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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 16 février 1859

Séance du 16 février 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 573) (Présidence de M. Dolez, deuxième vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Antoine Androwsky, journalier à Louvain, né à Varsovie, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Les sieurs Voortman, Rosseel et autres membres de la commission du Cercle commercial et industriel de Gand, demandent une loi qui règle les conditions du travail des adolescents et des femmes, dans les usines, manufactures et ateliers. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des cultivateurs à Pamel demandent le libre échange pour le houblon ou l'établissement d'un droit sur le houblon étranger. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« L'administration communale de Westvleteren demande que le département des travaux publics donne les ordres nécessaires pour ne plus laisser écouler les eaux de l'Yser jusqu'à ce qu'elles aient couvert les pâturages qui se trouvent dans son bassin. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. Louis Goblet demande un congé. »

- Accordé.

Projet de loi accordant un crédit au budget des dotations

Rapport de la section centrale

M. Godin. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur une demande de crédit au budget des dotations.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

Pièces adressées à la chambre

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'ai l'honneur de déposer le rapport sur la situation des écoles de réforme pendant l'année 1857.

- Il est donné acte à M. le ministre, du dépôt du rapport qu'il vient de faire connaître. Ce rapport sera imprimé et distribué.

Projet de loi révisant le code pénal (livre II, titre IV)

Discussion des articles

Titre IV. Des crimes et des délits contre l'ordre public, commis par des fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions, où par les ministres des cultes, dans l'exercice de leur ministère

Chapitre IX. Des infractions commises par les ministres des cultes dans l'exercice de leurs fonctions
Articles 295 et suivants

M. Verhaegen. - Messieurs, il y a quelques jours à peine, j'ai été obligé, dans une discussion relative à l'enseignement obligatoire, à prendre la parole pour répondre à certaines insinuations dont j'avais été l'objet de la part de l'honorable M. De Fré. Aujourd'hui force m'est de venir prendre part au débat, pour répondre à des faits en quelque sorte personnels, qui se rencontrent dans le discours de l'honorable M. Malou.

Messieurs, l'honorable M. Malou et le parti qu'il représente se posent en victimes de l'intolérance du libéralisme belge, comme naguère ils se posaient en victimes de l'intolérance du protestantisme hollandais !

L'honorable député d'Ypres a voulu comparer deux époques en cherchant à rapprocher de certains faits contemporains, des faits qui se sont passés sous le gouvernement précédent.

Il vous a parlé du procès de M. l'évêque de Gand, de la poursuite intentée à M. l'abbé Bernard Desmet ; et il vous a dit qu'alors le clergé avait trouvé un zélé défenseur dans un honorable avocat qui, d'après des renseignements puisés à une benne source, devait être M. Verhaegen.

Messieurs, je n'ai rien à répudier de ma conduite d'avant 1830 ; j'accepte au contraire la responsabilité de tout ce que j'ai fait et dit à cette époque, et je n'hésite pas à déclarer que, si les mêmes circonstances se reproduisaient aujourd'hui, le clergé trouverait en moi son ancien défenseur de 1821 ; mais ne travestissons pas les faits, laissons à chacun ce qui lui appartient ; si j'accepte la responsabilité de mes actes, je n'accepte pas la responsabilité des actes qui me sont étrangers.

Je n'ai pas plaidé pour l'évêque de Gand, car l'évêque de Gand ne s'est pas défendu ; il a été condamné par contumace et l'arrêt de condamnation a été exécuté par effigie. S'il est vrai que cette exécution se soit faite dans les formes qu'on a signalées, je suis le premier, quoique je n'aie pas été le défenseur de M. de Broglie, à blâmer les exagérations du protestantisme d'alors qui était au moins tout aussi intolérant que l'est aujourd'hui le clergé catholique.

Je n'ai pas plaidé non plus pour M. l'abbé B. Desmet, lequel avait pour avocats M. Lantsheere, de Gand, et M. Beyens cadet, de Bruxelles.

M. l'abbé Desmet était prévenu d'avoir, dans un sermon prononcé à Saint-Nicolas, critiqué et censuré la loi sur l'instruction et certains actes du gouvernement ; il s'agissait en effet de l'application de l'article 201 du Code pénal de 1810 qui se trouve remplacé par l'article 295 du projet en discussion. C'eût été une bonne fortune pour mes adversaires politiques que de pouvoir m'attribuer la défense du prévenu ,car ils me mettaient ainsi en contradiction avec moi-même ; aussi ont-ils tenté de le faire en prenant toutefois certaines précautions oratoires.

L'honorable M. Malou, après avoir résumé dans son discours le sermon de l'abbé Desmet tel qu'il avait été résumé dans le mémoire de l'avocat, nous a dit que ce mémoire se terminait ainsi :

« Croirait-on possible qu'il soit imputé à crime à un prêtre catholique d'avoir enseigné sa religion et d'avoir montré les dangers que renferment pour la jeunesse certains livres qui sont destinés à la ruine du christianisme ? Non, il ne sera pas dit que les honnêtes gens, victimes pendant près de 20 ans de la révolution, souffrent encore sous le gouvernement légitime de la dynastie d'Orange établie par les hautes puissances alliées qui ont terrassé l'hydre révolutionnaire ; il ne sera pas dit que la contre-révolution n'ait abouti en Belgique qu'à doubler leurs fers et donner plus de morgue à leurs persécuteurs. »

Et après cette citation l'honorable M. Malou s'est écrié : « Je crois, messieurs, je n'ose pas l'affirmer (j'ai le bonheur d'être trop jeune pour avoir des souvenirs personnels relatifs à cette époque), que le défenseur de l'abbé Desmet était un honorable avocat qui se nomme, je pense, M. Verhaegen, lequel dans ce temps a défendu plusieurs fois le clergé contre les vexations du gouvernement. »

Eh bien, messieurs, c'est une erreur, et M. Malou, aujourd'hui, doit le reconnaître : l'avocat dont il a parlé n'était pas moi !

Il y a, néanmoins, quelque chose de vrai dans son assertion, c'est, qu'en effet, on s'était adressé à un avocat du nom de Verhaegen pour défendre l'abbé Desmet, et que cet avocat, après avoir examiné les pièces, s'était, nonobstant des instances réitérées, refusé de se charger de la défense.

Je regrette de devoir entrer dans ces détails ; mais on m'y a forcé. J'étais très jeune à cette époque, et on s'étonnait de mon refus ; on me disait : Vous avez plaidé pour les vicaires généraux de Gand, vous êtes l'avocat en titre du clergé et vous ne pouvez pas vous refuser à vous charger d'une affaire qui l'intéresse à un si haut point. Je persistai dans mon refus et je fis remarquer qu'on se trompait singulièrement sur mon compte.

Messieurs, je l'ai déjà dit dans d'autres circonstances, et je le répète ; j'ai le droit de le faire, car on m'y a provoqué : j'ai plaidé pour les vicaires généraux de Gand parce qu'ils avaient été les victimes de l'intolérance et de l'oppression du protestantisme hollandais. Je me suis chargé de leur défense avec une entière conviction et un zèle à toute épreuve. Mais ce n'était certes pas une raison pour que je me chargeasse de toutes les affaires qu'il pouvait plaire au clergé de me confier. Autant j'avais plaidé avec conviction lorsqu'il s'agissait d'opposer une barrière à 1' intolérance du protestantisme et à défendre l'opprimé contre l'oppresseur, autant j'étais disposé à m'abstenir lorsque j'apercevais une tendance à l'empiétement sur le pouvoir civil, et je me disais déjà à cette époque qu'un jour peut-être j'aurais à combattre l'intolérance du clergé catholique, qui, à son tour, pourrait bien devenir oppresseur. C'est ce qui est arrivé.

Il m'importe qu'on connaisse bien les détails de l'affaire dont je me suis chargé en 1821 : L'évêque de Gand avait été condamné par contumace pour un manifeste avec protestation dont on vous a lu une partie. L'évêque était absent ; mais il administrait son diocèse comme il en avait le droit, canoniquement parlant, par l'intermédiaire de ses vicaires généraux.

Une lettre pastorale confidentielle avait été envoyée de Beaune à Gand par M. de Broglie, elle donnait aux vicaires généraux des instructions pour l'administration spirituelle du diocèse ; ces messieurs, en acquit de leur conscience, avaient exécuté les ordres de leur évêque, et cette exécution avait laissé des traces.

Le gouvernement s'en émut, et un beau jour, dans un zèle outré, on fit une descente à l'évêché et on saisit la lettre pastorale qui, ainsi que nous l'avons dit, était une lettre confidentielle. Une instruction fut ouverte et les agents du gouvernement eurent l'imprudence, pour ne pas dire plus, de publier eux-mêmes cette lettre dans les journaux.

Il fut donc démontré à la cour d'appel que la publication qui avait eu lieu et qui seule imprimait au fait sa criminalité, n'émanait pas des vicaires généraux, mais bien des agents du gouvernement. C'était là une vexation si jamais il en fut ; c'était le résultat de cette intolérance que j'ai été le premier à flétrir et que la cour de Bruxelles a flétrie avec moi, car après des enquêtes minutieuses et des débats qui durèrent trois semaines, MM. les vicaires généraux et M. le secrétaire de l'évêché de Gand furent-solennellement acquittés. Si les mêmes faits venaient à se reproduire dans les mêmes circonstances, je n'hésiterais pas un instant à prêter mon appui à ceux qui auraient à répondre d'une accusation de même nature.

Il en était tout autrement de l'affaire de l'abbé Desmet, sur laquelle (page 54) les opinions pouvaient être partagées ; à l'époque où on voulût m'en charger, j'étais tout bonnement un avocat au début de sa carrière et nullement un homme de parti, aussi s'était-on complétement trompé sur mon compte.

Il m'importe encore une fois de dessiner nettement la position que j'avais prise avant et après la révolution de 1830 ; avant la révolution, j'exerçais la profession d'avocat et j'étais loin de m'occuper d'affaires publiques.

Lors des journées de septembre, j'habitais la campagne où je reçus la visite d'un personnage très haut placé, appartenant à l'opinion catholique, qui me dit :

Il est étonnant que vous ayez quitté la ville, vous avez fait la révolution avec nous et votre place est à Bruxelles, à côté de nous.

- Quoi ! répliquai-je, j'ai fait la révolution avec vous ! ! et comment donc ?

- Mais n'avez-vous pas plaidé pour les vicaires généraux de Gand ? Vraiment, je ne me serais jamais douté que pour avoir plaidé pour les vicaires généraux de Gand, j'eusse fait la révolution de 1830 !... et si on avait pu me donner cette conviction j'aurais exprimé publiquement mes regrets et fait mon mea culpa.

Messieurs, je l'ai déjà dit dans d'autres circonstances, et ce que j'ai dit, je suis loin de le rétracter ; j'ai dit ce que disait l'autre jour l'honorable M. De Fré dans un moment de naïveté, je n'ai pas été partisan de l'union des catholiques et des libéraux, je n'ai pas concouru à la révolution de 1830 parce que j'étais convaincu que cette révolution n'allait se faire que dans l'intérêt exclusif des catholiques et que les libéraux seraient dupes de leur concours ; à la différence de l'honorable M. De Fré, les interruptions de la droite ne me feront pas changer d'avis à cet égard ; en un mot je me suis abstenu parce que, tout jeune que j'étais, j'ai prévu tout ce qui nous arrive aujourd'hui.

Nommé au Congrès, je n'ai pas accepté le mandat ; deux fois on m'a offert la candidature à la Chambre, je n'ai pas accepté non plus ; ce n'est que lorsque la révolution était un fait accompli, que cédant enfin à la demande de mes amis qui siégeaient sur les bancs de la gauche, je suis venu au sein de la représentation nationale, sincèrement, franchement et sans arrière-pensée, me rallier à l'ordre de choses établi, et y défendre la thèse que j'avais prévu depuis longtemps devoir être défendue.

Si, depuis cette époque, je me suis trouvé sur la brèche pour m'opposer aux empiétements du clergé et faire respecter la Constitution dont je me fais gloire d'avoir toujours été le chaleureux défenseur, je n'ai fait que suivre la voie que je m'étais tracée depuis un grand nombre d'années, et obéir au cri de ma conscience. La tâche que je m'étais imposée, je me suis efforcé de la remplir dans la limite de mes forces, et je pense qu'elle sera bientôt arrivée à son terme.

Voilà, messieurs, ce que j'avais à répondre à des faits que j'ai dû considérer comme des faits personnels.

Mais puisque l'occasion m'en est offerte, qu'il me soit permis de dire aussi quelques mots sur la question qui nous occupe depuis plus de huit jours.

En défendant la thèse du gouvernement et en allant même un peu plus loin, je reste d'accord avec tous mes précédents.

Je ne trouve rien d'inconstitutionnel dans les articles 295, 298 et suivants tels qu'ils avaient été primitivement présentés par le gouvernement et tels qu'ils avaient aussi été adoptés par la commission.

Pour l'article 295, il devient inutile de prolonger la discussion, la question est résolue ; je ne pense pas que sur les bancs de la gauche, il puisse y avoir division quant au point de savoir si une disposition qui punit un ministre du culte pour avoir fait un sermon dans lequel il censure le gouvernement, une loi ou un arrêté, si cette disposition, dis-je, n'est pas parfaitement constitutionnelle.

Je puis dire la même chose pour la droite. L'honorable M. de Theux, à la sincérité et aux convictions duquel je rends et j'ai toujours rendu hommage, est isolé sur son banc, le discours de l'honorable membre se trouve sapé dans sa base par tous ses amis politiques... (Interruption), à moins que l'honorable M. Dumortier ne vienne lui prêter son appui exceptionnel.

Je le répète, l'honorable M. de Theux, sur cette question de constitutionnelle, se trouve isolé, et le long et beau discours qu'il a prononcé est anéanti d'abord par l'amendement de l'honorable M. Malou ; ensuite par l’amendement auquel avait concouru dans la commission l’honorable M. Moucheur ; par les opinions successives et même par les opinions modifiées de cet honorable membre ; par les discours «e l'honorable M. de Muelenaere et de tous les honorables membres de la droite qui ont traité la question.

En effet, l'opinion de l'honorable M. de Theux exclut toute formule, car il a cherché à démontrer qu'il ne peut pas y avoir de délit spécial pour les ministres du cuite, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent être punis que pour autant qu'ils soient convaincus d'un délit, appelé délit commun, en considérant seulement leur qualité comme une circonstance aggravante.

L'amendement de l'honorable M. Malou est basé sur une opinion tout à fait contraire ; cet amendement admet une formule d'après laquelle les ministres du culte, dans l'exercice de leurs fonctions, encourent, pour certains abus considérés comme délits spéciaux, des peines spéciales.

Il est vrai que l'amendement donne au clergé certaines garanties, mais il n'en crée pas moins un délit spécial et par cela seul il renverse tout le système de l'honorable M. de Theux ; et l'honorable M. Malou est allé si loin qu'il a ajouté, dans ses développements, que si quelque honorable membre de la gauche ou de la droite venait à proposer une autre formule qui pût mieux atteindre le but proposé et réunir, par voie de conciliation, une grande majorité, il s'y rallierait volontiers.

Encore une fois, n'est-ce pas reconnaître que la question constitutionnelle n'est pas en jeu ? En effet, si toute disposition législative contraire au principe développé par l'honorable M. de Theux, est inconstitutionnelle, un amendement quel qu'il soit, proposant une formule quelconque, doit être frappé d'inconstitutionnalité. J'avais donc raison de dire que, si sur les bancs de la gauche, personne, sauf l'honorable M. De Fré, ne conteste la constitutionnalité de l'article 295, l'opinion de l'honorable M. de Theux est aussi une opinion isolée sur les bancs de la droite.

Indépendamment des opinions qui ont été émises dans cette enceinte par nos honorables adversaires, on a cité encore des opinions qui ont été développées dans notre sens, en dehors du parlement, par des hommes haut placés dans l'opinion catholique, et notamment par l'honorable M. d'Anethan. Qu'il ne soit permis d'ajouter un seul mot aux considérations qu'a fait valoir à cet égard l'honorable ministre de la justice : l'honorable M. d'Anethan était, si je ne me trompe, ministre de la justice lorsque s'est débattue devant la justice répressive l'affaire de MM. les curés de Waetermael-Boitsfort.

Je n'entrerai pas, et pour cause, dans les détails de cette affaire, qui pour moi est complétement oubliée, mais je dirai que si M. d'Anethan n'avait pas eu la conviction que l'article 201 du Code pénal, dont l'application avait été faite à ces ministres du culte, fût encore applicable malgré l'article 14 de la Constitution de 1831, il n'aurait pas hésité un seul instant, après le jugement et l'arrêt de condamnation à proposer au Roi la grâce pleine et entière des condamnés ; et il s'est bien gardé de le faire !

Messieurs, toute cette discussion, qui déjà a été bien longue, peut, en définitive, se résumer en quelques mots : l'honorable M. de Theux s'appuie sur l'article 14, qui, après avoir proclamé le principe de la liberté, reconnaît, toutefois, que l'usage de cette liberté peut donner lieu à des abus et dégénérer en délit. Il faut bien, dès lors, qu'il y ait une autorité quelconque qui décide quand il y aura abus, c'est-à-dire quand il y aura un fait répréhensible, constituant un délit ; et cette autorité ne peut être que la législature ; la mission que nous a réservée la Constitution, nous allons la remplir en décrétant l'article 295 actuellement en discussion.

Mais l'honorable M. de Theux invoque encore le principe de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, principe qui se résume dans l'indépendance complète du pouvoir civil. Mais ce principe c'est le nôtre ; c'est celui que nous avons inscrit sur notre drapeau et qui n'a cessé de nous servir de guide ; c'est aussi ce principe qui est la condamnation du système de l'honorable M. de Theux.

Que veut, après tout, le principe de la séparation de l'Eglise et de l'Etat ? Il veut que si le pouvoir civil ne peut, sans pécher contre la Constitution, intervenir dans les affaires du culte, l'Eglise ne peut s'immiscer directement ni indirectement dans les affaires de l'Etat ; et l'on cherche néanmoins à faire décréter par la législature que tout en maintenant pour l'Etat la défense d'intervenir dans les affaires du culte, l'Eglise pourra intervenir dans les affaires de l'Etat par mandements, prédications, censures, critiques, etc.

C'est celui qui fait des efforts pour faire admettre un pareil système qui se met en opposition flagrante avec le principe de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, principe qui est le nôtre, et dont nous demandons l'application.

Non, il n'est pas permis à l'Etat d'intervenir dans les affaires du culte ; mais il n'est pas permis, non plus, aux ministres du culte, d'intervenir dans tes affaires de l'Etat, et nécessairement ils y interviendraient s'il pouvait leur être permis dans l'exercice de leurs fonctions, dans un lieu spécialement consacré à l'exercice du culte, de critiquer, censurer, non seulement les actes du gouvernement, mais encore les lois et les arrêtés en vigueur, en un mot, tout ce qui fait la base de la société.

Messieurs, la critique ou la censure d'une loi, la critique ou la censure d'un arrêté, par un ministre du culte, dans l'exercice de ses fonctions, dans un lieu spécialement consacré à l'exercice du culte et protégé comme tel, n'équivaut-elle pas à une provocation directe à la désobéissance à ces mêmes lois et arrêtés ? Pareille critique ou censure si elle doit rester impunie ne rend-elle pas un gouvernement régulier complétement impossible ?

Et, ne confondons pas, messieurs, les actes posés par le ministre du culte comme simple particulier, eu dehors de l'exercice de ses fonctions et ailleurs que dans les temples, avec les actes dont nous venons de parler ; car, alors le ministre du culte est mis sur la même ligne que les membres du gouvernement, que les fonctionnaires publics agissant en dehors de leurs fonctions comme simples citoyens.

Ainsi, comme on nous l'a dit, et je me plais à le répéter, un ministre du culte, dans un meeting, dans un café, dans un cabaret, dans une réunion publique quelle qu'elle soit, viendra critiquer, censurer une loi, un arrêté, un acte enfin du gouvernement ; il aura péché peut-être contre les convenances, mais aucune loi, sous peine d'inconstitutionnalité, ne pourra, pour cette critique ou cette censure, lui infliger une peine (page 575) quelconque, car ce serait violer le principe d'égalité qui est la base de notre pacte fondamental ; il en serait de même d'un fonctionnaire public qui dans un meeting ou dans tout autre lieu public, se serait permis une semblable critique ou censure.

Mais si dans l'hypothèse que je viens de poser le ministre du culte agissant comme simple citoyen ne peut pas être poursuivi en vertu d'une loi pénale, ce n'est pas à dire qu'il n'encourra pas un blâme de la part de ses supérieurs ecclésiastiques, comme le fonctionnaire publie pourra être averti, suspendu ou révoqué par le gouvernement, dont il n'est qu'un des ressorts ; l'intérêt de l'Eglise et de l'administration civile le veut ainsi

Voilà donc la distinction nettement établie : lorsque le ministre du culte en dehors de ses fonctions et ailleurs que dans l'église, de même que le fonctionnaire public en dehors de ses fonctions, aura critiqué ou censuré une loi, un arrêté, un acte du gouvernement, il ne pourra du chef de cette censure, de cette critique, être soumis à aucune peine ; mais lorsque dans la même hypothèse il aura agi en sa qualité comme ministre du culte dans un lieu spécialement destiné à l'exercice du culte et protégé comme tel, l'abus qu'il aura commis pourra être considéré comme un délit spécial et puni spécialement.

Messieurs, l'on a parlé de l'arrêté du gouvernement provisoire du mois de novembre 1830 et M. le ministre de l'intérieur a déjà répondu à l'objection ; mais il y a répondu seulement au point de vue des censures et critiques contre les actes du gouvernement et il vous a demandé si vous pensez que l'on eût pu tolérer le lendemain en quelque sorte de la révolution que des ministres du culte eussent pu, sans encourir aucune peine, monter en chaire pour saper par sa base la révolution en critiquant et censurant les actes du gouvernement qui venait de s'établir sur des bases jusque-là peu solides ? Certes telle n'a pas pu être l'intention des auteurs du décret.

L'honorable M. Dumortier a fait une réponse laconique à l'interpellation de l'honorable M. Rogier, il la développera probablement. En attendant, je lui demanderai à mon tour, car il ne s'agit pas seulement de la censure, de la critique des actes du gouvernement ; mais encore et surtout de la censure, de la critique d'une loi, d'un arrêté ; je lui demanderai ce qu'il aurait pensé de la critique, de la censure qui serait tombée en 1830 du haut de la chaire contre le décret d'exclusion à perpétuité du trône belge de la famille d'Orange-Nassau ?

Si des membres du clergé dans l'exercice de leurs fonctions, dans l'église, s'adressant à leurs ouailles, étaient venus battre en brèche ce décret d'exclusion en le signalant au pays comme une œuvre de haine et d'inutile vengeance, ces membres du clergé auraient-ils dû être à l'abri de toute poursuite ? Je demande une réponse catégorique à l'honorable M. Dumortier.

M. B. Dumortier. - M. Maclagan a tenu le même langage dans cette enceinte.

M. le président. - Je prie M. Dumortier de ne pas interrompre.

M. B. Dumortier. - On m'interroge, je réponds.

M. Verhaegen. - On a tenu ce langage au Congrès, je le sais bien et par une bonne raison, c'est que M. Maclagan, comme chacun des membres du Congrès, avait le droit de tout dire, protégés qu'ils étaient par la liberté de la tribune. Il ne fallait à cette époque que certain courage pour braver la colère du dehors. Mais là n'est pas la question ; il s'agit de savoir s'il a pu jamais entrer dans l'intention du Congrès de tolérer les faits auxquels je fais allusion. (Interruption.)

L'honorable M. de Haerne me fait un signe affirmatif ; il est inscrit après moi, il développera probablement son opinion sur ce point.

M. de Haerne. - Bien volontiers.

M. Verhaegen. - Je m'arrête donc pour ce qui concerne l'article 14. Sur ce point, il ne peut plus y avoir l'ombre d'un doute ; toutes les mesures que nous prendrons pour réprimer les abus qui peuvent se commettre en chaire par des ministres du culte, dans l'exercice de leurs fonctions, seront parfaitement constitutionnelles.

Messieurs, s'il en est ainsi pour l'article 14 de la Constitution mis en rapport avec l'article 295 du projet que nous discutons, pourquoi en serait-il autrement pour l’article 298 de ce même projet placé en regard de l'article 16 du pacte fondamental ? Pourquoi les mandements, je le dis tout de suite, pourquoi les mandements affichés au prône dans l'intérieur de l'église, ou à la porte de l'église, ne pourraient-ils pas être punis sans violer la Constitution, aussi bien que les discours prononcés en chaire par les ministres du culte dans l'exercice de leurs fonctions ?

Je croyais, messieurs, que, sur ce point même, j'étais complétement d'accord avec mon honorable ami, M. le ministre de la justice.

Lorsque j'ai lu le remarquable discours de l'honorable M. Tesch, j'ai déduit les conséquences de ses prémisses, et ces conséquences je viens vous les présenter.

Voici ce que disait mon honorable ami :

« Les dispositions telles que nous les présentons touchent beaucoup moins à la publication de lettres pastorales contenant des critiques ou des censures, qu'elles ne touchent aux lieux où ces critiques et ces censures se font ; c'est le lieu que nous garantissons, ce n'est pas la publication que nous proscrivons. Aussi, messieurs, comme je l'ai dit tantôt, la publication par affiche, par la presse, la publication en tout autre lieu qu'en chaire ne tombe pas sous l'application de la loi.

« Mais de ce qu'on a le droit de publier, il ne s'ensuit pas qu'on ait le droit de publier en tous lieux. La publication peut être un droit constitutionnel, mais le fait de publier dans tel lieu plutôt que dans tel autre peut être l'objet d'une loi de police. En effet, messieurs, tout le monde les fonctionnaires compris, la magistrature comprise, a le droit de publier ses opinions ; pensez-vous cependant qu'il soit permis à tout le monde, qu'il soit permis aux fonctionnaires, aux magistrats d'aller dans tous les lieux où ils exercent leurs fonctions, publier leurs opinions ?

« Mais, messieurs, je suppose qu'un magistrat, un procureur du roi ouvre une audience par un discours politique, cela ne serait certainement pas toléré. On lui répondrait avec beaucoup de raison s'il argumentait de son droit constitutionnel :

« Vous avez bien le droit de publier vos opinions, mais vous n'avez pas le droit de venir les publier à l'audience.

« Les ministres des cultes publieront leurs opinions : les lettres pastorales pourront être publiées ; mais lorsqu'elles contiendront la critique ou la censure d'actes de l'autorité ou du gouvernement, elles ne pourront pas être lues en chaire.

« Ce n'est donc pas tant la publication elle-même que le lieu où elle se fait dont nous nous occupons. »

C'est, comme l'a dit M. le ministre de l'intérieur, la liberté en tout et pour tous, mais non pas la liberté partout. La publication peut se faire librement ; l’article 16 de la Constitution le proclame ; mais lorsqu'il s'agit de parer à des abus qui peuvent résulter de la publication en certains lieux, le législateur a certes bien le droit de prendre des mesures dans l'intérêt de la société, sans que ces mesures puissent être considérées comme inconstitutionnelles.

« De ce qu'on a le droit de publier, il ne s'ensuit pas, a dit l'honorable ministre de la justice, que les publications puissent se faire en tous lieux. Ainsi, a-t-il ajouté, les lettres pastorales pourront être publiées, mais lorsqu'elles contiendront la critique ou la censure d'actes de l'autorité, elles ne pourront pas être lues en chaire. » Maintenant, je le demande, quelle différence y a-t-il entre la lecture en chaire et la publication par affiches sur la chaire, à l'intérieur ou à la porte de l'église ?

Ce n'est donc pas tant la publication elle-même, dit M. le ministre de la justice, que le lieu où elle se fait dont nous nous occupons.

Ainsi, messieurs, si l'on trouvait un jour à propos de faire une loi pour punir le fonctionnaire, le magistrat qui dans l'exercice de ses fonctions, un magistrat à l'audience, par exemple, se permettait de faire un discours politique, cette loi serait-elle inconstitutionnelle dans l'opinion de M. le ministre de la justice ? Evidemment non.

Eh bien, pourquoi une loi qui punirait le ministre du culte, non pour avoir publié d'une manière ordinaire, mais pour avoir publié dans l'église, pour avoir affiché au prône, pour avoir publié à la porte de l'église un mandement contenant la critique des actes du gouvernement, pourquoi cette loi serait-elle inconstitutionnelle ?

Ce n'est pas la publication, c'est le lieu, ce sont les circonstances dans lesquelles ces publications sont faites qui impriment la criminalité au fait. Ainsi, l'article 16 se borne à permettre la publication des actes du clergé, mais il n'autorise pas la publication en tous lieux ; à côté de la liberté, il place la répression des abus. Ce que nous voudrions voir décréter ne présente donc rien d'inconstitutionnel.

Reste la question de convenance qui a été examinée par l'honorable M. Malou. Convient-il de punir les publications par affiche au prône, à l'intérieur, ou à la porte de l'église ?

Messieurs, il faut rester d’accord avec soi-même. Pourquoi punit-on la lecture en chaire d'un mandement, portant critique ou censure d'un acte du gouvernement, d'une loi, d'un arrêté, par un ministre du culte dans l'exercice de ses fonctions et dans un lieu spécialement destiné à l'exercice du culte ? On la punit à raison de la gravité du fait, à raison du mal qu'elle peut produire et de l'impossibilité où l'on est de pouvoir se défendre contre une pareille lecture.

Eh bien, le résultat n'est-il pas le même quand il s'agit d'affiches qui descendent du prône et qui y restent pendant un certain nombre de jours, quand il s'agit d'affiches apposées dans l'église ou aux portes de l'église ? Est-il permis, à un particulier, de venir à côté de cette affiche qui se trouve sur le prône, dans l'église ou à la porte de l'église, apposer une autre affiche pour démentir ce qui se trouve dans la première ? Non, pas plus qu'il ne sera permis de répondre à un discours prononcé en chaire.

Mais il paraît, messieurs, que tout le monde n'est pas d'accord à cet égard. L'honorable M. Van Overloop avait dit que si quelqu'un se trouvait attaqué dans un sermon, à l'autorité communale, par exemple, représentée par le bourgmestre, il pourrait prendre la parole pour se défendre ; s'il en était ainsi, lorsqu'une affiche aurait été placée dans l'église ou à la porte de l'église, on devrait aussi avoir le droit de placer à côté de cette affiche une autre affiche pour la combattre.

Mais où en serions-nous avec un pareil système ?

Ce serait le trouble et l'anarchie, organisés sur une grande échelle !

- Un membre : Ce serait la liberté.

M. Verhaegen. - Ce serait la liberté ! Je le concevrais si l'on voulait l'application de ce système avec franchise, c'est-à-dire si l'on voulait signer au même moment, qu'il me soit permis de me servir de cette expression, un contrat bilatéral entre les deux opinions qui divisent la Chambre, un contrat par lequel il serait permis aux ministres du culte de dire et de publier tout ce qu'ils jugeraient à propos même dans l'église, mais par lequel il serait permis aussi à tous ceux qui se trouveraient attaqués de répondre immédiatement et de la même manière ; (page 576) mais un pareil contrat ne serait jamais exécuté. On veut bien avoir le droit d'attaquer mais on ne veut pas tolérer le droit de la défense.

Messieurs, je me résume sur ce point, et je dis que, quel que soit le terrain sur lequel on se place, il faut que les positions restent égales ; qu'il faut que la défense puisse être à côté de l'attaque, ou bien qu'il faut des garanties pour ceux qui ne peuvent pas répondre, s'il est admis que la réponse ne soit pas possible.

Je n'en dirai pas davantage, je voterai toutes les dispositions présentées par le gouvernement et si l'on nous propose un amendement quelconque qui donne plus d'étendue aux garanties que je crois nécessaire dans l'intérêt social, j'y donnerai volontiers mon appui.

M. B. Dumortier. - Messieurs, depuis vingt-neuf ans que j'ai l'honneur de siéger dans cette enceinte, je ne me souviens pas d'avoir abordé cette tribune avec plus de résolution, avec plus de fermeté que dans la discussion qui nous occupe en ce moment

C'est qu'il s'agit de savoir si la liberté existe ou n'existe pas ; il s'agit de savoir si la Constitution pour tous existe ou n'existe pas. Il s'agit de savoir s'il est possible de refaire la Constitution par les lois organiques, ainsi que Louis-Philippe en avait donné jadis le conseil aux doctrinaires. Il s'agit de savoir si le système que nous avons vaincu en 1830, si le système orangiste reprendra, oui ou non, le dessus en Belgique. (Interruption.),

Oui, c'est là que vous voulez conduire le pays, à votre insu peut-être ; mais c'est certainement là que vous le conduisez.

Il s'agit de savoir si nous sommes encore les successeurs de ces hommes de 1830 qui ont donné au pays la liberté en tout et pour tous. Il1 s'agit de savoir si nous voulons revenir aux abus d'une autre époque, aux abus de l'Empire, aux abus du roi Guillaume.

En présence, messieurs, d'un pareil système et des dangers incalculables dont il menace la patrie, j'aborde avec courage cette discussion, parce que j'espère que la Chambre comprendra ce que le pays exige d'elle. Je dis le pays ; car, examinez autour de vous, la presse tout entière, à très peu d'exceptions près, combat l'inconstitutionnalité de ces mesures.

Je dis que j'espère que la Chambre comprendra ce que le pays attend d'elle et qu'elle ne s'amoindrira pas, au point d'enlever à une classe de citoyens, aux prêtres belges, la liberté qu'ils ont conquise en 1830, et dont ils ont doté un grand nombre d'entre nous, peut être malgré eux.

Les articles du Code pénal que nous discutons en ce moment ne sont pas l'œuvre des institutions nationales, le système de ces articles, c'est le système de l'étranger ; il n'est pas belge, il est étranger. Jamais, en Belgique, ni sous nos anciennes lois nationales, ni à aucune époque, ce système n'a été celui de la patrie. C'est le système du despotisme et d'un despotisme persécuteur, alors que l'empire voulait établir la force et sa puissance sur toutes les libertés civiles et religieuses.

Ainsi que vous l'a dit hier mon honorable ami M. de Muelenaere, l'année qui avait précédé l'inscription de ces articles dans le Code pénal, Napoléon avait, par un décret impérial, enlevé au pape Pie VII, la possession de ses Etats.

Le pape avait fulminé l'excommunication contre le spoliateur du domaine de Saint-Pierre. L'empereur, dans son délire, l'avait fait enlever du palais du Quirinal par un de ses généraux et l'avait fait transporter prisonnier à Savone. C'est dans cette situation, comme il le dit lui-même dans son Mémorial de Sainte-Hélène, qu'il sentit le besoin, pour servir sa politique oppressive et tyrannique, de comprimer à la fois et la liberté civile et la liberté religieuse. Toute liberté fut supprimée et un régime de tyrannie et de mutisme établi dans l'empire.

Est-il surprenant que dans des conditions semblables il ait introduit dans le Code des mesures despotiques contre les ministres du culte qui attaqueraient un acte du gouvernement, un acte de l'autorité ? Il était tout naturel, et le congrès de Paris l'a prouvé ensuite, que le clergé catholique de France aurait pris fait et cause pour le persécuté contre le persécuteur. Car toujours, dans toutes les phases de l'histoire, l'Eglise s'est rangée du côté des opprimés. Mais pour l'empêcher de parler, Napoléon écrivit dans le Code pénal les dispositions tyranniques que vous y lisez et qu'on veut aujourd'hui rétablir.

Guillaume succéda à l'empire. Animé d'un esprit de protestantisme, il voulut créer aux Pays-Bas une nationalité à sa manière ; il voulut séparer les Belges de leurs voisins du midi par la langue, par la religion, par les intérêts. C'était une tyrannie non moins grande que sous le régime impérial et pour la sanctionner, Guillaume à son tour voulut établir le règne du mutisme, frappant à la fois et la liberté de la presse et la liberté de la tribune religieuse.

Ici encore, l'initiative de la résistance à la tyrannie fut le fait du clergé. Guillaume poursuivait son système contre l'Eglise ; naturellement il trouva une résistance très vive dans le clergé catholique contre son système de persécution, et pour assurer son despotisme il mit en exécution les articles dont il s'agit. On vit alors, sous le roi Guillaume, une foule de procès intentés contre les membres du clergé qui, dans leur chaire, se permettaient de dire un mot contre tes actes anticatholiques de ce gouvernement persécuteur.

Je pourrais, messieurs, en citer un grand nombre, permettez-moi seulement d'en indiquer deux ou trois.

Un ministre du culte prononce un sermon dans lequel un des nombreux délateurs de l'époque croit voir une attaque contre le gouvernement ; une dénonciation a lieu contre lui, il est traduit devant les tribunaux. Qu'avez-vous dit ? lui demande-t-on. J'ai appris par cœur un discours imprimé. Pouvez-vous le prouver ? Oui, voilà l'ouvrage imprimé. Eh bien, messieurs, que répond la justice ? La justice de Van Maanen, la justice orangiste répond : « Il fallait omettre ce passage » et on le condamne.

Or, messieurs, le discours ainsi incriminé qu'était-il ? C'était un discours prononcé et publié sous le despote Louis XIV, imprimé à cette époque avec l'approbation de la censure. Ce discours prononcé sous Louis XIV, imprimé sous le régime de la censure, ou ne pouvait point le prononcer sous le roi Guillaume, sous le système orangiste, sans être condamné à la prison.

Mon honorable ami M. Malou vous a parlé d'un procès intenté à M. Bernard Desmet. Il vous a montré que ce procès tirait son origine de ce que cet honorable ecclésiastique avait cru devoir prémunir ses auditeurs contre un livre anticatholique que l'on donnait alors dans les écoles de la ville où il parlait. Pour avoir rempli ce devoir de conscience, il est traduit devant la justice, et le procureur du roi de Gaud vient soutenir que c'était une attaque contre le gouvernement que de censurer les livres que quelques-uns des instituteurs pourraient avoir entre les mains.

Ce sont là, remarquez-le, messieurs, les expressions de son réquisitoire. Ainsi censurer un ouvrage anticatholique, fourni par le gouvernement, c'est, pour un prêtre catholique, attaquer le gouvernement ! Voilà, messieurs, le soutènement du ministère public, et si votre loi passe, vous verrez encore la même chose.

Que fait le tribunal ? Voici, messieurs, le jugement du tribunal et j'appelle votre attention sur ce point, car il se rapporte précisément à l'article 201 du Code pénal que nous discutons en ce moment.

« Considérant que l'enseignement est donné dans les universités, dans les écoles moyennes et primaires par des professeurs qui sont nommés médiatement ou immédiatement par le gouvernement. »

C'est ce qui se fait encore aujourd'hui. Nos professeurs dans les écoles de l'Etat sont nommés soit immédiatement soit médiatement par le gouvernement ; ainsi le considérant est encore applicable.

« Considérant que les professeurs, la doctrine qu'ils enseignent à la jeunesse, la manière de l'enseigner et les livres qui, dans les écoles, sont employés à l'enseignement, sont spécialement soumis à la surveillance du curateur des universités, des inspecteurs des écoles et autres fonctionnaires à ce commis. »

C'est ce qui se passe encore aujourd'hui. Un jugement pourrait encore se motiver sur ce même considérant.

Je continue :

« Et qu'ainsi un ecclésiastique, à quelque communion qu'il appartienne, qui, dans l'exercice de ses fonctions et en assemblée publique, se permet de blâmer, de critiquer ou de censurer ce système d'enseignement ainsi établi ou quelqu'une de ses parties, se rend coupable du délit prévu par l'article 201 du Code pénal, sans qu'il soit permis aux tribunaux de laisser un tel délit impuni à cause de l’intention ou du but que l'ecclésiastique pourrait avoir eus dans sa censure ou critique, ou à cause de toutes autres circonstances que la loi ne reconnaît pas comme excuse ;

« Et prenant en considération qu'il est suffisamment prouvé... que le prévenu a prononcé, le 24 septembre dernier, dans l'église paroissiale de St-Nicolas, à l'occasion de la fondation de l'hospice des orphelins, un discours contenant, entre autres la désapprobation et la censure de quelques parties de l'enseignement public légal en vigueur dans le royaume, qu'il a même dit que ceux qui s'occupaient de l'enseignement actuel en sentiraient plus tard les funestes résultats ;

« Vu l'article 201 précité, ainsi conçu :

« Les ministres du culte qui prononceront, dans l'exercice de leurs fonctions et en assemblée publique, un discours contenant la critique ou la censure du gouvernement, d'une loi, d'une ordonnance royale ou de toute autre autorité publique, seront punis d'un emprisonnement de trois mois à deux ans.

« Faisant droit, condamne Bernard Desmet, à un emprisonnement de trois mois. »

C'est précisément ce qu'on nous propose.

Voilà, messieurs, comment les choses se passaient sous un gouvernement despotique et tyrannique ; c'était en vertu des articles qu'on veut vous faire voter aujourd'hui, que l'on condamnait à trois mois de prison un ecclésiastique, pour avoir signalé à ses paroissiens un livre contenant des maximes hostiles à la religion et que, dans sa conscience, il avait cru devoir leur indiquer, et c'est ce régime impérial et orangiste, ce régime de mutisme qu'on veut rétablir aujourd'hui.

M. Lelièvre. - L'arrêt a été réformé par la cour de Bruxelles.

M. B. Dumortier. - Je ne le pense pas.

M. Verhaegen. - Voici l'arrêt.

M. B. Dumortier. - II n'en est pas moins vrai qu'un tribunal a fondé un jugement sur ce qu'un ministre du culte avait critiqué un livre contraire aux maximes de son culte, et que ce jugement a été porté ; il n'en est pas moine vrai que l'honorable M. Rogier, répondant hier à mon (page 577) honorable ami, M. de Muelenaere, disait qu'en pareil cas le ministre du culte serait condamné.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Comment !

M. B. Dumortier. - C'est-à-dire que s'il avait à opter entre sa conscience et la loi, il serait condamné.

Or, la loi, telle qu'elle est formulée, condamne positivement un pareil fait. (Non ! non !) Modifiez-la alors ; mais vous ne le ferez pas.

Passons à un autre procès.

L'honorable M. Verhaegen vient de vous parler du procès des vicaires généraux de Gand ; l'honorable membre vous a présenté ce procès sous une seule de ses faces ; il vous a dit, et cela est vrai, que la publicité donnée à la lettre de Mgr de Broglie était le fait du juge d’instruction, mais il n'a pas dit le reste.

M. Verhaegen. - J'ai dit des agents du gouvernement.

M. B. Dumortier. - En défendant avec le plus beau talent la cause de la liberté contre le despotisme, l'honorable M. Verhaegen a qualifié les articles qui sont maintenant en discussion, et j'espère que, quand nous arriverons au vote, l'honorable membre, qui est si invariable dans ses principes, sera fidèle à la position qu'il a prise alors.

Le procès intenté aux vicaires généraux était motivé, d'abord, sur l'article premier de l'arrêté-loi du 20 avril 1815 :

« Pour avoir débité des bruits et nouvelles qui tendent à alarmer ou à troubler le public et avoir cherché à susciter entre les habitants la défiance, la discussion, les querelles, etc. »

Secondement sur les articles 204 et 205 du Code pénal, etc.

Le Code pénal était en jeu, et en traitant des articles 204 et 205, il était bien permis de traiter de tous les chapitres qui s'y rapportaient, et c'est ce qu'a fait l'honorable ministre.

L'honorable M. Verhaegen, dans une audience du mois de mai 1824, s'exprimait en ces termes au sujet des articles qu'on voudrait imposer de nouveau à la libre Belgique.

« Buonaparte en portant des dispositions sévères et exorbitantes, contre les ministres du culte dans l'exercice de leur ministère, moyennant certaines conditions, a voulu cependant laisser au culte une certaine liberté. Voudra-t-ou aujourd'hui ajouter encore à des dispositions si odieuses, et cela sous le gouvernement paternel d'un bon roi qui nous a assuré et garanti la liberté entière de notre culte... sans qu'il pût être porté la moindre atteinte an dogme et à la discipline de l'Eglise catholique. »

Voilà comment l'honorable M. Verhaegen qualifiait les articles du Code pénal contre le clergé ; ces dispositions il les déclarait exorbitantes et attentatoires à la liberté de notre culte, au dogme et à la discipline de l'Eglise catholique, et ce sont elles qu'on voudrait rétablir aujourd'hui ?

M. Verhaegen. - D'où avez-vous extrait ce passage.

M. B. Dumortier. - Du seul journal qui alors osait rendre votre plaidoirie, du Courrier de la Meuse du 20 mai 1821, n° 121.

M. Verhaegen. - Ma plaidoirie se trouve dans un livre que m'a communiqué l'honorable M. Malou.

M. B. Dumortier. - Ce sont ces dispositions si justement qualifiées par M. Verhaegen d'exorbitantes et d'odieuses qu'il s'agit de remettre en vigueur et cela après que la Belgique est venue faire raison du gouvernement paternel de ce bon roi que nous appelons, nous, le tyran.

Au surplus, pour faire voir à l'honorable membre que j'ai lu également la brochure dont il parle, j'y lirai ce qui suit :

« M. Verhaegen finit son discours par une péroraison touchante en représentant ses clients comme de respectables et vertueux ecclésiastiques dont toute la vie avait été le modèle du zèle apostolique, du désintéressement, de la douceur ; que tout leur crime était la défense de la religion, dont ils étaient les ministres, en acquit de leur conscience, obéissant comme sujets au souverain, et restant soumis toutefois à leur souverain légitime pour ce qui regardait la juridiction ecclésiastique. »

Voilà, messieurs, comment étaient jugées, sous le roi Guillaume, ces mesures odieuses contre le clergé dans l'exercice de ses fonctions, ces articles que nous discutons en ce moment, que 1830 a renversés et que l'esprit de parti voudrait rétablir !

Mais ces mesures, par qui donc étaient-elles provoquées ? Elles l'étaient par un homme d'exécrable mémoire, par Van Maanen ; c'est Van Maanen qui provoquait toutes ces mesures.

Lisez l'instruction de Van Maanen sur la surveillance à exercer sur les prêtres du culte catholique ; elle est datée de Bruxelles, le 16 janvier 1821. Vous y lirez :

« Le clergé continue son train habituel, manifestant la même soif de domination et employant, pour y parvenir, le même pouvoir occulte. La même opposition à tout ce qui se fait dans l'intérêt du pouvoir civil forme encore aujourd'hui la règle de sa conduite. »

Le pouvoir occulte, l'intérêt du pouvoir civil, c'est ce que nous entendons répéter chaque jour. L'invention n'est pas à nos adversaires, c'est le renouvellement des maximes de l'orangisme, c'est là qu'on va les puiser pour diviser le pays et le mener à sa perte.

\Vous le voyez, le système actuel est encore un système d'agression contre le clergé ; c'est toujours le pouvoir occulte, l'empiétement sur le pouvoir civil. L'orangisme vaincu en 1830 n'a pas changé. Le gouvernement déchu terminait sa circulaire en demandant aux autorités des rapports périodiques et extraordinaires contre le clergé catholique du pays.

Voilà, messieurs, comment les choses se passaient sous le gouvernement déchu ; et quand le gouvernement parlait de la sorte, quelles étaient les conséquences ? Les voici : c'est qu'un système de délation avait été répandu sur tout le pays ; partout il y avait des délateurs ; partout des hommes allaient se poster derrière les chaires de vérité pour espionner les ministres des cultes, saisir, envenimer, torturer leurs paroles prononcées en chaire et envoyer des rapports, des délations contre eux.

Je tiens du comte de Bethune, bourgmestre de Tournai, qu'il avait reçu plus de 200 dénonciations contre un seul prêtre, contre le vénérable M. Respilleux, l'un des patriotes les plus purs et les plus dévoués à la patrie et à la liberté.

Voilà quel était ce régime que nous avons renversé en 1830 et qu'on voudrait rétablir aujourd'hui. Est-il étonnant que sous une oppression pareille le clergé se soit mis à la tête du mouvement patriotique pour conquérir la liberté, chasser le tyran et rendre à la patrie son antique nationalité ? Nul ne peut le méconnaître, la révolution des idées contre la tyrannie de Guillaume, la résistance à cette tyrannie, est le fait du clergé catholique, de ce clergé auquel vous voulez ravir aujourd'hui les libertés qu'il vous a données.

Quoi ! Après avoir lutté pour renverser la tyrannie, le prêtre aurait donné la liberté aux autres sans l'avoir pour lui-même ! C'eût été insensé ; et ce serait une ingratitude de la lui enlever. Oui, il a voté la liberté pour tous, mais il l'a votée aussi pour lui-même ; il n'a pas voulu de préférence, il n'a pas voulu d'exclusion. C'est alors, après la chute du tyran, que le gouvernement provisoire porta ce magnifique décret que j'aurais voulu voir gravé en lettres d'or dans cette enceinte :

« Au nom du peuple belge,

« Le gouvernement provisoire,

« Considérant que le domaine de l'intelligence est essentiellement libre ;

« Considérant qu'il importe de faire disparaître à jamais les entraves par lesquelles le pouvoir a jusqu'ici enchaîné la pensée, dans son expression, sa marche et ses développements ;

« Arrête :

« Art. 1er. Il est libre à chaque citoyen ou à des citoyens associés dans un but religieux ou philosophique, de professer leurs opinions comme ils l'entendent et de les répandre par tous les moyens possibles de persuasion et de conviction. »

Dans ce magnifique décret, digne des plus beaux temps de l'antiquité, y a-t-il, comme on voudrait le faire aujourd'hui, des réserves de lieu ou de personne ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est pour tout le monde.

M. B. Dumortier. - Y a-t-il là des réserves contre le prêtre, contre la chaire de vérité ? Non, parce que le gouvernement provisoire n'était pas atteint de ces idées d'oppression religieuse par esprit de parti, qu'il voulait la liberté eu tout et pour tous, et que cette liberté n'existe pas quand on veut établir le mutisme du prêtre dans la défense des intérêts de la foi. Ce décret, c'était une satisfaction donnée à tous les griefs contre la pensée, et n'oubliez pas que l'un de ces griefs et celui qui avait le plus agi sur la marche des idées, était la persécution contre le clergé, contre l'Eglise catholique, contre les ministres du culte ; voilà ce qu'abolissait le gouvernement provisoire par les dispositions suivantes :

« Art. 2. Toute loi, toute disposition qui gêne la libre manifestation des opinions et la propagation de la doctrine, par la voie de la parole, de la presse ou de l'enseignement, est abolie. »

« Art. 3. Les lois générales et particulières entravant le libre exercice d'un culte quelconque et assujettissant ceux qui l'exécutent à des formalités qui froissent les consciences et gênent la manifestation de la foi professée, sont également abrogées. »

Et l'on viendra aujourd'hui soutenir que cet admirable décret n'a pas aboli les entraves que la tyrannie de Napoléon et de Guillaume avait apportées à la libre manifestation des opinions religieuses, par la parole, chez le prêtre ! Dans quel siècle vivons-nous donc !

Ce décret est signé de Potter, Van de Weyer, Rogier, de Mérode et Gendebien.

Mais, dit aujourd'hui l'honorable M. Rogier, nous voulons la liberté pour tous, mais nous ne la voulons pas partout. Messieurs, je vous le demande que devient la liberté pour le prêtre si vous la lui refusez dans l'exercice de ses fonctions ? Dans la société, tout le monde a sa place, le franc-maçon dans la loge comme le prêtre dans l’église. Ah ! vous vous garderez bien de toucher à la liberté maçonnique ! Mais, si vous voulez la liberté pour le franc-maçon, laissez-la pour le curé, mais à sa place et sa place est dans l'église.

Survint le Congrès national ; son grand acte, la Constitution, en quoi consiste-t-il ? Dans les grands principes de liberté qui y sont inscrits et que le gouvernement provisoire avait proclamés sous le feu des barricades !

On l'a dit avant moi, chaque article de la Constitution proclamant une liberté est la représentation d'un des griefs du peuple belge, c'est (page 578) l'empêchement du retour des griefs dont on avait à se plaindre et pour lesquels la patrie avait combattu.

On avait eu à se plaindre de l'oppression de la presse, la Constitution proclamait la liberté de la presse.

On avait à se plaindre de l'interdiction de s'associer, la Constitution proclamait le droit d'association. On avait à se plaindre de l'oppression religieuse, la Constitution a proclamé la liberté religieuse.

On avait à se plaindre de l'oppression du clergé dans la chaire, la Constitution a proclamé la liberté d'exprimer ses opinions en toute matière.

Aujourd'hui, en rétablissant le mutisme de la chaire comme sous Napoléon et Guillaume, que faites-vous ? A la liberté d'exprimer ses opinions en toute matière, comme le porte la Constitution, vous substituez la liberté de manifester ses opinions excepté en telle ou telle matière ; mais c'est inconstitutionnel.

Le clergé a, par la Constitution, le droit d'exprimer ses opinions en toutes matières et en tous lieux ; où la Constitution ne distingue pas, vous n'avez pas le droit de distinguer, et cette liberté vous voulez la lui enlever. La liberté que vous lui laissez, c'est la liberté de Figaro, vous dites au clergé: La Constitution vous donne la liberté de manifester vos opinions en toute matière, pourvu que vous ne parliez dans vos discours, ni du gouvernement, ni de ses actes, ni des gens en place, ni de leurs actes, ni des corps en crédit, ni de l'opéra, ni de personne qui tienne à quelque chose, vous avez la liberté illimitée de parler de tout.

Voilà la liberté des libéraux, quant au clergé.

Pour justifier une atteinte aussi scandaleuse à la Constitution, l'honorable M Verhaegen entend à sa manière ce qu'il appelle la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Suivant lui, cette séparation a pour conséquence d'empêcher le prêtre de s'occuper, en chaire, du gouvernement et des mesures qu'il pourrait prendre contre la foi ; il va même jusqu'à demander quo les mandements du saint-père et des évêques ne puissent pas être lus en chaire et que s'ils sont affichés dans l'église, on puisse y faire afficher une réponse. J'ai déjà eu l'honneur de le dire plusieurs fois : en 1830, les patriotes réunis dans cette enceinte pour faire la Constitution n'ont pas entendu faire cette séparation haineuse qui est celle du divorce et qui se caractérise par ces mots : Chacun chez soi, chacun pour soi.

Le Congrès n'était pas animé de passions aussi étroites aussi mesquines, aussi odieuses ; il avait des idées grandes et larges ; il voulait la liberté pour tous, ce que le Congrès a voulu ce n'est donc pas une séparation haineuse, un divorce entre l'Eglise et l'Etat, ce qu'il a voulu, c'est l'émancipation de l'Eglise, afin d'empêcher à l'avenir le retour des persécutions religieuses dont le pays venait de sortir, et pour cela, il lui a donnez le plus grand des biens qu'on puisse avoir sur la terre, la liberté ; et en agissant de la sorte il a voulu, non pas mettre l'Etat en état de guerre contre l'Eglise, mais former un lien qui réunisse en un faisceau toutes les forces vives de la société pour les faire concourir au bien-être de la patrie et pour former une nation unie et forte qui puisse résister à l'étranger.

Mais ce n'est pas en faisant revivre aujourd'hui les lois impériales, les lois du roi Guillaume, que vous consoliderez toutes ces libertés dont le Congrès nous a dotés. La séparation haineuse et honteuse dont a parlé l'honorable M. Verhaegen n'a jamais été dans la pensée du Congrès ; et savez-vous, messieurs, quel serait le résultat de cette séparation, s'il fallait en rechercher les dernières conséquences ? C'est que les ministres du culte seraient de véritables parias dans la société belge. Si vous dites que le clergé ne peut plus s'occuper en Belgique d'affaires temporelles, vous affirmez par cela même que les prêtres ne sont plus des citoyens, mais de véritables parias.

Mais alors aussi, soyez conséquents avec vous-mêmes, fermez l'urne électorale au prêtre, interdisez-lui d'écrire dans les journaux, violez en un mot toutes les liberté s à son préjudice ; car il n'y a pas de raison de ne pas les lui ravir toutes dès que vous lui en enlevez une seule ; la séparation comme vous la voulez doit porter ces monstrueuses conséquences et leur absurdité fanatique prouve l'absurdité de votre prémisse.

A côté de ces idées maçonniques et orangistes, examinons la conduite du clergé belge, de ce clergé que les doctrinaires veulent réduire à l'état de parias.

Ce ne sont pas, messieurs, ces idées étroites qui animaient le clergé ; il avait des idées plus larges, plus élevées ; il voulait, lui, la liberté en tout et pour tous, cette liberté qui fera toujours battre le cœur de tout véritable Belge, la seule qui puisse consolider notre nationalité.

Le Congrès, messieurs a déclaré par l'article 14 de la Constitution que la liberté des cultes, la liberté de l'exercice public des cultes, la liberté de manifester son opinion en toutes matières sont garanties, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'exercice de ces libertés.

Puisqu'on discute sur un texte ainsi clair, puisque, avec les subtilités de l'argutie, on veut faire dire à l'article 14 le contraire de ce qu'il contient, voyons quel est le véritable esprit de la Constitution, et ici deux ou trois citations suffiront pour décider tout à fait cette question.

Ouvrons d'abord le rapport fait au Congrès par M. Ch. de Brouckere sur le projet de Constitution au nom de la section centrale. Vous savez, messieurs, que la section centrale était formée en nombre double, c'était l’émanation la plus pure, la plus vive du Congrès national.

Voici ce que je lis dans ce rapport :

* Les deuxième, troisième, septième et neuvième sections ont voulu admettre la libre manifestation des opinions et ont soutenu que l'article précité était oiseux ; mais elles n'ont pas remarqué qu'il était impossible de consacrer la libre manifestation sans restriction. »

Cela est parfaitement juste, et il n'est personne ici qui veuille l'abus de la liberté, il n'est personne, pas plus sur nos bancs que sur ceux de la gauche, qui réclame la licence sous prétexte de liberté.

Il ajoute :

« Il faudrait du moins admettre la responsabilité devant les tribunaux pour tout ce qui pourrait blesser les droits de la société ou des individus. » Voilà, messieurs, la répression qu'en tendait la section centrale : « tout ce qui peut léser les droits de la société ou des individus. »

M. Vilain XIIII. - Les droits de la société ont été supprimés sur ma proposition.

M. B. Dumortier. - Maintenant, que se passa-t-il au sein du Congrès, lors de la discussion de l'article 14 de la Constitution ?

Nous voyons d'abord M. Van Meenen... Vous ne direz pas sans doute que celui-là était un catholique, mais il voulait la liberté en tout et pour tous ; il avait vécu dans ces principes ; c'était un de nos patriarches de la fondation de la liberté en tout et pour tous.

M. Van Meenen dit que l'article 11, tel qu'il était proposé, serait un privilège contre le culte catholique, et certes l'honorable membre ne voulait point de privilège contre le culte catholique ; l'article tel qu'il a été voté sur sa proposition ne tendait donc pas à consacrer un privilège contre ce culte, comme vous voudriez l'interpréter aujourd'hui.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - IL serait bon de lire le paragraphe de M. Van Meenen.

M. B. Dumortier. - Lisez-le si vous le voulez. (Interruption.) Je crois que cela fatiguerait la Chambre.

- Voix nombreuses à gauche. - Non ! non !

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il y a tout au plus six lignes.

M. B. Dumortier. - Enfin, vous les lirez vous-même st cela vous convient. (Nouvelle et bruyante interruption.)

Je ne crois pas, messieurs, que les députés soient aux ordres de MM. les ministres.

Plus tard, M. Van Meenen, combattant l'article 12 du projet de Constitution, s'exprima en ces termes :

« Faites-y attention, si vous adoptez les mots : l'exercice public, vous pourrez laisser à l'interprétation le droit de réprimer l'exercice privé. »

Laisser à l'interprétation le soin de réprimer l'exercice privé du culte, voilà ce que M. Van Meenen, auteur de l'article 14 de la Constitution, ne voulait pas, ce qu'il entendait repousser, et qui le croirait ? voilà où nous en sommes aujourd'hui. Nous en sommes, à force de subtilités, à réprimer l'exercice privé, et c'est justement ce que l'auteur de l'amendement ne voulait pas, ce qu'il repoussait, ce que le Congrès a repoussé en adoptant sa proposition qui forme l'article 14 de la Constitution. ;

Maintenant, que vient dire l'honorable M. Lebeau ?

« Le culte, comme être moral, ne peut être poursuivi, non plus que la presse et l'enseignement ; la loi ne peut atteindre que des individualités et des faits spéciaux. »

Il s'agissait de l'article 11 de la Constitution par lequel on voulait pouvoir proscrire par la loi l'exercice extérieur des cultes.

« Voici, ajoute-t-il, comment je conçois la répression d'un fait relatif à un culte.

« Je suppose qu'on veuille établir un culte, permettant la polygamie, cette partie du culte sera réprimée par les lois pénales ordinaires. »

Ainsi, l'honorable M. Lebeau invoquait les lois ordinaires pour réprimer l'exercice d'un culte qui se mettrait eu opposition avec ces lois ; il ne voulait pas faire des lois d'exception, comme vous voulez le taire aujourd'hui. Les lois pénales ordinaires, c'est la seule répression dont il voulait on matière de culte.

L'honorable M.Ch. de Brouckere, rapporteur de la section centrale sur le projet de la Constitution, s'exprimait ainsi :

« En mettant exercice public dans le projet, les mots exercice public des cultes, on a entendu l'exercice extérieur. Il est certain que des tribunaux ont décidé que les cérémonies dans l'intérieur du temple sont publiques, mais la section centrale n'a en vue que la liberté la plus illimitée et sans restriction. »

Voilà ce que voulait la section centrale du Congrès, voilà ce qu'a voulu le Congrès national en décrétant l'article 14 de la Constitution ; vous, au contraire, vous voulez la liberté limitée et avec restriction, c'est-à dire le mutisme dans l'intérieur du temple. Et après cela vous viendrez nous dire que vous restez dans la Constitution, que vous en respectez l'esprit ! Non, messieurs, vous en êtes les destructeurs. Ah ! si ces murs témoins des séances du Congrès pouvaient parler, ils protesteraient avec moi contre l'esprit de parti qui vous dirige, ils vous diraient que vous déchirez la Constitution dans une de ses pages les plus sacramentelles, dans une de ses libertés les plus sacrées, les plus inviolables, les plus chères au peuple belge.

Dans toutes les relations des travaux du Congrès, il n'existe pas un mot, pas un seul, duquel on puisse conclure qu'il ait été dans la pensée de personne alors de maintenir les articles du Code pénal dont il s'agit, et pourquoi ? Parce que, encore une fois, chaque article principe (page 579) de la Constitution répond à un des griefs, à une des mesures vexatoires accumulés sous le règne de Guillaume ; et les entraves apportées au libre exercice des cultes, à la liberté de la tribune religieuse, constituaient précisément un des principaux griefs dont on voulait empêcher à jamais le retour. Quoi, cette majorité catholique qui siégeait au Congrès aurait consenti à se vinculer elle-même, à permettre contre elle le retour des abus de la tyrannie alors qu'elle émancipait toutes les autres libertés ! C'est prétendre l'absurde. Mais elle n'avait pas besoin de ces réclamations, parce qu'au Congrès la liberté pour tous était la volonté de tous. Aussi ne trouverez-vous pas dans les débats du Congrès national un mot, un seul mot, qui vienne justifier le système de nos adversaires.

Le Congrès a établi les libertés politiques ; il a établi toutes les libertés. Et après avoir établi les libertés, après avoir décrété par l'article 138 de la Constitution, l'abrogation de toutes les lois, décrets, arrêtés, règlements et autres actes qui y étaient contraires, ce qu'avait déjà fait le gouvernement provisoire, qu'a fait le Congrès ? Le Congrès, dans sa sagesse, comprit que toutes les mesures répressives des abus ayant été abrogées par lui, il ne voulut passe séparer sans avoir porté, par une loi, les pénalités pour tous les délits politiques et de la presse. Veuillez ouvrir le décret du 20 juillet 1831, vous lirez en tête :

« Au nom du peuple belge ;

« Le Congrès national ;

« Vu les articles 14, 18, 98 et 139 de la Constitution ;

« Décrète. »

C'est en vue de ces articles de la Constitution que le Congrès va porter une loi ; voyons d'abord ce que c'est que ces articles. L'article 14, en vertu duquel le Congrès national portait son décret, est celui qui donne la liberté des cultes, la liberté des opinions en toute matière, sauf la répression des délits commis à l'usage de ces libertés. C'est cet article de la Constitution que le Congrès a eu en vue ; c'est la répression des délits commis à l'occasion de cet article que le Congrès va indiquer. Il va vous dire quels sont ces délits, et tout ce qui ne sera pas dans ces délits sera en dehors de la Constitution.

C'est encore en vue des articles 18 et 98, relatifs à la liberté de la presse et aux délits politiques et de la presse, que le Congrès va porter son décret ; c'est en ayant ces articles sous les yeux, qu'il définit les délits politiques, les délits qui peuvent résulter de l'usage de ces libertés. Voici cette définition :

« Quiconque aura méchamment et publiquement attaqué la force obligatoire des lois et provoqué à désobéir sera puni.

« Quiconque aura méchamment et publiquement attaqué l'autorité constitutionnelle du Roi sera puni.

« Quiconque aura méchamment et publiquement attaqué les droits ou l'autorité des Chambres sera puni.

« La calomnie ou l'injure envers des fonctionnaires publics ou envers des corps dépositaires ou agents de l'autorité publique, ou envers tout autre corps constitué, sera punie. »

L'honorable M. Tesch me disait, il y a deux jours : « Je demande aux éminents jurisconsultes qui m'interrompent par quelle loi est prévue la calomnie contre les autorités ? »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Et que l'est l'article du Code applicable ?

M. B. Dumortier. - Je réponds. Elle est prévue par l'article 4 du décret du Congrès national du 20 juillet 1831. Que cet article se trouve dans votre code ou hors de votre code, le cas est prévu. Voilà comment les éminents jurisconsultes vous répondent.

« La calomnie ou l'injure envers des fonctionnaires publics ou envers des corps dépositaires ou agents de l'autorité publique. » C'est clair ; voilà où le cas est prévu ; parce que le Congrès national, faisant table rase par l'article 138 de la Constitution, de toutes les lois qui étaient opposées aux libertés qu'il venait d'établir, n'a pas voulu laisser le pays sans un code de pénalités contre l'abus de ces libertés.

Eh bien, ces abus sont réprimés par le décret du 20 juillet 1831 ; de manière que votre article n'est en définitive qu'une répétition, mais bien empirée, de l'article 4 du décret du 20 juillet.

Le Congrès national a donc pourvu à tous les besoins. Après avoir constitué les libertés politiques, après avoir, par l'article 138 de la Constitution, annulé toutes les lois qui portaient atteinte à ces libertés, il est venu, avant de se séparer, établir une loi pénale nouvelle.

Cette loi pénale, c'est la loi qui, vu les articles 14,18 et 98 de la Constitution, définit les délits qui peuvent se commettre à l'occasion des libertés, et établit des pénalités contre ces délits.

Le Congrès a donc défini les délits, les seuls délits qui peuvent résulter de l'article 14 de la Constitution.

Messieurs, lorsque le pouvoir constituant s'est conduit de la sorte, lorsqu'il a défini lui-même les délits dont il avait parlé dans l'article 14 ; je dis que tout ce que vous faites en dehors est une inconstitutionnalité ; je dis qu'il ne vous est pas permis d'ajouter des délits à ceux que le Congrès a établis pour ces libertés ; je dis que les délits que vous établissez sont des violations flagrantes de la Constitution, et qu'en agissant ainsi, vous refaites la Constitution dans un esprit de parti par les lois organiques.

Et en effet, quoi qu'en dise l'honorable M. Verhaegen, tous nos amis politiques sont d'accord sur ce point ; je l'ai dit dans la discussion générale et tous ont répété la même chose, vous ne pouvez ériger en délit ce qui est l'usage des libertés constitutionnelles. Ainsi la liberté d'examiner les lois, de les critiquer, de les censurer, sans attaquer leur force obligatoire, est une liberté constitutionnelle. La liberté de critiquer, de censurer le gouvernement, les actes du gouvernement, est une liberté constitutionnelle ; vous ne pouvez enlever cette liberté à aucun citoyen, et il n'est pas permis de faire un délit de ce qui est l'usage d'une liberté accordée à tous les citoyens ; tout ce que vous faites sur ce point est flagrant d'inconstitutionnalité.

Messieurs, qu'est donc le gouvernement sous notre régime constitutionnel ? Mais le gouvernement ce n'est plus le gouvernement de l'empire ; chez nous c'est un ministère responsable, et l'honorable M. Lebeau a dit plusieurs fois avec raison dans cette enceinte : La responsabilité ministérielle ne consiste pas seulement à pouvoir mettre les ministres en accusation ; la responsabilité ministérielle, c's-t que chaque acte des ministres attire la critique de toute l'opinion publique.

Pourquoi donc viendriez-vous ainsi anéantir la base première du gouvernement représentatif, qui est le droit critique de tous les actes du gouvernement ?

Comment ! le gouvernement viendra établir à ma porte une école d'athéisme, et moi, curé, je ne pourrai dire à nos paroissiens à qui j'enseigne la doctrine religieuse, de se défier de cette école. Mais que devient donc la liberté ?

- Un membre. - Vous pouvez le dire.

M. B. Dumortier. - Je ne pourrais le dire, parce que j'attaquerais un acte du gouvernement. Vous voulez faire taire, vous voulez museler le clergé.

Votre loi est une loi de mutisme, et le mutisme ne sera jamais admis en Belgique.

Comment ! mais nos lois sont plusieurs fois en opposition avec les lois de l'église. Ainsi le divorce est permis par la loi civile, mais il est défendu par les lois de l'église. Et le curé ne pourra pas venir en chaire combattre le divorce, il ne pourra pas dire que, d'après les lois de l'église, il n'est pas permis de se divorcer, il ne pourra pas engager ses paroissiens à suivre les lois religieuses, à les préférer à la loi civile ? (Interruption.)

- Plusieurs membres. - Il le pourra.

M. B. Dumortier. - Mais s'il le dit, il sera traduit devant les tribunaux, ou votre loi est nulle, elle n'est qu'un vain mot, un mensonge.

Le gouvernement portera un arrêté qui nuit aux intérêts religieux, et le curé, lui à qui la Constitution a donné la liberté des cultes, il ne pourra pas prévenir ses paroissiens contre cet abus ?

Mais en définitive où voulez-vous aller ? Vous parlez de votre régime ; mais, encore une fois, votre régime n'est pas belge, il est français. Allez voir en Angleterre comment on entend la liberté en tout et pour tous.

Il y a deux mois encore, vous avez lu (tous les journaux l'ont reproduit) le magnifique discours prononcé par le cardinal Wiseman dans une église de Manchester, discours dans lequel il flétrissait le ministère anglais à l'occasion des massacres de l'Inde. Est-on venu mettre le cardinal Wiseman en prison ? A-t-on invoqué contre lui des lois de 1809 ou 1810 ? Lui a-t-on enlevé la liberté de parler ? Est-il un homme eu Angleterre qui osât penser à museler le clergé catholique comme vous voulez le faire par votre loi ?

Mais je dis que la liberté de la parole est la plus sacrée des libertés : je dis qu'elle a précédé la liberté de la presse, que lorsque la liberté de la presse est vinculée, la liberté de la parole doit encore exister. Et c'est à cette liberté, c'est à la plus sacrée, la plus magnifique des libertés que vous vous attaquez !

Mais, dit-on, on viendra faire de la politique dans les églises et l’on ne pourra pas répondre.

On viendra faire de la politique dans les églises ! Mais ne semble-t-il pas que toutes les églises de la Belgique sont des tribunes où l'on parle continuellement politique ? En vérité, je conçois que ceux qui n'y sont jamais allés parlent de la sorte. Mais ceux qui y vont savent très bien qu'on ne s'y occupe pas de politique, mais qu'on ne veut pas y être vinculé.

A entendre les ministres, il semblerait que toutes nos chaires religieuses ne sont rien autre chose que des tribunes politiques, que ce sont des meetings que l'on tient dans nos églises. En vérité, il y a de quoi rire, d'entendre de pareilles choses. Cela ferait pitié, si ce n'était pas dans une circonstance aussi grave.

Et l'on vient me demander : Pourra-t-on répondre au curé ? Je dis non, mille fois non, parce que vous ne pouvez répondre nulle part, dans une assemblée grave, à celui qui dit quelque chose qui vous déplaît.

Ainsi sortez un instant du temple de Dieu, allez au spectacle et avisez-vous d'interrompre un acteur.

Croyez-vous que cela sera permis ? Si vous interrompez l'acteur, la police vous mettra à la porte, et si vous voulez résister à la police, la police vous mettra en prison. On a fait au théâtre une pièce contre l'honorable bourgmestre de Bruxelles. Est-ce que l'honorable bourgmestre de Bruxelles est venu interrompre l'acteur ? Non, il en a ri et il a bien fait. Partout il faut de la police et ce serait une indignité de refuser aux cultes et aux prêtres les mesures de police que vous accordez au théâtre et aux comédiens.

(page 580) Messieurs, la liberté gêne toujours quelqu'un. La liberté de la presse à laquelle je suis profondément et sincèrement attaché, pensez-vous qu'elle ne gêne personne ? Mais écoutez le public avec lequel vous pouvez vous trouver, et sur dix personnes vous en trouverez les deux tiers qui trouveront à dire sur la liberté de la presse. S'ensuit-il qu'il faille supprimer cette liberté, qu'il faille l'amoindrir ?

Mais qu'est-ce que la liberté ? C'est le droit de faire tout ce qui ne nuit pas au droit des tiers.

Mais si vous ne voulez de la liberté que pour chanter vos éloges, vous aurez bien vite supprimé la liberté pour tous ceux qui ne sont pas des vôtres.

Ce n'est pas ainsi qu'il faut entendre la liberté.

Il faut savoir respecter la liberté de tous. Il n'y a pas de droit contre le droit et il faut savoir subir les inconvénients du droit d'autrui pour pouvoir conserver le sien.

Voyez jusqu'où va l'esprit de parti. Si vous affichez, a dit M. Verhaegen, vos mandements épiscopaux à l'église, nous voulons pouvoir y afficher nos réponses. Mais l'honorable membre sait bien qu'il n'y a pas seulement des mandements épiscopaux, qu'il y a encore des mandements maçonniques, et permettra-t-il aux curés d'aller, à leur tour, afficher leurs réponses à côté des mandements maçonniques ? Permettrez-vous aux prêtres d'aller combattre en loge les discours que vous y prononcez contre eux ? Oh ! non. Vous vous dites les hommes des lumières et vous fermez vos portes, vous bouchez toutes vos fenêtres et vous placez soigneusement des gardiens et des surveillants pour empêcher qu'on n'entre chez vous, La discussion que vous invoquez, vous la fuyez ; les lumières, vous les étouffez, il vous faut l'ombre et le secret, et vous venez, vous, parler de la liberté !

Maintenant quand je vois ces mesures exceptionnelles, je me demande ; Mais cette loi qu'on nous soumet est-elle réellement existante depuis 1830 ? Je dis : Non, ces dispositions étaient considérées par tout le pays comme abrogées par le Congrès, et la preuve, c'est qu'il n'y a eu que deux jugements et un arrêt, deux jugements rendus par le tribunal de Huy, un autre jugement et un arrêt rendus à Bruxelles.

Eh bien, messieurs, je vous demande si deux jugements et un arrêt ont le pouvoir de confisquer une liberté publique.

D'abord, messieurs, il est un fait certain, c'est qu'il n'y a pas jurisprudence.

M. le ministre de la justice ne le contestera pas, il le sait mieux que moi.

J'irai plus loin, et dussé-je blesser l'oreille de quelques jurisconsultes trop ensevelis dans le Code civil et dans le Code pénal, je ne croirai jamais que l'arrêt d'une cour puisse supprimer une liberté publique.

II y a, suivant moi, une distinction à établir en pareille matière.

Je suppose que demain un arrêt rendu à l'occasion du droit d'association, un arrêt basé sur le Code pénal, supprime ou entrave le droit d'association ; viendrez-vous nous soutenir que la liberté d'association, écrite dans la Constitution, est supprimée ?

Je suppose qu'un arrêt de cour vienne supprimer la liberté de la presse, viendrez-vous dire, par hasard, que la liberté de la presse est supprimée ?

Je ne pense pas que le pouvoir législatif puisse admettre qu'il soit possible d'anéantir les libertés publiques par un arrêt. Les libertés publiques sont au-dessus de tous les pouvoirs, du pouvoir législatif comme du pouvoir judiciaire, et il n'appartient à personne d'y porter atteinte. Elles sont sous la garantie de tous les citoyens, et il serait par trop commode de pouvoir ainsi supprimer ce qui forme la base de nos institutions nationales, au moyen d'un arrêt rendu peut-être par trois personnes contre deux.

Mais, messieurs, en argumentant de la sorte vous posez un précédent des plus dangereux. Il importe beaucoup de distinguer en pareille matière ; j'admets un arrêt pour tout ce qui touche au tien et au mien ; mais quand il s'agit des libertés publiques, je dis qu'elles sont à l'abri des atteintes que pourrait vouloir y porter un arrêt quelconque.

Mais je répéterai ce que j'ai dit : si vos arrêts avaient été en vigueur après 1830, comment se fait-il que jamais un ecclésiastique n'a été poursuivi pour avoir critiqué ou censuré le gouvernement, une loi, un arrêté royal, un acte du gouvernement ? Je vous défie d'en citer un seul exemple. Ce sont donc des dispositions véritablement nouvelles que vous voulez introduire dans notre législation, parce que la liberté date de 1830 et que ce n'est que depuis dix ans que nous voyons le retour aux principes de l'orangisme.

Ce sont là les abus de Bonaparte et de Guillaume, les abus d'un autre âge dont vous avez parlé dans votre adresse ; voilà en réalité les abus d'un autre âge que vous voulez rétablir dans nos lois.

Ces dispositions, dit-on, n'ont pas cessé d'être en vigueur. Or, j'ai entendu dans cette enceinte, un ministre déclarer que les évêques de Bruges et de Gand, dans leurs mandements, avaient été des factieux. Pourquoi donc n'avez-vous pas traîné ces factieux devant les tribunaux ?

Si ces évêques, à vos yeux, étaient des factieux, c'était votre devoir de les poursuivre ; et si vous ne les avez pas poursuivis, c'est que vous ne saviez pas que ces dispositions n'étaient plus en vigueur.

Et contre qui voulez-vous rétablir les dispositions que nous combattons ? Vous voulez les rétablir contre l'influence la plus sérieuse de toutes, dans l'intérêt de la conservation de notre nationalité ; vous voulez les rétablir contre ceux qui se sont mis à la tête du mouvement pour chasser la tyrannie et pour nous doter de la liberté !

C'est ainsi que vous les remerciez des services qu'ils vous ont rendus ! Ce sont eux qui vous ont ouvert les portes de cette Chambre, que beaucoup d'entre vous n'auraient jamais franchies sans eux, et, pour les récompenser, vous voulez leur imposer le mutisme, vous voulez les bâillonner ; vous voulez bien qu'ils fassent votre éloge, mais vous ne voulez pas qu'ils puissent s'élever contre vos actes, quand ils sont contraires à la foi.

Et le clergé n'a-t-il pas toujours rempli la mission patriotique dont vous voulez le punir aujourd'hui ? Ouvrons l'histoire. Quelle est la première signature qui fut apposée sur la grande charte d'Angleterre ? C'est la croix d'un archevêque ... Et quand, sous Joseph II, il a fallu empêcher la tyrannie qu'on voulait introduire eu Belgique, n'est -e pas le clergé qui s'est mis à la tête du mouvement pour maintenir nos antiques franchises et la liberté ?

Et lorsqu’en 1828, en 1829 et en 1830, il a fallu s'opposer à la tyrannie du roi Guillaume, n'est-ce pas encore le clergé qui s'est trouvé en tête pour conquérir la liberté de tous, et qui, depuis, n'a cessé de la défendre par la parole et dans ses écrits ? Dans une séance précédente, l'honorable M. De Fré, vous a lu un passage d'un discours prononcé, au Congrès, par M. l'abbé Andries, alors qu'il voulait défendre les principes de la liberté religieuse en faveur des saint-simoniens. Une proposition avait été faite au Congrès, par MM. Andries et Vilain XIIII, à l'effet de requérir la présence de l'administrateur de la sûreté publique, et de provoquer des explications sur les empêchements mis aux prédications des saint-simoniens. M. Andries disait :

« Je suis, messieurs, un des auteurs de la proposition. Je me suis empressé de la présenter, car je me croirais le plus indigne des hommes, si, après avoir contribué de tous mes moyens et de grand cœur à la proclamation de la liberté des cultes et de toutes les autres libertés, je pouvais laisser soupçonner que je ne l'ai voulue que pour mon culte ; alors les principes que j'aurais soutenus, je ne l'aurais fait que par une indigne hypocrisie Je ne veux pas donner crédit à un pareil soupçon : et c'est pour cela que j'ai souscrit à une proposition qui prouve que nous voulons la liberté en tout et pour tous. »

Voilà ce que pensaient ces hommes généreux auxquels vous voulez ravir la liberté qu'ils ont conquise pour vous, peut-être même contre vous, et qu'ils ont toujours cherché à maintenir.

Messieurs, j'ai vu dans ma vie qui est déjà assez longue, j'ai vu bien des persécutions contre l'Eglise, et j'ai vu ce qu'elles produisaient.

J'ai vu le grand pontife Pie VII à Fontainebleau dans la prison qu'on lui avait donnée, et là j'ai appris à détester la tyrannie !

J'ai vu, sous l'empire, de simples ministres du culte traqués, persécutés, obligés de se sauver chez mon père, précisément en vertu des articles que vous voulez rétablir ; je les ai vus, et là, assis avec eux au foyer domestique, j'ai appris à détester la tyrannie.

J'ai vu, sous le roi Guillaume, toutes les persécutions dont je vous ai parlé.

J'ai vu emprisonner les prêtres, emprisonner les philosophes, établir un régime de terreur et d'oppression, et j'ai appris à détester la tyrannie !

J'ai vu un forçat libéré imprimer qu'il fallait faire taire les Belges et les museler comme des chiens, et j'ai appris à détester, à exercer la tyrannie.

Et maintenant ce sont ces hommes qui, par leur dévouement et leur courage contre la tyrannie, nous ont rendu tant de services pour la conquête de notre indépendance, qui se sont montrés toujours si dévoués à la cause de la patrie, à la liberté pour tous, ce sont ces hommes que vous voulez frapper, au point même de leur ôter le droit de parler !

Messieurs, il y a une pensée qui a dominé le Congrès et que je regrette bien vivement de ne plus voir régner aujourd'hui, c'est que le Congrès et tous les hommes de 1850 avaient foi dans la liberté. Et maintenant en assistant à ces tristes débats, je me le demande : Ont-ils foi dans la liberté ceux qui veulent empêcher une partie des citoyens belges de faire usage de cette liberté ? ont-ils foi dans la liberté ceux qui veulent mettre hors du droit commun des Belges si dévoués à notre nationalité, ceux qui veulent leur appliquer le régime que demandait pour eux Libry-Bagnano, c'est-à-dire, pour me servir de son expression, les asservir, les museler comme des chiens ?

Croyez-vous par là attacher étroitement tous les cœurs belges à la nationalité ? Croyez-vous que ce vif sentiment du patriotisme battra encore si fortement dans les cœurs, quand vous aurez comprimé, opprimé des hommes qui attachent une grande valeur aux idées religieuses ; croyez-vous que ce sentiment de patriotisme sera encore aussi énergique qu'en 1830, chez les hommes chez qui vous l'aurez étouffé ? Croyez-vous que la persécution religieuse inaugurée par vous, que le retour aux maximes de l'orangisme soit un fort lien contre les tendances de l'étranger.

Ecoutez donc ma voix !

Messieurs, vous êtes sur une pente excessivement dangereuse et qui peut entraîner pour le pays les résultats les plus funestes. Voulez-vous rendre la Belgique invulnérable ? Commencez par maintenir avec fermeté toutes les libertés de 1830, respectez l'œuvre du Congrès pour l'Eglise comme nous l'avons toujours respectée pour vous, ne renversez pas, à (page 581) l’aide de subtilités, les libertés religieuses qui ont toujours fait la force du pays et sont sa raison d'être sur la carte de l'Europe, et si vous voulez être des hommes d'Etat dignes de ce nom, ne désaffectionnez pas bien des cœurs qui doivent, dans les circonstances périlleuses que l'avenir nous prépare, se trouver tous unis pour défendre, au besoin, la patrie et la liberté.

M. Verhaegen. - Messieurs, ce n'est pas à la dernière partie du discours de l'honorable préopinant, que je considère comme la partie plaisante, que je veux répondre, mais j'ai un mot à dire sur la première partie de ce discours.

Messieurs, j'ai regretté profondément d'avoir été obligé de me placer sur un terrain que je n'aurais pas choisi moi-même, mais on me rendra la justice que je n'ai fait qu'y suivre mes adversaires.

Pour chercher à me mettre en contradiction avec mes actes d'aujourd'hui, on a évoqué d'anciens souvenirs et on a parlé d'anciens procès.

Eh bien, qu'il me soit permis de le dire, s'il y a quelque chose d'odieux dans tout ce qui se passe ici, l'odieux est du côté de ceux qui viennent aujourd'hui me faire le reproche d'avoir chaleureusement défendu les leurs, alors qu'ils étaient opprimés.

M. B. Dumortier. - Je demande la parole.

M. Verhaegen. - Messieurs, je veux bien être responsable de ce que j'ai dit en 1821 et 1827, mais je ne suis pas responsable de paroles que d'autres ont mises dans ma bouche. L'honorable M. Dumortier sait très bien à quoi je fais allusion, car il a sous les yeux la brochure qui donne le résume des plaidoiries.

Dans l'affaire des vicaires généraux, nous avons soutenu, feu mon honorable ami M. de Burck et moi, que la lettre incriminée était une lettre confidentielle, que cette lettre confidentielle avait été publiée par les agents du gouvernement et que nos clients n'étaient pas responsables de cette publication.

La brochure que j'ai sous les yeux constate ce que je viens de dire ; l'acquittement solennel n'a eu lieu que parce que la publication a été reconnue ne pas avoir été le fait des accusés.

Il est vrai que des journaux de différentes couleurs s'étaient occupés des débats, mais plusieurs d'entre eux avaient travesti mes paroles et m'avaient forcé à une sortie qui se trouve reproduite dans la brochure dont je viens die parler. Voici dans quels termes :

« L'avocat jeta du blâme sur les feuilles publiques qui avaient représenté sous un faux jour la défense de MM. les accusés, »

Qu'on vienne après cela me parler du Courrier de la Meuse et d'autres journaux de même couleur ; je ne suis certes pas responsable de ce que ces journaux renferment ; la défense, telle que je l'ai présentée, tout le monde l'a connue ; on ne peut pas la travestir, car je crois qu'il y a encore des témoins qui assistaient à l'audience.

J'ai à cœur de répondre à une autre assertion ; d'après l'honorable M. Dumortier, on aurait rencontré, dans la défense, des mots d'adulation à l'adresse du roi Guillaume ; j'aurais parlé du gouvernement paternel, d'un bon roi, etc. ; ces paroles, messieurs, ne pouvaient pas se trouver dans ma bouche ; je n'avais rien à demander au roi Guillaume, au contraire, je lui faisais de l'opposition ; la preuve en est dans l'assertion des amis de l'honorable M. Dumortier, qui prétendaient autrefois que j'avais fait avec eux la révolution de 1830. Qu'on se mette donc une bonne fois d'accord avec soi-même.

Enfin, à la suite des mots d'adulation qu'on m'a prêtés gratuitement, on a parlé de certaine circulaire provoquant les fonctionnaires à la délation, on a parlé aussi du message du 11 décembre. Je dirai à l'honorable M. Dumortier que ces insinuations ne pouvaient en aucun cas m'atteindre et que, sans s'en douter, il les avait adressées à un de ses honorables amis assis à ses côtés. Car s'il y a eu une circulaire, il y a eu des procureurs du roi qui y ont obéi. S'il y a eu un message du 11 décembre, il y a eu des procureurs du roi qui y ont adhéré.

M. B. Dumortier. - Je demande la parole pour un fait personnel.

Il m'est impossible de laisser passer sans protestation l'accusation d'avoir joué un rôle odieux dans cette circonstance. Jamais je n'accepterai un reproche pareil de qui que ce soit. J'ai exposé des faits sur des documents contemporains et comme je pense qu'ils se sont passés. L'honorable M. Verhaegen cite une brochure où il est dit que, lui, avait jeté du blâme sur les feuilles publiques qui avaient présenté sous un faux jour la défense des accusés. Je le sais, mais c'était aux journaux opposés à celui que j'ai cité que les paroles de l'honorable avocat s'adressaient. Dans sa défense des vicaires généraux, le Courrier de la Meuse était en communion d'idées avec lui. Quant à son blâme, voici à quoi il se rapporte.

On est venu souvent vous parler de la dîme, de la mainmorte, de la circulaire des vicaires généraux de Gand, l'honorable membre s'en est prévalu pour prétendre que telle était notre pensée.

Où a-t-il pris ces idées ? Je n'ai jamais voulu en parler, mais puisqu'il m'y force, je vais le dire, c'est dans la plaidoirie de l'avocat général, de M. Spruyt. Savez-vous ce qu'il disait :

« Il fit, dit la brochure, une longue sortie contre la représentation adressée par le clergé au congrès de Vienne en 1814, l'accusant de s'être érigé en plénipotentiaire du pays pour solliciter le rétablissement des anciens privilèges surtout du clergé, le rétablissement de la dîme, des jésuites et d'autres ordres religieux, déduisant de cette demande que leur intention avait été de faire dépouiller les acquéreurs des biens nationaux de leurs propriétés. »

L'avocat Verhaegen, dit le mémoire, « soutenait qu'il n'avait rien été avancé dans ce mémoire qui pût lui mériter l'animadversion de la justice, » s'il réfutait la calomnie de la dîme et de la mainmorte. (Interruption.)

Lisez donc la brochure ; cela vous gêne, je le conçois. (Interruption). Mais ayez la tolérance de laisser parler et d'écouter vos adversaires !

« … Que rien n'avait été avancé dans ce mémoire qui méritât l'animadversion de la justice, eu égard que plusieurs Etats des anciennes provinces des Pays-Bas autrichiens s'étaient adressés de même aux alliés pour obtenir leur ancienne constitution libérale qui avait fait le bonheur des Belges pendant plusieurs siècles. L'avocat jette du blâme sur les feuilles publiques qui ont présenté sous un faux jour 1a défense des accusés. »

Remarquez : quand l'avocat Verhaegen venait jeter du blâme sur les feuilles publiques, était-ce contre le Courrier de la Meuse ? Evidemment non, puisque c'est précisément de cette séance que ce journal rend compte, en citant la critique faite par M. Verhaegen des mesures si odieuses du Code pénal. Huit jours après, il a donné les débats in extenso ; si ce compte rendu était odieux et faux, il lui était facile de protester. Il n'en a rien fait, parce que ce journal représentait les idées de la défense et du défenseur.

M. Malou. - Je demande la parole pour un fait personnel.

Messieurs, l'autre jour j'ai cité ce fait que plusieurs fois l'honorable M. Verhaegen avait défendu le clergé contre les persécutions du gouvernement des Pays-Bas. L'honorable membre croit que j'ai voulu jeter de l'odieux sur lui ; mon intention était toute contraire : je voulais le remercier et le féliciter de cette partie de sa carrière, regrettant de ne pouvoir en faire autant pour l'autre.

- La discussion est renvoyée à demain.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.