(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)
(page 97) (Présidence de M. Orts, premier vice-président.)
M. Crombez fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Moor lit le procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Crombez présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Delsalle demande que son fils soit libéré de la peine à laquelle il a été condamné par le tribunal d'Anvers. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Meynders, curé-aumônier en retraite, ancien professeur au séminaire de Liège, demande la révision de sa pension. »
- Même renvoi.
« Le sieur Vues, ancien militaire, demande un emploi dans l'administration des finances ou bien une gratification. »
- Même renvoi.
« Les commissaires de police faisant fonctions d'officier du ministère public près les tribunaux de simple police, dans la province de Luxembourg, prient la Chambre de régulariser leur position. »
- Même renvoi.
« Le sieur Hanssens, ancien jardinier à l'école de médecine vétérinaire de l'Etat, demande la continuation du secours qui lui a été accordé par le département de l'intérieur. »
- Même renvoi.
« Le sieur Gobier, garde champêtre de la commune d'Harmignies, combattant de la révolution, demande une pension du chef de ses services militaires. »
- Même renvoi.
t Le sieur Degrave demande que des mesures soient prises pour faire renouveler l'eau des canaux du Furnes-Ambacht. »
- Même renvoi.
« La dame Sempoux, veuve du sieur Wilputte, demande qu'il soit accordé un congé à son fils Nicolas, milicien de la levée de 1855. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Louvain demandent l'impression du rapport de la commission royale relatif aux réclamations concernant la langue flamande. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« L'administration communale de Boitshoucke demande qu'il soit pris des mesures pour faire renouveler l'eau des fossés qui longent les pâtures dans cette commune. »
« Même demande de l'administration communale d'Oostdunkerke. »
- Même renvoi.
« Le sieur Victor Faider demande une loi qui établisse l'égalité entre tous les électeurs, qui assure la probité des élections, la sincérité des votes et garantisse la liberté des électeurs. »
- Même renvoi.
« Le sieur Van Cleemputte, ancien officier des volontaires et de la garde civique, demande une récompense pour services rendus à la cause nationale. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des employés de la direction du trésor, à Gand, prient la Chambre de statuer sur leur demande tendante à obtenir une amélioration de position. »
- Même renvoi.
« Le sieur Joachim Goossaert, brigadier au premier régiment d'artillerie, né à Gand, demande à recouvrer la qualité de Belge qu'il a perdue en prenant du service militaire à l'étranger. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, sept demandes de naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« M. de Smedt, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »
- Ce congé est accordé.
M. Moreau. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le budget des voies et moyens pour l'exercice 1859.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de révision du Code pénal (livre II, titre III).
M. le ministre de la justice se rallie-t-il au projet du gouvernement ?
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je consens à ce que la discussion soit ouverte sur le projet présenté par la commission.
La plupart des articles, presque tous, ont été arrêtés de commun accord entre la commission et le gouvernement.
Lorsque je ne serai pas d'accord, j'aurai l'honneur d'en prévenir.
M. le président. - D'après la déclaration de M. le ministre de la justice, la discussion s'ouvre sur le projet de la commission.
- Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la Chambre passe à la délibération sur les articles.
« Art. 179. Quiconque aura contrefait les monnaies d'or ou d'argent ayant cours légal en Belgique, sera puni des travaux forcés de dix à quinze ans. »
M. Muller. - Je demande la parole pour prier M. le ministre de la justice de bien vouloir s'expliquer sur le point de savoir s'il est d'accord avec la commission en ce qui constitue les éléments essentiels de la contrefaçon et notamment quant à l'exemple dont il est question au rapport, et sur lequel une divergence d'appréciation est accusée entre le gouvernement et la section centrale. Il importe pour les tribunaux qu'il n'y ait pas de doute à cet égard après le vote de la loi.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Après un examen fait en commun, je me suis mis parfaitement d'accord sur ce point avec la commission dont je partage l'opinion.
- L'article est adopté.
« Art. 180. Sera puni de la réclusion, celui qui aura altéré des monnaies d'or ou d'argent ayant cours légal dans le royaume. »
- Adopté.
« Art. 181. Celui qui aura contrefait des monnaies d'autre métal ayant cours légal en Belgique, sera puni d'un emprisonnement d'un à trois ans, et pourra en outre être condamné à l'interdiction conformément à l'article 44 et placé pendant cinq à dix ans sous la surveillance de la police.
« La tentative de contrefaçon sera punie d'un emprisonnement de trois mois à deux ans.
« Celui qui aura altéré des monnaies de cette espèce, sera condamné à un emprisonnement de six mois à un an. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me rallie en partie à cet article.
Je m'y rallie en ce qui concerne la réduction des peines ; mais je demande que l'individu déclaré coupable de tentative de contrefaçon puisse également être condamné à l'interdiction conformément à l'article 44 et placé pendant cinq à dix ans sous la surveillance de la police.
L'individu qui a tenté de contrefaire de la monnaie est toujours un homme dangereux, sur lequel il est indispensable qu'on puisse exercer une surveillance très suivie.
Je demande donc que le paragraphe premier se termine aux mots : « sera puni d'un emprisonnement d'un an à trois ans ».
Viendrait ensuite le deuxième paragraphe, et le troisième serait ainsi conçu :
« Les coupables pourront en outre être condamnés à l'interdiction conformément à l'article 44 et placés pendant cinq à dix ans sous la surveillance de la police. »
Ensuite le quatrième paragraphe : « Celui qui aura altéré des monnaies de cette espèce sera condamné à un emprisonnement de six mois à un an. »
L'interdiction serait ainsi applicable aux paragraphes premier et 2. Elle formerait l'objet d'un troisième paragraphe, et le quatrième s'appliquerait à celui qui a altéré des monnaies.
M. Pirmez, rapporteur. - Messieurs, la proposition de M. le ministre de la justice est une amélioration ; la Chambre pourrait l'adopter sauf rédaction.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Le paragraphe relatif à l'interdiction, pourrait devenir le paragraphe 4, et alors on dirait : « Dans les cas prévus par les paragraphes 1 et 2, etc. »
M. Muller. - Messieurs, l'article 181 renferme un paragraphe où il est parlé de la tentative de contrefaçon ; cela ne doit-il pas former une disposition isolée qui s'appliquerait également aux article 179 et 180 ?
M. Pirmez, rapporteur. - Messieurs, l'observation de l'honorable M. Muller tombe complétement en présence des dispositions du livre I du projet de Code pénal, qui a déjà été voté par la législature. L'article 179 prononce une peine criminelle, il en est de même de l’article 180 ; or, lorsque (page 98) un fait est un crime, il est de droit que la tentative de ce fait est punissable. Dans l'article 181, au contraire, il ne s'agit que d’un délit et la tentative d'un délit n'est pas, en général, frappée d'une peine. Elle ne l'est que lorsqu'elle est prévue par une disposition particulière.
Il résulte de là que les articles179 et 180 ne devaient pas s'occuper de la tentative des crimes qu'ils prévoient pour que celle-ci soit soumise à une répression, tandis qu'une disposition expresse était indispensable pour que la contrefaçon des monnaies de cuivre, qui n'est qu'un délit, ne demeure pas impunie.
M. Muller. - Je remercie l'honorable rapporteur de l'explication qu'il vient de donner et qui me satisfait complétement.
Je prie seulement la Chambre de m'excuser : je n'en faisais pas encore partie quand ou a discuté le premier livre du Code pénal.
- L'article 181 est adopté avec la modification proposée par M. le ministre de la justice.
« Art. 182. Toute personne qui aura contrefait des monnaies d'or ou d'argent n'ayant pas cours légal dans le royaume, sera punie de la réclusion. »
- Adopté.
« Art. 183. Celui qui aura altéré des monnaies d'or ou d'agent n'ayant pas cours légal dans le royaume, sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans, et il pourra de plus être condamné à l'interdiction conformément à l'article 44 et à la surveillance spéciale de la police pendant cinq à dix ans. »
- Adopté.
« Art. 184. Celui qui aura contrefait des monnaies d'autre métal n'ayant pas cours légal dans le royaume, sera condamné à un emprisonnement de six mois à deux ans.
« La tentative de contrefaçon de ces monnaies sera punie d'un emprisonnement d'un mois à un an, et l'altération d'un emprisonnement de deux mois à six mois. »
- Adopté.
« Art. 185. Seront punis des peines portées par les articles précédents et d'après les distinctions qui y sont établies, ceux qui, de concert avec les faussaires ou leurs complices, auront participé soit à l'émission ou à la tentative d'émission desdites monnaies contrefaites ou altérées, soit à leur introduction sur le territoire belge, ou à la tentative de cette introduction. »
- Adopté.
« Art. 186. Quiconque, sans être coupable de la participation énoncée au précédent article, se sera procuré avec connaissance des pièces de monnaie contrefaites ou altérées, et les aura remises en circulation, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à trois ans ; il pourra en outre être condamné à l'interdiction, conformément à l’article 44. »
M. Muller. - Messieurs, à l'article 184 on punit d'un emprisonnement de 6 mois à 3 ans celui qui a contrefait ou altéré des monnaies de métal de cuivre n'ayant pas cours légal en Belgique. A l'article 185 on punit ceux qui, de concert avec les faussaires ou leurs complices, auront participé soit à l'émission ou à la tentative d'émission de monnaies contrefaites ou aliénées.
Dans ces articles, on ne prononce pas la peine de l'interdiction contre celui qui contrefait et altère, ni contre celui qui, par complicité, contribue à l'émission des monnaies, tandis qu'à l'article 186 celui qui se sera borné avec connaissance, mais sans cependant être complice, à émettre des pièces de cuivre contrefaites peut être puni de l'interdiction. Je crois qu'il y a dans le rapprochement de ces dispositions une anomalie sur laquelle j'appelle l'attention de la commission et de M. le ministre de la justice.
Je vois ici un délit qualifié moins gravement en dernier lieu et cependant ayant un surcroît de pénalité ; si, dans ce dernier cas, l'interdiction peut être prononcée, elle devait l'être aussi aux articles 184 et 183.
On me dira que l'article 196 est général, et qu'il s'applique à l'émission de toutes les monnaies, qu'elle aient cours légat ou non en Belgique. S'il en est ainsi, on devrait au moins établir cette distinction dans le texte, de la loi.
M. Pirmez, rapporteur. - Messieurs, il est bien aisé d'écarter le reproche d'inconséquence que l'honorable M. Muller fait aux articles 184 et 186.
L'article 184 s'occupe exclusivement de la contrefaçon, de la tentative de contrefaçon, et de l'altération des monnaies étrangères qui ne sont ni d'or ni d'argent ; l'article s'applique donc à des monnaies qui ont pour nous le moins de valeur. Les peines que l'article prononce sont d'abord l'emprisonnement d'un mois à deux ans pour la contrefaçon, l'emprisonnement d'un mois à un an pour la tentative de contrefaçon, et l'emprisonnement de deux mois à six mois pour l'altération. Le maximum de ces peines s'élève donc à 2 ans.
Dans cet article n'est pas mentionnée la faculté de prononcer l'interdiction. Dans l'article 186, au contraire, il est question de l'émission de toutes les monnaies d'or et d'argent ayant cours légal ou non en Belgique, mais seulement lorsque cette émission n'est pas faite de concert avec les faux monnayeurs. La peine prononcée est l'emprisonnement d'un mois à trois ans.
Le juge peut en outre prononcer l'interdiction dont parle l'article 44.
Comme vous le voyez, messieurs, il n'y a aucune espèce de rapport entre les dispositions de ces deux articles.
Tandis que le premier est restreint aux monnaies étrangères de moindre valeur, le second s'applique même aux monnaies nationales d'or et d'argent.
Aussi quoique le fait même soit moins grave en soi dans le premier que dans le dernier, la peine de celui-ci est plus forte à raison de l'objet sur lequel ce fait s'exerce.
Dans l'article 186 la peine peut s'élever à trois ans d'emprisonnement, tandis que dans l'article 184 le maximum est de deux ans. Ainsi donc et avec raison le fait prévu, et la peine prononcée par l'article 186 sont plus graves que le fait et la peine de l'article 184. Qu'y-a-t-il dès lors d'étonnant que la faculté de prononcer l’interdiction soit ajoutée à la pénalité du délit le plus dangereux à celui qui est puni de l'emprisonnement le plus long ?
L'article 184 prononce la peine de deux ans, l'article 186 prononce la peine de trois ans ; s'il faut ajouter l'interdiction quelque part, c'est-à-dire introduire une disposition de défiance vis-à-vis du coupable, n'est-ce pas à l'égard de celui qui tombe sous l'application de l'article 186.
L'affirmative est incontestable et répond, ce me semble, péremptoirement à l'observation de l'honorable M. Muller.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'ajouterai une observation à celle que vient de l'aire l'honorable M. Pirmez. Dans les cas de l'article 185, il peut arriver que le coupable soit puni d'une peine criminelle, de la réclusion ou des travaux forcés ; or en vertu d'une disposition générale du livre premier, les tribunaux peuvent prononcer l'interdiction dans les cas où la loi commine une peine criminelle ; il serait donc surabondant de respecter à chaque article qui prononce une peine de cette nature que le coupable pourra être en outre puni de la peine de l'interdiction.
(page 109) M. Muller. - J'avais prévu la réponse de l'honorable M. Pirmez ; mais il en résulte toujours qu'aux termes de l'article 186 vous pourrez frapper d'un mois à trois ans de prison et de l'interdiction conformément à l'article 44 un individu qui aurait émis, sans complicité, de la monnaie de cuivre étrangère fausse. Je dis que, selon moi, il eût été préférable de préciser, et comme vous avez toujours distingué entre l'émission des monnaies de cuivre et l'émission des monnaies d'argent, de le faire également dans cet article ; car vous ne contesterez pas qu'on pourrait punir d'une manière plus rigoureuse celui qui se serait borné à introduire en Belgique des monnaies de cuivre fausses que celui qui serait complice de contrefaçon.
(page 98) M. Pirmez, rapporteur. - Messieurs, il y a une remarque essentielle à faire ici. Notre article prévoit un cas qui ne se présentera presque jamais.
Voici quel est le système du projet qui nous est soumis en ce qui concerne l'émission de la fausse monnaie.
Le projet fait trois catégories de faits d'émission. L'article 183 punit l'émission faite de concert avec les faux monnayeurs ; la peine est celle prononcée contre la fabrication de la fausse monnaie.
L'article 186 suppose que ce concert n'existe pas, qu'il n'y a aucune entente contre celui qui émet et celui qui a fabriqué la fausse monnaie ; comme on ne peut apercevoir dans ce cas entre eux aucune espèce de complicité, le fait est incontestablement moins grave, la peine est au maximum de 3 ans d'emprisonnement. Quels seront les cas où cela pourrait se présenter ?
Nous pouvons citer celui où, après avoir dérobe de la fausse monnaie reposant dans un greffe où elle reposait comme pièce de conviction, on la remettrait en circulation ; celui où l'on rechercherait des pièces fausses (recherches bien dangereuses), pour les remettre ensuite en circulation comme bonnes.
L'art. 187 punit enfin celui qui, ayant reçu de la fausse monnaie pour bonne, la remet dans le commerce.
Telles sont les trois hypothèses prévues par le nouveau Code.
Les deux hypothèses qui se présenteront fréquemment sont celle de l'émission de concert avec les faux monnayeurs et celles de la monnaie fausse reçue pour bonne et remise ensuite en circulation ; pour la deuxième hypothèse, il suffit évidemment d'examiner les cas qu'elle renferme pour se convaincre qu'elle ne recevra presque jamais d'application.
Mais est-il nécessaire d'entrer dans de nombreuses distinctions sur les diverses espèces d'un fait qu'on a dû prévoir plus pour l'honneur des principes que pour les nécessités de la pratique ?
Mais dans tous les cas, je ne crains pas de le déclarer, on échouerait en essayant de reproduire pour le cas de l'article 184 les distinctions faites pour la falsification des monnaies ; en voici la raison :
Le projet, lorsqu'il s'agit de la falsification des monnaies, offre une latitude de peines immense ; ces peines varient depuis un mois de prison jusqu'aux travaux forcés d'une durée de 15 ans.
Il a donc été possible, de choisir dans cette longue échelle de pénalités, le degré le mieux en rapport avec chaque nuance de l'infraction de fausse monnaie.
Ici, il s'agit d'une matière infiniment moins grave, où le maximum de la peine, dans le système même du projet du gouvernement, ne peut excéder cinq années d'emprisonnement.
Eh bien, s'il fallait rappeler toutes les diversités d'espèces, dont les premiers articles ont tenu compte, on arriverait à voir toutes les pénalités resserrées nécessairement au-dessous de ce temps maximum, se toucher sans séparation sensible, en sorte que quelques mois d'emprisonnement formeraient toute l'importance de ces distinctions.
Il me paraît donc que le projet englobe sagement, dans une seule disposition, toute espèce d'émission qui ne se fait pas de concert avec de faux monnayeurs. Le juge, en présence de la latitude que lui laisse la loi, verra sur quelle monnaie le délit a été commis et proportionnera la peine (page 99) à la gravité du fait. S'il ne s'agit donc que des monnaies qui ont le moins de valeur, celles dont parle l'article 184, par exemple, il est évident qu'il s'écartera du maximum de la peine qui ne serait bien appliqué que relativement aux monnaies nationales d'or et d'argent.
Il arrive très fréquemment que le législateur ne peut suivre pour toutes les infractions les distinctions qu'il admet pour les plus graves d'entre elles. La gravité du fait lui donne de l'espace pour établir ces distinctions ; lorsque cette gravité disparaît, les termes extrêmes de l'importance de l'infraction se rapprochent, et il fait mieux alors délaisser au juge le soin d'apprécier des différences trop peu sensibles pour prendre place dans la loi.
Ces considérations me paraissent devoir faire adopter l'article que nous discutons.
« Art. 187. Celui qui, ayant reçu pour bonnes des pièces de monnaie contrefaites ou altérées, les aura réalisés en circulation, après en avoir vérifié ou fait vérifier les vices, sera puni d'une amende de vingt-six francs à mille francs. »
- Adopté.
« Art. 188. Ceux qui se rendront coupables de fraude dans le choix des échantillons destinés, en exécution de la loi monétaire, à la vérification du litre et du poids des monnaies fabriquées, seront condamnés aux travaux-forcés de quinze à vingt ans, si les échantillons étaient des monnaies d'or ou d'argent ; à la réclusion, si c'étaient des pièces d'or ou d'autre métal. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il y a une faute d'impression dans la dernière ligne ; il y est dit ; « si c'étaient des pièces d'or ou d'autre métal » ; les mots « d'or ou » doivent être supprimés.
- L'article ainsi rectifié est adopté.
« Art. 189. Seront punis des travaux forcés de quinze à vingt ans, ceux qui auront contrefait ou falsifié, soit des effets émis par le trésor royal avec son timbre, soit des billets de banques autorisés par la loi. »
- Adopté.
« Art. 190. Ceux qui auront contrefait ou falsifié soil des obligations au porteur de la dette publique d'un pays étranger, soit des coupons d'intérêt afférents à ces titres, soit des billets de banque au porteur dont l’émission est autorisée par une loi ou par une disposition ayant force de loi d'un pays étranger, seront punis des travaux forcés de dix à quinze ans. »
- Adopté.
« Art. 191. Seront punis des peines portées par les articles précédents et d'après les distinctions qui y sont établies, ceux qui, de concert avec les faussaires ou leurs complices, auront participé soit à l'émission ou à la tentative d'émission de ces obligations, coupons ou billets contrefaits ou falsifiés, soit à leur introduction on Belgique, ou à la tentative de cette introduction. »
- Adopté.
« Art. 192. Quiconque, sans la participation énoncée au précédent article, se sera procuré avec connaissance et aura émis ces obligations, coupons ou billets contrefaits ou falsifiés, sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans. »
- Adopté.
« Art. 193. Celui qui, ayant reçu pour bons des obligations, coupons ou billets contrefaits ou falsifiés, les aura remis en circulation après en avoir vérifié les vices, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an, ou d'une amende de cinquante francs à mille francs. »
M. Muller. - A l'article 187, on a dit : « Après avoir vérifié ou fait vérifier les vices ». Ici on supprime cette seconde alternative. Je crois qu'il faut une rédaction uniforme pour l'un et l'autre article.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Effectivement il faut dire aussi à cet article : « après en avoir vérifié ou fait vérifier ».
- L'article ainsi modifié est adopté.
M. Pirmez, rapporteur. - Par suite des modifications adoptées par la commission, le mot « marteaux » doit disparaître de l'article.
- La suppression du mot marteaux est adoptée.
« Art. 194. Seront punis des travaux forcés de dix à quinze ans, ceux qui auront contrefait le sceau de l'Etat, ou fait usage du sceau contrefait. »
- Adopté.
« Art. 195. Seront punis de la réclusion :
« Ceux qui auront contrefait ou falsifié, soit un ou plusieurs timbres nationaux, soit les poinçons servant à marquer les matières d’or ou d'argent ;
« Ceux qui auront fait usage des timbres ou poinçons contrefaits ou falsifiés ;
« Ceux qui auront sciemment exposé en vente des papiers ou des matières d'or ou d'argent, marqués d'un timbre ou d'un poinçon contrefait ou falsifié.
« Ceux qui auront contrefait les coins destinés à la fabrication des monnaies. »
- Adopté.
« Art. 196. Si les marques apposées par le bureau de garantie ont été frauduleusement appliquées sur d'autres objets, ou si ces marques ou l'empreinte du timbre ont été contrefaites sans emploi d'un poinçon ou d'un timbre contrefaits, les coupables seront punis d'un emprisonnement de deux mois à trois ans, et pourront être condamnés à l'interdiction conformément à l'article 44. »
- Adopté.
« Art. 197. Celui qui, s'étant procuré avec connaissance du papier marqué d'un timbre contrefait ou falsifié, en aura fait usage, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à six mois. »
- Adopté.
« Art. 198. Sera puni de deux mois à trois ans d'emprisonnement, et pourra être condamné à l'interdiction conformément à l'article 44 :
« Celui qui aura contrefait des coupons servant au transport des personnes ou des choses sur le chemin de fer de l'Etat ou des compagnies concessionnaires, ou qui aura fait usage du coupon contrefait ;
« Celui qui aura contrefait les marques destinées à être apposées, au nom du gouvernement, sur les diverses espèces de denrées ou de marchandises, ou qui aura fait usage des marques contrefaites ;
« Celui qui aura contrefait le sceau, timbre ou marque d'une autorité quelconque, d'un établissement privé, de banque, d'industrie ou de commerce ou d'un particulier, ou qui aura fait usage des sceaux, timbres ou marques contrefaits.
« La tentative de ces délits sera punie d'un emprisonnement de un mois à un an.
« Le coupable pourra, en outre, être condamné à l'interdiction, conformément à l'article 44. »
- Adopté.
« Art. 199. Sera puni d'un emprisonnement de deux mois à trois ans, quiconque s'étant indûment procuré les vrais sceaux, timbres, poinçons et marques ayant l’une des destinations exprimées aux articles 195 et 198, en aura fait une application ou un usage préjudiciable aux droits ou aux intérêts de l'Etat, d'une autorité quelconque, ou même d'un particulier.
« La tentative de ce délit sera punie d'un emprisonnement de un mois à un an. »
- Adopté.
« Art. 200. Seront punis d'un emprisonnement de deux mois à trois ans ceux qui auront contrefait les timbres-poste nationaux ou étrangers, ou qui auront sciemment exposé en vente ou mis en circulation des timbres-poste contrefaits.
« La tentative de contrefaçon sera punie d'un emprisonnement de un mois à un an.
« Dans tous les cas, le coupable pourra de plus être condamné à l'interdiction conformément à l'article 44. »
- Adopté.
« Art. 201. Ceux qui s'étant procuré avec connaissance des timbres-poste contrefaits, en auront fait usage, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à un mois. »
- Adopté.
« Art. 202. Seront punis d'une amende de vingt-six francs à trois cents francs, ceux qui auront fait usage soit d'un timbre-poste ayant déjà servi à l'affranchissement d'une lettre, soit d'un coupon ayant déjà servi au transport des personnes ou des choses sur un chemin de fer de l'Etat ou d'une compagnie concessionnaire, après avoir fait disparaître la marque attestant qu'ils ont déjà servi. »
- Adopté.
(page 100) « Art. 203. Quiconque aura soit apposé, soit fait apparaître par addition, retranchement, ou par une altération quelconque, sur des objets fabriqués, le nom d'un fabricant nuire que celui qui en est l'auteur, ou la raison commerciale d'une fabrique autre que celle de la fabrication, sera puni d'un emprisonnement de un mois à six mois.
« La même peine sera prononcée contre tout marchand, commissionnaire ou débitant quelconque, qui aura sciemment exposé en vente ou mis en circulation des objets marqués de noms supposés ou altérés. »
- Adopté.
« Art. 204. Les personnes coupables des infractions mentionnées aux articles 179 à 185 inclus, 188 à 191 inclus, et au dernier alinéa de l'article 195, seront exemptes de peines, si, avant toute émission de monnaies contrefaites ou des papiers contrefaits ou falsifiés et avant toutes poursuites, elles en ont donné connaissance et révélé les auteurs aux autorités constituées.
« Elles pourront néanmoins être mises, pendant cinq ans au plus, sous la surveillance de la police. »
- Adopté.
« Art. 205. Les faux ayant pour objet des écritures ou des dépêches télégraphiques, et commis dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, seront punis conformément aux articles suivants.
- Adopté.
« Art. 206. Tout fonctionnaire ou officier public qui, dans l'exercice de ses fonctions, aura commis un faux,
« Soit par fausses signatures,
« Soit par altération des actes, écritures ou signatures,
« Soit par supposition de personnes,
« Soit par des écritures faites ou intercalées sur des registres ou d'autres actes publics, depuis leur confection ou clôture ;
« Sera puni des travaux forcés de dix à quinze ans. »
- Adopté.
« Art. 207. Sera aussi puni des travaux forcés de dix à quinze ans, tout fonctionnaire ou officier publie qui, en rédigeant des actes de son ministère, en aura dénaturé la substance ou les circonstances,
« Soit en écrivant des conventions autres que celles qui auraient été tracées ou dictées par les parties,
« Soit en constatant comme vrais des faits qui ne l'étaient pas. »
- Adopté.
« Art. 208. Seront punies de la réclusion, les antres personnes qui auront commis un faux en écriture authentique et publique, et toutes personnes qui auront commis un faux en écriture de commerce, de banque ou en écriture privée,
« Soit par fausses signatures,
« Soit par contrefaçon ou altération d'écritures ou de signatures,
« Soit par fabrication de conventions, dispositions, obligations ou décharges, ou par leur insertion après coup dans les actes,
« Soit par addition ou altération de clauses, de déclarations ou de faits que ces actes avaient pour objet de recevoir et de constater. »
- Adopté.
« Art. 209. Sera puni comme faussaire, conformément aux dispositions de la présente section, celui qui aura écrit, au-dessus d'un blanc-seing une obligation ou décharge, ou tout acte pouvant compromettre la personne ou la fortune du signataire, soit que le blanc-seing lui ait été confié ou non. »
- Adopté.
« Art. 210. Dans tous les cas exprimés dans la présente section, celui qui aura fait usage de l'acte faux ou de la pièce fausse sera puni comme s'il était auteur du faux. »
- Adopté.
« Art. 211. Quiconque aura fabriqué un faux passe-port, ou falsifié un passe-port originairement véritable, on aura fait usage d'un passe-port fabriqué ou falsifié, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an. »
- Adopté.
« Art. 214. Quiconque aura pris dans un passe-port un nom supposé, ou aura concouru comme témoin à faire délivrer le passe-port sous le nom supposé, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à six mois.
- Adopté.
« Art. 213. L'officier public qui, étant instruit de la supposition du nom, aura néanmoins délivré le passe-port sous le nom supposé, sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans. »
- Adopté.
« Art. 214. Quiconque aura fabriqué une fausse feuille de route, ou falsifié une feuille de route originairement véritable, ou aura fait usage d'une feuille de route fabriquée ou falsifiée, sera puni, savoir :
« D'un emprisonnement d'un mois à un an, si la fausse feuille de route n'a eu pour objet que de tromper la surveillance de l'autorité publique ;
D'un emprisonnement de six mois à trois ans et de l'interdiction, conformément à l’article 44, si le porteur de la fausse feuille a perçu ou réclamé des frais de route qui ne lui étaient pas dus ou qui excédaient ceux auxquels il pouvait avoir droit.
- Adopté.
« Art. 215. Toute personne qui se sera fait délivrer, par l'officier public, une feuille de route sous un nom supposé ou en prenant une fausse qualité, sera punie, savoir :
« Dans le premier cas prévu par l'article précédent, d'un emprisonnement de huit jours à six mois ;
« Dans le second cas du même article, d'un emprisonnement de trois mois à deux ans, et elle pourra être condamnée à l'interdiction conformément à l'article 44.
- Adopté.
« Art. 216. Si l'officier public était instruit de la supposition de nom ou de qualité, lorsqu'il a délivré la feuille, il sera puni, savoir :
« Dans le premier cas prévu par l'article 214, d'un emprisonnement de six mois à trois ans ;
« Dans le second cas du même article, d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans. »
- Adopté.
« Art. 217. Toute personne qui, pour se rédimer elle-même ou affranchir une autre d'un service dû légalement ou de toute autre obligation imposée par la loi, aura fabriqué, sous le nom d'un médecin, chirurgien ou autre, officier de santé, un certificat de maladie ou d'infirmité, sera punie d'un emprisonnement de trois mois à trois ans. »
« Art. 218. Tout médecin, chirurgien ou autre officier de santé qui, pour favoriser quelqu'un, aura certifié faussement des maladies ou infirmités propres à dispenser d'un service dû légalement ou de toute autre obligation imposée par la loi, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un an.
« S’il a eu pour but de procurer l'exemption de la milice, la peine sera l'emprisonnement de un à trois ans.
« Dans l'un et l'autre cas, s'il a été mû par dons ou promesses, il sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans ; il pourra de plus être condamné à l'interdiction conformément à l'article 44. »
- Adopté.
« Art. 219. Quiconque aura fabriqué, sous le nom d'un fonctionnaire ou officier public, un certificat attestant la bonne conduite, l'indigence ou toute autre circonstance propre à appeler la bienveillance de l'autorité publique ou des particuliers sur la personne y désignée, et à lui procurer places, crédit ou secours, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an. »
- Adopté.
« Art. 220. Ceux qui auront fabriqué, sous le nom d'un fonctionnaire ou officier public, des certificats de toute autre nature pouvant compromettre des intérêts publics ou privés, seront punis d'un emprisonnement de six mois à cinq ans, et pourront de plus être condamnés à l'interdiction conformément à l'article 44. »
- Adopté.
(page 101) « Art. 221. Les peines portées par les articles 217, 219 et 220, seront appliquées, selon les distinctions qui y sont établies : 1" à celui qui aura falsifié un certificat originairement véritable, pour l'approprier à une personne autre que celle à laquelle il a été primitivement délivré ; 2° à tout individu qui se sera servi du certificat ainsi fabriqué ou falsifié. »
- Adopté.
« Art. 222. Tout fonctionnaire ou officier public qui, dans l'exercice de ses fonctions, aura délivré un faux certificat, falsifié un certificat originairement véritable, ou fait usage d'un certificat fabriqué ou falsifié, sera puni de la réclusion. »
- Adopté.
« Art. 223. Ceux qui auront concouru comme témoins à faire délivrer un faux certificat par une autorité publique, seront punis d'un emprisonnement de trois mois à trois ans.
« S'ils se sont laissé corrompre par dons ou promesses, ils seront punis d'un emprisonnement de six mois à cinq ans, et ils pourront être interdits conformément à l'article 44. »
- Adopté.
« Art. 224. Sera puni comme faussaire, conformément aux dispositions de la présente section, celui qui aura écrit au-dessus d'un blanc-seing un faux certificat pouvant compromettre des intérêts publics ou privés, soit que le blanc-seing lui ait été confié ou non ; ou qui aura fait usage du certificat ainsi fabriqué. »
- Adopté.
« Art. 225. Les logeurs et aubergistes qui auront sciemment inscrit sur leurs registres, sous des noms faux ou supposés, les personnes logées chez eux, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à trois mois. »
- Adopté.
« Art. 226. Les employés et agents d'un service télégraphique, qui auront commis un faux dans l'exercice de leurs fonctions, en fabriquant des dépêches télégraphiques ou en falsifiant les dépêches télégraphiques qu'ils étaient chargés de transmettre ou de recevoir, seront condamnés à un emprisonnement de un an à trois ans, s'ils sont attachés à un établissement privé, et de deux ans à cinq ans, s'ils sont employés ou agents du gouvernement. »
- Adopté.
« Art. 227. Les peines portées par l'article précédent seront appliquées sans préjudice de peines plus fortes, conformément aux dispositions de la première section du présent chapitre, dans les cas où les employés ou agents du service télégraphique auraient commis un faux en écriture dans l'exercice de leurs fonctions.
M. Pirmez, rapporteur. - Messieurs, je demanderai de tenir l'article 227 eu réserve et de le renvoyer à l'examen de la commission.
Cet article porte que si un employé du service télégraphique commet un faux en écritures en même temps qu'un faux dans la transmission électrique d’ne dépêche, les peines portées contre ce dernier fait n'empêcheront pas celles qui frappent le faux en écritures d'être appliquées.
C'est là une vérité incontestable répétée dans plusieurs endroits du Code. La Chambre a déjà renvoyé à la commission un article du titre II qui la consacrait, parce qu'il peut y avoir du danger à formuler cet article dans certains cas, qui par-là deviendrait douteux dans d'autres.
Je crois, messieurs, qu'il y aura lieu d'insérer dans le premier livre du Code que l'on doit réviser, une disposition proclamant le principe d'une manière générale. Il faudrait qu'il fût déclaré que, lorsqu'un fait tombe sous le coup de deux articles du Code, la peine la plus forte peut toujours lui être appliquée, en sorte que le concours pour un même fait de deux qualifications légales ne peut empêcher la plus grave de lui être appliquée.
Dans tous les cas, la Chambre ne fera que suivre sa première décision en renvoyant l'article à la commission.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je demande avec l'honorable rapporteur le renvoi de l'article 227 à la commission. Après un nouvel examen de cette disposition qui se rattache à un article semblable, déjà renvoyé, j'incline à penser qu'il y a lieu de rédiger, comme vient de le dire l'honorable M. Pirmez, un article général qui serait placé au titre I.
- Le renvoi de l'article 227 à la commission est prononcé.
M. Pirmez, rapporteur. - Messieurs, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre un article additionnel qui serait ainsi conçu :
« Tout officier ministériel qui, dans l'exercice de ses fonctions, aura commis un faux sans l'intention frauduleuse, ou le dessein de nuire dont il est parlé à l'article 205, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à deux mois et d'une amende de deux cents francs à mille francs. »
Voici quelle est la portée de cette disposition. L'article 205 porte :
« Les faux ayant pour objet des écritures ou des dépêches télégraphiques, et commis dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, seront punis conformément aux articles suivants. »
D'après cette disposition développée par la doctrine et la jurisprudence, trois conditions sont nécessaires pour que le faux soit punissable.
Il est nécessaire qu'il y ait altération de la vérité, qu'elle ait été commise dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, et enfin qu'elle soit de nature à porter préjudice à autrui.
Une question très grave s'est élevée sur la portée de la seconde condition.
La voici :
Lorsqu'un officier ministériel affirme des faits faux dans un acte de son ministère, mais uniquement pour s'affranchir des obligations que la loi lui impose sans avoir pour but de dépouiller injustement une tierce personne, doit-il être considéré comme agissant frauduleusement et en conséquence peut-il être punissable d'après les termes de l'article ?
Je précise la question par un exemple.
Un huissier est chargé de signifier un exploit ; il inscrit dans l'exploit q’ il a réellement remis lui-même la copie de l'exploit à la partie signifiée, parlant à sa personne pour employer l'expression usitée ; or, cet huissier, au lieu d'avoir porté lui-même la signification, a trouvé quelqu'un se rendant dans la localité où il devrait aller, et pour éviter la démarche dont il touche cependant les émoluments, lui a confié l'exploit, avec charge de le remettre au signifié.
Eh bien, dans ce cas, l'attestation de l'huissier, qu'il a lui-même remis l'exploit, parlant à personne, constitue-t-elle un faux ?
L'altération de la vérité existe incontestablement. Il n'y a nul doute possible non plus sur la possibilité du préjudice. Les conséquences du fait de l'huissier peuvent être graves. Le signifié faute d'avoir reçu l'exploit peut encourir une condamnation par défaut ; s'il s'agit de la signification d'un jugement, il peut être privé du droit de former opposition et peut-être par suite perdre irréparablement un procès important.
Deux des trois conditions nécessaires se rencontrent donc. Et est-il de même de l'invention frauduleuse ? Telle est la question. Remarquons toujours bien que nous supposons que le but de l'huissier n'a pas été de soustraire l'exploit à la connaissance de la partie (ce qui enlèverait toute difficulté), mais d'éviter un déplacement tout ou en touchant le salaire. Cette question revient en définitive à savoir si la volonté de frauder la loi, de réaliser un bénéfice, par cette fraude à la loi, peut constituer l'intention frauduleuse, ou si elle n'existe que lorsque le but de l'agent est de procurer à soi-même ou à autrui un bénéfice illégitime en dépouillant un tiers.
La jurisprudence s'est déjà occupée maintes fois de cette question. La cour de cassation de France a rendu des décisions très nombreuses sur des faits identiques ou complétement analogues ; ses décisions sont dans un désaccord marquant, en sorte que l'on trouve à peu près le même nombre d'arrêts qui admettent que l'intention frauduleuse existe, qu'on en trouve qui portent que l'intention frauduleuse n'existe pas.
La commission a été saisie de cette question par la présentation de mon amendement ; il y a eu partage : deux voix l'ont accueilli, deux l'ont rejeté, un cinquième membre s'est abstenu ; de sorte que l'amendement s'est trouvé rejeté par égalité.
La Chambre a maintenant à vider le partage en se prononçant sur l'amendement que je viens d'avoir l'honneur de lui soumettre.
Voici les motifs qui me paraissent l'appuyer.
Il serait incontestablement très rigoureux d'appliquer la peine des travaux forcés à un officier ministériel qui aurait commis un des actes dont nous nous occupons, parce que ces actes, quelque répréhensibles et quelque dangereux qu'ils soient, ne revêtent pas les caractères d'un dol criminel.
C'est la gravité de cette peine qui, sans doute, a décidé une partie de la jurisprudence à ne pas admettre que le faux existe pleinement dans le cas dont il s'agit. D'un autre côté il est grave de ne pas voir un délit dans le fait d'un officier ministériel ayant altéré la vérité qu'il a pour mission spéciale de constater, d'assurer, qui atteste faussement les faits auxquels il doit donner l'authenticité.
Tels sont donc les extrêmes en présence desquels nous nous trouvons : ou appliquer la peine criminelle, ou n'appliquer aucune peine proprement dite en laissant ces faits sous la seule répression des mesures disciplinaires.
La peine criminelle est inadmissible parce qu'il est impossible de confondre l'officier ministériel qui n'a commis qu'un acte, d'une extrême et dangereuse négligence, avec celui qui aurait été faussaire pour dépouiller un tiers.
L'absence de peine ne peut non plus se concilier avec l'importance des intérêts en jeu, les dangers que présentent les faits que nous signalons, et l'immoralité de la fausse déclaration d'un officier public.
Mon amendement a pour but d'éviter les deux extrémités également fâcheuses.
Une peine correctionnelle atteindrait les faits dont j’ai parlé ; cette peine serait un emprisonnement de huit jours à deux mois et de 500 fr. à 1,000 fr.
(page 102) Cette modification au projet écarterait la rigueur des peines criminelles en frappant dans une sage mesure des faits contre lesquels la législation pénale doit prémunir la fortune des citoyens
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Quoique la commission se soit déjà occupée de la question, je demande que l'amendement lui soit renvoyé.
Elle était à peine en nombre quand elle l'a examiné, elle pourra se compléter, et se prononcer sur l'amendement. J'en ferai de mon côté l'objet d'un sérieux examen.
- Le renvoi à la commission est ordonné.
« Art. 228. L'application des peines portées contre ceux qui auront fait usage de monnaies, effets, billets, coupons, sceaux, timbres, poinçons, marques et écrits, contrefaits, fabriqués ou falsifiés, n'aura lien qu'autant que ces personnes auront fait usage de la chose fausse, dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire. »
- Adopté.
« Art. 229. Dans tous les cas prévus aux quatre chapitres qui précèdent, il pourra être prononce une amende de vingt-six francs au moins et dont le maximum sera de 500 fr. lorsque le fait est puni de l'emprisonnement, de 1,500 fr., lorsqu'il est puni de la réclusion, et de 3,000 fr., lorsqu'il est puni des travaux forcés.
M. Pirmez, rapporteur. - La commission a apporté une modification assez notable au système du projet dans l'article 229. Le gouvernement ne s'est pas rallié à la rédaction primitive de la commission ; dans un entretien que nous avons eu avec M. le ministre de la justice, nous sommes tombés d'accord sur une rédaction nouvelle, savoir :
« Dans tous les cas prévus aux quatre chapitres qui précèdent, il sera prononcé une amende de vingt-six francs à mille francs lorsque le fait est puni de l'emprisonnement, de deux cents francs à deux mille francs lorsqu'il est puni de la réclusion, et de 500 francs à cinq mille francs lorsqu'il est puni des travaux forcés »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'amende croît en raison des peines corporelles ; et de facultative, elle a été rendue obligatoire.
- L'article 229 nouveau est mis aux voix et adopté.
M. Van Overloop. - Le chapitre V traite du faux témoignage en matière criminelle, correctionnelle, de police et civile : il commine des peines contre le coupable de subornation de témoins ; il traite de la peine prononcée contre celui à qui le serment aurait été déféré ou référé en matière civile et qui aura fait un faux serment ; enfin, il prononce contre les témoins et les jurés qui auront allégué une excuse reconnue fausse une peine d'emprisonnement de 8 jours à deux mois, outre les amendes prononcées pour la non comparution.
Je ne sais si ce chapitre V est complet. L'article 230 et tous les articles relatifs au faux témoignage ne sont, d'après la jurisprudence, applicables qu'aux individus qui ont fait un faux témoignage à l'audience et non aux individus qui ont fait un faux témoignage devant le juge d'instruction.
Je ne sais pas jusqu'à quel point il ne serait pas utile de comminer également une pénalité contre les individus qui, après avoir prêté serment devant le juge d'instruction, donnent un faux témoignage. Ce fait me semble excessivement grave. Aujourd'hui, d'après la jurisprudence existante, aucune pénalité n'est applicable de ce chef. Je doute qu'une telle lacune puisse être maintenue. J'en doute d'autant plus que, aux termes de l'article 241, les témoins et les jurés qui auront allégué une excuse reconnue fausse seront condamnés, outre les amendes prononcées par la non-comparution, à un emprisonnement de 8 jours à 2 mois.
Ainsi, le témoin qui, pour ne pas comparaître en justice, alléguerait une excuse qui, plus tard, serait reconnue fausse, serait passible des peines que je viens de rappeler, et il n'existerait aucune pénalité contre l'individu qui, après avoir prêté serment, ferait un faux témoignage devant le juge d'instruction ! Cependant, il est bien plus grave, me semble-t-il, de faire un faux témoignage que d'invoquer un prétexte pour ne pas comparaître en justice. Il y a là, selon moi, sinon une contradiction du moins une lacune dans le projet de loi.
Remarquez, messieurs, que le faux témoignage devant le juge d'instruction peut entraîner les conséquences les plus fâcheuses ; par suite d'un faux témoignage d'un individu innocent peut-être, détenu préventivement pendant fort longtemps ; de même, un individu coupable peut être relâché ; de sorte que la lacune que je signale peut avoir pour effet ou bien de compromettre la liberté d'un innocent, ou bien de compromettre l'ordre social par la mise en liberté d'un coupable.
Une autre observation que j'ai à présenter est relative à l'article 240. Aux termes de cet article : « Celui à qui le serment aura été déféré ou référé en matière civile et qui aura fait un faux serment, sera puni a un emprisonnement d'un an à cinq ans et de l'interdiction, conformément à l'article 44. »
Pour être passible de la peine comminée par l'article 240, il faut donc que le serment ait été déféré ou ait été référé en matière civile. Cependant, il est d'autres cas que celui prévu par l'article 240, où l'on a recours au serment et où, par conséquent, il peut être prêté un faux serment.
Ne serait-il pas juste d'infliger également une pénalité à l'individu qui aurait fait un faux serment dans ces cas ? Je m'explique.
Aux termes de l'article 55 du Code de procédure, il est permis aux parties qui comparaissent en conciliation de se déférer le serment. Si le serment est prêté, le juge en donne acte ; si on refuse de le prêter, le juge fait mention du refus. Je suppose maintenant que le serment soit prêté et qu'il soit ensuite reconnu faux : de quelle peine le coupable de ce faux serment sera-t-il passible ? Je doute qu'on puisse lui appliquer la peine comminée contre ceux qui prêtent un faux serment dans les cas prévus par les articles 1358 et suivants et 1366 et suivants du Code civil. L'article 240, qui n'est que la répétition de l'article 366 du Code pénal actuel, ne garantit, je pense, la sincérité du serment, que dans les cas prévus par les articles 1358 et suivants et 1366 et suivants, et, en matière pénale, on ne peut procéder par analogie. Au surplus, je n'émets qu'une opinion.
Autre cas, l'article 2 de l'arrêté du 4 novembre 1814 est ainsi conçu : « En matière civile ou de commerce, toute partie qui sera interrogée sur faits et articles ou même d'office par les juges, prêtera serment avant que de répondre. »
Or, je suppose qu'une personne après avoir prêté serment, réponde à l'interrogatoire contrairement à la vérité. Evidemment, elle se rend coupable d'un faux serment, et cependant, messieurs, elle ne pourra être poursuivie de ce chef. Ne voudrait-il pas mieux, je le demande, de supprimer le serment comme moyen légal, d'arriver à la découverte de la vérité si l'efficacité n'en est pas garantie par l'application d'une pénalité quelconque ?
Si l'on était certain que le faux serment prêté en conciliation est passible d'une peine, il se pourrait qu'on recourût plus souvent à ce moyen pour terminer les procès à leur naissance.
Je ne sache pas qu'aujourd'hui l'on défère souvent le serment en conciliation. Pourquoi ? N'est-ce pas parce qu'on croit que le faux serment prêté dans ces circonstances n'est pas punissable et parce qu'on sait bien que, quand on a affaire à un individu d'assez mauvaise foi pour nier sa dette, il ne reculera pas devant un faux serment.
Si, au contraire, on était sûr que le serment prêté en conciliation a pour sanction une pénalité, on y regarderait à deux fois avant de prêter un faux serment et un grand nombre de procès, renvoyés aujourd'hui devant les tribunaux, seraient peut-être évités.
De même en matière d'interrogatoire sur faits et articles, si une peine était applicable à celui qui aurait répondu mensongèrement, je crois que l'interrogatoire deviendrait un mode d'instruction très fréquent parce qu'il est plus prompt et infiniment moins dispendieux que les modes d'instruction usuels ; et l'ordre public, qui est intéressé à ce qu'il y ait le moins de procès possible, y trouverait un avantage incontestable.
Comme nous n'avons eu que peu de temps pour examiner le projet en discussion, et comme je n'ai pas fait partie de la commission qui l'a examiné, je n'ai pas pu lui présenter ces observations que je viens de faire et qui, peut-être, l'eussent engagée à adopter quelques dispositions de nature à y faire droit. Je les soumets à M. le ministre de la justice et à l'honorable rapporteur de la commission ; peut-être trouveront-ils convenable de les discuter au sein de la commission. Je n'en fais pas, pour ma part, l'objet d'un amendement. Je m'en rapporte à la décision que la Chambre jugera convenable de prendre.
M. Pirmez. - Je m'empresse de reconnaître toute l'importance des observations qui viennent d'être présentées et sur l'objet desquelles, d'ailleurs, l'attention de la commission avait été appelée déjà ; aussi je ne m'oppose nullement à ce que la Chambre ordonne le renvoi de ces observations à la commission. Cependant, je crois devoir indiquer quels sont les motifs qui ont empêché qu'on ne s'y arrête.
Les observations de l'honorable M. Van Overloop portent sur trois points. Le premier de ces points est relatif au témoignage fait devant le juge d'instruction.
II est incontestable que celui qui, devant un juge d'instruction fait un faux témoignage commet un acte très blâmable, très répréhensible, qui peut occasionner au prévenu ou à l'accusé les dommages les plus graves.
A ce point de vue, il paraît naturel de punir le faux témoignage devant le juge d'instruction, mais voici les dangers qui pourraient résulter d'une prescription de ce genre. Jusqu'au moment où le tribunal n'a pas prononcé son jugement, il n'y a pour le prévenu, au point de vue légal, aucun mal irréparable ; nous rencontrons certainement les inconvénients de la poursuite et de la détention préventive, mais ce n'est pas là un mal qui puisse être comparé aux résultats d'une décision définitive, erronée, qu'il faut surtout éviter. Or, si vous prononcez une peine contre ceux qui font de faux témoignages devant le juge d'instruction, vous liez en quelque sorte ces témoins à leur parjure, vous les forcez à persévérer dans la même voie, à maintenir leurs faux témoignages pour ne pas encourir la peine qui devrait leur être infligée.
Voici, je suppose, un témoin qui a déposé contre l'accusé. Après son (page 103) audition devant le juge d'instruction, il se repent de ce qu'il a fait ; il voudrait révéler la vérité à la justice. Quelle sera sa position ? Si, cédant au cri de sa conscience, il vient dire qu'il en a imposé, il se livre lui-même à l'application d'une peine qu'il éviterait peut-être avec certitude s'il persévérait dans son parjure.
Punir le faux témoignage devant le juge d'instruction est donc fermer la voie au repentir, alors que le coupable peut encore prévenir les conséquences de son infraction. On peut même dire que la peine ne serait prononcée que pour ce cas, parce que si le faux témoignage est reproduit devant la justice criminelle, où le témoin sera presque toujours appelé, son auteur tombera sous le coup des dispositions que renferme le projet.
Il est important de ne pas rendre le retour à la vérité plus difficile qu'il ne l'est par lui-même. Des suborneurs de témoins n'ont quelquefois pas employé d'autres moyens que la menace d'une poursuite en faux témoignage pour obtenir que des individus qu'ils avaient amenés à une déclaration publique de certains faits faux maintiennent ces faits devant la justice.
On consent plus facilement à des déclarations inexactes dans le cabinet du juge d'instruction qu'à l'audience. Le ministère public et l'accusé ne sont pas présents, les circonstances de l'affaire sont moins connues, l'interrogatoire ne peut être poussé avec la même insistance. Si le témoin a failli dans cette procédure préparatoire, il faut qu'il puisse en parfaite sécurité revenir à la vérité, et au-dessus de tout il faut éviter de le mettre entre son intérêt et sa conscience.
Le second chef d'observations de l'honorable préopinant se rapporte à l'interrogatoire sur faits et articles.
La commission n'a pas prononcé de peine pour les fausses déclarations faites par les personnes interrogées sur faits et articles, voici ce qui l'en a empêchée.
Dans le système de nos lois de procédure, l'interrogatoire sur faits et articles ne doit pas être précédé du serment. C'est par une disposition étrangère au Code, par une disposition de 1814, si je ne me trompe, que le serment a été introduit. Ce serment a-t-il, oui ou non, changé la portée de l'interrogatoire sur faits et articles ? Il ne l'a pas changée, et c'est ce qui est généralement reconnu, l'interrogatoire conserve toujours la même portée.
Cet interrogatoire ne fait aucune espèce de preuve contre celui qui y fait procéder. Il peut bien compromettre la personne qui répond, mais il ne porte aucun préjudice à celui par qui l'interrogatoire est demandé. Des fausses déclarations ne constitueront donc au plus qu'un refus d'aveu, et non une lésion des droits de l'autre partie. S'il en est ainsi, il ne doit pas y avoir de pénalité.
Maintenant je m'empresse de reconnaître que l'état de notre législation n'est pas à l'abri de tout reproche sur le point dont il s'agit. La loi ne devrait pas faire répondre sous la foi de serment, alors qu'elle ne considère pas comme une preuve la réponse faite de cette manière.
Mais cette espèce de contradiction, comment devons-nous la faire disparaître ? Est-ce en supprimant le serment, ou en déclarant que l'interrogatoire constitue une preuve, auquel cas le système de l'honorable préopinant serait parfaitement applicable.
Cette dernière solution avait été donnée par un jugement du tribunal de Charleroi qui avait décidé que l'interrogatoire ne permettait plus que le serment litisdécisoire fût encore déféré. La cour de Bruxelles a admis d'autres principes, elle reconnaît que l'interrogatoire n'entraîne aucune espèce de preuve ; telle est l'opinion générale dont la Chambre ne voudra sans doute pas s'écarter.
Pour rétablir l'harmonie dans notre législation, il faudra donc prendre l'autre voie : supprimer le serment dans l'interrogatoire sur faits et articles. Mais cette question ne peut être examinée qu'en révisant les lois de procédure.
La Chambre comprendra, par ces explications, pourquoi la commission n'a pas ajouté au projet une disposition pénale qui eût été la consécration de l'arrêté de 1814.
Enfin, le troisième point des observations de l'honorable préopinant concerne le serment déféré devant le juge de paix. Faut-il, pour ce cas, prononcer une peine spéciale, ou le fait est-il suffisamment réprimé par les dispositions existantes ? Messieurs, la question revient à celle-ci : Le serment qui est prêté devant le juge de paix est-il un serment litisdécisoire, ayant la valeur du serment prêté en matière civile ? Le texte, de l'article 258 porte : « Celui à qui le serment aura été déféré ou référé en matière civile, et qui aura fait un faux serment sera puni d'un emprisonnement d'un mois à trois ans, etc. » Eh bien, le serment qui est déféré en conciliation, n'est-il pas un serment déféré en matière civile ? Si vous décidez l'affirmative, il est incontestable qu'une disposition nouvelle est inutile, parce que nous ne pourrions que reproduire les termes de l'article 248. Si l'honorable préopinant n'accordait pas au serment déféré devant le juge de paix cette même portée, s'il ne le considérait que comme une épreuve morale, sans résultat juridique, je crois encore qu'il ne faudrait pas prononcer de peine, parce que nous ne nous trouverions pas en présence d'une affirmation sous serment pouvant porter préjudice et que le code dont nous nous occupons doit prévoir.
Je dois dire, du reste, que les autorités que j'ai sous les yeux consacrent ce principe que si le refus de serment n'entraîne pas la perte du procès, lorsqu'il est prêté devant le juge de paix, il est un serinent litisdécisoire semblable à celui qui est prêté dans le cours de l'instance.
Une observation encore.
Je crois que l'honorable préopinant a accordé une portée trop grande à la peine qui garantit la sainteté du serment prêté lors des interrogatoires sur faits et articles et du serment prêté devant le juge de paix. La garantie de celui qui fait interroger sur faits et articles, de celui qui défère le serment devant le juge de paix n'est pas dans la peine qui peut frapper celui qui fait un faux serment. Car presque toujours, on peut dire toujours, lorsqu'on défère le serment, c'est qu'on n'a aucune autre espèce de moyen de preuve. On ne connaît que trop combien il se prête de faux serments, aussi n'a-t-on recours à ces moyens que lorsque les autres font défaut.
Celui qui fait un faux serment a la presque certitude de n'être pas puni, parce que la preuve de son parjure manquera presque toujours.
La garantie de celui qui fait interroger sur faits et articles, la garantie de celui qui défère le serment en matière civile ou devant le juge de paix, c'est la conscience de celui à qui le serment est déféré, et lorsque cette conscience lui fait défaut, quoi que vous fassiez, il aura employé un moyen fort peu efficace pour faire valoir ses droits.
M. Van Overloop. - Je ne me dissimule pas la gravité des objections qui ont été faites par l'honorable rapporteur de la commission relativement à la peine à appliquer aux auteurs des dépositions fausses qui auraient été faites devant le juge d'instruction. Aussi je l'ai déclaré, je n'entends pas soumettre d'amendements à la Chambre. Je désirerais cependant que la commission examinât la question. Ainsi ne serait-il pas possible qu'on fixât un délai dans lequel l'individu pourrait revenir de son faux témoignage, reconnaître la vérité, et échapper ainsi à l'application d'une peine.
Il y a d'autres dispositions du code pénal que nous avons adoptées dans lesquelles ce mode d'agir a été suivi.
Je ne demande qu'une chose ; n'y aurait-il pas moyen de concilier et le besoin de faire respecter la foi du serment fait devant le juge d'instruction et la nécessité de prévenir que l'intérêt personnel détermine un témoin à persévérer dans le mensonge ?
Quant à l'observation que fait l'honorable préopinant relativement à l'article 55 du code de procédure, je continue à douter que le serment qui aurait été prêté faussement devant le juge de conciliation tombe, dans tous les cas, sous l'application de l'article 240, puisse toujours être considéré comme un serment litisdécisoire dans la véritable acception du mot. Je puis me tromper ; mais si je ne me trompe pas, il me paraît qu'il y aurait lieu d'examiner s'il ne faut pas comminer une peine contre celui qui, dans ce cas, fait un faux serment.
Quant à l'arrêté-loi de 1814, c'est encore une question d'appréciation ; pour moi, je trouve que quand la loi remet aux citoyens un moyen de découvrir la vérité, ce moyen doit avoir une sanction. S'il n'en a pas, mieux vaut, je le répète, le supprimer. Or, aucune pénalité ne garantit le citoyen contre le faux serment en matière d'interrogatoires sur faits et articles.
M. Ch. Lebeau. - Je crois, messieurs, que le serment déféré par une partie à l'autre, devant le bureau de conciliation, est un serment litisdécisoire s'il est accepté et prêté. Cela résulte non seulement de l'article 55 du Code de procédure, mais encore des articles 1358 et 1363 du Code civil.
Voici ce que porte le premier :
« Art. 1358. Le serment décisoire peut être déféré sur quelque espèce de contestation que ce soit. »
L'article 1363 dit :
« Lorsque le serment déféré ou référé a été fait, l'adversaire n'est point recevable à en prouver la fausseté. »
Or, lorsque le serment a été déféré par une partie à son adversaire, devant le bureau de conciliation, et qu'il a été accepté et prêté, pourrait-on être admis civilement à en prouver la fausseté ? Evidemment non, car ce serait aller à rencontre de l'article 1363 du Code civil qui est clair sous ce rapport, et ne distingue pas si le serment a été déféré et prêté devant le tribunal ou devant le bureau de conciliation. Du reste, l'article 55 dit textuellement :
« Si l'une des parties défère le serment à l'autre, le juge de paix le recevra ou fera mention du refus de le prêter. »
Il est donc évident que le serment déféré et prêté devant le bureau de conciliation, rentre sous l'application de l'article 1363 qui porte sans distinction que lorsque le serment a été accepté et prêté on ne peut plus en prouver la fausseté par la voie civile, ; donc le serment déféré devant le bureau de conciliation est litisdécisoire, comme celui déféré et prêté devant le juge ordinaire.
Dès lors, l'article 240 du projet est applicable dans un cas comme dans l'autre.
Cette opinion, du reste, est aussi celle d'auteurs respectables. Ainsi, on lit dans le commentaire du code de procédure, de MM. Teuler et Sulpley, ce qui suit :
(L'orateur donne lecture de l'opinion de ces auteurs.)
Comme vous voyez, messieurs, ces observations tranchent la question dans le sens de l'honorable rapporteur.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je crois qu'il serait utile, si l'honorable M. Van Overloop veut soumettre à la commission les questions qu'il a soulevées, qu'il formulât des amendements, surtout en ce qui concerne les peines à comminer contre le faux serment prêté (page 104) devant le juge d'instruction et contre le faux serment en cas d'interrogatoire sur faits et articles. Ces amendements pourraient être renvoyés à la commission.
Quant à moi, messieurs, je pense qu'il n'est pas possible d'admettre des peines contre le faux serment prêté devant le juge d'instruction, non pas qu'il ne s'agisse d'un acte éminemment condamnable dont la répression aurait en outre un caractère moral, mais parce que cette répression aurait beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages. Il faut éviter jusqu'à jugement que le témoin soit lié par une déclaration antérieure. Aussi laisse-t-on toujours au témoin dont la véracité est suspectée, jusqu'à la clôture des débats pour se recueillir et se rétracter.
Quant au serment prêté à l'occasion de l'interrogatoire sur faits et articles, je suis d'avis qu'il faudra le supprimer quand nous réviserons le code de procédure. Il faut ici tenir compte de la position respective que l'on fait aux parties. Si l'on veut punir le faux serment prêté par celui qui est interrogé sur faits et articles, il faut, me semble-t-il, donner à cet interrogatoire une valeur, une force probante contre celui qui fait interroger.
Mais n'accorder aucun effet à la déclaration faite sous la fois du serment contre celui qui la provoque, et punir cette déclaration comme un faux serment, ce serait, en réalité, une délation de serment litisdécisoire qui ne lierait pas, en cas de prestation, celui qui l'a déféré, mais qui lierait celui qui l'a prêté. Et si ce système était admis, le serment litisdécisoire même n'aurait plus de raison d'être. On demanderait l'interrogatoire sur faits et articles ; celui qui provoquerait l’interrogatoire n'aurait rien à risquer, celui qui est interrogé aurait tous les inconvénients du serment litisdécisoire. Cela est inadmissible. Mais il ne faut pas prodiguer le serment, éviter surtout de faux serments impunis, il faudra abolir l'arrêté de novembre 1814.
M. Van Overloop. - Je voulais simplement soumettre mes observations à M. le ministre de la justice et à M. le rapporteur, pour savoir si elles ne leur avaient pas échappé. Si la loi avait été examinée par les sections, j'aurais pu les présenter dans ma section, et peut-être après discussion, aurais-je proposé des amendements ; mais le projet de loi a été examiné par une commission spéciale et l'honorable rapporteur nous a fait connaître tantôt que mes observations n'avaient pas échappé à sa sagacité.
- La séance est levée à 4 heures et un quart.