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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 18 décembre 1858

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859

(page 265) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Crombez procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Vander Stichelen donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Vander Stichelen présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre :

« Les époux de Witse plaignent de l'expropriation d'une maison sise à Ninove, qui était leur propriété. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Degreef, ancien musicien d'état-major au régiment des carabiniers, demande une pension. »

- Même renvoi.


* Le sieur Falkembergh demande l'établissement d'une caisse de retraite pour les secrétaires communaux. »

- Renvoi à la section centrale, chargée d'examiner le projet de loi instituant une caisse centrale de prévoyance pour les secrétaires communaux.


« Des marchands de charbons et des propriétaires de bateaux à Vilvorde demandent la réduction des péages sur le canal de Charleroi. »

M. J. Jouret. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale qui est chargée d'examiner la proposition de loi relative aux péages sur le canal de Charleroi.

- Cette proposition est adoptée.

Motion d’ordre

M. de Muelenaere. - Messieurs, j'ai examiné le rapport de la commission de la langue flamande, que M. le ministre de l'intérieur a déposé sur le bureau, il y a quelques jours.

Je dois déclarer que ce rapport, au point de vue littéraire et même historique, m'a paru une œuvre fort remarquable et qui fait honneur à la commission. Ce travail sera lu avec un vif intérêt par tous ceux qui ont à cœur la culture et les progrès de la littérature flamande.

Je n'ai rencontré dans ce mémoire rien qui pût s'opposer à ce qu'il fût livré à 1a publicité. Il est bien entendu néanmoins que chacun de nous conserve sa pleine et entière liberté d'appréciation. On trouvera peut-être dans ce document quelques assertions qui pourront paraître contestables ou quelque peu hasardées. Mais ces assertions restent livrées au libre examen et à la plus large discussion.

Je demande donc, d'accord en quelque sorte avec le gouvernement, puisque M. le ministre de l'intérieur a déclaré qu'il s'en rapportait entièrement à la décision de la Chambre ; je demande que le rapport soit imprimé et distribué aux membres de cette assemblée, sans que cette publication puisse impliquer de la part du gouvernement ou de la Chambre aucune approbation ni improbation du contenu du mémoire.

Cette publication a un seul but : c'est celui de nous instruire et de nous éclairer sur une importante question qui est à l'ordre du jour, et, à ce point de vue, je crois que la publication sera extrêmement utile.

Il est évident aussi que cette publication se fait sous la responsabilité des hommes qui ont signé la pièce, et je m'empresse d'ajouter que tous les membres de la commission sont des hommes très honorables, parmi lesquels il en est qui ont fait partie du parlement, et dont d'autres ont occupé des positions élevées dans l'Etat. Tous d'ailleurs ont été désignés comme membres de la commission par le gouvernement lui-même.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On pourrait faire imprimer aussi les procès-verbaux.

M. de Muelenaere. - Oui, sans doute ; j'en fais également la proposition.

M. Muller. - Messieurs, il y a le rapport original et la traduction de ce rapport. Evidemment, vous désirez que cette traduction soit aussi publiée.

- Des membres. - Sans doute.

M. de Muelenaere. - Je n'ai pas trouvé, parmi les pièces déposées, la traduction française du rapport. Il est possible qu'elle existe ; je crois même que M. le ministre de l'intérieur l'avait annoncé à la Chambre, cela m'avait échappé, je me proposais de dire qu'il serait convenable qu'il y eût une traduction française.

M. le président. - La traduction a été déposée avec l'original flamand. Il est entendu que l'original, la traduction, les procès-verbaux et les pièces à l'appui seront imprimés et distribués (Adhésion.)

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l’exercice 1859

Discussion du tableau des recettes (II. Péages)

Domaines

Trésor public

M. le président. - La discussion Continue sur l'article : Postes.

M. Manilius. - Messieurs, après le brillant et entraînant discours de M. le ministre des finances, je comprends aisément qu'il me sera difficile de captiver encore votre attention. Cependant, si je ne puis égaler M. le ministre des finances, sous le rapport de son excellent et distingué talent, je puis le suivre sous le rapport du courage ; comme lui, ministre, défend avec ardeur le trésor public, j'ai le courage de défendre mon opinion, qui n'est pas neuve, car je l'ai depuis longtemps professée et fait connaître.

J'espère que la Chambre comprendra qu'il n'y aura rien dans mes paroles de désobligeant envers M. le ministre des finances ou aucun autre de mes honorables collègues qui ne partagent pas mon opinion ; je la préviens que si un mot pouvant avoir ce caractère venait à m'échapper, je m'engage à le retirer ou à en donner une explication toute autre.

L'honorable ministre a commencé par faire une comparaison entre la réforme postale opérée dans la Grande-Bretagne et celle opérée dans la petite Belgique, et il s'est appuyé sur cette grande œuvre opérée en Angleterre, pour prouver, quoiqu'elle ait servi de modèle à notre première campagne pour obtenir la taxe uniforme à 10 centimes, si nous voulions l'appliquer à notre pays toute grande qu'elle est, nous reculerons au lieu d'avancer.

La taxe des lettres en Angleterre n'a rien de comparable avec la nôtre. Je dirai de plus, qu'à l'origine la réforme postale a été en Angleterre tout à fait le contraire de ce qu'elle a été chez nous ; vous l'avez avancé vous-même, M. le ministre, eu Angleterre, la diminution de la taxe des lettres a eu lieu en faveur des villes et non des communes rurales.

Les communes sont surtaxées et, sous le rapport du service, le système postal ne présente pas la même perfection que le nôtre. En Angleterre, il n'est pas possible d'envoyer directement des lettres dans une foule de petites communes et même de petites villes.

C'est une raison de plus pour ne jamais établir de comparaison entre l'Angleterre et la Belgique, cette Belgique si petite comme territoire, mais si grande parce qu'elle a fait depuis sa constitution en Etat libre. Comment avons-nous commencé la réforme postale ? Nous avons songé d'abord aux habitants de nos communes rurales. Bien avant l'adoption de la réforme postale de 1849, bien avant que l'Angleterre n'adoptât sa réforme, nous avons supprimé le décime rural et il ne nous restait plus qu'une taxe très légère comparativement à celle de l'Angleterre. L'origine de notre réforme est donc toute différente de l'origine de la réforme anglaise.

En 1849, nous avons obtenu, je ne dirai pas par bonheur, mais par hasard, la réduction de la taxe postale à 10 centimes dans le rayon de 30 kilomètres et à 20 centimes pour les distances plus grandes. Ces deux taux ont été établis par une sorte de transaction et de concert avec le Sénat. Sous ce rapport encore, vous voyez que la petite histoire de notre régime postal n'a rien de commun avec celle du régime anglais.

Je ne dirai rien de l'éloge que M. le ministre des finances a fait des grands hommes d'Angleterre qui se sont occupés de la question. Je ferai remarquer seulement qu'ils se sont étrangement trompés dans leurs prévisions. ; le produit actuel de la poste, en Angleterre, n'est pas, toute proportion gardée, aussi considérable qu'en Belgique. Je m'en félicite, pour mon pays, au double point de vue financier et moral.

M. le ministre des finances a eu à cœur de nous prouver qu'il avait le courage de défendre les intérêts du trésor avec autant d'ardeur que de conviction. Il ne veut pas enfouir des sommes immenses dans les caisses du trésor, mais il ne veut pas non plus en disposer trop facilement.

Eh bien, messieurs, ce langage est celui de tous les ministres des finances ; tous se montrent les défenseurs plus ou moins ardents du trésor, aussi longtemps qu'il s'agit de repousser toute espèce de demandes de dégrèvement ; mais quand il s'agit de dépenses à faire pour des travaux publics, nous voyons presque chaque fois M. le ministre des finances nous proposer d'en couvrir les dépenses au moyen des ressources de l'exercice courant.

Messieurs, la Chambre est d'un avis tout différent ; elle veut que toute dépense extraordinaire soit couverte par des voies et moyens spéciaux. C'est ce qu'on fait le plus souvent en employant le moyen si facile de la création des bons du trésor ou des emprunts. A mon avis, le budget des voies et moyens ne doit couvrir que les dépenses courantes des budgets.

(page 266) Voilà, messieurs, ce que j'avais à dire au sujet de ces grandes alarmes qu'on a produites dans cette enceinte, alarmes qui ont fait de l'impression sur mon esprit comme sur les vôtres ; mais sur lesquelles je suis maintenant tout à fait rassuré, ayant eu 24 heures pour y réfléchir.

Il y a une autre question qu'il est assez difficile de résoudre, c'est celle de savoir s'il faut faire entrer en ligne de compte dans les produits de la poste ce que comporte le transport des journaux et des imprimés. L'honorable ministre prétend que l'on ne peut pas tenir compte de ce produit. Cependant l'honorable M. Orts vous a, me paraît-il, démontré clairement que, comme c'est la poste qui fait le service du transport des journaux, ce revenu doit être compté dans les produits de ce service et venir en déduction des charges qu'il impose.

Messieurs, le grand accroissement des dépenses postales est dû à une circonstance à laquelle nous devons cependant applaudir : il est dû l'augmentation du personnel des facteurs ruraux. Cette augmentation du nombre des facteurs ruraux a produit le plus grand accroissement de dépenses, mais elle a produit aussi le plus grand bien. Comme vous l'a dit hier M le ministre des finances, il n'y a pas de hameau, pas de maison isolée qui ne puisse recevoir chaque jour ses lettres et son journal. Je m'en applaudis ; je vois avec plaisir les journaux se répandre partout, et au point de vue libéral, où je me place, je ne suis pas même fâché de voir se répandre le Journal de Bruxelles à côté de l’ Indépendance ou autres journaux libéraux Je vois là un progrès général ; et lorsqu'on dit que cela coûte beaucoup et rapporte peu, je ne m'en effraye pas, parce que le système postal, dans notre pays, est plutôt une question de civilisation, de mobilisation, de progrès, qu'une question financière.

Je n'entrerai pas dans les détails sur la question des imprimés. L'honorable M. Orts vous a parfaitement indiqué le point de vue auquel nous nous plaçons. Nous demandons la réduction de la taxe des lettres, non pas au point de vue du haut commerce. M. le ministre des finances vous l'a dit avec raison, les gros commerçants n'ont pas besoin de la réforme postale. Il ne faut pas alléger les charges du commerce. Mais il faut venir en aide à ceux qui pourraient profiter de cette réduction, qui ne peuvent aujourd'hui écrire parce qu'ils ne peuvent payer le port de leurs lettres. Vous voulez l'instruction ; vous voulez même l'instruction obligatoire ; vous voulez que tout le monde puisse lire et écrire. Chaque année on vient nous annoncer avec emphase qu'il y a augmentation du nombre des conscrits qui savent lire et écrire. Mais quel avantage y a-t-il à cela, si l'on persiste dans l'idée qu'ils ne doivent pas écrire lorsqu'ils n'ont pas d'argent ! Vous voulez qu'ils soient instruits ; permettez au moins qu'ils puissent faire usage de leur instruction et ne les empêchez pas de se servir de la poste parce qu'ils n'ont pas d'argent suffisant.

Mais M. le ministre nous a dit, à propos du trésor : Il faut de l'argent, il en faut même pour bâtir des écoles. Il faut de l'argent pour bâtir des écoles ? eh bien, on vous en donnera. Tous les ans nous voterons avec plaisir une somme pour faire face à cette dépense. Si la dépense dépasse les produits de l'exercice, nous voterons l'émission de quelques bons du trésor de plus. Cela n'est pas si effrayant. Nous avons une dette flottante de 12 millions. Il y a peu de temps, elle était de 24 millions, elle a été beaucoup plus considérable encore. Lorsque des moments plus favorables sont arrivés, cette dette a été consolidée ; si des malheurs venaient à fondre sur nous, croyez-le bien, la Belgique saurait faire face à tous les besoins.

En circonstances pareilles on a fait des emprunts forcés, et ceux qui dans cette circonstance ont prêté à l'Etat n'ont pas eu à le regretter. Ils ont eu un intérêt de 5 p. c, et au bout de peu de temps on leur a remboursé capital et intérêts. Nous avons tous été très heureux de donner de l'argent à l'Etat pour payer les bons du trésor et parer aux nécessités qui avaient surgi à l'improviste de mettre notre armée sur le pied de guerre.

Vous voyez donc que nous pouvons nous déclarer satisfaits de la position telle que nous l'a indiquée M. le ministre. Je dirai même qu'il n'y a rien de grave dans l'opposition qu'il nous a faite. Car sur un des points les plus importants nous sommes d'accord. M. le ministre des finances nous a déclaré que, quant au vœu exprimé au Sénat, il se trouve inscrit dans la loi ; qu'il n'y avait pas à revenir là-dessus ; mais qu'il fallait une condition : c'est que le produit de 2 millions fût atteint.

Des deux questions à trancher, il n'en reste donc plus qu'une, c'est la seconde, celle du produit des deux millions.

Les deux millions sont-ils atteints ? L'honorable ministre prétend que non et le démontre par des chiffres. D'un autre côté, mon honorable collègue et ami, M. A. Vandenpeereboom a très consciencieusement examiné les revenus de la poste ; il a calculé avec le même soin les dépenses ; il l'a fait avec la même bonne foi que l'auteur du travail dont M. le ministre a pris la responsabilité, et il nous dit que les deux millions sont atteints.

A cette occasion, M. le ministre des finances nous a dit qu'il se rendait responsable du travail qu'il avait présenté à la Chambre. Messieurs, il doit en être ainsi et je ne puis qu'approuver la conduite de M. le ministre sur ce point. Tout homme qui est à la tête d'une administration a des auxiliaires ; il a des fonctionnaires à différents degrés. Il leur demande des renseignements. Il les fait bien grouper, aligner ensemble ; et puis il émet son opinion ; il ne vérifie pas les chiffres un à un ; il prend les sommes telles qu'elles lui sont présentées, certain qu'il est qu'on a tout pointillé, et puis il souscrit le document. Les négociants ne donnent jamais leur signature qu'en inscrivant cette réserve : sauf erreur ou omission, ils déclarent accepter la responsabilité, mais ils ne sont pas responsables des erreurs ou omissions.

A mes yeux, le ministre est à cet égard dans la même position ; on lui a présenté un travail ; il en a vu l'ensemble ; ce travail même lui a plu ; il l'a accepté, mais sauf erreur ou omission. Voilà ce qui est arrivé à M. le ministre des finances, comme cela est arrivé aussi à mon honorable ami M. A. Vandenpeereboom.

On a mis tout en œuvre auprès des fonctionnaires de l'Etat, auprès de tous les comptables de l'Etat, pour avoir les renseignements les plus complets, de nature à pouvoir servir de contrôle. C'est avec peine que nous avons dû recourir à tous ces efforts.

Eh bien, je dis que c'est dans la note remise par M. le ministre des finances et dans la démonstration faite par mon honorable ami M. A. Vandenpeereboom, que tout le conflit se réduit. Je pense avoir très bien compris hier M. le ministre des fmances. Je n'ai pas pu relire son discours dans les Annales parlementaires de ce matin ; mais j'ai annoté ceci, que M. le ministre des finances reconnaît qu'en 1849, il y a eu transaction entre les deux Chambres, en ce sens qu'on établirait la taxe uniforme à 10 c. lorsque le revenu net de la poste serait de 2 millions.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oui, il y a eu transaction.

M. Manilius. - Bien ; des discours ont été prononcés contre nous dans un sens contraire. Je suis heureux que vous soyez des nôtres. Cette partie du débat est donc déblayée, et il se restreint au conflit des chiffres.

Quant aux chiffres, nous ne révoquons nullement en doute votre entière bonne foi, M. le ministre ; mais pour mieux marcher ensemble, nous prendrons pour arbitre la cour des comptes ; nous nous ferons renseigner d'une manière exacte sur la dépense réelle et le revenu réel de la poste ; de manière que nous soyons d'accord, à l'avenir, sur tous les points contestés aujourd'hui.

Néanmoins, dans la situation où je me trouve, partisan de la réforme postale, je voterai en faveur de l'amendement qui tend à réaliser le principe auquel nous nous sommes attachés dès que la question a surgi.

M. Tack. - Messieurs, mon intention ne saurait être de rentrer dans le fond de ce débat ; la question de la réforme postale, pour moi et pour beaucoup de mes collègues, est épuisée, elle est complétement élucidée en ce moment ; la discussion est en quelque sorte close, sauf peut-être la réplique des honorable auteurs de l'amendement.

J'avais demandé la parole avant-hier uniquement pour motiver le vote que je comptais émettre contre la proposition des honorables MM. Orts et A. Vandenpeereboom. Je n'hésite pas à le déclarer, des doutes graves s'étaient emparés de mon esprit, dès le principe, sur la portée comme sur les conséquences prochaines de la mesure préconisée par ces honorables membrs» ; ces doutes n'ont fait que grandir après que j'ai eu occasion de prendre lecture du travail si lucide, si complet, dû à la plume de M. Louis Bronne, inspecteur des postes, et dans lequel cet estimable fonctionnaire expose d'une manière complète les effets produits en Angleterre par l'introduction dans ce pays de la réforme postale. Mes doutes n'ont fait que s'accroître encore, après que j'avais pris connaissance de la note jointe par M. le ministre des finances, au rapport de la section centrale sur le budget des voies et moyens.

Depuis que j'ai entendu le discours si éloquent, si logique, si riche de faits qu'a prononcé hier M. le ministre des finances et qui a provoqué les applaudissements unanimes de la Chambre, je suis demeuré convaincu que l'adoption de la taux uniforme au taxe de dix centimes doit avoir pour conséquence inévitable de compromettre, au moins momentanément, les revenus du trésor.

De plus, j'ai peine à croire que cette réduction puisse amener, quasi-immédiatement, un accroissement assez considérable dans le mouvement des lettres, pour pouvoir compenser le déficit probable de la recette et l’augmentation inévitable de la dépense.

Une circonstance surtout m'a frappé ; elle est caractéristique ; la voici : c'est que la progression du nombre des lettres taxées à 20 centimes a été supérieure à celle constatée pour le nombre des lettres taxées à 10 centimes. En effet, la moyenne annuelle de la progression du nombre des lettres taxées à 20 centimes est de 6,52 p. c., tandis que la moyenne annuelle de la progression du nombre des lettres taxées à 10 centimes n'est que de 5,51 p. c, donc différence de 1 p. c. D'où la conséquence évidente, selon moi, que la taxe de 20 centimes est une taxe modérée, point excessive, puisqu'elle n'entrave point la circulation ; d'où la conséquence encore que le prix du transport n'est pas toujours l'élément essentiel, principal, qui détermine le mouvement ascendant dans la correspondance. C'est ce que, du reste, l'honorable M. d'Hoffschmidt a parfaitement établi en énumérant les causes qui influent sur l'accroissement du nombre des lettres.

L'honorable membre a signalé avec beaucoup de raison parmi ces causes les améliorations introduites dans le service postal, l'affranchissement préalable ou autrement l'usage même du timbre-poste, la multiplication des bureaux de distribution et de perception, la création du service rural, l'augmentation du nombre de facteurs, la facilité, la célérité, la sécurité du transport des dépêches.

Dans un autre ordre d'idées, l'accroissement de la population, le développement du commerce et de l'industrie, la diffusion de l'instruction. Or, parmi ces causes, les premières, celles qui se rattachent au perfectionnement du service postal, ont produit leur plein et entier effet aussi (page 267) bien sur les lettres taxées à 20 centimes, que sur celle transportées au taux de 10 centimes ; les autres agissent lentement, graduellement d'une manière continue, mais non brusquement et par soubresauts.

Si je n'avais pas dès le début de cette discussion la conviction que la taxe à 10 centiles devait avoir pour résultat d'augmenter immédiatement le nombre des lettres qu'accuse la circulation actuelle, je n'avais pas non plus celle que le minimum de 2 millions avait été atteint, ni que le trésor public n'eût point souffert de l'innovation. Les observations que nous a présentées M. le ministre des finances m'ont prouvé que ma perplexité n'était pas sans fondement.

Je dois avouer que les partisans de la taxe uniforme à 10 centimes ont fait valoir des considérations très sérieuses, de nature même à ébranler les esprits.

Je dois reconnaître également que la réforme radicale est entourée de sympathies très respectables, qu'elle en a rencontré notamment beaucoup dans la presse.

Je me suis demandé, à la suite de ces réflexions, si nous ne devons point certaine satisfaction à leur manière de voir. Sommes-nous donc renfermés dans un cercle inflexible d'où il n'est pas possible de sortir ? sommes-nous forcés d'opter entre le régime en vigueur et la réforme radicale ? n'avons-nous point d'autre choix ? N'y aurait-il pas un moyen terme ? ne pourrons-nous aboutir par une transition lente, insensible, mais sûre, au but indiqué, à la réforme complète qui est désirée en définitive par tout le monde ? Cette question n'a pas été examinée, elle méritait pourtant de l'être, et je suis d'avis qu'on peut la résoudre affirmativement.

J'ai entendu avec plaisir M. le ministre faire une concession au point de vue de ce qu'il appelle le côté sentimental de la question, c'est-à-dire en faveur du soldat et des sous-officiers sous les drapeaux, au profit de qui il est disposé à consacrer la taxe uniforme à 10 centimes ; j'aurais voulu qu'il nous fit concevoir aussi quelque espoir quant à la modification qui a été recommandée par l'honorable M. d'Hoffschmidt, et qui consisterait à augmenter le poids de la lettre simple, en le portant à 15 grammes, comme en Angleterre, au lieu de 10, comme en Belgique. J'aurais voulu même qu'il nous fît entrevoir, et c'est le moyen terme dont je parlais tout à l'heure, l'extension possible de la zone adoptée pour la circulation des lettres à 10 centimes. Ne pourrait-on pas dès à présent ou dans un avenir très rapproché, porter cette zone à 40 ou 50 kilomètres, voire même la doubler ?

Ce système présenterait certains avantages ; j'en énumérerai quelques-uns : d'abord vous éviteriez de jeter une perturbation dans les recettes de l'Etat, du moins je le pense ; c'est sauf examen par les hommes compétents et par le gouvernement que j'émets l'idée de l'extension des zones.

Les recettes pourraient fléchir, mais je ne puis m'imaginer qu'elles fléchiraient notablement.

D'un autre côté, les dépenses augmenteraient, je l'avoue, mais insensiblement. Un second avantage c'est que vous ne vous exposerez pas à devoir ajourner pour un temps illimité d'autres réformes très utiles, parmi lesquelles je range en première ligne la révision des lois concernant la contribution personnelle et les patentes.

Vous auriez ce troisième avantage que l'extension progressive du rayon postal de 30 kilomètres n'affecterait en rien les recettes effectuées sur le transit des lettres qui ne font que traverser le pays ; vous continueriez de recevoir à charge de l'étranger le même revenu qu'actuellement vous percevez.

Vous auriez un quatrième avantage en ce que le bienfait du dégrèvement serait en faveur du petit commerce, de la petite industrie, car le petit commerce n'a de relations que dans un rayon restreint, tandis que le grand commerce, comme en est convenu M. Manilius lui-même, envoie ses correspondances à des distances éloignées, à l'extrémité comme au centre du pays et a des relations étendues avec l'étranger. Or ce n'est pas le grand commerce qu'il faut favoriser, car celui-là fait beaucoup d'affaires et, par conséquent, réalise de gros bénéfices. Ce serait, en cinquième lieu, une justice rendue aux villes frontières, car ces villes, qui ont des correspondances avec nos principaux centres industriels et commerciaux, comme Bruxelles, Gand, Liège et Anvers, sont astreints, par suite de leur position topographique, à payer fréquemment la taxe de 20 centimes.

Enfui, vous n'aurez pas non plus à redouter de bouleversement dans l'organisation du personnel, qui resterait le même ; le tout se bornerait à confectionner de nouveaux tableaux des distances, et à substituer aux pèse-lettres gradués de 10 en 10 degrés d'autres instruments divisés de 15 en 15 degrés.

Enfin, il y a un autre avantage encore ; vous vous ménageriez une expérience d'autant plus décisive, qu'elle porterait sur des données incontestables, au moyen desquelles vous seriez à même d'apprécier les résultats que devrait avoir dans un temps plus ou moins éloigné l'introduction de la taxe à 10 centimes. Remarquez, en effet, que cette expérience vous permettrait d'établir vos calculs exclusivement sur une circulation de lettres précédemment taxées à 20 centimes.

Tout cela n'empêcherait pas que, dans l'intervalle, on s'efforce d'atteindre le plus grand degré de perfection dans le service de la poste, Ainsi on pourrait multiplier les bureaux de poste, en placer là où ils sont reconnus nécessaires, augmenter le nombre des distributions, surtout dans les grands centres industriels, situés à la campagne, augmenter aussi le nombre des facteurs.

Dans ces conditions on attendrait avec confiance et sans trop d'impatience le moment de réaliser la grande réforme de la taxe à 10 centimes. Ce moment est-il éloigné ? Il est difficile de le dire ; pour mon compte je l'appelle de tous mes vœux ; car, quand il sera venu, ce sera le signe certain, manifeste, que nous sommes entrés dans une nouvelle ère de civilisation, que notre état social s'est perfectionné, que l'instruction s'est répandue dans toutes les classes, que le commerce et l'industrie se sont développés, que les sources de la prospérité publique et du bien-être général sont devenues plus abondantes.

Et alors, mais alors seulement nous pourrons sans crainte, sans hésitation, tenter ce que la puissante, la riche Angleterre a fait avec certaine témérité, ce dont ses hommes d'Etat les plus éminents se sont repentis dans la suite, ce que nous ne pouvons en ce moment entreprendre sans compromettre les ressources du trésor, sans paralyser notre action quand il s'agira d'adopter d'utiles réformes sans au moins méconnaître les règles d'une sage prudence.

M. de Fré. - Messieurs, je ne viens pas prononcer un discours, je viens demander à la Chambre la permission de motiver mon vote.

Je ne comptais pas intervenir dans un débat sur une question toute spéciale, hérissée de chiffres et dans laquelle devaient se faire entendre tant d'hommes compétents qui se recommandaient à vous par leur talent et leur longue expérience. Mais le discours de l'honorable ministre des finances m'engage à faire une déclaration.

Personne plus que moi n'éprouve une satisfaction plus vive, plus grande, plus sympathique, chaque fois que l'honorable ministre des finances se fait entendre dans cette assemblée ; j'admire la clarté de son exposition, l'ampleur magnifique de ses périodes, et j'ajouterai, j'ai admiré hier la grâce de son ironie ; mais ce ne sont pas de beaux discours qu'il faut à l'opinion libérale, ce ne sont pas de ces paroles éloquentes qui m'émeuvent, qui me charment, qui m'entraînent ; ce qu'il faut à l'opinion libérale, ce sont des réformes utiles, des institutions fécondes ; voilà ce qu'il faut à l'opinion libérale, voilà ce qui fait progresser le pays, voilà ce qui doit donner au pays de la force et de la grandeur.

L'éloquence sans les actes, qu'est-ce que c'est ? C'est la fleur sans le fruit : le pays veut des fruits et l'honorable membre des finances ne nous a donné que des fleurs... de rhétorique.

Messieurs, je voterai pour la proposition de MM. Orts et Vandenpeereboom parce que depuis 15 ans la réforme postale complète est inscrite dans tous les programmes libéraux, parce qu'en 1849 le ministère du 12 août, dont l'honorable M. Frère faisait partie, a admis la loi amendée par la Chambre des représentants et l'a présentée ainsi au Sénat ; parce que je demande que les libéraux soient logiques ; parce que pour l'honneur et pour la gloire de mon parti, je prie et je supplie l'honorable M. Frère d'être logique.

Je voterai pour la proposition de MM. Orts et Vandenpeereboom parce que je veux que l'opinion libérale attache son nom à cette réforme. Je n'examine pas la question de savoir si la condition stipulée par la loi de 1849 est remplie. Je n'examine pas la question de savoir s'il y aura un déficit d'un million ou de 500,000 francs. J'écarte ce côté mesquin de la question. Chaque fois qu'un homme d'Etat a proposé une réforme, il a négligé le côté financier pour ne voir que le coté utile, le côté populaire de la question.

Lorsque vous avez reconnu l'utilité de la dérivation de la Meuse, est-ce que vous vous êtes arrêtés devant les 7 millions de dépenses que la réalisation de ce projet devait coûter au trésor ? Lorsque, à la fin de la session dernière, vous avez présenté comme un projet national et patriotique la fortification d'Anvers, vous êtes-vous arrêtés devant les 30 millions que devait coûter ce grand travail ? Vous voyez donc bien, d'après les traditions parlementaires, que la question financière est dominée par la question d'utilité publique.

La réforme postale est-elle utile ?

Mais je ne veux pas chercher à prouver cette utilité contre vous, M. le ministre, qui l'avez reconnue en 1849, et votre discours d'hier, ce magnifique discours qui est resté dans la mémoire de tous les membres de la Chambre et qui y restera comme un monument d'éloquence et de déductions savantes et habiles. Savez-vous ce que ce discours a fait ?

Il a réfuté M. le ministre des finances de 1849 car enfin, les faits sont connus de chacun de nous, l'honorable ministre des finances en 1849, a présenté à la Chambre non pas le système à 10 centimes, mais le système de 10 et 20 centimes. Mais la Chambre, mieux éclairée et ayant à cette époque une grande virilité et voulant faire preuve de vigueur, a fait triompher les principes qui avaient été, comme je le disais tout à l'heure, inscrits dans tous les programmes de la Chambre, vota la taxe uniforme de 10 centimes. Le gouvernement d'alors, dont l'honorable ministre des finances faisait partie, adhéra au projet, œuvre de la Chambre des représentants de 1849. L'honorable ministre des finances l'a fait sien, car il lui était facile de retirer le projet, de ne pas aller le présenter au Sénat comme il fit.

Devant le Sénat la taxe uniforme de 10 centimes, combattue aujourd'hui par le cabinet actuel, fut présentée au nom du cabinet du 12 août et c'est le Sénat qui a amendé le projet de loi dans les termes de la loi actuelle ; taxe de dix et de vingt centimes.

Messieurs, j'assiste avec une invincible tristesse à un étrange débat. Je vois d'un côté des hommes dont le désintéressement, dont le dévouement est connu, qui, dans l'opposition, ont lutté à côté de M. le ministre des finances et qui l'ont suivi comme un vaillant capitaine qui devait (page 268) non seulement les conduire à la victoire, mais qui le jour où la victoire se faisait devait planter fermement, courageusement devant le pays le drapeau libéral avec les réformes inscrites sur ce drapeau.

Eh bien, je vois ces hommes qui sont aussi sages qu'ils sont progressifs, lutter contre M. le ministre des finances et contre le cabinet pour leur arracher quelque lambeau de réformes. Il est convenu que les réformes politiques sont écartées, qu'il faut en faire son deuil, mais au moins, il reste les réformes financières, il reste les réformes économiques. Quoi ! rien ! Là aussi refus et déception !

Lorsque le pays a vu arriver aux affaires les hommes qui, en 1849, avaient soutenu la réforme postale complète, le pays s'est dit : Mais nous allons enfin l'obtenir, car l'honorable M. Frère, qui soutenait en 1849 la réforme postale complète, fait partie du cabinet.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Jamais.

M. de Fré. - Le ministère dont faisait partie l'honorable M. Frère soutenait la réforme complète. Eh bien, je dis, moi, que le pays qui est dans l'attente de grandes choses, s'il ne voit ni réformes politiques ni réformes financières parties de l'initiative du cabinet, le pays en éprouverait une déception cruelle qui serait fatale au gouvernement, fatale à l'opinion libérale. Et, messieurs, je ne suis pas suspect, je viens faire ici un acte de franc libéral.

Je n'ai pas demandé la parole pour traiter une question financière, mais pour dire au cabinet : Si vous reculez sans cesse devant les questions politiques, si vous reculez sans cesse devant les questions financières, si vous ne voulez pas écouter les conseils de vos meilleurs amis et d'hommes, remarquez-le (ceci est important,) d'hommes qui ne sont animés d'aucune ambition personnelle, qui ne désirent qu'une chose, c'est que le cabinet vive le plus longtemps possible. Eh bien, s'il n'y a ni réformes politiques, ni réformes financières, ni réformes économiques, après les vaillantes batailles, après les belles promesses, après les beaux programmes, savez-vous ce qui arrivera ? C'est que dans mon pays, c'est que dans mon libre pays la vie politique s'éteindra.

Je ne parle pas ici au point de vue de l'opinion libérale, je parle au point de vue de la vie morale et politique, et de l'avenir de ma patrie.

Il ne faut pas de déception ; la déception atteindra non seulement les hommes qui luttent dans le camp libéral, elle atteindra les grandes masses ; quand la déception est produite par l'inertie du pouvoir, quand elle vient d'en haut, je dis que le découragement envahit les âmes.

Savez-vous ce qui arrivera ? Il arrivera ce qui est arrivé en Angleterre. Il y a eu aussi dans de ce grand pays, qu'on cite si souvent, des hommes d'Etat appartenant au parti libéral, qui ne voulaient pas laisser entrer les juifs dans le parlement ; puis est arrivé ce ministère réactionnaire de lord Derby et ce ministère réactionnaire de lord Derby, qui n'avait que quinze jours à vivre, a fait ce que les ministres libéraux n'avaient pas voulu faire ; il a laissé entrer les juifs dans le parlement ; il s'est incliné devant la puissance et la souveraineté de l'opinion publique qu'on doit toujours avoir pour guide dans des pays comme l'Angleterre et la Belgique. Je crains, si la réforme postale restait refusée par le cabinet libéral, qu'elle ne soit un jour proposée et réalisée par un ministère Derby belge...

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne pense pas, messieurs, que le moment soit venu de discuter la politique du cabinet. Je m'étonne d'ailleurs, que l'honorable membre qui soulève cette question se maintienne dans des généralités, dans des phrases vagues qui, n'ayant aucune espèce d'application, sont pour moi complétement insaisissables. Quand la Chambre le voudra, on pourra ouvrir un débat politique, et si l'honorable membre veut alors exposer son programme, nous verrons en quoi il peut être suivi, en quoi il peut être accueilli par nous, en quoi il pourrait devoir être combattu. Lorsqu'il aura précisé quelles sont ces grandes réformes politiques que nous aurions à faire, quelles sont ces grandes réformes financières devant lesquelles nous reculerions, mais qu'il ne signale point, nous pourrons les apprécier. Jusque-là, je considère les paroles de l'honorable membre comme des déclarations vagues et sans aucune espèce de portée.

Aussi ne me suis-je pas levé pour répondre à ce qu'il a dit à ce sujet, mais uniquement pour rétablir les faits en ce qui concerne la question spéciale qui est soumise à la Chambre.

La vérité, messieurs, n'est pas précisément telle que l'honorable membre l'a exposé. La vérité est qu'à toutes les époques, invariablement, pour ce qui me concerne, j’ai soutenu que la bonne et utile réforme pour le pays, c'était, quant à la taxe des lettres, la taxe à 20 centimes. Je l'ai dit expressément dans cette Chambre en novembre 1847. Je l'ai soutenu dans le cabinet lorsqu'il a été question de proposer le projet de loi à la Chambre et je l'ai proposé dans ces termes le 27 avril 1848. J'ai répété cette même opinion dans le cabinet dont je faisais partie quand il a été question de proposer la réforme de 1849 ; et par trois fois c'est à ce projet de réforme à 20 centimes que s'est arrêté le ministère du 12 août 1847.

C'est cette même taxe qui a été défendue au sein de la Chambre. La Chambre, il est vrai, non pas à une grande majorité, mais à la simple majorité de 46 voix contre 33, si je ne me trompe, la Chambre, qui croyait à des espérances qui ont été déçues, a adopté la taxe uniforme à 10 centimes ; et le cabinet s'est trouvé dans cette position : ou bien de n'avoir aucune espèce de réforme postale, aucune espèce d'amélioration dans le service, ou de porter au Sénat la décision de la Chambre. Le cabinet a porté loyalement cette décision de la Chambre au Sénat. J'ai ma part de responsabilité dans cet acte à raison de la solidarité qui unit tous les membres du cabinet ; mais mon opinion n'était pas changée.

Je suppose que l'honorable membre n'entend pas incriminer le fait d'avoir porté devant le Sénat la résolution de la Chambre. Mais, devant le Sénat, la résolution de la Chambre a échoué ; une proposition transactionnelle a été admise par tout le monde ; je la maintiens. Cette proposition transactionnelle consistait dans le système actuellement en vigueur, la taxe à 10 centimes pour les lettres transportées dans un rayon de 30 kilomètres et à 20 centimes pour les lettres transportées à une plus grande distance. Toutefois, le gouvernement était investi du pouvoir de réduire la taxe au taux uniforme de 10 centimes pour le cas où le produit net atteindrait la somme de deux millions. On entendait conserver ce revenu net de deux millions au trésor.

A en croire l'honorable membre, je ne serais point fidèle aux engagements qui ont été pris à cette époque ; je ne voudrais pas exécuter la promesse qui a été faite en 1849. L'honorable membre m'a donc bien mal compris hier. Je n'ai même voulu discuter ni la nature, ni les conséquences de ces promesses.

J'ai demandé, au contraire, a ceux qui ont voté la loi de 1849 d'être, eux, fidèles à leurs engagements. Je leur ai demandé de constater uniquement un fait : les conditions prévues par la loi sont-elles remplies, oui ou non ? Le but de la loi peut-il être atteint ? Et quelle est la question que vient poser devant vous l'honorable membre ? Il vient vous convier, incriminant notre attitude et jusqu'à notre langage, à défaire la loi de 1849, à voter purement et simplement sans examen, sans conditions, l'abaissement de la taxe à 10 centimes. Cela peut être son droit ; il peut avoir raison à son point de vue de proposer cette solution ; mais ce que je ne lui reconnais pas, c'est qu'il puisse s'arroger le droit, en prenant cette attitude, d'accuser le gouvernement de manquer à des engagements qui auraient été contractés.

M. le président. - La parole est à M. Orts.

- Plusieurs voix : La clôture !

M. Orts. - Je renonce à la parole.

- Voix nombreuses. - Aux voix ! aux voix !

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

M. le président. - Voici un amendement que vient de transmettre M. le ministre des finances :

« La taxe des lettres simples adressées aux soldats et sous-officiers sous les drapeaux, est fixée à 10 centimes, quelle que soit la distance parcourue. »

- Je vais mettre cet amendement aux voix.

M. B. Dumortier. - Je crois qu'il faut mettre d'abord aux voix l'amendement dé MM. Orts et Vandenpeereboom comme s'écartant le plus de la proposition primitive.

M. le président. - Voici cet amendement :

« Nous proposons à la Chambre de réduire le chiffre du budget de 100,000 francs. »

- Voix nombreuses. - L'appel nominal !

Il est procédé à l'appel nominal.

82 membres y prennent part.

17 membres votent pour l'amendement.

65 membres votent contre.

En conséquence l'amendement n'est pas adopté.

Ont voté pour l'amendement : MM. Goblet (Louis), Grosfils, Jacquemyns, Magherman, Manilius, Orts, Prévinaire, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Vermeire, Vervoort, David, Dechentinnes, De Fré, de Naeyer, Dumortier (Henri) et Goblet (Albert).

Ont voté contre l'amendement : MM. Godin, Jouret (Joseph), Jouret (Martin), Julliot, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau (Joseph), Malou, Mascart, Moncheur, Moreau, Muller, Neyt, Orban, Pierre, Pirmez, Pirson, Saeyman, Savart, Tack, Tesch, Thiéfry, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Vander Stichelen, Van Leempoel, Van Overloop, Verwilghen, Wala, Allard, Ansiau, Coppieters 't Wallant, Crombez, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Brouckere (Henri), de Decker, de Haerne, Deliége, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, Dubus, Dumortier (Barthélemy), d'Ursel, Faignart, Frère-Orban et Verhaegen.


M. le président. - Je mets aux voix l'amendement de M. le ministre des finances.

- Cet amendement est adopté.

Le chiffre relatif aux postes est adopté.

« Taxe des lettres et affranchissements : fr. 4,250,000. »

- Adopté.


« Port des journaux et imprimés : fr. 420,000. »

- Adopté.


(page 269) « Droits sur les articles d'argent : fr. 50,000. »

- Adopté.


« Emoluments perçus en vertu de la loi du 9 juin 1842 : fr. 80,000. »

- Adopté.

« Total : fr. 4,800,000. »

- Adopté.

Travaux publics

Marine

« Produit du service des bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres : fr. 140,000. »

- Adopté.

Discussion du tableau des recettes (III. Capitaux et revenus)

Travaux publics

Chemin de fer et télégraphes

« Chemin de fer : fr. 25,350,000. »

« Télégraphes électriques : fr. 450,000. »

M. Vermeire. - Messieurs, la loi qui a décrété l'établissement des chemins de fer a décidé que les péages seraient fixés par une loi. Depuis lors, le gouvernement a reçu des autorisations successives de fixer les tarifs des marchandises par arrêté royal.

Je crois que l'exploitation de nos chemins de fer est assez connue aujourd'hui pour que l'on puisse, sans inconvénient, saisir la Chambre d'un projet de loi qui règle le taux du transport des marchandises.

Je demande au gouvernement s'il croit pouvoir présenter dans cette session un projet de loi qui règle cette matière.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je doute fort que le moment soit venue de régler par une loi le tarif pour le transport des marchandises. L'expérience nous prouve que presque chaque jour ou est arrêté par des difficultés relatives aux tarifs. La nécessité oblige à des modifications soit partielles, soit générales, soit même à des changements de système.

On applique jusqu'à présent au chemin de fer des tarifs généraux, des tarifs internationaux qui peuvent varier singulièrement, des tarifs de concordance avec ceux des compagnies. Indépendamment de cela, on a encore introduit des tarifs spéciaux pour le transport des marchandises soit à raison de certaines quantités, soit à raison de certaines distances, avec des prix qui diffèrent de ceux des tarifs réguliers à l'intérieur, ou des tarifs internationaux, ou des tarifs généraux faits avec les compagnies.

A ce sujet de grandes difficultés se rencontrent. Vous avez entendu les réclamations venant de la chambre de commerce d'Anvers. Ces réclamations, signalant des faits spéciaux, mais qui touchent cependant au principe même du tarif.

On signale certaines anomalies résultant des tarifs internationaux ; mais pour les faire disparaître, ne faut-il pas abandonner les principes mêmes qui président aux tarifs différentiels ! J'ai, depuis quelque temps, donné des explications à la chambre de commerce d'Anvers sur ce point et je crois qu'elle a été frappée des faits que j'ai mis sous ses yeux. Dans ce moment nous sommes en correspondance afin détacher d'éclaircir la question, afin de chercher quels sont les moyens pratiques d'arriver à une solution.

Ce que j'indique est de nature à prouver à la Chambre et à l'honorable M. Vermeire que le moment n'est pas encore venu de régler par une loi le transport des marchandises.

Les mêmes difficultés se présentent à l'étranger. En France, l'honorable membre le sait, cette question des tarifs et des modifications à y introduire préoccupe tous les esprits et donne lieu aux plus vives controverses.

Je ne négligerai pas cependant d'examiner jusqu'à quel point on pourrait soumettre à la Chambre un projet de loi résolvant certaines questions de principes applicables aux tarifs.

- L'article est adopté.

Enregistrement et domaines

« Domaines (valeurs capitales) : fr. 850,000. »

- Adopté.


« Forêts : fr. 950,000. »

- Adopté.


« Dépendances des chemins de fer : fr. 90,000. »

- Adopté.


« Etablissements et services régis par l'Etat : fr. 500,000. »

- Adopté.


« Produits divers et accidentels : fr. 500,000. »

- Adopté.


« Produits des inscriptions universitaires : fr. 100,000. »

- Adopté.


« Revenus des domaines : fr. 250,000. »

- Adopté.

Trésor public

« Produits divers des prisons (pistoles, cantines, vente de vieux effets) : fr. 170,000. »

- Adopté.


« Produits de l'emploi des fonds de cautionnements et de consignations : fr. 790,000. »

- Adopté.


« Produit des actes des commissariats maritimes : fr. 50,000. »

- Adopté.


« Produit des droits de chancellerie : fr. 35,000. »

- Adopté.


« Produit des droits de pilotage : fr. 540,000. »

- Adopté.


« Produit des droits de fanal, : fr. 80,000. »

- Adopté.


« De la fabrication des monnaies de cuivre : fr. 180,000. »

- Adopté.


« Chemin de fer rhénan. Dividendes : fr. 232,500. »

- Adopté.


« Part réservée à l'Etat, par la loi du 5 mai 1850, dans les bénéfices réalisés par la Banque Nationale : fr. 450,000. »

- Adopté.

Discussion du tableau des recettes (IV. Remboursements)

Contributions directes, douanes et accises

« Prix d'instruments fournis par l'administration des contributions, etc. : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Frais de perception des centimes provinciaux et communaux : fr. 125,000. »

- Adopté.

Enregistrement et domaines

« Reliquats de comptes arrêtés par la cour des comptes. Déficit des comptables : fr. 30,000. »

- Adopté.


« Recouvrements d'avances faites par les divers départements : fr. 430,000. »

- Adopté.

Trésor public

« Recouvrements d'avances faites par le ministère de la justice aux ateliers des prisons, pour achat de macères premières : fr. 765,000. »

- Adopté.


« Remboursement, par les provinces, des centimes additionnels sur les non-valeurs de la contribution personnelle : fr. 29,000. »

- Adopté.


« Recettes accidentelles : fr. 100,000. »

- Adopté.


« Abonnement des provinces pour le service des ponts et chaussées : fr. 70,000. »

- Adopté.


« Abonnement des provinces, pour réparations d'entretien des maisons d'arrêt et de justice, achat et entretien de leur mobilier : fr. 24,800. »

- Adopté.


« Prélèvement sur les fonds de la caisse générale de retraite, à titre de remboursement d'avances : fr. 3,500. »

- Adopté.

« Recette du chef d'ordonnances prescrites de l'année 1854 : fr. 70,000. »

- Adopté.

Fonds spécial

« Produit des ventes de biens domaniaux, autorisées par la loi du 3 février 1843. »

- Adopté.

Discussion des articles

Articles 1 à 7

(page 270) La Chambre passe au texte du projet de budget.

« Art. 1er. Les impôts directs et indirects, existants au 31 décembre 1858, en principal et centimes additionnels ordinaires et extraordinaires, tant pour le fonds de non-valeurs qu'au profit de l'Etat, ainsi que la taxe des barrières, seront recouvrés, pendant l'année 1859, d'après les lois et les tarifs qui en règlent l'assiette et la perception.

« Le principal de la contribution foncière est maintenu, pour l'année 1859, au chiffre de 15,944,527 francs, et sera réparti entre les provinces, conformément à la loi du 9 mars 1848. »

- Adopté.


« Art. 2. Les droits d'entrée, de sortie, de transit et de tonnage, qui se subdivisent en droit principal et en centimes additionnels, en vertu des lois, des traités et des conventions de commerce actuellement en vigueur, constituent un droit principal, non passible d'additionnels.

« Toute fraction de centime, si elle résulte de l'application du paragraphe précédent aux droits établis par lesdits traités et conventions, sera supprimée dans les tableaux du tarif officiel. »

- Adopté.


« Art. 3. Les droits de timbre sur les quittances en matière de douane et d'accise, et les droits de timbre sur les permis de circulation sont supprimés. »

- Adopté.


L'amendement de M. le ministre des finances, qui a été adopté par la Chambre, formera l'article 4, il est ainsi conçu :

« Art. 4. La taxe des lettres simples, adressées aux soldats et sous-officiers sous les drapeaux, est fixée à dix centimes, quelle que soit la distance parcourue. »


Art. .4 (devenu art. 5) Le budget des recettes de l'Etat, pour l'exercice 1859, est évalué à la somme de 147,232,990 francs, et les recettes spéciales, provenant des ventes de biens domaniaux, autorisées par la loi du 5 février 1843, à la somme de 400,000 francs. »

- Adopté.


« Art. 5 (devenu art. 6). Pour faciliter le service du trésor, pendant le même exercice, le gouvernement pourra, à mesure des besoins de l'Etat, mettre en circulation des bons du trésor jusqu'à concurrence de la somme de 12,000,000 de francs. »

- Adopté.


Art. 6 (devenu art. 7). La présente loi sera obligatoire le ler janvier 1859.

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

La Chambre, consultée, décide qu'elle procédera séance tenante au vote sur l'ensemble du projet de loi.

L'amendement formant l'article 4 du texte du projet de budget est définitivement adopté.

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble.

76 membres sont présents.

2 membres (M. Faignart et Coomans) s'abstiennent.

74 membres répondent oui : MM. Louis Goblet, Godin, Grosfils, Jacquemyns, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Lange, le Bailly de Tilleghem, J. Lebeau, Magherman, Malou, Manilius, Mascart, Moncheur, Moreau, Muller, Neyt, Orban, Orts, Pierre, Pirmez, Pirson, Prévinaire, Saeyman, Savart, Thiéfry, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Stichelen, Van Leempoel, Van Overloop, Vermeire, Vervoort, Verwilghen, Wala, Allard, Ansiau, Coppieters 't Wallant, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, H. de Brouckere, Dechentinnes, de Decker, De Fré, de Haerne, Deliége, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smet, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Vrière, Dubus, H. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, A. Goblet et Verhaegen.

En conséquence, le projet de budget des voies et moyens pour l'exercice 1859 est adopté. Il sera transmis au Sénat.

Les deux membres qui se sont abstenus motivent leur abstention en ces termes :

M. Faignart. - Je n'ai pas voté pour le budget des voies et moyens par les motifs que j'ai fait valoir dans le discours que j'ai eu l'honneur de prononcer. Je n'ai pas voté contre, parce qu'il y a des recettes que j’approuve.

M. Coomans. - Messieurs, je ne me suis abstenu que pour avoir occasion de m'excuser, devant la Chambre, d'être arrivé trop tard pour prendre part au vote de l'amendement de l'honorable M. A. Vandenpeereboom, et de déclarer que mon vote aurait été approbatif.

Projet de loi accordant une indemnité au propriétaire du yacht l’Alma

Rapport de la section centrale

M. de Luesemans. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi accordant une indemnité de 25,000 fr. aux propriétaires du yacht anglais l’Alma.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi accordant une pension à la dame veuve Partoe

Vote des articles et sur l’ensemble

Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, on passe aux articles.

« Art. 1er. Une pension annuelle de trois mille francs est accordée, à dater du 1er novembre 1858, à la dame veuve Partoes née Hauwaert. »

- Adopté.


« Art. 2. Les crédits ouverts à l'article 24 du budget de la dette publique pour les exercices 1858 et 1859 sont respectivement augmentés de cinq cents francs et de trois mille francs.

« Ces augmentations de crédits seront couvertes au moyen des ressources ordinaires. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 79 membres qui ont pris part à l'appel nominal et qui sont :MM. L. Goblet, Godin, Grosfils, Jacquemyns, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, J. Lebeau, Magherman, Malou, Manilius, Mascart, Moncheur, Moreau, Muller, Neyt, Orban, Orts, Pierre, Pirmez, Pirson, Prévinaire, Saeyman, Savart, Tack, Thiéfry, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Stichelen, Van Leempoel, Van Overloop, Vermeire, Vervoort, Verwilghen, Wala, Allard, Ansiau, Coomans, Coppieters 't Wallant, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, H. de Brouckere, Dechentinnes, de Decker, De Fré, de Haerne, Deliége, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Vrière, Dubus, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, A. Goblet et Verhaegen.

Projet de loi ouvrant un crédit au budget du ministère des travaux publics

Vote des articles et sur l’ensemble

« Art. 1er. Il est ouvert au département des travaux publics un crédit de quatre mille trois cent seize francs (4,316 francs), destiné à subvenir aux dépenses occasionnées par les funérailles de M. J. Partoes, décédé ministre des travaux publics. »

- Adopté.


« Art. 2. Ce crédit, qui sera couvert au moyen des ressources ordinaires, sera rattaché, sous l'article 89, au budget du département des travaux public, pour l'exercice 1858. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet. Il est adopté à l'unanimité des 81 membres qui ont répondu à l'appel nominal.

Ont répondu à l'appel : MM.L. Goblet, Godin, Grosfils, Jacquemyns, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, J. Lebeau, Magherman, Malou, Manilius, Mascart, Moncheur, Moreau, Muller, Neyt, Orban, Orts, Pierre, Pirmez, Pirson, Prévinaire, Saeyman, Savart, Tack, Thiéfry, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Stichelen, Van Leempoel, Van Overloop, Vermeire, Vervoort, Verwilghen, Wala, Allard, Ansiau, Coomans, Coppieters 't Wallant, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, H. de Brouckere, Dechentinnes, de Decker, De Fré, de Haerne, Deliége, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smet, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Vrière, Dolez, Dubus, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, A. Goblet et Verhaegen.

Projet de loi réduisant le droit de patentes des bateliers

Discussion de l’article unique

« Article unique. Le droit de patente des bateliers indigènes et étrangers, établi par la loi du 19 novembre 1842, est réduit de 50 p. c. à partir du 1er janvier 1859.

« Les fractions inférieures à un centime, sur l'ensemble de la cotisation ainsi établie, sont négligées.

M. Savart, rapporteur. - Messieurs, j'espère qu'un projet de loi sur la diminution du droit de patente en faveur des bateliers sera accueilli avec sympathie sur tous les bancs de cette Chambre.

La mesure proposée n'a été frappée d'aucune opposition dans aucune des sections

Cette loi prouvera au pays, que si (pour me servir des expressions de M. De. Fré) l'honorable ministre des finances jette les fleurs à pleines mains, il présente aussi quelquefois des fruits.

L'adoption de la loi démontrera que dans cette enceinte toutes les opinions sont d'accord quand il s'agit de soulager des classes souffrantes et qu'il est possible de les soulager.

(page 271) M. Muller. - M. Muller. - A propos du projet qui nous est soumis, je crois devoir appeler l'attention de M. le ministre des finances sur un point qui dans la province de Liège et même dans les autres provinces a fait l'objet de réclamations assez vives de la part des bateliers. Il s'agit des bases adoptées pour fixer d'une part le droit de patente, c'est l'administration des droits de contributions directes qui procède au jaugeage ; il s'agit d'un autre côté du droit que prélèvent les percepteurs des péages et ces droits sont établis sur une capacité souvent différente de celle qui sert de base à la patente et qui a été fixée par le gouvernement.

Les bateliers ont d'une part un jaugeage officiel émanant du gouvernement, celui de l'administration des contributions ; ce jaugeage n'est pas reconnu par l'administration des ponts et chaussées. De là des difficultés assez graves auxquelles je crois que le gouvernement devrait tâcher d'obvier. J'appelle sur ce point, à l'occasion du projet relatif à la patente des bateliers, l'attention de M. le ministre des finances. Il serait important qu'il y eût quelque chose de fixe pour les bateliers et qu'après avoir fait jauger leurs bateaux par l'administration des contributions directes, l'administration des ponts et chaussées ne pût pas venir contester la capacité des bateaux et prétendre qu'elle est autre qu'elle n'a été fixée par une autre administration dépendant également du gouvernement.

Je sais que cela pourra présenter certaines difficultés dans l'exécution, mais je prie M. le ministre de vouloir bien ne pas perdre de vue cet objet important ; j'ai, du reste, appris dans la commission des péages que son administration s'en est occupée.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ferai examiner les faits et je verrai ensuite s'il y a possibilité de mettre en harmonie les deux jaugeages.

M. Prévinaire. - Je viens aussi appeler l'attention de M. le ministre des finances sur un objet important du service de la navigation des rivières et canaux.

Je veux parler du halage, c'est une des questions les plus importantes et les plus difficiles que présente la navigation des rivières et canaux, elle a donné lieu à l'application de systèmes différents. (Interruption.)

Il s'agit de l'intérêt des bateliers. M. Savart a caractérisé la loi en disant qu'elle porterait des fruits pour les bateliers, permettez-moi d'appeler l'attention du gouvernement sur une chose qui les intéresse.

M. H. Dumortier. - Mais il ne s'agit pas du halage.

M. Prévinaire. - Permettez-moi, je ne serai pas long ; j'aurais pu faire mes observations à propos du budget, mais si on ne m'avait pas interrompu j'aurais déjà fini. La question intéresse non seulement les bateliers, mais les propriétaires de bateaux et toutes les familles qui vivent de la navigation.

Le système du halage présente de sérieux inconvénients, en ce sens que le halage n'est pas assuré particulièrement sur le haut Escaut et qu'il dépend d'un bateau mal halé pour arrêter toute la navigation. Je sais que l'administration des ponts et chaussées s'est occupée des réclamations que ce service fait naître ; je prie M. le ministre d'en faire l'objet de ses prochaines études.

M. B. Dumortier. - J'ai demandé la parole quand j'ai entendu l'honorable M. Prévinaire dire que le système du halage sur l'Escaut laissait beaucoup à désirer, car s'il est une chose remarquable c'est la parfaite régularité avec laquelle a continué la navigation de l'Escaut malgré la pénurie d'eau, grâce aux soins intelligents de l'ingénieur qui réside à Tournai.

Je n'ai jamais entendu dire que le halage ait entravé la navigation de l'Escaut. J'ai été étonné d'apprendre ici ce que je n'avais jamais entendu dire à Tournai où j'habite.

Nous sommes saisis d'un projet de loi depuis longtemps réclamé pour améliorer le sort des bateliers, je le voterai de grand cœur, cependant je demanderai au gouvernement d'examiner la question sous un autre point de vue, mais je la lui soumettrai cependant.

En France les bateliers payent des droits en raison des distances parcourues et cela vaut infiniment mieux.

Dans certaines provinces, dans le Hainaut particulièrement, où les canaux restent parfois longtemps en stagnation par suite des nécessités des canaux eux-mêmes, les bateliers sont des mois entiers sans se livrer à la navigation, et pendant ce temps ils doivent payer une patente. Il me semble qu'il serait beaucoup plus juste que le droit de patente fût proportionné au parcours. C'est le vœu des bateliers, c'est leur désir.

Sans doute l'établissement de ce droit d'après le parcours présente des difficultés ; mais ne n'est pas une difficulté qui peut effrayer M. le ministre des finances et j'appelle son attention sur ce point.

Il me semble que le système que je propose serait une grande amélioration. Car les bateliers sont généralement très malheureux, surtout depuis l’établissement du chemin de fer, et lorsqu'ils restent six mois quelquefois sans naviguer, il n'est pas juste de leur faire payer une patente pour ce temps de chômage.

Il serait donc, à mon avis, préférable que la patente fût remplacée par un droit qui s'élèverait en raison de la distance parcourue. C'est la chambre de commerce de Mons qui a demandé l'établissement de ce système, et je saisis l'occasion du projet de loi en discussion, que j'approuve du reste de tout cœur, pour appeler l'attention du gouvernement sur ce point.

M. J. Jouret. - Je n'ai qu'une simple observation à faire. Dans les délibérations qui ont déjà eu lieu au sein de la commission instituée par le département des finances, il a été signalé qu'une certaine tolérance était accordée sur le jaugeage des navires, en ce sens que des navires ayant une jauge de 200 tonneaux, par exemple, recevaient une patente constatant qu'ils ne contiennent que 180 tonneaux. Je demande à M. le ministre des finances de faire autant que possible en sorte que, dans l'exécution de la loi, la déduction de 50 p. c. qui va être opérée ne soit pas diminuée, en ce sens que la tolérance dont je parle serait comprise dans ces 50 p. c. J'espère qu'il sera possible de ne pas frustrer les bateliers de la tolérance qu'on est dans l'habitude de leur accorder.

M. Coppieters ’t Wallant. - Je donnerai très volontiers mon assentiment au projet de loi en discussion, mais dans l'espoir exprimé par la section centrale que ce redressement partiel des griefs de certains patentables ne retardera en rien la présentation d'un projet de loi ayant pour objet la révision générale de notre législation des patentes. Je désirerais que M. le ministre des finances voulût bien s'expliquer à cet égard.

Ce vœu a été émis depuis nombre d'années par toutes les sections.

Dans la discussion du dernier budget des voies et moyens qui vient de se terminer, M. le ministre des finances nous a fait connaître quelles étaient ses intentions relativement à une répartition plus équitable de l'impôt foncier. Il nous a fait connaître également les intentions du cabinet quant à la révision du tarif des douanes. Mais il n'a rien dit relativement à la révision de notre législation sur les patentes. Cependant le rapport de la section centrale exprimait le vœu d'une très prochaine révision.

Aujourd'hui encore la section centrale qui a examiné le projet partiel de révision que nous allons voter, a renouvelé ce vœu.

Je désire donc que M. le ministre des finances, qui a déjà par devers lui les longues études qui ont été faites sur cette question, veuille bien nous donner quelques assurances à cet égard.

S'il n'est pas à même de le faire, je lui demanderai s'il verrait quelque inconvénient à ce qu'à l'occasion du projet actuel, par une dérogation à la loi générale, on fît droit à un grief qui a été exposé à la Chambre par l'administration communale de Bruges depuis bientôt six ans. Ce grief est le suivant : Par suite de la loi de 1819, la ville de Bruges se trouve, pour une partie assez importante de ses patentables, assimilée à la ville puissante et industrieuse de Liège. Ce grief a été reconnu par toutes les administrations comme très réel, et il a été répondu à la ville de Bruges qu'on chercherait à le redresser lors de la révision de la loi générale des patentes.

Il me semble que puisque aujourd'hui on fait droit à un grief très fondé des bateliers, on pourrait sans inconvénient faire droit également aux plaintes de la ville de Bruges. Il n'en résulterait pour le trésor qu'une perte de quelques milliers de francs, et ce serait un encouragement donné à une ville qui fait les efforts les plus louables pour relever son industrie et son commerce. Ce serait un acte de justice dont nos administrés sauraient gré au gouvernement.

Je demande donc à M. le ministre des finances de nous faire connaître si nous pouvons espérer la présentation prochaine d'une loi générale sur les patentes, et dans la négative, s'il verrait des inconvénients à la présentation d'un amendement qui dès à présent placerait la ville de Bruges au troisième rang pour l'application du tarif des patentes.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai reçu des travaux assez considérables sur la législation des patentes. Ce sont, sans doute, les travaux qui avaient été annoncés par mon honorable prédécesseur. Je n'ai pas eu jusqu'à présent le loisir de les examiner, et je ne pourrais pas indiquer à la Chambre le moment précis où il serait possible de déposer un projet de loi de révision des patentes. Mais je le déclare à l'honorable M. Coppieters, dès que je pourrai soumettre une proposition à la Chambre, je me hâterai de le faire.

Je sais que depuis longtemps la révision de la législation sur les patentes est demandée, qu'elle a été promise, qu'elle est attendue par la Chambre, et je ne négligerai rien pour qu'elle se fasse aussi promptement que possible.

Je présume que la déclaration que je viens de faire satisfera l'honorable M. Coppieters et le portera à renoncer à la proposition qu'il indique et qui ne pourrait pas, en tout cas, figurer dans le projet de loi que nous discutons en ce moment. Ce projet de loi est spécial ; il est relatif à la patente des bateliers. On ne pourrait y introduire des dispositions relatives à d'autres lois auxquelles on dérogerait, d'autant moins qu'il s'agirait de prononcer sur des faits que la Chambre ne connaît pas et sur lesquels je ne pourrais moi-même l'éclairer en ce moment.

L'honorable M. B. Dumortier a parlé de la nécessité d'alléger la patente des bateliers pour les temps de chômage. L'exemption existe aujourd'hui pour les temps de chômage. Il y a des réductions de ce chef. Sous ce rapport donc la législation répond aux vœux de l'honorable membre.

Il demande autre chose ; c'est que l'on substitue au droit de patente, un droit qu'il n'a pas clairement défini et qui serait perçu à raison des distances. C'est là un système différent de celui qui est actuellement en vigueur, ce serait, si je ne me trompe, le système même des péages. (Interruption.) En France les deux choses existent, les péages (page 272) sur les rivières et la patente des bateliers ; celle-ci est même plus onéreuse en France et en Hollande, qu'elle ne le sera pour les bateliers belges si la Chambre adopte le projet qui lui est soumis.

Quant à l'observation présentée par l'honorable M. Jouret relativement à la tolérance dont on userait à l'égard du jaugeage des bateaux, c'est un fait sur lequel je ne puis pas m'expliquer maintenant et sans l'avoir d'abord vérifié.

Je puis dire seulement, d'une manière générale que bien certainement, alors que nous faisions une loi pour réduire de 50 p. c. le droit de patente des bateliers, réduction qui diminuera de 160,000 francs le revenu annuel du trésor, sur une seule industrie, on n'ira pas apporter dans l'exécution de la loi une rigueur qui pouvait donner lieu à des plaintes fondées.

Je ne puis pas en dire davantage sur ce point, dans l'impossibilité où je suis de m'expliquer sur un fait qui n'est pas à ma connaissance.

M. Allard. - J'ai demandé la parole quand j'ai entendu l'honorable M. Jouret vous dire qu'il existait une tolérance quant au jaugeage des bateaux.

S'il en est ainsi, je ne suis plus étonné d'un fait qui se passe et dont je dois entretenir la Chambre ; c'est que l'extracteur de houille est souvent fort étonné de voir qu'au lieu de 70 tonneaux les bateaux en contiennent quelquefois 80.

Cela ne doit être attribué qu'à la tolérance dont a parlé l'honorable M. Jouret.

Eh bien, je demande que cette tolérance disparaisse ou bien que les bateaux ne puissent contenir que la quantité indiquée parle jaugeage.

M. Coppieters ’t Wallant. - Je regrette de n'avoir pu obtenir de M. le ministre des finances une réponse plus explicite quant à la présentation d'un projet de révision générale de la loi en vigueur sur les patentes. Je le regrette d'autant plus, que personne n'ignore que la question est à l'étude depuis bien longtemps déjà ; un travail assez complet doit même exister au département des finances, puisque l'honorable prédécesseur de M. le ministre actuel avait positivement promis à la Chambre de présenter un projet de loi dans la session de 1856-1857. Je ne comprends pas qu'un projet qui doit être élaboré depuis si longtemps ne puisse pas nous être présenté sinon immédiatement du moins très prochainement. Quant à l'amendement que j'avais laissé entrevoir, je crois que je serais parfaitement fondé à le proposer ; je crois que je pourrais le présenter en toute sécurité sans m'exposer au reproche de proposer quelque chose qui n'aurait pas directement rapport au projet de loi en discussion ; car le droit de patente des bateliers fait aussi partie de notre législation générale sur les patentes.

Or, si l'on déroge à cette loi pour les bateliers, pourquoi ne pourrait-on pas y déroger également pour telle ou telle autre catégorie de patentables qui ont des droits tout aussi incontestables à un dégrèvement ?

Je renonce cependant à présenter un amendement en ce sens, parce que, privé de l'appui du gouvernement, je crois qu'il n'aurait guère de chance de réussir ; mais je fais de nouveau les plus vives instances auprès de M. le ministre des finances pour qu'il fasse en sorte que la Chambre puisse être très incessamment saisi d'un projet de révision générale.

M. H. de Brouckere. - Les observations présentées par les honorables MM. Jouret et Muller sont parfaitement justes ; et si elles ont rencontré un contradicteur dans l'honorable M. Allard, c'est, je pense, parce que cet honorable membre n'a pas bien compris ce qui a été dit. Voici le fait ; il est bien simple : un bateau se jauge d'abord pour le droit de péage qu'il a à supporter ; ce jaugeage est fait inexactement. Il y a ensuite un second jaugeage pour établir le droit de patente ; celui-là se fait d'après une expertise et.il est généralement admis dans la pratique que ce second jaugeage se fait avec une certaine tolérance, de manière qu'il ne répond pas parfaitement au premier.

Eh bien, les honorables MM. Jouret et Muller ont exprimé à M. le ministre des finances le désir que les bateliers continuent à jouir de l'espèce de faveur qui leur a été généralement accordée jusqu'aujourd'hui quant au droit de patente, et je me joins à eux pour demander qu'il en soit ainsi.

Mais, messieurs, j'ai une autre demande à faire à M. le ministre des finances ; cette demande, la voici ; elle rentre également dans les désirs des honorables préopinants. C'est que cette tolérance soit en quelque sorte régularisée, de telle manière qu'elle soit la même pour tout le monde. Cela mettrait un terme à toutes les plaintes qui ont surgi jusqu'à présent.

Messieurs, nous comprenons très bien que cette tolérance ne peut pas être inscrite dans la loi ; nous comprenons que ce n'est pas à la loi de dire comment et dans quelle proportion elle sera accordée ; il suffit pour cela d'une simple instruction ministérielle.

Je fais donc à M. le ministre des finances, d'accord avec nos deux honorables collègues, cette double demande : que la tolérance continue à être accordée et qu'elle soit en quelque sorte régularisée pour qu'elle soit la même pour tout le monde.

Je ne sollicite aucune espèce de réponse de la part de M. le ministre des finances, j'ai la plus grande confiance dans son esprit d'équité et je suis persuadé que les difficultés qui ont été signalées ne tarderont pas à disparaître.

M. de Muelenaere. - Je remercie M. le ministre des finances des explications qu'il a bien voulu fournir à la Chambre. J'espère qu'il pourra bientôt donner suite aux bonnes intentions qu'il a manifestées. Le projet de loi dont la Chambre s'occupe en ce moment est lui-même une preuve de l'urgence qu'il y a de s'occuper de la révision générale de la loi sur les patentes. Cette loi est déjà très ancienne ; elle date de plus de 35 ans. Il est évident que, depuis lors, il y a eu des changements et des transformations très considérables dans plusieurs branches d'industrie du pays. Je crois donc qu'une foule d'industries pourraient faire valoir aujourd'hui absolument les mêmes considérations que celles qui militent en faveur des bateliers, pour obtenir un dégrèvement du droit de patente. Le sacrifice que le gouvernement propose est considérable ; c'est un sacrifice annuel de 160.000 fr. pour le trésor.

Cependant tout le monde est disposé à l'accepter en votant le projet de loi, parce que M. le ministre des finances nous a dit dans son exposé des motifs que la mesure était réclamée par la nécessité de rétablir l'égalité proportionnelle en matière d'impôt.

Eh bien, je crois que le même argument pourrait être invoqué par beaucoup d'autres industries qui se trouvent aujourd'hui dans des conditions tout à fait différentes de celles où elles étaient quand la loi sur les patentes a été votée.

Je recommande donc cet objet à la sollicitude toute particulière de M. le ministre des finances.

M. Savart. - L'honorable M. Dumortier a demandé une diminution en faveur des bateaux condamnés au chômage. (Interruption.) Il aura perdu de vue sans doute qu'il est déjà satisfait à cette demande par l'article 33 de la loi sur les patentes.

Ainsi, du moment qu'un navire a chômé un mois, il y a diminution d'un douzième du droit de patente.

Mais j'ai demandé la révision générale de la loi des patentes. Messieurs, la loi des patentes n'est pas une de ces lois qui de leur nature sont fixées et immuables. Dans une certaine période d'années, des branches de commerce qui avaient été florissantes sont flétries ; de nouvelles industries naissent, d'autres meurent. Des industries qui étaient en décadence deviennent prospères et celles qui étaient prospères tombent en décadence. Il faut donc une révision périodique.

Messieurs, depuis 1820, on a toujours demandé la révision de la loi des patentes. La loi de 1823 n'était qu'une loi transitoire et avait été faite en attendant la révision générale. Une section des états généraux demandait même que cette loi ne fût en vigueur que pour un an, afin de forcer le gouvernement à en venir en 1824 à une révision générale de la loi des patentes.

Cette révision est une œuvre difficile qui exigera de longues et pénibles études. Des matériaux considérables doivent être amassés dans les bureaux de M. le ministre des finances, et je ne puis que l'engager vivement à s'occuper de cette révision avec énergie et activité.

- La discussion est close.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article unique du projet. Il est adopté à l'unanimité des 76 membres présents.

Ce sont : MM. L. Goblet, Godin, Grosfils, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Magherman, Malou, Manilius, Mascart, Moncheur, Moreau, Muller, Orban, Orts, Pierre, Pirmez, Pirson, Prévinaire, Saeyman, Savart, Tack, Tescb, Thiéfry, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Stichelen, Van Leempoel, Van Overloop, Vermeire, Verwilghen, Wala, Allard, Ansiau, Coomans, Coppieters 't Wallant, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, H. de Brouckere, Dechentinnes, De Fré, de Haerne, Deliége, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, de Smet, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dolez, Dubus, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, A. Goblet et Verhaegen.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - L'ordre du jour appelle maintenant la discussion du Code pénal (titre IV, livre II). (Interruption.)

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je demande que la discussion du Code pénal commence lundi prochain.

M. Savart. - J'allais faire une proposition contraire et demander que cette discussion soit reportée à la fin de l'ordre du jour. (Non ! non !)

Vous dites non ! non ! et vous n'avez pas entendu mes raisons. Selon moi, il serait très avantageux de ne nous occuper du code pénal que lorsque le rapport sur la totalité du code sera présenté, parce que le code forme un ensemble, et que vous ne pouvez vous livrer à une discussion fructueuse, lorsque vous ne voyez pas l'ensemble et la concordance des articles les uns avec les autres.

Plusieurs articles ont été renvoyés à la commission et peuvent être modifiés ; nous sommes donc dans le vague.

Voilà pourquoi je demande la remise de cette discussion.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ferai d'abord remarquer que les codes qui nous régissent ont été présentés et votés, livre par livre, titre par titre. Il serait impossible d'ailleurs de comprendre dans une seule discussion, un rapport en six cents, mille ou deux mille (page 273) articles. Il faudrait des années d'étude s'il fallait, comme le veut l'honorable M. Savart, en posséder l'ensemble et les détails.

Le premier livre a été voté depuis assez longtemps.

Trois titres ont été votés dans le courant de cette session. Mais je ne vois pas de raison pour ne pas continuer la marche qui a été suivie jusqu'à présent. Le rapport sur le titre IV, livre II, est fait. Si l'on devait attendre tous les rapports sur les autres titres, nous ajournerions peut-être, et sans utilité, cette discussion à la session prochaine.

D'un autre côté j'insiste, et j'insiste très vivement pour que cette discussion soit commencée lundi.

S'il avait même été possible d'interrompre l'examen du budget des voies et moyens, j'aurais prié la Chambre de m'accorder un jour pour répondre aux incroyables accusations qui ont été dirigées contre des dispositions déjà votées et que ne peuvent s'être permises que des hommes qui n'ont lu ni l'exposé des motifs, ni le texte du projet, ni le rapport de la commission, ni le texte du code pénal actuel.

C'est ce que je désire démontrer, et il me tarde que je puisse le faire le plus tôt possible.

- Plusieurs membres. - A lundi !

- D'autres membres. - A mardi.

M. le président. - Pourquoi à mardi ?

M. de Bronckart. - Messieurs, on demande que la séance soit fixée à lundi ; bon nombre de membres demandent que la séance soit fixée à mardi. M. le président fait une question que je comprends parfaitement : pourquoi mardi ? Parce que je crains que lundi nous ne soyons pas en nombre. Je suis prêt à venir lundi, cela ne me gênera en aucune manière ; mais je connais plusieurs membres de la Chambre qui ont un véritable empêchement pour lundi et qui ne pourront pas venir. Si l'on décide qu'il y aura séance lundi, je prierai alors M. le président, de vouloir bien insister pour que les membres qui n'ont pas un empêchement absolu se rendent lundi à Bruxelles pour siéger.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je n'ai pas de préférence pour lundi ou pour mardi, mais si je devais en avoir une, ce serait pour mardi. En effet, on discute en ce moment et on discutera lundi au Sénat le projet de loi sur les conseils de prud'hommes et je suis dans le cas de prendre part à cette discussion. Néanmoins si la Chambre décide qu'il y aura séance lundi, je demande qu'avant tout elle s'occupe du Code pénal.

Si l'on prévoyait que cette discussion dût mener très loin, on pourrait après la discussion générale, remettre le débat sur les articles jusqu'après les vacances de janvier ; et alors la Chambre pourrait, avant sa séparation, voter le budget des affaires étrangères. (C'est cela !)

M. B. Dumortier. - Messieurs, je ne m'oppose pas à ce qu'on entame la discussion du Code pénal, surtout dans le sens que M. le ministre de la justice vient d'indiquer, je me rallie d'autant plus volontiers à cette dernière proposition, que nous n'avons plus que cinq séances avant les vacances de Noël. Puisque des membres désirent que le Code pénal ne vienne que mardi, on pourrait discuter lundi le budget des affaires étrangères.

- Un membre. - Le rapporteur n'est pas présent.

M. B. Dumortier. - Il faut éviter de tomber dans les crédits provisoires, et il est évident que le budget du ministère des affaires étrangères doit être voté le plus tôt possible par la Chambre, pour que le Sénat puisse le voter lui-même avant le 1er janvier.

M. Dolez. - Messieurs, je voulais seulement faire remarquer, en ce qui concerne la fixation à mardi, du budget des affaires étrangères, que je ne suis pas bien certain que l'honorable rapporteur puisse être présent. Il est retenu par un douloureux événement de famille.

M. H. Dumortier. - Je voulais présenter la même observation. Le budget des affaires étrangères contient différentes augmentations de traitement ; il y a encore d'autres questions qui exigeront des éclaircissements. Je désirerais, pour ma part, que l'honorable rapporteur, qui est très au courant de ces matières, fût présent.

M. Coppieters ’t Wallant. - Messieurs, il me semble impossible qu'il n'y ait pas de séance lundi. Nous sommes dans l'habitude de nous séparer vers les fêtes de Noël.

Il faudra donc nécessairement que la Chambre s'ajourne jeudi prochain au plus tard. Or, si nous devons nous séparer mercredi ou jeudi, il n'est pas admissible que nous n'ayons pas de séance lundi.

Quant à l'absence de l'honorable rapporteur du budget des affaires étrangères, le motif qui le tient éloigné de la Chambre est connu de tous ses collègues, la perte qu'il a faite est trop récente pour que nous puissions espérer qu'il sera de retour à Bruxelles mardi plutôt que lundi ; il ne reviendra certainement à son poste qu'après les prochaines vacances. Il serait donc inutile d'ajourner à mardi la discussion du budget des affaires étrangères ; et puisqu'il n'y a pas de séance demain, chacun de nous pourra se préparer pour la discussion de lundi.

M. de Theux. - On prétend que l'honorable rapporteur de la section centrale du budget des affaires étrangères ne pourra venir qu'après les vacances de la nouvelle année. Cependant il y a un grand inconvénient à ce que ce budget ne soit pas voté avant le 1er janvier. Il me semble que la section centrale pourrait se réunir lundi et désigner l'un de ses membres pour soutenir la discussion, en lieu et place de l'honorable rapporteur M. Van Iseghem.

M. Orts. - Messieurs, il y a des précédents. Ce n'est pas la première fois qu'un empêchement met un rapporteur dans l'impossibilité de se présenter et chaque fois la Chambre a reconnu la nécessité de passer outre.

Moi-même, je me suis trouvé dans cette position. J'étais rapporteur d'un projet de loi important ; une maladie me retenait chez moi ; eh bien, qu'a-t-on fait ? Le président de la commission s'est chargé à ma place, des fonctions de rapporteur. C'était l'honorable M. M. de Brouckere.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, ainsi que je le disais tantôt, je n'insiste pas pour qu'il y ait séance lundi ; si la Chambre désire ne siéger que mardi, je n'y fais pas d'objection ; mais si l'on tient séance lundi, je demande que la Chambre s'occupe du Code pénal ce jour-là.

- La Chambre, consultée, décide qu'elle aura séance lundi et que le premier objet à l'ordre du jour sera le Code pénal (titre IV, livre II).

- La séance est levée à 4 heures et demie.