaître cet impôt de notre tarif de douanes.

Lorsque la commission d'industrie a examiné en dernier lieu cette affaire, elle a regretté que M. le ministre n'eût pas cherché à saisir la Chambre d'une proposition, afin de faire disparaître cet impôt qui pèse sur les propriétaires du Luxembourg. L'occasion ne s'étant pas présentée, elle a insisté plus fortement cette fois, afin que M. le ministre voulût bien faire naître cette occasion.

Je crois que M. le ministre se propose de présenter une révision générale du tarif et que c'est cette occasion-là qu'il attend. Quand un grand préjudice est causé par une stipulation fâcheuse du tarif, il est facile de présenter un petit bout de loi pour l'abroger ; c'était d'autant plus facile ici que rien, au point de vue du trésor, ne s'oppose à la suppression de ce droit et que l'intention de la Chambre est de faire disparaître de notre tarif les derniers droits de sortie qui pèsent encore sur les produits du pays.

J'engage donc M. le ministre à ne plus attendre d'occasion, mais à en faire naître une en proposant un projet de loi de quelques lignes qui fasse disparaître un droit de sortie que je considère comme injuste et qui frappe des propriétés importantes de l'une de nos provinces.

M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, nous sommes tous d'accord sur la question dont il s'agit. A deux reprises successives la commission d'industrie a proposé le renvoi au ministre des finances, en appuyant la demande des pétitionnaires. Dans la Chambre, on n'a soulevé aucune objection ; M. le ministre n'en a opposé aucune ; il était impossible qu'il en fût autrement, tant la question est claire et simple.

Il serait donc extrêmement fâcheux, comme dit l'honorable M. Loos, que le projet de loi destiné à faire droit à la demande des pétitionnaires fût retardé indéfiniment jusqu'à ce qu'il pût trouver place dans un projet de loi général sur le tarif des douanes. Je ne vois pas pourquoi un projet de loi spécial ne serait pas présenté. Il importe même qu'il le soit sans plus de retard, car les intérêts engagés en souffrent.

Nous avions eu la pensée, mes collègues et amis du Luxembourg et moi, d'user de notre droit d'initiative, mais nous préférons que ce projet émane du gouvernement.

Nous attendrons, en présence des dispositions exprimées par M. le ministre, dans l'espoir que nous n'aurons pas besoin d'user de notre droit ; mais si nous devions attendre trop longtemps, nous n'hésiterions pas à saisir la Chambre d'une proposition tendante à faire droit à la demande des pétitionnaires.

M. Prévinaire. - Comme M. Loos, je vois avec plaisir que prochainement la Chambre sera saisie d’un projet de loi qui fera disparaître de notre tarif les derniers droits de sortie qui frappent certains produits nationaux. Je pense qu'il entre aussi dans les intentions de M. le ministre de lever les prohibitions qui s'opposent à l'exportation dé quelques-uns de nos produits.

- Le renvoi au ministre des finances est mis aux voix et ordonné.

Projet de loi approuvant le traité d’amitié et de commerce conclu avec la république de Costa-Rica

Rapport de la section centrale

(page 629) M. d'Hoffschmidt. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le traité d'amitié de commerce et de navigation conclu entre la Belgique et la république de Costa-Rica.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

Rapport sur une pétition

Discussion du rapport sur la requête des sieurs Remy, frères, d’Anvers tendante à obtenir le remboursement des droits réclamés sur le chargement de deux navires

M. le président. - La commission permanente de l'industrie conclut dans son rapport en proposant le renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances, afin qu'il y soit fait droit ou qu'il soit fourni de nouvelles explications à la Chambre.

M. Loos, rapporteur. - La Chambre aura remarqué que des explications ont été données déjà par M. le ministre des finances en réponse à une lettre que la commission de l'industrie lui avait adressée.

La commission a examiné avec beaucoup de soin le volumineux dossier que lui ont communiqué les intéressés et elle y a puisé la conviction profonde que la restitution de droits réclamée est réellement due. Toutes les pièces de ce dossier, je les tiens à la disposition de M. le ministre des finances et je suis convaincu que, s'il veut bien en prendre connaissance, il n'hésitera pas à faire droit à la réclamation dont il s'agit.

Dans le premier dossier, celui qui a été fourni à M. le ministre des finances, il n'y avait que les pièces que les pétitionnaires avaient crues suffisantes pour établir le fondement de leur demande ; mais ils nous ont fait parvenir ultérieurement d'autres pièces qui confirment et justifient pleinement leur réclamation. Ainsi, par exemple, ils nous ont fourni la preuve que les compagnies qui avaient assuré la cargaison n'ont pas hésité un seul instant, reconnaissant tous les faits exposés par les réclamants, à régler l'indemnité dont elles étaient redevables ; et remarquez qu'une dizaine de compagnies étaient intéressées dans cette affaire. Je tiens également ces pièces à la disposition de M. le ministre des finances et je l'engage instamment à en prendre connaissance.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai eu déjà l'honneur de faire connaître à la Chambre et à la commission de l'industrie que la loi s'oppose à ce que les droits dont il s'agit soient restitués aux réclamants. Les pétitionnaires ont essayé de justifier que c'est par un cas de force majeure, par suite d'avaries survenues à leurs navires qu'ils ont dû déposer leurs marchandises dans un port étranger à une époque où, d'après la loi, ils auraient joui de la libre entrée, si ces marchandises avaient été introduites alors en Belgique. Mais la loi n'admet pas de semblables motifs. Autrefois cela était possible en certains cas ; la loi sur les droits différentiels, par exemple, permettait de produire certaines justifications ; mais on a constaté que ce système engendrait des abus très graves, que souvent on cherchait à introduire des marchandises aux droits réduits, à la faveur de certificats dont la sincérité était fort suspecte.

On a voulu prévenir pareil abus, lorsqu'on a supprimé les droits d'entrée sur les céréales, en accordant le bénéfice de la suppression des droits aux marchandises qui auraient été chargées dans un délai déterminé. La loi a été rédigée de telle sorte que le bénéfice de la disposition ne peut être accordée qu'aux navires mêmes qui auraient fait le chargement et l'auraient importé en Belgique. (Interruption.) Cela est ainsi. L'honorable M. Loos le conteste ; mais les termes de la loi sont formels. Maintenant que demande-t-on ? On demande qu'un chargement qui a été, dit-on, fait au mois de septembre 1857 soit admis aux droits réduits, bien que la marchandise ait été embarquée à Zanthe et que de Zanthe elle ait pris la mer pour venir en Belgique bien longtemps après décembre 1857 ; l'un des navires, en effet, est parti le 12 février 1858, l'autre le 6 mars suivant.

Or, il est évident qu'on n'a pas pu suivre toutes les opérations qui ont pu se faire dans l'intervalle et l'on ne peut pas dire, avec certitude et dans les termes de la loi, que la marchandise était réellement chargée dès cette époque pour la Belgique.

Des compagnies d'assurance, dit l'honorable M. Loos, se sont empressées de reconnaître les droits des sieurs Remy. Mais veut-on faire de l'Etat une sorte d'autre compagnie d'assurance vis-à-vis de celles qui ont indemnisé les pétitionnaires ? Cela n'est pas admissible. Il serait impossible au gouvernement d'accorder aux pétitionnaires ce qu'ils réclament ; la loi s'y oppose. (Interruption.) Ce n'est pas le seul cas qui se soit présenté ; plusieurs fois déjà le même fait s'est produit et toujours la faveur réclamée a été refusée.

Il s'ensuit que si l'on faisait droit aujourd'hui à la demande des sieurs Remy, il faudrait nécessairement revenir sur toutes les décisions antérieures et pour cela il faudrait soumettre aux Chambres une loi spéciale. Cette loi, je ne suis nullement disposé à la présenter, et je ne pense pas qu'aucun membre de la Chambre use de son initiative pour faire rapporter des décisions prises antérieurement par le gouvernement.

M. Loos, rapporteur. - Je regrette vivement que M. le ministre des finances persiste dans l'opinion qu'il a exprimée une première fois au sujet de cette affaire ; je le regrette d'autant plus, que son opposition me semble ne reposer que sur le doute si la marchandise, introduite en Belgique est bien celle qui a été embarquée à Smyrne à la date où la loi en permettait l'entrée en Belgique en franchise de droits.

Au fond toute l'opposition de l'administration ne route que sur un mot : la loi porte que tout navire qui, avant le 1er janvier 1858, aura chargé à l'étranger des céréales en destination de la Belgique, obtiendra la franchise de tous droits, et parce que la loi emploie le mot navire, M le ministre des finances croit qu'elle n'est pas applicable à la cargaison.

A mon tour, messieurs, je demande si c'est là ce que vous avez voulu faire ? Je ne puis pas le croire : vous avez voulu accorder la franchise de droits aux cargaisons expédiées avant le 1er janvier 1858. Maintenant, parce qu'un navire aura dû se réfugier dans un port étranger, cesse-t-il, je vous le demande, de se trouver dans les conditions voulues par la loi, alors qu'on fournit les preuves les plus irrécusables que les marchandises embarquées à Smyrne, en 1857, étaient destinées directement à la Belgique.

Tous ces faits sont exacts, et il est impossible de les contester. M. le ministre des finances me dit : Vous parlez comme si le gouvernement était une compagnie d'assurance qui assurerait aux intéressés le bénéfice des droits. Non, mais il s'agit ici d'une question d'équité. Je désire que M. le ministre des finances prenne connaissance des faits tels que je les connais, et tels qu'ils sont prouvés par des pièces à l'appui qui les certifient véritables et sincères, et je suis persuadé que M. le ministre ne tiendra plus le même langage. Ainsi j'ai ici un jugement du tribunal de Zante qui déclare aussi que les faits sont constants, que le capitaine a dû interrompre son voyage par suite de circonstances de force majeure, qu'il n'a pas trouvé à Zante les moyens de faire réparer son navire. L'intéressé a donc dû envoyer un autre navire pour prendre le chargement. La loi dit : « Tout navire qui aura pris un chargement avant le 1er janvier 1858. » Le navire, expédié de Smyrne, est parti en octobre 1857, M. le ministre reconnaît ce fait, il ne conteste pas que la cargaison prise à Smyrne est bien celle qui est arrivée à Anvers, mais il prétend que le bénéfice de la loi est attaché au navire et non à la cargaison ; je crois qu'il n'est entré dans l'esprit d'aucun de ceux qui ont fait la loi de lui donner une pareille signification.

La loi, dit M. le ministre, ne m'autorise pas à restituer les droits. Je crois, messieurs, que maintenant que vous connaissez les faits, vous croirez que la loi autorise à faire la restitution, et que lorsqu'elle s'est servie du mot navire, c'est bien du chargement qu'elle a voulu parler.

Je vois avec regret que M. le ministre des finances prend le parti de persister dans l'opinion qu'il a émise une fois. J'ai trop de confiance dans les lumières pour n'être pas convaincu que lorsqu'il aura mieux examiné ses faits, il sera persuadé de leur sincérité. Or, les faits étant bien établis, je ne crois pas qu'il serait juste et équitable de refuser au pétitionnaire la restitution qu'il réclame.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je crois pouvoir convaincre la Chambre que l'opinion que je défends est la seule qui soit admissible. Les termes de la loi sont trop précis et le but qu'on a voulu atteindre est trop certain pour qu'il soit possible de douter.

Je vais d'abord rappeler les termes des dispositions prises en vertu de la loi du 21 juillet 1844 sur les droits différentiels.

Je prie la Chambre de bien vouloir remarquer que dans les deux cas, le but que le législateur s'est proposé était le même. La loi de 1844, voulant favoriser les importations directes en Belgique, accordait certaines faveurs aux navires qui venaient directement des ports transatlantiques dans les ports belges. La disposition en vertu de laquelle cette faveur était accordée était ainsi conçue :

« Lorsque le navire aura touché dans un port intermédiaire ou en rade de ce port, il perdra le bénéfice de l'importation directe, à moins que le capitaine ne prouve qu'il a dû relâcher par suite de force majeure, et qu'il ne produise à cet effet, à son arrivée au port d'importation, un certificat du consul de Belgique au port d'escale, attestant les circonstances de mer qui l'ont forcé à relâcher. »

Ainsi le voyage devait se faire directement. On perdait le bénéfice de l'importation directe si on relâchait en route. Mais on était admis à faire des justifications, à prouver par des certificats que la relâche avait été forcée, qu'on s'était trouvé dans un cas de force majeure, que la relâche était due à une fortune de mer.

Qu'est-il arrivé sous l'empire de cette disposition de la loi de 1844 ? C'est que pour jouir du bénéfice de l'importation directe, on a produit des certificats frauduleux. De là des contestations, de grandes difficultés entre l'administration et les particuliers.

Or, lorsqu'on a rédigé la loi de 1855 qui accordait un bénéfice à l'importation des céréales, afin de prévenir le retour des abus qui avaient été constatés, on n'a pas donné au gouvernement le pouvoir d'appliquer la loi à d'autres navires qu'à ceux qui avaient effectué les chargements dans les délais déterminés. On n'a pas autorisé de faire des justifications comme l'autorisait la loi de 1844. Voici quels sont les termes de la loi de 1855 :

« Le bénéfice de la libre entrée, décrété par l'article premier, sera applicable à tout navire belge ou étranger dont les papiers d’expédition constateront que le chargement a été complété et le départ effectué d'un port étranger avant la date du l’établissement des droits. »

(page 630) Dès lors plus de difficultés. On n'a plus à se préoccuper de la question de savoir si l'on a relâché par fortune de mer ou autrement. Le bénéfice de l'importation exempte de droits a été attaché à un double fait : le chargement doit avoir été opéré avant l'expiration du terme indiqué par la loi et, comme moyen de preuve, la cargaison doit être importée par le navire qui a effectué ce chargement.

Je ne suis pas l'auteur de la loi, mais l'administration qui l'a proposée déclare que le texte a été rédigé tel qu'il est, précisément pour prévenir les prétentions qui s'élèvent aujourd'hui.

La loi est donc formelle ; elle ne permet pas d'établir de justification du chef de prétendue fortune de mer ; elle fait dépendre la libre entrée de la preuve que le chargement a été complété et le départ effectué avant la date du rétablissement des droits d'importation ; et pour éviter toute discussion, c'est au navire qui se trouve dans ces conditions que le bénéfice de la loi est accordé.

M. Loos. - Je regrette de voir le département des finances entrer dans cette voie. On vient de nous expliquer les motifs pour lesquels on croit que par le mot navire on a voulu dire le navire même qui avait chargé la cargaison ; et cela a été fait, dit M. le ministre, parce que des fraudes s'étaient produites.

Je demande si dans le cas où le navire qui avait relâché à Zante aurait pu continuer sa route et arriver en Belgique, on lui aurait fait payer les droits ? Evidemment, et la lettre qui est insérée dans le rapport de la commission d'industrie établit suffisamment que si le navire qui avait pris sa cargaison à Smyrne et s'était réfugié à Zante, avait pu continuer son voyage, on n'aurait pas fait difficulté de lui accorder la franchise des droits.

Il avait justifié que c'était par fortune de mer qu'il s'était réfugié à Zante et prouvé par des pièces officielles que cette relâche avait eu pour motif une voie d'eau.

On a voulu, dit-on, prévenir les abus qui se sont produits en d'autres temps. Mais quels étaient ces abus ? On prétendait alors avoir dû se réfugier dans un port étranger pour force majeure, quand on n'y avait été que pour prendre des offres, ce qui ne constituait pas, aux yeux de la loi, une importation directe.

On allait à Cowes ou ailleurs prendre des ordres pour connaître le marché le plus favorable. On justifiait de ces relâches en prétextant des causes de force majeure ou l'on se procurait des certificats constatant qu'on avait reçu des ordres par signature, qu'ainsi on n'avait pas relâché, que le voyage n'avait pas été interrompu et que l'on se trouvait dans les termes de la loi.

Voilà les faits auquel l'honorable ministre fait allusion. Mais aujourd'hui, il ne s'agit de rien de pareil, et j'invoque les Annales parlementaires pour prouver que ce ne sont pas des cas semblables à celui qui nous occupe que, lors de la discussion de la loi, l’administration et la Chambre ont voulu prévoir. Cela, en effet, n'aurait paru raisonnable à personne.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cela était raisonnable.

M. Loos. - Eh bien, qu'on recoure aux Annales parlementaires et à l'exposé des motifs de la loi qui admet les céréales en franchise de droit et vous verrez que rien de semblable n'a été dit, qu'on n'a pas voulu exclure du bénéfice de la loi les navires contraints de relâcher par fortune de mer, parce que cela n'eût pas été raisonnable. Si de pareilles prétentions avaient été produites à la Chambre, elles auraient été combattues sur tous les bancs.

Comment ! on serait venu dire : Tout navire qui prendra cargaison à l'étranger ne jouira de la franchise des droits que pour autant qu'il soit affranchi d'accidents de mer ! Mais je demande quel négociant aurait voulu, à ces conditions, faire venir en Belgique les cargaisons qu'on désirait voir arriver.

J'engage vivement M. le ministre des finances à ne pas persister dans son système. Qu'il ait la bonté de voir le dossier que je tiens en mains, et s'il lui reste l'ombre d'un doute qu'il refuse la restitution.

J'ai fait un signe de dénégation à M le ministre, quand il a dit qu'on avait refusé pareille justice à d'autres importateurs. Je ne sache pas qu'aucune autre réclamation soit parvenue à la Chambre à cet égard.

Personne ne peut donc plus aujourd'hui jouir du bénéfice de la loi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On a dû refuser à d'autres qui se trouvaient dans les mêmes circonstances.

M. Loos. - Je suis persuadé qu'il n'est pas un négociant qui, se trouvant dans ces circonstances, n'aurait envoyé une pétition à la Chambre, parce que la réclamation me paraît trop fondée. J'ai donc des raisons de croire qu'aucun fait du même genre ne s'est produit.

Messieurs, en définitive, l'importance de cette affaire est, je crois, de 4,000 à 5,000 fr. Il ne peut plus se présenter rien de semblable, attendu que tous les navires chargés avant le 1er janvier 1858 et destinés à la Belgique, y sont entrés aujourd'hui. La loi n'a plus de portée ; le réclamant seul est encore intéressé à l'exécution de la loi.

Je prie la Chambre, conformément aux conclusions du rapport, de prononcer le renvoi de la requête à M. le ministre des finances. Je ne crois pas qu'il y ait d'autre parti à prendre et j'invoque l'équité, la justice de M. le ministre des finances. Je suis persuadé que, malgré l'opinion qu'il vient d'émettre, mieux renseigné sur la vérité des faits, il n'hésitera pas à faire la restitution qui, dans l'opinion de tous les membres de la commission d'industrie, est due au réclamant.

M. Coomans. - Messieurs, je me trouve dans un grand embarras, probablement avec beaucoup d'autres membres de cette assemblée pour me prononcer sur le sujet dont il s'agit.

Je ne sais trop quel sens attacher à mon vote. Pouvons-nous convenablement interpréter ici une loi de douane ? Le seul pouvoir qui puisse interpréter ces lois, c'est le département des finances et l'honorable ministre des finances déclare avoir une opinion très arrêtée sur la question.

Que voulez-vous que nous y fassions ? L'interprétation est un droit exceptionnel soumis à certaines règles que nous ne pouvons pas appliquer aujourd'hui.

Je voudrais, je l'avoue, appuyer la proposition faite par l'honorable M. Loos parce que les faits dont il nous a entretenus, et qu'il a assez nettement expliqués me semblent militer en faveur de ses conclusions. Mais de là à lui donner raison, à blâmer le département des finances et à nous attribuer un rôle que nous ne pouvons pas remplir aujourd'hui, il y a loin. Voilà quelques observations générales que je me borne à soumettre à la Chambre.

Je dirai un mot sur le fond.

L'analogie que fait valoir l'honorable ministre des finances n'existe pas en réalité entre les deux lois. Dans la loi sur les droits différentiels, les dispositions que M. le ministre nous a lues étaient de rigueur, faisaient partie essentielle de la loi. Que voulions-nous, en effet ? Nous voulions admettre, avec réduction de droits ou en franchise de droits, des marchandises venant de certains lieux ; pour être logiques nous devrions exclure du bénéfice de la loi tout navire qui avait fait escale, qui avait fait arrêt, parce qu'il s'agissait de prévenir les fraudes ; mais pour l'importation des céréales rien de pareil n'existait ; nous appelions les céréales à cor et à cris de toutes les parties du monde par mer ou par terre on voulait les avoir à tout prix, et par conséquent il était de toute impossibilité d'inscrire dans la loi de 1855 l'exclusion que nous avions inscrite dans la loi des droits différentiels ; dans la loi des droits différentiels l'exclusion était de l'essence même de la loi, il en était tout autrement de la loi de 1855.

Je le répète, messieurs, je ne veux pas sortir de mon rôle, je ne veux, pas ici interpréter une loi de douane dans un de ses moindres détails, et à mon grand regret je dois m'abstenir sur cette question.

Je conçois que les pétitionnaires viennent réclamer auprès de nous au sujet d'une injustice commise, de laquelle il est difficile d'obtenir raison devant les tribunaux. Quand on nous signale des abus réels, nous sommes là pour nous associer aux plaintes formulées si nous les trouvons fondées et pour prendre ensuite toutes les mesures de droit. Mais lorsqu'on se borne à venir demander l'interprétation d'une loi que la plupart de nous ne connaissent pas, je crois que nous sortirions de nos attributions en accueillant ces demandes ; nous devons faire de la politique et non pas de l'administration.

M. Loos. - Je prie l'honorable M. Coomans de remarquer que la commission n'a pas proposé à la Chambre de décider la question.

La commission propose simplement le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances, avec demande d'explications.

Messieurs, ainsi que je l'ai dit tout à l'heure en terminant, quelle que soit l'opinion qui vient d'être exprimée par M. le ministre des finances, je m'en rapporte à son équité. Mais, avisé sur la réalité des faits, je suis convaincu qu'il ne refusera pas la restitution demandée ; que s'il vient à la refuser, alors les tribunaux seront appelés à statuer.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, on saisit trop souvent la Chambre, il faut bien le dire, de réclamations faites dans un intérêt exclusivement privé, et sur lesquelles la Chambre n'a pas, en réalité, à statuer.

M. Loos. - Et le droit de pétition.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais doit-on user du droit de pétition pour des intérêts privés, quand le recours aux autorités compétentes n'a pas même été exercé ?

Messieurs, je n'ai en ceci d'autre mobile que le devoir qui m'incombe de faire exécuter la loi et l'intérêt du trésor. L'administration pense, et c'est ainsi qu'elle a toujours appliqué la loi, que la loi n'attache le bénéfice de la libre importation qu'à la condition qu'on fasse les justifications exigées par les papiers d'expédition. Or, ces justifications se font aisément. Lorsqu'il s'agit d'un navire dont on présente la cargaison, le journal de bord du capitaine donne la preuve incontestable que le chargement a été opéré et le départ effectué dans les délais déterminés par la loi.

Quand il s'agit, au contraire, d'autres justifications, c'est à l'aide de certificats que se fait la preuve. Or, il est avéré que des documents irréguliers, des certificats de complaisance et même des actes faux ont été produits pour jouir indûment, dans des cas analogues, d'une faveur de la loi.

M. Loos. - Un jugement du tribunal de Zante déclare l'authenticité et la véracité des faits.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Peu importe ; cela ne change rien au point de droit qui nous occupe.

Voici d'ailleurs les faits : On demande l'exemption des droits sur un chargement qui aurait dû être fait en 1857. Or, c'est seulement au mois de février et au mois de mars 1858, que les navires ont quitté le port de Zante pour se rendre dans les ports belges, et pour jouir du bénéfice de la loi, on prétend que le chargement fait à Zante en 1858, a eu pour objet une cargaison chargée sur un autre navire en 1857. Eh (page 631) bien, ce temps si long qui s'est écoulé serait déjà une circonstance suspecte si nous avions à nous occuper de vérifier les faits

M. Loos. - On vous a donné des justifications.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je réponds que la loi n'a pas voulu qu'on s'occupât de ces justifications.

Quoi ! dit l'honorable M. Loos, la loi aurait déclaré d'avance que si un navire était forcé de faire relâche en route, il ne jouirait plus du bénéfice de la loi ? Oui, le législateur a pu déclarer cela.

M. Loos. - Il aurait déclaré une absurdité.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est une absurdité, à votre sens ; mais ce n'est pas une absurdité de se défendre contre les fraudes dont l'administration a été souvent victime. Ce n'est pas une absurdité de ne pas tenir compte des exceptions.

Si, comme je l'ai dit, les termes de la loi sont formels, si l'administration les a formulés en vue d'éviter précisément qu'on eût recours à ces justifications ; si la loi a été faite de manière à ne pas permettre au gouvernement de discuter les questions que l'on soulève, il faut que j'exécute la loi, telle qu'elle est, fût-elle même, comme le dit l'honorable M. Loos, trop rigoureuse. Dura lex, sed lex.

Que si on prétend que ce n'est pas ainsi que la loi doit être appliquée, qu'on peut être admis à prouver le cas de force majeure qu'on allègue, ce n'est pas à la Chambre à statuer sur ce point, ce serait aux tribunaux à prononcer. Si les tribunaux donnent gain de cause aux réclamants, j'exécuterai la sentence, et les réclamants obtiendront le remboursement de la somme qu'ils ont payée.

M. David. - Messieurs, la commission permanente de l'industrie, à la suite d'un examen attentif du dossier relatif à cette affaire, a pensé, à l'unanimité, que la loi n'a pas été interprétée conformément à son esprit. M. le ministre des finances a paru étonné de ce que l'on veuille faire jouir de l'exemption des droits de douane la cargaison du navire, chargé à Smyrne, au mois de septembre 1857, et qui n'est arrivé à Anvers qu'au mois de février ou de mars 1858.

Messieurs, je n'ai plus bien les termes du rapport dans la mémoire ; je ne me rappelle pas si les faits y sont complétement exposés ; voici donc ce qui est arrivé relativement au transbordement opéré à Zante.

Le navire chargé de céréales, est parti effectivement de Smyrne au mois de septembre 1857 ; il est arrivé à Zante avec une voie d'eau, et il a été condamné par le tribunal de cette localité.

N'ayant pu trouver ni à Zante, ni à Céphalonie, de navire propre à transporter la cargaison à Anvers, l'armateur d'Anvers s'adresse à Trieste et y fait affréter un grand navire de capacité suffisante pour reprendre toute la cargaison du bâtiment condamné pour innavigabilité ; ce navire part de Trieste sur lest en destination de Zante pour aller charger les céréales, mais il fait naufrage dans l'Adriatique. Il se passe un temps moral avant que le propriétaire d'Anvers soit informé de ce sinistre. Lorsqu'il l'apprend, il donne immédiatement l'ordre à Trieste de remplacer ce navire. On expédie de Trieste deux plus petits vaisseaux, à Zante ; l'un part dans un assez court délai, l'autre beaucoup plus tard.

A Zante, on charge la cargaison du grand navire sur deux bâtiments de moindre tonnage. Il est constaté par des documents, qu'après déduction de la partie avariée, vendue à Zante, ces deux navires ont exactement repris à leur bord le reliquat du chargement du grand navire parti de Smyrne. Toutes ces circonstances sont constatées par des documents que la commission permanente de l'industrie a examinés pendant toute une séance.

Ainsi, il n'y a pas eu la moindre fraude, car déduisez de la cargaison du premier navire ce qui a été vendu à Zante pour cause d'avarie, et vous trouverez exactement la quantité d'orge chargée sur ce premier navire à Smyrne et qui est arrivée à Anvers.

Nous avons pensé que, pour rester dans les termes de la loi qui abolissait les droits sur les céréales, et qui permettait à tout navire parti du port d'expédition avant le rétablissement des droits, d'entrer en Belgique, sans acquitter de droits de douane, il ne fallait pas absolument que ce fût la même carcasse qui arrivât à Anvers ; mais bien que ce fût la même cargaison. C'est ce qui a eu lieu par les navires en question quant à la cargaison chargée à Smyrne et transbordée à Zante, par suite d'un accident de mer survenu au premier navire parti de Smyrne.

M. le président. - Je mets aux voix les conclusions proposées par la commission.

- Un membre : Quelles sont ces conclusions ?

M. le président. - Le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances avec demande d'explication.

M. Muller. - Messieurs, je conçois que lorsqu'elle a rédigé son rapport, la commission ait proposé de demander des explications à M. le ministre des finances ; mais une partie de cette séance vient d'être consacrée aux explications que M. le ministre a données, et je ne comprendrais pas que de nouvelles explications fussent demandées à M. le ministre des finances, qui, je le pense, persistera à vous dire très consciencieusement que la loi n'a pas entendu par le mot navire le mot cargaison, que ce n'est pas la même chose. (Interruption.) Vous n'êtes pas d'accord avec le gouvernement sur l'interprétation à donner à cet article.

Mais qu'y a-t-il à faire ? Que les intéressés qui sont dans un état de fortune très notoire, s'adressent aux tribunaux. Si le gouvernement a tort, il sera condamné. Je ne vois rien de plus simple que cela. Mais à quoi aboutiront de nouvelles explications de M. le ministre des finances ? A ce que derechef nous tenions le même langage de part et d'autre.

M. le président. - Voici quelles étaient les conclusions de la commission :

« Elle vous propose en conséquence de renvoyer la pétition des sieurs Remy frères à M. le ministre des finances, afin qu'il y soit fait droit ou qu'il soit fourni de nouvelles explications à la Chambre. »

Des explications nouvelles ont été fournies, il ne s'agit plus que d'un renvoi pur et simple.

- Le renvoi pur et simple à M. le ministre des finances est ordonné.

Projets de loi approuvant le traité d’amitié, de commerce et de navigation conclu avec la république de Honduras ainsi que la convention additionnelle conclue avec la république de Guatemala

Rapport de la section centrale

M. Van Iseghem. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le traité d'amitié, de commerce et de navigation conclu avec la république de Honduras et la convention additionnelle conclue avec la république de Guatemala.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.