(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)
(page 435) (Présidence de M. Verhaegen.)
M. de Boe procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart, et donne lecture du procès-verbal de la séance du 29 janvier.
- La rédaction en est approuvée.
Il présente l'analyse des pétitions suivantes :
« Le sieur Vande Weghe, sous-officier pensionné, demande une augmentation de pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal et des habitants de Kersbeeck-Miscom demandent que le chemin de fer de Louvain à Diest soit dirigé par Winghe-St-Georges, et qu'il soit accordé une garantie de minimum d'intérêt pour assurer l'exécution de cette voie avant celle de l'embranchement d'Aerschot à Diest. »
« Même demande du conseil communal et d'habitants de Linden, Cappellen, Becquevoort, Pellenberg, Rhode-St-Pierre, Glabbeek-Suerbempde. »
M. Landeloos. - La Chambre, dans sa séance de mercredi dernier, a renvoyé à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport, plusieurs requêtes qui avaient pour objet la même demande que celle contenue dans les pétitions dont on vient de faire l'analyse ; je propose à la Chambre de prendre la même résolution à l'égard de celle-ci. »
M. de Luesemans. - J'appuie cette demande.
- La proposition de M. Landeloos est adoptée.
« Les membres de l'administration communale et des habitants de Langdorp demandent que, depuis le mois de novembre jusqu'au mois d'avril, les eaux du Démer soient tenues entre le barrage d'Aerschot et celui de Testelt, à une hauteur suffisante, pour qu'aux moindres pluies elles puissent s'écouler sur les prairies par les tranchées, et prient la Chambre d'inviter le gouvernement à construire un barrage sur cette rivière, à la hauteur de Rommelaer. »
« Même demande des membres de l'administration communale et d'habitants de Rillaert. »
M. Landeloos. - Les pétitionnaires se plaignent de ce que, par suite des travaux exécutés au Demer, leurs propriétés ne sont plus irriguées pendant l'hiver. Les irrigations étant absolument nécessaires pour les fertiliser, ils proposent deux moyens qui leur paraissent de nature à leur procurer cet avantage. L'un de ces moyens pouvant s'exécuter durant cet hiver, présente un certain caractère d'urgence. J'ai l'honneur en conséquence de proposer le renvoi de ces pétitions à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
M. de Luesemans. - Je fais la même demande.
- Le renvoi avec demande d'un prompt rapport est ordonné.
« Les bourgmestre, échevins et conseillers communaux d'Oeleghem se plaignent de la défense qui a été faite à un directeur de barque de naviguer pendant la nuit sur le canal de la Campine et demandent qu'il soit établi un débarcadère au pont n° 9 du canal d'Anvers à Herenthals, en attendant que le bassin soit achevé. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Raye, ex-facteur à l'administration du chemin de fer de l'Etat, demande une augmentation de pension. »
- Même renvoi.
« Par 9 pétitions, des habitants et consommateurs de sel raffinédes provinces de Brabant et de Hainaut prient la Chambre de n'apporter aucune modification à la loi du 5 janvier 1844. »
- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.
« Le sieur Banquet, secrétaire communal à Tourinne-Saint-Lambert, se plaint du retard qu'éprouve la distribution des Annales parlementaires. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres du conseil communal de Maxenzeele demandent qu'il soit apporté une modification à l'article 2 de la loi du 7 ventôse an XII, concernant les voitures de roulage. »
M. Lelièvre. - La pétition étant urgente, je demande qu'elle soit renvoyée à la commission des pétitions, qui sera invitée à faire un prompt rapport. Elle est, du, reste, relative à un objet important qui doit être pris en sérieuse considération.
- Adopté.
« Des cultivateurs de Bodegbem-Saint-Martin demandent le libre échange pour le houblon ou l'établissement d'un droit d'entrée sur le houblon étranger. »
- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.
« Le sieur Ch. Breyne, médecin vétérinaire, à Poperinghe, demande l'abrogation des articles 22 et 23 de la loi du 11 juin 1850, sur l'exercice de la médecine vétérinaire, et la faculté pour les médecins vétérinaires diplômés comme pour ceux du gouvernement, d'intervenir dans la police des animaux domestiques. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Busch, ancien instituteur, demande qu'il soit accordé un congé à son fils Théophile-Elie-Charles, milicien de la classe de 1857, soldat au 4ème bataillon, 4ème compagnie du régiment des carabiniers. »
- Même renvoi.
« Des négociants en charbons et propriétaires de bateaux ou fabricants consommateurs de charbon de terre, à Termonde, demandent une réduction de 75 p. c. des péages sur le canal de Charleroi à Bruxelles. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi relative à la réduction des péages du canal de Charleroi.
« La veuve du sieur Delmoitié, ancien courrier de cabinet et ancien vérificateur des douanes, demande une augmentation de pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Crombez demande un congé pour motifs de santé.
- Ce congé est accordé.
Il est procédé au tirage au sort des sections du mois de février.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Messieurs, une convention a été signée entre mon prédécesseur et le sieur Spilliart, le 12 novembre 1855, pour l'établissement d'un service de navigation à vapeur entre la Belgique et le Levant. Il n'a pas été donné suite à cet arrangement, et depuis le mois de décembre dernier il est périmé.
Une nouvelle convention était donc devenue nécessaire ; elle a été conclue le 28 de ce mois avec MM. Van Vlissinghen et Van Heel, constructeurs de navires à Amsterdam. Je viens soumettre cette convention à votre approbation ; elle a pour objet d'établir une ligne de bateaux à vapeur d'Anvers vers Alexandrie et Constantinople.
Le gouvernement a voulu s'assurer dans l'Amérique centrale le traitement des nations les plus favorisées. A cet effet, il a dû conclure un traité avec chacune des cinq républiques de cette partie du continent américain ; les cinq traités n'en forment à proprement parler qu'un seul.
La Chambre a déjà voté l'un de ces traités et elle est saisie d'un autre. Je lui soumets aujourd'hui les trois traités qui restaient à faire pour atteindre le but que nous nous étions proposé. Ce sont ceux conclus avec la république de Nicaragua, avec celle de Guatemala (convention additionnelle) et avec celle de Costa-Rica.
Enfin je soumets à l'approbation de la Chambre un traité de commerce et de navigation conclu entre la Belgique et la république africaine de Libéria.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ces divers projets de loi. La Chambre en ordonne l'impression et la distribution et les renvoie à l'examen des sections.
M. Sabatier. - Le Moniteur nous a apporté ce matin un arrêté royal autorisant le transport des minerais de la Campine vers le bassin de Liège en exemption de droits de navigation. Les considérants sont d'une part l'intérêt que peut avoir l'industrie métallurgique à employer les minerais de la Campine, et d'autre part, l'amélioration qui doit résulter pour les terrains de la Campine de l'extraction de ces minerais puisque leur présence dans le sol rend celui-ci à peu près inculte. La pensée qui a dicté l'arrêté dont je parle est donc fort bonne ; mais je me demande (page 436) pourquoi l’on se borne à accorder une faveur au bassin de Liége. L'intérêt ici est général ; plus en consommera de minerais, plus d’avantage en retireront les usines à fer et les propriétaires de terrains miniers.
Je demanderai donc à M. le ministre de, travaux publics d'étendre au bassin de Charleroi les bénéfices de l’arrêté de ce jour et lui ferai remarquer, quant au chiffre de minerais à recevoir en franchise de droits de navigation, que le centre industriel de Charleroi comptent 25 à 26 hauts fourneaux en activité, tandis que celui de Liége n’en comprend que 15 ou 16, du moins je le pense, et pour être juste M. le ministre devrait porter à 15,000 tonnes de minerais la quotité qui concerne l’arrondissement que j’ai l »honneur de représenter dans cette enceinte.
J'aurais voulu interpeller sur un autre point M. le ministre des travaux publics, sur celui relatif à l'embranchement de chemin de fer qui doit relier Marchienne et Baume. Cet embranchement a été concédé par l'honorable M. Duinon sous condition d'homologation royale. Mais je comprends que M. le ministre n'ait pu, depuis le peu de temps qu'il est en fonctions, étudier toutes les affaires qui concernent son département. Les intérêts en jeu sont cependant très graves et je crois devoir annoncer à M. le ministre que sous quelques jours je lui adresserai à ce sujet une interpellation formelle.
M. J. Jouret. - Comme mon honorable collègue M Sabatier, j'avais, à la lecture du Moniteur de ce matin, été frappé des dispositions que contient l'arrêté royal qu'il vient de signaler à l'attention de la Chambre. D'accord avec l'honorable M. Allard, je m'étais promis de faire à M. le ministre des travaux publics la même interpellation que l'honorable M. Sabatier. Je me joins donc à lui pour exprimer le désir à cet égard d'obtenir des explications de M. le ministre des travaux publics.
M. Allard. - Messieurs, les minerais des Flandres se trouvent dans les mêmes conditions que les minerais de la Campine ; là aussi en les extrayant, on améliore la terre. Je demande donc pourquoi la mesure qui vient d'être appliquée au minerai de la Campine ne serait pas appliquée aux minerais des Flandres et des environs de Tournai, quant au transport par le canal de Mons à Condé et par celui de Pommerœul à Antoing.
M. me ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Quant à la question du chemin de fer de Baume à Marchienne, c'est une question très grave qui était soumise au département des travaux publics lorsque j'y suis arrivé. L'honorable M. Sabatier reconnaît que je n'ai pas eu matériellement le temps d'arriver à une solution.
J'ai cependant commencé à étudier cette affaire. J'espère que, d'ici à quelques jours, lorsque l'honorable M. Sabatier fera l'interpellation qu'il nous annonce, je serai en mesure de lui donner une réponse catégorique.
Quant à l'arrêté qui figure au Moniteur de ce jour, relativement au transport des minerais de la Campine vers Liège, il n'y a pas au fond de difficulté à appliquer la même mesure en faveur des établissements du bassin de Charleroi.
On peut accorder et l'on accordera au bassin de Charleroi ce qu'on a accordé au bassin de Liège. Si on ne le lui a pas accordé immédiatement, c’est que les réclamations ne sont pas venues du bassin de Charleroi, mais qu'elles sont venues de la Campine pour une opération à faire avec Liège. Il est vrai que l'on pouvait devancer ces réclamations et appliquer spontanément la même mesure aux deux bassins. Mais si je suis bien informé et je crois l'être, pour le traitement des minerais provenant de la Campine, on a fait à Charleroi des essais qui n'ont pas réussi.
Je pense donc qu'il n'y a pas un intérêt sérieux en cause pour Charleroi. Quoi qu'il en soit, ceci est une question qui ne regarde pas le département des travaux publics. Si on peut faire usage du minerai de la Campine à Charleroi, le département des travaux publics doit évidemment mettre le bassin de Charleroi sur le même pied que celui de Liège.
Nous sommes donc d'accord au fond. Quant à la forme, il y a une question que je dois examiner, c'est celle de savoir si, pour la réduction des péages, en ce qui concerne Charleroi, on peut se borner à prendre un arrêté royal, comme on l'a fait pour le bassin de Liège, ou s'il faut une loi : s'il faut une loi, le gouvernement fera à la Chambre les propositions nécessaires ; mais, je le répète, je suis d'accord, quant au fond, avec l'honorable M. Sabatier.
M. Sabatier. - Messieurs, j'apprends avec plaisir que M. le ministre des travaux publics est d'accord avec moi quant au fond et que la faveur accordée n'est pas le prix de la course.
L'honorable ministre dit avec raison que des essais du minerai de la Campine ont été faits à Charleroi. On s’est livré à ces essais dans deux ou trois établissements, l'un de ces établissements continue à l'employer ; c'est celui que je dirige, par conséquent, si je n'avais consulté que mon intérêt personnel, je n'aurais pas adressé une interpellation à M. le ministre des travaux publics, car je suis quelque peu intéressé à utiliser seul le minerai en question, mais mon intérêt personnel doit naturellement fléchir devant l'intérêt général.
Je dirai maintenant que si le minerai de la Campine n'a pas été essayé à Charleroi, par tous les établissements sidérurgiques, c'est que les frais de transport sont trop élevés comparativement à la qualité de ce minerai, et j'espère bien que si après le transport de 10,000 à 15,000 tonnes en exemption de droits de navigation, il est établi que le bassin de Charleroi peut utiliser ce produit dans une certaine proportion, le gouvernement aura intérêt alors à diminuer tout spécialement le péage dans des limites telles, que le bassin dont il s'agit soit mis à même d'employer d'une manière continue le minerai de la Campine.
M. le président. - L’article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Article unique-. Le traie de commerce et de navigation conclu le 17 juillet 1858, entre la Belgique et les Etats-Unis, sortira son plein et entier effet. »
La discussion générale se confond avec la discussion de l'article.
- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal sur l’article unique du projet de loi.
Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 75 membres présents.
Ce sont : MM. Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Ch. Lebeau, Lelièvre, Loos, Mascart, Moncheur, Moreau, Müller, Neyt, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Rogier, Sabatier, Saeyman, Savart, Tack, Tesch, Thiéfry, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Leempoel, Van Overloop, Verwilghen, Allard, Ansiau, Coomans, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, David, de Baillet Latour, de Boe, de Breyne, de Bronckart, H. de Brouckere, Dechentinnes, De Fré, de Haerne, de la Coste, de Liedekerke, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, Devaux, de Vrière, Dolez, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Frison, L. Goblet, Godin, Grosfils, Jacquemyns, Janssens, J. Jouret, M. Jouret et Verhaegen.
Il est procédé au scrutin sur la prise en considération de diverses demandes en naturalisation ordinaire. En voici le résultat :
Nombre des votants, 70.
Majorité absolue, 56.
Les sieurs :
Nicolas Schmidt, sapeur-pompier, a obtenu 60 suffrages.
Ernest-Christophe Freitag, musicien-gagiste au régiment des carabiniers, 54.
Jean-Chrétien-Hubert Beckers, employé au mont-de-piété, 60.
Maurice Arendt, fabricant d'armes, 59.
Jean Tockert, cultivateur, 62.
André-Joseph-Frédéric Haakman, employé à l'administration du télégraphe de l'Etat, 52.
Jean Duyk, maître maçon entrepreneur, 59.
Marie-François-Xavier Feys, chef de station du chemin de fer de Mons à Manage, 52.
Jean-Gustave-Adolphe Kliemann, sergent-fourrier au 3ème régiment de ligne, 54.
Jean-Baptiste Frauenberg, aubergiste, 60.
Guillaume Tuts, journalier, 60.
Nicolas Habets, journalier, 59.
Jean-Pierre Timmers, négociant, 61.
Félix-Prosper-Napoléon Paris, employé de la Société des chemins de fer de Namur à Liège et de Mons à Manage, 49.
Jean Bourig, cultivateur, 62.
Henri-Philippe-Hubert Lampert, fabricant de brosses, 61.
Léon Serena, commis de commerce, 55.
Clément-François-Emile Garnier, ingénieur honoraire des ponts et chaussées, 50.
Magloire-Jean-Baptiste-Zéphirin Michel, négociant, 57.
Jean-Auguste Schnée, libraire-éditeur, 61.
Remi-Alphonse-Joseph Carrette, maréchal des logis chef au 2ème régiment des cuirassiers, 61.
Gérard Malhiassen, machiniste au chemin de fer de l'Etat., 57.
Tous les pétitionnaires ayant obtenu la majorité absolue des suffrages, leur demande est prise en considération. Elle sera transmise au Sénat.
Il est procédé au scrutin secret pour la prise en considération de la demande de grande naturalisation :
1° Du sieur Murlot, Charles-Joseph.
Nombre de votants, 70
Majorité absolue, 36.
(page 437) Le dépouillement du scrutin constate le dépôt de 43 boules blanches et de 27 boules noires.
En conséquence, la demande du sieur Murlot est prise en considération.
2° Du sieur Lorent, Scipion-Charles-Vincent.
Nombre de votants. 64
Majorité absolue, 33
Le sieur Lorent obtient 40 boules blanches contre 24 boules noires. En conséquence, la demande du sieur Lorent est prise en considération.
3° Du sieur Scheler, Jean-Auguste-Ulrich, bibliothécaire du Roi.
Résultat du scrutin :
Nombre de votants, 62
Majorité absolue, 32
Boules blanches, 25
Boules noires, 37.
En conséquence, la demande du sieur Scheler n'est pas prise en considération.
Rapport de la commission d’industrie sur la pétition de fabricants de sulfate de soude, réclamant l’établissement d’un droit sur le sulfate de soude étranger
La commission conclut au renvoi de la pétition à MM. les ministres de l'intérieur, des affaires étrangères et des finances.
M. Lelièvre. - Je recommande à M. le ministre des finances l'examen de la question que soulèvent la pétition et le rapport de M. Sabatier. Les fabricants de sulfate de soude prétendent que, dans l'état actuel des choses, ils ne peuvent soutenir la concurrence étrangère. Le gouvernement, qui doit protéger les intérêts des diverses industries, doit examiner cette matière importante ; je le prie instamment de s'en occuper et de faire droit aux réclamations.
M. Moncheur. - J'appuie de toutes mes forces le renvoi proposé. Ce renvoi sera suivi, j'espère, d'un prompt résultat. M. le ministre des finances connaît la question, et puisqu'il la connaît, il doit savoir que les fabricants de produits chimiques ne pourront nullement soutenir la concurrence contre les fabricants anglais, si l'état de choses actuel reste tel qu'il est. Il sait du reste que cet état de choses n’a jamais été considéré que comme purement provisoire.
J'espère donc que M. le ministre des finances, de concert avec ses collèges auxquels la pétition sera aussi renvoyée, prendra des mesures pour que cet état de choses, qui préjudicie à un intérêt extrêmement grave, ne continue pas.
M. Lelièvre. - L'article 40 de la loi du 4 mars 1856 ne me paraît pas pouvoir s'appliquer au sulfate de soude, parce qu'il me semble évident qu'en laissant entrer le sulfate étranger, on n'augmente pas la main d'œuvre dans le pays. Cela est si vrai qu'avant l'application de l'article dont il s'agit, les verreries étaient aussi prospères qu'elles le sont aujourd'hui.
Au surplus des réclamations ont été adressées à M. le ministre des finances et je le prie de bien vouloir examiner la question avec l'attention qu'elle mérite. Le rapport de l'honorable M. Sabatier reconnaît qu'il y a quelque chose à faire en cette matière.
M. Sabatier, rapporteur. - Messieurs, l'honorable M. Lelièvre dit qu'en ce qui concerne l'industrie du sulfate de soude, l'article 40 ne peut être appliqué. Je ne suis pas d'accord avec lui sur ce point. Du reste le rapport n'en fait pas mention. Il ne s'agit pas de savoir si l'on peut appliquer l'article 40. On peut toujours appliquer l'article 40 et on l'appliquera avec justice si le droit réclamé par les fabricants de sulfate de soude est trop élevé.
Mais l'industrie soudière est dans une situation particulière. Elle a des charges que ne connaissent pas les concurrents étrangers, et c'est en raison de ces charges que la commission d'industrie demande un projet de loi qui applique un droit aux sulfates de soude étrangers. Si ce droit est peu élevé, les observations de l'honorable M. Lelièvre tombent. S'il est élevé, les fabricants qui emploient le sulfate de soude auront le droit de demander l'application de l'article 40.
M. Jacquemyns. - Je recommande particulièrement cette question à l'attention de M. le ministre des finances. Elle paraît avoir acquis, depuis quelques jours, une importance nouvelle, si je suis bien informé, par cette circonstance que le sulfate de soude arriverait actuellement d'Angleterre à Anvers, comme lest, au fret de 35 centimes, les 100 kilogrammes ; de sorte que le sulfate de soude serait transporté d'Angleterre en Belgique, à un fret beaucoup moins élevé que le sel marin qui sert de matière première pour le fabriquer. Ce serait une circonstance tout à fait défavorable pour l'industrie de la fabrication des produits chimiques, qui viendrait se joindre à celles résultant des mesures que le gouvernement est obligé d'imposer à cette industrie dans l'intérêt du trésor public.
Nos fabricants de produits chimiques auraient donc à subir diverses charges que ne doivent pas subir les fabricants anglais, à savoir : l'obligation d'employer une quantité déterminée d'acides ; l'obligation de se servir du pavillon national exclusivement, pour se procurer la matière première ; l'obligation de payer des frais de surveillance, un fret beaucoup plus élevé, attendu que le sel marin n'arrive pas en lest, tandis que le produit qu'ils fabriquent peut arriver d'Angleterre jusqu'en Belgique comme tel.
Je ne doute nullement que M. le ministre des finances aura égard à ces diverses circonstances et examinera si le fait que je viens de signaler, et qui m'a été donne comme réel, est exact.
M. Coomans. - Messieurs, d'honorables membres semblent s'effrayer de voir arriver en Belgique le sel de soude à trop bon marché. J'avoue que c'est une peur que je ne partage pas et que je trouve très peu conforme aux principes de liberté du commerce que nous professons beaucoup et hautement, mais que nous ne pratiquons guère.
Il y a en Belgique infiniment plus de consommateurs de sel de soude que de fabricants, et j'ai pris la ferme résolution de toujours défendre l'intérêt des consommateurs qui forment le plus grand nombre, de préférence aux intérêts des fabricants.
Je n'ignore pas que les fabricants de sels de soude en Belgique sont intéressés à ce qu'il n'en entre guère de l'étranger, ils ont cela de commun avec tous les fabricants imaginables. Mais des milliers d'autres fabricants qui ont besoin du sel et du sulfate de soude à titre de matière première se plaignent, eux, des étranges sympathies que l'on prodigue aux fabricants de sels de soude.
Messieurs, je n’interviens pas dans ce débat en simple amateur de la liberté du commerce, j'y interviens aussi comme représentant d'un district qui ne fabrique pas de sel de soude, mais qui en fait une consommation importante.
L'honorable ministre des finances sait qu'un grand nombre de blanchisseurs de Turnhout et des environs ont pétitionné à la Chambre mainte fois pour obtenir la libre entrée des sels de soude. Ils prétendent que cette matière première leur est indispensable, qu'elle leur manque souvent, à cause du monopole et qu'il est injuste d'en prohiber directement ou indirectement l'entrée en Belgique.
Messieurs, il y a, je le répète, très peu de fabricants de sels de soude en Belgique et il y a un très grand nombre d'autres industriels qui en ont besoin pour leur industrie. Je supplie la Chambre de faire attention aux remarques sommaires et tout à fait improvisées que j'ai l'honneur de lui présenter. Ce point mérite un examen très sérieux et je n'entends pas du tout le trancher à la façon de l'honorable M. Lelièvre qui se borne à dire que les tribunaux aviseront, que c'est une question de droit. Oui, c'est une question de droits (au pluriel) et je désire que les droits que l’on perçoit et que l'on percevra sur les sels de soude soient aussi peu élevés que possible.
La protection en définitive est du monopole : je n'en veux pas plus pour le fabricant de sel de soude que pour d'autres fabricants, et quand l'occasion se présentera de traiter la question plus à fond et plus sérieusement, je me fais fort de ne plus laisser le moindre doute dans l'esprit des honorables membres qui voudront bien m'écouter, sur la nécessité absolue d'abolir toute espèce de droits sur les sels de soude.
Je le sais, les fabricants de sel de soude feront un jeu de mots, prétendant que le sel de soude n'est pas une matière première. Pour eux, ce n'est pas une matière première, nous le savons bien ; mais pour ceux qui ne fabriquent pas le sel de soude et qui le consomment, c'est une matière première, assurément.
En réalité, messieurs, il n'y a pas de matière première, ou plutôt tout est matière première. Ainsi permettez-moi cet exemple, le lin brut est le produit du paysan, mais il est la matière première du fileur. Le lin filé est un fabricat, mais il est aussi la matière première de celui qui l'emploie, du tisserand. La toile est matière première, elle est fabricat, elle est tout ce qu'on veut. Elle est fabricat pour le fabricant qui l'a faite ; mais elle est matière première pour le fabricant de chemises et d'autres choses. La chemise elle-même devient une matière première pour le marchand de chiffons, et le papier fabriqué avec les chiffons devient matière première pour le journaliste et le libraire.
Je ne pousse pas plus loin cet exemple, mais il est très sérieux et vous prouve que nous devrions bannir de nos lois, de nos règlements, de notre langage, de nos discours, ces vains mots de matières premières et de produits fabriquée. Tout est matière première et tout est produit fabriqué, selon le point de vue ou l'on se place.
Reconnaissons une chose, une seule chose vraie, c'est qu'il n'y a dans le négoce ni matière première, ni matière secondaire, ni fabricat ; il n'y a que du travail.
On n'achète que le travail on ne vend que le travail, on n'achète pas la matière première ; on n'achète pas le fabricat ; ou achète le travail, c'est-à-dire qu'on rémunère le travailleur selon la dose de travail qu'il a fournie. Tout le reste est faux. La matière première se donne toujours par dessus le marché. Celui qui achète le charbon n'achète pas du charbon ; il achète le travail ; il paye le travail qu'a coûté le charbon, et il paye les intérêts du capital, c'est bien entendu ; c'est-à-dire qu'il paye toutes les formes du travail qu'a exigées la production d'une chose.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Et le capital ?
M. Coomans. - Mais le capital, M. le ministre, c'est du travail encore, c'est du travail accumulé.
Du reste je me borne à maintenir que c'est la plus pyramidale sottise en économie politique que de parler de matières premières et de fabricats. Messieurs, mettons tous les objets sur la même ligne ; dans une certaine mesure, je le veux bien, ayons égard aux circonstances ; mais (page 438) ne jouons pas sur les mots et ne ruinons pas les blanchisseurs de Turnhout, par exemple, pour enrichir les fabricants de soude du Hainaut. Car si le plus grand nombre, selon le bon sens et nos institutions, avaient à faire la loi, je sais bien que les sels de soude entreraient demain en franchise.
L'honorable M. Jacquemyns paraît se plaindre du bon marché du sel de soude. Voilà ce que je ne comprends pas de la part d'un savant logicien. Je n'ai peur du bon marché en quoi que ce soit et je considère comme un bienfait pour tout le monde l'avilissement des produits quelconques parce que cet avilissement est un signe de prospérité, de progrès et de civilisation.
M. Jacquemyns. - Messieurs, l'honorable orateur a pris parti pour les blanchisseurs de Turnhout et je serais désolé de contrarier leurs intérêts.
Mais l'honorable membre qui vient de s'asseoir est parti d'un fait inexact. D'après lui, il s'agirait actuellement du sel de soude. C'est une erreur, il n'est pas question de ce sel dans le rapport de la commission d'industrie ; il est question du sulfate de soude.
Je sais parfaitement que certains blanchisseurs confondent le sulfate de soude avec le sel de soude et l'emploient comme seconde qualité. Messieurs, cette seconde qualité, je plains les blanchisseurs qui s'en servent. Ils feraient tout aussi bien de ne rien employer du tout.
Le sulfate de soude ne peut en aucune manière remplacer le sel de soude. Ce sont deux matières absolument différentes, et si le sulfate de soude offre de l'intérêt pour les verriers et pour les pharmaciens, il n'offre aucun intérêt direct pour les blanchisseurs.
Maintenant admettons que tout le sulfate de soude nous vienne d'Angleterre et à bas prix.
Eh bien, à mon tour je prendrai parti pour les blanchisseurs de Turnhout ; s'ils n'emploient pas le sulfate de soude, si au lieu d'employer ce sel, ils emploient le sel de soude, comme ils ont parfaitement raison de le faire, ils sont obligés d'employer des acides.
Ces acides sont le résidu de la fabrication du sulfate de soude, et les blanchisseurs de Turnhout les obtiennent à bas prix, par la raison qu'ils leur arrivent chargés de très faibles frais de transport. Mais si les blanchisseurs sont obligés de faire venir d'Angleterre les acides dont ils ont besoin, il arrivera qu'ils devront les payer à des prix plus élevés et chargés de frais de transport très considérables.
Je crois qu'ici je défends en réalité et plus logiquement que l'honorable M. Coomans, les intérêts des blanchisseurs de Turnhout, et je pense que l'honorable membre n'a pas défendu ces intérêts du tout, par la raison toute simple, je le répète, que les blanchisseurs n'emploient pas le sulfate de soude.
Quant à la question de la liberté de l'industrie, je pense qu'il faut mettre la prospérité de la Belgique au-dessus de certains principes et qu'il ne faut pas légèrement s'attacher à tel ou tel principe. Nous avons vu beaucoup de principes opposés mis en avant en économie politique. Ces principes divers ont eu leur temps ; mais il est une chose qui est de tous les temps, c'est l'intérêt que nous portons à la prospérité nationale.
On parle des consommateurs. C'est dans l'intérêt des consommateurs qu'on veut avoir toutes les matières à bas prix. Je parle aussi des consommateurs ; et dans l'intérêt de l’industrie des blanchisseurs de Turnhout, qui sont consommateurs d'acides, et je demande que les sulfates de soude continuent à être fabriqués en Belgique. Je demande que les acides continuent à leur être fournis à bon marché et chargés de très faibles frais de transport.
M. Coomans. - C'est du monopole, cela.
M. Van Iseghem. - J'appuie, en grande partie, les observations qui viennent d'être présentées par l'honorable M. Jacquemyns. Si le gouvernement veut maintenir en vigueur l'article 40 pour l'importation des sulfates de soude qui viennent d'Angleterre, je pense qu'il sera obligé de prendre quelque mesure contre une certaine fraude. On peut aujourd'hui faire entrer 28 kilogrammes de sulfate de soude à condition d'exporter 100 kilogrammes de verre à vitre. Des personnes très compétentes m'ont assuré que 28 kilogrammes est beaucoup trop et que la quantité peut être réduite à 14 kilogrammes.
D'un autre côté, je crois que le sulfate de soude qui vient d'Angleterre est importé directement pour la consommation, au lieu d'être dirigé vers les verreries.
Je voudrais que le gouvernement oblige les importateurs à diriger sur lesdites verreries le sulfate qui vient de l'étranger, avec la faculté de l'article 80, afin de les forcer à fabriquer des verres à vitres avec le même sulfate, au lieu de laisser entrer en consommation le sulfate anglais et de donner, comme on me l'a assuré, décharge quand on exporte des verres à vitres fabriqués même avec du sulfate belge. Je pense que la matière première anglaise doit servir uniquement à la fabrication de la marchandise qu'on exporte et doit être soumise aux mêmes frais de surveillance que le sel marin qu'on importe aussi en franchise de droits et qui sert à la fabrication des sulfates et par conséquent à la fabrication des verres à vitres dans le pays.
Je crois que si la mesure que j'indique était prise, on donnerait une grande satisfaction aux fabricants de sulfate de soude qui réclament.
M. Sabatier, rapporteur. - Messieurs, l'honorable M. Jacquemyns réclame un droit protecteur pour le sulfate de soude ; mais cette demande est tout à fait contraire aux conclusions de la commission de l'industrie.
La commission croit qu'il faut imposer d'un droit le sulfate de soude qui vient de l'étranger, précisément parce que cette industrie a été mise dans une position spéciale. Je l'ai déjà dit, il y a des surveillances d'accise dont le coût vient grever la fabrication des sulfates. Vous savez, messieurs, que le sel marin n’entre en Belgique qu'en acquittant un droit de 18 fr., mais lorsqu'il doit être converti en sulfate de soude, il entre en franchise de droit.
La taxe de 18 francs, on le conçoit aisément, est trop importante pour le trésor, pour qu'on ne surveille pas tout particulièrement la matière qui en est frappée.
C'est cette surveillance qui grève le sulfate de soude de 42 centimes et demi par cent kilogr.
L'honorable M. Van Iseghem a parlé de la quantité de sulfate de soude qui, selon lui, doit entrer dans la composition des verres à vitres.
Je ne veux pas me livrer sur ce point à une dissertation fort ennuyeuse pour la Chambre. Je me borne à déclarer que lorsque nous aurons à discuter le droit dont sera imposé le sulfate, nous pourrons démontrer qu'on peut, avec de bons procédés de fabrication, produire 100 kilog. de verre non pas avec 14 kilog de sulfate de soude, comme le prétend l'honorable M. Van Iseghem, mais avec 25 à 26 kilog.
En ce qui concerne la fraude, qui consisterait à mettre en consommation le sulfate anglais d'une autre façon que dans les verreries qui travaillent pour l'exportation, je fais toutes mes réserves. Le fait ne me paraît pas possible ; mais en présence de la crainte émise par mon honorable contradicteur, je le répète, je ne puis faire que des réserves. Ultérieurement je pourrai donner à la Chambre des explications à ce sujet.
Je me borne, pour le moment, à ces observations. Si M. le ministre des finances a l'intention de soumettre ultérieurement à la Chambre un projet de loi, chacun de nous pourra faire valoir alors les raisons qui lui paraîtront militer, soit en faveur, soit contre l'établissement d'un droit.
M. Moncheur. - Je pense que l'honorable M. Coomans n'a pas bien compris cette question au point de vue même de ceux dont il stipule les intérêts.
Ainsi que l'honorable M. Jacquemyns vous l'a dit, messieurs, les fabriques de produits chimiques ne fabriquent pas seulement du sulfate et du sel de soude, mais aussi et en énorme quantité de l'acide hydrochlorique. Or, une foule d'industries font un grand usage de cet acide, lequel leur est même d'une absolue nécessité.
Jusqu'au moment où des fabriques de produits chimiques se sont élevées en Belgique, celle-ci était tributaire de l'étranger pour ce produit.
S'il se vend à très bon marché, c'est grâce à la production du sulfate de soude et autres produits chimiques dont il n'est que le résidu ; si donc ces produits cessaient de pouvoir se fabriquer en Belgique, parce que nos fabriques étant surchargées de frais et d'impôts ne pourraient lutter contre les fabriques anglaises, il n'y aurait plus d'autre acide hydrochlorique, dans ce pays, que celui qui viendrait de l'étranger, et celui-là serait d'un prix exorbitant.
En effet, messieurs, vous savez que cet acide ne peut se transporter qu'en bouteilles, que le transport en est extrêmement dangereux et que par conséquent la marchandise elle-même devient très chère quand elle a subi ce transport.
Il en résulterait donc que ceux-là mêmes qui, par l'organe de l'honorable M. Coomans, demandent un état de choses de nature à amener nécessairement la fermeture des fabriques des produits chimiques, seraient les premières victimes du régime qu'ils auraient provoqué.
Les Anglais leur feraient la loi, quant au prix de l'acide hydrochlorique, et une foule d'industries viendraient se plaindre, mais trop tard, de la chute de notre industrie indigène.
J'insiste donc pour que le gouvernement fasse droit, le plus tôt possible, à cette pétition.
Il le doit non seulement dans l'intérêt des fabriques de produits chimiques, et des milliers d'ouvriers dont l'existence en dépend, mais encore dans l'intérêt de la masse des consommateurs dont l'intérêt se lie avec celui des fabriques elles-mêmes.
M. Coomans. - Messieurs, ce n'est pas la première fois qu'on prétend ici et ailleurs que les blanchisseurs, les fabricants de verre à vitre et autres industriels qui demandent la libre entrée du sel de soude, ne savent pas ce qu'ils veulent ; que c'est contrairement à leurs intérêts qu'ils réclament ; que nous savons mieux qu'eux ce qu'il leur faut, etc.
Tout cela n'est pas sérieux. Reconnaissons que ceux qui viennent réclamer des mesures au nom de leur industrie et qui les réclament avec obstination pendant 10 ou 15 ans, ont raison. Il serait infiniment préférable d'avouer qu'il s'agit de maintenir un monopole au profit des fabricants de sel de soude, domiciliés et travaillant en Belgique. Voilà un argument que je comprendrai ; c'est le seul bon, le seul vrai ; tous les autres sont mal fondés ou peu sincères.
Messieurs, il y a un grand inconvénient à ce que la législature et le gouvernement aspirent toujours à pondérer des intérêts opposés ; ainsi naissent de graves difficultés ? Au-dessus de tous les principes (page 439) économiques dont je ne suis ni l'adversaire, ni l'admirateur systématique, je place la justice. ; or, la justice exige que nous traitions tous les travailleurs belges de la même façon où à peu près. Je dis qu'il est injuste d'avoir 36 espèces de droits 36 espèces de principes, et 36 manière de les appliquer selon les intérêts divergents et naturellement égoïstes.
C'est au point de vue de la justice que je me place bien plus qu'au point de vue des blanchisseurs de Turnhout ; je vois d'ailleurs que les fabriques de verre à vitres sont plus intéressées que certains de mes électeurs à la libre entrée ou au bon marché du sel de soude.
Il paraît, d'après l'honorable M. Jacquemyns que j'ai confondu le sulfate de soude avec le sel de soude ; je me rends à l'autorité de l'honorable membre qui est plus savant que moi dans cette matière comme dans beaucoup d'autres, je l'avoue. Mais j'ai nommé les deux produits à la fois et je sais parfaitement qu'il a été déposé sur le bureau de la Chambre un très grand nombre de pétitions de blanchisseurs demandant la libre entrée du sel de soude. Si l'on veut y joindre le sulfate de soude par-dessus le marché, je ne réclamerai pas.
Je demande la libre entrée pour toutes choses ou à peu près. Je n'ai pas deux poids et deux mesures, et je voudrais que tous les travailleurs belges et tous les consommateurs belges fussent égaux devant les lois de douane comme ils les sont devant les lois civiles et criminelles.
M. Sabatier, rapporteur. - Messieurs, bien que nous ne puissions pas arriver à une autre conclusion que le renvoi de la pétition aux ministres des finances, de l'intérieur et des affaires étrangères, je dois cependant relever une erreur qui a été commise par l'honorable M. Moncheur. Il dit que l'acide hydrochlorique étant nécessaire à certaines industries, il faut que les fabriques de sulfate de soude puissent continuer à fournir ce produit acide à la consommation.
Je répondrai à l'honorable membre que ces fabriques feront toujours du sulfate du soude, parce qu'on en convertit une partie en carbonate de soude, nécessaire aux savonneries, blanchisseries, cristalleries et glaceries ; par conséquent la crainte de voir les blanchisseurs manquer de sel de soude n'est en aucune manière fondée.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le gouvernement accepte le triple renvoi proposé par la commission permanente de l'industrie.
M. Muller. Le renvoi pur et simple. (Oui ! oui !)
- Le renvoi pur et simple de la pétition à MM. les ministres des finances, de l'intérieur et des affaires étrangères est ordonné.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.